Jugements et critiques

Notre-Dame de Paris

Jules Michelet

« Comment compter nos belles églises du treizième siècle ? Je voulais du moins parler de Notre-Dame de Paris. Mais quelqu’un a marqué ce monument d’une telle griffe de lion, que personne désormais ne se hasardera d’y toucher. C’est sa chose désormais, c’est son fief ; c’est le majorat de Quasimodo. Il a bâti, à côté de la vieille cathédrale, une cathédrale de poésie, aussi ferme que les fondements de l’autre, aussi haute que ses tours. »
(Histoire de France, IV, 8)
 

Sainte-Beuve

« Vous rappelez-vous ce soir où je vous priais de nous dire si l’âme de la Esmeralda était sauvée ? Voici ce que j’entendais par là : à une époque encore catholique (quoique Luther fût déjà né), avec le dogme de l’enfer et les foudres de l’excommunication ; à une époque encore féodale (quoique Louis XI y portât déjà la cognée), avec la guerre, la violence, et Montfaucon ; vous nous avez peint surtout le côté violent, sombre, déchirant, la face lugubre du catholicisme et par laquelle il touchait à la société brutale du dehors ; le bûcher, la haine de l’hérétique et du maudit, vis à vis du gibet et de la guerre à mort de Louis XI contre les seigneurs ; ceci est bien ; mais n’aurait-il pas fallu pour compléter le tableau, pour illuminer d’en haut l’action, y faire luire le flambeau de foi qui n’était pas éteint alors, l’idée de cette vie éternelle à laquelle tous croyaient ; nous montrer cette espérance consolante du paradis et de la cité de Dieu, non pas en votre propre nom, mais dans les bouches et dans les vœux d’agonie de vos personnages ? En ce sens, je comprends que M. de Lamennais vous ait reproché de n’avoir pas été assez catholique. »
(Lettre à Victor Hugo, 14 avril 1831)
 

Goethe

« J’ai lu, ces jours derniers, Notre-Dame de Paris, et j’ai dû m’armer d’une bonne dose de patience pour supporter les tourments que m’infligea cette lecture. C’est le livre le plus abominable qui ait jamais été écrit. Encore le supplice qu’on endure n’est-il nullement contrebalancé par la joie qu’on pourrait ressentir à la vue de quelque trait véridique de la nature humaine, de quelque caractère humain. Son livre est au contraire sans naturel et sans vérité. Ses soi-disant personnages ne sont pas des hommes en chair et en os, mais de pauvres marionnettes en bois que l’auteur remue à son gré, en leur faisant faire toutes sortes de contorsions et de grimaces en vue d’obtenir l’effet qu’il se propose. Quelle drôle d’époque, où non seulement un livre pareil est possible mais où on le trouve supportable et même divertissant ! »
(Conversations de Goethe avec Eckermann, 27 juin 1831)
 

Flaubert

« Quelle belle chose que Notre-Dame ! J’en ai relu dernièrement trois chapitres, le sac des Truands entre autres. C’est cela qui est fort ! Je crois que le plus grand caractère du génie est, avant tout, la force. »
(Lettre à Louise Colet, 15 juillet 1853 ; Flaubert, Correspondance, éd. Jean Bruneau, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. II, 1980, p. 385)