Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1851-06-17
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 124053 Nombre total de vues : 124053
Description : 17 juin 1851 17 juin 1851
Description : 1851/06/17 (Numéro 167). 1851/06/17 (Numéro 167).
Description : Note : erreur de numérotation. Note : erreur de numérotation.
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k669322h
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMERO 167.
BUREAUX": rue du 94 Février (cl"devant Valois)» 10.
1851.-MARDI 17 JUIN.
PRIX DÊf ABONNEMENT: j-J
raoïSMOis..
ix mois. .
ws an... ...
PARIS ET DÉPA.6T
ii f.
sa
lo
ETRANG.
14F.
28
84
u rosT eu rog loua u» tix$ siss icBAJios posti
« } ' , ^ F f*
' Le* àbotmemèns' aient Jes i er et 14
■' de chaque-mois^.
Mm
S'adresser, franco, pow là. rédaction ', à M. Bbfî
; v les articles,déposés ne sont pas rendus.
JOURNAL POLITIQUE, LJTTÉBAIRE, UNIVERSEL.
On s'ilon^ydar s les département, auoâ Messageries et aux Dirèetions de poste.—ALoi]dres,.chez MM. CowiÉ e# FUS. j S'adresser, franco^ pour l'administration, à M. 'DenaiN; directeur.
• . _ • .• *—4 Strasbourg } .chez ^M. ALEXANDRE'; 'pour H' Allemagne.- »■ (Les annoncés sont reçues au bureau du journal; et chez M. ? RANi&, régisseur, 10, place de là F '"**"
PARIS, 16 JUIN.
M t'BTERTBSTlds BfU FORCE MILITW.E
•« ' SANS LES AFFAIRES PUBLIQUES.
, L'Europe a sous les yeux, depuis, trois'
mois, dans nia coik.daiap6ài^sùiaibériqtte,
uii spectacle "ridicule et honteux, qu'elle n'eût
certes pas toléré trois semaines, si elle n'était
sérieusement et-légitimement préoccupée de
la paix du môndé et du salut de la civilisa
tion. ' ' - :■ •; " '
Un vieux soldat de cour, gans_ services èt
sans gloire, comblé par delà ses mérites de
titres et- de trésors, jaloux de la situation
d'un ministre qui donnait de l'ordre et de la
prospérité à son pays, chagrin de ne pas ocr
-çupèr de sa très'inutile-personne-une opi
nion publique tournée, sous l'influence de
la paix, vers, le travail et les affaires , — s'est
mis un jour en révolte contre les lois; èt,
profitant d'une influence que des circons
tances antiennes lui donnaient sur les trou
pes, il à aippeléles régimens à; la révolte; et
s'est emparé du pouvoir par là corruption et
par la félonie. - ' •
Cette ombre de militaire cette dérision
d'homme d'État, n'a montré ni cœùr ni es
prit. Croyant avoir d'abord manqué son
coup, il s'est sauvé à-tôutes jambes vers le
premier pîo'rtj cfù il pût se jeter âans un
navire, afin d'échapper aux douze balles
qu'il avait bien légitimement gagnées; et
comme ses aide's-de-camp, plus généreux ou
plus habiles,/avaient réussi à soulever les
" régimens près desquels il avait échoué ; il a
fallu se mettre à sa poursuite tît crever des
chevaux, afin de remettre dans ses mains
blêmes et tremblantes le gouvernement de
hasard qu'il laissait derrière ses talons.
.. Cette caricature de Richelieugouverne,sous
le bon plaisir des soldats dont il est moins lè
chef que' le prisonnier; Il a payé du .pillage
des grades le service éminent rendu à sa va
nité poitrone ; et un Etat régulièrement ins
crit au nombre des nations civilisées," un
membre reconnu de la famille européenne,
un pays avec lequel la France, l'Espagne,
l'Angleterre, l'Autriche, le monde entier ont
■ dès traités," est là proie, lè jouet, le passe-
temps d'un Achille, qui n'a de celui d'Homèr
re que les pieds légers: . '
Yoilà trois mois que l'Europe a ce specta
cle sous l(?s yeux. Ses propres embarras se
raient bien grands,- s'ils pouvaient excuset
pïûs"loiig-temj)s un pareil oubli de la pro
tection qui est due à la dignité et à la liberté
des peuples. _ . ~ - -
îfous n'avons pas un éloignement et un
blàmeabsolus pour les généraux qui, deieur
/■ptopre mouvement, se jettent^ l'épée, à la
main, à travers les affaires de leur pays, et
s'en arrogent la direction par la force. L'his
toire offre plus d'un exemple de cas où les
peuples ont éjté sauvés par ces interventions
violentes; mais il faut toujours trois choses
fondamentales pour lés légitime]* :
U faut qu'il noy ait pas d'autre gouverne
ment sérieux et viable;' - j
Il faut -être' clairement appelé'ou accepté
par le sentiment national ; , ' -
-Il faut, en mettant-la main sur le pouvoir;
le saisir sincèremeùt, non pour soi, "mais
pour sa patrie!. ■ .
Hors de ces trois cas réunis, les généraux
qui s'emparent dji gouvernement par la for-
ce, ne soûl qile des détrôusseursdè peuples,
et ils ne méritént que le sort réservé aux dé
trousseurs de passant ■
Lorsque Césarchangea.par les armes lafor-
me du gouvernement de son pays, et fut re
vêtu de la dictature perpétaelle, il y avait
dix-neuf ans que l'ancien gouvernement ro- •
mâin ayâitpéri, dans Jus luttes sanglantes de
Marins et de Syjla.
Ves dix-neuf années furent une bataillé per
pétuelle, où la noblesse proscrivit les famil
les plébéiennes, où le' peuple massacra les
junillespatriciennes, où les généraux se dis-
■ putèrent le pouvoir,sur les cendres des villes
ét sur les cadavres des habitans.' Cette ère
nouvelle, où l'on, vit tomber lés noms les
plus illustres et s'élever les noms les plus
inconnus, corrompit profondément lésâmes.
Chacun rêva et osa les-entreprises et les cri-
pies qui pouvaient lui donner li-dbmihatioh
iuprêmef la.jeunesseï©ui;yne, la
jeunesse appartenant aux familles 'les plus
» glorieuses, s'alljer à Catilina pour incendier
Rome ét pour la piller.
Accablés de tant de meurtres, (Je tant de
rapines, accablés surtout de l'idée que ce ré
gime n'avait'pas de . fin possible, et que les
anciennes institutions étaient impuissantes à
l'améliorer comme à lé terminer, les Rou
mains donnèrent la dictature* à Sylla, et le
désordre s'effaça momentanément, devant ce
grand nom et devant cette épée.
Sylla mort; l'-union de Pompée et de César,
qui étaient à "là fois les deux plus grands po
litiques et les dèùx "plus gçands capitaines
qu'eût produits l'Italie, cette union sauva
encore Rome ; et l'on eut ce. spectacle, qui.
n'est pas rare dans l'histoire, des. institutions
d'uiï, pays, protégées et maintenues par l'as
cendant inoral'de-quelques citoyens.*
Mais quelle place occupait le sénat, quelle
valeur avaient les magistratures, en présence
de "l'autorité souveraine de ces deux grands
hommes? Oïi étaient les lois, où était le gou
vernement, où-était la République, sinon
dans le palais de César et dans le palais , de
Pompée? Et quoique les formes fussent tou
jours les mêmes, quoique là vieille aristocra
tie des maisons patriciennes, consulaires et
-triomphales discutât les décrets, dëcçrnât les
commandemens, et parût gouvernerle mon
de, chacun sentait que ce n'était là qu'un fan
tôme de sdciété régulière, et qu'il' suffisait,
pour retombe^ dans Je chaos, de la mort de
'César et de Pompée, où seûleinent de leur
désunion. ' •* •
Cette désunion, que tant de froissemens
préparait, Relata après .'a mort prématurée
de Julie, la jeune et charmante fille de Césai*
ique le vieux Pompée avait épousée;* et lès
transports de douleur du peuple romain tout
eniier, qui enleva le cadavre de force, pour
l'ensevelir au Champ-de-Mars, au milieu des
capitaines lès plus Illustres, firent' en même
temps les funérailles du• livre d'ôr du sénat
et du pouvoir de la noblesse.
On sait comment César marclia au gouver
nement, la tète et l'épée hautes. Tantjïé vic
toires l'avaient déjà signalé, tant de magis
tratures l'avaient déjà illustré,.qu'il était le
candidàt naturel. et l'initiateur légitime du
pouvoir nouveau. Il Je prit sans empresse
ment, car il donna l'Ordre et 1» paix à l'Italie
et au monde, avant d'accepter le titre de Dic
tateur Perpétuel ; il le prit sans colere, car il
pleura Pompée,^ et il donna la vie, « contre
tous les usages' de ce temps, à Brutus et à ses
amis. ' - > " .
L'œuvre violente accomplie par César était
à ce-point dans la nature des choses; il avait
à ce point accompli les trois couditions fon-
damenlàlcs : de fonder une autorité quand il
n'y en avait aucune, de la fonder avecl'appui
de l'opinion publique, et d'avoir en vue, -en
la fondant, le salut de son "pays, beaucoup
plus que lui-même ; que cette œuvre resta
debout, quand il fut tombé.
Brutus, Cassius, Casca, les quinze ou vingt
patriciens ingrats, làohes fit orgueilleux, qui
immolèrent César à jteur incapacité et à leur
jalousie, purent tuer un homme sans armes;
mais ils ne tuèrent pàs les-institutions ajors
nécessaires à. l'Italie et au'monde, qui sor
tirent triomphantes de son tombeau. .
Chose unique dans. l'histoire, quoique
ayant "'seulement préparé l'avènement de
l'Empire, l'origine en était si intimement liée
à la personne de César, que ïa dignité suprê
me emprunta son nom; et pendant quatorze
siècles et demi, tant qu'il y eut debout quel
que part un morceau d'empire, l'empereur/
quel qu'il fût, Italien, . Africain, Dace, Espa-
gnpl, Gaulois, Syrien, sè nomma César.
' La France se'trouvait, en* 1799, dans la si
tuation -où s'étaient trïmvées-Rome et l'Italie,
après la-mor t de Svlla. * , ;• — . -
Le Directoire, qui avait eu d'abord, par,-'
cela seul qu'il était un pouvoir régulier j
remplaçant l'anarchique tyrannie du comité
de Salut Public;"une autorité immense^ était i
Revenu impuissant, pàr les préjugés, et filûs -
encore par la situation personnelle de ses
membres.
La nation,lasse des crimes; des spoliations,
des exils qui, pendant neuf ans, l'avaient fou- '"
lée, déshonorée, ruinée,.ensanglantée, vou-*
lait un pouvoir sérieux, un pouvoir fort, et
elle le voulait à tout prix. Le Directoire n'é
tait-.pas insensé et aveugle,. au point de ne
pas reconnaître le-courant impétueux, impé
rieux, irrésistible,de l'opinion publi-que^ mais
il voyait évidemment, à ne pas s'y tromper,
que ce courarft portait tout droit au rétablis
sement du gouvernement héréditaire, et tous
les directeurs tremblaient à l'idée seuled'unc
semblable Restauration. 1 "
. Ils tremblaient,"parce qu'alors- il n'y avait
de possible ^ de probable, en fait de res
tauration, que celle des jjrinces frères de
Louis XVI; et Carndt, avant le 18 fructidor;
Merlin, Rewbell, Barras, qui se seraient jetés
ilans une monarchie comme dans un port.de
salut, ne pouvaient pas croire à la clémence
d'une famille et d'un parti, pour lesquels ils .
s'étaient montrés'impitoyables.
C'est par la crainte d'aboutir à une restau
ration monarchique, dojit'ils seraient les pre-
mières.victimes; que lesDireôteurs résistaient
de toutes leurs forces au mouvement général
des esprits, et qu'ils cherchaient à s'appuyer, .
jtantôt sur les débris mutilés de l'ancien ter
rorisme, deux fois écrasé par la mise hors la
loi de thermidor et par le procès de Vendô
me, tantôt sur cette vieille combinaison de
l'orléanisme, imaginé par les "constitution
nels de 1-791, et qui devait avoir un jour spn
application."
Le Directoire avait donc cessé d'être un
gouvernement sérieux, un gouvernement
possible, à partir du moment où, au lieu d'ê
tre la formule des vϝx, des besoins et des
espérances du. pays, il s'était réduit à n'être
que la garantie personnelle de sps membres.
C'est à 'ce moment que se "présenta Bona
parte ; il ne montra aucun empressement, il
se-confina chez lui, il n'offrit à personne son".
épée, il refusa, tout en les appréciant, les-of-
fres de tous les partis. On le savait calme, ré
solu, habile, Utile en tout temps^-nécessaire
en celui-là.
Son avènement souriait à la France, parce .
qu'elle entrevoyait le repos sous l'autorité de
sa puissante'main. Il n'y avaitaucun pouvoir
réel debout ; ce n'était donc pas une usurpa
teur, "c'était, comme César, junfondateur.
Les royalistes sages' et intelligens né se.
défiaient pas d'un soldai glorieux, familier
avec l'épée, étrangeràla guillotine. Les révo
lutionnaires comme Sievès, comme Talley-
rand, comme Fouché, comme Barras-, trou
vaient sous lui ce - qu'ils cherchaient vaine
ment dans toutes les autres combinaisons :
sécurité pour leurs biens, sûreté pour leurs
personnes.-
* Aussi Bonaparte ne trouva-t-il devant lui
qu'une résistance d'une heure. Barras en
avait trouvé dix fois plusfle 18 fructidor ; et
Bonaparte aurait accompli son œuvre en cinq
minutes, s'il n'avait.pas voulu y mettre plus.
de façôns.et plus:de formes qu'Augereau,
: Après cet effort d'une heure, Bonaparte sé
trouva tout puissant. La France entière re
connut un fondateur, un homme de génie,
en voyant qu'il la ■ comprenait, qu'il hono- „
rait ses. vœux, et qu'il s'appuyait sur elle.
Alors disparut le gouvernement des clubs,
des factioris e t des systémes, T et rèparut le gou
vernement -des besoins légitimes et des ten
dances honnêtes. /
v-Comme Çésar, Bonaparte avait rempli l'es
trois conditions qui légitiment l'intervention
de la force dans les affaires.; il avait fondé un -
gouvernement quand il n'y en avait pas; il-
l'avait fondé conformément au vœu univer
sel de l'opinion _p ; ublique; il l'avait fondé
•>; moins pour lui que pour la nation.
. Tout ceci nous a fort éloignés du César çt
du Napoléon portugais qui a gagné un em
pire à la course, mais nous y ramène pour-
tant, et nôufe aide à juger la moralité de son
"actlou:*?'- • ■„ .
. Au lieu de se .produire quand son pays
. n'avait pas de gouvernement, afin de lui en
donner un, il s'est produit quand son pays
avait un gouvernement régulier, "et il le lui à
; ôté. . . ' •
- Au lieu de céder au vœu général et à l'ap-»
pel irrésistible de l'opinion ét de l'espérance
publiques , il s'est inopinément jeté dans les
N rues, parce que personne ne, songeait à lui,
.et il a soulevé des régimens parla corruption.
Au lieu d'avoir, eh "vue l'ordre, la psiix, la
• sécurité de sa patrie, il a obéi à l'impatience
de sa vanité et de son ambition séniles, et il
a imposé sa personne, ses caprices; ses jalou
sies, ses ridi«ules au Portugal.
* C'est là, répétons-le, un spectacle immo
ral en lui-même, et qui accuse hautement la
faiblesse de l'Europe. Il n'est pas bon que la
révolte triomphe à si" bon- coihptç de la li
berté d'un pays, et du-droit public des na
tions. .
D'ailleurs, en l'état d'agitation où "sont
aujourd'hui les esprits, la "réussite de telles
.entreprises échauffe et égare bien "des-têtes.
Qui ne serait tenté, quand il faut si peu d'es-
.prit, de courage et d'or, pour subjugue^ un
pays? ■, . ■ ■■
, V , - ; A. GBAN 1ER DE C ASSAGNAC.
L'Assemblée a fait aujourd'hui, un acte de
sagesse : elle a -rejeté à la majorité de 335
voix contre 306, une proposition d'enquête
quin'était qu'un piège de là Montagne. La
majorité a vu clair dans cette manœuvre et.
elle a su la déjouer. Nous l'en félicitons. .
La Montagne a-l'art de faire du scandale
avec tous lés prétextes. -Il y a quelques-jours,
. dans un 'débat judiciaire, on a divulgué une
pièce confidentielle qui portait le nom de,
M. le préfet de poliee. Il ne s'agissait point
d'un rapport administratif, ni d'un docu-"
ment officiel, mais uniquement de notes in
formes qui avaient été confiées à l'honneur
d'un écrivain 'et qui ,n'avaient point été
destinées à la publicité. Dans cet écrit,
qui ne s'était jamais élevé à l'importance
d'un acte émané d'un fonctionnaire, deux
points pouvaient offrir un thème facile,à la
malignité, des partis. Il y était question de
dissidences survenues entre un ancien mi-'
nistre de la guerre, M. d'Hàutpoul, et M. le
général Changarnier. On y parlait en outre
d'un fait grave. On semblait y l'aire pla
ner sur une personne qu'on à dit plus -tard
être up représentant du peuple le repro
che d'avoir trempé dans un trafic de places.
Certains journaux, comme on le pense bien,
se sont emparés avec bonheur de cet incident
pour envenimer, l'affaire et pour lui donner
la proportiQn d'un événement politique. _
On conçoit aisément que -ces commentai^
res," inspirés par la malveillance, aient éveillé
la .'susceptibilité des personnes qu'ils sem
blaient désigner. Aussi n'a-t-on pas été éton
né dé voir , dans la séance de l'Assem
blée , après une. discussion paisible sur
la loi de la propriété en Algérie , l'ho
norable M.. Larabit venir provoquer une
explication. Un journal avait-dit que le nom
du représentant dii-peuple dont il étai't'ques-
tion, commençait par un L. M. Larabit, dans
un sentiment que tout le monde compren-
' dra, avait tenu àprotester pour son compte.
M. le garde-des-sceaux était vénu annoncer
"> qu'une enquête administrative était corn 1
* me'ncêe, et qu'on pouvait compter sur lui
PQur maintenir la sévère exécution des lois.
Toute incertitude d'ailleurs sur la personne
, désignée avait cessé. M. Lemulier avai t déçlaré,
que,dans la note si déplorablement livrée à la
publicité,* c'étaitule lui qu'on avait entendu
parler et qu'il s'associait aux paroles du mi
nistre de la justice pour appeler. sur toute
cette affaire les investigations impartiales de
la justice. Dès, lors l'iùc'ident semblait termi
né. D'une part, on pouvait compter sur
la vigilance du gouvernement ét sur la fer
meté de la magistrature pour éclaircir la
question. Ladignité ;de lÏAsseniblée sé tr.ou-
ivâit d'ailleurs "complètement désintéressée;
dans un débat qui était de sa nature essen
tiellement individuel. L'ordre du'jour pur et
simple pouvait donc être 'voté dès lors sans
préjudicier aux intérêts de qui que ce soit.
; Mais ce n'était pas là le. compte de la Mon
tagne. Tandis qùe les manœuvriers de la
gauche, de la voix et du geste invitaient au
calme leur armée turbulente et indisciplinée
qui, en dépit de leurs injonctions, s'échap
pait à chaque instant en interruptions pas
sionnées et en clameurs offensantes, M. Joly
est monté à la tribune pour y faire entendre
les àccènts de la vertu indignée. Cet orateur,
mûri dans les enseignenrens de la tactique-
parlementaire, a cherché, non sans quelque
habileté, à rallumer le différend. Par des
insinuations'calculées, il a déterminé l'ho-.
norahle général' d'Hàutpoul a demander la
iparoie. -De plus, il a essayé d'exciter les pas
sions de la chambre afin qu'elle ordonnât
une enquête. Les assemblées sont jalouses de
leur autorité. Il y aplus : elles aiment à éten
dre leurs attributions et, nafût-ce que par
curiosité, à envahir le domaine des pouvoirs
voisins.'Leur raison seule peut les préserver
dupérilde ces empiétemens. M. Joly.avoulu
exploiter cette tendance et ces'entraîneméns
"des corps Mélibérans et il a été dignement
secondé dans cette tâche par M. Jules Favre
qui est intervenu plus tard. Leur tactique
n'a pas été tout-à-fait inutile, puisqu'ils ont
réussi à trouver des auxiliaires dans les rangs
de la -majorité; et puisque l'ordre du jour pur
et simple n'a prévalu que de vingt-neuf voix.
Heureusement que leur argumentation ne
reposait quesurdejix sophismes qu'il était fa
cile de réfuter. Les partisans, de l'enquête
parlementaire voulaient, à toute force, que
jl'honnèur de l'Assemblée eût été compromis,
et ils étaient obligés de trahir leur çiéfîance
envers la justice. Or, pouvait-on sérieusement
prétendre que la dignité de la chambre
fût engagée dans le débat? N'était-il pas
évident, au contraire, qu'il s'agissait unique
ment d'une question individuelle? De plus,
ïa meilleure garantie pour la manifesta
tion complète "de lu vérité, n'était-ce pas
■l'action régulière deia justice, aimée-des
pouvoirs que la loi a placés'entre ses
mains et qui lui permettent de tout cpw-
connaitre et de ; tout approfondir? Comment
-d'ailleurs ne pas pas. s'apercevoir qu'on fai
sait beaucoup de bruit ppur rien? Une note '
sans importance avaitdésigné un citoyen com
me coupable du délit de péculat.' Des journa,ux
avaient publié que ce citoyen était un représen
tant du peuple. Mais c'était là tout. Jamais
le gouvernement n'avait reçu sur ce fait de
rapport officiel.- Or n'était-il pas* évident que
j\l. le préfet de police, tromp&sans doute par
un renseignement eiToné, qu'il avait consi
gné dans une pièce non destinée à la publicité,
avait reconnu plus tard qu'il n'y avait rien
de fondé dans ce bruit sans valeur, puis
qu'il n'avait transmis aucun document ad-
: ministratif à l'autorité compétente. Mais'les
partis ne se donnent pas la peine de raison;
iier et tout prétexte leur est bon.
M. le ministre de l'intérieur, dans une
courte allocution qui respirait la conviction
d'un honnête homme, avait fait justice des
déclamations de M: Joly. M. Baroche a victo
rieusement répondu aux arguties de M. Jules
Fàvre, en déniontrant que dans son discours,
l'orateur montagnard n'avait eu d'autre but
que S'entraîner l'Assemblée à un acte irréflé
chi, et de mettre en suspicion la justice du
pays. - "
M." le ^garde_des sceaux, à ce propos, a
réfuté" par un fait historique •run des ar-
gumens de M. Joly. Cet orateur avait par
lé d'un procès douloureux qui a marqué
'les derniers temps de la monarchiej et dans ;
lequel un. ancien ministre a été condam—
hé, et il avait sais? naturellement cette
occasion de calomnier. ce qu'il a appelé ,
dans son langage la corruption des hau
tes classes .'M. Ropher lui a répliqué'. que--
•l'exempte était- rbien mal choisi* La ,Jug- »
ltice* ae».ieïfiH, a, lait, alors son. devoir sans
l'intervention d'une enquête parlementaire,
et l'on a pu constater une fois .de plus que .
devant la loi fl n'y avait aucun privilège-
d'impunité. . <
Nous serions injustes si nous ne mention
nions pa? un'vigoureux discours île M. Va-
timesnil, qui a chaleureusement- réclamé les
droits et l'indépendance de la justice. Sur sa
proposition, l'prdre du jour pur et simple a
été voté, comme nous l'avons dit, sur, cet
incident. ' ' , iienry gauvain .
NOUVELLES DE L'ASSEMJJLÉp.
i .
les explications
rieur. ; - . ' '
, La grande majorité de la commission est
favorable au projet de loi. Le rapporteur sera
nommé à la prochaine séance. : v
La commission de l'administration inté
rieure a entendu la fin de là lecture du rap
port de M. de Vatimesnil.
; Elle sè réunira mercredi pour discuter
quelques modifications de détail. ' ..
' ■ Le - rapport sera déposé' vendredi ' ou sa
medi. , .
La commission de la Plata s'est réunie au
jourd'hui p.our entendre -M. le ministre des
affaires étrangères, et prendre connaissance
de (locumens officiels et particuliers parve
nus en France, en ce -qui touche la levée de
boucliers d'Urquiza. contre Rosas,' dont- on-a
fait grand bruit cefe" jours d'érpiQrs, .ét qui'
aurait été. précédée d'une déclaration ou'
manifeste en date du 3 avril. -
Apr,ès les explications du ministre, la
commission a compris que les nouvelles qui
parlaient de grandes complications surve
nues dans la question, ne devaient être, ac
cueillies' qu'avec "une extrême réserve, èt
qu'en tout état de cause, il ne convenait pas '
à la dignité* à l'honneur de la France ; de
faire dépendre la ratification d'un traite des
événemens qui peuvent .survenir dans la si
tuation politique de quelques provinces dés
Etats de la fédération argentine. .
La commission a ajourné la continuation
delà discussion à mercredi prochain. Son
honorable .rapporteur désire soumettre à
l'Assemblée un travail approfondi, complet,,
Sur cette grave question dans laquelle aucun
moyen d'instruction et de 'lumière n'a été
épargné.
M. de Castillon à l'ait le rapport, au nom
de la vingtième commission cle l'initiative,
sur une proposition de M. Saùtayra qui a
pour objet de faire insérer au Moniteur tou
tes les dépêches télégraphiques destinées ày
être rendues publiques,-et d'interdire à tous
les fonctionnaires publics de rien ajouter;
aux dépêchés qui leur seront transmises,
pour appuyer, corroborer ou pour compié-'
ter les nouvelles où avis qu'elles énoncent.'
' La commission n'a pas cru pouvoir pren
dre cette proposition en considération par-
ces motifs que si les dépêches télégraphiques
transmises jpar le gouvernement sont d'un
intérêt général, il ne manquera pas de don
nes lui-même à ces dépêches la publicité
qu'il presfcrit à ses agens de leur donner, et,
dans ce cas, il les fera insérer au Moniteur ;
que si, au contraire, elles n'ont trait qu'à
des intérêts spéciaux ou de localité, une pu
blicité restreinte à ces localités mêmes est
suffisante , et il est parfaitement inutile
qu'une loi en ordonne la publication au Mo
niteur. ■
• Relativementù la seconde par tie de la pro
position qui a pour but d'interdire aux fonc
tionnaires qui reçoivent des dépêches -desti
nées à être -rendues publiques, de les faire
suivre d'aucun commentaire, M. Saùtayra
nîindique pas de pénalité à-côté de cette dé
fense ; de telle sorte qu'en cas de violationde
la loi qu'il propose, la responsabilité môrale
du fonctionnaire se trouverait seule engagée-.
Or, c'est ce qui existe aujourd'hui, et la coic-
FEU1LLÈT0N DU CONSTITUTIONNEL, 17 JUIN.
REVUE MUSICALE.
OPÉRA-COMIQUE.
Raymond, 'ou le Secret de ta reine, crpéra-comique
en trois actes ; paroles de MM. de Leuven et Ros-
siei- ; musique de M. Afntfroise T'hotna^. '
- J.'arrive le dernier, cette fois, contre toutes
mes habitudes, pour parler d'un.ouvrage
Vloàt la .presse entière à constaté l'immense
succès. C'est une bonne fortune Inespérée,
un bonheur, sur lequel jene comptais pas,.je
l'avoué, que de rencontrer *sous ma .plume,
le jour même de ma rentrée, et dans une sai
son peu fertile ,en chefs-d'œuvre, 4ine si cliar-
mante- pièce et une si" délicieusè musique.
L 'été n'est voiié^ d'erdinaire, qu'à la médio
crité honnête ou à la jeunesse inéxpérimen-
tée. Il n'est pas uh autèùrde quelque renom
qui cotisent» à se laisser.jouer au mois de
i juin. Les directeurs en ont pris léur parti;
ils savent .que la saison des moissons n'est
point la saison des-recettes, et ils sont pres
que tentés de supprimerl'affiché pendant ces
mois désastreux, et df ^adresser gue,des in
vitations particulières a quelques amis inti
mes qui se dévouent pour ne point laisser
accréditer cette opinion, que lè vide existe
dans la nature. ; '
Or, voici la vérité : l'été on ne va pas au
théâtre, d'abord parce qu'il fait chaud, mais
surtout parte qu'oii n'y donne qùe de maù-
- vaises pièces, avec des guenilles-pour costu
mes ét des comparses pour artistes. C'est le
contraire"'5ui devrait .toujours avoir lieu; il
faudrait, dans ces moment difficiles, par up
doublement d'efforts, d'énergie et dé zèle,
exciter la curiosité du public et. lui faire ou
blier la-chaleur. C'est le problème bien sim
ple que s'est posé M. .Perrih, et qu'il vient de
résoudre victorieusement. Il a prié deux-
hommes d'esprit, qui n'en sont plus à comp
ter leurs succès, ae lui tenir prêt, po.ur cette
redoutable époque, ùn drame bien fait, bien
coupé, rempli d'intérêt,d'émotion et de cliar-
mejil s'est adressé à M .Ambroise Thomas, le
iiouvçaù membre dei'jnstitut,rauteurdu Caïd
et du Songe, le compositeur aimé des savans;
ajiméde la foule, et lorsqu'il a vu que poème et
musique répondaient, etau delà, à'toutesses
espérances, il. n'a rien négligé; L'heureux et
habile directeur, pour que l'exécution fût
digne de l'ouvrage; il a donné l'élite de sa
troupe, il à prodigué les splendeurs d'une
mise en scène à défier la canicule. Je ne
m'étonne plus de cette ovation bruyante,
unafiime, enthousiaste, que le public du
premier soir" a décernée aux artistes et
aux auteurs, de ce. concert d'éloges qui
s'est élevé dans tous les journaux, de cette
affluence insolite qui. assiège les portes du
théâtre, à un moment de l'année où l'on
est forcé en quelque sorte de .prendre; les
passans au collet. Lorsque je lisais naguère,
a Londres, le récit de ces triomphes, j'ai cru
qu r il y avait quelque exagération, mainte^
nant què j'ai vu la pièce, je trouve qu'on est
resté bien àu-dessous de la vérité.
Le rideau se lève sur un tableau cliampétré
de .l'effet le plus calme et le plus riant. De
beaux arbres-verts qui réjouissent l'œil et
reposent l'esprit; une grosse toile crevée par
endroits, et accrochée aux branches en guise
de tente; un cabaret de village à la rustique
enseigne, aux piliers de brique autour des
quels s'enroule et serpente uu double feston
ae vigne et dé liouhfon ; au loin lfi ferme
avec son enclos fleuri, son toit couvert de
mousse, et sa façade blanche, inondée de
soleil; voilà le paysage^ Peu à peu la scène
se remplit de fermiers, de villageoises, de
marchands, d'arbalétriers, d'une foule im
mense animée et joyeuse qui ne demande
qu'à rire, à danser, a jouer , et à boire dans
toute l'innocence de l'ame et la simplicité de
l'esprit ; sancta simplicitas! Ces" braves gens
ne songent pas encore à se partager la terre
du .voisin, et n'échangent pas des coups de
poing prématurés pour se disputer les lots
qui pourraient bien leur échoir- . '
On n'y entend pas malice; on remue des
cartes, on trinque, ou chante ; on célèbre, en
même temps, la fête de saint Hubert, patron
du village, et les fiançailles de Raymond
et de Stella, deux enfans, deux orphelins que
tout le monde chérit, que tous les cœurs ont
adoptés. Stella, la plus jolie, la plus sage, la
plus tendrement aimée" de toutes les filles;
Raymond le plus adroit, le plus fier, le plus
brave dé tous les jeunes fermiers; vit-on ja
mais un plus beau couple et né dirait-on pas
que tout leur sourit, que tout les comble,
que tout conspire à leur bonheur ! Stella,
n'a qu'à montrer le bout de son petit pied
pour tourner toutes les têtes ; Ravmond
n'a qu'à viser la cible pour remporter le prix
d'emblée; bien qu'à la vérité ce né soit pas*
de jeu que de prendre un baiser à sa fiancée
avant de toucher l'arbalète. Mais il ne faut
point se -hâter dé conclure, pai'ce que l'au
rore est belle,' que la journée se passera sans
nuages. Quel esteet- homme au regard dou
teux, au feutre.rabattu., à la démarche cau
teleuse et prudente ? •Depuis quand-les loups
se promènent-ils dans la bergerie? Cet h«nn-
me-sent l'espion d'une Ueue, quoiqu'il affec
té - dès airs de matamore et la rude franchise
du soldat. On l'appelle le chevalier de Rosar-
gues, eteeux qui sontau ~CQurantdasatr -iires
irtdes intrigues delacour,lesôupçounentlort
d'être - au service du cardinal Mazarin. Par
quel hasard ce personnage équivoque s'est-il
pris d'un goût si vif pour la vie des champs,
et pourquoi s'acharne-t-il à suivre Raymond
comme une ombre ? Heureusement" qu'un
ange tutélaire, une noble et charmante fem
me, la comtesse de Montbryan, veille de son
côté, sur le jeune fermier. Le chevalier a
beau maugréer de cette rencontre importune;
tous ses calculs sont déjoués par la comtesse,
tous ses desseins.sont percés à jour; elle -pa
rait avwir le don de deviner les pensées les
plus secrètes et les plus impénétrables. La
lutte s'engage alors entre le .-bon et le mau
vais génie;' et, soyez tranquille, ce n'estpas
ce .dernier qui l'emportera.
Cette comtesse de Montbryan est une maî
tresse femme' qui traîne à sa remorque une
espèce d'imbécile, baron de je ne sais plus
quoi, jaloux de profession et surintendant
des Menus. Dès qu'une coquette et un jaloux
sont aux prises, le théâtre et le monde pren
nent parti pour la coquette. Cependant le
malheureux baron ,n ; a pas tous lès torts.
Conçoit-on qu'une femme : de qualité, une
dame d'honneur d'Anne d'Autriche, s'amuse
à courir les champs comme une folle et à re
garder seus le nez tous les paysans qu'elle
_rencontre, surtout quand ils sont jeunes et
"bien faits! Le baron étouffe, et ne pouvant,
pour comble d'infortune, confier ses^chagrins
a personne,.il se décide à les noyer dans le vin.
Survient le chevalier de Rosargues qui se trou
ve aussi dans un accès d'humeur noire. Les
' deux courtisans se reconnaissent, Si saluent,
se font raison le verre à la main. Le baron, ravi
d'avoir trouvé un confident, entame, le cha
pitre de ses amours ; le chevalier qui, de son
côté, à le vin larmoyant et bavard, tombant
dans une ivresse léthargique, en dit plus long
qu'il ne voudrait. Raymond n'est point ce
qu'il paraît être ; un profond mystère plane
/ur sa naissance ; quant a lui, Rosargues, il
s'est vendu, corps-et ame, au Mazarin, et lui
a-promis de ne point qùitte'rle jeune homme,
^confié à sa garde, qu'il ne l'ait marié avec
Stella, la pauvre et obscure orpheline', et ré
duit^ -par-là, à l'impossibilité de jamais pa
raître à la cour. ' ^
Cependant la comtesse a tout en tendu. Dès
que le chevalier s'éloigne, elle ordonne au.
baroii d'écrire,' sous sa dictée, un faux mes
sage adressé'à Rosargues et d'aller le déposer
dans le creux d'un -arbre, dont il paraît que
le cardinal et son agent se servaient comme
d'une boîte aux lettres pour échanger leur
mystérieuse correspondance. Le faux billet
mandait à Rosargues d'empêcher le mariage,
a tout prix. Le chevalier, serré de près, et
peu scrupuleux, d'ailleurs, sur le choix des
moyens, ne trouve rie'n de mieux que de
brûler la ferme de Raymond". -C'est aux rou
ges lueurs de l'incendie que le drame se des
sine, etqu'àu fond de ce village-heureux et
paisible, apparaît la sombre et sinistre figure
au masque de fer.
Au second-acte nous sommes à Fontaina-
bleau ; il y a spectacle à la cour, et je ne crois,
pas qu'on ait jamais déployé dans cette royale
demeure plus de richesse etdemagnificences :
un décor d'une perspective admirable , *des
costumes d'une fraîcheur exquise et d'un
goût charmant, une délicieuse entrée de
ballet ; de la soie, du satin, de la moire à pro
fusion; des broderies d'or et d'argent, des
flots de rubans et de fleurs, tel est ce ravis
sant .tableau qui ferait à lui seul le succès
d'un.ouvrage. Raymond, protégé par Mme
de Montbryan, s'est enrôle dansun régiment
des gardes et a gagné vaillamment, ses épe
rons. Mais ni le danger, ni la gloire n'ont pu
lui -laire oublier sa fiancée. Jugez de son
émotion, de sa joie,lorsqu'il la rencontre à
-la cour, sous le déguisement d'une bergère,
car le jaloux sur-intendant, pour se ven
ger de la comtesse, a choisi les plus-jo
lies paysannés, et leur a distribué des rôles
dans sa galante pastorale. Jetés dans les bras
l'un de l'autre, confondus dans une suprême
étreinte, Stella et Raymond s'écrient, comme .
tous les amoureuxque rien ne pourra les
séparer. Mais la comtesse de Montbrvan," s'a-
vançant .vers son jeune protégé, lui dit d'une
voix douce et triste: _
"— Raymond, ne vous flattez pas d'un vain
espoir; il faut renoncer à- cette union qui a
été le rêve de votre vie : au nom de votre
haute naissance qui vous impose des devoirs-
rigoureux, au nom de votre mère, Ray-, •
mondl... ' v •* ■
— De ma mère !-..'Où est-elle?
— Elle est'là dans ce paviflon qui vous
voit, qui vous entend...
" — Je pourrai donc la voir, ô mon Dieu !
— La voir, non ; mais vous pouvez l'em r .
brasser...* . •. . • •• •
Eperdu de bonheur ét de crainte, le jeune
homme s'élance dans le pavillon .et en sort,
S eu d'instans après, couvrant de baisers et
e larmes un mouchoir richement brodé'
qu'on a laissé tomber par mégarde. I
' ^ Mais vois donc, Raymond, vois donc,
dit la jeune fille avec un mouvement d'effroi "
indicible... aux coins de ce mouchoir sont
brodées lés armes de France... -
— Ma mère... c'est la rèine ! Je suis do iu
le frèré...' '
Il n'achève /pas le mot fatal. Rosargues,
qui n'a point qiaiité des yeux sa proie, se jette
sur le malheureux, Stiivi de quelques hom- ■
mes, le bâillonne et l'entraîne.
Le troisième acte est le plus émoùvant. La
politique de Mazarin, inexorable comme la
destinée, aprononcé son arrêt. Unmasqvie de
velours et d'acier dérobera, pour jamais, àtout
regard humain les traits du jumeau de
LouisXIV. La comtesse et Stella suivent lepri*
BUREAUX": rue du 94 Février (cl"devant Valois)» 10.
1851.-MARDI 17 JUIN.
PRIX DÊf ABONNEMENT: j-J
raoïSMOis..
ix mois. .
ws an... ...
PARIS ET DÉPA.6T
ii f.
sa
lo
ETRANG.
14F.
28
84
u rosT eu rog loua u» tix$ siss icBAJios posti
« } ' , ^ F f*
' Le* àbotmemèns' aient Jes i er et 14
■' de chaque-mois^.
Mm
S'adresser, franco, pow là. rédaction ', à M. Bbfî
; v les articles,déposés ne sont pas rendus.
JOURNAL POLITIQUE, LJTTÉBAIRE, UNIVERSEL.
On s'ilon^ydar s les département, auoâ Messageries et aux Dirèetions de poste.—ALoi]dres,.chez MM. CowiÉ e# FUS. j S'adresser, franco^ pour l'administration, à M. 'DenaiN; directeur.
• . _ • .• *—4 Strasbourg } .chez ^M. ALEXANDRE'; 'pour H' Allemagne.- »■ (Les annoncés sont reçues au bureau du journal; et chez M. ? RANi&, régisseur, 10, place de là F '"**"
PARIS, 16 JUIN.
M t'BTERTBSTlds BfU FORCE MILITW.E
•« ' SANS LES AFFAIRES PUBLIQUES.
, L'Europe a sous les yeux, depuis, trois'
mois, dans nia coik.daiap6ài^sùiaibériqtte,
uii spectacle "ridicule et honteux, qu'elle n'eût
certes pas toléré trois semaines, si elle n'était
sérieusement et-légitimement préoccupée de
la paix du môndé et du salut de la civilisa
tion. ' ' - :■ •; " '
Un vieux soldat de cour, gans_ services èt
sans gloire, comblé par delà ses mérites de
titres et- de trésors, jaloux de la situation
d'un ministre qui donnait de l'ordre et de la
prospérité à son pays, chagrin de ne pas ocr
-çupèr de sa très'inutile-personne-une opi
nion publique tournée, sous l'influence de
la paix, vers, le travail et les affaires , — s'est
mis un jour en révolte contre les lois; èt,
profitant d'une influence que des circons
tances antiennes lui donnaient sur les trou
pes, il à aippeléles régimens à; la révolte; et
s'est emparé du pouvoir par là corruption et
par la félonie. - ' •
Cette ombre de militaire cette dérision
d'homme d'État, n'a montré ni cœùr ni es
prit. Croyant avoir d'abord manqué son
coup, il s'est sauvé à-tôutes jambes vers le
premier pîo'rtj cfù il pût se jeter âans un
navire, afin d'échapper aux douze balles
qu'il avait bien légitimement gagnées; et
comme ses aide's-de-camp, plus généreux ou
plus habiles,/avaient réussi à soulever les
" régimens près desquels il avait échoué ; il a
fallu se mettre à sa poursuite tît crever des
chevaux, afin de remettre dans ses mains
blêmes et tremblantes le gouvernement de
hasard qu'il laissait derrière ses talons.
.. Cette caricature de Richelieugouverne,sous
le bon plaisir des soldats dont il est moins lè
chef que' le prisonnier; Il a payé du .pillage
des grades le service éminent rendu à sa va
nité poitrone ; et un Etat régulièrement ins
crit au nombre des nations civilisées," un
membre reconnu de la famille européenne,
un pays avec lequel la France, l'Espagne,
l'Angleterre, l'Autriche, le monde entier ont
■ dès traités," est là proie, lè jouet, le passe-
temps d'un Achille, qui n'a de celui d'Homèr
re que les pieds légers: . '
Yoilà trois mois que l'Europe a ce specta
cle sous l(?s yeux. Ses propres embarras se
raient bien grands,- s'ils pouvaient excuset
pïûs"loiig-temj)s un pareil oubli de la pro
tection qui est due à la dignité et à la liberté
des peuples. _ . ~ - -
îfous n'avons pas un éloignement et un
blàmeabsolus pour les généraux qui, deieur
/■ptopre mouvement, se jettent^ l'épée, à la
main, à travers les affaires de leur pays, et
s'en arrogent la direction par la force. L'his
toire offre plus d'un exemple de cas où les
peuples ont éjté sauvés par ces interventions
violentes; mais il faut toujours trois choses
fondamentales pour lés légitime]* :
U faut qu'il noy ait pas d'autre gouverne
ment sérieux et viable;' - j
Il faut -être' clairement appelé'ou accepté
par le sentiment national ; , ' -
-Il faut, en mettant-la main sur le pouvoir;
le saisir sincèremeùt, non pour soi, "mais
pour sa patrie!. ■ .
Hors de ces trois cas réunis, les généraux
qui s'emparent dji gouvernement par la for-
ce, ne soûl qile des détrôusseursdè peuples,
et ils ne méritént que le sort réservé aux dé
trousseurs de passant ■
Lorsque Césarchangea.par les armes lafor-
me du gouvernement de son pays, et fut re
vêtu de la dictature perpétaelle, il y avait
dix-neuf ans que l'ancien gouvernement ro- •
mâin ayâitpéri, dans Jus luttes sanglantes de
Marins et de Syjla.
Ves dix-neuf années furent une bataillé per
pétuelle, où la noblesse proscrivit les famil
les plébéiennes, où le' peuple massacra les
junillespatriciennes, où les généraux se dis-
■ putèrent le pouvoir,sur les cendres des villes
ét sur les cadavres des habitans.' Cette ère
nouvelle, où l'on, vit tomber lés noms les
plus illustres et s'élever les noms les plus
inconnus, corrompit profondément lésâmes.
Chacun rêva et osa les-entreprises et les cri-
pies qui pouvaient lui donner li-dbmihatioh
iuprêmef la.jeunesseï©ui;yne, la
jeunesse appartenant aux familles 'les plus
» glorieuses, s'alljer à Catilina pour incendier
Rome ét pour la piller.
Accablés de tant de meurtres, (Je tant de
rapines, accablés surtout de l'idée que ce ré
gime n'avait'pas de . fin possible, et que les
anciennes institutions étaient impuissantes à
l'améliorer comme à lé terminer, les Rou
mains donnèrent la dictature* à Sylla, et le
désordre s'effaça momentanément, devant ce
grand nom et devant cette épée.
Sylla mort; l'-union de Pompée et de César,
qui étaient à "là fois les deux plus grands po
litiques et les dèùx "plus gçands capitaines
qu'eût produits l'Italie, cette union sauva
encore Rome ; et l'on eut ce. spectacle, qui.
n'est pas rare dans l'histoire, des. institutions
d'uiï, pays, protégées et maintenues par l'as
cendant inoral'de-quelques citoyens.*
Mais quelle place occupait le sénat, quelle
valeur avaient les magistratures, en présence
de "l'autorité souveraine de ces deux grands
hommes? Oïi étaient les lois, où était le gou
vernement, où-était la République, sinon
dans le palais de César et dans le palais , de
Pompée? Et quoique les formes fussent tou
jours les mêmes, quoique là vieille aristocra
tie des maisons patriciennes, consulaires et
-triomphales discutât les décrets, dëcçrnât les
commandemens, et parût gouvernerle mon
de, chacun sentait que ce n'était là qu'un fan
tôme de sdciété régulière, et qu'il' suffisait,
pour retombe^ dans Je chaos, de la mort de
'César et de Pompée, où seûleinent de leur
désunion. ' •* •
Cette désunion, que tant de froissemens
préparait, Relata après .'a mort prématurée
de Julie, la jeune et charmante fille de Césai*
ique le vieux Pompée avait épousée;* et lès
transports de douleur du peuple romain tout
eniier, qui enleva le cadavre de force, pour
l'ensevelir au Champ-de-Mars, au milieu des
capitaines lès plus Illustres, firent' en même
temps les funérailles du• livre d'ôr du sénat
et du pouvoir de la noblesse.
On sait comment César marclia au gouver
nement, la tète et l'épée hautes. Tantjïé vic
toires l'avaient déjà signalé, tant de magis
tratures l'avaient déjà illustré,.qu'il était le
candidàt naturel. et l'initiateur légitime du
pouvoir nouveau. Il Je prit sans empresse
ment, car il donna l'Ordre et 1» paix à l'Italie
et au monde, avant d'accepter le titre de Dic
tateur Perpétuel ; il le prit sans colere, car il
pleura Pompée,^ et il donna la vie, « contre
tous les usages' de ce temps, à Brutus et à ses
amis. ' - > " .
L'œuvre violente accomplie par César était
à ce-point dans la nature des choses; il avait
à ce point accompli les trois couditions fon-
damenlàlcs : de fonder une autorité quand il
n'y en avait aucune, de la fonder avecl'appui
de l'opinion publique, et d'avoir en vue, -en
la fondant, le salut de son "pays, beaucoup
plus que lui-même ; que cette œuvre resta
debout, quand il fut tombé.
Brutus, Cassius, Casca, les quinze ou vingt
patriciens ingrats, làohes fit orgueilleux, qui
immolèrent César à jteur incapacité et à leur
jalousie, purent tuer un homme sans armes;
mais ils ne tuèrent pàs les-institutions ajors
nécessaires à. l'Italie et au'monde, qui sor
tirent triomphantes de son tombeau. .
Chose unique dans. l'histoire, quoique
ayant "'seulement préparé l'avènement de
l'Empire, l'origine en était si intimement liée
à la personne de César, que ïa dignité suprê
me emprunta son nom; et pendant quatorze
siècles et demi, tant qu'il y eut debout quel
que part un morceau d'empire, l'empereur/
quel qu'il fût, Italien, . Africain, Dace, Espa-
gnpl, Gaulois, Syrien, sè nomma César.
' La France se'trouvait, en* 1799, dans la si
tuation -où s'étaient trïmvées-Rome et l'Italie,
après la-mor t de Svlla. * , ;• — . -
Le Directoire, qui avait eu d'abord, par,-'
cela seul qu'il était un pouvoir régulier j
remplaçant l'anarchique tyrannie du comité
de Salut Public;"une autorité immense^ était i
Revenu impuissant, pàr les préjugés, et filûs -
encore par la situation personnelle de ses
membres.
La nation,lasse des crimes; des spoliations,
des exils qui, pendant neuf ans, l'avaient fou- '"
lée, déshonorée, ruinée,.ensanglantée, vou-*
lait un pouvoir sérieux, un pouvoir fort, et
elle le voulait à tout prix. Le Directoire n'é
tait-.pas insensé et aveugle,. au point de ne
pas reconnaître le-courant impétueux, impé
rieux, irrésistible,de l'opinion publi-que^ mais
il voyait évidemment, à ne pas s'y tromper,
que ce courarft portait tout droit au rétablis
sement du gouvernement héréditaire, et tous
les directeurs tremblaient à l'idée seuled'unc
semblable Restauration. 1 "
. Ils tremblaient,"parce qu'alors- il n'y avait
de possible ^ de probable, en fait de res
tauration, que celle des jjrinces frères de
Louis XVI; et Carndt, avant le 18 fructidor;
Merlin, Rewbell, Barras, qui se seraient jetés
ilans une monarchie comme dans un port.de
salut, ne pouvaient pas croire à la clémence
d'une famille et d'un parti, pour lesquels ils .
s'étaient montrés'impitoyables.
C'est par la crainte d'aboutir à une restau
ration monarchique, dojit'ils seraient les pre-
mières.victimes; que lesDireôteurs résistaient
de toutes leurs forces au mouvement général
des esprits, et qu'ils cherchaient à s'appuyer, .
jtantôt sur les débris mutilés de l'ancien ter
rorisme, deux fois écrasé par la mise hors la
loi de thermidor et par le procès de Vendô
me, tantôt sur cette vieille combinaison de
l'orléanisme, imaginé par les "constitution
nels de 1-791, et qui devait avoir un jour spn
application."
Le Directoire avait donc cessé d'être un
gouvernement sérieux, un gouvernement
possible, à partir du moment où, au lieu d'ê
tre la formule des vϝx, des besoins et des
espérances du. pays, il s'était réduit à n'être
que la garantie personnelle de sps membres.
C'est à 'ce moment que se "présenta Bona
parte ; il ne montra aucun empressement, il
se-confina chez lui, il n'offrit à personne son".
épée, il refusa, tout en les appréciant, les-of-
fres de tous les partis. On le savait calme, ré
solu, habile, Utile en tout temps^-nécessaire
en celui-là.
Son avènement souriait à la France, parce .
qu'elle entrevoyait le repos sous l'autorité de
sa puissante'main. Il n'y avaitaucun pouvoir
réel debout ; ce n'était donc pas une usurpa
teur, "c'était, comme César, junfondateur.
Les royalistes sages' et intelligens né se.
défiaient pas d'un soldai glorieux, familier
avec l'épée, étrangeràla guillotine. Les révo
lutionnaires comme Sievès, comme Talley-
rand, comme Fouché, comme Barras-, trou
vaient sous lui ce - qu'ils cherchaient vaine
ment dans toutes les autres combinaisons :
sécurité pour leurs biens, sûreté pour leurs
personnes.-
* Aussi Bonaparte ne trouva-t-il devant lui
qu'une résistance d'une heure. Barras en
avait trouvé dix fois plusfle 18 fructidor ; et
Bonaparte aurait accompli son œuvre en cinq
minutes, s'il n'avait.pas voulu y mettre plus.
de façôns.et plus:de formes qu'Augereau,
: Après cet effort d'une heure, Bonaparte sé
trouva tout puissant. La France entière re
connut un fondateur, un homme de génie,
en voyant qu'il la ■ comprenait, qu'il hono- „
rait ses. vœux, et qu'il s'appuyait sur elle.
Alors disparut le gouvernement des clubs,
des factioris e t des systémes, T et rèparut le gou
vernement -des besoins légitimes et des ten
dances honnêtes. /
v-Comme Çésar, Bonaparte avait rempli l'es
trois conditions qui légitiment l'intervention
de la force dans les affaires.; il avait fondé un -
gouvernement quand il n'y en avait pas; il-
l'avait fondé conformément au vœu univer
sel de l'opinion _p ; ublique; il l'avait fondé
•>; moins pour lui que pour la nation.
. Tout ceci nous a fort éloignés du César çt
du Napoléon portugais qui a gagné un em
pire à la course, mais nous y ramène pour-
tant, et nôufe aide à juger la moralité de son
"actlou:*?'- • ■„ .
. Au lieu de se .produire quand son pays
. n'avait pas de gouvernement, afin de lui en
donner un, il s'est produit quand son pays
avait un gouvernement régulier, "et il le lui à
; ôté. . . ' •
- Au lieu de céder au vœu général et à l'ap-»
pel irrésistible de l'opinion ét de l'espérance
publiques , il s'est inopinément jeté dans les
N rues, parce que personne ne, songeait à lui,
.et il a soulevé des régimens parla corruption.
Au lieu d'avoir, eh "vue l'ordre, la psiix, la
• sécurité de sa patrie, il a obéi à l'impatience
de sa vanité et de son ambition séniles, et il
a imposé sa personne, ses caprices; ses jalou
sies, ses ridi«ules au Portugal.
* C'est là, répétons-le, un spectacle immo
ral en lui-même, et qui accuse hautement la
faiblesse de l'Europe. Il n'est pas bon que la
révolte triomphe à si" bon- coihptç de la li
berté d'un pays, et du-droit public des na
tions. .
D'ailleurs, en l'état d'agitation où "sont
aujourd'hui les esprits, la "réussite de telles
.entreprises échauffe et égare bien "des-têtes.
Qui ne serait tenté, quand il faut si peu d'es-
.prit, de courage et d'or, pour subjugue^ un
pays? ■, . ■ ■■
, V , - ; A. GBAN 1ER DE C ASSAGNAC.
L'Assemblée a fait aujourd'hui, un acte de
sagesse : elle a -rejeté à la majorité de 335
voix contre 306, une proposition d'enquête
quin'était qu'un piège de là Montagne. La
majorité a vu clair dans cette manœuvre et.
elle a su la déjouer. Nous l'en félicitons. .
La Montagne a-l'art de faire du scandale
avec tous lés prétextes. -Il y a quelques-jours,
. dans un 'débat judiciaire, on a divulgué une
pièce confidentielle qui portait le nom de,
M. le préfet de poliee. Il ne s'agissait point
d'un rapport administratif, ni d'un docu-"
ment officiel, mais uniquement de notes in
formes qui avaient été confiées à l'honneur
d'un écrivain 'et qui ,n'avaient point été
destinées à la publicité. Dans cet écrit,
qui ne s'était jamais élevé à l'importance
d'un acte émané d'un fonctionnaire, deux
points pouvaient offrir un thème facile,à la
malignité, des partis. Il y était question de
dissidences survenues entre un ancien mi-'
nistre de la guerre, M. d'Hàutpoul, et M. le
général Changarnier. On y parlait en outre
d'un fait grave. On semblait y l'aire pla
ner sur une personne qu'on à dit plus -tard
être up représentant du peuple le repro
che d'avoir trempé dans un trafic de places.
Certains journaux, comme on le pense bien,
se sont emparés avec bonheur de cet incident
pour envenimer, l'affaire et pour lui donner
la proportiQn d'un événement politique. _
On conçoit aisément que -ces commentai^
res," inspirés par la malveillance, aient éveillé
la .'susceptibilité des personnes qu'ils sem
blaient désigner. Aussi n'a-t-on pas été éton
né dé voir , dans la séance de l'Assem
blée , après une. discussion paisible sur
la loi de la propriété en Algérie , l'ho
norable M.. Larabit venir provoquer une
explication. Un journal avait-dit que le nom
du représentant dii-peuple dont il étai't'ques-
tion, commençait par un L. M. Larabit, dans
un sentiment que tout le monde compren-
' dra, avait tenu àprotester pour son compte.
M. le garde-des-sceaux était vénu annoncer
"> qu'une enquête administrative était corn 1
* me'ncêe, et qu'on pouvait compter sur lui
PQur maintenir la sévère exécution des lois.
Toute incertitude d'ailleurs sur la personne
, désignée avait cessé. M. Lemulier avai t déçlaré,
que,dans la note si déplorablement livrée à la
publicité,* c'étaitule lui qu'on avait entendu
parler et qu'il s'associait aux paroles du mi
nistre de la justice pour appeler. sur toute
cette affaire les investigations impartiales de
la justice. Dès, lors l'iùc'ident semblait termi
né. D'une part, on pouvait compter sur
la vigilance du gouvernement ét sur la fer
meté de la magistrature pour éclaircir la
question. Ladignité ;de lÏAsseniblée sé tr.ou-
ivâit d'ailleurs "complètement désintéressée;
dans un débat qui était de sa nature essen
tiellement individuel. L'ordre du'jour pur et
simple pouvait donc être 'voté dès lors sans
préjudicier aux intérêts de qui que ce soit.
; Mais ce n'était pas là le. compte de la Mon
tagne. Tandis qùe les manœuvriers de la
gauche, de la voix et du geste invitaient au
calme leur armée turbulente et indisciplinée
qui, en dépit de leurs injonctions, s'échap
pait à chaque instant en interruptions pas
sionnées et en clameurs offensantes, M. Joly
est monté à la tribune pour y faire entendre
les àccènts de la vertu indignée. Cet orateur,
mûri dans les enseignenrens de la tactique-
parlementaire, a cherché, non sans quelque
habileté, à rallumer le différend. Par des
insinuations'calculées, il a déterminé l'ho-.
norahle général' d'Hàutpoul a demander la
iparoie. -De plus, il a essayé d'exciter les pas
sions de la chambre afin qu'elle ordonnât
une enquête. Les assemblées sont jalouses de
leur autorité. Il y aplus : elles aiment à éten
dre leurs attributions et, nafût-ce que par
curiosité, à envahir le domaine des pouvoirs
voisins.'Leur raison seule peut les préserver
dupérilde ces empiétemens. M. Joly.avoulu
exploiter cette tendance et ces'entraîneméns
"des corps Mélibérans et il a été dignement
secondé dans cette tâche par M. Jules Favre
qui est intervenu plus tard. Leur tactique
n'a pas été tout-à-fait inutile, puisqu'ils ont
réussi à trouver des auxiliaires dans les rangs
de la -majorité; et puisque l'ordre du jour pur
et simple n'a prévalu que de vingt-neuf voix.
Heureusement que leur argumentation ne
reposait quesurdejix sophismes qu'il était fa
cile de réfuter. Les partisans, de l'enquête
parlementaire voulaient, à toute force, que
jl'honnèur de l'Assemblée eût été compromis,
et ils étaient obligés de trahir leur çiéfîance
envers la justice. Or, pouvait-on sérieusement
prétendre que la dignité de la chambre
fût engagée dans le débat? N'était-il pas
évident, au contraire, qu'il s'agissait unique
ment d'une question individuelle? De plus,
ïa meilleure garantie pour la manifesta
tion complète "de lu vérité, n'était-ce pas
■l'action régulière deia justice, aimée-des
pouvoirs que la loi a placés'entre ses
mains et qui lui permettent de tout cpw-
connaitre et de ; tout approfondir? Comment
-d'ailleurs ne pas pas. s'apercevoir qu'on fai
sait beaucoup de bruit ppur rien? Une note '
sans importance avaitdésigné un citoyen com
me coupable du délit de péculat.' Des journa,ux
avaient publié que ce citoyen était un représen
tant du peuple. Mais c'était là tout. Jamais
le gouvernement n'avait reçu sur ce fait de
rapport officiel.- Or n'était-il pas* évident que
j\l. le préfet de police, tromp&sans doute par
un renseignement eiToné, qu'il avait consi
gné dans une pièce non destinée à la publicité,
avait reconnu plus tard qu'il n'y avait rien
de fondé dans ce bruit sans valeur, puis
qu'il n'avait transmis aucun document ad-
: ministratif à l'autorité compétente. Mais'les
partis ne se donnent pas la peine de raison;
iier et tout prétexte leur est bon.
M. le ministre de l'intérieur, dans une
courte allocution qui respirait la conviction
d'un honnête homme, avait fait justice des
déclamations de M: Joly. M. Baroche a victo
rieusement répondu aux arguties de M. Jules
Fàvre, en déniontrant que dans son discours,
l'orateur montagnard n'avait eu d'autre but
que S'entraîner l'Assemblée à un acte irréflé
chi, et de mettre en suspicion la justice du
pays. - "
M." le ^garde_des sceaux, à ce propos, a
réfuté" par un fait historique •run des ar-
gumens de M. Joly. Cet orateur avait par
lé d'un procès douloureux qui a marqué
'les derniers temps de la monarchiej et dans ;
lequel un. ancien ministre a été condam—
hé, et il avait sais? naturellement cette
occasion de calomnier. ce qu'il a appelé ,
dans son langage la corruption des hau
tes classes .'M. Ropher lui a répliqué'. que--
•l'exempte était- rbien mal choisi* La ,Jug- »
ltice* ae».ieïfiH, a, lait, alors son. devoir sans
l'intervention d'une enquête parlementaire,
et l'on a pu constater une fois .de plus que .
devant la loi fl n'y avait aucun privilège-
d'impunité. . <
Nous serions injustes si nous ne mention
nions pa? un'vigoureux discours île M. Va-
timesnil, qui a chaleureusement- réclamé les
droits et l'indépendance de la justice. Sur sa
proposition, l'prdre du jour pur et simple a
été voté, comme nous l'avons dit, sur, cet
incident. ' ' , iienry gauvain .
NOUVELLES DE L'ASSEMJJLÉp.
i .
les explications
rieur. ; - . ' '
, La grande majorité de la commission est
favorable au projet de loi. Le rapporteur sera
nommé à la prochaine séance. : v
La commission de l'administration inté
rieure a entendu la fin de là lecture du rap
port de M. de Vatimesnil.
; Elle sè réunira mercredi pour discuter
quelques modifications de détail. ' ..
' ■ Le - rapport sera déposé' vendredi ' ou sa
medi. , .
La commission de la Plata s'est réunie au
jourd'hui p.our entendre -M. le ministre des
affaires étrangères, et prendre connaissance
de (locumens officiels et particuliers parve
nus en France, en ce -qui touche la levée de
boucliers d'Urquiza. contre Rosas,' dont- on-a
fait grand bruit cefe" jours d'érpiQrs, .ét qui'
aurait été. précédée d'une déclaration ou'
manifeste en date du 3 avril. -
Apr,ès les explications du ministre, la
commission a compris que les nouvelles qui
parlaient de grandes complications surve
nues dans la question, ne devaient être, ac
cueillies' qu'avec "une extrême réserve, èt
qu'en tout état de cause, il ne convenait pas '
à la dignité* à l'honneur de la France ; de
faire dépendre la ratification d'un traite des
événemens qui peuvent .survenir dans la si
tuation politique de quelques provinces dés
Etats de la fédération argentine. .
La commission a ajourné la continuation
delà discussion à mercredi prochain. Son
honorable .rapporteur désire soumettre à
l'Assemblée un travail approfondi, complet,,
Sur cette grave question dans laquelle aucun
moyen d'instruction et de 'lumière n'a été
épargné.
M. de Castillon à l'ait le rapport, au nom
de la vingtième commission cle l'initiative,
sur une proposition de M. Saùtayra qui a
pour objet de faire insérer au Moniteur tou
tes les dépêches télégraphiques destinées ày
être rendues publiques,-et d'interdire à tous
les fonctionnaires publics de rien ajouter;
aux dépêchés qui leur seront transmises,
pour appuyer, corroborer ou pour compié-'
ter les nouvelles où avis qu'elles énoncent.'
' La commission n'a pas cru pouvoir pren
dre cette proposition en considération par-
ces motifs que si les dépêches télégraphiques
transmises jpar le gouvernement sont d'un
intérêt général, il ne manquera pas de don
nes lui-même à ces dépêches la publicité
qu'il presfcrit à ses agens de leur donner, et,
dans ce cas, il les fera insérer au Moniteur ;
que si, au contraire, elles n'ont trait qu'à
des intérêts spéciaux ou de localité, une pu
blicité restreinte à ces localités mêmes est
suffisante , et il est parfaitement inutile
qu'une loi en ordonne la publication au Mo
niteur. ■
• Relativementù la seconde par tie de la pro
position qui a pour but d'interdire aux fonc
tionnaires qui reçoivent des dépêches -desti
nées à être -rendues publiques, de les faire
suivre d'aucun commentaire, M. Saùtayra
nîindique pas de pénalité à-côté de cette dé
fense ; de telle sorte qu'en cas de violationde
la loi qu'il propose, la responsabilité môrale
du fonctionnaire se trouverait seule engagée-.
Or, c'est ce qui existe aujourd'hui, et la coic-
FEU1LLÈT0N DU CONSTITUTIONNEL, 17 JUIN.
REVUE MUSICALE.
OPÉRA-COMIQUE.
Raymond, 'ou le Secret de ta reine, crpéra-comique
en trois actes ; paroles de MM. de Leuven et Ros-
siei- ; musique de M. Afntfroise T'hotna^. '
- J.'arrive le dernier, cette fois, contre toutes
mes habitudes, pour parler d'un.ouvrage
Vloàt la .presse entière à constaté l'immense
succès. C'est une bonne fortune Inespérée,
un bonheur, sur lequel jene comptais pas,.je
l'avoué, que de rencontrer *sous ma .plume,
le jour même de ma rentrée, et dans une sai
son peu fertile ,en chefs-d'œuvre, 4ine si cliar-
mante- pièce et une si" délicieusè musique.
L 'été n'est voiié^ d'erdinaire, qu'à la médio
crité honnête ou à la jeunesse inéxpérimen-
tée. Il n'est pas uh autèùrde quelque renom
qui cotisent» à se laisser.jouer au mois de
i juin. Les directeurs en ont pris léur parti;
ils savent .que la saison des moissons n'est
point la saison des-recettes, et ils sont pres
que tentés de supprimerl'affiché pendant ces
mois désastreux, et df ^adresser gue,des in
vitations particulières a quelques amis inti
mes qui se dévouent pour ne point laisser
accréditer cette opinion, que lè vide existe
dans la nature. ; '
Or, voici la vérité : l'été on ne va pas au
théâtre, d'abord parce qu'il fait chaud, mais
surtout parte qu'oii n'y donne qùe de maù-
- vaises pièces, avec des guenilles-pour costu
mes ét des comparses pour artistes. C'est le
contraire"'5ui devrait .toujours avoir lieu; il
faudrait, dans ces moment difficiles, par up
doublement d'efforts, d'énergie et dé zèle,
exciter la curiosité du public et. lui faire ou
blier la-chaleur. C'est le problème bien sim
ple que s'est posé M. .Perrih, et qu'il vient de
résoudre victorieusement. Il a prié deux-
hommes d'esprit, qui n'en sont plus à comp
ter leurs succès, ae lui tenir prêt, po.ur cette
redoutable époque, ùn drame bien fait, bien
coupé, rempli d'intérêt,d'émotion et de cliar-
mejil s'est adressé à M .Ambroise Thomas, le
iiouvçaù membre dei'jnstitut,rauteurdu Caïd
et du Songe, le compositeur aimé des savans;
ajiméde la foule, et lorsqu'il a vu que poème et
musique répondaient, etau delà, à'toutesses
espérances, il. n'a rien négligé; L'heureux et
habile directeur, pour que l'exécution fût
digne de l'ouvrage; il a donné l'élite de sa
troupe, il à prodigué les splendeurs d'une
mise en scène à défier la canicule. Je ne
m'étonne plus de cette ovation bruyante,
unafiime, enthousiaste, que le public du
premier soir" a décernée aux artistes et
aux auteurs, de ce. concert d'éloges qui
s'est élevé dans tous les journaux, de cette
affluence insolite qui. assiège les portes du
théâtre, à un moment de l'année où l'on
est forcé en quelque sorte de .prendre; les
passans au collet. Lorsque je lisais naguère,
a Londres, le récit de ces triomphes, j'ai cru
qu r il y avait quelque exagération, mainte^
nant què j'ai vu la pièce, je trouve qu'on est
resté bien àu-dessous de la vérité.
Le rideau se lève sur un tableau cliampétré
de .l'effet le plus calme et le plus riant. De
beaux arbres-verts qui réjouissent l'œil et
reposent l'esprit; une grosse toile crevée par
endroits, et accrochée aux branches en guise
de tente; un cabaret de village à la rustique
enseigne, aux piliers de brique autour des
quels s'enroule et serpente uu double feston
ae vigne et dé liouhfon ; au loin lfi ferme
avec son enclos fleuri, son toit couvert de
mousse, et sa façade blanche, inondée de
soleil; voilà le paysage^ Peu à peu la scène
se remplit de fermiers, de villageoises, de
marchands, d'arbalétriers, d'une foule im
mense animée et joyeuse qui ne demande
qu'à rire, à danser, a jouer , et à boire dans
toute l'innocence de l'ame et la simplicité de
l'esprit ; sancta simplicitas! Ces" braves gens
ne songent pas encore à se partager la terre
du .voisin, et n'échangent pas des coups de
poing prématurés pour se disputer les lots
qui pourraient bien leur échoir- . '
On n'y entend pas malice; on remue des
cartes, on trinque, ou chante ; on célèbre, en
même temps, la fête de saint Hubert, patron
du village, et les fiançailles de Raymond
et de Stella, deux enfans, deux orphelins que
tout le monde chérit, que tous les cœurs ont
adoptés. Stella, la plus jolie, la plus sage, la
plus tendrement aimée" de toutes les filles;
Raymond le plus adroit, le plus fier, le plus
brave dé tous les jeunes fermiers; vit-on ja
mais un plus beau couple et né dirait-on pas
que tout leur sourit, que tout les comble,
que tout conspire à leur bonheur ! Stella,
n'a qu'à montrer le bout de son petit pied
pour tourner toutes les têtes ; Ravmond
n'a qu'à viser la cible pour remporter le prix
d'emblée; bien qu'à la vérité ce né soit pas*
de jeu que de prendre un baiser à sa fiancée
avant de toucher l'arbalète. Mais il ne faut
point se -hâter dé conclure, pai'ce que l'au
rore est belle,' que la journée se passera sans
nuages. Quel esteet- homme au regard dou
teux, au feutre.rabattu., à la démarche cau
teleuse et prudente ? •Depuis quand-les loups
se promènent-ils dans la bergerie? Cet h«nn-
me-sent l'espion d'une Ueue, quoiqu'il affec
té - dès airs de matamore et la rude franchise
du soldat. On l'appelle le chevalier de Rosar-
gues, eteeux qui sontau ~CQurantdasatr -iires
irtdes intrigues delacour,lesôupçounentlort
d'être - au service du cardinal Mazarin. Par
quel hasard ce personnage équivoque s'est-il
pris d'un goût si vif pour la vie des champs,
et pourquoi s'acharne-t-il à suivre Raymond
comme une ombre ? Heureusement" qu'un
ange tutélaire, une noble et charmante fem
me, la comtesse de Montbryan, veille de son
côté, sur le jeune fermier. Le chevalier a
beau maugréer de cette rencontre importune;
tous ses calculs sont déjoués par la comtesse,
tous ses desseins.sont percés à jour; elle -pa
rait avwir le don de deviner les pensées les
plus secrètes et les plus impénétrables. La
lutte s'engage alors entre le .-bon et le mau
vais génie;' et, soyez tranquille, ce n'estpas
ce .dernier qui l'emportera.
Cette comtesse de Montbryan est une maî
tresse femme' qui traîne à sa remorque une
espèce d'imbécile, baron de je ne sais plus
quoi, jaloux de profession et surintendant
des Menus. Dès qu'une coquette et un jaloux
sont aux prises, le théâtre et le monde pren
nent parti pour la coquette. Cependant le
malheureux baron ,n ; a pas tous lès torts.
Conçoit-on qu'une femme : de qualité, une
dame d'honneur d'Anne d'Autriche, s'amuse
à courir les champs comme une folle et à re
garder seus le nez tous les paysans qu'elle
_rencontre, surtout quand ils sont jeunes et
"bien faits! Le baron étouffe, et ne pouvant,
pour comble d'infortune, confier ses^chagrins
a personne,.il se décide à les noyer dans le vin.
Survient le chevalier de Rosargues qui se trou
ve aussi dans un accès d'humeur noire. Les
' deux courtisans se reconnaissent, Si saluent,
se font raison le verre à la main. Le baron, ravi
d'avoir trouvé un confident, entame, le cha
pitre de ses amours ; le chevalier qui, de son
côté, à le vin larmoyant et bavard, tombant
dans une ivresse léthargique, en dit plus long
qu'il ne voudrait. Raymond n'est point ce
qu'il paraît être ; un profond mystère plane
/ur sa naissance ; quant a lui, Rosargues, il
s'est vendu, corps-et ame, au Mazarin, et lui
a-promis de ne point qùitte'rle jeune homme,
^confié à sa garde, qu'il ne l'ait marié avec
Stella, la pauvre et obscure orpheline', et ré
duit^ -par-là, à l'impossibilité de jamais pa
raître à la cour. ' ^
Cependant la comtesse a tout en tendu. Dès
que le chevalier s'éloigne, elle ordonne au.
baroii d'écrire,' sous sa dictée, un faux mes
sage adressé'à Rosargues et d'aller le déposer
dans le creux d'un -arbre, dont il paraît que
le cardinal et son agent se servaient comme
d'une boîte aux lettres pour échanger leur
mystérieuse correspondance. Le faux billet
mandait à Rosargues d'empêcher le mariage,
a tout prix. Le chevalier, serré de près, et
peu scrupuleux, d'ailleurs, sur le choix des
moyens, ne trouve rie'n de mieux que de
brûler la ferme de Raymond". -C'est aux rou
ges lueurs de l'incendie que le drame se des
sine, etqu'àu fond de ce village-heureux et
paisible, apparaît la sombre et sinistre figure
au masque de fer.
Au second-acte nous sommes à Fontaina-
bleau ; il y a spectacle à la cour, et je ne crois,
pas qu'on ait jamais déployé dans cette royale
demeure plus de richesse etdemagnificences :
un décor d'une perspective admirable , *des
costumes d'une fraîcheur exquise et d'un
goût charmant, une délicieuse entrée de
ballet ; de la soie, du satin, de la moire à pro
fusion; des broderies d'or et d'argent, des
flots de rubans et de fleurs, tel est ce ravis
sant .tableau qui ferait à lui seul le succès
d'un.ouvrage. Raymond, protégé par Mme
de Montbryan, s'est enrôle dansun régiment
des gardes et a gagné vaillamment, ses épe
rons. Mais ni le danger, ni la gloire n'ont pu
lui -laire oublier sa fiancée. Jugez de son
émotion, de sa joie,lorsqu'il la rencontre à
-la cour, sous le déguisement d'une bergère,
car le jaloux sur-intendant, pour se ven
ger de la comtesse, a choisi les plus-jo
lies paysannés, et leur a distribué des rôles
dans sa galante pastorale. Jetés dans les bras
l'un de l'autre, confondus dans une suprême
étreinte, Stella et Raymond s'écrient, comme .
tous les amoureuxque rien ne pourra les
séparer. Mais la comtesse de Montbrvan," s'a-
vançant .vers son jeune protégé, lui dit d'une
voix douce et triste: _
"— Raymond, ne vous flattez pas d'un vain
espoir; il faut renoncer à- cette union qui a
été le rêve de votre vie : au nom de votre
haute naissance qui vous impose des devoirs-
rigoureux, au nom de votre mère, Ray-, •
mondl... ' v •* ■
— De ma mère !-..'Où est-elle?
— Elle est'là dans ce paviflon qui vous
voit, qui vous entend...
" — Je pourrai donc la voir, ô mon Dieu !
— La voir, non ; mais vous pouvez l'em r .
brasser...* . •. . • •• •
Eperdu de bonheur ét de crainte, le jeune
homme s'élance dans le pavillon .et en sort,
S eu d'instans après, couvrant de baisers et
e larmes un mouchoir richement brodé'
qu'on a laissé tomber par mégarde. I
' ^ Mais vois donc, Raymond, vois donc,
dit la jeune fille avec un mouvement d'effroi "
indicible... aux coins de ce mouchoir sont
brodées lés armes de France... -
— Ma mère... c'est la rèine ! Je suis do iu
le frèré...' '
Il n'achève /pas le mot fatal. Rosargues,
qui n'a point qiaiité des yeux sa proie, se jette
sur le malheureux, Stiivi de quelques hom- ■
mes, le bâillonne et l'entraîne.
Le troisième acte est le plus émoùvant. La
politique de Mazarin, inexorable comme la
destinée, aprononcé son arrêt. Unmasqvie de
velours et d'acier dérobera, pour jamais, àtout
regard humain les traits du jumeau de
LouisXIV. La comtesse et Stella suivent lepri*
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 88.18%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 88.18%.
- Collections numériques similaires Université de Paris Université de Paris /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Université de Paris" or dc.contributor adj "Université de Paris")De la responsabilité des ordonnateurs des finances de l'État : thèse... / par C. de Selle de Beauchamp ; Faculté de droit de l'Université de Paris /ark:/12148/bpt6k3168546.highres Les Chemins de fer américains et la Grande Guerre / Thèse pour le doctorat... par Jean Dhavernas... ; Université de Paris. Faculté de droit /ark:/12148/bpt6k1913646m.highres
- Auteurs similaires Université de Paris Université de Paris /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Université de Paris" or dc.contributor adj "Université de Paris")De la responsabilité des ordonnateurs des finances de l'État : thèse... / par C. de Selle de Beauchamp ; Faculté de droit de l'Université de Paris /ark:/12148/bpt6k3168546.highres Les Chemins de fer américains et la Grande Guerre / Thèse pour le doctorat... par Jean Dhavernas... ; Université de Paris. Faculté de droit /ark:/12148/bpt6k1913646m.highres
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k669322h/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k669322h/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k669322h/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k669322h/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k669322h
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k669322h
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k669322h/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest