son talent et à sa piété filiale. La mar-
quise avait été l'une des plus belles fem-
mes de son temps. Mariée à un général
de cavalerie, elle était très à la mode
sous le règne de Louis-Philippe et don-
nait le ton par son élégance, comme par
son esprit. Restée fidèle à ses souvenirs
de jeunesse, elle conserva, sous le se-
cond Empire, une grande affection pour
la famille d'Orléans.
On sait le courage et le sang-froid dont
elle fit preuve dans les derniers jours de
la Commune, quand, au milieu desincen-
dies, les émeutiers envahirent son hôtel
du quai Malaquais, auquel ils voulaient
mettre le feu. Héroïque comme son père,
elle les reçut, en grande toilette, avec un
calme imperturbable, et la noble fermeté
de son attitude leur inspira un tel respect
qu'ils se retirèrent sans avoir causéaucun
dégât dans cet hôtel, ancienne résidence
du cardinal de Mazarin. La marquise y
avait un salon qui peut être considéré
comme le dernier salon littéraire de notre
époque. Ce fut longtemps comme une
succursale de l'Institut, situé tout à côté.
L'élément artistique y fut très développé |
depuis quelques années. Liszt y joua peu
de temps avant de mourir.
On y entendit la vicomtesse Vigier, née
Sophie Cruvelli ; Gustave Nadaud y chan-
tait ses chansons; Mounet-Sully y réci-
tait ses vers. La marquise de Blocqueville
avait au plus haut degré l'art de recevoir.
Ses réceptions du soir, le lundi et du jour,
le mardi, étaient justement célèbres. La
marquise, qui avait autant de bonté et de
bienveillance que d'érudition et d'esprit,
en faisait les honneurs avec un charme
et une autorité exceptionnels.
La clef de son beau livre La Villa des
Jasmins, va être enfin livrée au public,
et ce sera une des grandes curiosités
mondaines.
Je vais dès aujourd'hui satisfaire ma
charmante correspondante inconnue. J'ai
étudié la question étoffes et soieries et
je suis en mesure de satisfaire les curio-
sités.
C'est à Lyon qu'il faut demander les
robes de toutes sortes. Au centre de la
fabrique, vous êtes certaine de devancer
la mode d'une année sur les magasins.
De là, économie de toilettes et élégances
très recherchées.
Une seule et importante maison,
(f E. L.Poy », a eu l'idée géniale de mono-
poliser les tissus en tous genres et de
toutes provenances pour robes et confec-
tions, ainsi que l'importation directe du
Japon, de Chine, des Indes, de Suisse,
d'Ecosse, d'Irlande et d'Angleterre^
Commencons notre visite au milieu des
lainages, des soieries unies et de cou-
leurs, des velours et des peluches dont le
genre, les nuances sont incalculables.
Je laisse de côté les étoffes classiques
pour ne m'occuper que des nouveautés.
En lainages de couleurs : J'Enigme,
serge fileiée, pure laine et soie à fond
noir, filets rose et nil ; filets saxe et vieux
rose.
La Bordighera, vigogne métangée sou-
ple et fine beige clair, gris clair, bleuté
très clair. L'Esterel, tennis anglais fileté
deux tons, fond crème, gros filets ma-
rine et bois, où petits filets. Le Club-
Train, cheviotte anglaise neigeuse dia-
gonale, en gris moyen, beige et bleu.
Le C zarowitch, velours russe multi-
colore fond sergé, fond beige foncé, fi-
lets écru, crevette, ciel, rouge et char-
treuse ; fond gris moyen, filets écru, ma-
rine et chartreuse. Le Macpherson, vé-
ritable tartan écossais. La Norvégienne,
molleton quadrillé moucheté.
La Sultane, ottoman grosse côte deux
tons barré, pointillé, noir pointillé mauve,
myrte pointillé rouge. L'Egyptienne, ot-
toman changeant pointillé, prune et or,
héliotrope et marine, etc., etc., etc.
Le velours, dans lequel on taille des
toilettes si délicieuses, sera la grande
vogue pour robes, garnitures, manches
et ceintures, manteaux, jaquettes et col-
let vénitien et Henri II.
Parmi les nombreux coloris : la Diane,
velours côtelé riche en bleu marine, gris
argent, nickel, poussière, souris, castor,
Joutre, héliotrope, lézard, myrte. Le
Krasiloff,; pékin mille raies ; le Kreme-
netz, velours changeant, mille raies ; le
Bellacoscia, velours noir changeant,
crevette et réséda, fougère et cyclamen,
héliotrope et bois, or et marine, grenade
et mousse ; vieux rose et mousse. La
Moskowa, pékin fond et velours noir, fi-
leté de couleur, filets or ou mauve. Le
Cosaque, velours chiné et changeant, fi-
leté couleur, poil noir et gris, fileté et
fond rose. Le Connétable, chiné gris fer,
filets sultan. Les velours unis et couleurs
et les velours miroirs.
Passons légèrement sur les taffetas
pour jupons et doublures de robes : le
Froufrou, le Rigoletto, le Boréal, tou-
tes les nuances de l'arc-en-ciel, depuis le
maïs jusqu'au pourpre, saphir et feu.
Les soieries couleurs fond noir sont très
bien portées. Au milieu de ces choix im-
menses, nous remarquons la Traviata,
pékiné riche, salin deux tons sur faille
noire, haute nouveauté ; filets rose et
mousse, héliotrope et palle; le Camée,
peaude soie noire, fileté rose, saxe, mauve;
l'Ondine, damas noir, fine guirlande con-
tournant un filet couleur en rouge, prune,
vieux rose, saxe, mauve ; le Bleuet, bro-
ché couleur deux tons; le Flora et le
Violetta, semés de fleurettes et de touffes
de violettes ; le S émir amis, semé d'ara-
besques ; l'Orchis, grand dessin à feuil-
les changeantes ; le Franco Russe, semé
de conques changeantes ; le Czar, pékin
en deux tons ; extra-riche granité, dé-
gradé, couleur sur fond satin noir ; les
nuances fort b311es en vieux rose, hus-
sard, cardinal, émeraude, héliotrope et or.
Dans un trousseau bien compris, il
faut au moins quatre robes de soie : robe
noire, à fond noir, de couleur de ville, et
une très claire pour le soir. Le Carmen,
taffetas changeant fileté satin trois fons,
par exemple, fond noir et marron, filets
émeraude, bois et ciel ; le Cristal, en
toutes nuances; Y Eclipse, satin changeant
semé de pois brillants enclavés dans. une
boule mate. Fond bronze, boules car-
dinal ; Ylvanhoé, faille écossaise filetée
satin, fond prune et olive, filetée noir et
or, etc.; le Heartsease, damiers trois tons,
fond satin pékiné guirlande avec semi
de pénsées, fond marine, feuilles cresson,
fleurs-terra cotta. etc, Toutes les nuances
s'allient artistement.
L'Acanthe, également en damas de
trois tons, fond satin, grands ramages,
avec sertissure et pointillés; entre les ma-
riages des couleurs, choisissons le fond
beige, acanthe mordoré et chanvre, très
grand genre. Yilrkoutsk, damas russe, à
grand rinceau chiné sur fond satin ; le
damas la Rosée, semé de grandes plantes
à effet d'eau, dernier genre, à fond hus-
sard, plantes or et vieux rose.
Pour finir la nomenclature de ces
étoffes, choisies çà et là au milieu de mil-
liers d'échantillons, donnons queiques
descriptions de soieries couleurs de soir.
Une robe de bal sera ultra-élégante
en Espana pékinette, faille et satin en
nuances demi-teintes avec la rayure blan-
che; pour fille et jeune femme, le Cristal,
ottoman uni, chaîne soie, trame laine,
gros grains et fins alternésenrose, mauve,
nil, pail et ciel; le Rosita, damas Louis
XV, fond satin broché Pompadour très
riche avec fond mauve, broché mousse,
étrusque et abricot.
Nous n'avons donné aucun prix, vou-
lant laisser la surprise agréable à nos
lectrices en demandantle catalogue et les
échantillons à la maison E. L. Poy. Elles
jugeront par elles-mêmes, non seulement
de la nouveauté et de la mode à venir,
mais du confortable des étoffes de laine,
soie et velours, et de l'économie réelle
qu'elles auront à s'adresser désormais à
Lyon.
CAMÉE.
Le rapport de M. Touny, commissaire de
police chargé de l'enquête sur les faits délic-
tueux reprochés à M. Moreau, secrétaire gé-
néral du syndicat des Omnibus, a été exa-
miné par M. Flory, substitut qui en a ap-
prouvé les conclusions.
Des poursuites vont être exercées.
Les délégués français à la conférence mo-
nétaire qui doit se réunir à Bruxelles, sur la
proposition des Etat-Unis, sont : MM. Tirard,
* ancien président du conseil üt ancien ni ln b-
j tre des finances; Liron ÉL'Aii, ole?, conseille:'
d'Etat, et Foville, chef de bureau au millÍs.
I tère des finances.
La Commission du Budget
Dans la séance d'hier, la commission
de la Banque a désigné M. Antonin Du-
bost comme rapporteur en remplacement
de M. Burdeau.
La commission a décidé de demander à
la Chambre de mettre en tête de son ordre
du jour, pour la rentrée, la reprise du dé-
bat sur le privilège de la Banque, qui
avait été interrompu par les vacances.
Elle a ensuite adopté un amendement
de M. Mège tendant à permettre la dénon-
ciation en 1910 du contrat entre la Banque
et l'Etat qui, d'après le projet primitif, de-
vait durer sans interruption jusqu'en
1927.
Le ministre des finances, avant la clô-
ture .de la session, avait spontanément né-
gocié avec la Banque de France et s'était
mis d'accord avec elle pour rendre possi-
ble cette dénonciation vers le milieu de la
période du privilège.
— M. Jamais, sous-secrétaire d'Etat,
a été entendu sur certains points réservés
du budget des colonies.
A la suite de ses explications la commis-
sion a relevé de 100,000à 200,000 francs le
crédit sur les missions coloniales et de
40,000 à 60,000 francs le crédit pour les
services télégraphiques.
— Vendredi, M. poiJlcaré, rapporteur
général, fera connaître les modifications
qu'il propose d'ajouter au plan primitif du
budget, qui a été quelque peu bouleversé,
en vue d'établir l'équilibre en tenant
compte des nouvelles conditions de la si-
tuation financière.
- M. Rouvier, ministre des finances,
sera entendu le lendemain samedi par la
commission et appelé à donner son avis
sur les propositions du rapporteur géné-
ral.
— Tel qu'il a été modifié par la commis-
sion de l'armée, le budget de la guerre
présente sur les propositions du ministre
une économie de 14 millions en chiffres
ronds ; cette économie est ramenée à 10
millions par suite de dépenses nouvelles.
Les dépenses extraordinaires présentent
à elles seules une réduction de 7,664,000
francs. Les principaux chiffres sont :
1,500,000 fr. pour constructions de tou-
relles cuirassées; 1,100,000 fr. pour les
magasins à poudre; 1,505,000 fr. pour les
armes portatives; 491,000 fr. pour l'arme-
ment des côtes ; 453,000 fr. pour l'exten-
sion de divers services administratifs;
300.000 fr. pour les travaux de la frontière
de l'Est; 300,000 fr. pour les équipages de
campagne; 400,000 fr. pour l'armement
des places; 300,000 fr. pour les équipages
de siège; 200,000 fr. pour le fort de Ma-
nonvillers, etc.
Dans les dépenses ordinaires, on a pu
réduire les crédits de 2,882,567 francs, ré-
partis sur divers chapitres. Les plus im-
portantes réductions proviennent du rejet
de la nouvelle augmentation de la solde
d'ancienneté des capitaines (735,170 fr.) et
de l'augmentation pour les sous-officiers
rengagés (600,000 fr.), 1,418,000 francs
sont donnés par la réduction au titre des
journées de présence des hommes de
troupe.
LES FORCES FRANÇAISES
Depuis 1871, le chiffre de nos dépenses mi-
litaires — non compris la marine — s'est
élevé à dix-huit milliards. Si l'on défalque
de ce chiffre les dépenses des pensions et des
chemins de fer stratégiques, il reste pour les
dépenses militaires proprement dites un
total de 15 milliards 368 millions, tant au
budget ordinaire qu'au budget extraordi-
naire.
Sur cette somme, 2 milliards 891 millions
ont été consacrés à la reconstitution de notre
matériel militaire ; 1'1 milliards 774-millions
à l'entretien et à la préparation de nos ar-
mées.
Pour le matériel, les sommes dépensées se
répartissent ainsi :
Artillerie Fr. 1.565.149.660
Génie .... 78'1. 560.53.
Subsistances.... 81.388.730
Habillement..... 242.594.022
Service de santé. 22.991.583
Remontes , 27.847.594
Chemins de fer.. 35.671.605
Les dépenses pour l'entretien des troupes
qui, ainsi qu'on vient de le voir, ont atteint
11 milliards 744 millions, oscillent autour de |
580 millions par an. Sans doute, elles ne sont j
représentées par aucun capital en matériel, |
comme les précédentes ; mais elles ont permis
d augmenter dans u oiiormos proporiiou?. bos
forces défensives, nos circc'iK, la valeur de
notre année.
Le nombre des unités de combat a été éga-
lement augmenté d'une manière considéra-
ble.
Les effectifs en hommes de troupe se ré-
partissent ainsi :
Infanterie. — 173 régiments, 30 bataillons
de chasseurs, 5 régiments d'Afrique, soit au
total 283,715 hommes.
Cavalerie. — 89 régiments, soit un total de
67,363 hommes.
Artillerie. — 38 régiments, 16 bataillons de
forteresse et 28 batteries de montagne, repré-
sentant en tout 580 batteries, soit 69,371 hom-
mes.
Génie.— g régiments; soit, 10,815 hom-
mes.
Train. — 20 escadrons ; soit, 10,383 hom-
mes.
Ecoles militaires, troupes d'administration,
justice militaire, etc., 24,876 hommes.
Gendarmerie. — 24,876 hommes.
r De plus, l'effectif en hommes- de nos uni-
tés est, au moment de la mobilisation, dou-
blé en quelques jours par l'appel de réser-
vistes instruits, susceptibles de reprendre
presque sans transition les habitudes mili-
taires.
A ces troupes de première ligne, il faut
ajouter les troupes de deuxième ligne cons-
tituées par l'armée territoriale, possédant des
cadres exercés avec des hommes connaissant
le métier militaire et susceptibles d'être rapi-
dement mis en ligne.
C'est un total général pour les formations
de l'armée active et de l'armée territoriale
d'environ :
1,650 bataillons d'infanterie;
600 escadrons de cavalerie ;
750 batteries d'artillerie représentant avec
les dépôts, une force de plus de deux mil-
lions d'hommes.
Dans cette énumération, il n'est pas tenu
compte de la réserve de l'armée territoriale
comprenant 6 classes, soit 850,000 hommes,
et qui n'est pas encore complètement organi-
sée. Elle constitue une réserve puissante.
XAVIER MARMIER
M. de Pongerville dormait depuis long-
temps en un fauteuil de l'Académie,quand
M. Xavier Marmier vint s'y poser douce-
ment.
Il dut s'asseoir avec mille précautions
et un peu sur le bord.
Le petit cri d'un ressort gémissant sous
son poids l'aurait troublé profondément,
car il avait horreur du bruit.
Il est parti de ce monde, sur la pointe
des pieds, avec un salut de bonne compa-
gnie, étant de cette génération de vieux
bourgeois de lettres qui gardèrent sur
leurs cheveux blancs un peu de la poudre
du dernier siècle. Je devine qu'on suivra
peu ses obsèques. Il eut pourtant son
heure de notoriété littéraire, il y a long-
temps. Mais il ne fut jamais un person-
nage du Paris qui a son nom dans les
journaux, qui figure aux premières repré-
sentations et dans tous les endroits où s'a-
gite fébrilement la vie parisienne. Il s'ap-
pliquait à être un honnête homme, dans
le sens qu'on donnait jadis à ce mot, et il
n'eut même pas le chagrin de se sentir en-
veloppé par l'oubli, puisqu'il n'aima rien
moins que la fausse gloire qui fait se re-
tourner les passants à la rencontre d'un
visage connu. A côté de lui, la vie passa.
Il laissait grimper aux murs de Paris les
célébrités d'une littérature plus moderne
en une farandole polychrome de bons-
hommes et de petites femmes peints par
Chéret. M. Xavier Marmier s'était retiré de
notre existence pressée, suivant le chemin
battu des talents académiques et plus dé-
sireux d'acquérir pour soi que de jeter
aux foules les découvertes d'une produc-
tion hâtive.
C'était un érudit, tout simplement, et le
type en devient très rare.
Il vivait, depuis trente ans, rue Saint-
Thomas-d'Aquin, dans une vieille maison
capitonnée de souvenirs anciens.
Et il est mort d'un coup de pioche donné
dans ce bric-à-brac de choses aimées
qui le rattachaient au passé.
Je ne sais si l'on a raconté, déjà, le petit
incident qui a précipité vers la fin la vie
de M. Xavier Marmier.
Il est curieux à considérer, en ce sens
qu'il montre un lien intime et mystérieux
entre les choses et les esprits de Paris.
M. Xavier Marmier dut quitter, il y a
deux ans, l'ancienne demeure où il avait
contracté ses chères habitudes. La maison
aux murs décrépits et aux ferronneries
Louis XV, avec ses balustres en rotonde,
faisait tache sur le boulevard Saint-Germain
bâti à neuf. Il fallut déguerpir.
Et c'est ce déménagement qui lui fit dé-
gringoler le grand escalier.
I oui' nous autres, qui vivons campés en
bohémiens dans le monde moderne, cette
douleur est presque inexplicaMe. Nous ne
comprenons _ guère cette tendresse pour
les choses, ni la douleur d'un pareil arra-
chement. La vie nous pousse dans la cohue
et nous allons, un jour ici, un jour là,
dans de grands étonnements, assez blasés
sur tout ce que nous pourrioas voir de
nouveau et n'ayant plus des anciennetés
qu un souvenir très vague. Mais, cela,
c'est l'inévitable conséquence du méca-
nisme de l'existence parisienne, machine
à penser et à écrire assez semblable à la
machine à saucissonner des Américains.
Nous menons à la vapeur le train que nos
devanciers roulaient tout doucement en
carriole: et, d'un quartier à l'autre bout de
Paris, de Plaisance aux Batignolles, les
hommes se ressemblant tous, il nous im-
porte peu d'être aujourd'hui à Montmartre
et demain à Yokohama. Ce va-et-vient
nous a donné je ne sais quel air yan-
kee qui étonne les contemporains de
M: Xavier Marmier, demeurés fidèles à
la tradition et aux vieilles manières
françaises. C'est la fièvre continuelle, le
tohu-bohu des gares et la poussée des
buffets de chemins de fer. De même qu'il
n y a plus guère de salons où l'on cause,
il n 'y a plus de tables où l'on dine comme
on dînait autrefois, avec solennité et avec
grâce. Aussi, dans ce grand mouvement
qui emporte tout, est-ce une curiosité
inouïe de découvrir en une rue de Paris,
un vieux monsieur classique encore atta-
ché à ses bibelots, à ses livres, aux vieilles
tapisseries de ses meubles et aux flam-
beaux Henri II de sa cheminée.
Cela donne à songer au cousin Pons. Et
cela rappelle aussi le mot de Gautier à qui
l on apprenait la fin d'un académicien :
— Tiens ! s'écria -t-il, il est encore
mort ?
Le mot a été réimprimé, un peu mécham-
ment, pour l'auteur des Légendes des bords
du Rhin. Il existait, pourtant, et dans l'un
des quartiers les plus élégants de Paris,
puisque la mort est venue l'y chercher en
voiture de déménagement.
Cette affection qui reliait M. Xavier Mar-
mier aux êtres du logis est un sentiment
plus répandu toutefois, que nous ne le
pourrions croire.
Voyez les vieilles gens ! Comme ils ai-
ment les choses qui les ont vus vieillir, les
vieilles rues, les vieilles coutumes, les
vieux mots, les vêtements à la vieille
mode et les romances démodées 1
Et nous-mêmes, sommes-nous si loin
d'aimer ce qui nous entoure et qui vit avec
nous ?
Les choses exercent une influence sur
la pensée, car le milieu, quoi qu'on dise,
est suggestif plus qu'on ne l'imagine. Seu-
lement, ce milieu n'est pas stable pour
nous comme il l'était auparavant, et les
poètes modernes, au lieu de s'entourer len-
tement. peu à peu, par les longues recher-
ches et les découvertes d'un chinage pa-
tient, d'objets rares et précieux, achètent
tout d'un coup chez un marchand le décor
complet de leur existence. Mais il leur faut
une mise en scène appropriée à leur -idéal.
L'écrivain qui se revêt d'andrinople et
qui modèle une écriture bizarre à l'ombre
d'un parasol chinois, n'est point toujours
le vaniteux et le baroque que vous pour-
riez croire. Il éprouve le besoin de parer
les réalités autour de lui, de n'arrêter son
regard que sur de jolies choses et il s'en-
toure d 'objets, de lignes et de couleurs qui
puissent l'exciter à écrire'selon son goût,
en trompant son imagination. Celte exei-,
tation cérébrale est la moitié de son talent.'
L'autre moitié, malheureusement, est sou-
vent fort restreinte! Mais ce serait une
curieuse étude à entreprendre que d'ob-
server l'action, sur l'idéal moderne,des faux
objets d'art, des chinoiseries à bon mar-
ché, des bibelots communs et de tout le
luxe de pacotille qui décorent les ateliers
d'écrivains et de peintres.
Ce sont partout, ou à peu près, les
mêmes armes suspendues au mur, les
mêmes draperies, le même décor.
M. Xavier Marmier, n'aimait rien tant
que les livres et tout son luxe tenait relié
dans la couverture d'un rare bouquin. Il
flirtait sur les quais, parmi les bouqui-
nistes. E l'on raconte même qu'en souve-
nir des heureux moments qu'il passa de-
vant ces étalages aux paperasseries jau-
nies, il a légué 1,000 francs « à ces braves
gens » en les priant de banqueter joyeuse-
ment à sa santé.
, La mort de cet académicien qui n'a pu
vivre dans un milieu nouveau, loin des
êtres qui avaient meublé son , eQce,
s explique par l'association lentpî le des
aux choses.
.Elle est mélancolique et
ainsi cette fin du vieil
dans le Paris mouvementé et hrm yanl Per^u
nous a bâti M. Haussmann. que
A peine se souvient-on, auioll j, hli
du titre des quelques livres qui lui Valu-
rent l entrée à l'Institut.
M. Xavier Marmier était d'un au''re
monde, bien avant d'avoir quitté 1P
Et.je comprends qu'il n'ait pu contirlunôtre
vivre, séparé de tous les objets qniTer à
ses camarades d'autrefois, ses Vieux. ent
et qu'il, se soit laissé prendre ave/"1'8'
Par la grande déménageuse qui tran^11*
les gens et les choses d'une vie dans e
tre, un peu éclopés et brisés.
LA DÉFENSE DE PARIS
Pour la revision du plan de la défens
de Pans, le préfet de la Seine vien?
dresser aux maires de toutes les cog-
nes du département, avec ampliation ^
son arrête, une lettre dont voici la COU,
clusion ;
II est superflu d'insister sur le con<.„
que les officiers du service géog-raphiq.ue
l aïmée, ainsi que les soldats qui collabosm111
à ce travail, doivent trouver auprès des J"
rucipalités, et je sais pouvoir compter sur
tre patriotisme pour assurer, en ce qui v2
concerne, la stricte exécution des instrucS
Contenues dans le susdit arrêté. ^
A la suite de cette lettre, l'arrêté préfec.
toral sera placardé sur les murs des lIlai.
ries.
L'article 1er est ainsi conçu •
MM. les officiers et les adjoints du génie
topographes du service de géographie, ?'•
que les_ soldats qui leur servent d'aides «0!!
autorisés à circuler librement sur le territS
de toutes les communes du département de
la Seine, à l'exception de Paris, à pénétrer
dans les propriétés particulières, closes m
non-closes, à pratiquer, au besoin, dans les
parcelles boisées, quelques coulées pour
mesure des distances, et enfin, à planter cles
piquets de tracé pour effectuer les études de
terrain prescrites par M. le ministre de
guerre.
Et voici l'article 2 :
Les indemnités qui pourraient êtrepour dommages causés par lesdites opéra.
tions seront réglées, soit à l'amiable, soit à
défaut d accord, conformément aux disposi.
tions des articles 56 et 57 de la loi du 16 sep.
tembre 1807.
Art. 3. - MM. les maires des communes
traversées sont Invités à prêter au besoin
leur concours et l'appui de leur autorité au
service géographique de l'armée.
A L'EXTÉRIEUR
Saint-Pétersbourg, 12 octobre. — Les con-
seils de guerre auront, ces jours-ci, à juger un
grand nombre de révolutionnaires prévenus
de participation dans les troubles suscités au
moment de l'epidémie cholérique.
Eondres, 12 octobre. — On mande de Rome
au Daily Cnronicle :
Une déclaration précédant le décret de dis-
solution fera connaître le programme du ca-
binet. Il n'y sera question d'aucuns nouveaux
impots et les économies seront faites par des
réductions sur les budgets des divers minis.
tères, à l'exception de la marine et de la
guerre.
Constant inople, 12 octobre. — Emir-Achçni-
fils d'Abd-el-Kader, dévoué à la France, qui
habite Damas, est malade.
Il a exprimé le désir de quitter la Tur-
quie.
Le croiseur cuirassé Forfait, allant en
Extrême-Orient, fera un assez long séjour à
Djeddah.
Vienne, 12 octobre. — L'empereur d'Alle-
magne accompagné du comte d'Abensperg-
Traun, grand veneur et chambellan de l'em-
pereur François-Joseph, a passé la matinée à
la chasse.
Il est rentré à midi à Schœnbrunn. Après
déjeuner, les deux empereurs ont visité le
musée historique. Demain ils chasseront à
Mannswœrth avec l'archiduc François-Ferdi-
nand d 'Este, et le prince de Reuss' ambassa-
deur d'Allemagne.
Berhn, 12 octobre. — Le régiment allemand
François a oflert hier un banquet aux offi-
ciers autrichiens qui ont pris part à la course
Berlin-Vienne. M. de Caprivi y assistait, et
voici son toast :
« Etant encore jeune lieutenant, j'ai figuré
dans la revue qui a eu liau lorsque l'empe-
reur François-Joseph vint à Berlin après
FEUILLETON DU 14 OCTOBRE 1892.
(6)
MON AMI LE
A EDMOND DE GONCOURT
V
Tel un gendarme entre deux prison-
niers, à dix jours de là, madame Tigret
montait l'escalier de M. Marin, accompa-
gnée de son mari et de mon ami Le. Ma.
dame Tigret venait dîner chez le frère de
l'aimable demoiselle qui montre la poé-
sie à raison de cent sous de l'heure.
Madame Tigret avait pardonné noble-
ment à son neveu ses escapades thermo-
métriques, qu'elle attribuait, — heureuse
ignorance 1 — à quelque mauvais motif
du genre féminin. Elle avait également
oublié la complicité honteuse de M. Ti-
gret dans cette affaire louche ; mais elle
les surveillait de près.
Mon ami Le, conseillé par ses amis
(nous avions trouvé le moyen d'étabir en-
tre lui et nous une corresponce sûre par
le canal du rédacteur en chef du Moni-
teur illustré des pensions de jeunes fil-
les), avait feint d'accepter comme le rêve
de toute sa vie l'espoir de se voir un jour
accorder la main de mademoiselle Anne.
Cette concession inattendue ayant dé-
sarmé complètement madame Tigret, elle
avait consenti à desserrer les triples liens
qui maintenaient son neveu captif. Le
ouvait sortir de sa chambre, mais dé-
fense expresse avait été faite au concier-
ge de lui laisser franchir le seuil de la rue.
Je n'invente rien, et mon ami Le est là
pour témoigner au besoin de la véracité de
mes assertions.
Donc, dix jours après la découverte fa-
tale faite par madame Tigret, M. Tigret
et son neveu montaient l'escalier de M.
Marin, sombres et mornes, et poussés
dans cette voie périlleuse par madame Ti-
gret, dont les copeaux d'ébène se mani-
festaient aux regards, inertes et affreux,
sous un chapeau de crêpe rose, qui avait
l'air d'un vieux bonbon.
Six heures sonnaient à toutes les pen-
dules de la rue Saint-Honoré.
Un instant encore, et l'infortuné Le al-
lait se trouver en face du golfe de Bothnie
lui-même. Mais, en cette seconde suprê-
me, et comme il frottait ses pieds sur le
paillasson de Marin avec une folle ardeur,
une idée lumineuse traversa son cerveau.
— Hé ! ma tante, dit-il, nous avons ou-
blié le plus important.
— Que voulez-vous dire, Monsieur?
— Q'uest-ce que tu as oublié Y fit M. Ti-
gret, prêt à seconder son neveu n'importe
comment, et qui aurait donné plusieurs
palettes de son sang pour l'aider à s'en-
fuir.
— Un bouquet, fit simplement mon
ami Le.
— Voilà la première fois que je vous
entends émettre une idée raisonnable, dit
madame Tigret. Il est de fait que le jour
d'une entrevue qui décidera peut-être de
tout, un bouquet ne ferait pas mal. Vous,
vous aussi, Tigret, vous m'apportiez des
1 bouquets naguèrel
—Oh ! naguère 1 Trente-deux printemps
ont glissé sur votre tête depuis le jour où,
du lilas blanc au poing, je commis... où
je fis ma première visite, ma chère.
— C'est possible, sifla sèchement Ma-
dame Tigret.
— Matante, reprit Le, je vais aller cher-
cher un bouquet. Le Palais-Royal est à
deux pas.
Madame Tigret eut un moment d'hési-
tation, qui parut durer un siècle à ses
deux compagnons. Mais comme cette
honnête dame était à cent lieues de se
douter qu'aux environs du Jardin des
Plantes résidait, fraîche et souriante, une
jeune personne du nom de Griette, elleac-
corda avec empressement à son neveu la
permission que celui-ci sollicitait d'un
air fort ennuyé, à ce qu'elle vit nons sans
satisfaction.
0, madame Tigret ! comment, en cette
minute décisive, n'avez-vous pas senti un
frisson mortel parcourir votre corps, de la
pointe de vos respectables orteils a l'extré-
mité de vos tire-bouchons, plus noirs que
l'onde du Phlégéton !
Hélas non seulement la tante de mon
ami Le ne sentit point un frisson mortel dé-
crire de nombreux et glacials zigzags
dans son sein, mais encore, presque char-
mante, elle dit à M, Tigret, lorsque Le les
eut quittés :
— Entrons, cher ami. Le nous rejoin-
dra. Cela fera presque une surprise, ses
fleurs aidant, tout à l'heure.
M. Tigret, docile comme la plume de fer
à laquelle un écolier, fort en physique,
présente le bout d'un aimant, s'empressa
d'emboîter le pas derrière sa chaste moi-
tié.
Et pendant que cette dernière répondait
par un salut hautain aux paroles polies
de la domestique qui était venue leur ou-
vrir au premier coup de sonnette, M. Ti-
gret tordant ses mains de joie, murmurait
avec un gloussement étrange dans la
gorge:
— Goutte d'eau ! brin d'herbe ! Bothnie !
Bon voyage ! Enfoncés ! enfoncés !
Le couple pénétra bientôt, annoncé par
la servante, dans le salon cetiula.ire de
M. Marin. Le mur principal était orné d'un
grand christ d'ivoire qui semblait essayer
de soulever le plafond avec ses mains,
comme pour se sauver à son tour de cette
demeure austère.
Mademoiselle Anne, qui cherchait vai-
nement dans le répertoire de ses coquet-
teries d'autrefois une rougeur encore
présentable, afin de l'exhiber en présence
de son futur fiancé, reçut avec de petits
cris de joie les invités de son frère.
— Eh bien ! et M. Le ?... 0 mon Dieu ! I
(et son regard interrogea le christ) serait-
il malade ? dit-elle, en mettant une main
longue sur son cœur.
— Mon neveu va revenir dans l'instant,
répondit majestueusement madame Ti-
gret. Tigret, droit ! droit !
— M'y voilà ! madame, m'y voilà ! s'é-
cria l'heureux M. Tigret, qui regrettait
cependant de ne pas être en ce moment
mollement assis au café des Arts, devant
les stores, et libre de s'allonger à son
aise.
Mais comme une douce perspective
s'ouvrait devant lui, comme il savourait
d'avance la surprise orageuse qu'allait
éprouver sa femme en voyant son neveu
se conduire comme le mâle chevalier de
Malbrouck, M. Tigret accepta placide-
ment les reproches que sa tenue affaissée
lui attirait.
Il daigna même serrer avec une iro-
nique effusion la main que M. Marin, sur-
venu sur ces entrefaites, lui tendit, onc-
tueuse et compatissante.
Cependant, l'absence de mon ami Le se
prolongeait outre mesure.
— Que diable peut-il faire, ce garçon ?
demanda enfin madame Tigret. Je vous
prie de l'excuser, mademoiselle. D'ailleurs,
je ne veux pas garder le silence plus
longtemps. Mon neveu est allé acheter un
bouquet au Palais-Royal.
— Oh ! quelle folio ! minauda made-
moiselle Anne, en caressant maternelle-
ment une boule du monde illustrée, qui
était placée à côté d'eile sur un guéridon.
— J'espère bien, insinua très grave-
ment M. Tigret, que Le n'est pas allé ra-
vir à la flore des Indes ses merveilles les
plus suaves.
— Tigret, pas de plaisanteries. Droit !
Entre nous, je crois que le brave mon-
sieur Tigret allongeait un peu la courroie.
Mon ami Le, certes, n'était pas parti pour
les Grandes-Indes ; mais cependant que
mademoiselle Anne et son frère, étonnés
et inquiets, se regardaient du coin de
l'œil, le timide amoureux se sauvait à
toutes jambes du côté du Muséum d'his-
toire naturelle.
Madame Tigret déclara, au bout d'une
heure, que son cœur ne pouvait contenir
plus longtemps une angoisse pareille, et
elle intima à M. Tigret l'ordre de la sui-
vre.
— Je vous le ramènerai, mes chers
amis, pieds et poings liés, s'écria-t-elle
en assénant à son chapeau rose un coup
violent qui lui donna plus que jamais
l'apparence d'un vieux bonbon à moitié
fondu.
Et, digne, madame Tigret se levait
déjà pour prendre congé de ses hôtes, en
dépit de leurs supplications, quand un
coup de sonnette, dont Je bruit parvint jus-
qu 'au salon où le Christ était prisonnier,
la fit se rasseoir en trsssaillant.
La bonne de mademoiselle Anne fit
bientôt son entrée, tenant une lettre sur
un plateau.
— Pour madame Tigret, fit-elle.
— Vous permettez, chère enfant ? de-
manda madame Tigret, qui s'empara de
la lettre avec le geste d'une goule quie8
sert une oreille humaine.
— Certes !
Madame Tigret ouvrit la missive,
tout haut ces quelques mots :
« Café des Arts —
« Ma chère tante, il y a incompatibilité
d'humeur entre le golfe de Bothnie et
moi. Je vous aime tendrement, mais je
ne puis me sacrifier sur l'autel de la gBo-
graphie, pour vous faire plaisir. Dans
trois jours je serai marié à une jeune
fille, sage, vertueuse et belle. J'ai qua-
rante ans. Je me dispense donc d'écouter
vos avis. Je vous demande bien pardon.
Je prie mon oncle de ne pas m'accuser
d'ingratitude non plus. Et je TOUS ein-
brasse de tout mon cœur.
« Votre neveu attristé,
c T. LE.
« P.-S. — Amitiés aux Marin. »
T — Miséricorde! gémit madame Tigrée
Et il disait qu'il allait acheter des fleurs 1
Oh! le serpent se cachait sous ces fleurs.
ERNEST D'HERVILLY.
(A Suivre^
quise avait été l'une des plus belles fem-
mes de son temps. Mariée à un général
de cavalerie, elle était très à la mode
sous le règne de Louis-Philippe et don-
nait le ton par son élégance, comme par
son esprit. Restée fidèle à ses souvenirs
de jeunesse, elle conserva, sous le se-
cond Empire, une grande affection pour
la famille d'Orléans.
On sait le courage et le sang-froid dont
elle fit preuve dans les derniers jours de
la Commune, quand, au milieu desincen-
dies, les émeutiers envahirent son hôtel
du quai Malaquais, auquel ils voulaient
mettre le feu. Héroïque comme son père,
elle les reçut, en grande toilette, avec un
calme imperturbable, et la noble fermeté
de son attitude leur inspira un tel respect
qu'ils se retirèrent sans avoir causéaucun
dégât dans cet hôtel, ancienne résidence
du cardinal de Mazarin. La marquise y
avait un salon qui peut être considéré
comme le dernier salon littéraire de notre
époque. Ce fut longtemps comme une
succursale de l'Institut, situé tout à côté.
L'élément artistique y fut très développé |
depuis quelques années. Liszt y joua peu
de temps avant de mourir.
On y entendit la vicomtesse Vigier, née
Sophie Cruvelli ; Gustave Nadaud y chan-
tait ses chansons; Mounet-Sully y réci-
tait ses vers. La marquise de Blocqueville
avait au plus haut degré l'art de recevoir.
Ses réceptions du soir, le lundi et du jour,
le mardi, étaient justement célèbres. La
marquise, qui avait autant de bonté et de
bienveillance que d'érudition et d'esprit,
en faisait les honneurs avec un charme
et une autorité exceptionnels.
La clef de son beau livre La Villa des
Jasmins, va être enfin livrée au public,
et ce sera une des grandes curiosités
mondaines.
Je vais dès aujourd'hui satisfaire ma
charmante correspondante inconnue. J'ai
étudié la question étoffes et soieries et
je suis en mesure de satisfaire les curio-
sités.
C'est à Lyon qu'il faut demander les
robes de toutes sortes. Au centre de la
fabrique, vous êtes certaine de devancer
la mode d'une année sur les magasins.
De là, économie de toilettes et élégances
très recherchées.
Une seule et importante maison,
(f E. L.Poy », a eu l'idée géniale de mono-
poliser les tissus en tous genres et de
toutes provenances pour robes et confec-
tions, ainsi que l'importation directe du
Japon, de Chine, des Indes, de Suisse,
d'Ecosse, d'Irlande et d'Angleterre^
Commencons notre visite au milieu des
lainages, des soieries unies et de cou-
leurs, des velours et des peluches dont le
genre, les nuances sont incalculables.
Je laisse de côté les étoffes classiques
pour ne m'occuper que des nouveautés.
En lainages de couleurs : J'Enigme,
serge fileiée, pure laine et soie à fond
noir, filets rose et nil ; filets saxe et vieux
rose.
La Bordighera, vigogne métangée sou-
ple et fine beige clair, gris clair, bleuté
très clair. L'Esterel, tennis anglais fileté
deux tons, fond crème, gros filets ma-
rine et bois, où petits filets. Le Club-
Train, cheviotte anglaise neigeuse dia-
gonale, en gris moyen, beige et bleu.
Le C zarowitch, velours russe multi-
colore fond sergé, fond beige foncé, fi-
lets écru, crevette, ciel, rouge et char-
treuse ; fond gris moyen, filets écru, ma-
rine et chartreuse. Le Macpherson, vé-
ritable tartan écossais. La Norvégienne,
molleton quadrillé moucheté.
La Sultane, ottoman grosse côte deux
tons barré, pointillé, noir pointillé mauve,
myrte pointillé rouge. L'Egyptienne, ot-
toman changeant pointillé, prune et or,
héliotrope et marine, etc., etc., etc.
Le velours, dans lequel on taille des
toilettes si délicieuses, sera la grande
vogue pour robes, garnitures, manches
et ceintures, manteaux, jaquettes et col-
let vénitien et Henri II.
Parmi les nombreux coloris : la Diane,
velours côtelé riche en bleu marine, gris
argent, nickel, poussière, souris, castor,
Joutre, héliotrope, lézard, myrte. Le
Krasiloff,; pékin mille raies ; le Kreme-
netz, velours changeant, mille raies ; le
Bellacoscia, velours noir changeant,
crevette et réséda, fougère et cyclamen,
héliotrope et bois, or et marine, grenade
et mousse ; vieux rose et mousse. La
Moskowa, pékin fond et velours noir, fi-
leté de couleur, filets or ou mauve. Le
Cosaque, velours chiné et changeant, fi-
leté couleur, poil noir et gris, fileté et
fond rose. Le Connétable, chiné gris fer,
filets sultan. Les velours unis et couleurs
et les velours miroirs.
Passons légèrement sur les taffetas
pour jupons et doublures de robes : le
Froufrou, le Rigoletto, le Boréal, tou-
tes les nuances de l'arc-en-ciel, depuis le
maïs jusqu'au pourpre, saphir et feu.
Les soieries couleurs fond noir sont très
bien portées. Au milieu de ces choix im-
menses, nous remarquons la Traviata,
pékiné riche, salin deux tons sur faille
noire, haute nouveauté ; filets rose et
mousse, héliotrope et palle; le Camée,
peaude soie noire, fileté rose, saxe, mauve;
l'Ondine, damas noir, fine guirlande con-
tournant un filet couleur en rouge, prune,
vieux rose, saxe, mauve ; le Bleuet, bro-
ché couleur deux tons; le Flora et le
Violetta, semés de fleurettes et de touffes
de violettes ; le S émir amis, semé d'ara-
besques ; l'Orchis, grand dessin à feuil-
les changeantes ; le Franco Russe, semé
de conques changeantes ; le Czar, pékin
en deux tons ; extra-riche granité, dé-
gradé, couleur sur fond satin noir ; les
nuances fort b311es en vieux rose, hus-
sard, cardinal, émeraude, héliotrope et or.
Dans un trousseau bien compris, il
faut au moins quatre robes de soie : robe
noire, à fond noir, de couleur de ville, et
une très claire pour le soir. Le Carmen,
taffetas changeant fileté satin trois fons,
par exemple, fond noir et marron, filets
émeraude, bois et ciel ; le Cristal, en
toutes nuances; Y Eclipse, satin changeant
semé de pois brillants enclavés dans. une
boule mate. Fond bronze, boules car-
dinal ; Ylvanhoé, faille écossaise filetée
satin, fond prune et olive, filetée noir et
or, etc.; le Heartsease, damiers trois tons,
fond satin pékiné guirlande avec semi
de pénsées, fond marine, feuilles cresson,
fleurs-terra cotta. etc, Toutes les nuances
s'allient artistement.
L'Acanthe, également en damas de
trois tons, fond satin, grands ramages,
avec sertissure et pointillés; entre les ma-
riages des couleurs, choisissons le fond
beige, acanthe mordoré et chanvre, très
grand genre. Yilrkoutsk, damas russe, à
grand rinceau chiné sur fond satin ; le
damas la Rosée, semé de grandes plantes
à effet d'eau, dernier genre, à fond hus-
sard, plantes or et vieux rose.
Pour finir la nomenclature de ces
étoffes, choisies çà et là au milieu de mil-
liers d'échantillons, donnons queiques
descriptions de soieries couleurs de soir.
Une robe de bal sera ultra-élégante
en Espana pékinette, faille et satin en
nuances demi-teintes avec la rayure blan-
che; pour fille et jeune femme, le Cristal,
ottoman uni, chaîne soie, trame laine,
gros grains et fins alternésenrose, mauve,
nil, pail et ciel; le Rosita, damas Louis
XV, fond satin broché Pompadour très
riche avec fond mauve, broché mousse,
étrusque et abricot.
Nous n'avons donné aucun prix, vou-
lant laisser la surprise agréable à nos
lectrices en demandantle catalogue et les
échantillons à la maison E. L. Poy. Elles
jugeront par elles-mêmes, non seulement
de la nouveauté et de la mode à venir,
mais du confortable des étoffes de laine,
soie et velours, et de l'économie réelle
qu'elles auront à s'adresser désormais à
Lyon.
CAMÉE.
Le rapport de M. Touny, commissaire de
police chargé de l'enquête sur les faits délic-
tueux reprochés à M. Moreau, secrétaire gé-
néral du syndicat des Omnibus, a été exa-
miné par M. Flory, substitut qui en a ap-
prouvé les conclusions.
Des poursuites vont être exercées.
Les délégués français à la conférence mo-
nétaire qui doit se réunir à Bruxelles, sur la
proposition des Etat-Unis, sont : MM. Tirard,
* ancien président du conseil üt ancien ni ln b-
j tre des finances; Liron ÉL'Aii, ole?, conseille:'
d'Etat, et Foville, chef de bureau au millÍs.
I tère des finances.
La Commission du Budget
Dans la séance d'hier, la commission
de la Banque a désigné M. Antonin Du-
bost comme rapporteur en remplacement
de M. Burdeau.
La commission a décidé de demander à
la Chambre de mettre en tête de son ordre
du jour, pour la rentrée, la reprise du dé-
bat sur le privilège de la Banque, qui
avait été interrompu par les vacances.
Elle a ensuite adopté un amendement
de M. Mège tendant à permettre la dénon-
ciation en 1910 du contrat entre la Banque
et l'Etat qui, d'après le projet primitif, de-
vait durer sans interruption jusqu'en
1927.
Le ministre des finances, avant la clô-
ture .de la session, avait spontanément né-
gocié avec la Banque de France et s'était
mis d'accord avec elle pour rendre possi-
ble cette dénonciation vers le milieu de la
période du privilège.
— M. Jamais, sous-secrétaire d'Etat,
a été entendu sur certains points réservés
du budget des colonies.
A la suite de ses explications la commis-
sion a relevé de 100,000à 200,000 francs le
crédit sur les missions coloniales et de
40,000 à 60,000 francs le crédit pour les
services télégraphiques.
— Vendredi, M. poiJlcaré, rapporteur
général, fera connaître les modifications
qu'il propose d'ajouter au plan primitif du
budget, qui a été quelque peu bouleversé,
en vue d'établir l'équilibre en tenant
compte des nouvelles conditions de la si-
tuation financière.
- M. Rouvier, ministre des finances,
sera entendu le lendemain samedi par la
commission et appelé à donner son avis
sur les propositions du rapporteur géné-
ral.
— Tel qu'il a été modifié par la commis-
sion de l'armée, le budget de la guerre
présente sur les propositions du ministre
une économie de 14 millions en chiffres
ronds ; cette économie est ramenée à 10
millions par suite de dépenses nouvelles.
Les dépenses extraordinaires présentent
à elles seules une réduction de 7,664,000
francs. Les principaux chiffres sont :
1,500,000 fr. pour constructions de tou-
relles cuirassées; 1,100,000 fr. pour les
magasins à poudre; 1,505,000 fr. pour les
armes portatives; 491,000 fr. pour l'arme-
ment des côtes ; 453,000 fr. pour l'exten-
sion de divers services administratifs;
300.000 fr. pour les travaux de la frontière
de l'Est; 300,000 fr. pour les équipages de
campagne; 400,000 fr. pour l'armement
des places; 300,000 fr. pour les équipages
de siège; 200,000 fr. pour le fort de Ma-
nonvillers, etc.
Dans les dépenses ordinaires, on a pu
réduire les crédits de 2,882,567 francs, ré-
partis sur divers chapitres. Les plus im-
portantes réductions proviennent du rejet
de la nouvelle augmentation de la solde
d'ancienneté des capitaines (735,170 fr.) et
de l'augmentation pour les sous-officiers
rengagés (600,000 fr.), 1,418,000 francs
sont donnés par la réduction au titre des
journées de présence des hommes de
troupe.
LES FORCES FRANÇAISES
Depuis 1871, le chiffre de nos dépenses mi-
litaires — non compris la marine — s'est
élevé à dix-huit milliards. Si l'on défalque
de ce chiffre les dépenses des pensions et des
chemins de fer stratégiques, il reste pour les
dépenses militaires proprement dites un
total de 15 milliards 368 millions, tant au
budget ordinaire qu'au budget extraordi-
naire.
Sur cette somme, 2 milliards 891 millions
ont été consacrés à la reconstitution de notre
matériel militaire ; 1'1 milliards 774-millions
à l'entretien et à la préparation de nos ar-
mées.
Pour le matériel, les sommes dépensées se
répartissent ainsi :
Artillerie Fr. 1.565.149.660
Génie .... 78'1. 560.53.
Subsistances.... 81.388.730
Habillement..... 242.594.022
Service de santé. 22.991.583
Remontes , 27.847.594
Chemins de fer.. 35.671.605
Les dépenses pour l'entretien des troupes
qui, ainsi qu'on vient de le voir, ont atteint
11 milliards 744 millions, oscillent autour de |
580 millions par an. Sans doute, elles ne sont j
représentées par aucun capital en matériel, |
comme les précédentes ; mais elles ont permis
d augmenter dans u oiiormos proporiiou?. bos
forces défensives, nos circc'iK, la valeur de
notre année.
Le nombre des unités de combat a été éga-
lement augmenté d'une manière considéra-
ble.
Les effectifs en hommes de troupe se ré-
partissent ainsi :
Infanterie. — 173 régiments, 30 bataillons
de chasseurs, 5 régiments d'Afrique, soit au
total 283,715 hommes.
Cavalerie. — 89 régiments, soit un total de
67,363 hommes.
Artillerie. — 38 régiments, 16 bataillons de
forteresse et 28 batteries de montagne, repré-
sentant en tout 580 batteries, soit 69,371 hom-
mes.
Génie.— g régiments; soit, 10,815 hom-
mes.
Train. — 20 escadrons ; soit, 10,383 hom-
mes.
Ecoles militaires, troupes d'administration,
justice militaire, etc., 24,876 hommes.
Gendarmerie. — 24,876 hommes.
r De plus, l'effectif en hommes- de nos uni-
tés est, au moment de la mobilisation, dou-
blé en quelques jours par l'appel de réser-
vistes instruits, susceptibles de reprendre
presque sans transition les habitudes mili-
taires.
A ces troupes de première ligne, il faut
ajouter les troupes de deuxième ligne cons-
tituées par l'armée territoriale, possédant des
cadres exercés avec des hommes connaissant
le métier militaire et susceptibles d'être rapi-
dement mis en ligne.
C'est un total général pour les formations
de l'armée active et de l'armée territoriale
d'environ :
1,650 bataillons d'infanterie;
600 escadrons de cavalerie ;
750 batteries d'artillerie représentant avec
les dépôts, une force de plus de deux mil-
lions d'hommes.
Dans cette énumération, il n'est pas tenu
compte de la réserve de l'armée territoriale
comprenant 6 classes, soit 850,000 hommes,
et qui n'est pas encore complètement organi-
sée. Elle constitue une réserve puissante.
XAVIER MARMIER
M. de Pongerville dormait depuis long-
temps en un fauteuil de l'Académie,quand
M. Xavier Marmier vint s'y poser douce-
ment.
Il dut s'asseoir avec mille précautions
et un peu sur le bord.
Le petit cri d'un ressort gémissant sous
son poids l'aurait troublé profondément,
car il avait horreur du bruit.
Il est parti de ce monde, sur la pointe
des pieds, avec un salut de bonne compa-
gnie, étant de cette génération de vieux
bourgeois de lettres qui gardèrent sur
leurs cheveux blancs un peu de la poudre
du dernier siècle. Je devine qu'on suivra
peu ses obsèques. Il eut pourtant son
heure de notoriété littéraire, il y a long-
temps. Mais il ne fut jamais un person-
nage du Paris qui a son nom dans les
journaux, qui figure aux premières repré-
sentations et dans tous les endroits où s'a-
gite fébrilement la vie parisienne. Il s'ap-
pliquait à être un honnête homme, dans
le sens qu'on donnait jadis à ce mot, et il
n'eut même pas le chagrin de se sentir en-
veloppé par l'oubli, puisqu'il n'aima rien
moins que la fausse gloire qui fait se re-
tourner les passants à la rencontre d'un
visage connu. A côté de lui, la vie passa.
Il laissait grimper aux murs de Paris les
célébrités d'une littérature plus moderne
en une farandole polychrome de bons-
hommes et de petites femmes peints par
Chéret. M. Xavier Marmier s'était retiré de
notre existence pressée, suivant le chemin
battu des talents académiques et plus dé-
sireux d'acquérir pour soi que de jeter
aux foules les découvertes d'une produc-
tion hâtive.
C'était un érudit, tout simplement, et le
type en devient très rare.
Il vivait, depuis trente ans, rue Saint-
Thomas-d'Aquin, dans une vieille maison
capitonnée de souvenirs anciens.
Et il est mort d'un coup de pioche donné
dans ce bric-à-brac de choses aimées
qui le rattachaient au passé.
Je ne sais si l'on a raconté, déjà, le petit
incident qui a précipité vers la fin la vie
de M. Xavier Marmier.
Il est curieux à considérer, en ce sens
qu'il montre un lien intime et mystérieux
entre les choses et les esprits de Paris.
M. Xavier Marmier dut quitter, il y a
deux ans, l'ancienne demeure où il avait
contracté ses chères habitudes. La maison
aux murs décrépits et aux ferronneries
Louis XV, avec ses balustres en rotonde,
faisait tache sur le boulevard Saint-Germain
bâti à neuf. Il fallut déguerpir.
Et c'est ce déménagement qui lui fit dé-
gringoler le grand escalier.
I oui' nous autres, qui vivons campés en
bohémiens dans le monde moderne, cette
douleur est presque inexplicaMe. Nous ne
comprenons _ guère cette tendresse pour
les choses, ni la douleur d'un pareil arra-
chement. La vie nous pousse dans la cohue
et nous allons, un jour ici, un jour là,
dans de grands étonnements, assez blasés
sur tout ce que nous pourrioas voir de
nouveau et n'ayant plus des anciennetés
qu un souvenir très vague. Mais, cela,
c'est l'inévitable conséquence du méca-
nisme de l'existence parisienne, machine
à penser et à écrire assez semblable à la
machine à saucissonner des Américains.
Nous menons à la vapeur le train que nos
devanciers roulaient tout doucement en
carriole: et, d'un quartier à l'autre bout de
Paris, de Plaisance aux Batignolles, les
hommes se ressemblant tous, il nous im-
porte peu d'être aujourd'hui à Montmartre
et demain à Yokohama. Ce va-et-vient
nous a donné je ne sais quel air yan-
kee qui étonne les contemporains de
M: Xavier Marmier, demeurés fidèles à
la tradition et aux vieilles manières
françaises. C'est la fièvre continuelle, le
tohu-bohu des gares et la poussée des
buffets de chemins de fer. De même qu'il
n y a plus guère de salons où l'on cause,
il n 'y a plus de tables où l'on dine comme
on dînait autrefois, avec solennité et avec
grâce. Aussi, dans ce grand mouvement
qui emporte tout, est-ce une curiosité
inouïe de découvrir en une rue de Paris,
un vieux monsieur classique encore atta-
ché à ses bibelots, à ses livres, aux vieilles
tapisseries de ses meubles et aux flam-
beaux Henri II de sa cheminée.
Cela donne à songer au cousin Pons. Et
cela rappelle aussi le mot de Gautier à qui
l on apprenait la fin d'un académicien :
— Tiens ! s'écria -t-il, il est encore
mort ?
Le mot a été réimprimé, un peu mécham-
ment, pour l'auteur des Légendes des bords
du Rhin. Il existait, pourtant, et dans l'un
des quartiers les plus élégants de Paris,
puisque la mort est venue l'y chercher en
voiture de déménagement.
Cette affection qui reliait M. Xavier Mar-
mier aux êtres du logis est un sentiment
plus répandu toutefois, que nous ne le
pourrions croire.
Voyez les vieilles gens ! Comme ils ai-
ment les choses qui les ont vus vieillir, les
vieilles rues, les vieilles coutumes, les
vieux mots, les vêtements à la vieille
mode et les romances démodées 1
Et nous-mêmes, sommes-nous si loin
d'aimer ce qui nous entoure et qui vit avec
nous ?
Les choses exercent une influence sur
la pensée, car le milieu, quoi qu'on dise,
est suggestif plus qu'on ne l'imagine. Seu-
lement, ce milieu n'est pas stable pour
nous comme il l'était auparavant, et les
poètes modernes, au lieu de s'entourer len-
tement. peu à peu, par les longues recher-
ches et les découvertes d'un chinage pa-
tient, d'objets rares et précieux, achètent
tout d'un coup chez un marchand le décor
complet de leur existence. Mais il leur faut
une mise en scène appropriée à leur -idéal.
L'écrivain qui se revêt d'andrinople et
qui modèle une écriture bizarre à l'ombre
d'un parasol chinois, n'est point toujours
le vaniteux et le baroque que vous pour-
riez croire. Il éprouve le besoin de parer
les réalités autour de lui, de n'arrêter son
regard que sur de jolies choses et il s'en-
toure d 'objets, de lignes et de couleurs qui
puissent l'exciter à écrire'selon son goût,
en trompant son imagination. Celte exei-,
tation cérébrale est la moitié de son talent.'
L'autre moitié, malheureusement, est sou-
vent fort restreinte! Mais ce serait une
curieuse étude à entreprendre que d'ob-
server l'action, sur l'idéal moderne,des faux
objets d'art, des chinoiseries à bon mar-
ché, des bibelots communs et de tout le
luxe de pacotille qui décorent les ateliers
d'écrivains et de peintres.
Ce sont partout, ou à peu près, les
mêmes armes suspendues au mur, les
mêmes draperies, le même décor.
M. Xavier Marmier, n'aimait rien tant
que les livres et tout son luxe tenait relié
dans la couverture d'un rare bouquin. Il
flirtait sur les quais, parmi les bouqui-
nistes. E l'on raconte même qu'en souve-
nir des heureux moments qu'il passa de-
vant ces étalages aux paperasseries jau-
nies, il a légué 1,000 francs « à ces braves
gens » en les priant de banqueter joyeuse-
ment à sa santé.
, La mort de cet académicien qui n'a pu
vivre dans un milieu nouveau, loin des
êtres qui avaient meublé son , eQce,
s explique par l'association lentpî le des
aux choses.
.Elle est mélancolique et
ainsi cette fin du vieil
dans le Paris mouvementé et hrm yanl Per^u
nous a bâti M. Haussmann. que
A peine se souvient-on, auioll j, hli
du titre des quelques livres qui lui Valu-
rent l entrée à l'Institut.
M. Xavier Marmier était d'un au''re
monde, bien avant d'avoir quitté 1P
Et.je comprends qu'il n'ait pu contirlunôtre
vivre, séparé de tous les objets qniTer à
ses camarades d'autrefois, ses Vieux. ent
et qu'il, se soit laissé prendre ave/"1'8'
Par la grande déménageuse qui tran^11*
les gens et les choses d'une vie dans e
tre, un peu éclopés et brisés.
LA DÉFENSE DE PARIS
Pour la revision du plan de la défens
de Pans, le préfet de la Seine vien?
dresser aux maires de toutes les cog-
nes du département, avec ampliation ^
son arrête, une lettre dont voici la COU,
clusion ;
II est superflu d'insister sur le con<.„
que les officiers du service géog-raphiq.ue
l aïmée, ainsi que les soldats qui collabosm111
à ce travail, doivent trouver auprès des J"
rucipalités, et je sais pouvoir compter sur
tre patriotisme pour assurer, en ce qui v2
concerne, la stricte exécution des instrucS
Contenues dans le susdit arrêté. ^
A la suite de cette lettre, l'arrêté préfec.
toral sera placardé sur les murs des lIlai.
ries.
L'article 1er est ainsi conçu •
MM. les officiers et les adjoints du génie
topographes du service de géographie, ?'•
que les_ soldats qui leur servent d'aides «0!!
autorisés à circuler librement sur le territS
de toutes les communes du département de
la Seine, à l'exception de Paris, à pénétrer
dans les propriétés particulières, closes m
non-closes, à pratiquer, au besoin, dans les
parcelles boisées, quelques coulées pour
mesure des distances, et enfin, à planter cles
piquets de tracé pour effectuer les études de
terrain prescrites par M. le ministre de
guerre.
Et voici l'article 2 :
Les indemnités qui pourraient être
tions seront réglées, soit à l'amiable, soit à
défaut d accord, conformément aux disposi.
tions des articles 56 et 57 de la loi du 16 sep.
tembre 1807.
Art. 3. - MM. les maires des communes
traversées sont Invités à prêter au besoin
leur concours et l'appui de leur autorité au
service géographique de l'armée.
A L'EXTÉRIEUR
Saint-Pétersbourg, 12 octobre. — Les con-
seils de guerre auront, ces jours-ci, à juger un
grand nombre de révolutionnaires prévenus
de participation dans les troubles suscités au
moment de l'epidémie cholérique.
Eondres, 12 octobre. — On mande de Rome
au Daily Cnronicle :
Une déclaration précédant le décret de dis-
solution fera connaître le programme du ca-
binet. Il n'y sera question d'aucuns nouveaux
impots et les économies seront faites par des
réductions sur les budgets des divers minis.
tères, à l'exception de la marine et de la
guerre.
Constant inople, 12 octobre. — Emir-Achçni-
fils d'Abd-el-Kader, dévoué à la France, qui
habite Damas, est malade.
Il a exprimé le désir de quitter la Tur-
quie.
Le croiseur cuirassé Forfait, allant en
Extrême-Orient, fera un assez long séjour à
Djeddah.
Vienne, 12 octobre. — L'empereur d'Alle-
magne accompagné du comte d'Abensperg-
Traun, grand veneur et chambellan de l'em-
pereur François-Joseph, a passé la matinée à
la chasse.
Il est rentré à midi à Schœnbrunn. Après
déjeuner, les deux empereurs ont visité le
musée historique. Demain ils chasseront à
Mannswœrth avec l'archiduc François-Ferdi-
nand d 'Este, et le prince de Reuss' ambassa-
deur d'Allemagne.
Berhn, 12 octobre. — Le régiment allemand
François a oflert hier un banquet aux offi-
ciers autrichiens qui ont pris part à la course
Berlin-Vienne. M. de Caprivi y assistait, et
voici son toast :
« Etant encore jeune lieutenant, j'ai figuré
dans la revue qui a eu liau lorsque l'empe-
reur François-Joseph vint à Berlin après
FEUILLETON DU 14 OCTOBRE 1892.
(6)
MON AMI LE
A EDMOND DE GONCOURT
V
Tel un gendarme entre deux prison-
niers, à dix jours de là, madame Tigret
montait l'escalier de M. Marin, accompa-
gnée de son mari et de mon ami Le. Ma.
dame Tigret venait dîner chez le frère de
l'aimable demoiselle qui montre la poé-
sie à raison de cent sous de l'heure.
Madame Tigret avait pardonné noble-
ment à son neveu ses escapades thermo-
métriques, qu'elle attribuait, — heureuse
ignorance 1 — à quelque mauvais motif
du genre féminin. Elle avait également
oublié la complicité honteuse de M. Ti-
gret dans cette affaire louche ; mais elle
les surveillait de près.
Mon ami Le, conseillé par ses amis
(nous avions trouvé le moyen d'étabir en-
tre lui et nous une corresponce sûre par
le canal du rédacteur en chef du Moni-
teur illustré des pensions de jeunes fil-
les), avait feint d'accepter comme le rêve
de toute sa vie l'espoir de se voir un jour
accorder la main de mademoiselle Anne.
Cette concession inattendue ayant dé-
sarmé complètement madame Tigret, elle
avait consenti à desserrer les triples liens
qui maintenaient son neveu captif. Le
ouvait sortir de sa chambre, mais dé-
fense expresse avait été faite au concier-
ge de lui laisser franchir le seuil de la rue.
Je n'invente rien, et mon ami Le est là
pour témoigner au besoin de la véracité de
mes assertions.
Donc, dix jours après la découverte fa-
tale faite par madame Tigret, M. Tigret
et son neveu montaient l'escalier de M.
Marin, sombres et mornes, et poussés
dans cette voie périlleuse par madame Ti-
gret, dont les copeaux d'ébène se mani-
festaient aux regards, inertes et affreux,
sous un chapeau de crêpe rose, qui avait
l'air d'un vieux bonbon.
Six heures sonnaient à toutes les pen-
dules de la rue Saint-Honoré.
Un instant encore, et l'infortuné Le al-
lait se trouver en face du golfe de Bothnie
lui-même. Mais, en cette seconde suprê-
me, et comme il frottait ses pieds sur le
paillasson de Marin avec une folle ardeur,
une idée lumineuse traversa son cerveau.
— Hé ! ma tante, dit-il, nous avons ou-
blié le plus important.
— Que voulez-vous dire, Monsieur?
— Q'uest-ce que tu as oublié Y fit M. Ti-
gret, prêt à seconder son neveu n'importe
comment, et qui aurait donné plusieurs
palettes de son sang pour l'aider à s'en-
fuir.
— Un bouquet, fit simplement mon
ami Le.
— Voilà la première fois que je vous
entends émettre une idée raisonnable, dit
madame Tigret. Il est de fait que le jour
d'une entrevue qui décidera peut-être de
tout, un bouquet ne ferait pas mal. Vous,
vous aussi, Tigret, vous m'apportiez des
1 bouquets naguèrel
—Oh ! naguère 1 Trente-deux printemps
ont glissé sur votre tête depuis le jour où,
du lilas blanc au poing, je commis... où
je fis ma première visite, ma chère.
— C'est possible, sifla sèchement Ma-
dame Tigret.
— Matante, reprit Le, je vais aller cher-
cher un bouquet. Le Palais-Royal est à
deux pas.
Madame Tigret eut un moment d'hési-
tation, qui parut durer un siècle à ses
deux compagnons. Mais comme cette
honnête dame était à cent lieues de se
douter qu'aux environs du Jardin des
Plantes résidait, fraîche et souriante, une
jeune personne du nom de Griette, elleac-
corda avec empressement à son neveu la
permission que celui-ci sollicitait d'un
air fort ennuyé, à ce qu'elle vit nons sans
satisfaction.
0, madame Tigret ! comment, en cette
minute décisive, n'avez-vous pas senti un
frisson mortel parcourir votre corps, de la
pointe de vos respectables orteils a l'extré-
mité de vos tire-bouchons, plus noirs que
l'onde du Phlégéton !
Hélas non seulement la tante de mon
ami Le ne sentit point un frisson mortel dé-
crire de nombreux et glacials zigzags
dans son sein, mais encore, presque char-
mante, elle dit à M, Tigret, lorsque Le les
eut quittés :
— Entrons, cher ami. Le nous rejoin-
dra. Cela fera presque une surprise, ses
fleurs aidant, tout à l'heure.
M. Tigret, docile comme la plume de fer
à laquelle un écolier, fort en physique,
présente le bout d'un aimant, s'empressa
d'emboîter le pas derrière sa chaste moi-
tié.
Et pendant que cette dernière répondait
par un salut hautain aux paroles polies
de la domestique qui était venue leur ou-
vrir au premier coup de sonnette, M. Ti-
gret tordant ses mains de joie, murmurait
avec un gloussement étrange dans la
gorge:
— Goutte d'eau ! brin d'herbe ! Bothnie !
Bon voyage ! Enfoncés ! enfoncés !
Le couple pénétra bientôt, annoncé par
la servante, dans le salon cetiula.ire de
M. Marin. Le mur principal était orné d'un
grand christ d'ivoire qui semblait essayer
de soulever le plafond avec ses mains,
comme pour se sauver à son tour de cette
demeure austère.
Mademoiselle Anne, qui cherchait vai-
nement dans le répertoire de ses coquet-
teries d'autrefois une rougeur encore
présentable, afin de l'exhiber en présence
de son futur fiancé, reçut avec de petits
cris de joie les invités de son frère.
— Eh bien ! et M. Le ?... 0 mon Dieu ! I
(et son regard interrogea le christ) serait-
il malade ? dit-elle, en mettant une main
longue sur son cœur.
— Mon neveu va revenir dans l'instant,
répondit majestueusement madame Ti-
gret. Tigret, droit ! droit !
— M'y voilà ! madame, m'y voilà ! s'é-
cria l'heureux M. Tigret, qui regrettait
cependant de ne pas être en ce moment
mollement assis au café des Arts, devant
les stores, et libre de s'allonger à son
aise.
Mais comme une douce perspective
s'ouvrait devant lui, comme il savourait
d'avance la surprise orageuse qu'allait
éprouver sa femme en voyant son neveu
se conduire comme le mâle chevalier de
Malbrouck, M. Tigret accepta placide-
ment les reproches que sa tenue affaissée
lui attirait.
Il daigna même serrer avec une iro-
nique effusion la main que M. Marin, sur-
venu sur ces entrefaites, lui tendit, onc-
tueuse et compatissante.
Cependant, l'absence de mon ami Le se
prolongeait outre mesure.
— Que diable peut-il faire, ce garçon ?
demanda enfin madame Tigret. Je vous
prie de l'excuser, mademoiselle. D'ailleurs,
je ne veux pas garder le silence plus
longtemps. Mon neveu est allé acheter un
bouquet au Palais-Royal.
— Oh ! quelle folio ! minauda made-
moiselle Anne, en caressant maternelle-
ment une boule du monde illustrée, qui
était placée à côté d'eile sur un guéridon.
— J'espère bien, insinua très grave-
ment M. Tigret, que Le n'est pas allé ra-
vir à la flore des Indes ses merveilles les
plus suaves.
— Tigret, pas de plaisanteries. Droit !
Entre nous, je crois que le brave mon-
sieur Tigret allongeait un peu la courroie.
Mon ami Le, certes, n'était pas parti pour
les Grandes-Indes ; mais cependant que
mademoiselle Anne et son frère, étonnés
et inquiets, se regardaient du coin de
l'œil, le timide amoureux se sauvait à
toutes jambes du côté du Muséum d'his-
toire naturelle.
Madame Tigret déclara, au bout d'une
heure, que son cœur ne pouvait contenir
plus longtemps une angoisse pareille, et
elle intima à M. Tigret l'ordre de la sui-
vre.
— Je vous le ramènerai, mes chers
amis, pieds et poings liés, s'écria-t-elle
en assénant à son chapeau rose un coup
violent qui lui donna plus que jamais
l'apparence d'un vieux bonbon à moitié
fondu.
Et, digne, madame Tigret se levait
déjà pour prendre congé de ses hôtes, en
dépit de leurs supplications, quand un
coup de sonnette, dont Je bruit parvint jus-
qu 'au salon où le Christ était prisonnier,
la fit se rasseoir en trsssaillant.
La bonne de mademoiselle Anne fit
bientôt son entrée, tenant une lettre sur
un plateau.
— Pour madame Tigret, fit-elle.
— Vous permettez, chère enfant ? de-
manda madame Tigret, qui s'empara de
la lettre avec le geste d'une goule quie8
sert une oreille humaine.
— Certes !
Madame Tigret ouvrit la missive,
tout haut ces quelques mots :
« Café des Arts —
« Ma chère tante, il y a incompatibilité
d'humeur entre le golfe de Bothnie et
moi. Je vous aime tendrement, mais je
ne puis me sacrifier sur l'autel de la gBo-
graphie, pour vous faire plaisir. Dans
trois jours je serai marié à une jeune
fille, sage, vertueuse et belle. J'ai qua-
rante ans. Je me dispense donc d'écouter
vos avis. Je vous demande bien pardon.
Je prie mon oncle de ne pas m'accuser
d'ingratitude non plus. Et je TOUS ein-
brasse de tout mon cœur.
« Votre neveu attristé,
c T. LE.
« P.-S. — Amitiés aux Marin. »
T — Miséricorde! gémit madame Tigrée
Et il disait qu'il allait acheter des fleurs 1
Oh! le serpent se cachait sous ces fleurs.
ERNEST D'HERVILLY.
(A Suivre^
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 82.4%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 82.4%.
- Auteurs similaires Alletz Édouard Alletz Édouard /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Alletz Édouard" or dc.contributor adj "Alletz Édouard")Esquisses poétiques de la vie. Partie religieuse / par Édouard Alletz /ark:/12148/bpt6k1421521w.highres Encyclopédie catholique : répertoire universel et raisonné des sciences, des lettres, des arts et des métiers, formant une bibliothèque universelle. Tome 1 / publiée par la Société de l'encyclopédie catholique, sous la direction de M. l'abbé Glaire... de M. le Vte Walsh, et d'un comité d'orthodoxie /ark:/12148/bpt6k5852835w.highresLa Guéronnière Arthur de La Guéronnière Arthur de /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "La Guéronnière Arthur de" or dc.contributor adj "La Guéronnière Arthur de") Granier de Cassagnac Adolphe Granier de Cassagnac Adolphe /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Granier de Cassagnac Adolphe" or dc.contributor adj "Granier de Cassagnac Adolphe") Cassagnac Paul de Cassagnac Paul de /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Cassagnac Paul de" or dc.contributor adj "Cassagnac Paul de")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 2/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k4667624j/f2.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k46264142/f7.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k46264142/f7.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k46264142/f7.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k46264142
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k46264142
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k46264142/f7.image × Aide