Titre : La Jeunesse illustrée
Éditeur : A. Fayard (Paris)
Date d'édition : 1930-03-02
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327962868
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 11188 Nombre total de vues : 11188
Description : 02 mars 1930 02 mars 1930
Description : 1930/03/02 (N1378). 1930/03/02 (N1378).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k963226p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-55902
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/06/2013
N® 1378 — 28 e Année
35 Centimes
2 Mars 1930
La Jeunesse illustrée
L’AVENTURE DE SIMON PLOFF, SAVETIER, par YMER
Le jour, passe encore : Simon cognait plus fort sur
le cuir des savates, et il entendait à peine les criailleries
de Catherine. Mais, sitôt le souper expédié, maître
Ploff courait donc au cabaret. II y buvait d’ailleurs modé
rément d’ordinaire, sauf le samedi. Mais ces soirs-là, il
s’en donnait à satiété et il rentrait abominablement soûl.
Catherine alors prenait sa revanche. Simon avait, comme
on dit, le vin timide et honteux.
...oe banc était toujours le même, sous les ormes de
l’avenuo du palais ducal, et en faco le palais même de
S. A. le prince duc Mandolphe IV, souverain de Thil-
burie. La fraîcheur du matin le réveillait à peu près
dégrisé. Il rentrait alors chez lui insoucieux de ta récep
tion de sa femme. La première fois que Simon découcha,
celle-ci l’attendait avec son balai terriblement excitée
par toute une nuit d’impatience.
S uand, après un sommeil très prolongé par sa confor-
e situation, Simon se réveilla, son premier mot fut,
naturellement : « Où suis-je î>Hse trouvait dans l’obs
curité, mais ses mains rugueuses sentaient la caresse
inusitée des étoffes soyeuses, du linge de haut prix, et,
au lieu du banc dur et froid de l’avenue, une couche
moelleuse et tiède lui faisait comme un nid immense
et douillet.
Dans son ahurissement, il ne put (s'empêcher de crier :
« Holà ! » Alors les rideaux s’écartèrent en même temps que
deux voix prononçaient : « Monsieur le Marquis appelle î »
Ht il vit deux personnages chamarrés comme des chambel
lans. Simon restait béant et ébaubi devant cette appari
tion, et aussi de la magnificence dont il se voyait entouré :
meubles dorés, tentures de damas broché, tapis, tableaux,
objets précieux.,.. (Voir la suite page 2.)
Il était un savetier dans la bonne ville de Nordau,
en Thilburie. Il s’appelait Simon Ploff. Bon homme,
honnête, assidu à sa besogne, il restait tout le jour à
marteler le cuir devant son établi. Mais, quand venait le
soir, Simon courait au cabaret. Il faut dire qu’il était gra
tifié d’une épouse acariâtre qui lui rendait son foyer inte
nable. Pour des riens, c’étaient des récriminations, des
scènes, et ci et ça!
Mais Simon était dessoûlé; il tint tête à sa femme, et je
vous réponds que Cathe remisa son balai et fila doux.
Par la suite, elle finit par apprendre — car Dieu sait si
elle en était intriguée — où son homme passait ses nuits
des samedis. Elle s’y rendit, trouva l’ivrogne cuvant
son vin sur le banc de l’avenue, le secoua, l’appela, le
tira, cogna, cria. Simon semblait faire corps avec son
banc, et tout aussi animé que ce bloc de pierre.
Tout ce que put obtenir Catherine, ce fut d’attirer les
hommes du corps de garde du palais, qui lui enjoignirent
rudement d’aller faire son sabbat plus loin. Or, le duo lui-
même avait été'réveillé par l’esclandre. Il va à sa fenêtre
et, à la clarté des torches des gardes, distingue la scène.
Il s’habille, doscend et accourt au moment où, Catherine
éloignée, les soldats so demandaient s’ils allaient laisser
là cet ivrogne...
...une vieille connaissance, du reste... « Monseigneur, faut-
il le chasser ou l’emprisonner ? — Ni l’un, ni l’autre,
il ne fait aucun mal, n’est-ce pas î — Aucun, Monseigneur.
Et c’est bien la première fois qu’il cause du tapage depuis
trois ans. — Trois ans! — Oui, Monseigneur, chaque
samedi il passe ainsi la nuit. » Le duc resta un instant son
geur, mais d’une façon plaisante à en juger par l’expression
réjouie de ses traits. C’était un prince débonnaire...
...que Mandolphe IV, et facétieux aussi. Le samedi sui
vant, guettant à sa fenêtre, il vit arriver, ballin-ballant,
notre ivrogne de savetier qui s’étala sur son banc sans
plus bouger. Le duc sonne deux valets, descend avec eux,
et, désignant le pochard, le leur fait transporter dans la
plus belle chambre d’apparat de Bon palais. Tout cela
sans çjue le dormeur fît aucun autre mouvement que ceux
du déplacement.
On le déshabille, on le revêt d’une fine chemise garnio
de dentelle et rubans, un bonnet (de nuit non moins orné,
ainsi qu’il était de mode parmi les gens de qualité en ce
temps-lu. Ainsi paré, Simon fut couché dans un lit somp
tueux à courtines et baldaquins. Ensuite, respectant son
sommeil, on rabatt it les lourds rideaux, puis, ayant laissé
des instructions, le duc alla lui-même so coucher, fort
égayé.
Alors que tant de buveurs puisent toutes les audaces
dans la boisson, lui n’en menait pas large. Il avait beau
rentrer tard, Catherine était toujours là, épiant son
retour, armée d’un balai. Et, du manche comme du fais
ceau, hardi but l’échine de l’incorrigible buveur, pin!
pan! Incorrigible, disons-nous, car Simon recommençait
huit joins après. Et recommençait aussi sa femme : pin !
pan! A la longue, le pauvre diable...
TT"
...redoutant de plus en plus l’aocueil de réponse iras
cible, prit l’habitude de no plus rontrer au logis les nuits
d’ivresse. Il s’attardait on quelque cabaret, dormant sur
un bout do table en attendant quo le tenancier le mît
dehors. Il errait alors par la ville jusqu’à ce qu’il eût trouvé
un banc. Il y tombait comme une masse et s’allongeait
pour s’endormir aussitôt du plus lourd sommeil. Par la
force de l’habitude,...
!
35 Centimes
2 Mars 1930
La Jeunesse illustrée
L’AVENTURE DE SIMON PLOFF, SAVETIER, par YMER
Le jour, passe encore : Simon cognait plus fort sur
le cuir des savates, et il entendait à peine les criailleries
de Catherine. Mais, sitôt le souper expédié, maître
Ploff courait donc au cabaret. II y buvait d’ailleurs modé
rément d’ordinaire, sauf le samedi. Mais ces soirs-là, il
s’en donnait à satiété et il rentrait abominablement soûl.
Catherine alors prenait sa revanche. Simon avait, comme
on dit, le vin timide et honteux.
...oe banc était toujours le même, sous les ormes de
l’avenuo du palais ducal, et en faco le palais même de
S. A. le prince duc Mandolphe IV, souverain de Thil-
burie. La fraîcheur du matin le réveillait à peu près
dégrisé. Il rentrait alors chez lui insoucieux de ta récep
tion de sa femme. La première fois que Simon découcha,
celle-ci l’attendait avec son balai terriblement excitée
par toute une nuit d’impatience.
S uand, après un sommeil très prolongé par sa confor-
e situation, Simon se réveilla, son premier mot fut,
naturellement : « Où suis-je î>Hse trouvait dans l’obs
curité, mais ses mains rugueuses sentaient la caresse
inusitée des étoffes soyeuses, du linge de haut prix, et,
au lieu du banc dur et froid de l’avenue, une couche
moelleuse et tiède lui faisait comme un nid immense
et douillet.
Dans son ahurissement, il ne put (s'empêcher de crier :
« Holà ! » Alors les rideaux s’écartèrent en même temps que
deux voix prononçaient : « Monsieur le Marquis appelle î »
Ht il vit deux personnages chamarrés comme des chambel
lans. Simon restait béant et ébaubi devant cette appari
tion, et aussi de la magnificence dont il se voyait entouré :
meubles dorés, tentures de damas broché, tapis, tableaux,
objets précieux.,.. (Voir la suite page 2.)
Il était un savetier dans la bonne ville de Nordau,
en Thilburie. Il s’appelait Simon Ploff. Bon homme,
honnête, assidu à sa besogne, il restait tout le jour à
marteler le cuir devant son établi. Mais, quand venait le
soir, Simon courait au cabaret. Il faut dire qu’il était gra
tifié d’une épouse acariâtre qui lui rendait son foyer inte
nable. Pour des riens, c’étaient des récriminations, des
scènes, et ci et ça!
Mais Simon était dessoûlé; il tint tête à sa femme, et je
vous réponds que Cathe remisa son balai et fila doux.
Par la suite, elle finit par apprendre — car Dieu sait si
elle en était intriguée — où son homme passait ses nuits
des samedis. Elle s’y rendit, trouva l’ivrogne cuvant
son vin sur le banc de l’avenue, le secoua, l’appela, le
tira, cogna, cria. Simon semblait faire corps avec son
banc, et tout aussi animé que ce bloc de pierre.
Tout ce que put obtenir Catherine, ce fut d’attirer les
hommes du corps de garde du palais, qui lui enjoignirent
rudement d’aller faire son sabbat plus loin. Or, le duo lui-
même avait été'réveillé par l’esclandre. Il va à sa fenêtre
et, à la clarté des torches des gardes, distingue la scène.
Il s’habille, doscend et accourt au moment où, Catherine
éloignée, les soldats so demandaient s’ils allaient laisser
là cet ivrogne...
...une vieille connaissance, du reste... « Monseigneur, faut-
il le chasser ou l’emprisonner ? — Ni l’un, ni l’autre,
il ne fait aucun mal, n’est-ce pas î — Aucun, Monseigneur.
Et c’est bien la première fois qu’il cause du tapage depuis
trois ans. — Trois ans! — Oui, Monseigneur, chaque
samedi il passe ainsi la nuit. » Le duc resta un instant son
geur, mais d’une façon plaisante à en juger par l’expression
réjouie de ses traits. C’était un prince débonnaire...
...que Mandolphe IV, et facétieux aussi. Le samedi sui
vant, guettant à sa fenêtre, il vit arriver, ballin-ballant,
notre ivrogne de savetier qui s’étala sur son banc sans
plus bouger. Le duc sonne deux valets, descend avec eux,
et, désignant le pochard, le leur fait transporter dans la
plus belle chambre d’apparat de Bon palais. Tout cela
sans çjue le dormeur fît aucun autre mouvement que ceux
du déplacement.
On le déshabille, on le revêt d’une fine chemise garnio
de dentelle et rubans, un bonnet (de nuit non moins orné,
ainsi qu’il était de mode parmi les gens de qualité en ce
temps-lu. Ainsi paré, Simon fut couché dans un lit somp
tueux à courtines et baldaquins. Ensuite, respectant son
sommeil, on rabatt it les lourds rideaux, puis, ayant laissé
des instructions, le duc alla lui-même so coucher, fort
égayé.
Alors que tant de buveurs puisent toutes les audaces
dans la boisson, lui n’en menait pas large. Il avait beau
rentrer tard, Catherine était toujours là, épiant son
retour, armée d’un balai. Et, du manche comme du fais
ceau, hardi but l’échine de l’incorrigible buveur, pin!
pan! Incorrigible, disons-nous, car Simon recommençait
huit joins après. Et recommençait aussi sa femme : pin !
pan! A la longue, le pauvre diable...
TT"
...redoutant de plus en plus l’aocueil de réponse iras
cible, prit l’habitude de no plus rontrer au logis les nuits
d’ivresse. Il s’attardait on quelque cabaret, dormant sur
un bout do table en attendant quo le tenancier le mît
dehors. Il errait alors par la ville jusqu’à ce qu’il eût trouvé
un banc. Il y tombait comme une masse et s’allongeait
pour s’endormir aussitôt du plus lourd sommeil. Par la
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