Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1893-01-23
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 23 janvier 1893 23 janvier 1893
Description : 1893/01/23 (Numéro 9027). 1893/01/23 (Numéro 9027).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
M. Brincard réclama des augmenta
tions pour deux chapitres (les roules et les
ponts). L'amendement est repoussé. M. Le
Provostde Launay, snr le ohapitre 29,
signale les observations de la cour des
comptes au sujet des dépenses de voyages
imputées sur divers chapitres du budget; il
faudrait inscrire les frais de mission à un
chapitre spécial. M. Viette, ministre des
travaux publics, fait observer que ce sys
tème était en usage constant au ministère
des travaux publics. Il a été supprimé au
commencement de 1892.
Le budget des cultes
M. Ville demande à poser une question
à M. le ministre des cultes au sujet de la
nomination de l'évéque de Moulins. Cet
évôehé, dit-il, n'est point concordataire. La
commission du budget demande la sup
pression des évéchés non concordataires;
pourquoi, dans ces conditione,avoir apporté
tant de hâte h nommer le successeur de
Mgr de Dreux-Brézé 1
M. Dupuy, ministre de l'instruction pu
blique et des cultes, répond que les évêques
reçoivent l'investiture canonique dans les
consistoires. Le gouvernement a été informé
qu'un consistoire allait être tenu à Rome
et, afin de ne pas laisser un siège vacant
trop longtemps, le ministre a voulu pro
fiter de ce consistoire en désignant le plus
rapidement possible l'évéque de Moulins.
Mgr d'Hulst prend ensuite la parole.
Mgr d'Hulst. — Messieurs, la discussion du
budget est ia meilleure occasion çai s'offre aux
représentants du pays pour examiner avec séré
nité la politique qu'ils ont le droit et le devoir
de contrôler. Je sais que les circonstances de
temps.où vient se placer cette année la discus
sion du budget noua commandent une graude
discrétion à tous, et je suis disposé, pour ma
part, à en donner l'exemple en étant très bref.
Cependant il ne oie paraît pas que cette préoc
cupation do brièveté doive nous fermer entière
ment la bouche lorsqu'il s'agit d'exercer ce droit
d'investigation et de contrôle, qui est aussi
pour nous un devoir.
Le budget des cultes nous amène tout natu
rellement & examiner quelle est la politique
religieuse du gouvernement et de la majorité
d'où il est sorti (Mouvements divers),et à nous
demander ce qu'elle doit être dans l'avenir.
J'ai l'intention d'apporter à cet examen la
plus grande modération. Il est probible et
môme certain qu'en exprimant ma pensée je
n'exprimerai pas celle d'un certain nombre de
mes collègues ; je leur demande de vouloir bijn
ne pas voir dans ma sincérité la moindre inten
tion agressive contre la leur.
Je commence par vous dire que je me sens
plus à l'aise pour entreprendre cet examen de
la politique religieuse aujourd'hui que si 1a
discussion du budget était venue à sa place
naturelle, c'est-à-dire soit an mois de juin, soit
au mois de novembre derniers, parce que le
gouvornement qui est sur ces bancs m'a paru,
autant que sa courte existence s permis d'en
juger, animé détentions qui, sans doute, ne le
séparent nullement des vues et des opinions de
la majorité, mais d'intentions pourtant plus
favorables à la psciflo^tion religieuse, c'est-à-
dire, selon moi, au but que nous devons pour-
»uivre. Je n'en veux pour preuve ou, si vous
aimez mieux, pour indice, que les paroles ex
cellentes prononcées hier même à la tribune
par M. le ministre des affaires étrangèies.
. (Interruptions au centre et à gauche.)
Je viens de prononcer le mot de pacification
religieuse; je n'ai pas dit de paix religieuse, j'ai
dit pacifioation, c'est-à-dire retour à la paix,
cela suppose dono que la paix avait été rompue
et qu'il y avait entre l'Etat français et l'Eglise
en France, je ne dirai pas la guerre, mais enfin
des relations tendues et difficiles.
M. Adolphe Turrel. — Il y a dans ma
région une guerre ignoble faite par le clorgé au
parti républicain. (Exclamations à droite.)
Mgr d'Hulst.— C'est votre maniè/ c du voir.
M» Adolphe Turrel. — C'est la vérité !
Mgr d'Hulst.— Jv ne relèverai p is cette in
terruption. Je ne crois pas que jusqu'à pré
sent...
" M. Adolphe Turrel. — C« n'est pas de vous
que je parie.
Mgr d'Hultz. — Je parle des faits; vous en
parlerez si vous voulez à votre tour, et vous
en parlerez comme il vous conviendra. Quant à
moi, j'en parle comme il me convient, et jn
crois en parler comme il convient. (Très bien 1
à droite.)
Lorsque la paix a été rompue, lorsqu'à un
degré quelconque existe un état de guerre en
tre deux armées, deux nations, deux groupes
d'hommes, deux partis, deux iustitutions, peu
importe, il est dans la nature humaine de se
renvoyer d'un camp à l'autre le reproche d'avoir
commencé.
Je n'ai pas la moindre intention de poser la
question sur ce terrain là, parce que nous n'en
sortirions pas, et que, alors même que nous
diecuterions pendant deux jours entiers là-des
sus, après ces débats, qu'il faudrait bien clore
enfin, vous garderiez votre opinion et moi je
conserverais la mienne. (Bruit à gauche.) Ab
solument. Laissons le passé tel qu'il est...
A gauche. — Il est gênant 1
Mgr d'Hulst. — Noo, il n'est pas gênant le
moins du monde; mais examinons le présent
et l'avenir.
Pour que cette pacification que je réclame,
qui est dans les intérêts de tous, dans les inté-
lêts de la majorité comme dans les nôtres, pour
que cette pacification s'opère et qu'elle se main?
tienne, que réclamons-nous, nous autres ?
Nous réolamons la liberté, (Très bien l à
droite.) Seulement, pour aller immédiatement
Au -devant des objections que vous ferez et que
je connais bien, je vous dirai aveo une entière
franchise que la liberté que nous réclamons
n'est pas une liberté abstraite : c'est une liberté
concrète, qui, par conséquent, se présente dans
des rapports nécessaires avec un ensemble do
circonstances dout il n'est pas possible de ne
pas tenir compte, et qu'elle suppose de la part
du gouvernement et de la majorité d'où il
émane une attitude corrélative à ces circons
tances. Or, quand nou3 vous demandons, à
vous, messieurs de lamajorité, quelle sera cette
attitude..
M. Millerand. — De quelle corrélation par-
Jez-vous?
£fgr d'Hulst. — Je suis fâché, que vous ne
m'ayez pas compris; c'est sans doute ma faute,
je parle ris la corrélation entre l'attitude du
gouvernement et de la majorité et l'attitude
îles catholiques réclamant la liberté.
A gauche. — QaeMe liberté ?
Mgrd'Hulst. — Pour vous, messieurs, vous
avez une formule pour caractériser l'attitude
qui convient «u gouvernement et à la majorité
vis-à vis de l'Eglise et vis -à-vis des catholiques.
Cette formule, c'est la « neutralité ».
C'est là ce que vous nous répondez toutes les
fois que nous nous plaignent de quelque chose.
Vous nous dites : Nous observons vis-à-vis de
voua la neutralité, et vous, catholiques, vous
avez l'habitude et la tradition de crier à la per
sécution quand vous m 'êtes pas les maîtres I
/Rires et applaudissements ironiques à gau
che.)
Je sayaiscela.
M. Antida Boyer. — C'est chaiitable !
Mgr d'Hulst. s— U fautbiep que ^e temps à
autre j>? vous fisse plaisir.
M. Emile Moreau. — Nous vous en savons
gré.
M. Antide Boyer. — Mais c'est rare.
Mgr d'Hultz. — Nnn, si vous étiez vraiment
neutres, si vous pouviez l'être, nous ne nous
dirions pas persécutés. Mais la neutralité ab
solue est absolument impossible de la part du
. gouvernement vis-à-vis de l'fîglige et des ca
tholiques, et cela pour beaucoup de raisons [
d'abord-pour des raisons générales et ensuite
pour une raison de fait.
Je passe sur les raisons générales, qui m'en
traîneraient dans des discussions théoriques
Mais la raison de fait, à laquelle il est fait al
Jnsion à chaque instant dans cet ordre de dis
cupsion, c'est le Concordat.
Il est impossible au gouvernement de dire à
l'Eglise: Je traite avec vous, mais je vous
ignore. Or, c'est là os qu'il faudrait dire pour
observer la neutralité absolue ; il faudrait con
sidérer l'Eglise comme n'ayant pas d'existence.
Donc, cette neutralité est incompatible, en tant
qu'elle serait absolue, avec l'existence même
du Concordat. D'autre part, messieurs, il appa
raît tous les ans, ici, qu'il ne peut pas se ren
contrer une majorité pour la dénonciation du
Concordat.- -
M. Hubbard. —Cela viendra.
Mgr d'Hulst. —Cela viendra peut être.
M. Hubbard. —Sûrement.
Mgr d'Hulst. — Je crois que le jour où cela
viendra, d'abord l'Etat fera tout simplement
banqueroute, ce qui n'est pas honorable. (Ex
clamations à gauche.)
Je crois, en second lieu, que l'Etat, commet
tra une très grande maladresse et,d'autre part,
que nous en souffrirons beaucoup ; que, par
conséquent, ce conflit résultant du Concordat
ressemblera à ces batailles lamentables dans
lesquelles les pertes sont si grandes et les ré
sultats si douteux de part et d'autre qu'ily a
deux vaincus et pas de vainqueur. (Très bien !
très bien ! à droite.)
Mais, enfin, nous n'en sommes pas encore là,
et je ne sais pas encore si on en viendra là.
Quelques-uns d'entre vous s'en croient assurés;
d'autres ont la persuasion contraire. Je n'ai
pas d'opinion là-dessus, car je ne Buispas pro
phète. (Bruit à gauche.)
En attendant que cela vienne, ou si cela ne
doit pas venir, messieurs, le Concordat subsis
tant, la neutralité absolue, je viens de vous le
démontrer, est impossible.
Au-dessous de cette neutralité absolue, on
pourrait concevoir une sorte de neutralité re
lative.
Cette neutralité partielle consisterait, de la
part du gouvernement, à dire à l'Eglise : Je
suis bien obligé de reconnaître que vous exis
tez, puisque je traite avec vous ; mais je m'en
tiens strictement au pacte et, en dehors des
stipulations expresses écrites dans le pacte, je
ne vous connais pas.
Je ne crois pas que cette neutralité relative,
limitée au contrat, soit jamais le programme
effectif de la majorité telle qu'elle est aujour
d'hui, puisque ce programme aurait les consé
quences les plus inattendues, et en particulier
cette conséquence d'amener l'abrogation des ar
ticles organiques. Or, je ne sache pas que vous
soyez disposés à à abroger ces articles organi
ques ; bien au contraire, si vous pouviez en
ajouter d'autres, vous n'y manqueriez pas.
Quel est le caractère de oes articles? Ce sont
des dispositions législatives qui émanent de la
puissance civile; elles sont à côté du Concordat,
unilatérales, et non pas synallagmàtiques.
Si désireux qu'on soit de leur conférer le
maximum d'autorité qu'elles comportent, on ne
saurait aller au delà de cetta qualification d'aote ■
législatif, unilatéral, purement civil (Très bien!
très bien 1 à droite), réglementant, Chose assez
étrange, des matières religieuses 1
Comment les matières religieuses sont-elles
réglementées par l'acte législatif que nous ap
pelons la loi de germinal an X? C'est en déro
geant de la manière la plus absolue, la plus
formelle, au principe de la neutralité. Eh quoi 1
elle serait neutre, cette loi de germinal qui ne
se contente pas d'édicter des mesures d ordre
public pour l'exercice du culte, mais qui entre
dans le détail de la discipline et quelquefois iu
dogme lui-même, qui décide, par exemple,
quel devra être l'enseignement deB séminaires
sur la déclaration de 1682...
A gauche. — Que vous ne respectez plus !
Mgrd'Hulst,... qui témoigne d'une solli
citude singulière pour l'application des lois
canoniques, pour la résidence des évêques et
des curés, qui va jusqu'à réglementer les ap
pellations honorifiques et le costume ?
M. Lavy. — Nous ne nous en apercevons
pas maintenant 1
Mgr d'Hulst. — Remarquez que je n'ap-
préoie pas en ce moment les articles organi
ques : je les caractérise seulement en vous
montrant que les dispositions de la loi de ger
minal an X sont la négation la plus formelle
du principe de la neutralité, et que, par con
séquent, s'il y aua système qui s'éloigue de la
pratique et des aspirations du parti qui gou
verne aujourd'hui, c'est oelui que j'indiquais
en second lieu, après la neutralité absolue,
celui de la neutralité relative. (Très bien ! très
bien I à droite )
M. Millerand. — Vu.ilà un bon discours con
tre le budget des cultes 1
Mgr d'Hulst. — Si la neutralité, relative
n'e t pas plus praticable qve la neutralité abso
lue, q'u'est ce qui reste? Si l'on ne veut pas
continuer à avoir la guerre, quelle ressource
demeure à notre portée pour faire la paix ?
A. gauche. — Le divorce l
Mgr d'Hulst. — J'en ai parlé tout à l'heure.
J'ai dit que vous n'étiez pas prêts à le pro
noncer ; que si vous le faisiez, vous commet
triez une injustice, et que vous feriez autant
de victimes qu'il ya de parties intéressées dans
l'affaire—
M. Gustave Isambert. — Si vous n'y étiez
pas intéressé, vous ne le craindriez pas tant 1
Mgrd'Hulst. — Je vous en prie, ne rouvrons
pas ce débat éternellement 1
Il y aurait une dernière attitude à prendre
pour avoirlapaix en maintenant le Concordatjet
en renonçant à la double chimère d'une neutra
lité absolue, incompatible avec le pacte, et d'uue
neutralité relative, incompatible avec la loi de
germinal.
• Cette attitude de la part du gouvernement,
de la part de l'Etat français, serait celle d'un
libéralisme bienveillant qui n'implique en au
cune façon l'abandon des droits de l'Etat, pas
même un privilège proprement dit au profit de
l'Eglise et des catholiques ; oar si le Concordat
stipule en leur faveur des dispositions qui peu
vent sembler avoir un caractère de privilège, il
ne faut pas oublier que, d'une part, ces dispo
sitions sont le rachat (Interruptions à gauche)
des droits dont l'Eglise, en 1801, a renoncé à
poursuivre la revendication,, et que, d'autre
part, des prérogatives régaliennes ont été con
férées à l'Etat français, en particulier le droit
do nommer les évêques, d'agréer la nomination
des curés, celle des chanoines, des vicaires gé
néraux. V
Par conséquent, s'il y.a privilège, il est bila
téral, il est partagé.
Eh bien, ce que nous demandons en parlant
d'une attitude caractérisée par ces mots : « un
libéralisme bienveillant », ce n'est pas un pri
vilège ; c'est simplement une façon d'entendre
les rapports de l'Eglise et de l'Etat qui soit
propre à mettre la paix dans les consciences et
dans le pays.
J'ai promis de ne pas apporter ici des paroles
irritantes; je veillerai donc sur mon langage
afin de ne pas mettre un accent trop amer
dans le souvenir très rapide que je ne puis
m'empêcher d'accorder aux faits qui ont carac
térisé, en cette matière, l'année écoulée. Je de
mande seulement, aveo le plus grand calme, si
c'est par ces mots « libéraliste bienveillant »
qu'on peut caractériser l'attitude qui a été eelle
du gouvarnement antérieur au ministère ac
tuel.
A gauche. — C'est le même I
Mgr d'Hulst. — Je représente on départe
ment qui peut me fournir quelques exemples.
Mais les faits que je citerai n'ont rien qui soit
particulier au Finistère, et je pourrais facile
ment, presque au hasard, en emprunter de
semblables à tous les aytrep départements
français.
Eh bien, pendant l'année 1892, dans le dépar
tement que j'ai l'honneur de représenter, on a
supprimé uu certain nombre de traitements
ecclésiastiques.
Je ne veux pas ramener la discussion sûr le
terrain théorique et juridique ; il ne me serait
pourtant pas difficile de renouveler la démons
tration qui a été faite, à plusieurs reprises, du
caractère abusif et illégal de cote pénalité
qi>'aucun juge ne prononce et qui, la plupart
du temps, n'est précédée d'aucune enquête, au
moins contradictoire, que n'appuie aucun texte
législatif et qui n'a pour l'autoriser qu'un seul
précédent, emprunté aux pratiques abusives de
l'ancien régime et ur,e interprétation subrep-
ticp et fausse d'un article du Concordat.
> "Mais ce s'est pas le pfijpt dp droit c [ue je
discute ici. Je demande quels ont été les prô
cédés habituels du gouvernaient dans ces sup
pressions de traitements ecclésiastiques?
Le prétexte ordinaire qui a été invoqué, c'est
l'ingérance électorale an clergé et, unp ma*
nière générale, son immixtion politique.
Messieurs, j'ai eu l'occision d'étudier par
moi-même quelques unes des espèces qui ce
I posent ainsi tous les jours et dont tout le
monffe entend parler dans la presse. De cette 1
étude personnelle il résulte...
M. Adolphe Turrel. — Vous nous parlerez
alors des actes politiques du clergé 1
Mgr d'Hulst. — Je parle des suppressions de i
traitements ecclésiastiques.
A droite. — N'interrompez pas, à gauche 1
M. Adelphe Turrel. — Vous interrompez
bien, messieurs de la droite, quand l'un aes
nôtres est à la tribune. (Dénégations à droite.)
Mgr d'Hulst. — Je ne me plains pas de ces
interruptions. Peut-être n'ai-je pas été suffi
samment clair. Je vais m'elforcer de l'être da
vantage.
Je parle des suppressions de traitements ec
clésiastiques motivées, de la part du gouverne
ment qui les a prononcées, par le reproche
d'ingérence électorale.
J'ai constaté par moi-même ce que j'avais en
tendu dire autonr de moi par des évêques et
d'autres ecclésiastiques De l'enquête à laquelle
je me suis livré à cet égard, il résulte que le
gouvernement, quand il est amené à prononcer
une de ces suppressions de traitements,procède
d'ordinaire de ia façon suivante : il est saisi
d'une plainte qui émane, la plupart du temps,
d'un personnage politique évincé ou qui, même
ayant triomphé dans la lutte, veut satisfaire des
rancunes électorales. Le gouvernement, repré
senté par le préfet, fait une enquête ; oette en
quête est habituellement conduite par la gen
darmerie, qui se transporte dans la commune
avec un appareil très imposant. (Sourires à
gauche.)
Mais certainement, messieurs, vous savez
quel est sur le paysan le prestige du baudrier,
et il ne faut pas vous en plaindre, Le prestige
du baudrier au gendarme est une des garan
ties de la sécurité publique et privée, et, pour
ma part, j'ai le plus grand respect pour ra
fonction qu'exercent les gendarmes, comme j'ai
la plus grande estime pour ces braves gens.
Divers membres. — Nous aussi.
Mgr d'Hulst. — Ce no sont pas seulement
des braves gens, ce sont des gens braves et
auxquels nous devons beaucoup.
Un membre à gauche. — La orainte du bau
drier est le commencement de la sagesse.
M. d'Hulst. Seulement les gendarmes, gé
néralement, ne sont par très familiarisés avec
les finesses de la jurisprudence, et je ne crois
pas qu'il soit venu à la pensée d'aucun d'entre
vous de charger un brigadier de gendarmerie
de l'enquête sur le Panama. — (Très bien 1 et
rires à droite.) •
M. Trouillot. — Qu'est-ce que cela veut
dire?
M. d'Hulst. — Les gendarmes font donc leur
enquête ; Us interrogent et, quelquefois, — je
ne le dis pas au hasard, mais parce que je
m'appuie sur des faits qui sont à ma connais
sance, — ils ont reçu le mandat d'interroger de
façon à produire une certaine intimidation,
(Exclamations à gauche.)
A droite. — C est exact.
M. d'Hulst. — Font-ils un procès-verbal de
leur enquête? C'est lenr devoir, la loi les y
oblige ; mais on n'en peut jamais rien connaî-
tre> i>i
Ce procès-verbal va à la préfecture, de là il
p art pour le ministè.'e, et alors le ministre écrit
àl'évêque que M. le desservant un tel s'est
écarté de son devoir dans telle circonstance ;
l'évéque est invité à le déplacer dans les huit
jours, faute de quoi le desservant sera privé de
son traitement, voilà comment les choses se
passeut.
L'évéque éorit pour demander un délai de
quelques jours, voulant prendre lui-même ses
renseignements. Il y est, du reste, ordinai
rement invité par la lettre ministérielle. Il fait
son enquête de son côté et, très souvent, les
résultats en sont absolument contradictoires à
ceux de l'enquête préfectorale. (Rires à gauche.)
M. le comte de Lanjuinais. — C'est géné
ralement ainsi que cela se passe, parce que les
accusations sont fausses.
Mgr d'Hulst. — Je parle de faits connus, et
ii me semble que ja ne passionne pas le débat
le moins du monde.
Le ministre — ainsi faisaient du moins ceux
de ces dernières années— répond alors à l'é
véque ou au vicaire capitulaire —c'était le cas
dans le Finistère — que les faits allégués dans
l'enquête préfectorale sont absolument prouvés,
hors de contestation, qu'on n'ea admet pas la:
discussion et que la mesure est maintenue. Le
traitement est donc supprimé.
Messieurs, il n'existe nulle part un autre
exemple d'une semblable pratique administra
tive ou judiciaire. Je ne sais pas si je dois me
servir du mot « administratif » ou du mot
« judioiaire »: d'une part, il s'agit d'une pé
nalité qui semblerait appeler un jugement préa
lable, d'autre part, il n'y a pas de jugement :
c'est donc alors de l'administration. Mais dans
l'un et l'autre cas, l'enquête, pour être équitable
et pour donner une garantie au justiciable, de
vrait être contradictoire. (Très bien 1 très
bien l à droite.)
Eh bien, elle est absolument unilatérale,
mystérieuse, et quand nous demandons au
moins pour notre propre information, nous, les
défenseurs de ces prêtreB privés de leur traite
ment, qu'on nous communique les procès-ver
baux de la gendarmerie, ceux qui ont été trans
mis au préfet, on nous les refuse absolument.
Gn nous dit : « Vos renseignements sont faux,
les nôtres sont exacts, il y a des témoins. »
Noua réclamons les témoignages, les noms et
demeure des témoins : on nous refuse l'un et
l'autre, et la oause est entendue. (Bruit à "gau
che.)
M. Hubbard. — Dites-nous donc ce que font
les enrés des Côtes-du-Nord 1
M. d'Hulst. — Je ne parle pas des Côtes-du-
Nord ; je parle d'abord, d'une manière générale,
de ce qui se fait en France, et ensuite de ce que
j'ai constaté moi-même dans le Finistère.
Si vous voulez, je vous citerai des noms de
communes, bien que ce ne soit pas très intéres
sant. (Parlez I parlez 1)
Je vous dirai par exemple que dans le Finis
tère les curés — les recteurs comme on dit là-
bas — des communes de Pluguffan et de Piou-
gonvelin ont été privés de traitement dans les
conditions que je viens d'exposer, pour ingé
rence électorale.
Le curé de Plougonvelin, en particulier, a
été accusé d'avoir, le dimanche qui a suivi les
élections municipale^, parlé en chaire contre la
nouvelle municipalité. Voioi ce qu'il avait fait
et dit..,
A gauche. — Et les refus d'absolutioûl
Mgr d'Hulst. — Je vais y venir, et ce n'eBt
pas la partie la plus facile à défendre dans vo
tre cause.
Le curé de Plougonvelin avait simplement in
vité les fidèles de oette paroisse très chrétienne
à prier avec lui en réparation de blasphèmes
abominables prononcés à l'entrée de l'église par
quelques-uns des individus qui avaient fait du
trouble le jour des élections.
Ces choses là peuvent vous paraître 'absolu
ment extraordinaires ; mais dans un pays très
chrétien, il est tout naturel que le curé ait fait
une semblable prière ; il n'y a pas eu dans ses
paroles la moindre allusion au résultat des
éleotions. (Interruptions et bruit à gauche.)
Dans une autre oommune du même départe
ment, à Edern, il s'est passé un fait plus cu
rieux. La liste qui a prévalu était celle à la
quelle le clergé n'était pas favorable. (Exclama
tions à gauche.)
A gauche — C'est bien extraordinaire! Le
clergé s'occupe donc d'élections?
Mgr d'Hulst. — Je ne vous ai pas dit que le
curé avait travaillé contre cette liste ; je le nie
même absolument.
A gauche. — Si ! vous avez dit que le clergé
n'était pas favorable à cette liste I
Mgr d'Hulst. — Mais, messieurs, il y a dés
opinions connues ; quand des listes, dus pro
grammes opposés sont mis en présence, vous
croyez qu'on ne sait pas d'avance, dans une pe
tite localité, comment se partagent les préfé
rences? Est-ce que vous ferez un crime au
olergé d'avoir des préférences connues pour
ceux qui soutiennent la religion? Si ces préfé
rences ne se traduisent par aucune pression,
par aucune ingérence extérieure, est ce que
vous leur demanderez compte des sentiments
qu'ils éprouvent dàns' leur ïor intérieur, de la
satisfaction ou de la peine que leur oause tel
ou tel résultat? Ce serait un singulier libéra
lisme.
four ep Revenir au cas d'Edern, le clergé
avait si peu travaillé la matière électorale, que
c'est la liste qui lui était le moins sympathi
que qui a prévalu. (Nouvelles exclamations à
gauobe.)
Le curé et les deux vicaires de cette com
mune ont été néanmoins privés de traitement.
Aussitôt la mesure connue, le maire élu par la
nouvelle municipalité a certifié, dans une at
testation rendue publique, qu'ils n'avaient en
aucune façon travaillé les élections. Malgré
cette attestation du maire, qui représentait le
parti gouvernemental, la suppression a été
maintenue. Voilà les faits.
Je vais en finir avec ces questions de fait,
que vous ne trouvez pas bien intéressantes (Si !
si 1 à gauche ) ; mais si je n'avais apporté au
cun exemple, vous auriez pu dire que je for
mulais des plaintes vagues et sans preuve.
(Très bien ! très bien ! à droite.)
Tout à l'heure, un de mes honorables collè
gues a jeté, sous forme d'interruption, les mots
« refus d'absolution ».
C'est là, en effet, un des griefs qui ont été
invoqués dans plusieurs paroisees du Finistère
pour justifier la mesure arbitraire prise contre
leo prêtres qui ont été privés de traitement.
Pour plusieurs raisons, je n'examinerai pas
laquestioude fait; d'abord elle n'est pas sus
ceptible d'examen ; elle échappe à tout contrôle;
je veux seulement soumettré'à votre attention
Ja question de droit.
Comment pouvez-vous admettre qu'on tire
d'un fait semblable un grief contre un prêtre,
alors qu'il est impossible à celui-ci d'apporter
un témoignage contraire? Personne n'igoore
qu'il est lié par un secret plus rigoureux que
tous les secrets professionnels, et vous croyei
être autorisés à accepter contre lui un, témoi
gnage émanant d'une seule personne et sur le
quel il lui est interdit de s'expliquer? Qu'il aie
donné ou refusé l'absolution, qu'il l'ait fait pouz
tel motif ou pour tel autre, le confesseur ne
peut rien dire. L'accusateur en aura beau jeu
C'est là, messieurs, une véritable monstruo
sité juridique. (Très bien! très bien 1 àdroite.)
M. Gustave Isambert. — Vous parlez contre
le ^secret de la-confession.
Mgr d'Hulst. — Non, monsieur, jeparlecon-
tré ceux qui ne tiennent pas compte d'un secret
aussi sacré et qui osent introduire un grief...
(Exclamations.)
M. Gustave Isambert. — Vous en démon
trez les inconvénients.
; Plusieurs membres à droite, s'adressant à
l'orateur. — Ne répondez pas 1 Continuez votre
discours.
1 Mgr d'Hulst. — En effet, et je demande par
don â la Chambre d'avoir répondu à cette inter
ruption. (Bruit.)
Voilà, messieurs, quelle a été dans un peti
coin de la France, qu il m'a été donné d'obser
ver de plus près, l'attitude, la politique reli
gieuse du gouvernement, au moins pendant
l'année dernière. ' . .
Comme cette attitude a été la même dans
tous les autres départements, je crois donc
avoir le droit de conclure qu'elle ra'a pas eu ce
caractère de libéralisme bienveillant qui me
paraît être, dans les circonstances actuelles, la
seule attitude possible pour éviter le maintien
d'un état d'hostilité également nuisible et à
l'Eglise et à l'Etat. (Très bien I très bien 1 à
droite. — Interruptions à gauche.)
Et maintenant, messieurs, ma conclusion...
M. Gustave Isambert. — Le libéralisme est
condamné par l'Eglise 1
M. le comte de Lanjuinais. — Où avez-
vous vu cela ? (Bruit à gauche.)
Mgr d'Hulst. — J'attendrai le silence pour
continuer.
A gauche. — Parlez ! parlez I
M. François Deloncle. — Non, ne parlez
pas, paroe que vous provoquez 1 Vous ne voulez
pas la paix. Vous voudriez bien que la Cham
bre refusât les crédits l C'est vous qui êtes
l'ennemi de la paix religieuse, tandis que nous,
nous la voulons. (Exclamations à droite. )
M. le président. — Messieurs, je.vous prie
de ne pas interrompre. Oa pourra répondre à
l'orateur à la tribune, mais on doit l'écouter en
silence.
Mgrd'Hulst. — Messieurs, l'un des plus
grands torts qu'aient les partis politiques les
uns à l'égard des autres consiste à se dénier ré
ciproquement le bénéfice de la sincérité. Je ne
sais pas sur quoi se fonde celui de mes collè
gues qui vient de m'interrompre pour contester
la mienne. C'est un droit que je lui refuse
absolument. (Très bien 1 très bien ! àdroite.)
Dans tous les cas, quand je parle de pacifica
tion, je n'admets pas qu'on me prête des inten
tions hostiles. Si j'en avais, je ne me servirais
pas de ce mot.
' M. François Deloncle. — Si vous voulez la
paix, n'apportez pas la guerre ici. (Exclamations
à dreite.)
Mgr d'Hulst. — On m'aocuse d'apporter ici
la guerre sous le nom de la paix. Qu'ai-je fait?
J'ai examiné quelle était, selon moi, l'attitude
la plus propre à maintenir la paix ; avec une
très grande modération de langage, j'ai rappelé
des faits qui ne sont pas à la charge du minis
tère actuel, et je oonclus maintenant en deman
dant au gouvernement et à la majorité d'où
émane ce gouveruement, non pae des privilèges
pour l'Eglise ni une protection spéciale pour les
catholiques : non; mais je leur demande de
traiter l'Eglise et les catholiques en les pre
nant pour ce qu'ils sont.
Traitez les catholiques comme des oitoyens
français (Très bien ! très bien 1 à droite), égaux
en droit à tous les autres, et qui, par conséquent,
ne doivent jamais trouver dans leur qualité de
catholiques, même déclarés, même pratiquants,
fussent-ils même fonctionnaires, un titre d'in
fériorité, quelque chose qui les désigne à la dé
faveur du gouvernement.
M. Montaut. — C'est un titre à l'avancement,
au contraire !
Mgr d'Hulst. — Voilà ce que nous récla
mons pour les catholiques considérés comme
individus. (Très bien ! très bien! à droite.)
Quant à l'Eglise oatholique elle-même, dont
nous sommes fiers, nous, de nous déclarer les
enfants, je vous demande, messieurs, ou plutôt
si vous me pardonnez d'employer une expression
peut être ambitieuse, je vous conseille de ne
plus la considérer ni comme un adversaire, ni
comme une étrangère, ni oomme une alliée
suspecte, mais comme une alliée sincère, bien
faisante. (Rumeurs à gauche.)
A gauche. — Lisez la Croix !
Mgr d'Hulst. — ... comme une alliée qui a
rendu rendu dans ces derniers temps au régime
dont ia forme vous est particulièrement chère
des servioes peut-être inattendus, mais que
M. le ministre des affaires étrangères avait
grandement raison hier de ne pas dédaigner ;
une alliée eufin qui, dans tous les temps, a ap
porté à la oause de la civilisation, de ia
paix sociale, à tout ce que nous devons
aimer, désirer et poursuivre en commun,
un concours précieux et nécessaire.
Messieurs, pour traiter ainsi l'Eglise et les
catholiques, je vous demande de donner à la
politique religieuse de la République le carac
tère que j'essayais de préciser tout à l'heure et
et qui a pour formule : un libéralisme bien
veillant. (Applaudissements à droite.)
M. le ministre de l'instruction publi
que et des cultes monte à la tribune.
M. Charles Dupuy, ministre de l'instruc
tion publique, des beaux-arts et des cultes. —
Messieurs,te discours de l'honorable d I^ulst
contient un çertain nombre de thèses sur les
quelles je n'insisterai pas. Il a fait preuve —
et Jde sa part c'était tout naturel — d'une éru
dition concordataire à laquelle je ne saurais
atteindre après six semaines de séjour au mi-
Bi&tère des cultes. Il a apporté ici celte décla
ration que les articles organiques ne font pas
.partie intégrante du pacte concordataire.
(Jn memhre à droite. — C'est évident !
i M. le ministre de l'instruction publique
et des cultes. — A son affirmation, je réponds
par une affirmation contraire, et peut-être se
produira t-il, avant la fin do oette discussion,
telle circonstance où l'honorable M. d'Hulst
sera bien aise qu'un ministre de la République
invoque les articles organiques pour lesquels il
est si sévère. (Rires approbatifs à gauche et au
centre.)
Si l'nonorab'e préopinant a voulu montrer
que dans la politique républicaine il n'avait au
cune place et qu'il était particulièrement opposé
à ce qu'on appelle l'opportunisme, je crois qu'il
a complètement réussi. Il a voulu Darler
sérénité ; je lui rends cette justice, en'oorè il
a atteint Son but,
Mais il a touché un certain nombre de points
sur lequels le ministre des cultes doit à la
Chambre des explications.
M. d'Hulst s'est plu à dire qu'il y avait entrç
le - gouvernement d'hier et le gouvernement
d'aujourd'hui, dans la manière de traiter la
question des cultes, des différences sur lesquel
les il s'est peu expliqué, non plus que sur je ne
sais quelles espérances.
Il n'y a aucune différence entre celùi- qui m'a
précédé au ministère des cultes et moi, eh ce
qui concerne le respect de la loi.
Qu'il s'agisse du Concordat, qui est un pacte
bilatéral, ou qu'il s'agisse de'la loi civile,
M. Ricard et M. Dupuy sont entièrement soli
daires. Le pouvoir civil a une autorité disci
plinaire, que j'exercerai poua ma part avec la
plus grande aménité envers les personnes,
mais aussi avec le plus strict souci de l'obser
vation de la loi. Je l'ai déclaré lorsque j'ai reçu
le personnel des cultes, je le répète encore ici
à cette taibune : je ne suis l'homme d'aucune
tracasserie, d'aucune vexation.
Adroite. —Tant mieux!
M. le ministre. — Je ne connais qu'une
chose, ia loi de mon pays,et jealaferai observer
tout entière. (Très bienl très bien I à gauche
et au centre.)
Si c'est à ce prix que la paix peut être faite
entre l'Etat et l'Eglise, je crois qu'elle se fera ;
mais l'Eglise n'aurait à s'en prendre qu'à elle-
même du retard de la pacification dont on parle
par labouche de M.d'Hulstou par celle de ses au
tres représentants, si elle émettait la prétention
de traiter de puissance à puissance aveo l'Etat,
dont elle est simplement une subordonnée.(Pro-
testationB à droite. -— Vifs applaudissements à
gauche et sur divers banos au centre.)
M. Bergerot. — Non, l'Eglise n'est pas une
subordonnée !
M. le comte de Lanjuinais. — Le domaino
des consciences n'appartient pas à l'Etat,
M. le ministre. — Monsieur Bergerot, vos
dénégations ne suffisent pas à me faire changer ]
d'avis.
Oui, c'est à ce prix que la paix peut se faire ;
mais je dirai à ceux dont M. d'Hulst s'est fait
ici le patron et l'avocat autorisé : « Messieurs,
à vous de commencer ! » (Mouvements di
vers.)
M. Jacques Piou. — Ils ont commenoé l
M. François Deloncle. — M. d'Hulst n'est
pas le représentant des évêques ; c'est un prélat
romain 1
M. le ministro. — Vous avez apporté à cette
tribune,pour démontrer cet état de guerre dont
vous avez parlé, — o'est ainsi du moins, je
crois, que vous l'avez défini, — qui existerait
entre vous et la République, un certain nom
bre de faits sur lesquels, vous le comprendrez,
je n'insisterai pas en ce moment, car ce que
vous avez voulu faire en les apportant, c'est
simplement souligner un thèse générale...
Mgrd'Hulst.—Parfaitement!
M. le ministre. — ... relative, n'est-ce pas,
à la suppression de certains traitements ecclé
siastiques ?...
Mgr d'Hulst.— Voulez-vous me permettre]un
mot?...
J'avais l'intention de ne pas porter ces faits
à la tribune avant de vous en avoir entretenu en
particulier. Vous m'aviez fait l'honneur de
m'accorder une audience pour ce soir à six
heures; je pensais que le budget des cultes ne
viendrait en discussion que la semaine pro
chaine, et o'e§t précisément pour ne pas parler
de ces choses à la tribune avant de vous en
avoir entretenu qua je VOU3 avais demandé
oette audience.
M. le ministre. — Je vous remercie de l'ex
plication.
La rapidité aveo laquelle le budget des cultes
est arrivé en discussion m'a peut-être surpris
plus encore que vous-même; mais sur cette
question de suppression des traitements ecclé
siastiques je ne saurais faire qu'une réponse,
car la Chambre n'attend pas à cette heure de
très longs développements.
Je dirai que vous avez une singulière ma
nière de comprendre en cette affaire les droits
de l'autorité civile. Si le Concordat, en effet, a
introduit dans ce pays une notion, c'est préci
sément que l'administration des cultes devait
se compQrter et être traitée comme une admi
nistration oivile; et nous venez me demander
de faire vous-même des enquêtes qui doiveut
être aux mains de l'administration civile, oar
elles visent des personnes qui sont, quoi que
vous en ayez, des fonctionnaires de l'Etat.
M. le comte de Lanjuinais. — On vous a
simplement demandé des enquêtes contradic
toires.
Mgr d'Hults. — Nous demandons à être en
tendus.
M. le ministre.— Vous demandez à être en
tendus, dites-vous? Oh! je sais très bien quelle
est la portée de la réclamation que vous avez
produite ici; je sais très bien que quand vous
demandez qu'on vous communique les noms
des déposants et des témoins, ce n'est pas évi
demment pour en faire un usage impartial en
faveur de la vérité. (Réclamations à droite. —
Applaudissements à gauche et au centre.)
A droite. — Vous n'avez pas le droit de dire
cela !
Mgr d'Hu'st. — De pareilles insinuations
sont inacceptables, monsieur le ministre,
M. le ministre. — Ce ne sont pas des insi
nuations...
M. Bergerot. — Ce sont vos gendarmes qui
ont peur l (Oa rit.)
M. le ministre. — Permettez-moi à ce pro
pos de vous dire, monsieur Bergerot, que j'ai
trouvé une chose très étonnante dans le dis
cours de l'honorable M. d'Hulst : x'est sa mé
fiance singulière, de la part d'un conservateur
aussi autorisé que lui, à l'égard de la gendar
merie. (Nouveaux rires.)
Mgr d'Hulst. — C'est tout le contraire !
M. le ministre. — Mais la question n'est
pas là-
Lorsqu'à cetre tribune quelqu'un viendra
dire que le ministre des cultes procède par in
sinuations, il me fera l'honneur d'y monter
après moi etde prouver que j'insinue quoi que
ce soit. Je déolare, j'affirme, je prouve toutes
les fois que je le puis; mais jamais je n'insi
nue
Mgr d'Hulst.
tions I (Bruit.)
Vous interprétez des inten-
M. le ministre. — Quant à moi, représen
tant du pouvoir civil, faisant de l'administra
tion des cultes une œuvre régulière et normale,
ne cherchant pas à y introduire des distiactions
et des difficultés particulières, la traitant en
homme de bonne foi, en hopime qui voudrait
que tous les Français fussent d'accord, si c'é
tait possible (Très bien!), je déolare que quand
vous réclamez qu'on vous livre le nom des té
moins ou qu'on mette les dossiers à votre dis
position, vous demandez une chose absolument
impossible. (Réclamations à droite.)
Parfaitement messieurs 1
Et laissez-moi vous le dire, monsieur d'Hulst,
voua avez passé, aveo une habileté de prétéri-
tion qui fait honneur à votre talent de logicien,
sur un fait grave pour des oonsoiences catholi
ques — c'est à vous que je m'adresse — lors
que vous avez dit que vous ne parleriez pas du
refus collectif des sacrements. i
Je ne gais pas comment sont faits les élec
teurs que vous représentez, mais j'en connais
dans le pays que j'.ai l'honneur 4e représenter
qui seraient profondément troublés par oe refus
colleotif. Vous avez dit que c'était là une affairé
de secret dans laquelle les pouvoirs civils n'a
vaient pas à intervenir; mais nous avons le
droit de nous défier et de nous dire que peut-
être de tels refus annoncés à l'avance ferme
raient la bouche à ceux qui veulent dire ïà vé
rité. (Applaudissements à gauche,)
Mgr d'-Kubjt -~-'Jè n'ai jamais entendu par
ler de refus annoncés à l'avance.
M. le ministre. — D'ailleurs — et ici il faut
s'expliquer d'une manière complète-^ vous en
tendez bien que je n'aurais pas assumé au nom
de la République la oliarge périlleuse et diffi
cile d'administrer les cultes en même temps
que l'instruction publique, si je n'avais pas eu
le sentiment très haut de mon impartialité et
une entière confiance dans la loi, Cep enquêtes,
en vérité, croyez-vous cm'elles ne sont pas fai
tes ? SJaiq, monsieur d Hulat, si jamais vous
arrives au ministère des cultes — ce que je ne
souhaite pas au clergé — (Rires à gauche et au
centre),ce jour-là vous verrez par l'énorrnité des
dossiers, par la quantité des) correspondances,
à combien ^'informations on doit r8oourlr pour
arriver enfin à dégager la vérité dans de telles
affaires. Les dv'èques sont questionnés, les cu
rés sont questionnés, leurs dires sont enregis
trés; ce n'est pas "seulement la gendarmerie
qui intervient : tout le ^ande est consulté;
les intéressé^ eus-rnêmes le sont, et quand nous
çgnoluofts ii" la suppression du traitement, çç
n'est qu'après des précautions infinies qu'on
ne prend pas toujours peut être 4 l'égard d'un
■pauvre fonctionnaire *civil. (Vifs applaudisse
ments à gauche et au centre.)'
Il est regrettable évidemment de supprimer
le traitement d'un homme qui remplit un ser
vice public..
M. la Rochefoucauld, duc de Doudeauville.
— Et de le faire mourir de faim 1
M. le ministre. — Voulez-vous que je vous
donne' un chiffre ? De ce côté (l'orateur désigne
la gauche), ce chiffre va paraître insuffisant; de
celui-ci (la droite), il paraîtra énorme ! tant les
paissions humaines s'excitent sur ces questions.
Mais moi qui les juge avec une impartialité se
reine, je l'apporte tel que, sans commentaires.
Depuis 1881, il y a eu suppression de
1,217 traitements ecclésiastiques.
M. Plichon. — Ce n'est rienl
M. le ministre. — Eh bien, en vérité, per
mettez-moi de vous le dire, dans l'ensemble de
nos administrations civiles il y a eu au moins
autant de suspensions ou de suppressions de
traitements pendant le même temps.
Est-ce qu'il n'est pas plus naturel de rendre
à toutes ces choses les proportions qui leur
conviennent, de ne pas vouloir, sous prétexte
de liberté, de « libéralisme bienveillant », faire
une caste à part du clergé français?
Le clergé français, messieurs, ne se recrute
pas comme autrefois dans des familles privilé
giées ; il n'apporte pas avec lui, à l'autel, les
prestiges de la naissance.
A droite. — Ce n'est pas une raison pour le
priver de traitement 1
Mgr d'Hulst. — Il n'en est que plus digne de
vos sympathies.
M. le ministre."— line sort même que rare
ment de cette classe moyenne, où l'aisance se
forme par le travail de plusieurs générations.
Le clergé actuel provient presque toujours des
familles rurales, et alors... ^Interruptions à
droite).
M, Larochefoucauld, duc [de Doudeaù-
ville. — Ce n'est pas une [raison pour le faire
mourir de faim 1
M. le ministre. — Messieurs, je crois que
ma comparaison vous gêne. (Dénégations à
droite. — Très bien 1 à gauche et au centre.)
Croyez-moi, il serait plus naturel de considé
rer le clergé t de ce temps comme une réunion
d'hommes remplissant, sous certaines condi
tions, des fonctions d'Etat... (Interruptions à
droite), des fonctions qui servent à l'ensemble
de la société civil» sous le contrôle et l'inves
titure de l'autorité religieuse.
M. le comte de Lanjuinais. — Cette se
conde formule est plus exacte.
M. le ministre. — Mais venir ici demander
des privilèges spéciaux par cette catégorie da
citoyens, c'est les séparer de plus en plus de la
nation, et vous n'avez aucun intérêt à le faire.
Lorsque vous venez dire que des temps nou
veaux sont annoncés, que d'une bouche autori-.
sée sont tombées des paroles de conciliation et
de rapprochement, n apercevez-vous pas qu'à
ce moment même, par des discours comme
ceux que voub apportez ici, vous poussez à la
séparation ? (Applaudissements à gauche et au
centre.)
Un membre au centre. — C'est le but qu'on
poufsuit 1
M. le ministre. — Rour moi, je considère —
et mes amis les républicains le comprendront
comme moi — que le olergé, fils de France,
sorti du sillon et de la glèbe, enfant de nos
paysans, a la droit de se mêler et de se répan
dre dans l'ensemble de la société française. Je
ne veux pas qu'on lui fasse une place à part
dans la société, qu'on le relègue dans un caté
gorie qui le Bépare des autres citoyens. 11 est
mêlé à la nation, j'entends qu'il y reste mêlé l
(Applaudissements sur les mêmes bancs.)
Et ainsi j'ai répondu d'avance à votre ques
tion : « Nous, catholiques, serons-nous désor
mais traités comme des citoyens ?» Et à quelle
heure, je vous prie, n'avtz-vous pas été traités
comme des citoyens? Est-il un moment où
vous fûtes jamais recherchés, dans ce pays et
sous ce régime, pour vos opinions et vos
croyances ? Est-il un Français qui ait été privé
du droit de régler sa foi sur sa conscience ?
Quel est celui qui n'a pas eu ce droit? Citez-le
moi 1
Mgr d'Hulst. — Les trois quarts et demi de
vos fonctionnaires! Ce sont des esclaves 1
M. le ministre. — Mon intention n'est d'é
viter aucune question. Je pense que nous som
mes à une heure où il faut dire tout ce que l'on
pense ; et, pour ma part, toutes les fois que je
suis monté à cette tribune, je ne m'en suis
jamais privé. Ce n'est pas aujourd'hui que je
commencerai. — (Très bien ! très bien I)
Vous avez parlé de fonctionnaires 1 Je ne saia
pss s'il est parlementairement permis à un mi
nistre qui a charge de trois ministères de se
rappeler, au moment où il parle des cultes,
qu'il est ministre de l'instruction publique ;
mais peut-être mes honorables oollègues s'en
souviennent-ils; il m'est arrivé quelquefois ici,
depuis trois ou quatre ans, de m'étonner aveô
une certaine peine,avec quelque chagrin même,
de voir des fonctionnaires ne pas avoir dans
l'enseignement de l'Etat une confiance plus
grande et conduire, par exemple, leurs enfants
à M. d'Huslt, au lieu de les conduire à la Sor-
bonne ou à tel autre établissement de l'Etat.
Eh bien, oe regret que j'apportais ici avec un
véritable chagrin, est-ce qu'il n'est pas la
preuve de cette liberté que M. d'Hulst prétend
être confisquée ? Connaît-il des fonctionnaires
dont il puisse apporter les noms ici, auxqnels
le régime actuel ait jamais imposé une telle
oontrainte? — (Applaudissements à gauche.
Protestations àdroite.)
M. la Rochefoucauld, due de Doudeau
ville. — II y en a dans tons nos départe
ments.
Mgr d'Hulst. — J'en connais beaucoup.
M. le vicomte de Montfort. — Comment !
monsieur le ministre, c'eat sérieusement que
vous soutiendriez que les petits fonctionnai
res sont libres pour l'éduoation de leurs en
fants ?
M- le ministre. — Mais,messieurs, véritable
ment. si je voulais faire le recensement auquel
je puis procéder, et rechercher quels sont dans
les communes, dans les chefs-lieux de canton,
les parent8 appartenant à cette catégorie de ci
toyens dont vous avez parlé tout à l'heure et
qui se sentent libres de ne pas envoyer leurs
enfants aux écoles de l'Etat, je vous assure que
j'y trouverais beaucoup de gendarmes, de can
tonniers ; j'y trouverais peut-être -même des
instituteurs.
M. Lorois. — Pas un seul dans le départe
ment que je représente !
M. le eomte de Lanjuinais. — Vous en
trouveriez beaucoup dans le Morbihan qui n'o
sent pas envoyer leurs snfants dans les écoles
libres ! Si on vous les nommait, vous les révo
queriez.
M. de Colombet. — Oui, nous pourrions ci
ter de nombreux exemples ; nous en connais
sons tous dans nos départements.
M. le ministre. — Si je voulais les révo
quer, je ferais l'enquête tout de suite.
Je crois avoir, messieurs, dans mes paroles
qui, je l'espère, paraîtront modérées à l'en
semble de cette Chambre, — je n'ai pas 1a pré
tention d être de l'avis de tout le monde, ce se-
raitun.bien triste ministre que celui qui serait
de 1 avis 4e tout le monde à la fois dans une
pareille Assemblée (Rires), — je crois, dis-ie.
avoir montré que si le gouvernement républi
cain, quels que soient ses représentants, tient
à honneur de respecter les oonsoiences (Excla
mations à drotfe\ il tient non moins à honneur
de faire respeoterla loi.
Sous le bénéfloe de ces observations, je prie
la Chambre de bien vouloir passer à la discus
sion des chapitres...
M. Hubbard. — Je demande la parole^
M. le nuBistre, — Me réservant, s'il est né
cessaire, du remonter à la tribune pour répon
dre aux questions particulières. (Vifs applau
dissements au centre et à gauche.)
M. Hubbard déolare qu'un, certain
nombre de ses amis et lui voteront contre
le budget des cultes.
L"invite adressés par M. d'Hulst au gouver
nement de la République n'est que la repro
duction de celle qui a été faite par le Pape lui-
môme, la politique de libéralisme bienveillant,
il taut déblayer la politiauo de la question reli-
gieuse et substituer au Concordat une législa
tion vraiment libérale.
Une liquidation s'impose en ce qui concerne
la question des biens et la question des droits
tions pour deux chapitres (les roules et les
ponts). L'amendement est repoussé. M. Le
Provostde Launay, snr le ohapitre 29,
signale les observations de la cour des
comptes au sujet des dépenses de voyages
imputées sur divers chapitres du budget; il
faudrait inscrire les frais de mission à un
chapitre spécial. M. Viette, ministre des
travaux publics, fait observer que ce sys
tème était en usage constant au ministère
des travaux publics. Il a été supprimé au
commencement de 1892.
Le budget des cultes
M. Ville demande à poser une question
à M. le ministre des cultes au sujet de la
nomination de l'évéque de Moulins. Cet
évôehé, dit-il, n'est point concordataire. La
commission du budget demande la sup
pression des évéchés non concordataires;
pourquoi, dans ces conditione,avoir apporté
tant de hâte h nommer le successeur de
Mgr de Dreux-Brézé 1
M. Dupuy, ministre de l'instruction pu
blique et des cultes, répond que les évêques
reçoivent l'investiture canonique dans les
consistoires. Le gouvernement a été informé
qu'un consistoire allait être tenu à Rome
et, afin de ne pas laisser un siège vacant
trop longtemps, le ministre a voulu pro
fiter de ce consistoire en désignant le plus
rapidement possible l'évéque de Moulins.
Mgr d'Hulst prend ensuite la parole.
Mgr d'Hulst. — Messieurs, la discussion du
budget est ia meilleure occasion çai s'offre aux
représentants du pays pour examiner avec séré
nité la politique qu'ils ont le droit et le devoir
de contrôler. Je sais que les circonstances de
temps.où vient se placer cette année la discus
sion du budget noua commandent une graude
discrétion à tous, et je suis disposé, pour ma
part, à en donner l'exemple en étant très bref.
Cependant il ne oie paraît pas que cette préoc
cupation do brièveté doive nous fermer entière
ment la bouche lorsqu'il s'agit d'exercer ce droit
d'investigation et de contrôle, qui est aussi
pour nous un devoir.
Le budget des cultes nous amène tout natu
rellement & examiner quelle est la politique
religieuse du gouvernement et de la majorité
d'où il est sorti (Mouvements divers),et à nous
demander ce qu'elle doit être dans l'avenir.
J'ai l'intention d'apporter à cet examen la
plus grande modération. Il est probible et
môme certain qu'en exprimant ma pensée je
n'exprimerai pas celle d'un certain nombre de
mes collègues ; je leur demande de vouloir bijn
ne pas voir dans ma sincérité la moindre inten
tion agressive contre la leur.
Je commence par vous dire que je me sens
plus à l'aise pour entreprendre cet examen de
la politique religieuse aujourd'hui que si 1a
discussion du budget était venue à sa place
naturelle, c'est-à-dire soit an mois de juin, soit
au mois de novembre derniers, parce que le
gouvornement qui est sur ces bancs m'a paru,
autant que sa courte existence s permis d'en
juger, animé détentions qui, sans doute, ne le
séparent nullement des vues et des opinions de
la majorité, mais d'intentions pourtant plus
favorables à la psciflo^tion religieuse, c'est-à-
dire, selon moi, au but que nous devons pour-
»uivre. Je n'en veux pour preuve ou, si vous
aimez mieux, pour indice, que les paroles ex
cellentes prononcées hier même à la tribune
par M. le ministre des affaires étrangèies.
. (Interruptions au centre et à gauche.)
Je viens de prononcer le mot de pacification
religieuse; je n'ai pas dit de paix religieuse, j'ai
dit pacifioation, c'est-à-dire retour à la paix,
cela suppose dono que la paix avait été rompue
et qu'il y avait entre l'Etat français et l'Eglise
en France, je ne dirai pas la guerre, mais enfin
des relations tendues et difficiles.
M. Adolphe Turrel. — Il y a dans ma
région une guerre ignoble faite par le clorgé au
parti républicain. (Exclamations à droite.)
Mgr d'Hulst.— C'est votre maniè/ c du voir.
M» Adolphe Turrel. — C'est la vérité !
Mgr d'Hulst.— Jv ne relèverai p is cette in
terruption. Je ne crois pas que jusqu'à pré
sent...
" M. Adolphe Turrel. — C« n'est pas de vous
que je parie.
Mgr d'Hultz. — Je parle des faits; vous en
parlerez si vous voulez à votre tour, et vous
en parlerez comme il vous conviendra. Quant à
moi, j'en parle comme il me convient, et jn
crois en parler comme il convient. (Très bien 1
à droite.)
Lorsque la paix a été rompue, lorsqu'à un
degré quelconque existe un état de guerre en
tre deux armées, deux nations, deux groupes
d'hommes, deux partis, deux iustitutions, peu
importe, il est dans la nature humaine de se
renvoyer d'un camp à l'autre le reproche d'avoir
commencé.
Je n'ai pas la moindre intention de poser la
question sur ce terrain là, parce que nous n'en
sortirions pas, et que, alors même que nous
diecuterions pendant deux jours entiers là-des
sus, après ces débats, qu'il faudrait bien clore
enfin, vous garderiez votre opinion et moi je
conserverais la mienne. (Bruit à gauche.) Ab
solument. Laissons le passé tel qu'il est...
A gauche. — Il est gênant 1
Mgr d'Hulst. — Noo, il n'est pas gênant le
moins du monde; mais examinons le présent
et l'avenir.
Pour que cette pacification que je réclame,
qui est dans les intérêts de tous, dans les inté-
lêts de la majorité comme dans les nôtres, pour
que cette pacification s'opère et qu'elle se main?
tienne, que réclamons-nous, nous autres ?
Nous réolamons la liberté, (Très bien l à
droite.) Seulement, pour aller immédiatement
Au -devant des objections que vous ferez et que
je connais bien, je vous dirai aveo une entière
franchise que la liberté que nous réclamons
n'est pas une liberté abstraite : c'est une liberté
concrète, qui, par conséquent, se présente dans
des rapports nécessaires avec un ensemble do
circonstances dout il n'est pas possible de ne
pas tenir compte, et qu'elle suppose de la part
du gouvernement et de la majorité d'où il
émane une attitude corrélative à ces circons
tances. Or, quand nou3 vous demandons, à
vous, messieurs de lamajorité, quelle sera cette
attitude..
M. Millerand. — De quelle corrélation par-
Jez-vous?
£fgr d'Hulst. — Je suis fâché, que vous ne
m'ayez pas compris; c'est sans doute ma faute,
je parle ris la corrélation entre l'attitude du
gouvernement et de la majorité et l'attitude
îles catholiques réclamant la liberté.
A gauche. — QaeMe liberté ?
Mgrd'Hulst. — Pour vous, messieurs, vous
avez une formule pour caractériser l'attitude
qui convient «u gouvernement et à la majorité
vis-à vis de l'Eglise et vis -à-vis des catholiques.
Cette formule, c'est la « neutralité ».
C'est là ce que vous nous répondez toutes les
fois que nous nous plaignent de quelque chose.
Vous nous dites : Nous observons vis-à-vis de
voua la neutralité, et vous, catholiques, vous
avez l'habitude et la tradition de crier à la per
sécution quand vous m 'êtes pas les maîtres I
/Rires et applaudissements ironiques à gau
che.)
Je sayais
M. Antida Boyer. — C'est chaiitable !
Mgr d'Hulst. s— U fautbiep que ^e temps à
autre j>? vous fisse plaisir.
M. Emile Moreau. — Nous vous en savons
gré.
M. Antide Boyer. — Mais c'est rare.
Mgr d'Hultz. — Nnn, si vous étiez vraiment
neutres, si vous pouviez l'être, nous ne nous
dirions pas persécutés. Mais la neutralité ab
solue est absolument impossible de la part du
. gouvernement vis-à-vis de l'fîglige et des ca
tholiques, et cela pour beaucoup de raisons [
d'abord-pour des raisons générales et ensuite
pour une raison de fait.
Je passe sur les raisons générales, qui m'en
traîneraient dans des discussions théoriques
Mais la raison de fait, à laquelle il est fait al
Jnsion à chaque instant dans cet ordre de dis
cupsion, c'est le Concordat.
Il est impossible au gouvernement de dire à
l'Eglise: Je traite avec vous, mais je vous
ignore. Or, c'est là os qu'il faudrait dire pour
observer la neutralité absolue ; il faudrait con
sidérer l'Eglise comme n'ayant pas d'existence.
Donc, cette neutralité est incompatible, en tant
qu'elle serait absolue, avec l'existence même
du Concordat. D'autre part, messieurs, il appa
raît tous les ans, ici, qu'il ne peut pas se ren
contrer une majorité pour la dénonciation du
Concordat.- -
M. Hubbard. —Cela viendra.
Mgr d'Hulst. —Cela viendra peut être.
M. Hubbard. —Sûrement.
Mgr d'Hulst. — Je crois que le jour où cela
viendra, d'abord l'Etat fera tout simplement
banqueroute, ce qui n'est pas honorable. (Ex
clamations à gauche.)
Je crois, en second lieu, que l'Etat, commet
tra une très grande maladresse et,d'autre part,
que nous en souffrirons beaucoup ; que, par
conséquent, ce conflit résultant du Concordat
ressemblera à ces batailles lamentables dans
lesquelles les pertes sont si grandes et les ré
sultats si douteux de part et d'autre qu'ily a
deux vaincus et pas de vainqueur. (Très bien !
très bien ! à droite.)
Mais, enfin, nous n'en sommes pas encore là,
et je ne sais pas encore si on en viendra là.
Quelques-uns d'entre vous s'en croient assurés;
d'autres ont la persuasion contraire. Je n'ai
pas d'opinion là-dessus, car je ne Buispas pro
phète. (Bruit à gauche.)
En attendant que cela vienne, ou si cela ne
doit pas venir, messieurs, le Concordat subsis
tant, la neutralité absolue, je viens de vous le
démontrer, est impossible.
Au-dessous de cette neutralité absolue, on
pourrait concevoir une sorte de neutralité re
lative.
Cette neutralité partielle consisterait, de la
part du gouvernement, à dire à l'Eglise : Je
suis bien obligé de reconnaître que vous exis
tez, puisque je traite avec vous ; mais je m'en
tiens strictement au pacte et, en dehors des
stipulations expresses écrites dans le pacte, je
ne vous connais pas.
Je ne crois pas que cette neutralité relative,
limitée au contrat, soit jamais le programme
effectif de la majorité telle qu'elle est aujour
d'hui, puisque ce programme aurait les consé
quences les plus inattendues, et en particulier
cette conséquence d'amener l'abrogation des ar
ticles organiques. Or, je ne sache pas que vous
soyez disposés à à abroger ces articles organi
ques ; bien au contraire, si vous pouviez en
ajouter d'autres, vous n'y manqueriez pas.
Quel est le caractère de oes articles? Ce sont
des dispositions législatives qui émanent de la
puissance civile; elles sont à côté du Concordat,
unilatérales, et non pas synallagmàtiques.
Si désireux qu'on soit de leur conférer le
maximum d'autorité qu'elles comportent, on ne
saurait aller au delà de cetta qualification d'aote ■
législatif, unilatéral, purement civil (Très bien!
très bien 1 à droite), réglementant, Chose assez
étrange, des matières religieuses 1
Comment les matières religieuses sont-elles
réglementées par l'acte législatif que nous ap
pelons la loi de germinal an X? C'est en déro
geant de la manière la plus absolue, la plus
formelle, au principe de la neutralité. Eh quoi 1
elle serait neutre, cette loi de germinal qui ne
se contente pas d'édicter des mesures d ordre
public pour l'exercice du culte, mais qui entre
dans le détail de la discipline et quelquefois iu
dogme lui-même, qui décide, par exemple,
quel devra être l'enseignement deB séminaires
sur la déclaration de 1682...
A gauche. — Que vous ne respectez plus !
Mgrd'Hulst,... qui témoigne d'une solli
citude singulière pour l'application des lois
canoniques, pour la résidence des évêques et
des curés, qui va jusqu'à réglementer les ap
pellations honorifiques et le costume ?
M. Lavy. — Nous ne nous en apercevons
pas maintenant 1
Mgr d'Hulst. — Remarquez que je n'ap-
préoie pas en ce moment les articles organi
ques : je les caractérise seulement en vous
montrant que les dispositions de la loi de ger
minal an X sont la négation la plus formelle
du principe de la neutralité, et que, par con
séquent, s'il y aua système qui s'éloigue de la
pratique et des aspirations du parti qui gou
verne aujourd'hui, c'est oelui que j'indiquais
en second lieu, après la neutralité absolue,
celui de la neutralité relative. (Très bien ! très
bien I à droite )
M. Millerand. — Vu.ilà un bon discours con
tre le budget des cultes 1
Mgr d'Hulst. — Si la neutralité, relative
n'e t pas plus praticable qve la neutralité abso
lue, q'u'est ce qui reste? Si l'on ne veut pas
continuer à avoir la guerre, quelle ressource
demeure à notre portée pour faire la paix ?
A. gauche. — Le divorce l
Mgr d'Hulst. — J'en ai parlé tout à l'heure.
J'ai dit que vous n'étiez pas prêts à le pro
noncer ; que si vous le faisiez, vous commet
triez une injustice, et que vous feriez autant
de victimes qu'il ya de parties intéressées dans
l'affaire—
M. Gustave Isambert. — Si vous n'y étiez
pas intéressé, vous ne le craindriez pas tant 1
Mgrd'Hulst. — Je vous en prie, ne rouvrons
pas ce débat éternellement 1
Il y aurait une dernière attitude à prendre
pour avoirlapaix en maintenant le Concordatjet
en renonçant à la double chimère d'une neutra
lité absolue, incompatible avec le pacte, et d'uue
neutralité relative, incompatible avec la loi de
germinal.
• Cette attitude de la part du gouvernement,
de la part de l'Etat français, serait celle d'un
libéralisme bienveillant qui n'implique en au
cune façon l'abandon des droits de l'Etat, pas
même un privilège proprement dit au profit de
l'Eglise et des catholiques ; oar si le Concordat
stipule en leur faveur des dispositions qui peu
vent sembler avoir un caractère de privilège, il
ne faut pas oublier que, d'une part, ces dispo
sitions sont le rachat (Interruptions à gauche)
des droits dont l'Eglise, en 1801, a renoncé à
poursuivre la revendication,, et que, d'autre
part, des prérogatives régaliennes ont été con
férées à l'Etat français, en particulier le droit
do nommer les évêques, d'agréer la nomination
des curés, celle des chanoines, des vicaires gé
néraux. V
Par conséquent, s'il y.a privilège, il est bila
téral, il est partagé.
Eh bien, ce que nous demandons en parlant
d'une attitude caractérisée par ces mots : « un
libéralisme bienveillant », ce n'est pas un pri
vilège ; c'est simplement une façon d'entendre
les rapports de l'Eglise et de l'Etat qui soit
propre à mettre la paix dans les consciences et
dans le pays.
J'ai promis de ne pas apporter ici des paroles
irritantes; je veillerai donc sur mon langage
afin de ne pas mettre un accent trop amer
dans le souvenir très rapide que je ne puis
m'empêcher d'accorder aux faits qui ont carac
térisé, en cette matière, l'année écoulée. Je de
mande seulement, aveo le plus grand calme, si
c'est par ces mots « libéraliste bienveillant »
qu'on peut caractériser l'attitude qui a été eelle
du gouvarnement antérieur au ministère ac
tuel.
A gauche. — C'est le même I
Mgr d'Hulst. — Je représente on départe
ment qui peut me fournir quelques exemples.
Mais les faits que je citerai n'ont rien qui soit
particulier au Finistère, et je pourrais facile
ment, presque au hasard, en emprunter de
semblables à tous les aytrep départements
français.
Eh bien, pendant l'année 1892, dans le dépar
tement que j'ai l'honneur de représenter, on a
supprimé uu certain nombre de traitements
ecclésiastiques.
Je ne veux pas ramener la discussion sûr le
terrain théorique et juridique ; il ne me serait
pourtant pas difficile de renouveler la démons
tration qui a été faite, à plusieurs reprises, du
caractère abusif et illégal de cote pénalité
qi>'aucun juge ne prononce et qui, la plupart
du temps, n'est précédée d'aucune enquête, au
moins contradictoire, que n'appuie aucun texte
législatif et qui n'a pour l'autoriser qu'un seul
précédent, emprunté aux pratiques abusives de
l'ancien régime et ur,e interprétation subrep-
ticp et fausse d'un article du Concordat.
> "Mais ce s'est pas le pfijpt dp droit c [ue je
discute ici. Je demande quels ont été les prô
cédés habituels du gouvernaient dans ces sup
pressions de traitements ecclésiastiques?
Le prétexte ordinaire qui a été invoqué, c'est
l'ingérance électorale an clergé et, unp ma*
nière générale, son immixtion politique.
Messieurs, j'ai eu l'occision d'étudier par
moi-même quelques unes des espèces qui ce
I posent ainsi tous les jours et dont tout le
monffe entend parler dans la presse. De cette 1
étude personnelle il résulte...
M. Adolphe Turrel. — Vous nous parlerez
alors des actes politiques du clergé 1
Mgr d'Hulst. — Je parle des suppressions de i
traitements ecclésiastiques.
A droite. — N'interrompez pas, à gauche 1
M. Adelphe Turrel. — Vous interrompez
bien, messieurs de la droite, quand l'un aes
nôtres est à la tribune. (Dénégations à droite.)
Mgr d'Hulst. — Je ne me plains pas de ces
interruptions. Peut-être n'ai-je pas été suffi
samment clair. Je vais m'elforcer de l'être da
vantage.
Je parle des suppressions de traitements ec
clésiastiques motivées, de la part du gouverne
ment qui les a prononcées, par le reproche
d'ingérence électorale.
J'ai constaté par moi-même ce que j'avais en
tendu dire autonr de moi par des évêques et
d'autres ecclésiastiques De l'enquête à laquelle
je me suis livré à cet égard, il résulte que le
gouvernement, quand il est amené à prononcer
une de ces suppressions de traitements,procède
d'ordinaire de ia façon suivante : il est saisi
d'une plainte qui émane, la plupart du temps,
d'un personnage politique évincé ou qui, même
ayant triomphé dans la lutte, veut satisfaire des
rancunes électorales. Le gouvernement, repré
senté par le préfet, fait une enquête ; oette en
quête est habituellement conduite par la gen
darmerie, qui se transporte dans la commune
avec un appareil très imposant. (Sourires à
gauche.)
Mais certainement, messieurs, vous savez
quel est sur le paysan le prestige du baudrier,
et il ne faut pas vous en plaindre, Le prestige
du baudrier au gendarme est une des garan
ties de la sécurité publique et privée, et, pour
ma part, j'ai le plus grand respect pour ra
fonction qu'exercent les gendarmes, comme j'ai
la plus grande estime pour ces braves gens.
Divers membres. — Nous aussi.
Mgr d'Hulst. — Ce no sont pas seulement
des braves gens, ce sont des gens braves et
auxquels nous devons beaucoup.
Un membre à gauche. — La orainte du bau
drier est le commencement de la sagesse.
M. d'Hulst. Seulement les gendarmes, gé
néralement, ne sont par très familiarisés avec
les finesses de la jurisprudence, et je ne crois
pas qu'il soit venu à la pensée d'aucun d'entre
vous de charger un brigadier de gendarmerie
de l'enquête sur le Panama. — (Très bien 1 et
rires à droite.) •
M. Trouillot. — Qu'est-ce que cela veut
dire?
M. d'Hulst. — Les gendarmes font donc leur
enquête ; Us interrogent et, quelquefois, — je
ne le dis pas au hasard, mais parce que je
m'appuie sur des faits qui sont à ma connais
sance, — ils ont reçu le mandat d'interroger de
façon à produire une certaine intimidation,
(Exclamations à gauche.)
A droite. — C est exact.
M. d'Hulst. — Font-ils un procès-verbal de
leur enquête? C'est lenr devoir, la loi les y
oblige ; mais on n'en peut jamais rien connaî-
tre> i>i
Ce procès-verbal va à la préfecture, de là il
p art pour le ministè.'e, et alors le ministre écrit
àl'évêque que M. le desservant un tel s'est
écarté de son devoir dans telle circonstance ;
l'évéque est invité à le déplacer dans les huit
jours, faute de quoi le desservant sera privé de
son traitement, voilà comment les choses se
passeut.
L'évéque éorit pour demander un délai de
quelques jours, voulant prendre lui-même ses
renseignements. Il y est, du reste, ordinai
rement invité par la lettre ministérielle. Il fait
son enquête de son côté et, très souvent, les
résultats en sont absolument contradictoires à
ceux de l'enquête préfectorale. (Rires à gauche.)
M. le comte de Lanjuinais. — C'est géné
ralement ainsi que cela se passe, parce que les
accusations sont fausses.
Mgr d'Hulst. — Je parle de faits connus, et
ii me semble que ja ne passionne pas le débat
le moins du monde.
Le ministre — ainsi faisaient du moins ceux
de ces dernières années— répond alors à l'é
véque ou au vicaire capitulaire —c'était le cas
dans le Finistère — que les faits allégués dans
l'enquête préfectorale sont absolument prouvés,
hors de contestation, qu'on n'ea admet pas la:
discussion et que la mesure est maintenue. Le
traitement est donc supprimé.
Messieurs, il n'existe nulle part un autre
exemple d'une semblable pratique administra
tive ou judiciaire. Je ne sais pas si je dois me
servir du mot « administratif » ou du mot
« judioiaire »: d'une part, il s'agit d'une pé
nalité qui semblerait appeler un jugement préa
lable, d'autre part, il n'y a pas de jugement :
c'est donc alors de l'administration. Mais dans
l'un et l'autre cas, l'enquête, pour être équitable
et pour donner une garantie au justiciable, de
vrait être contradictoire. (Très bien 1 très
bien l à droite.)
Eh bien, elle est absolument unilatérale,
mystérieuse, et quand nous demandons au
moins pour notre propre information, nous, les
défenseurs de ces prêtreB privés de leur traite
ment, qu'on nous communique les procès-ver
baux de la gendarmerie, ceux qui ont été trans
mis au préfet, on nous les refuse absolument.
Gn nous dit : « Vos renseignements sont faux,
les nôtres sont exacts, il y a des témoins. »
Noua réclamons les témoignages, les noms et
demeure des témoins : on nous refuse l'un et
l'autre, et la oause est entendue. (Bruit à "gau
che.)
M. Hubbard. — Dites-nous donc ce que font
les enrés des Côtes-du-Nord 1
M. d'Hulst. — Je ne parle pas des Côtes-du-
Nord ; je parle d'abord, d'une manière générale,
de ce qui se fait en France, et ensuite de ce que
j'ai constaté moi-même dans le Finistère.
Si vous voulez, je vous citerai des noms de
communes, bien que ce ne soit pas très intéres
sant. (Parlez I parlez 1)
Je vous dirai par exemple que dans le Finis
tère les curés — les recteurs comme on dit là-
bas — des communes de Pluguffan et de Piou-
gonvelin ont été privés de traitement dans les
conditions que je viens d'exposer, pour ingé
rence électorale.
Le curé de Plougonvelin, en particulier, a
été accusé d'avoir, le dimanche qui a suivi les
élections municipale^, parlé en chaire contre la
nouvelle municipalité. Voioi ce qu'il avait fait
et dit..,
A gauche. — Et les refus d'absolutioûl
Mgr d'Hulst. — Je vais y venir, et ce n'eBt
pas la partie la plus facile à défendre dans vo
tre cause.
Le curé de Plougonvelin avait simplement in
vité les fidèles de oette paroisse très chrétienne
à prier avec lui en réparation de blasphèmes
abominables prononcés à l'entrée de l'église par
quelques-uns des individus qui avaient fait du
trouble le jour des élections.
Ces choses là peuvent vous paraître 'absolu
ment extraordinaires ; mais dans un pays très
chrétien, il est tout naturel que le curé ait fait
une semblable prière ; il n'y a pas eu dans ses
paroles la moindre allusion au résultat des
éleotions. (Interruptions et bruit à gauche.)
Dans une autre oommune du même départe
ment, à Edern, il s'est passé un fait plus cu
rieux. La liste qui a prévalu était celle à la
quelle le clergé n'était pas favorable. (Exclama
tions à gauche.)
A gauche — C'est bien extraordinaire! Le
clergé s'occupe donc d'élections?
Mgr d'Hulst. — Je ne vous ai pas dit que le
curé avait travaillé contre cette liste ; je le nie
même absolument.
A gauche. — Si ! vous avez dit que le clergé
n'était pas favorable à cette liste I
Mgr d'Hulst. — Mais, messieurs, il y a dés
opinions connues ; quand des listes, dus pro
grammes opposés sont mis en présence, vous
croyez qu'on ne sait pas d'avance, dans une pe
tite localité, comment se partagent les préfé
rences? Est-ce que vous ferez un crime au
olergé d'avoir des préférences connues pour
ceux qui soutiennent la religion? Si ces préfé
rences ne se traduisent par aucune pression,
par aucune ingérence extérieure, est ce que
vous leur demanderez compte des sentiments
qu'ils éprouvent dàns' leur ïor intérieur, de la
satisfaction ou de la peine que leur oause tel
ou tel résultat? Ce serait un singulier libéra
lisme.
four ep Revenir au cas d'Edern, le clergé
avait si peu travaillé la matière électorale, que
c'est la liste qui lui était le moins sympathi
que qui a prévalu. (Nouvelles exclamations à
gauobe.)
Le curé et les deux vicaires de cette com
mune ont été néanmoins privés de traitement.
Aussitôt la mesure connue, le maire élu par la
nouvelle municipalité a certifié, dans une at
testation rendue publique, qu'ils n'avaient en
aucune façon travaillé les élections. Malgré
cette attestation du maire, qui représentait le
parti gouvernemental, la suppression a été
maintenue. Voilà les faits.
Je vais en finir avec ces questions de fait,
que vous ne trouvez pas bien intéressantes (Si !
si 1 à gauche ) ; mais si je n'avais apporté au
cun exemple, vous auriez pu dire que je for
mulais des plaintes vagues et sans preuve.
(Très bien ! très bien ! à droite.)
Tout à l'heure, un de mes honorables collè
gues a jeté, sous forme d'interruption, les mots
« refus d'absolution ».
C'est là, en effet, un des griefs qui ont été
invoqués dans plusieurs paroisees du Finistère
pour justifier la mesure arbitraire prise contre
leo prêtres qui ont été privés de traitement.
Pour plusieurs raisons, je n'examinerai pas
laquestioude fait; d'abord elle n'est pas sus
ceptible d'examen ; elle échappe à tout contrôle;
je veux seulement soumettré'à votre attention
Ja question de droit.
Comment pouvez-vous admettre qu'on tire
d'un fait semblable un grief contre un prêtre,
alors qu'il est impossible à celui-ci d'apporter
un témoignage contraire? Personne n'igoore
qu'il est lié par un secret plus rigoureux que
tous les secrets professionnels, et vous croyei
être autorisés à accepter contre lui un, témoi
gnage émanant d'une seule personne et sur le
quel il lui est interdit de s'expliquer? Qu'il aie
donné ou refusé l'absolution, qu'il l'ait fait pouz
tel motif ou pour tel autre, le confesseur ne
peut rien dire. L'accusateur en aura beau jeu
C'est là, messieurs, une véritable monstruo
sité juridique. (Très bien! très bien 1 àdroite.)
M. Gustave Isambert. — Vous parlez contre
le ^secret de la-confession.
Mgr d'Hulst. — Non, monsieur, jeparlecon-
tré ceux qui ne tiennent pas compte d'un secret
aussi sacré et qui osent introduire un grief...
(Exclamations.)
M. Gustave Isambert. — Vous en démon
trez les inconvénients.
; Plusieurs membres à droite, s'adressant à
l'orateur. — Ne répondez pas 1 Continuez votre
discours.
1 Mgr d'Hulst. — En effet, et je demande par
don â la Chambre d'avoir répondu à cette inter
ruption. (Bruit.)
Voilà, messieurs, quelle a été dans un peti
coin de la France, qu il m'a été donné d'obser
ver de plus près, l'attitude, la politique reli
gieuse du gouvernement, au moins pendant
l'année dernière. ' . .
Comme cette attitude a été la même dans
tous les autres départements, je crois donc
avoir le droit de conclure qu'elle ra'a pas eu ce
caractère de libéralisme bienveillant qui me
paraît être, dans les circonstances actuelles, la
seule attitude possible pour éviter le maintien
d'un état d'hostilité également nuisible et à
l'Eglise et à l'Etat. (Très bien I très bien 1 à
droite. — Interruptions à gauche.)
Et maintenant, messieurs, ma conclusion...
M. Gustave Isambert. — Le libéralisme est
condamné par l'Eglise 1
M. le comte de Lanjuinais. — Où avez-
vous vu cela ? (Bruit à gauche.)
Mgr d'Hulst. — J'attendrai le silence pour
continuer.
A gauche. — Parlez ! parlez I
M. François Deloncle. — Non, ne parlez
pas, paroe que vous provoquez 1 Vous ne voulez
pas la paix. Vous voudriez bien que la Cham
bre refusât les crédits l C'est vous qui êtes
l'ennemi de la paix religieuse, tandis que nous,
nous la voulons. (Exclamations à droite. )
M. le président. — Messieurs, je.vous prie
de ne pas interrompre. Oa pourra répondre à
l'orateur à la tribune, mais on doit l'écouter en
silence.
Mgrd'Hulst. — Messieurs, l'un des plus
grands torts qu'aient les partis politiques les
uns à l'égard des autres consiste à se dénier ré
ciproquement le bénéfice de la sincérité. Je ne
sais pas sur quoi se fonde celui de mes collè
gues qui vient de m'interrompre pour contester
la mienne. C'est un droit que je lui refuse
absolument. (Très bien 1 très bien ! àdroite.)
Dans tous les cas, quand je parle de pacifica
tion, je n'admets pas qu'on me prête des inten
tions hostiles. Si j'en avais, je ne me servirais
pas de ce mot.
' M. François Deloncle. — Si vous voulez la
paix, n'apportez pas la guerre ici. (Exclamations
à dreite.)
Mgr d'Hulst. — On m'aocuse d'apporter ici
la guerre sous le nom de la paix. Qu'ai-je fait?
J'ai examiné quelle était, selon moi, l'attitude
la plus propre à maintenir la paix ; avec une
très grande modération de langage, j'ai rappelé
des faits qui ne sont pas à la charge du minis
tère actuel, et je oonclus maintenant en deman
dant au gouvernement et à la majorité d'où
émane ce gouveruement, non pae des privilèges
pour l'Eglise ni une protection spéciale pour les
catholiques : non; mais je leur demande de
traiter l'Eglise et les catholiques en les pre
nant pour ce qu'ils sont.
Traitez les catholiques comme des oitoyens
français (Très bien ! très bien 1 à droite), égaux
en droit à tous les autres, et qui, par conséquent,
ne doivent jamais trouver dans leur qualité de
catholiques, même déclarés, même pratiquants,
fussent-ils même fonctionnaires, un titre d'in
fériorité, quelque chose qui les désigne à la dé
faveur du gouvernement.
M. Montaut. — C'est un titre à l'avancement,
au contraire !
Mgr d'Hulst. — Voilà ce que nous récla
mons pour les catholiques considérés comme
individus. (Très bien ! très bien! à droite.)
Quant à l'Eglise oatholique elle-même, dont
nous sommes fiers, nous, de nous déclarer les
enfants, je vous demande, messieurs, ou plutôt
si vous me pardonnez d'employer une expression
peut être ambitieuse, je vous conseille de ne
plus la considérer ni comme un adversaire, ni
comme une étrangère, ni oomme une alliée
suspecte, mais comme une alliée sincère, bien
faisante. (Rumeurs à gauche.)
A gauche. — Lisez la Croix !
Mgr d'Hulst. — ... comme une alliée qui a
rendu rendu dans ces derniers temps au régime
dont ia forme vous est particulièrement chère
des servioes peut-être inattendus, mais que
M. le ministre des affaires étrangères avait
grandement raison hier de ne pas dédaigner ;
une alliée eufin qui, dans tous les temps, a ap
porté à la oause de la civilisation, de ia
paix sociale, à tout ce que nous devons
aimer, désirer et poursuivre en commun,
un concours précieux et nécessaire.
Messieurs, pour traiter ainsi l'Eglise et les
catholiques, je vous demande de donner à la
politique religieuse de la République le carac
tère que j'essayais de préciser tout à l'heure et
et qui a pour formule : un libéralisme bien
veillant. (Applaudissements à droite.)
M. le ministre de l'instruction publi
que et des cultes monte à la tribune.
M. Charles Dupuy, ministre de l'instruc
tion publique, des beaux-arts et des cultes. —
Messieurs,te discours de l'honorable d I^ulst
contient un çertain nombre de thèses sur les
quelles je n'insisterai pas. Il a fait preuve —
et Jde sa part c'était tout naturel — d'une éru
dition concordataire à laquelle je ne saurais
atteindre après six semaines de séjour au mi-
Bi&tère des cultes. Il a apporté ici celte décla
ration que les articles organiques ne font pas
.partie intégrante du pacte concordataire.
(Jn memhre à droite. — C'est évident !
i M. le ministre de l'instruction publique
et des cultes. — A son affirmation, je réponds
par une affirmation contraire, et peut-être se
produira t-il, avant la fin do oette discussion,
telle circonstance où l'honorable M. d'Hulst
sera bien aise qu'un ministre de la République
invoque les articles organiques pour lesquels il
est si sévère. (Rires approbatifs à gauche et au
centre.)
Si l'nonorab'e préopinant a voulu montrer
que dans la politique républicaine il n'avait au
cune place et qu'il était particulièrement opposé
à ce qu'on appelle l'opportunisme, je crois qu'il
a complètement réussi. Il a voulu Darler
sérénité ; je lui rends cette justice, en'oorè il
a atteint Son but,
Mais il a touché un certain nombre de points
sur lequels le ministre des cultes doit à la
Chambre des explications.
M. d'Hulst s'est plu à dire qu'il y avait entrç
le - gouvernement d'hier et le gouvernement
d'aujourd'hui, dans la manière de traiter la
question des cultes, des différences sur lesquel
les il s'est peu expliqué, non plus que sur je ne
sais quelles espérances.
Il n'y a aucune différence entre celùi- qui m'a
précédé au ministère des cultes et moi, eh ce
qui concerne le respect de la loi.
Qu'il s'agisse du Concordat, qui est un pacte
bilatéral, ou qu'il s'agisse de'la loi civile,
M. Ricard et M. Dupuy sont entièrement soli
daires. Le pouvoir civil a une autorité disci
plinaire, que j'exercerai poua ma part avec la
plus grande aménité envers les personnes,
mais aussi avec le plus strict souci de l'obser
vation de la loi. Je l'ai déclaré lorsque j'ai reçu
le personnel des cultes, je le répète encore ici
à cette taibune : je ne suis l'homme d'aucune
tracasserie, d'aucune vexation.
Adroite. —Tant mieux!
M. le ministre. — Je ne connais qu'une
chose, ia loi de mon pays,et jealaferai observer
tout entière. (Très bienl très bien I à gauche
et au centre.)
Si c'est à ce prix que la paix peut être faite
entre l'Etat et l'Eglise, je crois qu'elle se fera ;
mais l'Eglise n'aurait à s'en prendre qu'à elle-
même du retard de la pacification dont on parle
par labouche de M.d'Hulstou par celle de ses au
tres représentants, si elle émettait la prétention
de traiter de puissance à puissance aveo l'Etat,
dont elle est simplement une subordonnée.(Pro-
testationB à droite. -— Vifs applaudissements à
gauche et sur divers banos au centre.)
M. Bergerot. — Non, l'Eglise n'est pas une
subordonnée !
M. le comte de Lanjuinais. — Le domaino
des consciences n'appartient pas à l'Etat,
M. le ministre. — Monsieur Bergerot, vos
dénégations ne suffisent pas à me faire changer ]
d'avis.
Oui, c'est à ce prix que la paix peut se faire ;
mais je dirai à ceux dont M. d'Hulst s'est fait
ici le patron et l'avocat autorisé : « Messieurs,
à vous de commencer ! » (Mouvements di
vers.)
M. Jacques Piou. — Ils ont commenoé l
M. François Deloncle. — M. d'Hulst n'est
pas le représentant des évêques ; c'est un prélat
romain 1
M. le ministro. — Vous avez apporté à cette
tribune,pour démontrer cet état de guerre dont
vous avez parlé, — o'est ainsi du moins, je
crois, que vous l'avez défini, — qui existerait
entre vous et la République, un certain nom
bre de faits sur lesquels, vous le comprendrez,
je n'insisterai pas en ce moment, car ce que
vous avez voulu faire en les apportant, c'est
simplement souligner un thèse générale...
Mgrd'Hulst.—Parfaitement!
M. le ministre. — ... relative, n'est-ce pas,
à la suppression de certains traitements ecclé
siastiques ?...
Mgr d'Hulst.— Voulez-vous me permettre]un
mot?...
J'avais l'intention de ne pas porter ces faits
à la tribune avant de vous en avoir entretenu en
particulier. Vous m'aviez fait l'honneur de
m'accorder une audience pour ce soir à six
heures; je pensais que le budget des cultes ne
viendrait en discussion que la semaine pro
chaine, et o'e§t précisément pour ne pas parler
de ces choses à la tribune avant de vous en
avoir entretenu qua je VOU3 avais demandé
oette audience.
M. le ministre. — Je vous remercie de l'ex
plication.
La rapidité aveo laquelle le budget des cultes
est arrivé en discussion m'a peut-être surpris
plus encore que vous-même; mais sur cette
question de suppression des traitements ecclé
siastiques je ne saurais faire qu'une réponse,
car la Chambre n'attend pas à cette heure de
très longs développements.
Je dirai que vous avez une singulière ma
nière de comprendre en cette affaire les droits
de l'autorité civile. Si le Concordat, en effet, a
introduit dans ce pays une notion, c'est préci
sément que l'administration des cultes devait
se compQrter et être traitée comme une admi
nistration oivile; et nous venez me demander
de faire vous-même des enquêtes qui doiveut
être aux mains de l'administration civile, oar
elles visent des personnes qui sont, quoi que
vous en ayez, des fonctionnaires de l'Etat.
M. le comte de Lanjuinais. — On vous a
simplement demandé des enquêtes contradic
toires.
Mgr d'Hults. — Nous demandons à être en
tendus.
M. le ministre.— Vous demandez à être en
tendus, dites-vous? Oh! je sais très bien quelle
est la portée de la réclamation que vous avez
produite ici; je sais très bien que quand vous
demandez qu'on vous communique les noms
des déposants et des témoins, ce n'est pas évi
demment pour en faire un usage impartial en
faveur de la vérité. (Réclamations à droite. —
Applaudissements à gauche et au centre.)
A droite. — Vous n'avez pas le droit de dire
cela !
Mgr d'Hu'st. — De pareilles insinuations
sont inacceptables, monsieur le ministre,
M. le ministre. — Ce ne sont pas des insi
nuations...
M. Bergerot. — Ce sont vos gendarmes qui
ont peur l (Oa rit.)
M. le ministre. — Permettez-moi à ce pro
pos de vous dire, monsieur Bergerot, que j'ai
trouvé une chose très étonnante dans le dis
cours de l'honorable M. d'Hulst : x'est sa mé
fiance singulière, de la part d'un conservateur
aussi autorisé que lui, à l'égard de la gendar
merie. (Nouveaux rires.)
Mgr d'Hulst. — C'est tout le contraire !
M. le ministre. — Mais la question n'est
pas là-
Lorsqu'à cetre tribune quelqu'un viendra
dire que le ministre des cultes procède par in
sinuations, il me fera l'honneur d'y monter
après moi etde prouver que j'insinue quoi que
ce soit. Je déolare, j'affirme, je prouve toutes
les fois que je le puis; mais jamais je n'insi
nue
Mgr d'Hulst.
tions I (Bruit.)
Vous interprétez des inten-
M. le ministre. — Quant à moi, représen
tant du pouvoir civil, faisant de l'administra
tion des cultes une œuvre régulière et normale,
ne cherchant pas à y introduire des distiactions
et des difficultés particulières, la traitant en
homme de bonne foi, en hopime qui voudrait
que tous les Français fussent d'accord, si c'é
tait possible (Très bien!), je déolare que quand
vous réclamez qu'on vous livre le nom des té
moins ou qu'on mette les dossiers à votre dis
position, vous demandez une chose absolument
impossible. (Réclamations à droite.)
Parfaitement messieurs 1
Et laissez-moi vous le dire, monsieur d'Hulst,
voua avez passé, aveo une habileté de prétéri-
tion qui fait honneur à votre talent de logicien,
sur un fait grave pour des oonsoiences catholi
ques — c'est à vous que je m'adresse — lors
que vous avez dit que vous ne parleriez pas du
refus collectif des sacrements. i
Je ne gais pas comment sont faits les élec
teurs que vous représentez, mais j'en connais
dans le pays que j'.ai l'honneur 4e représenter
qui seraient profondément troublés par oe refus
colleotif. Vous avez dit que c'était là une affairé
de secret dans laquelle les pouvoirs civils n'a
vaient pas à intervenir; mais nous avons le
droit de nous défier et de nous dire que peut-
être de tels refus annoncés à l'avance ferme
raient la bouche à ceux qui veulent dire ïà vé
rité. (Applaudissements à gauche,)
Mgr d'-Kubjt -~-'Jè n'ai jamais entendu par
ler de refus annoncés à l'avance.
M. le ministre. — D'ailleurs — et ici il faut
s'expliquer d'une manière complète-^ vous en
tendez bien que je n'aurais pas assumé au nom
de la République la oliarge périlleuse et diffi
cile d'administrer les cultes en même temps
que l'instruction publique, si je n'avais pas eu
le sentiment très haut de mon impartialité et
une entière confiance dans la loi, Cep enquêtes,
en vérité, croyez-vous cm'elles ne sont pas fai
tes ? SJaiq, monsieur d Hulat, si jamais vous
arrives au ministère des cultes — ce que je ne
souhaite pas au clergé — (Rires à gauche et au
centre),ce jour-là vous verrez par l'énorrnité des
dossiers, par la quantité des) correspondances,
à combien ^'informations on doit r8oourlr pour
arriver enfin à dégager la vérité dans de telles
affaires. Les dv'èques sont questionnés, les cu
rés sont questionnés, leurs dires sont enregis
trés; ce n'est pas "seulement la gendarmerie
qui intervient : tout le ^ande est consulté;
les intéressé^ eus-rnêmes le sont, et quand nous
çgnoluofts ii" la suppression du traitement, çç
n'est qu'après des précautions infinies qu'on
ne prend pas toujours peut être 4 l'égard d'un
■pauvre fonctionnaire *civil. (Vifs applaudisse
ments à gauche et au centre.)'
Il est regrettable évidemment de supprimer
le traitement d'un homme qui remplit un ser
vice public..
M. la Rochefoucauld, duc de Doudeauville.
— Et de le faire mourir de faim 1
M. le ministre. — Voulez-vous que je vous
donne' un chiffre ? De ce côté (l'orateur désigne
la gauche), ce chiffre va paraître insuffisant; de
celui-ci (la droite), il paraîtra énorme ! tant les
paissions humaines s'excitent sur ces questions.
Mais moi qui les juge avec une impartialité se
reine, je l'apporte tel que, sans commentaires.
Depuis 1881, il y a eu suppression de
1,217 traitements ecclésiastiques.
M. Plichon. — Ce n'est rienl
M. le ministre. — Eh bien, en vérité, per
mettez-moi de vous le dire, dans l'ensemble de
nos administrations civiles il y a eu au moins
autant de suspensions ou de suppressions de
traitements pendant le même temps.
Est-ce qu'il n'est pas plus naturel de rendre
à toutes ces choses les proportions qui leur
conviennent, de ne pas vouloir, sous prétexte
de liberté, de « libéralisme bienveillant », faire
une caste à part du clergé français?
Le clergé français, messieurs, ne se recrute
pas comme autrefois dans des familles privilé
giées ; il n'apporte pas avec lui, à l'autel, les
prestiges de la naissance.
A droite. — Ce n'est pas une raison pour le
priver de traitement 1
Mgr d'Hulst. — Il n'en est que plus digne de
vos sympathies.
M. le ministre."— line sort même que rare
ment de cette classe moyenne, où l'aisance se
forme par le travail de plusieurs générations.
Le clergé actuel provient presque toujours des
familles rurales, et alors... ^Interruptions à
droite).
M, Larochefoucauld, duc [de Doudeaù-
ville. — Ce n'est pas une [raison pour le faire
mourir de faim 1
M. le ministre. — Messieurs, je crois que
ma comparaison vous gêne. (Dénégations à
droite. — Très bien 1 à gauche et au centre.)
Croyez-moi, il serait plus naturel de considé
rer le clergé t de ce temps comme une réunion
d'hommes remplissant, sous certaines condi
tions, des fonctions d'Etat... (Interruptions à
droite), des fonctions qui servent à l'ensemble
de la société civil» sous le contrôle et l'inves
titure de l'autorité religieuse.
M. le comte de Lanjuinais. — Cette se
conde formule est plus exacte.
M. le ministre. — Mais venir ici demander
des privilèges spéciaux par cette catégorie da
citoyens, c'est les séparer de plus en plus de la
nation, et vous n'avez aucun intérêt à le faire.
Lorsque vous venez dire que des temps nou
veaux sont annoncés, que d'une bouche autori-.
sée sont tombées des paroles de conciliation et
de rapprochement, n apercevez-vous pas qu'à
ce moment même, par des discours comme
ceux que voub apportez ici, vous poussez à la
séparation ? (Applaudissements à gauche et au
centre.)
Un membre au centre. — C'est le but qu'on
poufsuit 1
M. le ministre. — Rour moi, je considère —
et mes amis les républicains le comprendront
comme moi — que le olergé, fils de France,
sorti du sillon et de la glèbe, enfant de nos
paysans, a la droit de se mêler et de se répan
dre dans l'ensemble de la société française. Je
ne veux pas qu'on lui fasse une place à part
dans la société, qu'on le relègue dans un caté
gorie qui le Bépare des autres citoyens. 11 est
mêlé à la nation, j'entends qu'il y reste mêlé l
(Applaudissements sur les mêmes bancs.)
Et ainsi j'ai répondu d'avance à votre ques
tion : « Nous, catholiques, serons-nous désor
mais traités comme des citoyens ?» Et à quelle
heure, je vous prie, n'avtz-vous pas été traités
comme des citoyens? Est-il un moment où
vous fûtes jamais recherchés, dans ce pays et
sous ce régime, pour vos opinions et vos
croyances ? Est-il un Français qui ait été privé
du droit de régler sa foi sur sa conscience ?
Quel est celui qui n'a pas eu ce droit? Citez-le
moi 1
Mgr d'Hulst. — Les trois quarts et demi de
vos fonctionnaires! Ce sont des esclaves 1
M. le ministre. — Mon intention n'est d'é
viter aucune question. Je pense que nous som
mes à une heure où il faut dire tout ce que l'on
pense ; et, pour ma part, toutes les fois que je
suis monté à cette tribune, je ne m'en suis
jamais privé. Ce n'est pas aujourd'hui que je
commencerai. — (Très bien ! très bien I)
Vous avez parlé de fonctionnaires 1 Je ne saia
pss s'il est parlementairement permis à un mi
nistre qui a charge de trois ministères de se
rappeler, au moment où il parle des cultes,
qu'il est ministre de l'instruction publique ;
mais peut-être mes honorables oollègues s'en
souviennent-ils; il m'est arrivé quelquefois ici,
depuis trois ou quatre ans, de m'étonner aveô
une certaine peine,avec quelque chagrin même,
de voir des fonctionnaires ne pas avoir dans
l'enseignement de l'Etat une confiance plus
grande et conduire, par exemple, leurs enfants
à M. d'Huslt, au lieu de les conduire à la Sor-
bonne ou à tel autre établissement de l'Etat.
Eh bien, oe regret que j'apportais ici avec un
véritable chagrin, est-ce qu'il n'est pas la
preuve de cette liberté que M. d'Hulst prétend
être confisquée ? Connaît-il des fonctionnaires
dont il puisse apporter les noms ici, auxqnels
le régime actuel ait jamais imposé une telle
oontrainte? — (Applaudissements à gauche.
Protestations àdroite.)
M. la Rochefoucauld, due de Doudeau
ville. — II y en a dans tons nos départe
ments.
Mgr d'Hulst. — J'en connais beaucoup.
M. le vicomte de Montfort. — Comment !
monsieur le ministre, c'eat sérieusement que
vous soutiendriez que les petits fonctionnai
res sont libres pour l'éduoation de leurs en
fants ?
M- le ministre. — Mais,messieurs, véritable
ment. si je voulais faire le recensement auquel
je puis procéder, et rechercher quels sont dans
les communes, dans les chefs-lieux de canton,
les parent8 appartenant à cette catégorie de ci
toyens dont vous avez parlé tout à l'heure et
qui se sentent libres de ne pas envoyer leurs
enfants aux écoles de l'Etat, je vous assure que
j'y trouverais beaucoup de gendarmes, de can
tonniers ; j'y trouverais peut-être -même des
instituteurs.
M. Lorois. — Pas un seul dans le départe
ment que je représente !
M. le eomte de Lanjuinais. — Vous en
trouveriez beaucoup dans le Morbihan qui n'o
sent pas envoyer leurs snfants dans les écoles
libres ! Si on vous les nommait, vous les révo
queriez.
M. de Colombet. — Oui, nous pourrions ci
ter de nombreux exemples ; nous en connais
sons tous dans nos départements.
M. le ministre. — Si je voulais les révo
quer, je ferais l'enquête tout de suite.
Je crois avoir, messieurs, dans mes paroles
qui, je l'espère, paraîtront modérées à l'en
semble de cette Chambre, — je n'ai pas 1a pré
tention d être de l'avis de tout le monde, ce se-
raitun.bien triste ministre que celui qui serait
de 1 avis 4e tout le monde à la fois dans une
pareille Assemblée (Rires), — je crois, dis-ie.
avoir montré que si le gouvernement républi
cain, quels que soient ses représentants, tient
à honneur de respecter les oonsoiences (Excla
mations à drotfe\ il tient non moins à honneur
de faire respeoterla loi.
Sous le bénéfloe de ces observations, je prie
la Chambre de bien vouloir passer à la discus
sion des chapitres...
M. Hubbard. — Je demande la parole^
M. le nuBistre, — Me réservant, s'il est né
cessaire, du remonter à la tribune pour répon
dre aux questions particulières. (Vifs applau
dissements au centre et à gauche.)
M. Hubbard déolare qu'un, certain
nombre de ses amis et lui voteront contre
le budget des cultes.
L"invite adressés par M. d'Hulst au gouver
nement de la République n'est que la repro
duction de celle qui a été faite par le Pape lui-
môme, la politique de libéralisme bienveillant,
il taut déblayer la politiauo de la question reli-
gieuse et substituer au Concordat une législa
tion vraiment libérale.
Une liquidation s'impose en ce qui concerne
la question des biens et la question des droits
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