JURISPRUDENCE DE LA COUR DE CASSATION. ":), 1-
CASS.-CRnl. 3 août 1912.
)1 ELECTRICITÉ, APPRÉHENSION. APPRO-
BATION (Rép., va Vol, n. 43 et s.; Pand.
1p., eod. verb., n. 136 et s.).
llectricité, livrée par celui qui la produit
à l'abonné qui la reçoit pour l'utiliser, passe,
par l'effet d'une transmission qui peut être
matériellement constatée, de lapossession du
premier dans celle du second; dès lors, elle
doit être considérée comme une « chose *, aM
sens de l'art. 379, C.pén. (1) (C. pén., 379).
Et ['fl/Tèl, qui constate un fait direct, à
l'aide duquel le prévenu s'est approprié
une certaine quantité d'énergie électrique
contre la volonté £Ill producteur, relève ainsi
les éléments de la soustraction fraudu-
leuse (2) (Id.).
(2) C'est la première fois que la Cour de
etion est appelée à se'prononcer sur le vol
é.'ricite. Jusqu'à présent, cette question n'avait
«Î lieu qu'à des décisions de Cours d'appel ou
ibunaux, qui avaient appliqué l'art. 379,
h, V. Toulouse, 7 juin et 3 juill. 1901 (S. et
1)02.2.185; Pand. pér., 1903.2.302 et 188);
iprr.de Nantua, 7 mars 1903 (S. et P. 1904.
I ); Nancy, 13 juill. 1904 (S. et P. 1904.2.304 ;
ii pér., 1905.2.87); Trib. corr. de Toulouse,
W. 1010 (S. et P. 1911.2.28; Pand. pér.,
li!.28), V. en sens divers les autorités citées
c'a note sous les arrêts précités de la Cour de
mise. Adde, dans le sens de l'application des
ii; du vol :en France, Garraud, Tr. du d,'. pén.
, éd., t. 5, p. 383, n. 2090; Pilon, Le problème
kjue de l'électî-icité (Rev. trim. de dr. civ.,190-1,
D s.) ; à l'étranger : C. d'appel de Rome. 5 avril
1 .La Giustizia penale, 1911, p. 1462); 18 juill.
(Ibid., p. 1005); Frassati, L'energia elec-
il furto (Rivista penale, Suppl., t. 6, p. 257);
nct.is, Furto di energia electrica (Jfonit.
etori, t. 24, p. 13); Giurati, Delitti oontra la
eta; — et dans le sens de la non-application,
ance, notre C. pén. annoté, par Garçon, sur
379, n. 264 ; à l'étranger : Manzini, Trattato
rto, vol. 2, p. 360 et s., et note dans la
izia penale, sous l'arrêt de la Cour de Rome du
il 1911, précité ; Pipia, L'elettricita nel diritto.
lis avons déjà dit (V. la note sous les ar-
récités de la Cour de Toulouse) qu'à notre
l'application du Code pénal dépendait inti-
nt de la manière dont on interprète les phé-
nes électriques. S'il convient de voir dans
ricité nn courant, qui circule le long d'un
sque celui-ci est en communication avec les
ures d'une machine électrique, il n'est pas
us qu'il y ait un vol dans le fait de brancher
uleusement sur une ligne électrique un fil de
tion. C'est que, par hypothèse, une chose
) priée, le fluide électrique, passe de la ligne
fi], et sort, à l'insu du propriétaire, de la
'sion de celui-ci pour entrer dans la posses-
rju fraudeur : ce qui constitue une soustrac-
tout comme si on dérivait, au moyen d'une
nation clandestine, une certaine quantité
q ou de gaz. V. sur ces hypothèses, Cass.
rc, 1887 (S. 1888.1.38. — P. 1888.1.62;
ai pér., 1888.1.27), avec le rapport de M. le
n lier Sallantin ; Paris, 7 déc. 1907 (S. et P.
Iu'!.301 ; Pand. pér., 1908.2.301), et la note.
:J,: notre C. pén. annoté, par Garçon, sur
"' 379, n. 253, 254 et 256.
^ s, si les phénomènes électriques consistent en
Vibrations extrêmement rapides de l'éther, qui
''.'e les corps, il ne saurait plus être parlé de
Dl électricité, parce qu'il manque essentiellement
-*'ent matériel de l'infraction, le déplacement
• session. La réunion d'un fil à une ligne, qui
'> électriquement, fait entrer à son tour ce fil
1 nation, et propage les mouvements de vibra-
01 e l'éther, sans que rien sorte de la possession
1 oducteur de l'énergie électrique. La compa-
avec un détournement d'eau ou de gaz est
1 Pre. Il conviendrait plutôt de songer à la
aloi8sion du mouvement qui se produit dans
!\t)Îcyclette à billes, où le mouvement est
communiqué d'un bout à l'autre du tube, de bille
en bille, sous l'action sans doute de la bille qui
précède, mais comme une force particulière, propre
à chaque bille. La question du vol d'électricité se
ramène donc à un problème scientifique. Or, c'était
là, comme nous l'avons montré, un problème qui,
en 1900 et en 1902, n'avait pas encore reçu de
solution, la nature de l'électricité, dont on sait
si admirablement utiliser les phénomènes, demeu-
rant impénétrable. Il s'ensuivait que le devoir
des juges était tout tracé : il consistait, contraire-
ment à ce qu'avait décidé la pratique, à relaxer
les inculpés, poursuivis pour vol d'électricité, puis-
qu'on ne pouvait les convaincre de soustraction
que dans l'hypothèse de courants électriques dont
la démonstration scientifique était à faire. V.
notre note précitée, ainsi que notre article, Le
vol et l'électricité ( Journ. des parquets, 1900.1.85).
Aujourd'hui, la question se pose exactement
dans les mêmes conditions. Assurément, depuis le
commencement du siècle, il y a eu un magnifique
développement des applications de l'électricité.
Certainement encore, les théories de Maxwell et
de Herz, sur la parenté de la lumière et de l'élec-
tricité, qui condamnaient la supposition d'un
fluide soustrait, ont trouvé une éclatante confir-
mation dans la découverte de la télégraphie sans
fil, grâce à laquelle on peut transporter, sans con-
ducteur, l'énergie électrique à travers l'espace à
plus de 1.000 kilomètres de distance. Mais, malgré
tous les efforts, la nature de l'électricité demeure
mystérieuse ; on n'est pas plus avancé que précé-
demment, et le voile qui la cache n'a pas été
déchiré. Toutes les explications, ou toutes les
comparaisons, que l'on emploie pour rendre compte
des phénomènes électriques, ne sont, au dire d'un
physicien, qui résume l'opinion générale, que - de
véritables métaphores scientifiques, qui habillent
l'ignorance de vêtements plus ou moins bien ajus-
tés ou commodes, mais qui la laissent subsister
entière » (L. Poincaré, L'électricité, p. 5). V. égal.,
Vaschy, Théorie de l'électricité, t. lor, p. XII.
Ce n'est donc pas sans une certaine surprise que
l'on voit la Cour de cassation affirmer quand les
savants hésitent, et déclarer que l'électricité est
une chose qui passe, par l'effet d'une transmission
qui peut être matériellement constatée, de la pos-
session du producteur dans celle de l'abonné qui
la reçoit pour l'utiliser. Comment peut-elle établir
que l'électricité est une chose, quand les physiciens
ne le savent pas eux-mêmes, et que, si quelques-
uns d'entre eux lui attribuent en effet le caractère
d'un fluide, d'autres, et en plus grand nombre de-
puis les hypothèses de Maxwell et les expériences
de Herz, y voient un état ou une forme de la
matière, comme le son, la lumière et la chaleur en
sont d'autres? V. Lodge, Les théories modernes sur
l'électricité, trad. Meylan, préface, p. x ; Mascart,
Leçons sur l'électricité et le magnétisme, t. 1 u, p. 12;
Pellat, Cours d'électricité, t. 2, p. 355. Or, un état
de la matière n'est pas, au point de vue juridique,
une chose. On ne dit pas que la santé du corps,
son état de maladie, de force ou de faiblesse, sont
des choses. On ne dit pas davantage que l'état
sonore, chaud ou froid, lumineux ou obscur d'un
corps sont des choses. Comment pouvoir, dès lors,
le dire de l'état électrique, qui, d'après la majorité
des physiciens, ne différerait des précédents que
par le nombre des vibrations ?
Ce n'est pas que l'état électrique d'un corps ne
puisse pas, comme d'autres états de la matière, d'ail-
leurs, constituer un bien, au sens juridique de ce
mot. La santé n'est pas seulement, d'après ceux
qui passent pour être sages, le premier de tous les
biens; elle en est un aussi pour le législateur, qui
la garantit contre les atteintes dont elle pourrait
être l'objet. L'énergie électrique, que l'action de
l'homme produit dans un but lucratif, en vue
d'une utilisation déterminée, est également un
bien ; cela n'est pas douteux. Mais faut-il rappeler
que chose et bien ne sont pas synonymes, et qu'il
est de nombreux biens qui ne sont pas des
choses? V. Planiol, Tr. de dr. civ., 6e éd., t. 1er
n. 2171. Or, lorsqu'un état est un bien, comme il
est inséparable de la personne ou de l'objet qui
le possède, comme on ne peut le concevoir isolé-
ment, ou plutôt comme c'est cette personne ou
cet objet eux-mêmes se présentant avec une cer-
taine forme, on ne saurait soustraire un état
qu'avec le corps lui-même. On peut donc bien
comprendre le vol d'électricité dans l'enlèvement
d'un accumulateur qui est chargé, mais non pas
dans le branchement d'un fil sur une ligne élec-
trique : ce serait admettre la possibilité de voler
la forme d'un objet !
Mais, dit l'arrêt de la Cour de cassation, il y a
bien quelque chose qui passe de la ligne sur le fil,
puisqu'il se produit une transmission qui peut être
matériellement constatée. Il est à craindre qu'en
faisant ce raisonnement, la Cour suprême ne soit
partie d'une hypothèse sur la nature de l'élec-
tricité, qui peut être vraie, mais que la science n'a
pas actuellement vérifiée. Certainement, il passe
quelque chose de la ligne sur le fil de dérivation,
si l'électricité est un fluide qui circule le long des
conducteurs métalliques. Mais, si elle est une
vibration extrêmement vive de l'éther, ou un état
vibratoire du conducteur, qui transmet ces vi-
brations au corps en contact avec lui, comme
un résonateur communique les vibrations dont
il est animé, aux corps qui le touchent, plus rien
ne passera de la ligne sur le fil. Sans aucun doute,
l'aiguille du galvanomètre, que l'on place au-
dessous d'un fil mis en communication avec les
armatures d'une machine électrique, indique, par
sa dérivation, qu'il se produit dans le fil un phé
nomène, dont l'intensité peut même être très
exactement mesurée par l'amplitude de ses mou-
vements. Mais quelle est la nature de ce phéno-
mène? en quoi consiste-t-il? est-ce un courant
qui passe dans le fil, comparable à un ruisseau
dont l'eau s'écoule ? est-ce une modification de
l'état et des propriétés magnétiques du fil métal-
lique? De cela, le galvanomètre ne nous dit rien.
Également, quand on place un corps froid à proxi-
mité d'une source de chaleur, le thermomètre
nous révèle l'élévation de la température dans le
corps qui était froid. Le phénomène se constate.
Mais ce qu'on sait moins, c'est comment s'est pro-
duit ce résultat. La chaleur s'est-elle transportée
d'un corps à l'autre? Le froid s'est-il retiré du
corps le moins chaud ? ou bien encore, ce dernier
s'est-il de lui-même échauffé en s'opposant aux
radiations de la source chaude? Le résultat est
ANNÉE 191;). — Ge cah. 1"' pAKT- ~ 1:!
CASS.-CRnl. 3 août 1912.
)1 ELECTRICITÉ, APPRÉHENSION. APPRO-
BATION (Rép., va Vol, n. 43 et s.; Pand.
1p., eod. verb., n. 136 et s.).
llectricité, livrée par celui qui la produit
à l'abonné qui la reçoit pour l'utiliser, passe,
par l'effet d'une transmission qui peut être
matériellement constatée, de lapossession du
premier dans celle du second; dès lors, elle
doit être considérée comme une « chose *, aM
sens de l'art. 379, C.pén. (1) (C. pén., 379).
Et ['fl/Tèl, qui constate un fait direct, à
l'aide duquel le prévenu s'est approprié
une certaine quantité d'énergie électrique
contre la volonté £Ill producteur, relève ainsi
les éléments de la soustraction fraudu-
leuse (2) (Id.).
(2) C'est la première fois que la Cour de
etion est appelée à se'prononcer sur le vol
é.'ricite. Jusqu'à présent, cette question n'avait
«Î lieu qu'à des décisions de Cours d'appel ou
ibunaux, qui avaient appliqué l'art. 379,
h, V. Toulouse, 7 juin et 3 juill. 1901 (S. et
1)02.2.185; Pand. pér., 1903.2.302 et 188);
iprr.de Nantua, 7 mars 1903 (S. et P. 1904.
I ); Nancy, 13 juill. 1904 (S. et P. 1904.2.304 ;
ii pér., 1905.2.87); Trib. corr. de Toulouse,
W. 1010 (S. et P. 1911.2.28; Pand. pér.,
li!.28), V. en sens divers les autorités citées
c'a note sous les arrêts précités de la Cour de
mise. Adde, dans le sens de l'application des
ii; du vol :en France, Garraud, Tr. du d,'. pén.
, éd., t. 5, p. 383, n. 2090; Pilon, Le problème
kjue de l'électî-icité (Rev. trim. de dr. civ.,190-1,
D s.) ; à l'étranger : C. d'appel de Rome. 5 avril
1 .La Giustizia penale, 1911, p. 1462); 18 juill.
(Ibid., p. 1005); Frassati, L'energia elec-
il furto (Rivista penale, Suppl., t. 6, p. 257);
nct.is, Furto di energia electrica (Jfonit.
etori, t. 24, p. 13); Giurati, Delitti oontra la
eta; — et dans le sens de la non-application,
ance, notre C. pén. annoté, par Garçon, sur
379, n. 264 ; à l'étranger : Manzini, Trattato
rto, vol. 2, p. 360 et s., et note dans la
izia penale, sous l'arrêt de la Cour de Rome du
il 1911, précité ; Pipia, L'elettricita nel diritto.
lis avons déjà dit (V. la note sous les ar-
récités de la Cour de Toulouse) qu'à notre
l'application du Code pénal dépendait inti-
nt de la manière dont on interprète les phé-
nes électriques. S'il convient de voir dans
ricité nn courant, qui circule le long d'un
sque celui-ci est en communication avec les
ures d'une machine électrique, il n'est pas
us qu'il y ait un vol dans le fait de brancher
uleusement sur une ligne électrique un fil de
tion. C'est que, par hypothèse, une chose
) priée, le fluide électrique, passe de la ligne
fi], et sort, à l'insu du propriétaire, de la
'sion de celui-ci pour entrer dans la posses-
rju fraudeur : ce qui constitue une soustrac-
tout comme si on dérivait, au moyen d'une
nation clandestine, une certaine quantité
q ou de gaz. V. sur ces hypothèses, Cass.
rc, 1887 (S. 1888.1.38. — P. 1888.1.62;
ai pér., 1888.1.27), avec le rapport de M. le
n lier Sallantin ; Paris, 7 déc. 1907 (S. et P.
Iu'!.301 ; Pand. pér., 1908.2.301), et la note.
:J,: notre C. pén. annoté, par Garçon, sur
"' 379, n. 253, 254 et 256.
^ s, si les phénomènes électriques consistent en
Vibrations extrêmement rapides de l'éther, qui
''.'e les corps, il ne saurait plus être parlé de
Dl électricité, parce qu'il manque essentiellement
-*'ent matériel de l'infraction, le déplacement
• session. La réunion d'un fil à une ligne, qui
'> électriquement, fait entrer à son tour ce fil
1 nation, et propage les mouvements de vibra-
01 e l'éther, sans que rien sorte de la possession
1 oducteur de l'énergie électrique. La compa-
avec un détournement d'eau ou de gaz est
1 Pre. Il conviendrait plutôt de songer à la
aloi8sion du mouvement qui se produit dans
!\t)Îcyclette à billes, où le mouvement est
communiqué d'un bout à l'autre du tube, de bille
en bille, sous l'action sans doute de la bille qui
précède, mais comme une force particulière, propre
à chaque bille. La question du vol d'électricité se
ramène donc à un problème scientifique. Or, c'était
là, comme nous l'avons montré, un problème qui,
en 1900 et en 1902, n'avait pas encore reçu de
solution, la nature de l'électricité, dont on sait
si admirablement utiliser les phénomènes, demeu-
rant impénétrable. Il s'ensuivait que le devoir
des juges était tout tracé : il consistait, contraire-
ment à ce qu'avait décidé la pratique, à relaxer
les inculpés, poursuivis pour vol d'électricité, puis-
qu'on ne pouvait les convaincre de soustraction
que dans l'hypothèse de courants électriques dont
la démonstration scientifique était à faire. V.
notre note précitée, ainsi que notre article, Le
vol et l'électricité ( Journ. des parquets, 1900.1.85).
Aujourd'hui, la question se pose exactement
dans les mêmes conditions. Assurément, depuis le
commencement du siècle, il y a eu un magnifique
développement des applications de l'électricité.
Certainement encore, les théories de Maxwell et
de Herz, sur la parenté de la lumière et de l'élec-
tricité, qui condamnaient la supposition d'un
fluide soustrait, ont trouvé une éclatante confir-
mation dans la découverte de la télégraphie sans
fil, grâce à laquelle on peut transporter, sans con-
ducteur, l'énergie électrique à travers l'espace à
plus de 1.000 kilomètres de distance. Mais, malgré
tous les efforts, la nature de l'électricité demeure
mystérieuse ; on n'est pas plus avancé que précé-
demment, et le voile qui la cache n'a pas été
déchiré. Toutes les explications, ou toutes les
comparaisons, que l'on emploie pour rendre compte
des phénomènes électriques, ne sont, au dire d'un
physicien, qui résume l'opinion générale, que - de
véritables métaphores scientifiques, qui habillent
l'ignorance de vêtements plus ou moins bien ajus-
tés ou commodes, mais qui la laissent subsister
entière » (L. Poincaré, L'électricité, p. 5). V. égal.,
Vaschy, Théorie de l'électricité, t. lor, p. XII.
Ce n'est donc pas sans une certaine surprise que
l'on voit la Cour de cassation affirmer quand les
savants hésitent, et déclarer que l'électricité est
une chose qui passe, par l'effet d'une transmission
qui peut être matériellement constatée, de la pos-
session du producteur dans celle de l'abonné qui
la reçoit pour l'utiliser. Comment peut-elle établir
que l'électricité est une chose, quand les physiciens
ne le savent pas eux-mêmes, et que, si quelques-
uns d'entre eux lui attribuent en effet le caractère
d'un fluide, d'autres, et en plus grand nombre de-
puis les hypothèses de Maxwell et les expériences
de Herz, y voient un état ou une forme de la
matière, comme le son, la lumière et la chaleur en
sont d'autres? V. Lodge, Les théories modernes sur
l'électricité, trad. Meylan, préface, p. x ; Mascart,
Leçons sur l'électricité et le magnétisme, t. 1 u, p. 12;
Pellat, Cours d'électricité, t. 2, p. 355. Or, un état
de la matière n'est pas, au point de vue juridique,
une chose. On ne dit pas que la santé du corps,
son état de maladie, de force ou de faiblesse, sont
des choses. On ne dit pas davantage que l'état
sonore, chaud ou froid, lumineux ou obscur d'un
corps sont des choses. Comment pouvoir, dès lors,
le dire de l'état électrique, qui, d'après la majorité
des physiciens, ne différerait des précédents que
par le nombre des vibrations ?
Ce n'est pas que l'état électrique d'un corps ne
puisse pas, comme d'autres états de la matière, d'ail-
leurs, constituer un bien, au sens juridique de ce
mot. La santé n'est pas seulement, d'après ceux
qui passent pour être sages, le premier de tous les
biens; elle en est un aussi pour le législateur, qui
la garantit contre les atteintes dont elle pourrait
être l'objet. L'énergie électrique, que l'action de
l'homme produit dans un but lucratif, en vue
d'une utilisation déterminée, est également un
bien ; cela n'est pas douteux. Mais faut-il rappeler
que chose et bien ne sont pas synonymes, et qu'il
est de nombreux biens qui ne sont pas des
choses? V. Planiol, Tr. de dr. civ., 6e éd., t. 1er
n. 2171. Or, lorsqu'un état est un bien, comme il
est inséparable de la personne ou de l'objet qui
le possède, comme on ne peut le concevoir isolé-
ment, ou plutôt comme c'est cette personne ou
cet objet eux-mêmes se présentant avec une cer-
taine forme, on ne saurait soustraire un état
qu'avec le corps lui-même. On peut donc bien
comprendre le vol d'électricité dans l'enlèvement
d'un accumulateur qui est chargé, mais non pas
dans le branchement d'un fil sur une ligne élec-
trique : ce serait admettre la possibilité de voler
la forme d'un objet !
Mais, dit l'arrêt de la Cour de cassation, il y a
bien quelque chose qui passe de la ligne sur le fil,
puisqu'il se produit une transmission qui peut être
matériellement constatée. Il est à craindre qu'en
faisant ce raisonnement, la Cour suprême ne soit
partie d'une hypothèse sur la nature de l'élec-
tricité, qui peut être vraie, mais que la science n'a
pas actuellement vérifiée. Certainement, il passe
quelque chose de la ligne sur le fil de dérivation,
si l'électricité est un fluide qui circule le long des
conducteurs métalliques. Mais, si elle est une
vibration extrêmement vive de l'éther, ou un état
vibratoire du conducteur, qui transmet ces vi-
brations au corps en contact avec lui, comme
un résonateur communique les vibrations dont
il est animé, aux corps qui le touchent, plus rien
ne passera de la ligne sur le fil. Sans aucun doute,
l'aiguille du galvanomètre, que l'on place au-
dessous d'un fil mis en communication avec les
armatures d'une machine électrique, indique, par
sa dérivation, qu'il se produit dans le fil un phé
nomène, dont l'intensité peut même être très
exactement mesurée par l'amplitude de ses mou-
vements. Mais quelle est la nature de ce phéno-
mène? en quoi consiste-t-il? est-ce un courant
qui passe dans le fil, comparable à un ruisseau
dont l'eau s'écoule ? est-ce une modification de
l'état et des propriétés magnétiques du fil métal-
lique? De cela, le galvanomètre ne nous dit rien.
Également, quand on place un corps froid à proxi-
mité d'une source de chaleur, le thermomètre
nous révèle l'élévation de la température dans le
corps qui était froid. Le phénomène se constate.
Mais ce qu'on sait moins, c'est comment s'est pro-
duit ce résultat. La chaleur s'est-elle transportée
d'un corps à l'autre? Le froid s'est-il retiré du
corps le moins chaud ? ou bien encore, ce dernier
s'est-il de lui-même échauffé en s'opposant aux
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