Titre : La Jeunesse illustrée
Éditeur : A. Fayard (Paris)
Date d'édition : 1930-10-19
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327962868
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 11188 Nombre total de vues : 11188
Description : 19 octobre 1930 19 octobre 1930
Description : 1930/10/19 (N1411). 1930/10/19 (N1411).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k963259v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-55902
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/06/2013
N° 1411 — 28° Armée
35 Centimes
19 Octobre 1930
La Jeunesse illustrée
UNE MYSTIFICATION EN 1830, par THOMEN
Ccci se passait vers 1830, à l’époque des joyeux
étudiants mystificateurs. «Tune travailles pas assez!
reprochait sans cesse l'austère Têtenbuis qui faisait
sérieusement sa médecine. — Et toi, tu travailles beau
coup trop I ripostait Gaipinson qui étudiait le droit...
quand il n’avait en tête aucun projet de fête. Si tu con
tinues à te surmener de la sorte, tu deviendras subite
ment fou. — On ne devient pas fou subitement,...
vers lequel on s achemine à petits pas... »
discussion s’arrêtait toujours sur cette affirmation qui
laissait sceptique le joyeux étudiant basochien. Du
reste, Gaipinson, furieux des exhortations au travail
dont le harcelait Têtenbuis, décida de se venger. A
quelque temps de là, il dit à la caissière du restau
rant où ils prenaient leurs repas, l’un et l’autre :
— Que’ lui est-il arrivé ? — Les excès de travail lui
ont détraqué le cerveau. H va venir déjeuner. Ne
vous occupez pas de ce qu’il commandera, mais suivez
les instructions que je vais vous donner. Voici une
pièce de vingt francs pour sa dépense. » Conformé
ment aux instructions de Gaipinson, Têtenbuis fut
reçu avec une solennité inaccoutumée.
C'était le cérémonial obligé pour un homme qui
«e croyait — parait-il — le premier Moutardier du
Grand Turc. L'etudiant dédaigna cette manifestation
déplacée et s'assit à sa table habituelle. D'autres sur
prises l'attendaient. En effet, à peine avait-il déplié
sa serviette que le garçon lui apportait un broc de
cinq litres. « Qu’est-ce que c’est que ça ? protesta
Têtenbuis. — C’est la carafe d’eau...
...que monsieur a commandée, répondit le garçon. —
Etes-vous fou, mon ami ? — Pas le moins du monde 1
Mais si monsieur veut voir un aliéné, il n’a pas loin
à aller 1 » Ayant lancé cette flèche de Parthe, le gar
çon sourit énigmatiquement et disparut pour laisser
la place au cuisinier qui rapportait un mets bizarre
lequel consistait en une côtelette de veau plantée
dans de la gelée de groseilles. « Poulet Marengo »,...
vaguement inquiet. Tout à coup, 11 bondit. Il venait
de s’apercevoir qu’on lu! avait donné un couvert à
salade en bois. Le patron lui ayant affirmé sur son
honneur de commerçant patenté que ce couvert était
en ruolz, argenté à 75 0/0, le candidat à la folie ressen
tit un vague malaise.
La sombre prédiction de Gaipinson serait-elle en
train de se réaliser ? Etudiant trop acharné à emma
gasiner les connaissances scientifiques, aurait-il mis
ses méninges à trop rude épreuve ? Cette inquiétude lui
coupa l'appétit. Il commanda une crème renversée.
Ce fut la patronne du restaurant qui le servit. Elle lui
mit sous le nez une assiette vide en minaudant :
« Voici la crème renversée que vous avez demandée...
...Je l'ai confectionnée moi-même, des mes blanches
mains. J’espère que vous en serez satisfait et que
vous m'en redemanderez une autre portion. • Têten
buis regarda d'un air ahuri cette dame raisonnable
qui ne plaisantait jamais et se passa la main sur le
front. A ce moment entraient deux habitués de l’éta
blissement. Le restaurateur les prit à part et les mit
au courant du malheur survenu au pauvre...
...étudiant en médecine, en les priant de ne pas le con
tredire. Le client s’approcha de Têtenbuis : Mâtin!
s’écria-t-il en lorgnant l’assiette vide. Vous êtes arrivé
de bonne heure, puisque vous en êtes déjà au dessert! »
Sa femme renchérit. Elle s’exclama, avec conviction :
«Oh! Quelle chancel II y a de la crème renversée!
J'en raffole! — Et mol je ne peux pas la souffrir! »
rugit le mystifié, hors de lui.
Devant tant de preuves accumulées, il n'y avait
plus à douter. Le profond analyste qu’était Têtenbuis
sentit qu’il sombrait dans un océan de folie. La
caissière lui asséna le coup de grâce en refusant le
prix du déjeuner. «De l'argent! s’écria-t-elle. Mais...
c'est moi qui vous en réduis! Ne m'avez-vous pas
donné cette pièce d'or...
...tout-ù-l'heurc, en entrant ? • Et elle lui mit de force
de la monnaie dans la main. Pendant ce temps, le trai
teur était allé prévenir un sergent de ville. « Attention
au client qui va sortir de mon restaurant, lui dit-il.
Il est fou à lier!— Vous en êtes sûr, bourgeois?
— Aussi sûr que je le suis d’être sain d'esprit. D
est si parfaitement aliéné...
...qu’il vient de se livrer chez moi à une foule d’ex
centricités toutes plus baroques les unes que les
autres! — Dans ce cas, sufflcitl bourgeois! Motus et
vigilance! > Et, quand la victime de ce farceur de
Gaipinson sortit, l’estomac vide, la tête basse et farcie
de pensées sinistres, le représentant de l'autorité lui
emboîta le pas... (Voir la suit* paca a.)
35 Centimes
19 Octobre 1930
La Jeunesse illustrée
UNE MYSTIFICATION EN 1830, par THOMEN
Ccci se passait vers 1830, à l’époque des joyeux
étudiants mystificateurs. «Tune travailles pas assez!
reprochait sans cesse l'austère Têtenbuis qui faisait
sérieusement sa médecine. — Et toi, tu travailles beau
coup trop I ripostait Gaipinson qui étudiait le droit...
quand il n’avait en tête aucun projet de fête. Si tu con
tinues à te surmener de la sorte, tu deviendras subite
ment fou. — On ne devient pas fou subitement,...
vers lequel on s achemine à petits pas... »
discussion s’arrêtait toujours sur cette affirmation qui
laissait sceptique le joyeux étudiant basochien. Du
reste, Gaipinson, furieux des exhortations au travail
dont le harcelait Têtenbuis, décida de se venger. A
quelque temps de là, il dit à la caissière du restau
rant où ils prenaient leurs repas, l’un et l’autre :
— Que’ lui est-il arrivé ? — Les excès de travail lui
ont détraqué le cerveau. H va venir déjeuner. Ne
vous occupez pas de ce qu’il commandera, mais suivez
les instructions que je vais vous donner. Voici une
pièce de vingt francs pour sa dépense. » Conformé
ment aux instructions de Gaipinson, Têtenbuis fut
reçu avec une solennité inaccoutumée.
C'était le cérémonial obligé pour un homme qui
«e croyait — parait-il — le premier Moutardier du
Grand Turc. L'etudiant dédaigna cette manifestation
déplacée et s'assit à sa table habituelle. D'autres sur
prises l'attendaient. En effet, à peine avait-il déplié
sa serviette que le garçon lui apportait un broc de
cinq litres. « Qu’est-ce que c’est que ça ? protesta
Têtenbuis. — C’est la carafe d’eau...
...que monsieur a commandée, répondit le garçon. —
Etes-vous fou, mon ami ? — Pas le moins du monde 1
Mais si monsieur veut voir un aliéné, il n’a pas loin
à aller 1 » Ayant lancé cette flèche de Parthe, le gar
çon sourit énigmatiquement et disparut pour laisser
la place au cuisinier qui rapportait un mets bizarre
lequel consistait en une côtelette de veau plantée
dans de la gelée de groseilles. « Poulet Marengo »,...
vaguement inquiet. Tout à coup, 11 bondit. Il venait
de s’apercevoir qu’on lu! avait donné un couvert à
salade en bois. Le patron lui ayant affirmé sur son
honneur de commerçant patenté que ce couvert était
en ruolz, argenté à 75 0/0, le candidat à la folie ressen
tit un vague malaise.
La sombre prédiction de Gaipinson serait-elle en
train de se réaliser ? Etudiant trop acharné à emma
gasiner les connaissances scientifiques, aurait-il mis
ses méninges à trop rude épreuve ? Cette inquiétude lui
coupa l'appétit. Il commanda une crème renversée.
Ce fut la patronne du restaurant qui le servit. Elle lui
mit sous le nez une assiette vide en minaudant :
« Voici la crème renversée que vous avez demandée...
...Je l'ai confectionnée moi-même, des mes blanches
mains. J’espère que vous en serez satisfait et que
vous m'en redemanderez une autre portion. • Têten
buis regarda d'un air ahuri cette dame raisonnable
qui ne plaisantait jamais et se passa la main sur le
front. A ce moment entraient deux habitués de l’éta
blissement. Le restaurateur les prit à part et les mit
au courant du malheur survenu au pauvre...
...étudiant en médecine, en les priant de ne pas le con
tredire. Le client s’approcha de Têtenbuis : Mâtin!
s’écria-t-il en lorgnant l’assiette vide. Vous êtes arrivé
de bonne heure, puisque vous en êtes déjà au dessert! »
Sa femme renchérit. Elle s’exclama, avec conviction :
«Oh! Quelle chancel II y a de la crème renversée!
J'en raffole! — Et mol je ne peux pas la souffrir! »
rugit le mystifié, hors de lui.
Devant tant de preuves accumulées, il n'y avait
plus à douter. Le profond analyste qu’était Têtenbuis
sentit qu’il sombrait dans un océan de folie. La
caissière lui asséna le coup de grâce en refusant le
prix du déjeuner. «De l'argent! s’écria-t-elle. Mais...
c'est moi qui vous en réduis! Ne m'avez-vous pas
donné cette pièce d'or...
...tout-ù-l'heurc, en entrant ? • Et elle lui mit de force
de la monnaie dans la main. Pendant ce temps, le trai
teur était allé prévenir un sergent de ville. « Attention
au client qui va sortir de mon restaurant, lui dit-il.
Il est fou à lier!— Vous en êtes sûr, bourgeois?
— Aussi sûr que je le suis d’être sain d'esprit. D
est si parfaitement aliéné...
...qu’il vient de se livrer chez moi à une foule d’ex
centricités toutes plus baroques les unes que les
autres! — Dans ce cas, sufflcitl bourgeois! Motus et
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