Titre : La Jeunesse illustrée
Éditeur : A. Fayard (Paris)
Date d'édition : 1932-09-25
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327962868
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 11188 Nombre total de vues : 11188
Description : 25 septembre 1932 25 septembre 1932
Description : 1932/09/25 (N1512). 1932/09/25 (N1512).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9634112
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-55902
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/05/2013
îMilMÉJ
N° 1612 — 30° Année 25 Septembre 1&32
La Jeunesse illustrée
«.pour n'assister ni au concours agricole ni à Finaugu-
ration du buste d’Hégésippe-Slmon, nous n’en voulons
plus. D nous faut un homme nouveau, et cependant
connu, ayant déjà fait ses preuves, jouissant de l’es
time et de la considération de ses concitoyens, un
homme pondéré, et non une girouette. — Tout cela'est
très beau, mais ce merle blanc me paraît difficile
à découvrir. — Tu te trompes... — Ahl bah!... Qui
est-ce ? — Toi. — Moi ?... tu veux rire. —- Rien n’est
plus sérieux au’contraire, et nous sommes plusieurs:...
Dans la ville meme,*il y eut des combats homériques
entre colleurs d'affiches. Le vendredi soir, enfin, une
réunion publique et contradictoire permit aux deux
candidats de s’affronter en personne. Léon Camel,
en vieux parlementaire rorrfpu à toutes les ficelles du
métier, n’eut pas de mal à ridiculiser son concurrent
qui se vit contraint de battre en retraite. En vain, les
membres de son comité essayèrent-ils de lui rendre
courage en lui disant que les villageois lui assureraient
quand même une majorité certaine. « Si j’ai deux cents
voix dimanche,...
...ajouta Hubert Lingaux. Le mercredi, l’avis sui
vant était donc inséré dans les annonces du journal
local : « M® Goujonnet invite cordialement les vingt-
sept citoyens qui ont voté pour lui, à déjeuner le samedi
4 mai, à midi précis, à Z’Hôtel des Trois-Hémisphères. »
Au jour dit, à 11 h. 55, le notaire, flanqué de ses
quatre acolytes, se tenait dans la grande salle de l’hôtel
où le patron, en uniforme, toque et tablier blancs, jetait
le dernier coup d’œil sur la table décorée de fleurs et
d’alléchantes bouteilles. Comme l’horloge de la cathé
drale sonnait le troisième coup de midi,...
Cette année-là, la Saint-Théodore maiqUait 2a fer
meture de la pêche. Aussi, désireux de se livrer pour
la dernière fois à son plaisir favori, M e Goujonnet,
le notaire de Baune-sur-Prize, était parti de grand
matin, avec tout son attirail. H s’était installé à une
place soigneusement reconnue et amorcée d’avance
et, jusqu’au coucher du soleil, il était demeuré f'cefl
fixé sur son bouchon. Le résultat, n’avalt pas trompé
sa patience. Quand le crépuscule tomba, il avait prfis
au moins cinq livres de poisson.
Célibataire, et n'ayant pour tout domestique qutme
vieille bonne prénommée Victorine, M e Goujonnet
ne pouvait so'nger à manger sa pêche tout seul. « J’en
fêtai profiter les amis », se dit-il. Et, après avoir mis de
côté ce qu’il se réservait, il s’en alla porter quelques-
unes des plus belles pièces au pharmacien Guy Mauve.
€ Précisément, je t’attendais, lui dit celui-ci après
l’avoir remercié, car j’ai à t’entretenir d’une affaire
des plus sérieuses. — Diable 1 de quoi s’agit-il ? — Ta
sais que dimanche prochain...
w .0jnt lieu les élections législatives. — Il me semble
avoir vu cela sur le journal. — Mais sais-tu qui est can
didat ? — Parbleu I Léon Camel, notre député sortant.
Voilà vingt ans qu’il représente la circonscription de
Éaune-sur-Rrize et comme cFhabitude, il sera élu sans
concurrent. — Tu trouves cela naturel ?... Ce Camel
(Leon) qui n’a tenu aucune de ses promesses, qui n’a
même pas été capable d’obtenir la moindre subven
tion pour l’Orphéon municipal ou le Club des joueurs
de bilboquet, qui a prétexté une entorse...
...leur répliqua le notaire sans illusion, ce sera déjà bien
joli. » D se trompait. Quand, au soir du 27 avril, les
résultats définitifs furent proclamés, il avait recueilli
exactement 27 voix, contre 3714 à son adversaire.
Bien qu’il s’attendît à un échec, l’ampleur de celui-ci
l’abattit tout d’abord. Mais c’était, au fond, un
véritable philosophe et dès le lendemain, il en avait
pris son parti. Tout autre se fût brouillé avec le
pharmacien Guy Mauve, l’épicier Mêlas, le confiseur
Lingaux et le marchand de vin Clairet. Lui point. Au
contraire...
...le premier invité arriva, vieux campagnard, en blouse
bleue; les autres ne tardèrent pas à se montrer; à
tous, le notaire fit le plus charmant accueil. Mais
comme le vingt-huitième convive ayant fait son entrée,
on allait se mettre à table, le patron des Trois-
Hémisphères se précipita, effaré, dans la salle du ban
quet, en criant : « Il y en a encore! — Pas possible ? »
fit Guy Mauve en se mettant à la fenêtre. Force lui
fut de reconnaître qu’il y en avait d’autres. De toutes
les rues débouchaient citadins et villageois tous endi
manchés. tous se dirigeant vers l’hôtel.
...lorsqu’il les revit, M e Goujonnet leur dit : « Mes chers
amis, ne trouveriez-vous point convenable que j’in
vitasse à dîner les vingt-trois braves gens qui, avec
vous, m’ont accordé leurs suffrages ? Je serais heureux
de faire leur connaissance et de leur adresser de vive
voix mes remerciements. — Ça, fit Sylvain Clairet,
c’est une idée! — Et une bonne! renchérit Raphaël
Mêlas. On pourrait commander aux Trois-Hémisphères
un petit banquet intime de vingt-huit couverts. Le
patiron nous mijoterait un de ces repas... — Et quelle
propagande pour les prochaines élections »,...
Chacun s’était tenu le raisonnement suivant :
Puisque le vote est secret, nul ne sait pour qui j’ai
>té : je pourrai donc dire que c’est pour ce brave
aujonnet. On ajoutera un couvert de plus et cela
e fera toujours un repas gratis. » Mais comme ils
■aient été plus de mille à se faire cette réflexion, ils
; purent pénétrer dans l’hôtel et durent se contenter
! huer pendant près de deux heures l’infortuné can-
dat... M e Goujonnet n’est pas près de solliciter à
mveau les suffrages de ses concitoyens.
(Dessins fie JUD.î
...Raphaël Mêlas., l’épicier; Hubert Lingaux, le confi
seur; Sylvain Clairet, le marchand de vins en gros,
et moi, résolus à constituer ton comité et à te soute
nir envers et contre tous. D’ailleurs, les camarades
t’attendent au Café-Restaurant des Trois-Hémisphères.
Viens avec moi nous causerons mieux tous ensemble.
— Tu sais que i’ai l’habitude de dîner à sept heures et
demie et que Victorine n’aime pas attendre. — D
n’est que six he ures trente-cinq, nous avons le .temps.
Viens, te dis-je. » Et moitié de gré, moitié de force, le
pharmacien...
...emmena le tabellion jusqu’aux Trois-Hémisphères.
La discussion fut des plus animées. Aprèsf s’être bien
déîenau, M e Goujonnet, flatté au fond de la confiance
qu’on lui témoignait, finit par accepter d’être candi
dat. Mais il était près de neuf heures quand il rentra
chez lui, le poisson était immangeable et il eut toutes
les peines du monde à empêcher Victorine de lui rendre
son tablier... Dès le lendemain, menée par Sylvain
Clairet, la campagne électorale commença. D’immenses
E lacards multicolores allèrent proclamer dans les
ameaux les plus reculés les mérites de M e Goujonnet.
N° 1612 — 30° Année 25 Septembre 1&32
La Jeunesse illustrée
«.pour n'assister ni au concours agricole ni à Finaugu-
ration du buste d’Hégésippe-Slmon, nous n’en voulons
plus. D nous faut un homme nouveau, et cependant
connu, ayant déjà fait ses preuves, jouissant de l’es
time et de la considération de ses concitoyens, un
homme pondéré, et non une girouette. — Tout cela'est
très beau, mais ce merle blanc me paraît difficile
à découvrir. — Tu te trompes... — Ahl bah!... Qui
est-ce ? — Toi. — Moi ?... tu veux rire. —- Rien n’est
plus sérieux au’contraire, et nous sommes plusieurs:...
Dans la ville meme,*il y eut des combats homériques
entre colleurs d'affiches. Le vendredi soir, enfin, une
réunion publique et contradictoire permit aux deux
candidats de s’affronter en personne. Léon Camel,
en vieux parlementaire rorrfpu à toutes les ficelles du
métier, n’eut pas de mal à ridiculiser son concurrent
qui se vit contraint de battre en retraite. En vain, les
membres de son comité essayèrent-ils de lui rendre
courage en lui disant que les villageois lui assureraient
quand même une majorité certaine. « Si j’ai deux cents
voix dimanche,...
...ajouta Hubert Lingaux. Le mercredi, l’avis sui
vant était donc inséré dans les annonces du journal
local : « M® Goujonnet invite cordialement les vingt-
sept citoyens qui ont voté pour lui, à déjeuner le samedi
4 mai, à midi précis, à Z’Hôtel des Trois-Hémisphères. »
Au jour dit, à 11 h. 55, le notaire, flanqué de ses
quatre acolytes, se tenait dans la grande salle de l’hôtel
où le patron, en uniforme, toque et tablier blancs, jetait
le dernier coup d’œil sur la table décorée de fleurs et
d’alléchantes bouteilles. Comme l’horloge de la cathé
drale sonnait le troisième coup de midi,...
Cette année-là, la Saint-Théodore maiqUait 2a fer
meture de la pêche. Aussi, désireux de se livrer pour
la dernière fois à son plaisir favori, M e Goujonnet,
le notaire de Baune-sur-Prize, était parti de grand
matin, avec tout son attirail. H s’était installé à une
place soigneusement reconnue et amorcée d’avance
et, jusqu’au coucher du soleil, il était demeuré f'cefl
fixé sur son bouchon. Le résultat, n’avalt pas trompé
sa patience. Quand le crépuscule tomba, il avait prfis
au moins cinq livres de poisson.
Célibataire, et n'ayant pour tout domestique qutme
vieille bonne prénommée Victorine, M e Goujonnet
ne pouvait so'nger à manger sa pêche tout seul. « J’en
fêtai profiter les amis », se dit-il. Et, après avoir mis de
côté ce qu’il se réservait, il s’en alla porter quelques-
unes des plus belles pièces au pharmacien Guy Mauve.
€ Précisément, je t’attendais, lui dit celui-ci après
l’avoir remercié, car j’ai à t’entretenir d’une affaire
des plus sérieuses. — Diable 1 de quoi s’agit-il ? — Ta
sais que dimanche prochain...
w .0jnt lieu les élections législatives. — Il me semble
avoir vu cela sur le journal. — Mais sais-tu qui est can
didat ? — Parbleu I Léon Camel, notre député sortant.
Voilà vingt ans qu’il représente la circonscription de
Éaune-sur-Rrize et comme cFhabitude, il sera élu sans
concurrent. — Tu trouves cela naturel ?... Ce Camel
(Leon) qui n’a tenu aucune de ses promesses, qui n’a
même pas été capable d’obtenir la moindre subven
tion pour l’Orphéon municipal ou le Club des joueurs
de bilboquet, qui a prétexté une entorse...
...leur répliqua le notaire sans illusion, ce sera déjà bien
joli. » D se trompait. Quand, au soir du 27 avril, les
résultats définitifs furent proclamés, il avait recueilli
exactement 27 voix, contre 3714 à son adversaire.
Bien qu’il s’attendît à un échec, l’ampleur de celui-ci
l’abattit tout d’abord. Mais c’était, au fond, un
véritable philosophe et dès le lendemain, il en avait
pris son parti. Tout autre se fût brouillé avec le
pharmacien Guy Mauve, l’épicier Mêlas, le confiseur
Lingaux et le marchand de vin Clairet. Lui point. Au
contraire...
...le premier invité arriva, vieux campagnard, en blouse
bleue; les autres ne tardèrent pas à se montrer; à
tous, le notaire fit le plus charmant accueil. Mais
comme le vingt-huitième convive ayant fait son entrée,
on allait se mettre à table, le patron des Trois-
Hémisphères se précipita, effaré, dans la salle du ban
quet, en criant : « Il y en a encore! — Pas possible ? »
fit Guy Mauve en se mettant à la fenêtre. Force lui
fut de reconnaître qu’il y en avait d’autres. De toutes
les rues débouchaient citadins et villageois tous endi
manchés. tous se dirigeant vers l’hôtel.
...lorsqu’il les revit, M e Goujonnet leur dit : « Mes chers
amis, ne trouveriez-vous point convenable que j’in
vitasse à dîner les vingt-trois braves gens qui, avec
vous, m’ont accordé leurs suffrages ? Je serais heureux
de faire leur connaissance et de leur adresser de vive
voix mes remerciements. — Ça, fit Sylvain Clairet,
c’est une idée! — Et une bonne! renchérit Raphaël
Mêlas. On pourrait commander aux Trois-Hémisphères
un petit banquet intime de vingt-huit couverts. Le
patiron nous mijoterait un de ces repas... — Et quelle
propagande pour les prochaines élections »,...
Chacun s’était tenu le raisonnement suivant :
Puisque le vote est secret, nul ne sait pour qui j’ai
>té : je pourrai donc dire que c’est pour ce brave
aujonnet. On ajoutera un couvert de plus et cela
e fera toujours un repas gratis. » Mais comme ils
■aient été plus de mille à se faire cette réflexion, ils
; purent pénétrer dans l’hôtel et durent se contenter
! huer pendant près de deux heures l’infortuné can-
dat... M e Goujonnet n’est pas près de solliciter à
mveau les suffrages de ses concitoyens.
(Dessins fie JUD.î
...Raphaël Mêlas., l’épicier; Hubert Lingaux, le confi
seur; Sylvain Clairet, le marchand de vins en gros,
et moi, résolus à constituer ton comité et à te soute
nir envers et contre tous. D’ailleurs, les camarades
t’attendent au Café-Restaurant des Trois-Hémisphères.
Viens avec moi nous causerons mieux tous ensemble.
— Tu sais que i’ai l’habitude de dîner à sept heures et
demie et que Victorine n’aime pas attendre. — D
n’est que six he ures trente-cinq, nous avons le .temps.
Viens, te dis-je. » Et moitié de gré, moitié de force, le
pharmacien...
...emmena le tabellion jusqu’aux Trois-Hémisphères.
La discussion fut des plus animées. Aprèsf s’être bien
déîenau, M e Goujonnet, flatté au fond de la confiance
qu’on lui témoignait, finit par accepter d’être candi
dat. Mais il était près de neuf heures quand il rentra
chez lui, le poisson était immangeable et il eut toutes
les peines du monde à empêcher Victorine de lui rendre
son tablier... Dès le lendemain, menée par Sylvain
Clairet, la campagne électorale commença. D’immenses
E lacards multicolores allèrent proclamer dans les
ameaux les plus reculés les mérites de M e Goujonnet.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 87.97%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 87.97%.
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/7
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k9634112/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k9634112/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k9634112/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k9634112/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k9634112
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k9634112
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k9634112/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest