Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-12-27
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 27 décembre 1886 27 décembre 1886
Description : 1886/12/27 (A8,N2596). 1886/12/27 (A8,N2596).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/07/2012
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GIL BLAS. — Lundi Oécemtbre 1880..1,
vertu de votre femme? Cette chère Fran-
cine ! - ,"
— Oh ! non. Francine est la vertu
même ! Mais. c'est que si nous sommes
mariés depuis quatre mois, Francine est
enceinte.depuis. six moi
- Quoil. vous?.
- Oui, docteur, répliqua Sosthènes, en
baissant les yeux, Je l'aimais tant et j'a-
vais si peur que mariàge ne manquât !
Le doetear fronça le sourcil et, d'une
voix plus sévère :
— Oui, oui, je sais. Vous étiez aux i
trois quarts ruiné. Francine a eu un mil-
lion de dot. Je comprends que' vous ayez :
pris. des arrhes. i
— Vous êtes sévère ? docteur.
— Je suis triste. quand je pense que
cette jolie petite Francino, bien élevée
par une mère pieuse, avec une sœur qui 1
semblait si bien veiller sur elle !. Fiez- 1
vous donc à cas minois innocents ! Je sais
bien.
Avec une ironie profonde dans le, re.
gard, le docteur se mit à contempler Sos-
thènes, et le trouva fort beau, trop beau <
pour un mari. :,
il soupir ; sa colère se détendit. D'ail-
leurs la gène de Sosthènes continuait et
s'augmentait : ;
— Il faut que votre beau-père ignore :
tout, dit-il d'un de compassion; votre
belle-mère aussi:
— Ma belle mère, surtout ! clama Soa- j
thènes avec angoisse. ',.
— Elle est pourtant bien bonne, bien
indulgente. Sa vertu, aimable comme sa
beauté, fléchira devant votre repentir.
— Non, non, je vous en supplie, doc-
teur, quelle ne sache rien ! ,,'
- Ah ! vous en avez trop peur! mais ,
cela suffit. Je vais chercher un moyen, j
prescrire un long voyage avec vous. En-
fin !. soyez tranquille. Je tàcherai de
bien mentir.
— Merci, merci, dit Sosthènes, en ser-
rant les mains du docteur, avec effu-
sion. '.,',
oco
Il s'était levé et. se rassit, comme un
homme qui aeucore des confidences à
faire.
Le docteur se méprit à sa contenance
- Allons, mon aini, comme c'est une
faute que vous ne pouvez plus recom-
mencer, je vous pardonne mes illusions
flétries, Rassurez Franciae.
- Oui, ducteur, mais c'est que.
— Qu'est-c qu'il y a de plus ? ,
— C'est que ma femme; seuie n'est pas
enceinte; m~-sœur aussi.
Le docteur poussa un cri, s'élança de
son fauteu.l eL menaçant de ses mains, de
ses yeux :
f— Quoi, vous auriez osé ?
— Docteur, balbutia Sosthènes défail-
lant, rappelez-vous qu'on voulait, marier
l'aînée avant la cadette. Mademoiselle
{Sophie refusait. je me suis fait un point
d'honneur de me faire aimer d'elle. Je
désirais tant entrer dans la famille!
— Vous le désiriez trop. Pauvre So-
phie! Et de quelle date?.
— A peu de chose près à la même
époque.
— Je comprends maintenant la tristesse
de Sophie, depuis le mariage de sa sœur
ce que je p'. mais pour de la. prévention
était de 18 raucuue Ah! malheureux!
malheureux!. Pourquoi ne l'avoir pas
épousée ?
— J'aimais mieux sa sœur, avoua bête
ment Sosthèues.
— Vous voulez dire qu'elle vous a re-
poussé, chasse, préférant la honte à un
mariage avec le lâche qui l'avait séduite?
Oui, je me ouviens, elle vainquit la ré-
sistauce de ses parents : elle aida à hâter
votre mariage. Elle me demanda un jour
un rendez-vous paur me consulter, puis
elle le contre-manda Pauvre enfant ! Elle
était dans le vrai, quand elle parlait du
couvent et mène du suicide en, plaisan-
tant? Que faire? que faire ? Allez-vous-en,
monsieur, vo>re vue me fait bien du mil.
Le bon d cteur pleurait presque. Sos-
thènes, toujours confus, ne bougeait pas
— Avez-vous- des détails particuliers à
me donner? demanda brusquement le
médecin.
— Oui, je n'ai pas tout dit, répondit
Sosthènes d'une voix étranglée.
— Parlez ! parlez vite.
— Eh bien, docteur, méprisez-moi da-
vantage encore, ma belle - mère , elle
aussi.
— Comment î elle enceinte ! Ce n'est
pas vrai î
- Je vous jure.
— Au fait, elle est souffrante. Ainsi,
vous aviez commencé sans doute par la
mère ?
— Commencé ? Non. Mais je désirais
tant ce mariage!
— Oh! ce sera le châtiment de votre
convoitise d'argent que ce faux petit frère
ou une fausse petite sœur, arrivant pour
partager l'héritage ! Il y a là au moins un
mari.. — Comment, cette excellente
mère?. Vous me vieillissez bien!
— Docteur, je vous en prie, sauvez
l'honneur de la famille.
— Vous y songez un peu tard, à l'hon-
neur ?
- J'ai songé d'abord à mon amour.
- Dites à votre intérêt. Allez-vous-en.
Si je disais tout au mari, au père ? Il vous
tuerait, et il ferait bien.
- Ce serait une catastrophe épouvan-
table. Je vous jure que j'aime bien ma
femme !
Le docteur ne jugea pas à propos de
lui rien dire de plus. Il était tombé dans
une rêverie dont le beau Sosthènes ne
jugea pas à propos de le tirer. Il en pro-
fita pour partir.
sro
Le problème est donc celui-ci : dissi-
muler la grossesse de la femme, ou plu-
tôt lui donner une date qui ne soit pas uà
aveu. Quant à la mère, il s'agit de savoir
si le mari, par ses assiduités., ne peut pas
endosser la paternité que lui a infligée
son gendre.
Il ne faut pas renouveler ce qui a été
dit au dix-huitième siècle, à propos de
la grossesse de Mme du Châtelet. Comme
celle-ci, enceinte des œuvres de Saint-
Lambert, s'avisait d'aller rejoindre son
mari à Bercy, on murmura dans le monde :
— Quelle envie subite est donc venue
à Mme du Châtelet d'aller voir son mari ?
— Bah ! répoadait-on, c'est une envie
le femme grosse
Il reste au pauvre docteur la tâche de
dissimuler la grossesse de la sœur aînée.
C'est ce problème qui l'embarrasse et
pour lequel je fais un appel au public.
Quelqu'un voudrait-il demander la main
de la jeune fille en question ? Il aurait le
bénéfice d'un enfant tout créé et une belle
fortune. Il est impossible qu'il ne se
trouve pas des amateurs d'une grosse
dot. Je ne parle pas du mérite de sauver
l'honneur d'une famille. C'est la dernière,
des considérations qui puisse tenter l'hé-
roïsme d'un prétendant. On n'a plus, de
nos jours, assez de vertu pour cela.
LOUIS ULBACH.
———— ———-.
La Guerrs n'est pas en vue!
Nous sommes légèrement scandalisés
— pourquoi ne l'avouerions-nous pas ? —
de la singulière attitude d'un certain nom-
bre de nos confrères. Depuis plus d'une
semaine nous assistons, sans rien y com-
prendre, à l'incroyable sabbat auquel ils
se livrent, évidemment sous l'empire d'un
sentiment qui nous paraît être celui de la
peur. à moins que .ce ne soit celui de la
passion politique.
A les entendre, une guerre serait immi-
nente. L'Allemagne menacerait notre
pays par de formidables concentrations
de .troupes en : Alsace-Lorraine - et ail-
leurs. L'empereur Guillaume, le prince
de Bismarck et 1 le. feld-maréchal de
Moltke estimeraient que l'heure est on ne
peut plus favorabte à une action militaire
et et ils se prépareraient fébri- ■;
lement à une nouvelle invasion de notre
pays. Sur quoi ces confrères se fon-
dent-ils pour faire, de si lugubres prQphé- 'j
iies, pour alarmer si fortement l'opinion,
pour arrêter la nation dans son œ ivre ré-
paratrice et féconde 2 Ont-ils la preuve
de ce qu'ils avancent ? Savent-ils perti-
nemment que derrière les Vosges deux
cent mille soldats allemands attendent,
prêts à franchir la frontière, les ordres
dé leur état-màjor général?.Sont-ils cer-
tains que les trois principaux auteurs de
l'unité allemande aient pris la suprême
résolution de jeter encore une fois leur
pays dan? une guerre terrible ? Ces mes-
sieurs ne nous en voudront pas, assuré-
ment, si nous prenons la liberté de leur
dire qu'ils n'ont aucune certitude, qu'ils
ne savent rien, qu'ils ne possèdent au-
cune preuve et que. par conséquent,
tout ce qu'ils écrivent sur l'imminence
d'u ie guerre entre l'Allemagne et la
Frauce est dénué de sérieux et d'auto-
rité, et ne mérite aucune espèce de
créance.
Nous avons lu, comme tout le monde
•t le plus attentivement qu'il nous a été
possible, le discours de M. de Moltke et
les déclarations du ministre de la guerre.
Brousart de Schellendorff; nous avons
lu, disons-nous, ce discours et ces décla-
rations, mais nous avouons humblement
n'y avoir rien trouvé qui fût une menace
l'adresse de la France. Le généralis-
sime de l'armée allemande et le ministre
de la guerre ont tenu le langage le plus
àropre à amener le Reichstag à adopter
la loi sur le septennat militaire. Inférer
autre chose de leurs paroles, ce serait, à
notre sens, les torturer étrangement,
Rien à dire de M. de Bismarck. Il était
et est encore absent de Berlin, et, jus-
qu'ici du moins, il ne s'est livré à aucune
énonciation tendant à faire connaître le
fond de sa pensée. Quant à l'empereur
Guillaume, il n'a fait, à notre connais-
sance, de confidences à personne relati-
vement à ses prétendus desseins belli-
queux. Nous avons lu, il est vrai, ces
derniers temps, un certain nombre d'ar-
ticles haineux dans quelques feuilles
d'outre-Rhin, mais qu'est-ce à dire ? Que
leur ton agressif présage une guerre pro-
chaine ? Aucunement. La plupart de ces
feuilles nous ont été de tout temps fran-
chement hostiles. Il paraît que si-elles
laissaient passer un mois sans manger
du Français, leur clientèle très spéciale
réclamerait. On s'est h tbitué à regarder
comme écrite sous l'inspiration repti-
lienne toute élucubration paraissant dans
les journaux allemands, tandis que, le
plus souvent, il ne faudrait y voir que de
pures considérations de tirage.
Les épeurés s'imaginent voir un symp-
tôme de la guerre imminente, qu'ils vati-
cinent si furieusement, dans le rappro-
chement qui vient d'avoir lieu entre la
Russie et l'Allemagne. — « La Russie,
s'écrienwls, a donné carte blanche à
l'Allemagne ». Qu'ils se rassurent. La
Russie n'a donné carte blanche à per-
sonne Depuis des années déjà elle est
l'alliée de l'Allemagne, contre laquelle
elle n'entreprendra rien, vraisemblable-
ment. De son côté, l'Allemagne ne s'op-
posera point au triomphe de l'influence
russe eu Bulgarie. Mais il est profondé-
ment absurde de prétendre que l'alliance
russo-allemande vient de se consolider
sur notre dos. La Russie, qui sait de
quelle importance est la France pour
1 Europe, voire pour elle même, se gar-
dera soigneusement de faire le jeu de ses
ennemis.
Mais n'ayons en vue que l'Allemagne.
Cette puissance serait donc désireuse de
reprendre contre nous les armes qu'elle
a déposées il y a tantôt seize ans ? Sa si-
tuation le lui permettrait donc ? Voyons
un peu où en est l'unité nationale ? Elle
est faite officiellement ou, si l'on veut,
matériellement; elle ne l'est point mora-
lement. Le particularisme éprouve une
recrudescence de vie, le nationalisme s'a-
gite étrangement et le socialisme prend
un développement inquiétant pour l'exis-
tence de l'Empire. Des difficultés d'ordre
intérieur d'une gravité extrême occupent
et préoccupent à bon droit le gouverne-
ment. Mais, ce n'est pas tout. L'Allema-
gne est sans doute à la veille de grands
événements. Celui en qui s'incarne l'unité
de la patrie est mourant. Il s'en va à vue
d'oeil, les heures, les instants lui sont
comptés. Demain, peut-être, l'Allemagne
impériale se prosternera sur la tombe de
sou grand empereur. Celui qui personnifie
la gloire militaire et à qui sont dûs les
succès inespérés des armées allemandes
tire rapidemement à sa fin, lui aussi. Très
certainement, le « penseur des batailles »
ne conduira plus ses soldats à la victoire.
Celui qui par son génie politique a fait
l'Allemagne puissante se trouve égale-
ment brisé par l'âge. Que fera-til le jour,
si prochain, où la mort l'aura confiné dans
l'isolement, en lui enlevant ses deux puis-
sants auxiliaires : le grand monarque, le
grand général ?
Et l'on ose affirmer que M. de Bis-
marck est fatigué de. la longue et féconde
paix qui existe entre l'Allemagne et la
France ! Et l'on ose prétendre qu'il es-
time que le moment psychologique est
venu de reprendre sa politique de » sang
et de fer ». On veut rire, évidemment.
Troubler la paix de l'Europe à l'heure
présente, lorsqu'on est le chancelier de
l'Empire germanique, ce serait faire œu-
vre d'idéologue, de rêveur ou d'imbécile.
M. de Bismarck n'a aucun titre à l'un de
ces qualificatifs.
ANGE MORRE
-+
INFORMATIONS
Le chancelier russe, M. de Giers, vient d'a-
dresser aux ambassadeurs de Russie, Constan-
tinople, Paris, Londres, Rome et Vienne, une
assez longuo circulaire dans laquelle il expose
et justifie la marche suivie par le cabinet impé-
rial relativement aux affaires de Bulgarie.
Ce document se termine comme il suit :
« La Russie qui açréé, la-Bulgarie ne veut
certainement pas attenter à son indépendance.
Elle veut la lui rendre. Elle a le droit et le de-
voir de ne point permettre que le peuple bul-
gare, pour lequel elle a combattu, — le peuple
qui ne fait pas de politique, mais qui travaille,
veut vivre on ordre et en paix et contient en lui
le germe de l'avenir'du pays, — soit opprimé
par une minorité d'agitateurs radicaux, détourné
de sa voie naturelle et transformé en un foyer
d'anarchie, de révolution et d'hostilité envers la
nation qui l'a appela à la vie et n'a pas d'autre
désir que de la lui conserver.
» Sa Majesté l'empereur ne renonce pas à
l'espoir d'atteindre ce but. Sa Majesté continuera
à y vouer ses efforts. Elle veut le poursuivra par
des voies pacifiques et sans s'écarter des traités
tant qu'ils seront également respectés par les
autres puissances.
» C'est dans ces conditions que notre Auguste
Maître attendra le développement de la situa-
tion.
» Veuillez donner lecture de la présente dépêche
à M. le ministre des affaires étrangères et lui
en laisser copie si Son Excellence le désire.
» Signé: GIERS. »
X
- M. de Brazza a été reçu vendredi matin par
M. le président de la République etdans l'après-
midi par M. Goblet, président du conseil des
ministres.
Les difficultés qui s'étaient élevées entre l'ad-
ministration des colonies et le commissaire gé-
nérai au Congo et au Gabon paraissent apla-
nies, et M. de Brazza est tout ,. disposé à pour-
suivre. la mission qu'il avait acceptée.
X
Par décret du président de la République, en
date du 24 décembre 1886, rendu sur la proposi-
tion du ministre des finances r
M. de M àrcillac, payeur central de la dette
publique, a été nommé caissier-payeur central
du Trésor public, en remplacement de M. Chazal,
admis à faire valoir ses droits à la retraite.
M Alem, sous-directeur du personnel, a été
nommé payeur central de la dette publique, en
remplacement de M. de Marcilla.c, appelé à d'au-
tres fonctions.
Georges Duret.
———————————— ————————————
LA VIE A PARIS
CHANSONS D'ANTAN
25 décembre 1886.
Dès qu'une scie de café-concert réussit, fait
le tour de Paris, va de gosier en gosier et
d'oreille, en oreille, hurlée du matin au soir
et du soir au matin par les habitants de la
capitale, des journalistes graves lèvent l'éten-
dard de la révolte, et - laudatores temporis
actif comme dit Horace, — protestent contre
les chansons nouvelles au bénéfice de celles
d'autrefois ; tel, qui cependant n'a pas encore
de blancs cheveux,, s'indigne de la bêtise
contemporaine et réclame la bonne romance
de nos pères ; tel autre, pour qui l'invasion
des cafés-concerts n'a de comparable que l'in-
vasion des barbares, réclame, prophète du
grand art, « Je vais revoir ma Normandie. »
Cela arrive tous les ans, comme.la chute des
feuilles; cela vous a la régularité périodique
des phases de la lune, et avant-hier le Bi du
bout du banc a été solennellement honni au
nom du sens commun et de la poétique d'an-
tan ; le bon Caliban s'est fait l'exécuteur de
cette chose saugrenue et ce révolutionnaire
de l'avenir a versé des larmes sur le passé.
Je les ai peu entendues ces chansons que
l'on appelle les chansons de nos pères ; sans
doute j'ai le souvenir, dans la grande salle à
manger où dînaient mon père avec ses frères,
sous la présidence de l'aïeule, que l'on de-
mandait à ma mère de chanter et que tous
étaient émus à l'audition de cette romance,
qu'accompagnait en sourdine le pétillement
du chanvre sec et des sarments :
Pauvre berger breton.
Qui n'avait rien que sa chaumière.
Aimait une oavrière.
Le nom de Loïsa Puget était applaudi, car
sur ces vers, elle a composé une musique
touchante"; il y avait des larmes dans tous
les yeux, et encore aujourd'hui je ne puis en-
téndre sans un plaisir infiniment doux le ré-
cit du sacrifice de ce pauvre berger si simple,
si naïf et si grand.
Cette romance et quelques autres méritent
sans doute d'être retenues, mais combien
sont rares celles qui, comme elles, sont di-
gnes d'être rappelées i Tenez, je les ai relues,
les vieilles chansons de nos pères, relues avec
soin et, dussé-je me faire honnir par Cali-
ban, je déclare net que la plupart sont ab-
surdes, remplies de sentiments faux, et que
les chansonniers d'aujourd'hui valent ceux
d'alors. Ce n'est pas le même genre, mais
c'est tout aussi tout spirituel, — ou tout aussi
bête.
Je n'insisterai pas sur la Sœur du beau
gonfalonnier, sur le Vieux cheick de Dumas,
musique de Reyer, avec ce refrain :
lis ont pillé les gourbis de nos pères.
fm Je triompherais trop facilement : je ne rap-
pellerai pas cette chanson où l'auteur donne
un féroce croc-en-jambe aux lois qui régen-
tent le syllogisme :
J'aime à chanter quand arrive te soir,
Voilà pourquoi je suis Napoliaine.
J'arrive à des succès d'antun, plus connus
encore.
Voici d'abord, dans un salon, le jeune
homme fatal qui s'avance ; il passe ses doigts
pâles dans sa crinière de lion et rugit :
Où sont les âmes
A consumer ?
Allons, mesdames,
Qui veut m'aimer ?. (bis)
Et la mélodie, au piano, fait un bruit de
tempête. Peu engageant, de nos jours,
n'est- ce pas ? Ça plaisait alors, et le jeune
homme fatal épousait la jeune vierge qui
l'avait écouté, bouche bée.
Dans le salon voisin, c'est un homme déjà
d'un certain âge qui ne craint pas de chanter
Charles-Quint :
Que d'amertume il reste au sein de l'âme
Quand on a vu de près l'humanité!
Chétifs mortels que la tombe réclame,
Où cherchez-vous votre immortalité?
J'ai. -comme un dieu, dirigé le tonnerre,
Et notre Espagne exalte mes hauts faits,
Je porte au front Les palmeslade la guerre
Et j'ai besoin de conquérir la paix ! )
Le masque de fer aussi avait une saveur
étrange; Boieldieu en avait écrit la musique:
Le jour s'enfuit au loin et l'étoile rayonne;
La cloche tout là-bas dans l'air vient de gémir;
De diamants la nuit parsème sa couronne.
Que je serais heureux si je pouvais dormir !
Car je suis toujours seul avec ma peine amère :
Moi, de pas un ami, je n'attends le retour,
Moi, je n'ai pas connu les baisers d'une mère,
Et pour elle, ô mon Dieu, j'aurais eu tant d'amour 1
Et le public éclatait en sanglots.
Un autre bon jeune homme regrettait Gré-
nade sur une mélodie de Paul Henrion ; il
jure de ne point perdre le souvenir des caval-
cades, des alcades, des sérénades; c'est gen-
til de sa part; il ajoute que toujours il enten-
dra le chant de l'hidalgo :
Et les doux sons de la mandore,
Frémissant sous les doigts légers
De la jeune fille du Maure,
Qui venait sous les orangers
Chercher le calme et les ombrages
Du printemps, qui règne toujours,
Pour chanter des Abeacérages,
Et le combat, et les amours.
Adieu 1 adieu 1 Grenade, etc.
Une dame en turban exclame avec trois
dièzes à la clef ;
Oscar s'avance, Oscar, je vois Oscar !
Et tout le monde frémit.
Plus tard M. Nuitter cède & son époque -
comme nous à la nôtre, parbleu! — et com-
met {1857) La fille du golfe, musique de Deli.
bes : :.
Oui, sans retard, amis, sur l'onde amère,
A vous suivre, me voilà prêtl
Ma barque est là qui se beree, légère,
Mes avirons sont foits, et c'est ma mère -
Qui tressa mon filet 1
Mi, ré, si, ré, do dièze, si. Le chœur re-
prend :
C'est an beau jour.
Un nouveau pêcheur s'apprête
A nous suivre sur les flots.
L'ouvrier fait plus tard son apparition dans
les cafés-concerts; le peuple réclame; avec
Dafcier, on entend la voix de ceux qui souf-
frent et de ces sentiments précieux, cherchés,
on passe à des chants plus virils :
AIR : Tu ne vois pas, jeune imprudent.
Reprenez votre capital!
Croyez-vous que rien ne le vaille?
Vous qui, dit haut d'un piédesial,
Regardez l'homme qui travaille. ; -
L'argent n'est pas le seul pouvoir ;
A mon orgueil qu'on le pardonne.
Mais le bras qui le fait valoir
Vaut bien la bourse qui le donfte ! 1
C'était signé, cela, non Darcier, — un maî-
tre - mais Cormon, Grangé et Saint-Arnaud,
tate : l'Argent et le Travail. On voyait encore
dans cette pièce dont les cojplets eurent le
succès d'une scie de concert :
AIR : Connaissez mieux le grand Eugène (!!)
Vous travaillerez. oui, j'y compte !
Et de vous seuls vous voudrez tout tenir,
Pour le présent, sans regret et sans honte,
Comme sans peur pour l'avenir,
Ne redoutez pas l'avenir !
Car maintenant, la France, bonne mère,
De ses enfants n'exigeant quo du cœur,
A du travail pour la misère
Et du pain pour lo travailleur !
Trente-huit ans avant les meetings de la
place de l'Opéra!
On avait encore, alors : Khatidja, ma maî-
tresseou bien : Ne railler pas la garde ci-
toyenne, le Fleuve de la vie, ou ailleurs, le
Vrai Buveur. - : ,,'
Aussitôt que la lumière
A redoré nos coteaux,
Je commence ma carrière
Par visiter mes tonneaux.
Ravi de revoir l'Aurore,
Le verre en main, je lui dis :
Vois-tu, sur la rive maure,
Plus qu'à mon nez, de rubis?
Voilà une chanson pour Bourgès, n'est-ce
pas ?
On nous parle aussi de pudeur, d'honnêteté
d'autrefois que l'on oppose à notre déver-
gondage actuel. Exemple : les Suites de l'o-
rage. Une jeune bergère, surprise par l'o-
rage, entre dans une grotte avec ua berger ;
Àmour les surveille :
Ce dieu, pendant l'orage,
Profite des momeRts.
Caché dans le nuage,
Son œil soit les amants;
Lise., de son asile.
Sortit d'un air confus ;
Le ciel devient tranquille :
Son cœur ne l'était plus.
Eh? eh? ailleurs, c'est là leçon de l'Amour :
Sons les ormeaux, dont le mobile ombrage
Vous garantit des feux de la saison,
; L'Amour, exprès, fit verdir ce gazoa..
D'un lit si doux vous ignorez l'usage,
, Pauvre Myrra,
Suivez Tircis, Tircis vous l'apprendra
Ça n'est pas plus malin que cela et ça ne
faisait rougir personne. Mais j'arrête ces ci-
tations ; si l'on cherchait bi-en daus le réper-
toire moderne, depuis Darcier et la Tour
Saint-Jacques, on trouverait des choses char-
mantes. ue fût-ce que les Deux pigeons, la
Lettre de la cousine, la Chanson des nids,
d'A. Clément, et mille autres romances
pleines de sentiment qu'ont chantées, que
chantent les Judic, les Granier, les Duparc et
autres étoiles qui eurent ou ont encore le
café-concert comme piédestal. Dans le genre
satirique, Jules Jouy a fait merveille et Alexis
Bouvier a été, est, un puissant de la chanson.
Tout cela, mon cher Caliban, ce sont des
blagues ! On est de son temps et, plutôt que
d'en chercher les défauts :
C'est par les beaux, côtés qu'il le faut regarder.
Le passé est. passé ; il a eu ses bijoux.
nous avons les nôtres. Remontez encore, si
vous voulez, dans le passé. plus que
passé, au moyen âge et vous verrez que la
scie contre laquelle on proteste, a toujours
existé; entre Rabelais et Voltaire, on a t'ait
des monologues, chanté des reirains à con-
sonnances bizarres sans cesse répétées ; c'é-
tait, sur les tréteaux, la joie des badauds, des
unatagots et des gogots, parleurs d'argot, ap-
plaudissant tout de go - et vous, vous nous
montez un bateau.
Qu'en pensez vous donc, Caliban,
Sur le bi, sur le bout, sur le bi du bout du banc ?
Notre époque vaut bien l'ancienne, elle est parfaite,
Bobo, bobino, panpan, bobinette,
Bobo, bobino, bobinett', panpan !
MIRLITON.
ilfir r s
PEINTRES ET SCULPTEURS
HECTOR LEROUX
Il faut à ce peintre le passé dont on rêve,
les Véaus toutes nues, les Vestales, les
grands bas-reliefs, les portiques de granit,
le cirque où sur les hauts gradins se pen-
chait tout un peuple sur un combat de gla-,
diateurs ou sur une chasse aux martyrs,
unissant ainsi l'homme à l'architecture, et-
iaisant revivre tout un monde disparu.
Il a étudié l'autiquité grecque et romaine,
essayant de reconstituer les mœurs, les usa
ges, les arts, les costumes, les attributs re-
ligioux, etc., etc., avec la persistance et
l'âpre ténacité de l'historien et de l'archéolo-
gue.
Ces études avaient surtout pour but de lui
permettre de peindre des sujets de l'anti-
quité avec une vérité absolue, ce qui fait
qu'outre les qualités d'art, ces toiles présen
ter un intérêt particulier qui. s'attache à
tout ce qui nous montre les hommes et les
choses de la plus grande époque pour la so-
ciété humaine et pour l'art Et quand Je
peintre nous parle de ce passé, quand il
nous fait pénétrer dans la vie intime des
hommes de l'antiquité, non pas selon les for-
mules traditionnelles, mais selon les docu-
ments irrécusables de l'époque, qui fourtnil
lent sur le sol de la vieille Italie, nous éprou-
vons une immense satisfaction à les con-
templer, notre imagination se rapproche des
temps passés, et il nous semble les voir
vivre.
{;¡O>,"i
Hector Leroux est né à Verdun. Dans les
concours de dessin des écoles de la Ville, il
s'était fait remarquer pour ses aptitudes ar-
tistiques. et sur la recommandation de ses
pro esseurs. le conseil général au départe.
ihent lui alloua six cents francs dè pension
pour étudier la peinture à Paris. C'était peu,
mais le jeune homme était doué, d'une vo-
lonté extraordinaire et capable de fournir une
formidable somme de travail ; quelques tra-
vaux, tels que lithographies, dessins de
journaux de modes, etc., le firent vivre à
luise, et lui permirent de suivre régulière-
ment les cours de 1 Ecole des beaux-arts et
de l'atelier P~)~
Aux Beaux- Aucun N'obtint toutes les récom.
penses, puis il fut admis au concours de
Rome où il remporta le second grand prix.
Malgré cet insuccès, car il s'en fallut d'une
voix pour que le premier prix lui fût décer-
né, il partit à ses frais pour la Ville éter-
nelle. Là il rencontra Henner, Bonnat, Cha-
pu et Jules Lefebvre; mais au bout de leur
trois ans de pensionnat révolus, ces artistes
rentrèrent en France, tandis que lui demeura
sept ans en Italie. Il avait voulu, sur les
lieux mêmes, étudier l'histoire politique,
militaire et sociale du peuple de l'ancienne
Rome.
Ses premiers envois furent très remarqués
au Salon, il fut trois fois médaillé et décoré
en 1868.
-1 Les brillants débuts sont 'généralement
suivis d'une chute rapide ; il suffit, souvent
d une heureuse inspiration pour que le pein-
tre dépasse de beaucoup la moyen .e de son
talent. Aux expositions suivantes, il reste
au dessous de ce qu'il avait fait espérer,
alors le prestige tombe et le sileace se faut
autour de lui.
Hector Leroux s'était, dans, ses tableaux
sur l'antiquité et surtout dans les Vestales,
révélé avec une originalité toute particu-
lières; il a cette lumière qui, sur les colonna-
des de marbre, les lambris dorés, les laina-
ges tramés d'or et d argent rehaussés de
pierre: précieuses, jette des clartés mysté-
rieuses, des ombres confuses. Le peintre rn'a
fioh perdu de ses qualités, il reste a la hau-
teur 4e Son talent. < :
J**
■ tP'P.* i ; , ■
Pécétron-s dans son petit hôtel de la rue
Lemercier,
L'atelier est au deuxième étage. On monte
un escalier dunt les marches sont recouver-
tes de tapis d'Aubusson; des faïences de Delft,
de Saxe, de Rouen, des dessins de tous
les: maîtres modernes, parmi lesquels on
remarque de merveilleux croquis ue De-
taille et d'IIonner, ornent les murailles ; des
lampes à, branches, de la Judée et de la Pa-
lestine, pendues à de longues chaînes, et
consumant une huile parfumée jettent, le
soir, une clarté étrange dans les escaliers,
où, grâce à l'épaisseur des tapis, pas un
bru t de pas ne se fait entendre:
Entrons dans l'atelier.
C'est use salle oblongue- qui, au premier
aspect, semble presque nue, tant les objets
qui ornent cet atelier sont disposés avec
ordre et symétrie.
Sur les murailles grisâtres on aperçoit des
dessins et des peintures exécutées d'après
les décorations, les fresques et les sculptu-
res qui ornent les maisons de Pompéi, des
études d'ornements, des statuettes de bronze
et de marbre, etc. ",
Les armes et les armures dont faisaient
usage les gladiateurs sont placées sur des
étagères; parmi ces objets on remarque un
parme (petit bouclier) des cothurnes; des
cria de bottines de braye, s javelots, des
casques à visière et des masses plombées
dont se servaient les secutors.
Deux tables, un bureau, un divan, des fau-
teuils et des chaises composent le mobilier.
Quelques toiles sont placées sur des che
valets, ce sont des tableaux commencés;
c'est là. que se fixe surtout l'attention du vi-
siteur. Des fouilles récçntes faites dans le
forum romain ont mis à découvert la maison
des Vestales, avec des sculptures et des
ornementations. Quelques études faites da-
près nature ont permis à Hector Leroux
d'exécuter deux toiles des plus intéressantes
au point de vue de l'art et de la vérité his-
torique. Rien n'est plus sévère de style et à
la fois plus gracieux que ces vierges anti-
ques admirablement drapées dans leurs on-
gues tuniques de laine blanche à liserés
>•
rouges.
Maintenant, disons quelques mots de l'ar-
tiste éminent que nous n'avons pas encore
eu le temps de présenter à nos lecteurs.
Hector Leroux a cinquante et quelques
années, quoiqu il ne paraisse pas son âge. et
est de taille au-dessus de la moyenne, mince,
élancé ; l'œil parfaitement encadré sous un
sourcil épais est à la fois incisif et doux, on
comprend du premier coup que l'homme est
bon et loyal, Ses critiques formulées avec
une extrême sincérité, d'un ton souvent
acerbe, sont toujours saines dé logique; sur
quelque spécialité d'art que se pose une ques-
tion, il décide toujours avec une supériorité
de jugement incontestable. Aussi est-il ap-
pelé à taire partie de tous les jurys des con-
cours de l'Etat, des Beaux-Arts et du Salon
annuel.
Sa vie est des plus' simples.
Le matin est consacré au travail; les
après-midi des mardi, jeudi et samedi sont
sacrifiés à ses élèves, quelques jeunes filles
du meilleur monde qui viennent travailler
dans son atelier. ",
Il a été récemment nommé professeur de
dessin à l'Ecole normale
Hector Leroux est marié ; il a deux en-
fants, un garçon de douze ans et une ravis-
sante fillette de quatorze ans. A peu d'excep-
tions près ses soirées se.passent en famille.
Arrêtons-nous à la porte de charmant inté-
rieur.
Heureuse existence que celle d'Hector Le-
roux! Il a vu s'accomplir le vœu qui berçait
sa jeunesse, mais au prix de quel travail, de
quels efforts ! Peu importe, le but est atteint.
Saluons le vaillant artiste.
Paul de Kalow.
r- 1 TT-. ; -
LES FÊTES DU SOLEIL
Il est deux heures lorsque j'arrive au palais
de l'Industrie Une ioule immense, maintenue
par un double cordon de gardes municipaux,
stationne devant la porte d'entrée. A 1 inté-
rieur le coup d'œil est indescriptible. Partout
de souriants visages et de charmantes toi-
lettes, Trente mille personnes sont répan-
dues dans le vaste édifice La circulation est
difficile dans les galeries circulaires ainsi
que sur la terrasse de la foire de Beaucaire.
L'arbre de Noël est assiégé par les gentils
bambins qui tous ont pu être satisfaits, grâce
à l'habileté du comité d'organisation qui mé-
rite les plus grands éloges. Au bal d'enfants,
l'animation est à son comble. Plus loin 4a
distribution de jouets s'effectue au milieu de
joyeuses acclamations.
Le soir, les Arlésiennes ont été vivement i
fêtées et l'embrasement général et grandiose
du Palais par Ruggieri a été le signal de la
far"ndole à laquelle se sont joints les Féli-
bres, l'Estudiantina catalane et la foule qui,
après avoir porté la tarasque en triomphe, a
improvisé un bal qui s'est prolongé fort tard.
Aujourd'hui la fête continue. Outre les at-
tractions déjà réunies, le cortège pantagrué-
lique de la galette géante, la farandole, les
luttes, les jeux Icariens, lgs concerts méri-
dionaux Jutglars, etc., il y aura le célèbre
guignol du Midi et le match de billard entre
Vignaux et Piot ; de plus, Mme Simon Gi-
rard et M. Simon-Max chanteront plusieurs
morceaux de leur répertoire.
L'orchestre, conduit par M. Charles de
Sivry, alternera avec les musiques militai-
ras des 46e, 36e, 89° et 74e de ligne.
La musique militaire et les choeurs du Bou
Marché (chef Paulus), l'Harmonie des che-
mins de fer de l'Ouest et la fanfare munici-
paie de Vincennes prêteront également leur
concours à la partie artistique.
C'est plus qu'il n'en faut pour assurer à
cette journée le succès des précédentes.
A. Cellarius.
P. S. — Pour la location de quelques bou-
tiques encore inoccupées au palais de l'In-
dustrie, les industriefs, commerçants et fo-
rains sont priés'de s'adresser lundi matin,
de 10 heures à midi, au Palais {porte 4) à
MM. Guillaume Livet et Adrien Richard.
—# : —
LE MÉNAGE
1 til
MENU DE SAISON POUR DINER DE FAMILLE
Potage aux pâtes d'Italie
Vol au vent de quenelles
Soles à là Dieppoise
<,- Filet de bœuf portugaise
Faisan rôti
Balade de saison
.,' Croûte aux champignons
Beignets soufflés
Desserts
FINE CHAMPAGNE MAIRE, An 1883. La btt 8 fr. franco
ROYAL MONTMORENCY CHERRY-BRANDY. Dubonnet.Paris
fiiSCUITS GEORGES Epiciers et m* Xde Comestibles
CAVES BE L'HOTEL CONTINNENTAL Vins da Bordeaux
Maison du JAMBON D' YORK. Ses excellents jambons
PATÉ BLANCHARD. Bon, succulent, se trouve partout
Anisette et Curacao Marie Bviaard at Roger
Vatel Cadet
-
LES FAITS DU JOUR
OBSERVATOIRE GRUBY (Buttes-Montmartre)
Directeur ; A. BONNAUD
Altitude : 114m5 - Longitude 0°—Latitude : 49*
OBSERVATIONS DU 25 DÉCEMBRE 188S
LA TEMPÉRATURE — La dépressioa
signalée sur les Iles Britanniques et la Prance
s'est rapidement transportée sur la lNorvège;
les vents ont faibli et une accalmie se produit.
dans cette zone. Il en est de même sur la Mé-
diterranée où lè baromètre s'est relevé. — La
température monte partout, excepté dans l'ex-
trême Nord: elle était hier matin da — il à Ha-
paranda, .:..: 8 à Stockholm, — 6 à Berne, — 5 à
* Moscou* Berlin,. —.5 à Lyon, — 3 à
Vienne, Copenhague, - 2 à Marseille, Ham-
bourg, + 2 à Trieste, Utrecht, Madrid, Nice, 4 à
Rome, Greenwich, 6 à Monaco, Biarritz, Pa-
lerme, Barcelone, 8 à Cagliari, Il à Malte, Lis-
bonne et 13 à Alger.
En France, le temps s'est généralement amé-
lioré ; quelques averses sont encore probables
au Nord-Ouest et des neiges dans les régions
montagneuses do l'Est.
A Paris, belle journée ensoleillée; vent d'Ouest
(10 kib à 75 0/0; ba-
romètre (en hausse), 753.4; température maxi-
ma, 6.8, mmima, 1.5.
femps probable peur demain 1
Nuageux ; embellies ; température moins
basse.
Le meurtre de Saint-Denis
Au no 2lfi do l'avenue de Paris, cette large
voie qui traverse la plaine depuis La Cha-
pelle jusqu'à Saint-Denis, s'était établi, il y
a deux mois, M. Gombault, marchand de
vins-traiteur.
Il avait résolu de donner une petite fête
à l'occasioh de son installation, la nuit de
Noël, et il avait convié à cet effet plusieurs
de ses amis et leurs femmes.
L'invitation fût acceptée et, le soir du, ré-
veillon, chacun se montra exact à venir au
rendez-vous. Quand les clients ordinaires
furent partis. On se mit à table, et les agapes
se prolongèrent fort avant dans la nuit.
Or, vers trois heures et demie du matin,
une bande de jeunes gens de dix-huit à
vingt-cinq ans, passant devant la maison et
y voyant de la lumière à travers les inters-
tices des volets, fit irruption dans l'établia-
sement et y demanda à boi e.
Ces clients inattendus au nombre d'une
dizaine, étaient déjà passablement « lancés »,
aussi M Gombault; voulant éviter toute que.
relle, dit à son garçon, nommé Charles
Brunclair. et âgé de vingt ans. de les servir
dans un petit cabinet.
Là, ils consommèrent de la fins Champa-
gne, puis ils voulurent venir avec « la so-
ciété », ce qu'ils firent, malgré l'opposition
du garçon. Bientôt ils se mêlèrent aux invi-
tés. menèrent grand tapage, et finalement
cherchèrent dispute à tout le monde On
échangea quelques coups .de poing, mais
M. Gombault parvint à pouss r dehors les
perturbateurs et à fermer sur eux la porte
de la boutique. ,
Cependant. la rixe continuait sur la voie
publique, et bientôt l'on entendit plusieurs
coups de feu. M. Gombault se plaça alors
derrière sa porte et, à son tour, tire en l'air
cinq coups de revolver afin d'effrayer les
combattants.
Il n'entendit plus rien, et c'est à cet ins-
tant qu'il s'aperçu que Brunclair, son gar.
çon. n'était plus là. Il sortit et trouva 1
jeune homme affaissé contre sa boutique, lt
visage couvert de sang. LA malheureux avai
reçu une balle dans la tempe
Toutefois, il n'était pas mort, et M. Gom-
bault le porta jusque dans sa chambre, où il
essaya de le rappeler à lui. N y étant pas
parvenu, il alla prévenir M. Bouteiller, com-
missaire de police du canton sud de Saint-
Denis.
Les invités du débitant, comme bien on
pense, étaient tous partis.
M Bouteilier. après avoir fait transporter
hier matin, à la première heure, le blessé à
l'hôpital de Saint-Denis, où il est mort dans
l'après midi sans avoir repris connaissance,
commença aussitôt sou enquête.
Cette enquête a été menée par l'habile ma-
gistrat, aidé de son secrétaire, M. Léon Gu-
genhéim, avec une telle promptitude que, le
soir, à neuf heures, on amenait au commis-
sariat l'un des auteurs présumés de la mort
de Brunclair.
C'est un petit bossu, nommé Théophile
R. âgé d'une vingtaine d'années. Plusieurs
de ses complices ont dû être arrêtés dans la
nuit et M. Bouteilier compte bien tenir toute
la bande d'ici peu.
Le monôme des lycéens
« Conspuons Goblet! Conspuons Berthe-
lot! » chantaient en chœur et sur un air
connu, deux cents lycéens, en rupture de
bancs, réunis en meeting sur la place de
l'Europe. Puis les collégiens en vacances,
après avoir voté par ac lamation un ordre
du jour de blâme contre le ministre de L'ins-
truction publique, se promenèrent en mo-
nôme à travers les rues du quartier. Les mo-
tifs de cette manifestation, c'est la .'aarerie
de M. Berthelot en matière de congés. Pas
le plus petit jour supplémentaire, comme
don de joyeux avènement du nouveau mi-
nistre !
Inde iræ Aussi le ministère a peu de par-
tisans parmi nos jeunes écoliers. La protes-
tation d'hier avait mis la police en éveil ; do
nombreux gardiens de la paix suivaient le
monôme, cherchant à saisir le sens des
ch nts qu'ils n'ont naturellement pas com-
pris.
Après une promenade apéritive de deus
heures, les lycéens ont été échouer, au mo-
ment de l'absinthe, dans une brasserie de la
rue Fontaine. Dans un chœur final, avec voix
de femmes et accompagnement de piano, les
manifestants ont conspué une dernière fois
l'autorité. Puis, contents d'avoir produit leur
petit effet, ils se sont séparés et sont rentrés,
les uns dans leur famille, les autres ailleurs.
Incendie
Un incendie s'est déclaré, hier matin, vers
deux heures et demie, dans le magasin; du
sieur Même, épicier, 21, rue Doudeauville.
Les pompiers arrivèrent rapidement sur les
lieux et, après une heure de travail, on était
maître du leu.
Les .dégâts sont évalués à 7,000 francs.,
"i
GIL BLAS. — Lundi Oécemtbre 1880..1,
vertu de votre femme? Cette chère Fran-
cine ! - ,"
— Oh ! non. Francine est la vertu
même ! Mais. c'est que si nous sommes
mariés depuis quatre mois, Francine est
enceinte.depuis. six moi
- Quoil. vous?.
- Oui, docteur, répliqua Sosthènes, en
baissant les yeux, Je l'aimais tant et j'a-
vais si peur que mariàge ne manquât !
Le doetear fronça le sourcil et, d'une
voix plus sévère :
— Oui, oui, je sais. Vous étiez aux i
trois quarts ruiné. Francine a eu un mil-
lion de dot. Je comprends que' vous ayez :
pris. des arrhes. i
— Vous êtes sévère ? docteur.
— Je suis triste. quand je pense que
cette jolie petite Francino, bien élevée
par une mère pieuse, avec une sœur qui 1
semblait si bien veiller sur elle !. Fiez- 1
vous donc à cas minois innocents ! Je sais
bien.
Avec une ironie profonde dans le, re.
gard, le docteur se mit à contempler Sos-
thènes, et le trouva fort beau, trop beau <
pour un mari. :,
il soupir ; sa colère se détendit. D'ail-
leurs la gène de Sosthènes continuait et
s'augmentait : ;
— Il faut que votre beau-père ignore :
tout, dit-il d'un de compassion; votre
belle-mère aussi:
— Ma belle mère, surtout ! clama Soa- j
thènes avec angoisse. ',.
— Elle est pourtant bien bonne, bien
indulgente. Sa vertu, aimable comme sa
beauté, fléchira devant votre repentir.
— Non, non, je vous en supplie, doc-
teur, quelle ne sache rien ! ,,'
- Ah ! vous en avez trop peur! mais ,
cela suffit. Je vais chercher un moyen, j
prescrire un long voyage avec vous. En-
fin !. soyez tranquille. Je tàcherai de
bien mentir.
— Merci, merci, dit Sosthènes, en ser-
rant les mains du docteur, avec effu-
sion. '.,',
oco
Il s'était levé et. se rassit, comme un
homme qui aeucore des confidences à
faire.
Le docteur se méprit à sa contenance
- Allons, mon aini, comme c'est une
faute que vous ne pouvez plus recom-
mencer, je vous pardonne mes illusions
flétries, Rassurez Franciae.
- Oui, ducteur, mais c'est que.
— Qu'est-c qu'il y a de plus ? ,
— C'est que ma femme; seuie n'est pas
enceinte; m~-sœur aussi.
Le docteur poussa un cri, s'élança de
son fauteu.l eL menaçant de ses mains, de
ses yeux :
f— Quoi, vous auriez osé ?
— Docteur, balbutia Sosthènes défail-
lant, rappelez-vous qu'on voulait, marier
l'aînée avant la cadette. Mademoiselle
{Sophie refusait. je me suis fait un point
d'honneur de me faire aimer d'elle. Je
désirais tant entrer dans la famille!
— Vous le désiriez trop. Pauvre So-
phie! Et de quelle date?.
— A peu de chose près à la même
époque.
— Je comprends maintenant la tristesse
de Sophie, depuis le mariage de sa sœur
ce que je p'. mais pour de la. prévention
était de 18 raucuue Ah! malheureux!
malheureux!. Pourquoi ne l'avoir pas
épousée ?
— J'aimais mieux sa sœur, avoua bête
ment Sosthèues.
— Vous voulez dire qu'elle vous a re-
poussé, chasse, préférant la honte à un
mariage avec le lâche qui l'avait séduite?
Oui, je me ouviens, elle vainquit la ré-
sistauce de ses parents : elle aida à hâter
votre mariage. Elle me demanda un jour
un rendez-vous paur me consulter, puis
elle le contre-manda Pauvre enfant ! Elle
était dans le vrai, quand elle parlait du
couvent et mène du suicide en, plaisan-
tant? Que faire? que faire ? Allez-vous-en,
monsieur, vo>re vue me fait bien du mil.
Le bon d cteur pleurait presque. Sos-
thènes, toujours confus, ne bougeait pas
— Avez-vous- des détails particuliers à
me donner? demanda brusquement le
médecin.
— Oui, je n'ai pas tout dit, répondit
Sosthènes d'une voix étranglée.
— Parlez ! parlez vite.
— Eh bien, docteur, méprisez-moi da-
vantage encore, ma belle - mère , elle
aussi.
— Comment î elle enceinte ! Ce n'est
pas vrai î
- Je vous jure.
— Au fait, elle est souffrante. Ainsi,
vous aviez commencé sans doute par la
mère ?
— Commencé ? Non. Mais je désirais
tant ce mariage!
— Oh! ce sera le châtiment de votre
convoitise d'argent que ce faux petit frère
ou une fausse petite sœur, arrivant pour
partager l'héritage ! Il y a là au moins un
mari.. — Comment, cette excellente
mère?. Vous me vieillissez bien!
— Docteur, je vous en prie, sauvez
l'honneur de la famille.
— Vous y songez un peu tard, à l'hon-
neur ?
- J'ai songé d'abord à mon amour.
- Dites à votre intérêt. Allez-vous-en.
Si je disais tout au mari, au père ? Il vous
tuerait, et il ferait bien.
- Ce serait une catastrophe épouvan-
table. Je vous jure que j'aime bien ma
femme !
Le docteur ne jugea pas à propos de
lui rien dire de plus. Il était tombé dans
une rêverie dont le beau Sosthènes ne
jugea pas à propos de le tirer. Il en pro-
fita pour partir.
sro
Le problème est donc celui-ci : dissi-
muler la grossesse de la femme, ou plu-
tôt lui donner une date qui ne soit pas uà
aveu. Quant à la mère, il s'agit de savoir
si le mari, par ses assiduités., ne peut pas
endosser la paternité que lui a infligée
son gendre.
Il ne faut pas renouveler ce qui a été
dit au dix-huitième siècle, à propos de
la grossesse de Mme du Châtelet. Comme
celle-ci, enceinte des œuvres de Saint-
Lambert, s'avisait d'aller rejoindre son
mari à Bercy, on murmura dans le monde :
— Quelle envie subite est donc venue
à Mme du Châtelet d'aller voir son mari ?
— Bah ! répoadait-on, c'est une envie
le femme grosse
Il reste au pauvre docteur la tâche de
dissimuler la grossesse de la sœur aînée.
C'est ce problème qui l'embarrasse et
pour lequel je fais un appel au public.
Quelqu'un voudrait-il demander la main
de la jeune fille en question ? Il aurait le
bénéfice d'un enfant tout créé et une belle
fortune. Il est impossible qu'il ne se
trouve pas des amateurs d'une grosse
dot. Je ne parle pas du mérite de sauver
l'honneur d'une famille. C'est la dernière,
des considérations qui puisse tenter l'hé-
roïsme d'un prétendant. On n'a plus, de
nos jours, assez de vertu pour cela.
LOUIS ULBACH.
———— ———-.
La Guerrs n'est pas en vue!
Nous sommes légèrement scandalisés
— pourquoi ne l'avouerions-nous pas ? —
de la singulière attitude d'un certain nom-
bre de nos confrères. Depuis plus d'une
semaine nous assistons, sans rien y com-
prendre, à l'incroyable sabbat auquel ils
se livrent, évidemment sous l'empire d'un
sentiment qui nous paraît être celui de la
peur. à moins que .ce ne soit celui de la
passion politique.
A les entendre, une guerre serait immi-
nente. L'Allemagne menacerait notre
pays par de formidables concentrations
de .troupes en : Alsace-Lorraine - et ail-
leurs. L'empereur Guillaume, le prince
de Bismarck et 1 le. feld-maréchal de
Moltke estimeraient que l'heure est on ne
peut plus favorabte à une action militaire
et et ils se prépareraient fébri- ■;
lement à une nouvelle invasion de notre
pays. Sur quoi ces confrères se fon-
dent-ils pour faire, de si lugubres prQphé- 'j
iies, pour alarmer si fortement l'opinion,
pour arrêter la nation dans son œ ivre ré-
paratrice et féconde 2 Ont-ils la preuve
de ce qu'ils avancent ? Savent-ils perti-
nemment que derrière les Vosges deux
cent mille soldats allemands attendent,
prêts à franchir la frontière, les ordres
dé leur état-màjor général?.Sont-ils cer-
tains que les trois principaux auteurs de
l'unité allemande aient pris la suprême
résolution de jeter encore une fois leur
pays dan? une guerre terrible ? Ces mes-
sieurs ne nous en voudront pas, assuré-
ment, si nous prenons la liberté de leur
dire qu'ils n'ont aucune certitude, qu'ils
ne savent rien, qu'ils ne possèdent au-
cune preuve et que. par conséquent,
tout ce qu'ils écrivent sur l'imminence
d'u ie guerre entre l'Allemagne et la
Frauce est dénué de sérieux et d'auto-
rité, et ne mérite aucune espèce de
créance.
Nous avons lu, comme tout le monde
•t le plus attentivement qu'il nous a été
possible, le discours de M. de Moltke et
les déclarations du ministre de la guerre.
Brousart de Schellendorff; nous avons
lu, disons-nous, ce discours et ces décla-
rations, mais nous avouons humblement
n'y avoir rien trouvé qui fût une menace
l'adresse de la France. Le généralis-
sime de l'armée allemande et le ministre
de la guerre ont tenu le langage le plus
àropre à amener le Reichstag à adopter
la loi sur le septennat militaire. Inférer
autre chose de leurs paroles, ce serait, à
notre sens, les torturer étrangement,
Rien à dire de M. de Bismarck. Il était
et est encore absent de Berlin, et, jus-
qu'ici du moins, il ne s'est livré à aucune
énonciation tendant à faire connaître le
fond de sa pensée. Quant à l'empereur
Guillaume, il n'a fait, à notre connais-
sance, de confidences à personne relati-
vement à ses prétendus desseins belli-
queux. Nous avons lu, il est vrai, ces
derniers temps, un certain nombre d'ar-
ticles haineux dans quelques feuilles
d'outre-Rhin, mais qu'est-ce à dire ? Que
leur ton agressif présage une guerre pro-
chaine ? Aucunement. La plupart de ces
feuilles nous ont été de tout temps fran-
chement hostiles. Il paraît que si-elles
laissaient passer un mois sans manger
du Français, leur clientèle très spéciale
réclamerait. On s'est h tbitué à regarder
comme écrite sous l'inspiration repti-
lienne toute élucubration paraissant dans
les journaux allemands, tandis que, le
plus souvent, il ne faudrait y voir que de
pures considérations de tirage.
Les épeurés s'imaginent voir un symp-
tôme de la guerre imminente, qu'ils vati-
cinent si furieusement, dans le rappro-
chement qui vient d'avoir lieu entre la
Russie et l'Allemagne. — « La Russie,
s'écrienwls, a donné carte blanche à
l'Allemagne ». Qu'ils se rassurent. La
Russie n'a donné carte blanche à per-
sonne Depuis des années déjà elle est
l'alliée de l'Allemagne, contre laquelle
elle n'entreprendra rien, vraisemblable-
ment. De son côté, l'Allemagne ne s'op-
posera point au triomphe de l'influence
russe eu Bulgarie. Mais il est profondé-
ment absurde de prétendre que l'alliance
russo-allemande vient de se consolider
sur notre dos. La Russie, qui sait de
quelle importance est la France pour
1 Europe, voire pour elle même, se gar-
dera soigneusement de faire le jeu de ses
ennemis.
Mais n'ayons en vue que l'Allemagne.
Cette puissance serait donc désireuse de
reprendre contre nous les armes qu'elle
a déposées il y a tantôt seize ans ? Sa si-
tuation le lui permettrait donc ? Voyons
un peu où en est l'unité nationale ? Elle
est faite officiellement ou, si l'on veut,
matériellement; elle ne l'est point mora-
lement. Le particularisme éprouve une
recrudescence de vie, le nationalisme s'a-
gite étrangement et le socialisme prend
un développement inquiétant pour l'exis-
tence de l'Empire. Des difficultés d'ordre
intérieur d'une gravité extrême occupent
et préoccupent à bon droit le gouverne-
ment. Mais, ce n'est pas tout. L'Allema-
gne est sans doute à la veille de grands
événements. Celui en qui s'incarne l'unité
de la patrie est mourant. Il s'en va à vue
d'oeil, les heures, les instants lui sont
comptés. Demain, peut-être, l'Allemagne
impériale se prosternera sur la tombe de
sou grand empereur. Celui qui personnifie
la gloire militaire et à qui sont dûs les
succès inespérés des armées allemandes
tire rapidemement à sa fin, lui aussi. Très
certainement, le « penseur des batailles »
ne conduira plus ses soldats à la victoire.
Celui qui par son génie politique a fait
l'Allemagne puissante se trouve égale-
ment brisé par l'âge. Que fera-til le jour,
si prochain, où la mort l'aura confiné dans
l'isolement, en lui enlevant ses deux puis-
sants auxiliaires : le grand monarque, le
grand général ?
Et l'on ose affirmer que M. de Bis-
marck est fatigué de. la longue et féconde
paix qui existe entre l'Allemagne et la
France ! Et l'on ose prétendre qu'il es-
time que le moment psychologique est
venu de reprendre sa politique de » sang
et de fer ». On veut rire, évidemment.
Troubler la paix de l'Europe à l'heure
présente, lorsqu'on est le chancelier de
l'Empire germanique, ce serait faire œu-
vre d'idéologue, de rêveur ou d'imbécile.
M. de Bismarck n'a aucun titre à l'un de
ces qualificatifs.
ANGE MORRE
-+
INFORMATIONS
Le chancelier russe, M. de Giers, vient d'a-
dresser aux ambassadeurs de Russie, Constan-
tinople, Paris, Londres, Rome et Vienne, une
assez longuo circulaire dans laquelle il expose
et justifie la marche suivie par le cabinet impé-
rial relativement aux affaires de Bulgarie.
Ce document se termine comme il suit :
« La Russie qui açréé, la-Bulgarie ne veut
certainement pas attenter à son indépendance.
Elle veut la lui rendre. Elle a le droit et le de-
voir de ne point permettre que le peuple bul-
gare, pour lequel elle a combattu, — le peuple
qui ne fait pas de politique, mais qui travaille,
veut vivre on ordre et en paix et contient en lui
le germe de l'avenir'du pays, — soit opprimé
par une minorité d'agitateurs radicaux, détourné
de sa voie naturelle et transformé en un foyer
d'anarchie, de révolution et d'hostilité envers la
nation qui l'a appela à la vie et n'a pas d'autre
désir que de la lui conserver.
» Sa Majesté l'empereur ne renonce pas à
l'espoir d'atteindre ce but. Sa Majesté continuera
à y vouer ses efforts. Elle veut le poursuivra par
des voies pacifiques et sans s'écarter des traités
tant qu'ils seront également respectés par les
autres puissances.
» C'est dans ces conditions que notre Auguste
Maître attendra le développement de la situa-
tion.
» Veuillez donner lecture de la présente dépêche
à M. le ministre des affaires étrangères et lui
en laisser copie si Son Excellence le désire.
» Signé: GIERS. »
X
- M. de Brazza a été reçu vendredi matin par
M. le président de la République etdans l'après-
midi par M. Goblet, président du conseil des
ministres.
Les difficultés qui s'étaient élevées entre l'ad-
ministration des colonies et le commissaire gé-
nérai au Congo et au Gabon paraissent apla-
nies, et M. de Brazza est tout ,. disposé à pour-
suivre. la mission qu'il avait acceptée.
X
Par décret du président de la République, en
date du 24 décembre 1886, rendu sur la proposi-
tion du ministre des finances r
M. de M àrcillac, payeur central de la dette
publique, a été nommé caissier-payeur central
du Trésor public, en remplacement de M. Chazal,
admis à faire valoir ses droits à la retraite.
M Alem, sous-directeur du personnel, a été
nommé payeur central de la dette publique, en
remplacement de M. de Marcilla.c, appelé à d'au-
tres fonctions.
Georges Duret.
———————————— ————————————
LA VIE A PARIS
CHANSONS D'ANTAN
25 décembre 1886.
Dès qu'une scie de café-concert réussit, fait
le tour de Paris, va de gosier en gosier et
d'oreille, en oreille, hurlée du matin au soir
et du soir au matin par les habitants de la
capitale, des journalistes graves lèvent l'éten-
dard de la révolte, et - laudatores temporis
actif comme dit Horace, — protestent contre
les chansons nouvelles au bénéfice de celles
d'autrefois ; tel, qui cependant n'a pas encore
de blancs cheveux,, s'indigne de la bêtise
contemporaine et réclame la bonne romance
de nos pères ; tel autre, pour qui l'invasion
des cafés-concerts n'a de comparable que l'in-
vasion des barbares, réclame, prophète du
grand art, « Je vais revoir ma Normandie. »
Cela arrive tous les ans, comme.la chute des
feuilles; cela vous a la régularité périodique
des phases de la lune, et avant-hier le Bi du
bout du banc a été solennellement honni au
nom du sens commun et de la poétique d'an-
tan ; le bon Caliban s'est fait l'exécuteur de
cette chose saugrenue et ce révolutionnaire
de l'avenir a versé des larmes sur le passé.
Je les ai peu entendues ces chansons que
l'on appelle les chansons de nos pères ; sans
doute j'ai le souvenir, dans la grande salle à
manger où dînaient mon père avec ses frères,
sous la présidence de l'aïeule, que l'on de-
mandait à ma mère de chanter et que tous
étaient émus à l'audition de cette romance,
qu'accompagnait en sourdine le pétillement
du chanvre sec et des sarments :
Pauvre berger breton.
Qui n'avait rien que sa chaumière.
Aimait une oavrière.
Le nom de Loïsa Puget était applaudi, car
sur ces vers, elle a composé une musique
touchante"; il y avait des larmes dans tous
les yeux, et encore aujourd'hui je ne puis en-
téndre sans un plaisir infiniment doux le ré-
cit du sacrifice de ce pauvre berger si simple,
si naïf et si grand.
Cette romance et quelques autres méritent
sans doute d'être retenues, mais combien
sont rares celles qui, comme elles, sont di-
gnes d'être rappelées i Tenez, je les ai relues,
les vieilles chansons de nos pères, relues avec
soin et, dussé-je me faire honnir par Cali-
ban, je déclare net que la plupart sont ab-
surdes, remplies de sentiments faux, et que
les chansonniers d'aujourd'hui valent ceux
d'alors. Ce n'est pas le même genre, mais
c'est tout aussi tout spirituel, — ou tout aussi
bête.
Je n'insisterai pas sur la Sœur du beau
gonfalonnier, sur le Vieux cheick de Dumas,
musique de Reyer, avec ce refrain :
lis ont pillé les gourbis de nos pères.
fm Je triompherais trop facilement : je ne rap-
pellerai pas cette chanson où l'auteur donne
un féroce croc-en-jambe aux lois qui régen-
tent le syllogisme :
J'aime à chanter quand arrive te soir,
Voilà pourquoi je suis Napoliaine.
J'arrive à des succès d'antun, plus connus
encore.
Voici d'abord, dans un salon, le jeune
homme fatal qui s'avance ; il passe ses doigts
pâles dans sa crinière de lion et rugit :
Où sont les âmes
A consumer ?
Allons, mesdames,
Qui veut m'aimer ?. (bis)
Et la mélodie, au piano, fait un bruit de
tempête. Peu engageant, de nos jours,
n'est- ce pas ? Ça plaisait alors, et le jeune
homme fatal épousait la jeune vierge qui
l'avait écouté, bouche bée.
Dans le salon voisin, c'est un homme déjà
d'un certain âge qui ne craint pas de chanter
Charles-Quint :
Que d'amertume il reste au sein de l'âme
Quand on a vu de près l'humanité!
Chétifs mortels que la tombe réclame,
Où cherchez-vous votre immortalité?
J'ai. -comme un dieu, dirigé le tonnerre,
Et notre Espagne exalte mes hauts faits,
Je porte au front Les palmeslade la guerre
Et j'ai besoin de conquérir la paix ! )
Le masque de fer aussi avait une saveur
étrange; Boieldieu en avait écrit la musique:
Le jour s'enfuit au loin et l'étoile rayonne;
La cloche tout là-bas dans l'air vient de gémir;
De diamants la nuit parsème sa couronne.
Que je serais heureux si je pouvais dormir !
Car je suis toujours seul avec ma peine amère :
Moi, de pas un ami, je n'attends le retour,
Moi, je n'ai pas connu les baisers d'une mère,
Et pour elle, ô mon Dieu, j'aurais eu tant d'amour 1
Et le public éclatait en sanglots.
Un autre bon jeune homme regrettait Gré-
nade sur une mélodie de Paul Henrion ; il
jure de ne point perdre le souvenir des caval-
cades, des alcades, des sérénades; c'est gen-
til de sa part; il ajoute que toujours il enten-
dra le chant de l'hidalgo :
Et les doux sons de la mandore,
Frémissant sous les doigts légers
De la jeune fille du Maure,
Qui venait sous les orangers
Chercher le calme et les ombrages
Du printemps, qui règne toujours,
Pour chanter des Abeacérages,
Et le combat, et les amours.
Adieu 1 adieu 1 Grenade, etc.
Une dame en turban exclame avec trois
dièzes à la clef ;
Oscar s'avance, Oscar, je vois Oscar !
Et tout le monde frémit.
Plus tard M. Nuitter cède & son époque -
comme nous à la nôtre, parbleu! — et com-
met {1857) La fille du golfe, musique de Deli.
bes : :.
Oui, sans retard, amis, sur l'onde amère,
A vous suivre, me voilà prêtl
Ma barque est là qui se beree, légère,
Mes avirons sont foits, et c'est ma mère -
Qui tressa mon filet 1
Mi, ré, si, ré, do dièze, si. Le chœur re-
prend :
C'est an beau jour.
Un nouveau pêcheur s'apprête
A nous suivre sur les flots.
L'ouvrier fait plus tard son apparition dans
les cafés-concerts; le peuple réclame; avec
Dafcier, on entend la voix de ceux qui souf-
frent et de ces sentiments précieux, cherchés,
on passe à des chants plus virils :
AIR : Tu ne vois pas, jeune imprudent.
Reprenez votre capital!
Croyez-vous que rien ne le vaille?
Vous qui, dit haut d'un piédesial,
Regardez l'homme qui travaille. ; -
L'argent n'est pas le seul pouvoir ;
A mon orgueil qu'on le pardonne.
Mais le bras qui le fait valoir
Vaut bien la bourse qui le donfte ! 1
C'était signé, cela, non Darcier, — un maî-
tre - mais Cormon, Grangé et Saint-Arnaud,
tate : l'Argent et le Travail. On voyait encore
dans cette pièce dont les cojplets eurent le
succès d'une scie de concert :
AIR : Connaissez mieux le grand Eugène (!!)
Vous travaillerez. oui, j'y compte !
Et de vous seuls vous voudrez tout tenir,
Pour le présent, sans regret et sans honte,
Comme sans peur pour l'avenir,
Ne redoutez pas l'avenir !
Car maintenant, la France, bonne mère,
De ses enfants n'exigeant quo du cœur,
A du travail pour la misère
Et du pain pour lo travailleur !
Trente-huit ans avant les meetings de la
place de l'Opéra!
On avait encore, alors : Khatidja, ma maî-
tresseou bien : Ne railler pas la garde ci-
toyenne, le Fleuve de la vie, ou ailleurs, le
Vrai Buveur. - : ,,'
Aussitôt que la lumière
A redoré nos coteaux,
Je commence ma carrière
Par visiter mes tonneaux.
Ravi de revoir l'Aurore,
Le verre en main, je lui dis :
Vois-tu, sur la rive maure,
Plus qu'à mon nez, de rubis?
Voilà une chanson pour Bourgès, n'est-ce
pas ?
On nous parle aussi de pudeur, d'honnêteté
d'autrefois que l'on oppose à notre déver-
gondage actuel. Exemple : les Suites de l'o-
rage. Une jeune bergère, surprise par l'o-
rage, entre dans une grotte avec ua berger ;
Àmour les surveille :
Ce dieu, pendant l'orage,
Profite des momeRts.
Caché dans le nuage,
Son œil soit les amants;
Lise., de son asile.
Sortit d'un air confus ;
Le ciel devient tranquille :
Son cœur ne l'était plus.
Eh? eh? ailleurs, c'est là leçon de l'Amour :
Sons les ormeaux, dont le mobile ombrage
Vous garantit des feux de la saison,
; L'Amour, exprès, fit verdir ce gazoa..
D'un lit si doux vous ignorez l'usage,
, Pauvre Myrra,
Suivez Tircis, Tircis vous l'apprendra
Ça n'est pas plus malin que cela et ça ne
faisait rougir personne. Mais j'arrête ces ci-
tations ; si l'on cherchait bi-en daus le réper-
toire moderne, depuis Darcier et la Tour
Saint-Jacques, on trouverait des choses char-
mantes. ue fût-ce que les Deux pigeons, la
Lettre de la cousine, la Chanson des nids,
d'A. Clément, et mille autres romances
pleines de sentiment qu'ont chantées, que
chantent les Judic, les Granier, les Duparc et
autres étoiles qui eurent ou ont encore le
café-concert comme piédestal. Dans le genre
satirique, Jules Jouy a fait merveille et Alexis
Bouvier a été, est, un puissant de la chanson.
Tout cela, mon cher Caliban, ce sont des
blagues ! On est de son temps et, plutôt que
d'en chercher les défauts :
C'est par les beaux, côtés qu'il le faut regarder.
Le passé est. passé ; il a eu ses bijoux.
nous avons les nôtres. Remontez encore, si
vous voulez, dans le passé. plus que
passé, au moyen âge et vous verrez que la
scie contre laquelle on proteste, a toujours
existé; entre Rabelais et Voltaire, on a t'ait
des monologues, chanté des reirains à con-
sonnances bizarres sans cesse répétées ; c'é-
tait, sur les tréteaux, la joie des badauds, des
unatagots et des gogots, parleurs d'argot, ap-
plaudissant tout de go - et vous, vous nous
montez un bateau.
Qu'en pensez vous donc, Caliban,
Sur le bi, sur le bout, sur le bi du bout du banc ?
Notre époque vaut bien l'ancienne, elle est parfaite,
Bobo, bobino, panpan, bobinette,
Bobo, bobino, bobinett', panpan !
MIRLITON.
ilfir r s
PEINTRES ET SCULPTEURS
HECTOR LEROUX
Il faut à ce peintre le passé dont on rêve,
les Véaus toutes nues, les Vestales, les
grands bas-reliefs, les portiques de granit,
le cirque où sur les hauts gradins se pen-
chait tout un peuple sur un combat de gla-,
diateurs ou sur une chasse aux martyrs,
unissant ainsi l'homme à l'architecture, et-
iaisant revivre tout un monde disparu.
Il a étudié l'autiquité grecque et romaine,
essayant de reconstituer les mœurs, les usa
ges, les arts, les costumes, les attributs re-
ligioux, etc., etc., avec la persistance et
l'âpre ténacité de l'historien et de l'archéolo-
gue.
Ces études avaient surtout pour but de lui
permettre de peindre des sujets de l'anti-
quité avec une vérité absolue, ce qui fait
qu'outre les qualités d'art, ces toiles présen
ter un intérêt particulier qui. s'attache à
tout ce qui nous montre les hommes et les
choses de la plus grande époque pour la so-
ciété humaine et pour l'art Et quand Je
peintre nous parle de ce passé, quand il
nous fait pénétrer dans la vie intime des
hommes de l'antiquité, non pas selon les for-
mules traditionnelles, mais selon les docu-
ments irrécusables de l'époque, qui fourtnil
lent sur le sol de la vieille Italie, nous éprou-
vons une immense satisfaction à les con-
templer, notre imagination se rapproche des
temps passés, et il nous semble les voir
vivre.
{;¡O>,"i
Hector Leroux est né à Verdun. Dans les
concours de dessin des écoles de la Ville, il
s'était fait remarquer pour ses aptitudes ar-
tistiques. et sur la recommandation de ses
pro esseurs. le conseil général au départe.
ihent lui alloua six cents francs dè pension
pour étudier la peinture à Paris. C'était peu,
mais le jeune homme était doué, d'une vo-
lonté extraordinaire et capable de fournir une
formidable somme de travail ; quelques tra-
vaux, tels que lithographies, dessins de
journaux de modes, etc., le firent vivre à
luise, et lui permirent de suivre régulière-
ment les cours de 1 Ecole des beaux-arts et
de l'atelier P~)~
Aux Beaux- Aucun N'obtint toutes les récom.
penses, puis il fut admis au concours de
Rome où il remporta le second grand prix.
Malgré cet insuccès, car il s'en fallut d'une
voix pour que le premier prix lui fût décer-
né, il partit à ses frais pour la Ville éter-
nelle. Là il rencontra Henner, Bonnat, Cha-
pu et Jules Lefebvre; mais au bout de leur
trois ans de pensionnat révolus, ces artistes
rentrèrent en France, tandis que lui demeura
sept ans en Italie. Il avait voulu, sur les
lieux mêmes, étudier l'histoire politique,
militaire et sociale du peuple de l'ancienne
Rome.
Ses premiers envois furent très remarqués
au Salon, il fut trois fois médaillé et décoré
en 1868.
-1 Les brillants débuts sont 'généralement
suivis d'une chute rapide ; il suffit, souvent
d une heureuse inspiration pour que le pein-
tre dépasse de beaucoup la moyen .e de son
talent. Aux expositions suivantes, il reste
au dessous de ce qu'il avait fait espérer,
alors le prestige tombe et le sileace se faut
autour de lui.
Hector Leroux s'était, dans, ses tableaux
sur l'antiquité et surtout dans les Vestales,
révélé avec une originalité toute particu-
lières; il a cette lumière qui, sur les colonna-
des de marbre, les lambris dorés, les laina-
ges tramés d'or et d argent rehaussés de
pierre: précieuses, jette des clartés mysté-
rieuses, des ombres confuses. Le peintre rn'a
fioh perdu de ses qualités, il reste a la hau-
teur 4e Son talent. < :
J**
■ tP'P.* i ; , ■
Pécétron-s dans son petit hôtel de la rue
Lemercier,
L'atelier est au deuxième étage. On monte
un escalier dunt les marches sont recouver-
tes de tapis d'Aubusson; des faïences de Delft,
de Saxe, de Rouen, des dessins de tous
les: maîtres modernes, parmi lesquels on
remarque de merveilleux croquis ue De-
taille et d'IIonner, ornent les murailles ; des
lampes à, branches, de la Judée et de la Pa-
lestine, pendues à de longues chaînes, et
consumant une huile parfumée jettent, le
soir, une clarté étrange dans les escaliers,
où, grâce à l'épaisseur des tapis, pas un
bru t de pas ne se fait entendre:
Entrons dans l'atelier.
C'est use salle oblongue- qui, au premier
aspect, semble presque nue, tant les objets
qui ornent cet atelier sont disposés avec
ordre et symétrie.
Sur les murailles grisâtres on aperçoit des
dessins et des peintures exécutées d'après
les décorations, les fresques et les sculptu-
res qui ornent les maisons de Pompéi, des
études d'ornements, des statuettes de bronze
et de marbre, etc. ",
Les armes et les armures dont faisaient
usage les gladiateurs sont placées sur des
étagères; parmi ces objets on remarque un
parme (petit bouclier) des cothurnes; des
cria de bottines de braye, s javelots, des
casques à visière et des masses plombées
dont se servaient les secutors.
Deux tables, un bureau, un divan, des fau-
teuils et des chaises composent le mobilier.
Quelques toiles sont placées sur des che
valets, ce sont des tableaux commencés;
c'est là. que se fixe surtout l'attention du vi-
siteur. Des fouilles récçntes faites dans le
forum romain ont mis à découvert la maison
des Vestales, avec des sculptures et des
ornementations. Quelques études faites da-
près nature ont permis à Hector Leroux
d'exécuter deux toiles des plus intéressantes
au point de vue de l'art et de la vérité his-
torique. Rien n'est plus sévère de style et à
la fois plus gracieux que ces vierges anti-
ques admirablement drapées dans leurs on-
gues tuniques de laine blanche à liserés
>•
rouges.
Maintenant, disons quelques mots de l'ar-
tiste éminent que nous n'avons pas encore
eu le temps de présenter à nos lecteurs.
Hector Leroux a cinquante et quelques
années, quoiqu il ne paraisse pas son âge. et
est de taille au-dessus de la moyenne, mince,
élancé ; l'œil parfaitement encadré sous un
sourcil épais est à la fois incisif et doux, on
comprend du premier coup que l'homme est
bon et loyal, Ses critiques formulées avec
une extrême sincérité, d'un ton souvent
acerbe, sont toujours saines dé logique; sur
quelque spécialité d'art que se pose une ques-
tion, il décide toujours avec une supériorité
de jugement incontestable. Aussi est-il ap-
pelé à taire partie de tous les jurys des con-
cours de l'Etat, des Beaux-Arts et du Salon
annuel.
Sa vie est des plus' simples.
Le matin est consacré au travail; les
après-midi des mardi, jeudi et samedi sont
sacrifiés à ses élèves, quelques jeunes filles
du meilleur monde qui viennent travailler
dans son atelier. ",
Il a été récemment nommé professeur de
dessin à l'Ecole normale
Hector Leroux est marié ; il a deux en-
fants, un garçon de douze ans et une ravis-
sante fillette de quatorze ans. A peu d'excep-
tions près ses soirées se.passent en famille.
Arrêtons-nous à la porte de charmant inté-
rieur.
Heureuse existence que celle d'Hector Le-
roux! Il a vu s'accomplir le vœu qui berçait
sa jeunesse, mais au prix de quel travail, de
quels efforts ! Peu importe, le but est atteint.
Saluons le vaillant artiste.
Paul de Kalow.
r- 1 TT-. ; -
LES FÊTES DU SOLEIL
Il est deux heures lorsque j'arrive au palais
de l'Industrie Une ioule immense, maintenue
par un double cordon de gardes municipaux,
stationne devant la porte d'entrée. A 1 inté-
rieur le coup d'œil est indescriptible. Partout
de souriants visages et de charmantes toi-
lettes, Trente mille personnes sont répan-
dues dans le vaste édifice La circulation est
difficile dans les galeries circulaires ainsi
que sur la terrasse de la foire de Beaucaire.
L'arbre de Noël est assiégé par les gentils
bambins qui tous ont pu être satisfaits, grâce
à l'habileté du comité d'organisation qui mé-
rite les plus grands éloges. Au bal d'enfants,
l'animation est à son comble. Plus loin 4a
distribution de jouets s'effectue au milieu de
joyeuses acclamations.
Le soir, les Arlésiennes ont été vivement i
fêtées et l'embrasement général et grandiose
du Palais par Ruggieri a été le signal de la
far"ndole à laquelle se sont joints les Féli-
bres, l'Estudiantina catalane et la foule qui,
après avoir porté la tarasque en triomphe, a
improvisé un bal qui s'est prolongé fort tard.
Aujourd'hui la fête continue. Outre les at-
tractions déjà réunies, le cortège pantagrué-
lique de la galette géante, la farandole, les
luttes, les jeux Icariens, lgs concerts méri-
dionaux Jutglars, etc., il y aura le célèbre
guignol du Midi et le match de billard entre
Vignaux et Piot ; de plus, Mme Simon Gi-
rard et M. Simon-Max chanteront plusieurs
morceaux de leur répertoire.
L'orchestre, conduit par M. Charles de
Sivry, alternera avec les musiques militai-
ras des 46e, 36e, 89° et 74e de ligne.
La musique militaire et les choeurs du Bou
Marché (chef Paulus), l'Harmonie des che-
mins de fer de l'Ouest et la fanfare munici-
paie de Vincennes prêteront également leur
concours à la partie artistique.
C'est plus qu'il n'en faut pour assurer à
cette journée le succès des précédentes.
A. Cellarius.
P. S. — Pour la location de quelques bou-
tiques encore inoccupées au palais de l'In-
dustrie, les industriefs, commerçants et fo-
rains sont priés'de s'adresser lundi matin,
de 10 heures à midi, au Palais {porte 4) à
MM. Guillaume Livet et Adrien Richard.
—# : —
LE MÉNAGE
1 til
MENU DE SAISON POUR DINER DE FAMILLE
Potage aux pâtes d'Italie
Vol au vent de quenelles
Soles à là Dieppoise
<,- Filet de bœuf portugaise
Faisan rôti
Balade de saison
.,' Croûte aux champignons
Beignets soufflés
Desserts
FINE CHAMPAGNE MAIRE, An 1883. La btt 8 fr. franco
ROYAL MONTMORENCY CHERRY-BRANDY. Dubonnet.Paris
fiiSCUITS GEORGES Epiciers et m* Xde Comestibles
CAVES BE L'HOTEL CONTINNENTAL Vins da Bordeaux
Maison du JAMBON D' YORK. Ses excellents jambons
PATÉ BLANCHARD. Bon, succulent, se trouve partout
Anisette et Curacao Marie Bviaard at Roger
Vatel Cadet
-
LES FAITS DU JOUR
OBSERVATOIRE GRUBY (Buttes-Montmartre)
Directeur ; A. BONNAUD
Altitude : 114m5 - Longitude 0°—Latitude : 49*
OBSERVATIONS DU 25 DÉCEMBRE 188S
LA TEMPÉRATURE — La dépressioa
signalée sur les Iles Britanniques et la Prance
s'est rapidement transportée sur la lNorvège;
les vents ont faibli et une accalmie se produit.
dans cette zone. Il en est de même sur la Mé-
diterranée où lè baromètre s'est relevé. — La
température monte partout, excepté dans l'ex-
trême Nord: elle était hier matin da — il à Ha-
paranda, .:..: 8 à Stockholm, — 6 à Berne, — 5 à
* Moscou* Berlin,. —.5 à Lyon, — 3 à
Vienne, Copenhague, - 2 à Marseille, Ham-
bourg, + 2 à Trieste, Utrecht, Madrid, Nice, 4 à
Rome, Greenwich, 6 à Monaco, Biarritz, Pa-
lerme, Barcelone, 8 à Cagliari, Il à Malte, Lis-
bonne et 13 à Alger.
En France, le temps s'est généralement amé-
lioré ; quelques averses sont encore probables
au Nord-Ouest et des neiges dans les régions
montagneuses do l'Est.
A Paris, belle journée ensoleillée; vent d'Ouest
(10 kib à 75 0/0; ba-
romètre (en hausse), 753.4; température maxi-
ma, 6.8, mmima, 1.5.
femps probable peur demain 1
Nuageux ; embellies ; température moins
basse.
Le meurtre de Saint-Denis
Au no 2lfi do l'avenue de Paris, cette large
voie qui traverse la plaine depuis La Cha-
pelle jusqu'à Saint-Denis, s'était établi, il y
a deux mois, M. Gombault, marchand de
vins-traiteur.
Il avait résolu de donner une petite fête
à l'occasioh de son installation, la nuit de
Noël, et il avait convié à cet effet plusieurs
de ses amis et leurs femmes.
L'invitation fût acceptée et, le soir du, ré-
veillon, chacun se montra exact à venir au
rendez-vous. Quand les clients ordinaires
furent partis. On se mit à table, et les agapes
se prolongèrent fort avant dans la nuit.
Or, vers trois heures et demie du matin,
une bande de jeunes gens de dix-huit à
vingt-cinq ans, passant devant la maison et
y voyant de la lumière à travers les inters-
tices des volets, fit irruption dans l'établia-
sement et y demanda à boi e.
Ces clients inattendus au nombre d'une
dizaine, étaient déjà passablement « lancés »,
aussi M Gombault; voulant éviter toute que.
relle, dit à son garçon, nommé Charles
Brunclair. et âgé de vingt ans. de les servir
dans un petit cabinet.
Là, ils consommèrent de la fins Champa-
gne, puis ils voulurent venir avec « la so-
ciété », ce qu'ils firent, malgré l'opposition
du garçon. Bientôt ils se mêlèrent aux invi-
tés. menèrent grand tapage, et finalement
cherchèrent dispute à tout le monde On
échangea quelques coups .de poing, mais
M. Gombault parvint à pouss r dehors les
perturbateurs et à fermer sur eux la porte
de la boutique. ,
Cependant. la rixe continuait sur la voie
publique, et bientôt l'on entendit plusieurs
coups de feu. M. Gombault se plaça alors
derrière sa porte et, à son tour, tire en l'air
cinq coups de revolver afin d'effrayer les
combattants.
Il n'entendit plus rien, et c'est à cet ins-
tant qu'il s'aperçu que Brunclair, son gar.
çon. n'était plus là. Il sortit et trouva 1
jeune homme affaissé contre sa boutique, lt
visage couvert de sang. LA malheureux avai
reçu une balle dans la tempe
Toutefois, il n'était pas mort, et M. Gom-
bault le porta jusque dans sa chambre, où il
essaya de le rappeler à lui. N y étant pas
parvenu, il alla prévenir M. Bouteiller, com-
missaire de police du canton sud de Saint-
Denis.
Les invités du débitant, comme bien on
pense, étaient tous partis.
M Bouteilier. après avoir fait transporter
hier matin, à la première heure, le blessé à
l'hôpital de Saint-Denis, où il est mort dans
l'après midi sans avoir repris connaissance,
commença aussitôt sou enquête.
Cette enquête a été menée par l'habile ma-
gistrat, aidé de son secrétaire, M. Léon Gu-
genhéim, avec une telle promptitude que, le
soir, à neuf heures, on amenait au commis-
sariat l'un des auteurs présumés de la mort
de Brunclair.
C'est un petit bossu, nommé Théophile
R. âgé d'une vingtaine d'années. Plusieurs
de ses complices ont dû être arrêtés dans la
nuit et M. Bouteilier compte bien tenir toute
la bande d'ici peu.
Le monôme des lycéens
« Conspuons Goblet! Conspuons Berthe-
lot! » chantaient en chœur et sur un air
connu, deux cents lycéens, en rupture de
bancs, réunis en meeting sur la place de
l'Europe. Puis les collégiens en vacances,
après avoir voté par ac lamation un ordre
du jour de blâme contre le ministre de L'ins-
truction publique, se promenèrent en mo-
nôme à travers les rues du quartier. Les mo-
tifs de cette manifestation, c'est la .'aarerie
de M. Berthelot en matière de congés. Pas
le plus petit jour supplémentaire, comme
don de joyeux avènement du nouveau mi-
nistre !
Inde iræ Aussi le ministère a peu de par-
tisans parmi nos jeunes écoliers. La protes-
tation d'hier avait mis la police en éveil ; do
nombreux gardiens de la paix suivaient le
monôme, cherchant à saisir le sens des
ch nts qu'ils n'ont naturellement pas com-
pris.
Après une promenade apéritive de deus
heures, les lycéens ont été échouer, au mo-
ment de l'absinthe, dans une brasserie de la
rue Fontaine. Dans un chœur final, avec voix
de femmes et accompagnement de piano, les
manifestants ont conspué une dernière fois
l'autorité. Puis, contents d'avoir produit leur
petit effet, ils se sont séparés et sont rentrés,
les uns dans leur famille, les autres ailleurs.
Incendie
Un incendie s'est déclaré, hier matin, vers
deux heures et demie, dans le magasin; du
sieur Même, épicier, 21, rue Doudeauville.
Les pompiers arrivèrent rapidement sur les
lieux et, après une heure de travail, on était
maître du leu.
Les .dégâts sont évalués à 7,000 francs.,
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