Titre : La Jeunesse illustrée
Éditeur : A. Fayard (Paris)
Date d'édition : 1925-11-15
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327962868
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 novembre 1925 15 novembre 1925
Description : 1925/11/15 (N1154). 1925/11/15 (N1154).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9630037
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-55902
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
No H54 — 23 e Année
30 Centimes
15 Novembre 1925
La Jeunesse illustrée
LE PARCHEMIN VAGABOND, pa
En l’année 1689, sous le règne de Louis-le-Grand, un
jeune cavalier arrivait, à la nuit tombante, sur les bords de
l'Orne, où s’élevait une gentilhommière d’assez riche appa
rence. Le voyageur, Florent de Mirois, de bonne famille
normande, avait perdu tous les siens, et comme son père
avait négligé d’aller à la cour et de partager le brillant escla
vage des seigneurs, il était mort pauvre, laissant un château
en ruines et mille écus seulement, à son fils. Comme il était
alors question de la guerre de la ligue d’Augsbourg...
...Florent allait à Paris pour tâcher d’obtenir un petit grade
dans l’armée du maréchal de Luxembourg. Mais revenons à
son arrivée sur les bords de l’Orne : Le jeune homme frappa
à la porte de la .gentilhommière et un vieux domestique
l’introduisit devant lé maître du lieu, M. de Tougneval, qui
n’ayait pas l’air aimable. Mais aucun noble ne refusait jamais
l’hospitalité à un égal, et M. de Tougneval dit au valet, en
criant : « Mène M. de Mirois à la chambre jaune, pas la verte,
entends-tu ?» Le valet...
Saisissant son épée, II parcourut tous les recoins, et finit
f >ar s’apercevoir que le bruit venait par le plafond, fait do
mis cloisonné. Il grimpa sur le lit et heurta ce plafond avec
le pommeau de l’épée. A sa grande surprise, le bois céda :
il y avuit, dans le cloisonnage, une trappe très bien dissi
mulée, comme il en existait beaucoup autrefois, excellent
moyen de fuite quand l’ennemi tenait rescalier d’un château
tit Itiqué. Florent se suspendit par les doigts à l’ouverture,
se hissa, et battit le briquet.
— Je comprends pourquoi Ja chambre verte m’était Inter
dite, s'écria Florent. Tougneval a dû même prendre exprès
un valet sourd, pour que vos plaintes ne lui parviennent pas,
mais justement cette surdité a provoqué une erreur bienfai
sante. Je vais aller prévenir les autorités d’Alençon... — N’en
faites rien, soupira le vieux comte. J’ai un petit-fils innocent,
Bertrand... Je ne veux pas salir son nom, et je vais mourir
bientôt. Mais je vais écrire le forfait de mon fils, et vous
confier le parchemin. Si Bertrand mourait...
Dès les premiers Jours, il se fit remarquer par sn bravoure.
Dans une escarmouche, il reçut un coup de sabre en pleine
poitrine. La blessure était superficielle, mais le coup avait
tranché en deux le parchemin, logé dans une poche du gilet,
faisant sauter le cachet ! Florent l’ouvrit entièrement pour
le recoller, et ne crut pas être indiscret de le lire, puisqu’il
savait l’histoire des Tougneval. Mais il aperçut un paragraphe
ajouté : . Si Hertrand mourait, comme j'en ai le funeste pres
sentiment, disait le paragraphe...
Il se trouvait dans une petite pièce nue, avec une couche
grossière où était étendu un vieillard qui semblait fort malade.
I.a première idée de Florent fut que c'était un vieux domes
tique, et il allait redescendre pour chercher du secours, mais
le vieillard lui «lit d’un ton d’autorité : « Etes-vous gentil
homme ?» — Oui, répondit Florent, qui se nomma. — Allez
chercher île la lumière et de quoi écrire ; je crois que la chambre
...alors, vengez-moi et portez le document â M. de la Reynic,
à Paris, sinon, gardez-le et n’en souillez mot â personne.
Vous avez l’air d’un loyal gentilhomme, je me fie â vous. »
Et il écrivit péniblement ; puis il rétléchit, sourit et ajouta
quelques lignes, plia le parchemin, le scella avec une bague
à chûton, et le remit à Florent. Il tira de son sein un diamant
enveloppé dans un lambeau de soie et le lui remit aussi en
disant : « Pour vous... Ils ont oublié de nie fouiller l » Epuisé
par ces etlorts, le pauvre vieillard expira bientôt...
...mon fils étant châtié comme il sied, je léque tous mes biens d
Florent de Mirois, le seul être qui m'ait assisté dans mon
malheur. » « Il ne me l’a pas dit, de peur peut-être que je ne
facilite la mort de Bertrand, pensa Florent. A Dieu ne plaise 1
Je me tiendrai simplement au courant de ce qu’il devient. »
11 recolla le parchemin, le remit dans sa poche, et n’y pensa
plus. Mais il ne devait pas tarder à y penser de nouveau...
Son colonel fut tué et remplacé, suivant les abus de l’époque,
par un blanc-bec...
r ASY
...qui était sourd, parut avoir compris et emmena Florent
dans une grande chambre où il le laissa avec un flambeau
allumé. Le jeune homme éclata de rire en voyant que toutes
les tentures étaient vertes. « Ce pauvre vieillard a compris
tout le contraire, se dit-il. Il n’a bien entendu que le mot
<■ verte ». Pourquoi ne voulait-on pas me donner cette cham
bre ? Elle est en bon état. » Il se préparait à se coucher
quand il lui sembla entendre des gémissements étouffés...
...et rapporta un llambeau et une écritoire, avec un rouleau
de parchemin et de la cire. « Monsieur, dit alors le vieillard,
je suis le comte de Tougneval. Mon misérable fils, pressé
d’hériter, m’a fait passer pour mort, en tuant un vieux valet
à la chasse et en rapportant, deux jours après, ses restes
méconnaissables et revêtus de mes habits. Les loups l’avaient
à demi dévoré. On a enterré ce malheureux sous mon nom
tandis que j’étais séquestré ici, où mon fils et sa femme me
laissent sans soins, et ne me nourrissent qu’à peine.
Tremblant de colère, mais résolu à justifier la confiance
du malheureux, Florent redescendit dans la chambre verte,
et referma la truppe avec soin. Au point du jour, il demanda
son cheval et quitta le château sans revoir M. de Tougneval,
qu’il n’eût pu s’empêcher de provoquer en duel : il préférait
aller se battre contre les Autrichiens, les Espagnols et les
Hollandais du Prince d’Orange... Le jeune gentilhomme,
ayant vendu à Paris son diamant, acheta un brevet do
capitaine et partit pour les Pays-Bas.
...lequel était plus Jeune que ses capitaines, et dont la paresse,
l’insolence et la pusillanimité étaient insupportables. Ce
colonel s’appelait Bertrand de Tougneval. Le pauvre Florent
eût souhaité maintes fois qu’un boulet emportât ce détestable
chef, si la pensée que justement il en hériterait, n’avait
empêché le scrupuleux gentilhomme de s’arrêter à un tel
vœu, trop indigne de lui... Un jour, à l’attaque de Nainur,
conduite par le maréchal de Luxembourg, Bertrand, obligé
de marcher à la tête de son régiment, fut blessé et désar
çonné. (Voir la suite page 2.)
30 Centimes
15 Novembre 1925
La Jeunesse illustrée
LE PARCHEMIN VAGABOND, pa
En l’année 1689, sous le règne de Louis-le-Grand, un
jeune cavalier arrivait, à la nuit tombante, sur les bords de
l'Orne, où s’élevait une gentilhommière d’assez riche appa
rence. Le voyageur, Florent de Mirois, de bonne famille
normande, avait perdu tous les siens, et comme son père
avait négligé d’aller à la cour et de partager le brillant escla
vage des seigneurs, il était mort pauvre, laissant un château
en ruines et mille écus seulement, à son fils. Comme il était
alors question de la guerre de la ligue d’Augsbourg...
...Florent allait à Paris pour tâcher d’obtenir un petit grade
dans l’armée du maréchal de Luxembourg. Mais revenons à
son arrivée sur les bords de l’Orne : Le jeune homme frappa
à la porte de la .gentilhommière et un vieux domestique
l’introduisit devant lé maître du lieu, M. de Tougneval, qui
n’ayait pas l’air aimable. Mais aucun noble ne refusait jamais
l’hospitalité à un égal, et M. de Tougneval dit au valet, en
criant : « Mène M. de Mirois à la chambre jaune, pas la verte,
entends-tu ?» Le valet...
Saisissant son épée, II parcourut tous les recoins, et finit
f >ar s’apercevoir que le bruit venait par le plafond, fait do
mis cloisonné. Il grimpa sur le lit et heurta ce plafond avec
le pommeau de l’épée. A sa grande surprise, le bois céda :
il y avuit, dans le cloisonnage, une trappe très bien dissi
mulée, comme il en existait beaucoup autrefois, excellent
moyen de fuite quand l’ennemi tenait rescalier d’un château
tit Itiqué. Florent se suspendit par les doigts à l’ouverture,
se hissa, et battit le briquet.
— Je comprends pourquoi Ja chambre verte m’était Inter
dite, s'écria Florent. Tougneval a dû même prendre exprès
un valet sourd, pour que vos plaintes ne lui parviennent pas,
mais justement cette surdité a provoqué une erreur bienfai
sante. Je vais aller prévenir les autorités d’Alençon... — N’en
faites rien, soupira le vieux comte. J’ai un petit-fils innocent,
Bertrand... Je ne veux pas salir son nom, et je vais mourir
bientôt. Mais je vais écrire le forfait de mon fils, et vous
confier le parchemin. Si Bertrand mourait...
Dès les premiers Jours, il se fit remarquer par sn bravoure.
Dans une escarmouche, il reçut un coup de sabre en pleine
poitrine. La blessure était superficielle, mais le coup avait
tranché en deux le parchemin, logé dans une poche du gilet,
faisant sauter le cachet ! Florent l’ouvrit entièrement pour
le recoller, et ne crut pas être indiscret de le lire, puisqu’il
savait l’histoire des Tougneval. Mais il aperçut un paragraphe
ajouté : . Si Hertrand mourait, comme j'en ai le funeste pres
sentiment, disait le paragraphe...
Il se trouvait dans une petite pièce nue, avec une couche
grossière où était étendu un vieillard qui semblait fort malade.
I.a première idée de Florent fut que c'était un vieux domes
tique, et il allait redescendre pour chercher du secours, mais
le vieillard lui «lit d’un ton d’autorité : « Etes-vous gentil
homme ?» — Oui, répondit Florent, qui se nomma. — Allez
chercher île la lumière et de quoi écrire ; je crois que la chambre
...alors, vengez-moi et portez le document â M. de la Reynic,
à Paris, sinon, gardez-le et n’en souillez mot â personne.
Vous avez l’air d’un loyal gentilhomme, je me fie â vous. »
Et il écrivit péniblement ; puis il rétléchit, sourit et ajouta
quelques lignes, plia le parchemin, le scella avec une bague
à chûton, et le remit à Florent. Il tira de son sein un diamant
enveloppé dans un lambeau de soie et le lui remit aussi en
disant : « Pour vous... Ils ont oublié de nie fouiller l » Epuisé
par ces etlorts, le pauvre vieillard expira bientôt...
...mon fils étant châtié comme il sied, je léque tous mes biens d
Florent de Mirois, le seul être qui m'ait assisté dans mon
malheur. » « Il ne me l’a pas dit, de peur peut-être que je ne
facilite la mort de Bertrand, pensa Florent. A Dieu ne plaise 1
Je me tiendrai simplement au courant de ce qu’il devient. »
11 recolla le parchemin, le remit dans sa poche, et n’y pensa
plus. Mais il ne devait pas tarder à y penser de nouveau...
Son colonel fut tué et remplacé, suivant les abus de l’époque,
par un blanc-bec...
r ASY
...qui était sourd, parut avoir compris et emmena Florent
dans une grande chambre où il le laissa avec un flambeau
allumé. Le jeune homme éclata de rire en voyant que toutes
les tentures étaient vertes. « Ce pauvre vieillard a compris
tout le contraire, se dit-il. Il n’a bien entendu que le mot
<■ verte ». Pourquoi ne voulait-on pas me donner cette cham
bre ? Elle est en bon état. » Il se préparait à se coucher
quand il lui sembla entendre des gémissements étouffés...
...et rapporta un llambeau et une écritoire, avec un rouleau
de parchemin et de la cire. « Monsieur, dit alors le vieillard,
je suis le comte de Tougneval. Mon misérable fils, pressé
d’hériter, m’a fait passer pour mort, en tuant un vieux valet
à la chasse et en rapportant, deux jours après, ses restes
méconnaissables et revêtus de mes habits. Les loups l’avaient
à demi dévoré. On a enterré ce malheureux sous mon nom
tandis que j’étais séquestré ici, où mon fils et sa femme me
laissent sans soins, et ne me nourrissent qu’à peine.
Tremblant de colère, mais résolu à justifier la confiance
du malheureux, Florent redescendit dans la chambre verte,
et referma la truppe avec soin. Au point du jour, il demanda
son cheval et quitta le château sans revoir M. de Tougneval,
qu’il n’eût pu s’empêcher de provoquer en duel : il préférait
aller se battre contre les Autrichiens, les Espagnols et les
Hollandais du Prince d’Orange... Le jeune gentilhomme,
ayant vendu à Paris son diamant, acheta un brevet do
capitaine et partit pour les Pays-Bas.
...lequel était plus Jeune que ses capitaines, et dont la paresse,
l’insolence et la pusillanimité étaient insupportables. Ce
colonel s’appelait Bertrand de Tougneval. Le pauvre Florent
eût souhaité maintes fois qu’un boulet emportât ce détestable
chef, si la pensée que justement il en hériterait, n’avait
empêché le scrupuleux gentilhomme de s’arrêter à un tel
vœu, trop indigne de lui... Un jour, à l’attaque de Nainur,
conduite par le maréchal de Luxembourg, Bertrand, obligé
de marcher à la tête de son régiment, fut blessé et désar
çonné. (Voir la suite page 2.)
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