La station Montparnasse - Bienvenüe

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19 janvier 2021

8e billet et dernier arrêt de cette série consacrée aux stations de métro parisiens sur le blog Gallica : terminus à la station Montparnasse - Bienvenüe.  

Faire de la station Montparnasse - Bienvenüe un terminus n’est pas chose commune. Cette double station de métro est le principal nœud de transports en commun de la rive gauche. Elle figure parmi les cinq stations parisiennes les plus fréquentées annuellement et peut être précisément perçue comme un symbole des grandes interconnexion et intermodalité du réseau de transport parisien ; et ce avant même que 4 lignes de métro ne s’y rejoignent.
 

En effet dans les décennies précédant 1906, avant que la première station de métro ne soit créée et que les autres lignes ne la rejoignent progressivement au cours du premier tiers du XXe siècle, le quartier proche de la gare Montparnasse est déjà desservi par plusieurs omnibus et tramways hippomobiles.

L’encombrement y est cependant moindre qu’à la place de la Bastille ou qu’au « fameux carrefour des écrasés » rue du Faubourg Montmartre à la même époque. L’importance de l’extension des chemins de fer de l’Ouest à la fin XIXe et de la première gare Montparnasse, construite par l’État en 1852, est ici la principale raison de la desserte progressive du croisement du boulevard Montparnasse et de la rue de Rennes, non loin de l’avenue du Maine. La gare qui y est sise permet dès sa construction de relier Versailles, puis la Bretagne (Rennes dès 1857 puis Brest en 1865) en train express.
 

Les plans d’époque la dénomment indifféremment « embarcadère de Versailles », « gare de l’Ouest », « embarcadère de l’Ouest » ... L’édifice connait d’importants travaux d’agrandissement de 1860 à 1902 et l’appellation la plus commune à l’orée du XXe siècle demeure « Gare Montparnasse », comme en témoigne la couverture par la presse du célèbre accident d’octobre 1895, où un train express vint transpercer la façade de la gare.

Néanmoins la première station de métro construite près de cette gare prend dans un premier temps le nom de l’avenue la plus proche de sa situation précise, l’avenue du Maine. La station « Maine » est mise en service en avril 1906 sur la ligne 2 Sud qui relie alors les places de l’Etoile et d’Italie. La ligne 2-Sud est rapidement absorbée par la ligne 5 en octobre 1907. « Maine » fait désormais partie d’une longue ligne qui relie la place de l’Etoile à la gare du Nord en passant par le sud, notamment par les stations Denfert-Rochereau, Glacière ouPlace d’Italie. Comme l’ensemble des stations de ce tronçon, « Maine » intègre par la suite la ligne 6, temporairement en 1931 (pour mieux desservir l’exposition coloniale qui a lieu à la Porte dorée) puis définitivement en 1942.

La station Maine sur ce plan Taride de 1908. Elle figure alors sur la ligne 2S. La station sœur « gare Montparnasse » y figure déjà en anticipation alors qu’elle ouvre en avril 1910

En 1910, la station qui dessert la gare se dédouble rapidement, pour être sur le trajet de la section centrale de ligne 4, allant du nord au sud de Paris, de la Porte de Clignancourt à la Porte d’Orléans. Ce tronçon -où se retrouve donc la nouvelle station située sous le boulevard Montparnasse, place de Rennes (actuellement place du 18-Juin-1940)- est mis en ouvrage par la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris (CMP) et ouvre en avril 1910. Il relie la section nord Clignancourt – Châtelet, mise en service le 21 avril 1908, avec la section Raspail-Porte d’Orléans, inaugurée en octobre 1909.

Ainsi, quatre ans après la première arrivée du métro à proximité de notre gare de l’Ouest, une station de métro est nommée officiellement « Montparnasse » mais est parfois désignée commodément « Gare Montparnasse » sur certains plans. Les dénominations varient et même les plans les plus sérieux peuvent se perdre face à cette gémellité à la Dupond et Dupont : ce plan de l’éditeur Hachette de 1907-en détail ci-dessous- remplace « Maine » pour indiquer deux « Montparnasse » de chaque côté de la gare.

Les nouveautés ne sont pas finies pour 1910 puisqu'en novembre, la Société du chemin de fer électrique souterrain Nord-Sud de Paris, le « Nord-Sud », société concurrente de la CMP, ouvre sa première ligne. La ligne A relie alors la Porte de Versailles à Notre-Dame-de-Laurette en passant par la station Montparnasse. Ce changement offre plus d’options pour les usagers du rail de l’Ouest et quelques doublons voire triplons de points figurant les stations sur les plans. Le « Nord-Sud » est par la suite absorbé par la CMP en 1931 : la ligne A (prolongée depuis jusqu’à Porte de la Chapelle au nord) devient alors la ligne 12 du réseau parisien.

À la même époque, la gare se dédouble également ! En effet le trafic ferroviaire en constante augmentation dans les années vingt oblige à découpler le service dans deux gares distinctes : les trains de banlieue dans la gare Montparnasse originelle et les grandes lignes d’État dans des extensions « arrivée » et « départ », créées respectivement en 1929 et 1938, et situées plus au sud, à proximité de la place du Maine. La gare dite « du Maine » est alors construite dans un style art déco et est desservie par une nouvelle ligne mise en service en janvier 1937, la ligne 14. Il ne s’agit bien sûr pas de la ligne 14 dite Meteor, bien plus récente, mais de la partie sud de ligne 13 (les lignes 13 et 14 fusionnent en 1976). Cette première ligne 14 permet de relier Porte de Vanves à Invalides, en passant donc par la récente gare du Maine. Paradoxalement, les voyageurs des grandes lignes ne s’arrêtent plus à la station de métro « Avenue du Maine » : celle-ci a été renommée, en 1933 en même temps que la place du même nom, « Bienvenüe ».
 


La station Bienvenüe au croisement de la ligne 5 et de la ligne 13 sur un Plan de Paris et sa banlieue, édité par Taride en 1934 
 

En 1937, quatre stations aux alentours des gares Montparnasse sont donc opérationnelles. Un grand couloir de correspondance est aménagé pour les relier, comme l’illustre le billet « Un jour, une station : Montparnasse-Bienvenüe hommage au père du métro » sur le site la RATP.

En 1942, la section Étoile-Italie de la ligne 5 rejoint la ligne 6 qui prend alors sa configuration actuelle et la même année a définitivement lieu la fusion de Bienvenüe (station qui accueille donc la ligne 6 et l'ancienne ligne 14) avec Montparnasse (lignes 4 et 12). Le nom « Montparnasse-Bienvenüe », qui subsiste jusqu’à nos jours, met donc fin à plusieurs décennies de complexité et de changements toponymiques, grandement causés par la densité et le caractère mouvant du nœud ferroviaire situé à proximité du boulevard Montparnasse. Ce complexe ferroviaire est bouleversé une ultime fois à la fin des années soixante, avec la destruction de la gare originelle de 1852 pour faire place à l’actuelle gare Montparnasse, à l'emplacement de l'ancienne Gare du Maine, et à la Tour Montparnasse sur l'emplacement originel.  

La station Montparnasse-Bienvenüe c’est aussi (et surtout) : un nom en hommage à Fulgence Bienvenüe.

Le nom composé de la station est le dernier dédoublement de cette station plurielle. La première partie du nom est davantage en rapport avec la gare et le boulevard Montparnasse qu’avec l’ensemble du quartier. En effet, la dénomination de « quartier Montparnasse » correspond plus à une somme de quartiers, dont le 53e quartier administratif de Paris, dans le 14ème arrondissement, qu’au simple emplacement historique des gares. La desserte par le métro de « Montparnasse » (le quartier) est également assurée par les stations Edgard-Quinet, Gaité, Vavin... C’est d’ailleurs à proximité de cette dernière station que se situait la « butte du Mont Parnasse », désormais arasée et à l’origine du toponyme. Il s’agit d’un surnom du XVIIe siècle, qui serait rentré dans l’usage, en référence au Parnasse grec.

Loin de la Grèce, plus proche de Paris, la station Montparnasse, c'est finalement en 1933 un hommage de son vivant à celui qu'on appelle aussi « le père du métro », Fulgence Bienvenüe (1852-1936).

 

Né à Uzel en Bretagne le 27 janvier 1852, Fulgence Bienvenüe entre à Polytechnique en 1870 puis est nommé ingénieur des Ponts et Chaussées à Alençon en 1875. Sa carrière est marquée par les chemins de fer : construction du chemin de fer de Fougère à Vire, puis des tronçons de la ligne d'Alençon à Domfront. Un accident de chantier en 1881 manque de lui coûter la vie mais lui vaut également la Croix de la légion d'honneur. Nommé au Service municipal de la voie publique à Paris en 1886, il s'occupe de divers projets comme « le percement du boulevard de la République, le funiculaire de Belleville » ou de « l'installation de services de destruction d'ordures dans le 19ème arrondissement ». En 1891, il dirige des travaux de captations des eaux pour l'alimentation en eau potable de Paris.

En 1896, Fulgence Bienvenüe dresse un avant-projet de métropolitain à traction électrique, déclaré d'utilité public en 1898. Dès lors c'est lui qui dirige les travaux de l'infrastructure du métropolitain et participe à la supervision des chantiers jusqu’à la ligne 14 qui passe par Montparnasse. Son nom est opportunément attribué à l’une des plus bretonnes, vastes et complexes stations du métropolitain parisien.

Pour aller plus loin 

- Retrouvez d’autres ouvrages sur le métro sur la page transports en commun de la sélection Gallica dédiée au transport de passagers.
- A consulter également sur le site de la RATP la page consacrée à Fulgence Bienvenüe et le billet "un jour, une station" sur Montparnasse - Bienvenüe 
- L'ensemble des plans de métro disponibles dans Gallica
- L'ensemble des billets du blog Gallica consacrés au métro parisien
- Présentation en direct dans Gallica part en live à l'occasion des 120 ans du métro parisien