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6 décembre 1905 : l'adoption de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat vue par la presse

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Le 6 décembre 1905, par 181 voix contre 102, le Sénat adopte la loi de séparation des Églises et de l'État. Elle proclame la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et met fin au Concordat napoléonien de 1801. Comme la population, la presse est divisée face à ce changement.

Séparation de l’Eglise et de l’Etat :… Et M. Bienvenu-Martin continue toujours avec beaucoup de Briand son opération chirurgicale (Charles Léandre)

Une partie des journaux adopte une position de neutralité. La Justice se contente de reproduire le texte intégral de la loi tandis que Le Constitutionnel souligne qu’il faut maintenant appliquer la loi et que « ce ne sera pas une petite question ». Le Journal, pragmatique, considère que « ce qui intéresse les lecteurs n’est plus la discussion théorique d’un texte vu et revu, mais son application pratique ». Le Petit Parisien, prudent, invite le gouvernement à tenir compte de modération dans l’exécution de la loi. Le Rappel invite de son côté « tous les gens de bon sens à faire en sorte que la séparation soit simplement… la séparation. »

D’autres journaux sont plus enthousiastes vis-à-vis de cette loi. Dans Le Siècle, Jules Cornély relève ainsi que l’Eglise et la République ayant vécu « comme chien et chat » depuis 35 ans, cette loi constitue évidemment un progrès. L’Humanité souligne qu’il s’agit d’une « date historique de premier ordre dans l’évolution de la démocratie française » et Le Matin évoque « un vote des plus importants qu’aura à enregistrer l’histoire de la IIIème République ». Le Radical cite Emile Combes qui « définit la nouvelle loi en l’appelant une loi de liberté, de paix sociale et d’affranchissement moral ». L’Aurore moque de son côté les « ordinaires lamentations » papales tout en soulignant un « changement qui, pour être attendu depuis longtemps, n’en garde pas moins tout le vif d’une rupture ». Gil Blas s’en prend aux prêtres qui « étaient d'un autre âge [et], désormais, seront de leur temps, de leur temps et de leur pays ». La Lanterne va plus loin en s’exclamant « à bas l’Eglise, et vive la République ! ».


Emile Combes, Agence Rol, 1914

Dans le camp opposé, La Croix s’essaie à l’humour en suggérant au lecteur, maintenant séparé, que, sans doute, sa femme a déjà meilleur caractère et que son haricot de mouton est mieux réussi… Et si Le Temps critique la loi, il invite cependant « tous les bons Français [à] s’incliner et obéir ». La Presse regrette « l’entente entre les Eglises et l’Etat [qui] est encore le meilleur moyen que l’on ait inventé jusqu’ici de faire vivre en paix les deux pouvoirs ». Le Journal des débats politiques et littéraires se désole que le Sénat ait voté « une loi mal faite, sachant qu’elle était mal faite […] pour continuer demain la guerre religieuse ». Le Figaro évoque également le projet de « déchristianiser la France » qui se cache derrière cette loi « si hâtivement et si légèrement fabriquée ». Le Gaulois redoute « le commencement d’une situation pleine de dangers et de grosses difficultés » alors que L’Ouest-éclair craint une nouvelle période de guerre religieuse du fait d’une loi créée sans la collaboration de l’Eglise. L’Echo de Paris parle d’une « loi de guerre et de persécution », d’une « loi d’oppression et de persécution contre des millions de catholiques français » et L’Univers demande à « Dieu d’épargner au pays les maux que le gouvernement provoque par cette apostasie officielle ».

La loi, promulguée le 9 décembre et publiée au Journal officiel le 11 décembre, entre en vigueur le 1er janvier 1906. Son application suscitera des remous pendant encore de nombreuses années…

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