Titre : Le Populaire du Centre : hebdomadaire régional : organe de la Fédération socialiste de la Haute-Vienne / dir. Jean Clavaud
Auteur : Parti socialiste SFIO (France). Fédération (Haute-Vienne). Auteur du texte
Éditeur : Populaire du Centre (Limoges)
Date d'édition : 1951-05-26
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34421368q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 26 mai 1951 26 mai 1951
Description : 1951/05/26 (A45,N122). 1951/05/26 (A45,N122).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t5431816w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Fonds du service reproduction, NUM LIM 58421
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2022
LE LIMOUSIN
Mat 1951
Visages découverts , . Per—
Lucien BRET
TTTTTDATDP
m LL s Le LA X Le Ju
Les liens de naissance résistent aux hasards de la vie
Jean GIRAUDOUX
Rédaction : Amédée CARRIAT, à Saint-Vaury (Creuse) et Yvan Germain, à Bussière-Dunoise
DR L’INTELLECTUALISME PROUSTIEN
Un poème de
Yaneffe Deléta ng-Ta rd if
L'abbé MUGNIER
A suspicion à l’égard de l’in
telligence analytique se dé
gage-t-elle aussi incontes-
• tablement de l’œuvre qu’ils
erissent, pour les proustiens
aujourd’hui, que pour ceux d’au-
efois ? Il ne le semble pas ; on
insérait plutôt que s’est opéré
ce sujet un rajustement du
point de vue. Certes, on continue
s admirer dans le Temps perdu
là plongée dans les fonds obscurs
je la personnalité, mais on s’in-
- par André FERRE —
Au moment où M. Ch. Briand
s’apprête, dans son livre sur Le
Secret de Marcel Proust, à pu
blier des révélations retëntissan-
blier des
tes, nous
avon s cru bon de
presse aussi à la lumière que
auteur y fait pénétrer, et qui
st justement celle de l’analyse,
ne analyse seulement plus aiguë
t plus vraie que. celle des psycho-
Lues intellectualistes. On con
tinue à adhérer à sa vision de
icohérence humaine, de la
tradiction des tendances chez
demander un texte à M. André
Ferré, auteur déjà d’une Géogra
phie de Marcel Proust et com
mentateur, avec Pierre Clarac,
du Proust à paraître dans la
« Bibliothèque de la Pléiade ».
L’inédit ci-contre est extrait
d’un livre en préparation intitulé
La Leçon de Marcel Proust.
et qui nous apparaît désormais
comme l’œuvre d’une intelligence
-— -, — , aus moyens perfectionnés, et
meme être ; mais on est de- plus souverainement lucide. Car
u plus sensible au fait qu’in-
érences et contradictions nous
t rendues par lui compréhen-
es, de façon plus intimement
«faisante que ne l’était le
cept tout théorique de l’unité
Ividuelle. Ce moi déraisonna-
et illogique, il faut beaucoup
raison et une sévère méthode
r ‘atteindre tel, dans sa vé-
secrète, et pour en rendre
ceptibles à l’esprit les rouages
tils. Et s’il faut aussi beau-
p d’art pour l’exprimer, pour
ir dans les mots ce qu’il a
isaisissable, c’est un art qui se
fond avec la science dont il
ocède.
Ce qu’on appelait l’antiintellec-
lisme de Proust tient en som-
à une équivoque maintenant
sipée. On considérait le résul-
des investigations proustien-
en négligeant quelque peu les
icessus qui y avaient abouti, et
quels on est devenu plus at-
tif. On interprétait ainsi com-
une négation des pouvoirs de
raison, voire comme une apo-
le implicite de l’irrationnel,
qui condamnait seulement un
erficiel et faux rationalisme,
11 ne faut pas oublier que les mé-
canismes de l’inconscient nous
sont très consciemment mis à
jour, et qui plus est : expliqués.
Il a fallu, qu’on y songe, avec des
dons de clairvoyance exception
nels, une concentration extraor
dinaire de l’esprit, un effort qua
si-surhumain, pour descendre
dans sa propre âme jusqu’aux
enfers, en forcer les portes, s’y
orienter, et revenir enfin de cette
exploration ; pour remonter à
contre-courant le fleuve inexora
ble de la durée charriant l’oubli
à pleins bords, et y fixer le mi
roitement de reflets abolis ; en
fin pour composer avec toutes ces
prises insolites et souvent incon
grues arrachées aux ténèbres,
une œuvre lumineusement intelli
gible. (La même remarque vau
drait pour Bergson, qui a su
formuler en termes nécessaire
ment statiques la philosophie du
mouvant, et mettre les ressources
de l’analyse au service de l’inana
lysable intuition).
Par exemple, le fameux épisode
de la madeleine, au début de
Swann, disait surtout aux pre
miers lecteurs la primauté, sur
ARNET CRITIQUE
POESIE
Jean-Plerre ATTAL : Avant-pro-
(Dehresse). •— Un romantique qui
encore parler à la première per-
e. Un inquiet, un torturé qui ne
lent pas à se délivrer de son mes-
et tergiverse entre l’enthousiasme
dégoût. La poésie de M. Attal sait
1, écartés les symboles et ces aveux
puissance, couler avec une belle
tour d’images. — A. C.
■André BELLIVIER:: L’Ange chanta
I (îles de Lérins). — Rilkéenne est
pjration de M. Bellivier. C’est dire
tout lui est songe et cependant
snce, qu’il vit sur deux plans : rêve
alité, encore que le rêve l’emporte
apparence. Sa poésie ressemble à
«ir de douce corolle qui se perd au
" de la rose. Il y a chez lui des
aune fluide et lumineuse beauté :
en toi, tu es en moi, seuls sou»
la goutte de sang d»
1 sur nos cœurs. Nous assistons,
es beau recueil, au réveil d’une
su cœur de la nuit spirituelle,
‘usion vaincue, toute clownerie
— L. Bret.
Vean GUILLY : Chansons de lé-
et d’histoire (Debresse). — La
e de Gaston Picard nous apprend
M Guilly est viticulteur dans
ge. Sa poésie aime en effet avoir
andes assises terrestres et n’ente
le réel. En une cinquantaine
Mets très classiques, voici versi-
ts Grands faits de la légende et de
te, d’Orphée au « Pcurquoi-Pas »
rBant par Jeanne d’Arc, Christo-
omb et Mistral. C’est assez dire.
!Georges CHAPIER ! Le Grand
blanc (Crépin-Lebiond). — Es-
0 une introduction à l’œuvre
a“ et mystique de Wilfrid Lucas,
wn bolique. Qui, au cours de toute
la i ' a exprimé l'ascension de l’âme
e hors du chaos et dont le grand
, comprend : « Marie de Magda-
Les Cavaliers de Dieu »,
' "gile du Soir », etc. — L. Bret.
REVUES
• La Boita à Clous, no II. — Un
adieu à Gide, d’autres proses, des vers,
beaucoup de vers, de Guillaume, Mar-
kale, Durocher, etc.,, le tout d’une ex
cellente qualité. C’est à l’honneur des
animateurs, fort indépendants, de la
revue, qui voudraient secouer une jeu
nesse engluée dans son confort pares
seux. Un bel exemple de décentralisa
tion littéraire.
• Contemporains, no 4. — Lettres et
arts y ont la part belle : début d’un
roman croate de Miroslav Krleja, poè
mes de Victor Serge et de Robert
Edouard, chroniques de Marcel Arland
sur le naturel chez Mme de Sévigné et
de Clara Malraux sur Benjamin Cons
tant, réflexions de Paul Klee sur l’art
d’aujourd’hui, hommage à Gide (qu’il
est réconfortant de voir signé L. Mar-
tinChauffier). La politique également,
au sens non galvaudé du terme : Da
niel Guérin retrace l’historique du pro
blème noir aux Etats-Unis, problème de
venu de nos jours une véritable « ma
ladie mentale », J.-Michel Bloch propose
un « essai d’examen sans passion » de
la collaboration, Claude Aveline fait la
peinture de l’Espagne franquiste. Une
revue complète qui ne néglige aucune
des multiples activités de l’esprit et ap
porte dans l’information l’éclectisme
d’une revue de grande classe : poésie
(Cassou, Clancier), théâtre (E. Simon),
roman (Duvignaud), politique étrangère
(Martin-Chauffier), histoire (Edith Tho
mas), musique (J. Paublan), arts plas
tiques (Ragon). — A. C.
• Escales, no 54. — La revue de J.
Markale constituera plus tard une belle
anthologie. Bernard Jourdan a réuni ce
mois des traductions de la poésie pro
vençale contemporaine. Les noms con
nus de Philadelphe de Gerde, Sully-An
dré Peyre, Max Rouquette ; d’autres,
plus jeunes. Ce ne sont, bien sûr, que
des exemp.es, mais salutaires, d’une mo
derne réaction contre le passéisme dé
cevant de bien des pâles imitateurs de
Mistral. — A. C.
ROMANS
arcel JOUHANDEAU 1 L’Incroya-
asUrnee (Grasset, éd.). - « L'In-
n Journée » est un récit singu-
"Mteur cesse d’adhérer à l’évé-
aa" cours de la vie Quotidienne,
| lui e I s’en détache, projette de-
1er li œuvre et s’efforce d’en ex-
dénif quintessence. Les créatures,
é 8 et les anges qui l’ont tra-
spoQrmenté, ou bien enfiévré et
semblent lui laisser quelque
1 de s etres, qui étaient les occa-
H ou ses épreuves, de ses souffran-
assensiquerois de ses triomphes, il
| p0 e et les contemple d’un re-
de e serein. L’on sait qu’un
n jouhandeau n’est pas un ro
ui e chronique, mais plutôt un
tels—" me ou mieux un exercice
», les' Dans 4 L'Incroyable Jour-
iez, amille et une épreuves quoti-
lons 1 ttaient autant de commu-
su douloureuses avec les êtres,
ent an . ' Le passé se mêle sub
ie p. présent, et les créatures qui
slmm? marqué l’auteur apparais-
!, maanement, non point récon-
ère chacune à sa juste place :
Olzine Amoureuse, la Tracassière,
de ‘ a Bigote. Dans ces por-
ttieuseemines, l’auteur transcende
e, en ‘ r Pour atteindre une beauté
ise gere, toute frémissante de vie.
lysti. ordre psychologique, mo-
lu, als ou il s’était jusqu’alors
comesordre esthétique. Les singu-
fait sences de la vie et du rêve
’?es a araitre ensemble les per-
au ion drame, comme sur une
"rre consees ou le rideau tombe.
Le mois prochain :
Un poème de Jean FOLLAIN
Un conte de Paule LAVERGNE
la mémoire volontaire fruit de
l’application mentale, de cette
mémoire fortuite aux sources in
conscientes et comme purement
physiologiques, déclenchée par
une odeur, une saveur, qui resti
tue à l’âme tout un pan de passé
dans lequel la même sensation
se trouva jadis incluse, — et la
joie diffuse qu’engendre cette rê-
surrection. Il nous signifie au-
jourl’hul, autant et plus que cela,
l’effort spirituel insistant auquel
il faut se contraindre pour tirer
au clair le sens de tels messages,
pour arriver à atteindre, au detà
du vague élan affectif qui en
forme la donnée première et
dont la plupart des hommes se
contentent, les représentations
précises, objectives, communica
bles, qui le conditionnent. Rien
de plus tenace, de plus âprement
volontaire, de volontaire jusqu’à
épuisement des forces dans les
démarches dont elle procède, que
cette illustration de la mémoire
involontaire. Tout dans Proust
est de cet ordre ; tout y traduit
une contradiction résolue, une
impossibilité surmontée, un inex
primable exprimé, de l’inconnais-
sable découvert, de l’incompré
hensible expliqué ; tout y mar
que le triomphe de l’intelligence,
actif témoin, sur l’instinctif, le
grégaire, l’irrationnel, qu’elle
s’applique. à guetter, qu’elle tra
que et dont finalement elle réus
sit à faire sa proie, comme l’at
teste l’existence même du récit
proustien. S’il sait dépeindre son
aveuglement, c’est que sa lucidité
s’en est rendue maîtresse ; quand
il retrace ses hésitations, c’est en
étant bien assuré de son but, qui
est justement d’en restituer l’on
doiement ; la magique et floue
poésie des noms propres est expri
mée (au sens où l’on que s’ex
prime le jus d'un citron) jusqu’à
ce qu’elle distille un contenu pré
cis ; un regard froid scrute les
passions jadis éprouvées : elles
ne peuvent livrer leur secret qu’à
qui les a vécues, mais s’est
affranchi d’elles.
N’ayons garde non plus d’ou
blier ce thème qui court à tra
vers tout l’ouvrage jusqu’au début
du dernier tome, de la veulerie
du narrateur, de l’incurable pa
resse qui l’empêche de se mettre
à sa table de travail pour écrire
la grande œuvre par laquelle il
se sent sollicité : au moment où
veulerie ou paresse nous sont dé
crites, c’est par ce même narra
teur, qui, les contredisant, écrit
précisément ce livre, avec la vo
lonté que l’entreprise implique :
il a dû en même temps restituer
en lui cet état d’autrefois et le
dominer afin d’en rendre compte.
Comparable au comédien selon
le paradoxe de Diderot, qui joue
d’autant mieux le jeu de la sen
sibilité qu’il se rend plus fonciè
rement insensible, plus maître de
ses moyens, le philosophe qui est
en Proust reconstitue le désordre
de la vie mentale grâce à un
exceptionnel pouvoir d’ordonnan
cement, et perce à jour le sub
conscient avec toutes les ressour
ces d’une conscience anormale
ment aiguë.
L’une des grandes leçons don
nées par Proust, et qui s’oppose
quelque peu au message demandé
d’abord à son œuvre, c’est celle
de cet effort spirituel, où l’éner
gie a autant de part que la fines
se, pour pénétrer au delà des ap
parences et forcer leur secret,
faire rendre gorge à l’oubli, ré
duire l’insincérité sans ses der
niers retranchements, préciser le
flou, immobiliser le fugace, dé
masquer les mobiles travestis de
la conduite, maîtriser les mouve
ments de sensibilité dont on est
normalement l’objet ou l’esclave,
enfin, tâche rationnelle par
excellence, interpréter objective
ment les signes, dont les plus va
lables ne sont pas forcément les
plus évidents au commun des
mortels.
Yanette DELETANG-TARDIF. — Née à Roubaix
•ou» le signe des Gémeaux. Habite Neuilly-sur-Seine.
Critique littéraire à Vie Art Cité (Genève); collabore
à de nombreuses revues françaises et étrangères ; mem
bre du jury du prix Guillaume-Apollinaire ; sociétaire
de la Société des Gens de Lettres (1948) ; conférence»
en France et à l’étranger. Prix Mallarmé 1942, pour
Tenter de Vivre; prix Renée-Vivien 1950 pour Sept
Chants royaux. — (EWRES : Poésie : Eclats (A.
Quillet); Générer (id.) ; Vol des Oiseaux, (id.); Confi
dences des Iles (Corréa 1934); Briser n’est rien (Sa
gesse); L’Année poétique, 12 e cahier (Denoël) ; La
Colline (Debresse, 1936) ; Pressentiment de la Rose
(Debresse); Poèmes du Vitrier (Poètes); Tenter de
Vivre (Denoël, 1942); Sept Chants royaux, ill. de Sur-
vage (Ed. du Rond-Point, 1950). — Prose : EdéUina
ou les pouvoirs de la musique (Les Amis de Roche-
fort. 1943) ; Les Séquestrés, roman (La Table ronde.
1945); Edmond Jaloux, essai (id. 1947). — Traduc
tions : Poésies de Gœthe, en coll, avec Maurice Betz
(Emile-Paul, rééd. Albin-Michel); Poésies complètes de
Nietzsche, en coll. avec Paul Arnold (Presses littéraire»
de France).
« Un apport qui ne sacrifie rien de l'élément créateur
de la poésie la plus moderne, mais qui rattache celle-ci
à une forme française à la fois sculpturale et musicale. »
(Edmond Jaloux.)
Êe Retour Sternel
Je cherche par quel charme un unique visage
Reviendrait jusqu’à moi des sables de la nuit
Mais dans ces yeux perdus se forme mon naufrage
Et les ressusciter, à jamais me détruit.
Plainte des horizons, reine des paysages,
Beauté qui me torture, est-ce toi qui t’enfuis
Ou suis-je, sans te voir, leurré par tes sillages,
Au fond des soleils morts, celui que je poursuis ?
Il te faut des voyants, ma ténèbre de neige !
Je ne suis qu’un humain, lourd d’esprits animaux.
Orgueilleux altéré de ses grands sacrilèges.
Mais ton souffle a tremblé le long de mes tombeaux
Et je renais toujours, ô fidèle inconstance.
De tous ces traits de feu que signé ton absence.
Yanette DELETANG-TARDIF.
Sept. 1950.
me la princesse Bibesco est
catholique. Elle proclame
sa foi avec ferveur. Nous
l’envions sincèrement de
posséder une telle certitude d'éter
nité. Elle eut, à vrai dire, pour
guider ses premiers pas dans la
religion romaine, un célèbre et
fort habile directeur de conscien
ce : l’abbé Mugnier. Mme Bibesco
consacre, aujourd’hui, son vibrant
talent à la mémoire du cher prê
tre. Voici paru le tome premier de
La Vie d'une Amitié : 1911-1921
(1). Suivra un second volume,
allant de 1922 à 1944, année où
la mort mit un point terrestre-
ment final à un duo d’affectueuse
estime.
Nous contentant de vivre à
l’humble manière des animaux et
des plantes, sans inquiétude mé
taphysique, confiants dans la bon
ne nature, nous ne saurions for
muler la moindre opinion sur
l’orthodoxie et l’apostolat de l’ab
bé Mugnier. Nous aimons, cepen
dant, qu’il ait, au nez de quel
ques fanatiques, un peu parfois
senti le fagot. Et nous nous délec
tons de cette parole de brave hom
me : « Je dois croire à l’enfer.
Mais je pense qu’il n’y a per
sonne dedans. » Vivent les dog
mes que l’on peut aussi facile
ment adoucir ! Vive surtout l’ê
tre dont la tendresse se refuse à
condamner !
L’abbé Mugnier retient notre at
tention parce qu’il fut Limousin
et mêlé intimement à 50 ans de
littérature : l’époque des Huys-
mans, des Proust, des France, des
Barrés, des Anna de Noailles...
tout un classicisme, à nos yeux
du moins.
Arthur Mugnier naquit le 27
novembre 1853, à 8 heures du soir,
à Lubersac, dans la tour nord
du château. Il était fils d’un ar
chitecte et non d’un concierge
André FERRE.
CHROMOS DE LA BELLE EPOQUE
EES
N n’avait pas encore dit
aux jeunes : « Vous êtes
le sel de la terre ; vos
droits sont sacrés ; allez
et secouez le cocotier ». Au
contraire tout était mis en œu
vre pour faire comprendre aux
adolescents que, s’ils avaient
dépassé le stade de l’enfance,
ils n’étaient pas encore des
adultes et que la bienséance,
comme la raison, leur comman
daient. non l’effacement et la
subordination pure et simple,
mais la discrétion. Pour les
Jeunes filles, plus spécialement,
il s’agissait de faire d’elles des
personnes pleines de retenue, de
réserve. Défense d’attirer l’at
tention : ne te mets pas en ve-
dette ; surveille-toi ; n’impor-
tune personne. Tu n’es pas un
personnage, ne parle pas si
fort, ne gesticule pi
retourne pas dans h . .
ris pas à gorge déployée. Tiens-
toi droite, etc..., etc... Que d’in-
as ; ne te
a rue ; ne
terdictions ! Que d’interdictions
et de contraintes ! Jusqu’au cos
tume qui traduit le mot d'or
dre d’emprisonnement : cols
montants, corsets baleinés, ju
pes et jupons superposés, sou
liers à tiges, coiffure sans re
cherche ; et défense pour les
Jeunes filles de se friser si la
nature les a gratifiées de che
veux plats.
Défense aussi de se maquil
ler, de se parfumer. Seule, une
femme mariée a droit à un nua
ge de poudre de riz : blanche
Si elle est blonde, Rachel si el
le est brune. Dans la petits
ville où je me suis élevée, deux
femmes seulement retouchaient
avec les fards et les teintures
leur apparence naturelle : la
femme du Sénateur, une rous
se opulente inoubliable, et la
femme d’un magistrat, mort ré
cemment et devenu célèbre.
Leur passage embaumé
pour un peu, provoqué
troupement des gamins
sortie des classes ; et bien
fond on les admirât, les
mres avaient surnommé
eût,
l’at
à ia
qu’au
com
l’une
Mme Plâtre, l’autre Colombine.
Bien sûr, il n’était pas ques
tion de franchir la. moindre dis
tance sans chapeau et sans
gants. Seules, les plus humble:»
femmes sortaient, comme
disait, en « cheveux » et les
on
mains nues. En plein été, les
manches étaient longues et les
corsages montaient jusqu’aux
oreilles. A cause de la mode de
la peau blanche (on disait teint
de lys et de rose); l’ombrelle
était de rigueur et les dame»
qui allaient au bord de la mer,
non contentes de porter de tree
grands chapeaux, les entortil
laient d’immenses voilures au
HD EMOI S EL LE S
fond desquelles à peine aperce
vait-on leur visage.
Et que dire du langage des
Jeunes filles ? Plus il était châ
tié plus il paraissait séduisant.
L’argot n’avait pas encore droit
de cité. Mais pas du tout. Les
filles les plus osées disaient
« flûte * dans les moments d’im.
patience et « zut » si elles
étaient tout à fait exaspérées,
«t encore pas devant leurs pa
rents. Si on leur avait prédit
que leurs petites-filles diraient
en 1951 : « Y en a mare ! », ou
useraient d’un mot bien fran
çais pour exprimer leurs di
vers sentiments en variant tout
juste l’intonation ; qu’e.les
conjugueraient ce même mot
à tous les temps et à tous les
modes, bien sûr elles se se
raient trouvé mal.
On se trouvait mal à cette
époque, moins souvent qu’A
l’époque romantique ; mais en-
lin l'habitude n’en était pas
perdue. Je cois qu’elle a dispa
ru avec le corset les 48 centi
mètres de tour de taille. Une
jeune fille bien élevée ne sor
tait jamais seule. Sa mère ou
sa bonne l’escortait ; parfois la
bonne avait 15 ans et lu demoi
selle beaucoup plus.
Si un séduisant jeune hom
me demandait à une ravissan
te jeune fille : « Mademoiselle
Alice, comment trouvez-vous
mon nœud de cravate ? » Ma
demoiselle Alice répondait, mê
me si elle n’en pensait pas un
mot : « Adorable, monsieur
Ferdinand ». Tandis qu’aujour-
d’hui, si la ravissante jeune
fille est mal lunée, elle ré
pond : « Moche » ; et si elle est
bien lunée, entre deux bour-
fées de cigarette : « Au poil ».
Une jeune fille n’allait pas au
bal avant ses 18 ans révolus,
et le jour où elle faisait, com
me on disait, son entrée dans
le monde, était un événement.
Pour la première fois elle por
tait une robe longue, décolle
tée, à manches courtes. Aussi '
lui recommandait-on de bien se
laver. Ses père et mère l’ac
compagnaient après lui avoir
dit de ne jamais danser deux
fois de suite avec le même ca
valier, ni d’accepter plus de
nances était formel
et
trois invitations
Jeune homme.
Le cavalier —
d’un même
on ne disait
pas encore « le type » — no
yait se faire présenter à Mon
sieur, Madame et Mademoi
selle en bonne et due forme,
porter obligatoirement des
gants blancs et inviter aussi la
maman de mademoiselle. Ja
mais une jeune fille ne devait
accepter un cadeau d’un jeu
ne homme, même si elle était
sa fiancée ; le code des conve
point. .Certaines inventions n’a
valent pas encore vu le jour,
le système D par exemple qui
pousse l'usager à prendre son
bien où il le trouve. Par ail
leurs, cette malformation qu’on
appelle la bosse du respect,
bien qu’en régression, n’avait
pas encore tout à fait disparu
et on n'aurait jamais entendu
un jeune homme ou une jeune
fille appeler « vieille bique »
une femme ayant passé la tren
taine, ni vu un jeune homme
rester couvert, ou solidement
vissé sur son siège en présen
ce d’une femme.
Et quels étaient les divertis
sements de ces demoiselles ?
On commençait aux environs
de 1905 à jouer au tennis, en
Jupe longue, talons Louis XV,
canotier épinglé sur le chignon.
D’une main on retenait l’am
pleur de la jupe, de l’autre la
raquette. Cela amena la mode
de la chemisette de flanelle et
de la cravate régate. Les moins
hardies jouaient au croquet,
au volant, aux grâçes, entre
elles, bien entendu. Au lycée,
on introduisit des cours de
gymnastique avec un curieux
costume d’ordonnance en ser-
ge bleue marine, liseré " de
blanc, col marin (pourquoi col
marin mystère !) et longues
culottes bouffantes. De short,
de stade, de championnat, nul
le nouvelle vous pensez bien.
Toutefois les grandes émanci
pées montaient à bicyclettes.
Dans le domaine universitai
re, les filles n’avaient pas en
core accès aux diplômes ré-
servés aux garçons. Même au
lycée de filles on ne préparait
as le Bac, mais le Brevet et
e Brevet supérieur. Au delà,
on préparait l’entrée à l’école
de Fontenay-aux«oses ou de
Sèvres, pour devenir, si possi
ble, un professeur. Le profes
sorat étant la seule carrière
libérale ouverte aux femmes.
Il a fallu la guerre et l’entre-
deux guerrs pour voir les fem
me? accéder à toutes sortes de
carrières, par la force des cho
ses, et non pas système, comme
certains le croient.
Et celles qui n'avaient pas
H intention de gagner leur vie.
ou que la nécessité de le faire
ne pressait pas ? Leurs études
terminées, elles se mettaient en
devoir de préparer leur trous-
seau : 3 douzaines de chemises
de nuit et autant de pantalons
sans compter les jupons et les
camisoles. Marquer à leur chif-
ire 12 douzaines de draps, 1%
douzaines de torchons, 12 dou
zaines de mouchoirs et 6 servi
ces de table ; il y avait de quoi
faire.
On exécutait et on assemblait
des petits carrés de broderie et
de dentelle alternés pour en
composer des courte-poîntes
destinées à voiler de leur blan
cheur le lit nuptial. Il y fallait
trois ans, en travaillant plu
sieurs heures par jour. Comme
elle tirait l’aiguille, mademoi
selle rêvait ; elle entendait en
esprit les orgues de la parois
se bourdonner et flûter harmo
nieusement la marche nuptia
le de Mendelsshon et elle se
voyait vaporeuse et candide au
bras d’un beau garçon aux
moustaches à la Gauloise, à
l'uniforme rutilant. Les beaux
partis se recrutaient dans les
armées de terre et de mer. En
core fallait-il pouvoir doter les
demoiselles : 1.500 fr. pour un
gendarme : 1.800 francs pour
un adjudant ; 10.000 francs
pour un lieutenant ; 15.000 fr.
pour un capitaine, sinon le
chef hiérarchique du militaire
eut refusé son
consentement.
indispensable
À la campagne, la dot s’éva
luait en vaches :
ne six vaches
: « On lui don
douze vaches.
vingt vaches ; c’est un gros do
maine ». Quand une jeune fil
le riche passait, si elle était
belle, après avoir loué ses at
traits, on disait : « Et vous sa
vez ! elle a le sac » ; si elle
était laide, après avoir consta
té sa disgrâce, on s’écriait :
« Mais elle a le sac ». Autour
au sac comme autour des va-
ches
mes
tite
fois
peu
« II
se jouaient de grands dra-
de famille. Dans notre pe
ville, nous croisions par-
un vieux gentilhomme un
étrange 'dont on disait :
a toujours été original, il
a fait un mariage d’amour ».
Ce qui signifiait : « Il a épou
sé une fille pauvre ». Et on
ajoutait : « Sa mère a failli en
mourir ! » En dépit du titre lé
gitime de comtesse que portait
la femme de ce vieux monsieur,
en ne consentait pas de le lui
donner, tant le menu peuple
lui-même réprouvait les mésal
liances. On s’entêtait à l’appe
ler de son prénom, jugé d’ail
leurs inconvenant : « Violet
te ». On se prénommait plus
couramment Clotilde,
ne, Adèle ou Anaïs.
Les demoiselles de
Victori-
la Belle
Epoque avaient vraiment de
belles manières en ce sens qu’il
n’y a pas d’harmonie sans me
sure, ni de mesure sans con
trainte. Parfois aussi elles fai
saient des manières et cela ne
déplaisait pas. Maintenant,
«taient-elles toutes de petites
saintes ? Ça c’est un autre cha
pitre. et non des moins ci;,
rieux.
Marie-Louise PEYRAT.
Man a ESSAIS
taq deELLONCI : Lucrèce Bor-
, - p.adeleine Vaussard (Plon,
. étia ant pour thème central
—Belon— a fille d’Alexandre VI,
In des 4 a pas hésité à revenir
2us folie 8 les plus attirants et
qlaissances par les historiens de
sde recsece italienne. Après huit
fuBulte , es méticuleuses, il en
" exactit. ouvrage passionnant,
ADe vie 9 historique scrupuleuse
eoDstre de raordinaire. Ce n’est ni
" Hugo uxure et de cruauté de
W 8 Chaz. , Borgia très divine
,1Mais ur” chère à Pierre de No-
et =lemme cultivée, élégan-
K Dlan aportée malgré sa volonté
.histoire qui revit. Mme
Adées auton Style et la richesse de
1 persoran que par l’attraction
t Jugemeage, a mérité pour son
1 8i ypnt de Massimo Bontem-
I de mourope savait lire, ce l iv re
r^toenne acquerrait une renom-
Jean-Marie Desse-
E milieu de siècle, engoué de
chasses spirituelles, sem-
ble être en proie au
prurit de la restitution. On
se rappelle comment M. Lafuma a
repris à Pascal son célèbre Discours
eur lés Passions de l’Amour. Voici
qu’aujourd’hui M. Henry Poulaille
attribue à Corneille lia paternité
véritable du Tartuffe (I).
La thèse n’est pas originale. Pier
re Louys déjà la soutint il y a une
trentaine d’années, mais d’avoir au
paravant joué les bergers Guillot,
avec la fameuse supercherie des
Chansons de Bilitis dressa d'un
bloc contre lui l’armée des érudits
naguère mystifiés.
Elle n’en est pas moins auda
cieuse. Elle heurte même assez, de
prime abord, la confortable sécurité
de nos préjugés. « J’aime mieux,
disait Jean-Jacques, être un homme
à paradoxe qu un homme à préju
gés. » Certes. Mais la chose va ra
rement sans risques. M. Poulaille
pourrait bien l’éprouver si le ren
fort qu’il nous promet (2) n’a pas
la puissance offensive voulue. Tel
quel pourtant ce Tartuffe, présenté
et refondu par ses soins, mérite at
tention et porte aux dogmes de l’his
toire littéraire de sensibles coups de
boutoir.
Tartuffe de Pierre Corneille. Sur
quelles raisons M. Poulaille appuie-
t-il son affirmation ? Sur celle-ci
d’abord, qui peut évidemment au-
toriser toutes suppositions : que
l’on ne sait rien de la vie de Mo
lière jusqu'à sa rencontre à Rouen
de Corneille en 1658, rien non plus
de ses écrits auxquels personne ne
l’a vu travailler' et dont aucun ne
nous est connu. Mais l’observation
vaudrait tout aussi bien pour le
Barbouillé ou Le Médecin malgré
lui... En voici donc d’autres plu»
«érieuses. Le Tartuffe qui nous est
connu n’est pas la version originale.
La pièce authentique, le vrai Tar
tuffe, ce n’est nas l’Imposteur de
1667 ou de 1669, c’est l’Hypocrite
PLUIHES ET EIVR.ES par Amédée Carrial
TARTUFFE, par Pierre CORNEILLE
joué en trois actes à Versailles, le
12 mai 1644. On sait quelles cabale»
entraînèrent les avatars de la pièce.
Ce qu’on ignore malheureusement
c’est ce qui motiva de telles cabale»
« Comment était conçu le Tartuffe
de 1664 ? Il est impossible de le sa
voir » écrit Gustave Michaut dan»
l’édition en onze volumes des Œu
vres Complètes de Molière que vient
de publier l'Imprimerie Nationale
li faut qu'il ait différé profondé
ment du Tartuffe définitif pour
avoir été combattu avec tant d’âpre
té I
Il faut que le Tartuffe primitif ait
été bien édulcoré pour avoir eu
•ous sa forme seconde 80 représen
tations du vivant de son « auteur »!
(3). D’où M. Henry Poulaille con
clut au'il a subi entre temps un
véritable replâtrage qui a non seu
lement allongé les deux actes du
premier Tartuffe, mais de plus mo
difié complètement la moralité de
la pièce. Après Michelet et Schle-
gel, après G. Michaut lui-même. qui
fut certainement l’érudit moliéres-
nue le plus averti, M. Poulaille af
firme que Tartuffe était complet en
3 actes, et. fort d’une appréciation
de Boileau qui dit que le dénoue
ment en était tragique, assure que
la part de Molière dan» la pièce en
5 actes a consisté uniquement à la
farcir d'intermèdes et d’effets de
théâtre propres à diluer l'amer
breuvage, à déviriliser le premier
Tartuffe. Ces additions inoffensives,
ce sont, aux dires de M. Poulaille
la moitié d'un acte de dépit amou-
reux, le dernier acte in extenso, et
quelques scènes comme celle, par
exemple, de la cassette... Et, qui
«ait s'il ne fut pas, de surcroît, ex
purgé des passages les plus auda
cieux ?
M. Henry Poulaille, séparant l’i
vraie du bon grain, a tenté de re
constituer le Tartuffe, tel qu’il fut
présenté en 1664, un Tartuffe en 3
actes qui a retrouvé en même temps
« son caractère satirique et sa mo
ralité cruelle. son déroulement lo
gique parfait. » L’on ne manquera
pas de crier à la mutilation, mais
dit M. Poulaille « nous n'avons
mutilé le texte, nous n’avons
f ias
eit
que le dégager d’un contexte, tout
entier de recollage qui le dévirili-
•ait en le dénaturant dans ]a forme
et dans l'esprit. » La pièce, en ef
fet, y gagne une densité, une vi
gueur, une perfection sans bavures
qui confondront les esprits les plus
prévenus.
Plus même : M. Poulaille a re
constitué deux personnages, selon
lui recomposés en même temps que
la pièce : Dorine et Cléante. Do
rine usé d’un assez invraisembla
ble langage qui est tantôt celui
d’une servante, tantôt celui d’une
dame de compagnie. Pour grossir
après coup le rôle de Dorine, Mo
lière aurait repris à Cléante une par
tie de son rôle, supposition qui ex
plique pourquoi, dans la version
que donne de la pièce M. Poulaille,
l’on trouve après les cinquante pre
miers vers une tirade signée Géante
que nous avons accoutumé de tfou-
ver dans la bouche de Dorine, aux
vers 325-330...
Bien, dira-t-on, admettons que ce
•oit là le Tartuffe authentique, ad
mettons que le Tartuffe de 1667 ait
été un replâtrage... Mais M. Pou
laille ne s’aventure-t-il pas dange
reusement quand il écrit : « C’est
uniquement le» vers du vrai poète,
les vers de Pierfe Corneille qui
composent le texte présent » ?
Qu’est-ce qui nous prouve qu’il»
•ont de Corneille plutôt que de Mo
lière, fort capable d’écrire des œu
vres fortes, à preuve Dom Juan et
Le Misanthrope ?...
C'est ici que M. Poulaille argue
de la dualité d’écriture du 1 artuffi
et de cette fameuse préface de 1669
qui ne serait qu'un truquage de la
préface de 1664. On sent, ici et là,
dit M. Poulaille la nette marque de
Corneille. Et d’épingler, entre au
tres, ces vers, par exemple, qui
semblent bien en effet du Corneille
*t du meilleur :
Sauvez-moi du tourment d’être fl
ce que j’abhorre — Et ne me por
tez point à quelque désespoir — En
vous servant sur moi de tout votre
pouvoir.
ou bien encore cette ébauche, rien
moins qu’admirable,
Mon père, au nom du ciel qti
connaît ma douleur...
Mais il faudrait citer à longueur
dé page et je renvoie au livre même
de M. Poulaille dans lequel on
trouvera la nette discrimination en
tre les beaux vers rendus à Corneille
et la partie postiche «ignée Molière.
Il apparaît bien, en effet, disposé»
tel». qu'il y a incompatibilité entre
les uns et les autres et l’argumens
semble de poids.
Une objection encore qu’on ne
manquera pas de faire. Pourquoi
Corneille n a-t-il pas signé de son
nom le Tartuffe ? Là bien sûr, le»
raisons de cette attitude nous échap
pent. Molière a représenté onze
pièces signées Corneille.- Que s'est-
il passé a propos du Tartuffe ? On
a dit que c’était un Polyeucte à
rebours, et Brunetière, quand il
écrit : « Pour comprendre tout à
fait Polyeucte, il faut songer à Tar
tuffe » ne tient-il pas déjà une ex
trémité du fil d’Ariane ? Corneille,
désireux de proposer à la réflexion
de se» contemporains le problème
de la feinte sainteté, aurait écrit
cette âpre satire, en se gardant
bien, sachant les dangers encourus,
de la signer. Moliere l'aurait ac-
ceptée de confiance, sans en ap
profondir le sens véritablement
scandaleux... C’est hasardeux, bien
sûr, comme hypothèse, mais un au
tre argument vient la renforcer t
la pauvreté de Corneille à l’époque
du Tartuffe. Venu habiter à Paris
en 1662, il lui fallut, outre les frais
de déménagement faire, face à une
quantité de dépenses nouvelles
Lanson les résume assez bien
« A Paris, il fallut payer le loyer et
tout prendre aux marchands contre
argent. Puis c’était le moment où il
venait de donner une dot à sa fille
Marie, qu'il avait établie l’année
précédente ; et il avait dû se sai-
ner un peu pour la bien établir,
es autres enfants grandissaient :
en 1664, Pierre entre au service, il
fallut l'y faire subsister décemment.
Il faudra bientôt lui acheter une
Compagnie : c’est une grosse som-
me. pas moins de 9 à 10.000 livres.
Il faut entretenir le second fils, pa-
Île de la duchesse de Nemours ; il
âut payer pension pour Thomas,
qui est au couvent, attendant un
bénéfice lent à venir. Il faut payer
pension pour Charles qui est au
collège. Enfin, il faut payer pour
Marguerite, qui est déjà, en 1662,
au couvent du faubourg Cauchoi
se... » Corneille n'est pas dans la
misère à proprement parler, mais
cette gêne passagère peut fort bien
l’avoir condamné à être, provisoi
rement le « nègre » de Molière.
Voilà, en gros, les arguments dé
veloppés par M. Henry Poulaille.
Je ne dis pas qu’ils apportent des
preuves irrécusables. Ce ne sont,
bien sûr, que des conjectures, mais
la chose est assez plausible pour
qu’on lui porte attention.
Nous attendons la seconde offen
sive de M. Poulaille pour savoir si
nous devons rayer de notre histoire
littéraire le nom du plus grand écri-
vain comique de tous les temps.
Amédée CARRIAT.
(I) Pierre Corneille : Tartuffe
ou la Comédie de l’Hypocrite, pré
facée et présentée par Henry Pou
laille (Amiot-Dumont).
(2) Corneille sous le masque de
Molière (à paraître).
(3) Alors que le Misanthrope n’en
eut que 57, l'A vare 46, le Bour
geois Gentilhomme 48, les Femmes
savantes 24, Dom Juan 15 !... Il est
vrai que les records sont détenus
par le Cocu imaginaire (120), l’Ecole
des Maris (109), les Fâcheux (94)
et Psyché (82).
au service du marquis de Luber
sac. Mme Bibesco le précise. Nous
n’avons aucune injuste préven
tion contre les concierges, mais,
puisque l’on a voulu rabaisser le
petit abbé en lui prêtant cette
origine modeste, rétablissons la
vérité. Entre nous, de concierge à
architecte, au regard d’un grand
seigneur vaniteux, la différence
est, sans doute, celle qui distin
gue à peine un trivial balai d’une
vulgaire truelle. Quoi qu’il en soit,
l'abbé Mugnier, pénétrant dans
l’aristocratie de plume et castes,
sut imposer sa personnalité et
laissa à d’autres le bas bout de
la table. Il n’a rien d’un beso
gneux et sa miséricorde (elle naît
ici de la pitié pour la faiblesse
d’autrui) s’abrite sous le bouclier
d’un esprit à la Voltaire... Je ne
sais pourquoi le diable me pous
se à rapprocher l’abbé Mugnier
de l’abbé Jérôme Coignard —
moins l’embonpoint et certaine
propension digne de Pangloss, le
quel mettait, on s’en souvient, un
empressement très respectueux à
replacer les bouquets d’hyacin
thes que les jeunes filles laissaient
tomber de leur sein. Pour le res-
te, comme Jérôme Coignard, l’ab
bé Mugnier aimait le jeu élégant
et subtil de la pensée, la recher
che du vrai, du beau et du bien.
Qui s’étonnerait de voir platoni
cien un érudit capable de traduire
le grec à livre ouvert et de rap
peler, fort à propos, le rôle an
cien que se donna l’Eglise conser
vatrice des vieux textes, sans ou
blier la bénédiction qu’elle accor
de aux lettres ?
Un commun amour unissait
Mme Bibesco et l’abbé : celui de
Chateaubriand. La princesse a
donné son cœur à l’auteur de
« René », alors qu’elle était tout
juste une de ces éphèbes de 13 à
14 ans, les plus périlleuses, car ne
sachant ni ce qu’elles veulent ni
ce qu’elles nous veulent, elles mê-
lent avec séduction votre image à
un monde de fables, de rubans et
de fleurs. Rien que pour cette
phrase, on adorerait le vicomte l
il a mille autres trésors.
J’ai évité de parler de l'activité
religieuse de l’abbé Mugnier. D’au
tres le feront avec cette abondan
ce et cette adresse qu'ils mirent,
récemment, à tenter de démon
trer le conformisme de Gide, par
exemple. L’abbé Mugnier conver
tit Huysmans. pria au chevet de
Proust mourant, entendit les ulti
mes confidences, sinon la confes
sion, d’Anna de Noailles... Son
mérite fut de savoir être le prêtre
souhaité de ces grands nerveux,
de ces idéologues purs dont la
littérature fut et demeure le re
fuge. Il est plus difficile, peut-
être, de raisonner Sancho que
d’exalter l’imagination, de Qui
chotte.
La princesse Bibesco réchauffe
d’une flamme juvénile les cendres
de son illustre ami. Le commen
taire indispensable pour relier
entre eux billets et lettres échan
gés transforme l’ouvrage en un
vivant roman, celui du cœur de
Marthe — comme signe simple
ment et royalement Mme Bibes
co. Laissons-lui le mot de la fln :
Je vois fleurir les iris, les lilas, les
lis et les pivoines une seconde fois.
Cette résurrection printanière il
lustre et embaume tout le livre.
Lucien BRET.
(1) Plon, éditeur.
A quel hasard...
A quel hasard me prédestine
L’ébauche d’or à mots couvert»
Si tu chancelles à l’envers
D’un feuillage qui se mutine
Est-ce l’oiseau que je destins.
A la conquête des déserts
Quand se dissipe un univers.
Dans u n fleuve qui nous devins
le me divise désormais
Ma toute vivante à jamais
Neuve en ta masse de silence
Azur je me déforme azur
Au masque d’une survenance
Que tu relèves d’un doigt pu>r.
Claude RIVIERE.
Claude Rivière, neveu de Jac
ques Rivière et d'Alain Fournier,
vient d’écrire un très beau Chemin
de Croix. (Note de Louis Emié.)
HIVER
l’hiver un grand train de paresse
sur des horizons consumés
vols des oiseaux alourdis d oriflam-
[mes
où le tir s’opalise en quatuor-fum.ee
clocher basques de tuile s ^
veilleur d’i.ne autre année
mémoires endormies au ras des
[eaux fanée»
, mémoires incrustées d’os
de silex veinés
coffret d’ébène au cœur
améthyste opiacée
où l’étoffe de soie viendra se dé-
[chires
il
.. neige il neige autour
6 toi qui fu s un songe
ô toi qui fus l'été
ô toi qui fus la mer
où j’aurais navigué.
Robert PRADE.
NOUVELLES DES LETTRES
ET DES ARTS
• Marcel Jouhandeau, dont le nom a
été retenu pour le Prix des Ambassa
deurs. décerné à la fin du mois, va pu
blier prochainement deux nouveaux li
vres : Les Garçons et Portraits de Fa
mille. Son éditeur a déjà trouvé pour
ce dernier ouvrage la formule de la
bande publicitaire : « Jouhandeau pho
tographe ».
• Dans la collection reliée de l’édi-
teur Gallimard, ont paru récemment,
en tirage limité : La Française et la
France, de Jean Giraudoux, et le Livre
de mon Père et de ma Mère, de M.
Jouhandeau, maquette de Mario Pras-
slnos, 300 ex. sur alfa.
0 Georges Magnane, que viennent
d’interviewer les Lettres Françaises
(Régis Bergeron 10 mai), a publié der
nièrement Le Génie de Six Heures (Al
bin-Michel, éd.), roman sur les milieux
de Saint-Germain-des-Prés.
• Les deux premiers fascicules parus
du gros ouvrage sur La France, qui va
être édité par Larousse, sont consacrés
principalement au Limousin.
A l’occasion des fêtes de Bellac
Notre numéro de juillet?
sera consacré à la
MEMOIRE
de
Jean G RAUDOUX
(enquêtes et témoignages)
Mat 1951
Visages découverts , . Per—
Lucien BRET
TTTTTDATDP
m LL s Le LA X Le Ju
Les liens de naissance résistent aux hasards de la vie
Jean GIRAUDOUX
Rédaction : Amédée CARRIAT, à Saint-Vaury (Creuse) et Yvan Germain, à Bussière-Dunoise
DR L’INTELLECTUALISME PROUSTIEN
Un poème de
Yaneffe Deléta ng-Ta rd if
L'abbé MUGNIER
A suspicion à l’égard de l’in
telligence analytique se dé
gage-t-elle aussi incontes-
• tablement de l’œuvre qu’ils
erissent, pour les proustiens
aujourd’hui, que pour ceux d’au-
efois ? Il ne le semble pas ; on
insérait plutôt que s’est opéré
ce sujet un rajustement du
point de vue. Certes, on continue
s admirer dans le Temps perdu
là plongée dans les fonds obscurs
je la personnalité, mais on s’in-
- par André FERRE —
Au moment où M. Ch. Briand
s’apprête, dans son livre sur Le
Secret de Marcel Proust, à pu
blier des révélations retëntissan-
blier des
tes, nous
avon s cru bon de
presse aussi à la lumière que
auteur y fait pénétrer, et qui
st justement celle de l’analyse,
ne analyse seulement plus aiguë
t plus vraie que. celle des psycho-
Lues intellectualistes. On con
tinue à adhérer à sa vision de
icohérence humaine, de la
tradiction des tendances chez
demander un texte à M. André
Ferré, auteur déjà d’une Géogra
phie de Marcel Proust et com
mentateur, avec Pierre Clarac,
du Proust à paraître dans la
« Bibliothèque de la Pléiade ».
L’inédit ci-contre est extrait
d’un livre en préparation intitulé
La Leçon de Marcel Proust.
et qui nous apparaît désormais
comme l’œuvre d’une intelligence
-— -, — , aus moyens perfectionnés, et
meme être ; mais on est de- plus souverainement lucide. Car
u plus sensible au fait qu’in-
érences et contradictions nous
t rendues par lui compréhen-
es, de façon plus intimement
«faisante que ne l’était le
cept tout théorique de l’unité
Ividuelle. Ce moi déraisonna-
et illogique, il faut beaucoup
raison et une sévère méthode
r ‘atteindre tel, dans sa vé-
secrète, et pour en rendre
ceptibles à l’esprit les rouages
tils. Et s’il faut aussi beau-
p d’art pour l’exprimer, pour
ir dans les mots ce qu’il a
isaisissable, c’est un art qui se
fond avec la science dont il
ocède.
Ce qu’on appelait l’antiintellec-
lisme de Proust tient en som-
à une équivoque maintenant
sipée. On considérait le résul-
des investigations proustien-
en négligeant quelque peu les
icessus qui y avaient abouti, et
quels on est devenu plus at-
tif. On interprétait ainsi com-
une négation des pouvoirs de
raison, voire comme une apo-
le implicite de l’irrationnel,
qui condamnait seulement un
erficiel et faux rationalisme,
11 ne faut pas oublier que les mé-
canismes de l’inconscient nous
sont très consciemment mis à
jour, et qui plus est : expliqués.
Il a fallu, qu’on y songe, avec des
dons de clairvoyance exception
nels, une concentration extraor
dinaire de l’esprit, un effort qua
si-surhumain, pour descendre
dans sa propre âme jusqu’aux
enfers, en forcer les portes, s’y
orienter, et revenir enfin de cette
exploration ; pour remonter à
contre-courant le fleuve inexora
ble de la durée charriant l’oubli
à pleins bords, et y fixer le mi
roitement de reflets abolis ; en
fin pour composer avec toutes ces
prises insolites et souvent incon
grues arrachées aux ténèbres,
une œuvre lumineusement intelli
gible. (La même remarque vau
drait pour Bergson, qui a su
formuler en termes nécessaire
ment statiques la philosophie du
mouvant, et mettre les ressources
de l’analyse au service de l’inana
lysable intuition).
Par exemple, le fameux épisode
de la madeleine, au début de
Swann, disait surtout aux pre
miers lecteurs la primauté, sur
ARNET CRITIQUE
POESIE
Jean-Plerre ATTAL : Avant-pro-
(Dehresse). •— Un romantique qui
encore parler à la première per-
e. Un inquiet, un torturé qui ne
lent pas à se délivrer de son mes-
et tergiverse entre l’enthousiasme
dégoût. La poésie de M. Attal sait
1, écartés les symboles et ces aveux
puissance, couler avec une belle
tour d’images. — A. C.
■André BELLIVIER:: L’Ange chanta
I (îles de Lérins). — Rilkéenne est
pjration de M. Bellivier. C’est dire
tout lui est songe et cependant
snce, qu’il vit sur deux plans : rêve
alité, encore que le rêve l’emporte
apparence. Sa poésie ressemble à
«ir de douce corolle qui se perd au
" de la rose. Il y a chez lui des
aune fluide et lumineuse beauté :
en toi, tu es en moi, seuls sou»
la goutte de sang d»
1 sur nos cœurs. Nous assistons,
es beau recueil, au réveil d’une
su cœur de la nuit spirituelle,
‘usion vaincue, toute clownerie
— L. Bret.
Vean GUILLY : Chansons de lé-
et d’histoire (Debresse). — La
e de Gaston Picard nous apprend
M Guilly est viticulteur dans
ge. Sa poésie aime en effet avoir
andes assises terrestres et n’ente
le réel. En une cinquantaine
Mets très classiques, voici versi-
ts Grands faits de la légende et de
te, d’Orphée au « Pcurquoi-Pas »
rBant par Jeanne d’Arc, Christo-
omb et Mistral. C’est assez dire.
!Georges CHAPIER ! Le Grand
blanc (Crépin-Lebiond). — Es-
0 une introduction à l’œuvre
a“ et mystique de Wilfrid Lucas,
wn bolique. Qui, au cours de toute
la i ' a exprimé l'ascension de l’âme
e hors du chaos et dont le grand
, comprend : « Marie de Magda-
Les Cavaliers de Dieu »,
' "gile du Soir », etc. — L. Bret.
REVUES
• La Boita à Clous, no II. — Un
adieu à Gide, d’autres proses, des vers,
beaucoup de vers, de Guillaume, Mar-
kale, Durocher, etc.,, le tout d’une ex
cellente qualité. C’est à l’honneur des
animateurs, fort indépendants, de la
revue, qui voudraient secouer une jeu
nesse engluée dans son confort pares
seux. Un bel exemple de décentralisa
tion littéraire.
• Contemporains, no 4. — Lettres et
arts y ont la part belle : début d’un
roman croate de Miroslav Krleja, poè
mes de Victor Serge et de Robert
Edouard, chroniques de Marcel Arland
sur le naturel chez Mme de Sévigné et
de Clara Malraux sur Benjamin Cons
tant, réflexions de Paul Klee sur l’art
d’aujourd’hui, hommage à Gide (qu’il
est réconfortant de voir signé L. Mar-
tinChauffier). La politique également,
au sens non galvaudé du terme : Da
niel Guérin retrace l’historique du pro
blème noir aux Etats-Unis, problème de
venu de nos jours une véritable « ma
ladie mentale », J.-Michel Bloch propose
un « essai d’examen sans passion » de
la collaboration, Claude Aveline fait la
peinture de l’Espagne franquiste. Une
revue complète qui ne néglige aucune
des multiples activités de l’esprit et ap
porte dans l’information l’éclectisme
d’une revue de grande classe : poésie
(Cassou, Clancier), théâtre (E. Simon),
roman (Duvignaud), politique étrangère
(Martin-Chauffier), histoire (Edith Tho
mas), musique (J. Paublan), arts plas
tiques (Ragon). — A. C.
• Escales, no 54. — La revue de J.
Markale constituera plus tard une belle
anthologie. Bernard Jourdan a réuni ce
mois des traductions de la poésie pro
vençale contemporaine. Les noms con
nus de Philadelphe de Gerde, Sully-An
dré Peyre, Max Rouquette ; d’autres,
plus jeunes. Ce ne sont, bien sûr, que
des exemp.es, mais salutaires, d’une mo
derne réaction contre le passéisme dé
cevant de bien des pâles imitateurs de
Mistral. — A. C.
ROMANS
arcel JOUHANDEAU 1 L’Incroya-
asUrnee (Grasset, éd.). - « L'In-
n Journée » est un récit singu-
"Mteur cesse d’adhérer à l’évé-
aa" cours de la vie Quotidienne,
| lui e I s’en détache, projette de-
1er li œuvre et s’efforce d’en ex-
dénif quintessence. Les créatures,
é 8 et les anges qui l’ont tra-
spoQrmenté, ou bien enfiévré et
semblent lui laisser quelque
1 de s etres, qui étaient les occa-
H ou ses épreuves, de ses souffran-
assensiquerois de ses triomphes, il
| p0 e et les contemple d’un re-
de e serein. L’on sait qu’un
n jouhandeau n’est pas un ro
ui e chronique, mais plutôt un
tels—" me ou mieux un exercice
», les' Dans 4 L'Incroyable Jour-
iez, amille et une épreuves quoti-
lons 1 ttaient autant de commu-
su douloureuses avec les êtres,
ent an . ' Le passé se mêle sub
ie p. présent, et les créatures qui
slmm? marqué l’auteur apparais-
!, maanement, non point récon-
ère chacune à sa juste place :
Olzine Amoureuse, la Tracassière,
de ‘ a Bigote. Dans ces por-
ttieuseemines, l’auteur transcende
e, en ‘ r Pour atteindre une beauté
ise gere, toute frémissante de vie.
lysti. ordre psychologique, mo-
lu, als ou il s’était jusqu’alors
comesordre esthétique. Les singu-
fait sences de la vie et du rêve
’?es a araitre ensemble les per-
au ion drame, comme sur une
"rre consees ou le rideau tombe.
Le mois prochain :
Un poème de Jean FOLLAIN
Un conte de Paule LAVERGNE
la mémoire volontaire fruit de
l’application mentale, de cette
mémoire fortuite aux sources in
conscientes et comme purement
physiologiques, déclenchée par
une odeur, une saveur, qui resti
tue à l’âme tout un pan de passé
dans lequel la même sensation
se trouva jadis incluse, — et la
joie diffuse qu’engendre cette rê-
surrection. Il nous signifie au-
jourl’hul, autant et plus que cela,
l’effort spirituel insistant auquel
il faut se contraindre pour tirer
au clair le sens de tels messages,
pour arriver à atteindre, au detà
du vague élan affectif qui en
forme la donnée première et
dont la plupart des hommes se
contentent, les représentations
précises, objectives, communica
bles, qui le conditionnent. Rien
de plus tenace, de plus âprement
volontaire, de volontaire jusqu’à
épuisement des forces dans les
démarches dont elle procède, que
cette illustration de la mémoire
involontaire. Tout dans Proust
est de cet ordre ; tout y traduit
une contradiction résolue, une
impossibilité surmontée, un inex
primable exprimé, de l’inconnais-
sable découvert, de l’incompré
hensible expliqué ; tout y mar
que le triomphe de l’intelligence,
actif témoin, sur l’instinctif, le
grégaire, l’irrationnel, qu’elle
s’applique. à guetter, qu’elle tra
que et dont finalement elle réus
sit à faire sa proie, comme l’at
teste l’existence même du récit
proustien. S’il sait dépeindre son
aveuglement, c’est que sa lucidité
s’en est rendue maîtresse ; quand
il retrace ses hésitations, c’est en
étant bien assuré de son but, qui
est justement d’en restituer l’on
doiement ; la magique et floue
poésie des noms propres est expri
mée (au sens où l’on que s’ex
prime le jus d'un citron) jusqu’à
ce qu’elle distille un contenu pré
cis ; un regard froid scrute les
passions jadis éprouvées : elles
ne peuvent livrer leur secret qu’à
qui les a vécues, mais s’est
affranchi d’elles.
N’ayons garde non plus d’ou
blier ce thème qui court à tra
vers tout l’ouvrage jusqu’au début
du dernier tome, de la veulerie
du narrateur, de l’incurable pa
resse qui l’empêche de se mettre
à sa table de travail pour écrire
la grande œuvre par laquelle il
se sent sollicité : au moment où
veulerie ou paresse nous sont dé
crites, c’est par ce même narra
teur, qui, les contredisant, écrit
précisément ce livre, avec la vo
lonté que l’entreprise implique :
il a dû en même temps restituer
en lui cet état d’autrefois et le
dominer afin d’en rendre compte.
Comparable au comédien selon
le paradoxe de Diderot, qui joue
d’autant mieux le jeu de la sen
sibilité qu’il se rend plus fonciè
rement insensible, plus maître de
ses moyens, le philosophe qui est
en Proust reconstitue le désordre
de la vie mentale grâce à un
exceptionnel pouvoir d’ordonnan
cement, et perce à jour le sub
conscient avec toutes les ressour
ces d’une conscience anormale
ment aiguë.
L’une des grandes leçons don
nées par Proust, et qui s’oppose
quelque peu au message demandé
d’abord à son œuvre, c’est celle
de cet effort spirituel, où l’éner
gie a autant de part que la fines
se, pour pénétrer au delà des ap
parences et forcer leur secret,
faire rendre gorge à l’oubli, ré
duire l’insincérité sans ses der
niers retranchements, préciser le
flou, immobiliser le fugace, dé
masquer les mobiles travestis de
la conduite, maîtriser les mouve
ments de sensibilité dont on est
normalement l’objet ou l’esclave,
enfin, tâche rationnelle par
excellence, interpréter objective
ment les signes, dont les plus va
lables ne sont pas forcément les
plus évidents au commun des
mortels.
Yanette DELETANG-TARDIF. — Née à Roubaix
•ou» le signe des Gémeaux. Habite Neuilly-sur-Seine.
Critique littéraire à Vie Art Cité (Genève); collabore
à de nombreuses revues françaises et étrangères ; mem
bre du jury du prix Guillaume-Apollinaire ; sociétaire
de la Société des Gens de Lettres (1948) ; conférence»
en France et à l’étranger. Prix Mallarmé 1942, pour
Tenter de Vivre; prix Renée-Vivien 1950 pour Sept
Chants royaux. — (EWRES : Poésie : Eclats (A.
Quillet); Générer (id.) ; Vol des Oiseaux, (id.); Confi
dences des Iles (Corréa 1934); Briser n’est rien (Sa
gesse); L’Année poétique, 12 e cahier (Denoël) ; La
Colline (Debresse, 1936) ; Pressentiment de la Rose
(Debresse); Poèmes du Vitrier (Poètes); Tenter de
Vivre (Denoël, 1942); Sept Chants royaux, ill. de Sur-
vage (Ed. du Rond-Point, 1950). — Prose : EdéUina
ou les pouvoirs de la musique (Les Amis de Roche-
fort. 1943) ; Les Séquestrés, roman (La Table ronde.
1945); Edmond Jaloux, essai (id. 1947). — Traduc
tions : Poésies de Gœthe, en coll, avec Maurice Betz
(Emile-Paul, rééd. Albin-Michel); Poésies complètes de
Nietzsche, en coll. avec Paul Arnold (Presses littéraire»
de France).
« Un apport qui ne sacrifie rien de l'élément créateur
de la poésie la plus moderne, mais qui rattache celle-ci
à une forme française à la fois sculpturale et musicale. »
(Edmond Jaloux.)
Êe Retour Sternel
Je cherche par quel charme un unique visage
Reviendrait jusqu’à moi des sables de la nuit
Mais dans ces yeux perdus se forme mon naufrage
Et les ressusciter, à jamais me détruit.
Plainte des horizons, reine des paysages,
Beauté qui me torture, est-ce toi qui t’enfuis
Ou suis-je, sans te voir, leurré par tes sillages,
Au fond des soleils morts, celui que je poursuis ?
Il te faut des voyants, ma ténèbre de neige !
Je ne suis qu’un humain, lourd d’esprits animaux.
Orgueilleux altéré de ses grands sacrilèges.
Mais ton souffle a tremblé le long de mes tombeaux
Et je renais toujours, ô fidèle inconstance.
De tous ces traits de feu que signé ton absence.
Yanette DELETANG-TARDIF.
Sept. 1950.
me la princesse Bibesco est
catholique. Elle proclame
sa foi avec ferveur. Nous
l’envions sincèrement de
posséder une telle certitude d'éter
nité. Elle eut, à vrai dire, pour
guider ses premiers pas dans la
religion romaine, un célèbre et
fort habile directeur de conscien
ce : l’abbé Mugnier. Mme Bibesco
consacre, aujourd’hui, son vibrant
talent à la mémoire du cher prê
tre. Voici paru le tome premier de
La Vie d'une Amitié : 1911-1921
(1). Suivra un second volume,
allant de 1922 à 1944, année où
la mort mit un point terrestre-
ment final à un duo d’affectueuse
estime.
Nous contentant de vivre à
l’humble manière des animaux et
des plantes, sans inquiétude mé
taphysique, confiants dans la bon
ne nature, nous ne saurions for
muler la moindre opinion sur
l’orthodoxie et l’apostolat de l’ab
bé Mugnier. Nous aimons, cepen
dant, qu’il ait, au nez de quel
ques fanatiques, un peu parfois
senti le fagot. Et nous nous délec
tons de cette parole de brave hom
me : « Je dois croire à l’enfer.
Mais je pense qu’il n’y a per
sonne dedans. » Vivent les dog
mes que l’on peut aussi facile
ment adoucir ! Vive surtout l’ê
tre dont la tendresse se refuse à
condamner !
L’abbé Mugnier retient notre at
tention parce qu’il fut Limousin
et mêlé intimement à 50 ans de
littérature : l’époque des Huys-
mans, des Proust, des France, des
Barrés, des Anna de Noailles...
tout un classicisme, à nos yeux
du moins.
Arthur Mugnier naquit le 27
novembre 1853, à 8 heures du soir,
à Lubersac, dans la tour nord
du château. Il était fils d’un ar
chitecte et non d’un concierge
André FERRE.
CHROMOS DE LA BELLE EPOQUE
EES
N n’avait pas encore dit
aux jeunes : « Vous êtes
le sel de la terre ; vos
droits sont sacrés ; allez
et secouez le cocotier ». Au
contraire tout était mis en œu
vre pour faire comprendre aux
adolescents que, s’ils avaient
dépassé le stade de l’enfance,
ils n’étaient pas encore des
adultes et que la bienséance,
comme la raison, leur comman
daient. non l’effacement et la
subordination pure et simple,
mais la discrétion. Pour les
Jeunes filles, plus spécialement,
il s’agissait de faire d’elles des
personnes pleines de retenue, de
réserve. Défense d’attirer l’at
tention : ne te mets pas en ve-
dette ; surveille-toi ; n’impor-
tune personne. Tu n’es pas un
personnage, ne parle pas si
fort, ne gesticule pi
retourne pas dans h . .
ris pas à gorge déployée. Tiens-
toi droite, etc..., etc... Que d’in-
as ; ne te
a rue ; ne
terdictions ! Que d’interdictions
et de contraintes ! Jusqu’au cos
tume qui traduit le mot d'or
dre d’emprisonnement : cols
montants, corsets baleinés, ju
pes et jupons superposés, sou
liers à tiges, coiffure sans re
cherche ; et défense pour les
Jeunes filles de se friser si la
nature les a gratifiées de che
veux plats.
Défense aussi de se maquil
ler, de se parfumer. Seule, une
femme mariée a droit à un nua
ge de poudre de riz : blanche
Si elle est blonde, Rachel si el
le est brune. Dans la petits
ville où je me suis élevée, deux
femmes seulement retouchaient
avec les fards et les teintures
leur apparence naturelle : la
femme du Sénateur, une rous
se opulente inoubliable, et la
femme d’un magistrat, mort ré
cemment et devenu célèbre.
Leur passage embaumé
pour un peu, provoqué
troupement des gamins
sortie des classes ; et bien
fond on les admirât, les
mres avaient surnommé
eût,
l’at
à ia
qu’au
com
l’une
Mme Plâtre, l’autre Colombine.
Bien sûr, il n’était pas ques
tion de franchir la. moindre dis
tance sans chapeau et sans
gants. Seules, les plus humble:»
femmes sortaient, comme
disait, en « cheveux » et les
on
mains nues. En plein été, les
manches étaient longues et les
corsages montaient jusqu’aux
oreilles. A cause de la mode de
la peau blanche (on disait teint
de lys et de rose); l’ombrelle
était de rigueur et les dame»
qui allaient au bord de la mer,
non contentes de porter de tree
grands chapeaux, les entortil
laient d’immenses voilures au
HD EMOI S EL LE S
fond desquelles à peine aperce
vait-on leur visage.
Et que dire du langage des
Jeunes filles ? Plus il était châ
tié plus il paraissait séduisant.
L’argot n’avait pas encore droit
de cité. Mais pas du tout. Les
filles les plus osées disaient
« flûte * dans les moments d’im.
patience et « zut » si elles
étaient tout à fait exaspérées,
«t encore pas devant leurs pa
rents. Si on leur avait prédit
que leurs petites-filles diraient
en 1951 : « Y en a mare ! », ou
useraient d’un mot bien fran
çais pour exprimer leurs di
vers sentiments en variant tout
juste l’intonation ; qu’e.les
conjugueraient ce même mot
à tous les temps et à tous les
modes, bien sûr elles se se
raient trouvé mal.
On se trouvait mal à cette
époque, moins souvent qu’A
l’époque romantique ; mais en-
lin l'habitude n’en était pas
perdue. Je cois qu’elle a dispa
ru avec le corset les 48 centi
mètres de tour de taille. Une
jeune fille bien élevée ne sor
tait jamais seule. Sa mère ou
sa bonne l’escortait ; parfois la
bonne avait 15 ans et lu demoi
selle beaucoup plus.
Si un séduisant jeune hom
me demandait à une ravissan
te jeune fille : « Mademoiselle
Alice, comment trouvez-vous
mon nœud de cravate ? » Ma
demoiselle Alice répondait, mê
me si elle n’en pensait pas un
mot : « Adorable, monsieur
Ferdinand ». Tandis qu’aujour-
d’hui, si la ravissante jeune
fille est mal lunée, elle ré
pond : « Moche » ; et si elle est
bien lunée, entre deux bour-
fées de cigarette : « Au poil ».
Une jeune fille n’allait pas au
bal avant ses 18 ans révolus,
et le jour où elle faisait, com
me on disait, son entrée dans
le monde, était un événement.
Pour la première fois elle por
tait une robe longue, décolle
tée, à manches courtes. Aussi '
lui recommandait-on de bien se
laver. Ses père et mère l’ac
compagnaient après lui avoir
dit de ne jamais danser deux
fois de suite avec le même ca
valier, ni d’accepter plus de
nances était formel
et
trois invitations
Jeune homme.
Le cavalier —
d’un même
on ne disait
pas encore « le type » — no
yait se faire présenter à Mon
sieur, Madame et Mademoi
selle en bonne et due forme,
porter obligatoirement des
gants blancs et inviter aussi la
maman de mademoiselle. Ja
mais une jeune fille ne devait
accepter un cadeau d’un jeu
ne homme, même si elle était
sa fiancée ; le code des conve
point. .Certaines inventions n’a
valent pas encore vu le jour,
le système D par exemple qui
pousse l'usager à prendre son
bien où il le trouve. Par ail
leurs, cette malformation qu’on
appelle la bosse du respect,
bien qu’en régression, n’avait
pas encore tout à fait disparu
et on n'aurait jamais entendu
un jeune homme ou une jeune
fille appeler « vieille bique »
une femme ayant passé la tren
taine, ni vu un jeune homme
rester couvert, ou solidement
vissé sur son siège en présen
ce d’une femme.
Et quels étaient les divertis
sements de ces demoiselles ?
On commençait aux environs
de 1905 à jouer au tennis, en
Jupe longue, talons Louis XV,
canotier épinglé sur le chignon.
D’une main on retenait l’am
pleur de la jupe, de l’autre la
raquette. Cela amena la mode
de la chemisette de flanelle et
de la cravate régate. Les moins
hardies jouaient au croquet,
au volant, aux grâçes, entre
elles, bien entendu. Au lycée,
on introduisit des cours de
gymnastique avec un curieux
costume d’ordonnance en ser-
ge bleue marine, liseré " de
blanc, col marin (pourquoi col
marin mystère !) et longues
culottes bouffantes. De short,
de stade, de championnat, nul
le nouvelle vous pensez bien.
Toutefois les grandes émanci
pées montaient à bicyclettes.
Dans le domaine universitai
re, les filles n’avaient pas en
core accès aux diplômes ré-
servés aux garçons. Même au
lycée de filles on ne préparait
as le Bac, mais le Brevet et
e Brevet supérieur. Au delà,
on préparait l’entrée à l’école
de Fontenay-aux«oses ou de
Sèvres, pour devenir, si possi
ble, un professeur. Le profes
sorat étant la seule carrière
libérale ouverte aux femmes.
Il a fallu la guerre et l’entre-
deux guerrs pour voir les fem
me? accéder à toutes sortes de
carrières, par la force des cho
ses, et non pas système, comme
certains le croient.
Et celles qui n'avaient pas
H intention de gagner leur vie.
ou que la nécessité de le faire
ne pressait pas ? Leurs études
terminées, elles se mettaient en
devoir de préparer leur trous-
seau : 3 douzaines de chemises
de nuit et autant de pantalons
sans compter les jupons et les
camisoles. Marquer à leur chif-
ire 12 douzaines de draps, 1%
douzaines de torchons, 12 dou
zaines de mouchoirs et 6 servi
ces de table ; il y avait de quoi
faire.
On exécutait et on assemblait
des petits carrés de broderie et
de dentelle alternés pour en
composer des courte-poîntes
destinées à voiler de leur blan
cheur le lit nuptial. Il y fallait
trois ans, en travaillant plu
sieurs heures par jour. Comme
elle tirait l’aiguille, mademoi
selle rêvait ; elle entendait en
esprit les orgues de la parois
se bourdonner et flûter harmo
nieusement la marche nuptia
le de Mendelsshon et elle se
voyait vaporeuse et candide au
bras d’un beau garçon aux
moustaches à la Gauloise, à
l'uniforme rutilant. Les beaux
partis se recrutaient dans les
armées de terre et de mer. En
core fallait-il pouvoir doter les
demoiselles : 1.500 fr. pour un
gendarme : 1.800 francs pour
un adjudant ; 10.000 francs
pour un lieutenant ; 15.000 fr.
pour un capitaine, sinon le
chef hiérarchique du militaire
eut refusé son
consentement.
indispensable
À la campagne, la dot s’éva
luait en vaches :
ne six vaches
: « On lui don
douze vaches.
vingt vaches ; c’est un gros do
maine ». Quand une jeune fil
le riche passait, si elle était
belle, après avoir loué ses at
traits, on disait : « Et vous sa
vez ! elle a le sac » ; si elle
était laide, après avoir consta
té sa disgrâce, on s’écriait :
« Mais elle a le sac ». Autour
au sac comme autour des va-
ches
mes
tite
fois
peu
« II
se jouaient de grands dra-
de famille. Dans notre pe
ville, nous croisions par-
un vieux gentilhomme un
étrange 'dont on disait :
a toujours été original, il
a fait un mariage d’amour ».
Ce qui signifiait : « Il a épou
sé une fille pauvre ». Et on
ajoutait : « Sa mère a failli en
mourir ! » En dépit du titre lé
gitime de comtesse que portait
la femme de ce vieux monsieur,
en ne consentait pas de le lui
donner, tant le menu peuple
lui-même réprouvait les mésal
liances. On s’entêtait à l’appe
ler de son prénom, jugé d’ail
leurs inconvenant : « Violet
te ». On se prénommait plus
couramment Clotilde,
ne, Adèle ou Anaïs.
Les demoiselles de
Victori-
la Belle
Epoque avaient vraiment de
belles manières en ce sens qu’il
n’y a pas d’harmonie sans me
sure, ni de mesure sans con
trainte. Parfois aussi elles fai
saient des manières et cela ne
déplaisait pas. Maintenant,
«taient-elles toutes de petites
saintes ? Ça c’est un autre cha
pitre. et non des moins ci;,
rieux.
Marie-Louise PEYRAT.
Man a ESSAIS
taq deELLONCI : Lucrèce Bor-
, - p.adeleine Vaussard (Plon,
. étia ant pour thème central
—Belon— a fille d’Alexandre VI,
In des 4 a pas hésité à revenir
2us folie 8 les plus attirants et
qlaissances par les historiens de
sde recsece italienne. Après huit
fuBulte , es méticuleuses, il en
" exactit. ouvrage passionnant,
ADe vie 9 historique scrupuleuse
eoDstre de raordinaire. Ce n’est ni
" Hugo uxure et de cruauté de
W 8 Chaz. , Borgia très divine
,1Mais ur” chère à Pierre de No-
et =lemme cultivée, élégan-
K Dlan aportée malgré sa volonté
.histoire qui revit. Mme
Adées auton Style et la richesse de
1 persoran que par l’attraction
t Jugemeage, a mérité pour son
1 8i ypnt de Massimo Bontem-
I de mourope savait lire, ce l iv re
r^toenne acquerrait une renom-
Jean-Marie Desse-
E milieu de siècle, engoué de
chasses spirituelles, sem-
ble être en proie au
prurit de la restitution. On
se rappelle comment M. Lafuma a
repris à Pascal son célèbre Discours
eur lés Passions de l’Amour. Voici
qu’aujourd’hui M. Henry Poulaille
attribue à Corneille lia paternité
véritable du Tartuffe (I).
La thèse n’est pas originale. Pier
re Louys déjà la soutint il y a une
trentaine d’années, mais d’avoir au
paravant joué les bergers Guillot,
avec la fameuse supercherie des
Chansons de Bilitis dressa d'un
bloc contre lui l’armée des érudits
naguère mystifiés.
Elle n’en est pas moins auda
cieuse. Elle heurte même assez, de
prime abord, la confortable sécurité
de nos préjugés. « J’aime mieux,
disait Jean-Jacques, être un homme
à paradoxe qu un homme à préju
gés. » Certes. Mais la chose va ra
rement sans risques. M. Poulaille
pourrait bien l’éprouver si le ren
fort qu’il nous promet (2) n’a pas
la puissance offensive voulue. Tel
quel pourtant ce Tartuffe, présenté
et refondu par ses soins, mérite at
tention et porte aux dogmes de l’his
toire littéraire de sensibles coups de
boutoir.
Tartuffe de Pierre Corneille. Sur
quelles raisons M. Poulaille appuie-
t-il son affirmation ? Sur celle-ci
d’abord, qui peut évidemment au-
toriser toutes suppositions : que
l’on ne sait rien de la vie de Mo
lière jusqu'à sa rencontre à Rouen
de Corneille en 1658, rien non plus
de ses écrits auxquels personne ne
l’a vu travailler' et dont aucun ne
nous est connu. Mais l’observation
vaudrait tout aussi bien pour le
Barbouillé ou Le Médecin malgré
lui... En voici donc d’autres plu»
«érieuses. Le Tartuffe qui nous est
connu n’est pas la version originale.
La pièce authentique, le vrai Tar
tuffe, ce n’est nas l’Imposteur de
1667 ou de 1669, c’est l’Hypocrite
PLUIHES ET EIVR.ES par Amédée Carrial
TARTUFFE, par Pierre CORNEILLE
joué en trois actes à Versailles, le
12 mai 1644. On sait quelles cabale»
entraînèrent les avatars de la pièce.
Ce qu’on ignore malheureusement
c’est ce qui motiva de telles cabale»
« Comment était conçu le Tartuffe
de 1664 ? Il est impossible de le sa
voir » écrit Gustave Michaut dan»
l’édition en onze volumes des Œu
vres Complètes de Molière que vient
de publier l'Imprimerie Nationale
li faut qu'il ait différé profondé
ment du Tartuffe définitif pour
avoir été combattu avec tant d’âpre
té I
Il faut que le Tartuffe primitif ait
été bien édulcoré pour avoir eu
•ous sa forme seconde 80 représen
tations du vivant de son « auteur »!
(3). D’où M. Henry Poulaille con
clut au'il a subi entre temps un
véritable replâtrage qui a non seu
lement allongé les deux actes du
premier Tartuffe, mais de plus mo
difié complètement la moralité de
la pièce. Après Michelet et Schle-
gel, après G. Michaut lui-même. qui
fut certainement l’érudit moliéres-
nue le plus averti, M. Poulaille af
firme que Tartuffe était complet en
3 actes, et. fort d’une appréciation
de Boileau qui dit que le dénoue
ment en était tragique, assure que
la part de Molière dan» la pièce en
5 actes a consisté uniquement à la
farcir d'intermèdes et d’effets de
théâtre propres à diluer l'amer
breuvage, à déviriliser le premier
Tartuffe. Ces additions inoffensives,
ce sont, aux dires de M. Poulaille
la moitié d'un acte de dépit amou-
reux, le dernier acte in extenso, et
quelques scènes comme celle, par
exemple, de la cassette... Et, qui
«ait s'il ne fut pas, de surcroît, ex
purgé des passages les plus auda
cieux ?
M. Henry Poulaille, séparant l’i
vraie du bon grain, a tenté de re
constituer le Tartuffe, tel qu’il fut
présenté en 1664, un Tartuffe en 3
actes qui a retrouvé en même temps
« son caractère satirique et sa mo
ralité cruelle. son déroulement lo
gique parfait. » L’on ne manquera
pas de crier à la mutilation, mais
dit M. Poulaille « nous n'avons
mutilé le texte, nous n’avons
f ias
eit
que le dégager d’un contexte, tout
entier de recollage qui le dévirili-
•ait en le dénaturant dans ]a forme
et dans l'esprit. » La pièce, en ef
fet, y gagne une densité, une vi
gueur, une perfection sans bavures
qui confondront les esprits les plus
prévenus.
Plus même : M. Poulaille a re
constitué deux personnages, selon
lui recomposés en même temps que
la pièce : Dorine et Cléante. Do
rine usé d’un assez invraisembla
ble langage qui est tantôt celui
d’une servante, tantôt celui d’une
dame de compagnie. Pour grossir
après coup le rôle de Dorine, Mo
lière aurait repris à Cléante une par
tie de son rôle, supposition qui ex
plique pourquoi, dans la version
que donne de la pièce M. Poulaille,
l’on trouve après les cinquante pre
miers vers une tirade signée Géante
que nous avons accoutumé de tfou-
ver dans la bouche de Dorine, aux
vers 325-330...
Bien, dira-t-on, admettons que ce
•oit là le Tartuffe authentique, ad
mettons que le Tartuffe de 1667 ait
été un replâtrage... Mais M. Pou
laille ne s’aventure-t-il pas dange
reusement quand il écrit : « C’est
uniquement le» vers du vrai poète,
les vers de Pierfe Corneille qui
composent le texte présent » ?
Qu’est-ce qui nous prouve qu’il»
•ont de Corneille plutôt que de Mo
lière, fort capable d’écrire des œu
vres fortes, à preuve Dom Juan et
Le Misanthrope ?...
C'est ici que M. Poulaille argue
de la dualité d’écriture du 1 artuffi
et de cette fameuse préface de 1669
qui ne serait qu'un truquage de la
préface de 1664. On sent, ici et là,
dit M. Poulaille la nette marque de
Corneille. Et d’épingler, entre au
tres, ces vers, par exemple, qui
semblent bien en effet du Corneille
*t du meilleur :
Sauvez-moi du tourment d’être fl
ce que j’abhorre — Et ne me por
tez point à quelque désespoir — En
vous servant sur moi de tout votre
pouvoir.
ou bien encore cette ébauche, rien
moins qu’admirable,
Mon père, au nom du ciel qti
connaît ma douleur...
Mais il faudrait citer à longueur
dé page et je renvoie au livre même
de M. Poulaille dans lequel on
trouvera la nette discrimination en
tre les beaux vers rendus à Corneille
et la partie postiche «ignée Molière.
Il apparaît bien, en effet, disposé»
tel». qu'il y a incompatibilité entre
les uns et les autres et l’argumens
semble de poids.
Une objection encore qu’on ne
manquera pas de faire. Pourquoi
Corneille n a-t-il pas signé de son
nom le Tartuffe ? Là bien sûr, le»
raisons de cette attitude nous échap
pent. Molière a représenté onze
pièces signées Corneille.- Que s'est-
il passé a propos du Tartuffe ? On
a dit que c’était un Polyeucte à
rebours, et Brunetière, quand il
écrit : « Pour comprendre tout à
fait Polyeucte, il faut songer à Tar
tuffe » ne tient-il pas déjà une ex
trémité du fil d’Ariane ? Corneille,
désireux de proposer à la réflexion
de se» contemporains le problème
de la feinte sainteté, aurait écrit
cette âpre satire, en se gardant
bien, sachant les dangers encourus,
de la signer. Moliere l'aurait ac-
ceptée de confiance, sans en ap
profondir le sens véritablement
scandaleux... C’est hasardeux, bien
sûr, comme hypothèse, mais un au
tre argument vient la renforcer t
la pauvreté de Corneille à l’époque
du Tartuffe. Venu habiter à Paris
en 1662, il lui fallut, outre les frais
de déménagement faire, face à une
quantité de dépenses nouvelles
Lanson les résume assez bien
« A Paris, il fallut payer le loyer et
tout prendre aux marchands contre
argent. Puis c’était le moment où il
venait de donner une dot à sa fille
Marie, qu'il avait établie l’année
précédente ; et il avait dû se sai-
ner un peu pour la bien établir,
es autres enfants grandissaient :
en 1664, Pierre entre au service, il
fallut l'y faire subsister décemment.
Il faudra bientôt lui acheter une
Compagnie : c’est une grosse som-
me. pas moins de 9 à 10.000 livres.
Il faut entretenir le second fils, pa-
Île de la duchesse de Nemours ; il
âut payer pension pour Thomas,
qui est au couvent, attendant un
bénéfice lent à venir. Il faut payer
pension pour Charles qui est au
collège. Enfin, il faut payer pour
Marguerite, qui est déjà, en 1662,
au couvent du faubourg Cauchoi
se... » Corneille n'est pas dans la
misère à proprement parler, mais
cette gêne passagère peut fort bien
l’avoir condamné à être, provisoi
rement le « nègre » de Molière.
Voilà, en gros, les arguments dé
veloppés par M. Henry Poulaille.
Je ne dis pas qu’ils apportent des
preuves irrécusables. Ce ne sont,
bien sûr, que des conjectures, mais
la chose est assez plausible pour
qu’on lui porte attention.
Nous attendons la seconde offen
sive de M. Poulaille pour savoir si
nous devons rayer de notre histoire
littéraire le nom du plus grand écri-
vain comique de tous les temps.
Amédée CARRIAT.
(I) Pierre Corneille : Tartuffe
ou la Comédie de l’Hypocrite, pré
facée et présentée par Henry Pou
laille (Amiot-Dumont).
(2) Corneille sous le masque de
Molière (à paraître).
(3) Alors que le Misanthrope n’en
eut que 57, l'A vare 46, le Bour
geois Gentilhomme 48, les Femmes
savantes 24, Dom Juan 15 !... Il est
vrai que les records sont détenus
par le Cocu imaginaire (120), l’Ecole
des Maris (109), les Fâcheux (94)
et Psyché (82).
au service du marquis de Luber
sac. Mme Bibesco le précise. Nous
n’avons aucune injuste préven
tion contre les concierges, mais,
puisque l’on a voulu rabaisser le
petit abbé en lui prêtant cette
origine modeste, rétablissons la
vérité. Entre nous, de concierge à
architecte, au regard d’un grand
seigneur vaniteux, la différence
est, sans doute, celle qui distin
gue à peine un trivial balai d’une
vulgaire truelle. Quoi qu’il en soit,
l'abbé Mugnier, pénétrant dans
l’aristocratie de plume et castes,
sut imposer sa personnalité et
laissa à d’autres le bas bout de
la table. Il n’a rien d’un beso
gneux et sa miséricorde (elle naît
ici de la pitié pour la faiblesse
d’autrui) s’abrite sous le bouclier
d’un esprit à la Voltaire... Je ne
sais pourquoi le diable me pous
se à rapprocher l’abbé Mugnier
de l’abbé Jérôme Coignard —
moins l’embonpoint et certaine
propension digne de Pangloss, le
quel mettait, on s’en souvient, un
empressement très respectueux à
replacer les bouquets d’hyacin
thes que les jeunes filles laissaient
tomber de leur sein. Pour le res-
te, comme Jérôme Coignard, l’ab
bé Mugnier aimait le jeu élégant
et subtil de la pensée, la recher
che du vrai, du beau et du bien.
Qui s’étonnerait de voir platoni
cien un érudit capable de traduire
le grec à livre ouvert et de rap
peler, fort à propos, le rôle an
cien que se donna l’Eglise conser
vatrice des vieux textes, sans ou
blier la bénédiction qu’elle accor
de aux lettres ?
Un commun amour unissait
Mme Bibesco et l’abbé : celui de
Chateaubriand. La princesse a
donné son cœur à l’auteur de
« René », alors qu’elle était tout
juste une de ces éphèbes de 13 à
14 ans, les plus périlleuses, car ne
sachant ni ce qu’elles veulent ni
ce qu’elles nous veulent, elles mê-
lent avec séduction votre image à
un monde de fables, de rubans et
de fleurs. Rien que pour cette
phrase, on adorerait le vicomte l
il a mille autres trésors.
J’ai évité de parler de l'activité
religieuse de l’abbé Mugnier. D’au
tres le feront avec cette abondan
ce et cette adresse qu'ils mirent,
récemment, à tenter de démon
trer le conformisme de Gide, par
exemple. L’abbé Mugnier conver
tit Huysmans. pria au chevet de
Proust mourant, entendit les ulti
mes confidences, sinon la confes
sion, d’Anna de Noailles... Son
mérite fut de savoir être le prêtre
souhaité de ces grands nerveux,
de ces idéologues purs dont la
littérature fut et demeure le re
fuge. Il est plus difficile, peut-
être, de raisonner Sancho que
d’exalter l’imagination, de Qui
chotte.
La princesse Bibesco réchauffe
d’une flamme juvénile les cendres
de son illustre ami. Le commen
taire indispensable pour relier
entre eux billets et lettres échan
gés transforme l’ouvrage en un
vivant roman, celui du cœur de
Marthe — comme signe simple
ment et royalement Mme Bibes
co. Laissons-lui le mot de la fln :
Je vois fleurir les iris, les lilas, les
lis et les pivoines une seconde fois.
Cette résurrection printanière il
lustre et embaume tout le livre.
Lucien BRET.
(1) Plon, éditeur.
A quel hasard...
A quel hasard me prédestine
L’ébauche d’or à mots couvert»
Si tu chancelles à l’envers
D’un feuillage qui se mutine
Est-ce l’oiseau que je destins.
A la conquête des déserts
Quand se dissipe un univers.
Dans u n fleuve qui nous devins
le me divise désormais
Ma toute vivante à jamais
Neuve en ta masse de silence
Azur je me déforme azur
Au masque d’une survenance
Que tu relèves d’un doigt pu>r.
Claude RIVIERE.
Claude Rivière, neveu de Jac
ques Rivière et d'Alain Fournier,
vient d’écrire un très beau Chemin
de Croix. (Note de Louis Emié.)
HIVER
l’hiver un grand train de paresse
sur des horizons consumés
vols des oiseaux alourdis d oriflam-
[mes
où le tir s’opalise en quatuor-fum.ee
clocher basques de tuile s ^
veilleur d’i.ne autre année
mémoires endormies au ras des
[eaux fanée»
, mémoires incrustées d’os
de silex veinés
coffret d’ébène au cœur
améthyste opiacée
où l’étoffe de soie viendra se dé-
[chires
il
.. neige il neige autour
6 toi qui fu s un songe
ô toi qui fus l'été
ô toi qui fus la mer
où j’aurais navigué.
Robert PRADE.
NOUVELLES DES LETTRES
ET DES ARTS
• Marcel Jouhandeau, dont le nom a
été retenu pour le Prix des Ambassa
deurs. décerné à la fin du mois, va pu
blier prochainement deux nouveaux li
vres : Les Garçons et Portraits de Fa
mille. Son éditeur a déjà trouvé pour
ce dernier ouvrage la formule de la
bande publicitaire : « Jouhandeau pho
tographe ».
• Dans la collection reliée de l’édi-
teur Gallimard, ont paru récemment,
en tirage limité : La Française et la
France, de Jean Giraudoux, et le Livre
de mon Père et de ma Mère, de M.
Jouhandeau, maquette de Mario Pras-
slnos, 300 ex. sur alfa.
0 Georges Magnane, que viennent
d’interviewer les Lettres Françaises
(Régis Bergeron 10 mai), a publié der
nièrement Le Génie de Six Heures (Al
bin-Michel, éd.), roman sur les milieux
de Saint-Germain-des-Prés.
• Les deux premiers fascicules parus
du gros ouvrage sur La France, qui va
être édité par Larousse, sont consacrés
principalement au Limousin.
A l’occasion des fêtes de Bellac
Notre numéro de juillet?
sera consacré à la
MEMOIRE
de
Jean G RAUDOUX
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