««4 TRI nu
« tous, dit un de ses biographes (M. Josseau),
« l'entratne une vocation décidée En effet,
il ne parait pas que les facultés qui devaient le
placer au premier rang du barreau se fussent
produites tout d'apord, et à quarante ans, sa
réputation était encore à faire. C'est que, chez
lui, les qualités solides, un droit bon sens, une
rare dialectique, qualités qui devaient le faire
ressortir entre tous, n'étaient cependant pas de
nature à vulgariser son talent, comme certaines
facultés brillantes qui souvent, dés les premiers
jours, mettent en relief des hommes doués d'une
trempe moins vigoureuse, niais aux dehors plus
séduisants. Le phvsique de Tripier lui était aussi
un obstacle « Petit de taille, ayant une voix
« aigre et sans élégance, il allait se trouver en
« lutte avec les héritiers des grands orateurs du
« parlement. Mais il avait pour lui la digne
simplicité des tribunaux i>sus de la révolution,
puis sa rare intelligence des affaires, enfin une
méthode puissante unie à un grand amour du
travail. Ainsi réussit-il enfin à percer la foule et
à habituer les juges à compter avec lui. Dés les
premières années du consulat, on le voit lutter
avec les célébrités du barreau, Bonnet, Dela-
malle et d'autres et. détail curieux, c'est à cette
heure déjà avancée de sa carrière, alors que le
succès va poindre, qu'il obtient, grâce à ia
prescription que lui accorde la loi de ventôse
an 12, le titre de licencié en droit. De ce mo-
ment aussi la parole de Tripier déjà en renom
marque sa place. Elle laisse les ornements pour
la sobriété, le luxe d'érudition trop souvent pa-
rasite des anciens jours pour le tissu étroitement
disposé du raisonnement. En effet le chef de
cette nouvelle école, de ce barreau moderne,
c'est Tripier « Cet homme au front large et
« développé, dont la tète dépasse à peine la
« barre des tribunaux voyez-le dressé pendant
des heures entières snr la pointe de ses pied:,
l'œil animé, semblant se cramponnt'r au juge,
« tenant son attention asserv ie par l'énergie de
« sa parole et par cette voix à laquelle il sait
« donner des vibrations métalliques. » Ainsi l'émo-
tion intérieure était parvenue à se retléter sur un
physique que la nature ne semblait pas d'abord
favoriser! Sous l'empire qui ne fut pas une ère
d'éclat pour le barreau, une affaire considérable,
l'accusation de faux qui pesait sur Reynier. vint
singulièrement mettre Pn relief le talent de Tri-
pier. Défenseur de la partie civile, il gagna sa
cause. Mais ce qui mérite d'être remarqué. la
question n'ayant rien perdu de son actualité,
c'est qu'il fit décider en principe que la sentence
des juges criminels n'enchalne pas la conscience
des juges civils. D'où la conclusion qu'ils sont
libres, dans la mesure de l'opinion qu'ils se
font d'une affaire, d'allouer ou de refuser les
dommages intérêts qui leur sont demandés.
D'autres affaires mirent le sceau à la réputation
désormais acquise du laborieux et judicieux avo-
cet. Il serait difficile de les énumérer toutes.
Parmi les plus considérables, nous rappellerons
la cause du comte de St-Leu ancien roi de Hol-
lande et frère de Napoléon, contre la reine Hor-
tense, Fanny de Beauharnais, à l'occasion de
l'éducation de l'atné de leurs enfants, le jeune
Napoléon-Louis. Le prince demandait à la justice
du pays de lui confier le soin d'élever cet enfant.
Tripier le représentait il s'éleva cette fois au-
dessus de lui-même, et l'on prétend qu'il n'eut
qu'à faire parler ses propres sentiments. Il le fit
d'une manière si entraînante qu'il l'emporta sur
un avocat bien renommé cependant, sur M* Bon-
net, si puissant en ces matières. Pendant les cent-
jours, l'éloquent avocat représenta pour la pre-
mière fois son pays à la chambre élective. Il
était difficile en ces temps d'orages politiques, et
renommé comme il l'était déjà, que Tripier n'eût
point à défendre quelque accusé, jeté par sa
volonté ou par le hasard dans les événements du
jour. Le prodigieux retour de Napoléon, au
20 mars, avait entrainé la condamnation de Ney
et de Labédoyère, présumés complices du com-
plot militaire qui aurait préparé cette journée
le directeur des postes, Lavette, en fut supposé
l'organisateur civil. Après la cour des pairs et
les commissions militaires ce fut la cour d'as-
sises qui fut chargée de prononcer sur son sort.
Plus courageux que son confrère Delacroix Frain-
ville, qu'il s'était adjoint et qui proposait un
'aulre confrère. Tripier n'hésita point, tant la
défense du malheur donne de courage <• Je n'ai
« besoin de personne, dit-il en présence de son
« client c'est mon devoir aucune considération
« ne me fera reculer. » Et il tint parole. S'il ne
réussit point à sauver Lavalette d'une condam-
nation, il ne négligea rien pour saper à sa base
toute l'accusation. On sait que ce fut à un dé-
vouement qui n'avait rien de commun avec les
formes judiciaires (roy. Lavalette; que l'ancien
directeur des postes dut son salut Toutefois, il a
lui même rendu hommage aux efforts et au rare
talent de son défenseur les termes mèmes dans
lesquels il s'exprime font as>ez connaître la ma-
nière de Tripier « Le premier de mes avocats,
« dit Lavalette, était un homme d'un esprit froid,
« juste et logique. Le meilleur moyen de se pré-
« parer à me défendre fut de m'attaquer sur
« tous les points. Qu'avais-je à faire à l'hôtel des
« postes? Pourquoi venir si matin? Pourquoi le
e courrier envoyé à Fontainebleau? Pourquoi
donner des ordres dans Ia journée? Pourquoi
« ce bulletin qui court la France entière par des
« courriers de la malle? Pourquoi arrêter les
journaux et surtout le Moniteur, qui contenait
la proclamation du roi ?. » C'était, si l'on
Tout, un moyen de rhétorique, une tactique se
constituer l'adversaire du client pour s'aPpuyer
ensuite sur ses réponses. Ces exemples suffisent
il serait superflu de suivre Tripier dans d'autres
affaire» partout la même logique rigoureuse,
« tous, dit un de ses biographes (M. Josseau),
« l'entratne une vocation décidée En effet,
il ne parait pas que les facultés qui devaient le
placer au premier rang du barreau se fussent
produites tout d'apord, et à quarante ans, sa
réputation était encore à faire. C'est que, chez
lui, les qualités solides, un droit bon sens, une
rare dialectique, qualités qui devaient le faire
ressortir entre tous, n'étaient cependant pas de
nature à vulgariser son talent, comme certaines
facultés brillantes qui souvent, dés les premiers
jours, mettent en relief des hommes doués d'une
trempe moins vigoureuse, niais aux dehors plus
séduisants. Le phvsique de Tripier lui était aussi
un obstacle « Petit de taille, ayant une voix
« aigre et sans élégance, il allait se trouver en
« lutte avec les héritiers des grands orateurs du
« parlement. Mais il avait pour lui la digne
simplicité des tribunaux i>sus de la révolution,
puis sa rare intelligence des affaires, enfin une
méthode puissante unie à un grand amour du
travail. Ainsi réussit-il enfin à percer la foule et
à habituer les juges à compter avec lui. Dés les
premières années du consulat, on le voit lutter
avec les célébrités du barreau, Bonnet, Dela-
malle et d'autres et. détail curieux, c'est à cette
heure déjà avancée de sa carrière, alors que le
succès va poindre, qu'il obtient, grâce à ia
prescription que lui accorde la loi de ventôse
an 12, le titre de licencié en droit. De ce mo-
ment aussi la parole de Tripier déjà en renom
marque sa place. Elle laisse les ornements pour
la sobriété, le luxe d'érudition trop souvent pa-
rasite des anciens jours pour le tissu étroitement
disposé du raisonnement. En effet le chef de
cette nouvelle école, de ce barreau moderne,
c'est Tripier « Cet homme au front large et
« développé, dont la tète dépasse à peine la
« barre des tribunaux voyez-le dressé pendant
des heures entières snr la pointe de ses pied:,
l'œil animé, semblant se cramponnt'r au juge,
« tenant son attention asserv ie par l'énergie de
« sa parole et par cette voix à laquelle il sait
« donner des vibrations métalliques. » Ainsi l'émo-
tion intérieure était parvenue à se retléter sur un
physique que la nature ne semblait pas d'abord
favoriser! Sous l'empire qui ne fut pas une ère
d'éclat pour le barreau, une affaire considérable,
l'accusation de faux qui pesait sur Reynier. vint
singulièrement mettre Pn relief le talent de Tri-
pier. Défenseur de la partie civile, il gagna sa
cause. Mais ce qui mérite d'être remarqué. la
question n'ayant rien perdu de son actualité,
c'est qu'il fit décider en principe que la sentence
des juges criminels n'enchalne pas la conscience
des juges civils. D'où la conclusion qu'ils sont
libres, dans la mesure de l'opinion qu'ils se
font d'une affaire, d'allouer ou de refuser les
dommages intérêts qui leur sont demandés.
D'autres affaires mirent le sceau à la réputation
désormais acquise du laborieux et judicieux avo-
cet. Il serait difficile de les énumérer toutes.
Parmi les plus considérables, nous rappellerons
la cause du comte de St-Leu ancien roi de Hol-
lande et frère de Napoléon, contre la reine Hor-
tense, Fanny de Beauharnais, à l'occasion de
l'éducation de l'atné de leurs enfants, le jeune
Napoléon-Louis. Le prince demandait à la justice
du pays de lui confier le soin d'élever cet enfant.
Tripier le représentait il s'éleva cette fois au-
dessus de lui-même, et l'on prétend qu'il n'eut
qu'à faire parler ses propres sentiments. Il le fit
d'une manière si entraînante qu'il l'emporta sur
un avocat bien renommé cependant, sur M* Bon-
net, si puissant en ces matières. Pendant les cent-
jours, l'éloquent avocat représenta pour la pre-
mière fois son pays à la chambre élective. Il
était difficile en ces temps d'orages politiques, et
renommé comme il l'était déjà, que Tripier n'eût
point à défendre quelque accusé, jeté par sa
volonté ou par le hasard dans les événements du
jour. Le prodigieux retour de Napoléon, au
20 mars, avait entrainé la condamnation de Ney
et de Labédoyère, présumés complices du com-
plot militaire qui aurait préparé cette journée
le directeur des postes, Lavette, en fut supposé
l'organisateur civil. Après la cour des pairs et
les commissions militaires ce fut la cour d'as-
sises qui fut chargée de prononcer sur son sort.
Plus courageux que son confrère Delacroix Frain-
ville, qu'il s'était adjoint et qui proposait un
'aulre confrère. Tripier n'hésita point, tant la
défense du malheur donne de courage <• Je n'ai
« besoin de personne, dit-il en présence de son
« client c'est mon devoir aucune considération
« ne me fera reculer. » Et il tint parole. S'il ne
réussit point à sauver Lavalette d'une condam-
nation, il ne négligea rien pour saper à sa base
toute l'accusation. On sait que ce fut à un dé-
vouement qui n'avait rien de commun avec les
formes judiciaires (roy. Lavalette; que l'ancien
directeur des postes dut son salut Toutefois, il a
lui même rendu hommage aux efforts et au rare
talent de son défenseur les termes mèmes dans
lesquels il s'exprime font as>ez connaître la ma-
nière de Tripier « Le premier de mes avocats,
« dit Lavalette, était un homme d'un esprit froid,
« juste et logique. Le meilleur moyen de se pré-
« parer à me défendre fut de m'attaquer sur
« tous les points. Qu'avais-je à faire à l'hôtel des
« postes? Pourquoi venir si matin? Pourquoi le
e courrier envoyé à Fontainebleau? Pourquoi
donner des ordres dans Ia journée? Pourquoi
« ce bulletin qui court la France entière par des
« courriers de la malle? Pourquoi arrêter les
journaux et surtout le Moniteur, qui contenait
la proclamation du roi ?. » C'était, si l'on
Tout, un moyen de rhétorique, une tactique se
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