Titre : Les Belles images
Éditeur : A. Fayard (Paris)
Date d'édition : 1933-01-05
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327110547
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 11090 Nombre total de vues : 11090
Description : 05 janvier 1933 05 janvier 1933
Description : 1933/01/05 (N1477). 1933/01/05 (N1477).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9617696
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-55958
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
N° 1477 — 30 e Année
JL FAYARD et C 1 *, Editeurs
18 *t 20
na du St-Eothard, PARIS (14*)
Chique postal 388-84
6 Janvier 1933
33 CÉMÛMBa
ABÛNttENEKTS:
Franc* : Un an.;: 17.5®
— Six mois 9.50
Etranger: Un an. 30ir f
Chèque postal 388-84
_
A ia grande exposition nautique : « Tout le monde
sur l’eau »... mais qui se tient sur la terre ferme, dans
un vaste stand de fer, M. Moulinot avait vu un canot
automobile qui joignait à sa qualité admirable, la
beauté de la forme à la modicité du prix. M. Moulinot
était rentier. Il avait un petit pavillon à Plage-Future,
sur le bord de la Marne. Et M. Moulinot,..,
...qui ne pouvait détacher ses yeux du joli canot auto
mobile, murmurait : « Voilà qui serait agréable pour
faire ma petite promenade matinale. » Et original
aussi; car tout le monde, à Plage-Future, ne possé
dait pas un canot automobile. Les plus fervents de
promenades sur l'eau n’avaient guère qu’une vieille
barque, ou un bachot antédiluvien pour se livrer...
...au sport tranquille de la pêche à la ligne. Aussi,
autant pour satisfaire son plaisir personnel que pour
éblouir Plage-Future, M. Moulinot s’offrit le canot,
et en grande pompe (c’est-à-dire avec quelques amis) le
baptisa : Le Rapid’ sans e et avec une apostrophe pour
que ça fasse plus anglais. La chose principale que ça
fit surtout, ce fut de ne pas faire plaisir aux riverains
Les amateurs de promenades familiales à l’aviron se
fâchèrent : • il fait ça pour se moquer de nos vieux
bâteaux, ce richard vaniteux... » Quant «ux fervents
amateurs de pêche à la ligne, ils se récrièrent tous :
« Il va faire sauver tout le poisson, celui-là, avec
les pétarades de son moteur I » C’eût été bien étonnant,
pourtant, car, de mémoire d’homme,.,.
...on n’avait pas souvenir même du moindre goujon
tiré de la Marne par les chevaliers de la gaule de Plage-
Future ’ Mais cela n’empêcha pas qu’il y eut immédia
tement tout autour de M. Moulinot comme une sorte
de conjuration muette. Pour lui apprendre à se moquer
des canotiers et à vouloir gêner les pêcheurs! Tout
à son bonheur, l’heureux M. Moulinot ne voyait pas...
...la grise mine qu’on lui faisait. Le Rapid’ baptisé en
cérémonie, et au champagne ainsi qu’il convient,
il s’installa à la barre, fier comme un officier de marine,
dont il avait d’ailleurs acheté le seyant uniforme
sombre et la blanche casquette d’été... avec beaucoup
de galons dorés. Le moteur pétarada longtemps,
longtemps, plus longtemps, très longtemps,,..
...Le Rapid’ semblait bien vouloir s’élancer pour
fendre l’eau, toute sa structure métallique trem
blait même de ce désir... Seulement, le canot ne
quittait pas la rive. Pour toube besogne, il se conten
tait de faire du bruit. Et quel bruit 1 Dans un rayon
de plusieurs kilomètres, tout le bétail en avait, avec
affolement, quitté les pâturages pour regagner,
cornes à terre, les étables!
Dans leurs vieux bachots, les pêcheurs endurcis
se laissaient aller à une hilarité douce, mais des plus
désobligeantes. « Pardi! pensa M. Moulinot, j’aurais
bien dû me douter qu’un canot à pétrole aussi bon
marché, ça cachait un défaut de construction. J’ai
été volé. » Et, vexé de s’être ainsi donné en spectacle
ridicule, il mit pied à terre pour regarder une dernière
fois l’embarcation récalcitrante,...
...avant de la revendre à la ferraille. Un riverain,
un peu moins goguenard tout de même que les
pêcheurs, lui mit la main avec pitié sur l'épaule :
« Il marcherait bien, votre Rapid’ ; il marcherait même
furieusement. Seulement... — Seulement ? » interrogea
M. Moulinot curieux de connaître d’où lui venait
son échec humiliant. « Seulement, renseigna le rive
rain,...
...avant de mettre le moteur en branle, il aurait peut-
être fallu détacher l’amarre! Comment vouliez-vous
qu’il s’en aille puisqu’il était attaché ? » M. Moulinot,
pour avoir omis ce léger détail, comprit qu’il en était
fini pour Plage-Future du prestige de sa carrière de
navigateur! Quand le canot fut rentré au garage.
Il fit venir un bon mécanicien et lui dit ; * Vous allez...
...me mettre quatre roues à ce bateau mécanique pour
m’en faire une voiture automobile! » Le mécanicien
lui exécuta fort bien ce travail. Peu de semaines après,
M Moulinot sortait au volant... de son canot. Et ça
marcha, beaucoup mieux que sur l’eau. Ça marcha
même si bien qu’un gendarme le gratifia d’une fameuse
contravention, M. Moulinot paya l’amende et...
...fit avec fierté, mettre dans un beau cadre le texte
de sa condamnation : « Pour avoir roulé d une vitesse
excessive sur une rouie départementale avec un canot-
automobile. » Ce[sont là des choses qui ne sont pas don
nées à tout le monde, avouez-le 9 Aussi, M, Moulinot
se rengorge-t-il lorsqu’il fait voir aux visiteurs amis
et autres, le procès-verbal que lui a valu son Rapid’.
(D*Mrôi8 d* JXJX>.)
JL FAYARD et C 1 *, Editeurs
18 *t 20
na du St-Eothard, PARIS (14*)
Chique postal 388-84
6 Janvier 1933
33 CÉMÛMBa
ABÛNttENEKTS:
Franc* : Un an.;: 17.5®
— Six mois 9.50
Etranger: Un an. 30ir f
Chèque postal 388-84
_
A ia grande exposition nautique : « Tout le monde
sur l’eau »... mais qui se tient sur la terre ferme, dans
un vaste stand de fer, M. Moulinot avait vu un canot
automobile qui joignait à sa qualité admirable, la
beauté de la forme à la modicité du prix. M. Moulinot
était rentier. Il avait un petit pavillon à Plage-Future,
sur le bord de la Marne. Et M. Moulinot,..,
...qui ne pouvait détacher ses yeux du joli canot auto
mobile, murmurait : « Voilà qui serait agréable pour
faire ma petite promenade matinale. » Et original
aussi; car tout le monde, à Plage-Future, ne possé
dait pas un canot automobile. Les plus fervents de
promenades sur l'eau n’avaient guère qu’une vieille
barque, ou un bachot antédiluvien pour se livrer...
...au sport tranquille de la pêche à la ligne. Aussi,
autant pour satisfaire son plaisir personnel que pour
éblouir Plage-Future, M. Moulinot s’offrit le canot,
et en grande pompe (c’est-à-dire avec quelques amis) le
baptisa : Le Rapid’ sans e et avec une apostrophe pour
que ça fasse plus anglais. La chose principale que ça
fit surtout, ce fut de ne pas faire plaisir aux riverains
Les amateurs de promenades familiales à l’aviron se
fâchèrent : • il fait ça pour se moquer de nos vieux
bâteaux, ce richard vaniteux... » Quant «ux fervents
amateurs de pêche à la ligne, ils se récrièrent tous :
« Il va faire sauver tout le poisson, celui-là, avec
les pétarades de son moteur I » C’eût été bien étonnant,
pourtant, car, de mémoire d’homme,.,.
...on n’avait pas souvenir même du moindre goujon
tiré de la Marne par les chevaliers de la gaule de Plage-
Future ’ Mais cela n’empêcha pas qu’il y eut immédia
tement tout autour de M. Moulinot comme une sorte
de conjuration muette. Pour lui apprendre à se moquer
des canotiers et à vouloir gêner les pêcheurs! Tout
à son bonheur, l’heureux M. Moulinot ne voyait pas...
...la grise mine qu’on lui faisait. Le Rapid’ baptisé en
cérémonie, et au champagne ainsi qu’il convient,
il s’installa à la barre, fier comme un officier de marine,
dont il avait d’ailleurs acheté le seyant uniforme
sombre et la blanche casquette d’été... avec beaucoup
de galons dorés. Le moteur pétarada longtemps,
longtemps, plus longtemps, très longtemps,,..
...Le Rapid’ semblait bien vouloir s’élancer pour
fendre l’eau, toute sa structure métallique trem
blait même de ce désir... Seulement, le canot ne
quittait pas la rive. Pour toube besogne, il se conten
tait de faire du bruit. Et quel bruit 1 Dans un rayon
de plusieurs kilomètres, tout le bétail en avait, avec
affolement, quitté les pâturages pour regagner,
cornes à terre, les étables!
Dans leurs vieux bachots, les pêcheurs endurcis
se laissaient aller à une hilarité douce, mais des plus
désobligeantes. « Pardi! pensa M. Moulinot, j’aurais
bien dû me douter qu’un canot à pétrole aussi bon
marché, ça cachait un défaut de construction. J’ai
été volé. » Et, vexé de s’être ainsi donné en spectacle
ridicule, il mit pied à terre pour regarder une dernière
fois l’embarcation récalcitrante,...
...avant de la revendre à la ferraille. Un riverain,
un peu moins goguenard tout de même que les
pêcheurs, lui mit la main avec pitié sur l'épaule :
« Il marcherait bien, votre Rapid’ ; il marcherait même
furieusement. Seulement... — Seulement ? » interrogea
M. Moulinot curieux de connaître d’où lui venait
son échec humiliant. « Seulement, renseigna le rive
rain,...
...avant de mettre le moteur en branle, il aurait peut-
être fallu détacher l’amarre! Comment vouliez-vous
qu’il s’en aille puisqu’il était attaché ? » M. Moulinot,
pour avoir omis ce léger détail, comprit qu’il en était
fini pour Plage-Future du prestige de sa carrière de
navigateur! Quand le canot fut rentré au garage.
Il fit venir un bon mécanicien et lui dit ; * Vous allez...
...me mettre quatre roues à ce bateau mécanique pour
m’en faire une voiture automobile! » Le mécanicien
lui exécuta fort bien ce travail. Peu de semaines après,
M Moulinot sortait au volant... de son canot. Et ça
marcha, beaucoup mieux que sur l’eau. Ça marcha
même si bien qu’un gendarme le gratifia d’une fameuse
contravention, M. Moulinot paya l’amende et...
...fit avec fierté, mettre dans un beau cadre le texte
de sa condamnation : « Pour avoir roulé d une vitesse
excessive sur une rouie départementale avec un canot-
automobile. » Ce[sont là des choses qui ne sont pas don
nées à tout le monde, avouez-le 9 Aussi, M, Moulinot
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