À propos de l'œuvre

 

En 1762, Rousseau fait paraître Du Contrat social et Émile ou De l’éducation, ces deux traités cherchent à concilier nature (l’homme serait naturellement bon) et civilisation (qui serait synonyme de perversion), le premier au sein de la société, le second au sein de l’individu.

« Les folâtres jeux sont les premiers cuisiniers du monde »

Un traité d’éducation naturelle

Partant du postulat que l’homme naît bon mais est perverti par la société, Rousseau propose une formation où l’éducateur offre à l’enfant la possibilité de découvrir par lui-même, au contact de la nature, les voies qui conduisent à la raison et à la conscience morale. Il donne la primauté à l’expérience et à l’observation sur les livres, et prescrit le travail manuel et les exercices physiques. Le seul livre donné au jeune Émile est Robinson Crusoé de Daniel Defoe, que Rousseau considère comme « le plus heureux traité d’éducation naturelle ». Naufragé sur une île déserte, Robinson fait l’épreuve de la solitude et du dénuement. Il découvre que la simplicité élémentaire peut suffire au bonheur d’un homme s’il fait l’effort d’apprendre à se servir de ses mains, et fait l’expérience de la bienfaisance divine.
Émile ou De l’éducation suit la formation de l'enfant, de ses premières années où la nature doit être respectée (liv. I), à la découverte d'une raison sensitive ou puérile (liv. II), de la raison abstraite (liv. III) à la révélation des liens sociaux, amoureux et religieux (liv. IV). Le dernier livre traite de l’éducation des filles à partir du cas de Sophie, éduquée pour devenir l’épouse idéale d’Émile. Elle est même cantonnée à ce rôle, Rousseau considérant les femmes inférieures du point de vue intellectuel aux hommes : « La recherche des vérités abstraites et spéculatives, des principes, des axiomes dans les sciences, tout ce qui tend à généraliser les idées n’est point du ressort des femmes, leurs études doivent se rapporter toutes à la pratique […] quant aux ouvrages de génie, ils passent leur portée ; elles n’ont pas non plus assez de justesse et d’attention pour réussir aux sciences exactes. »

« Voilà la règle de la nature, pourquoi la contrariez-vous ? »

La découverte de l’enfance

Avec l’Émile, Rousseau est un des premiers à considérer l’élève comme un « enfant » et non un adulte en miniature : « On ne connaît point l’enfance : sur les fausses idées qu’on en a, plus on va, plus on s’égare. Les plus sages s’attachent à ce qu’il importe aux hommes de savoir, sans considérer ce que les enfants sont en état d’apprendre. Ils cherchent toujours l’homme dans l’enfant, sans penser à ce qu’il est avant que d’être homme. […] Commencez donc pas mieux étudier vos élèves ; cas très assurément vous ne les connaissez point. » (Préface)
Contrairement aux préceptes de l’époque qui confine les nourrissons à l’intérieur et les emmaillotent étroitement pour les protéger, Rousseau prône l’absence de maillot (la bande d’étoffe qui maintient les bras le long du corps et les jambes tendues) et la vie au grand air, ainsi que l’allaitement maternel pour favoriser l’attachement entre la mère et l’enfant. Il faut rappeler qu’au XVIIIe siècle, et encore au XIXe, les enfants étaient confiés à des nourrices puis, pour les bonnes familles, à des précepteurs. Les parents se chargeaient fort peu de leur éducation.
Rousseau sera érigé en père de l’éducation moderne par les pédagogues du XIXe siècle et occupe une place centrale dans la reconstitution de l'histoire de l’enfance, dont un des spécialistes est Philippe Ariès.

Émile et le vicaire savoyard

La profession du vicaire savoyard

L’avant-dernier livre de l’Émile est consacré aux relations aux autres et par-là même à l’éducation morale et religieuse. C’est dans ce cadre que s’insère la Profession de foi du vicaire savoyard, depuis publiée le plus souvent indépendamment. Rousseau dit dans les Confessions s’être inspiré d’un précepteur qu’il a connu, M. Gaime, pour créer le personnage du vicaire. Par son entremise, Rousseau affirme l’existence de Dieu tout en rejetant les dogmes ecclésiastiques. Aux religions révélées, il oppose une religion naturelle, dont chacun peut faire l’expérience en soi ; aux miracles la preuve du sentiment : « le culte essentiel est celui du cœur ». Les autorités religieuses, catholiques comme réformées, à Paris comme à Genève, condamnent le texte à être lacéré et brûlé. Mais de nombreuses éditions clandestines et des contrefaçons circulent à travers toute l’Europe.