Titre : Bulletin du Syndicat des employés du commerce et de l'industrie
Auteur : Syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels (France). Auteur du texte
Éditeur : Siège social (Paris)
Date d'édition : 1896-11-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32728215s
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 novembre 1896 01 novembre 1896
Description : 1896/11/01 (A6,N36)-1896/12/31. 1896/11/01 (A6,N36)-1896/12/31.
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9615811n
Source : CODHOS / Archives CFDT, 2013-304540
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 30/11/2015
6e ANNÉE — N° 36. Novembre-Décembre 1896.
BULLETIN
DU
SYNDICAT DES EMPLOYÉS
DU COMMERCE & DE L'INDUSTRIE
FONDÉ EN 1887
SIÈGE SOCIAL : 14, rue des Petits-Carreaux, 14. — PARIS
POUR LES- ABONNEMENTS -ET LES ANNONCES
- S'adresser au Siège social -
Le BULLETIN est envoyé gratis aux Syndiqués -
Jitsqu'à nouvel ordre, le BULLETIN paraîtra tous les deux mois.
SPÉCULATION
ACCAPAREMENT — USURE
Spéculation, accaparement, usure : ces trois mots
éveillent en nous un sentiment de réprobation. Spécu-
lation, c'est pour nous un ensemble de menées plus ou
moins mystérieuses qui faussent les cours de la Bourse,
troublent le commerce, accumulent les ruines et boule-
versent l'équilibre économique; c'est aussi, avouons-le,
une explication facile des phénomènes que nous com-
prenons mal ou-dônt nous ne voulons pas voir les véri-
tables causes. Commerçants maladroits, économistes
embarrassés pour expliquer les causes d'une crise, capi-
talistes imprévoyants ont vite trouvé dans la spéculation
la cause de leurs maux ou de leur embarras. L'accapa-
rement et l'usure sont peut-être un peu mieux définis
que la spéculation; ils sont comme elle la source de ces
fortunes subites assez fréquentes à notre époque, que le
bon sens populaire considère, non sans raison, comme
mal acquises, parce qu'elles n'ont pas pour origine le
travail.
Nous allons essayer de définir ce que sont ces trois
ennemis de l'ordre économique, et de distinguer entre le
spéculateur honnête et celui qui cherche à édifier sur
les ruines d'autrui une fortune rapide.
Le mot spéculation (speculare, regarder) n'a pas par
lui-même le sens défavorable qui lui est souvent donné.
. Le commerçant qui achète des marchandises, le capi-
taliste qui achète des valeurs (et les valeurs ne sont-elles
pas des marchandises d'une nature particulière?) dans le
but de les revendre à meilleur prix, sont bien des spé-
culateurs; mais le bénéfice qu'ils espèrent retirer de leur
opération est le salaire de leur prévoyance et l'indemnité
des rÍsques qu'ils courent. Ils ont fait un acte de pré-
voyance assurément légitime et qui a, au point de vue
économique et social, les plus heureuses conséquences.
Jusque-là rien que de très licite; mais que le spéculateur
achète à terme des marchandises ou des valeurs sans
avoir de quoi les payer, qu'au contraire il vende des titres
ou des denrées qu'il ne possède pas, il fait alors une opé-
ration qui n'a plus de commercial que l'apparence ; il
joue, en réalité, sur des chances de haussent de- baisse
comme un parieur à une loterie, avec cette différence
cependant que le hasard n'est pas absolument le seul
élément du gain ; l'habileté, le coup d'œil jouent aussi
un rôle, quoique bien effacé souvent, dans le succès de
leur spéculation.
Cette opération, qui consiste à vendre à terme c'e qu'on
ne possède pas et à acheter à terme sans argent, étonne
ceux qui ne sont pas familiarisés avec les 'affaires,"et ils
peuvent se demander comment, à l'expiration du terme,
le premier puisse livrer la marchandise et le second la .
payer. C'est qu'au jour du terme le marché n'est pas effec-
tivement réalisé. Celui qui doit livrer les titres ou les -
denrées devrait rationnellement les acheter, puisqu'il ne
les a pas ; il se borne à en donnera son acheteur la valeur
actuelle en argent, diminuée du prix de vente qui lui
est dû, ou si cette valeur est inférieure au prix de vente,
il ne livre rien et reçoit -le prix de vente qui lui est dû
diminué de la valeur de la marchandise. Le vendeur
joue à la baisse ; dans le premier cas, il y a eu hausse,
il a perdu et payé une différence ; dans le deuxième cas,
il y a eu baisse et il a gagné la différence. L'acheteur et
le vendeur n'ont pas eu besoin d'autre chose que d'une
somme d'argent égale à la différence des prix de la
denrée ou du titre sur lequel ils ont stipulé.
C'est là, à proprement parler, la véritable spéculation;
sans la considérer déjà comme un délit, nous avons pour
elle de l'antipathie, les fortunes qu'elle crée, comme
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ACCAPAREMENT — USURE
Spéculation, accaparement, usure : ces trois mots
éveillent en nous un sentiment de réprobation. Spécu-
lation, c'est pour nous un ensemble de menées plus ou
moins mystérieuses qui faussent les cours de la Bourse,
troublent le commerce, accumulent les ruines et boule-
versent l'équilibre économique; c'est aussi, avouons-le,
une explication facile des phénomènes que nous com-
prenons mal ou-dônt nous ne voulons pas voir les véri-
tables causes. Commerçants maladroits, économistes
embarrassés pour expliquer les causes d'une crise, capi-
talistes imprévoyants ont vite trouvé dans la spéculation
la cause de leurs maux ou de leur embarras. L'accapa-
rement et l'usure sont peut-être un peu mieux définis
que la spéculation; ils sont comme elle la source de ces
fortunes subites assez fréquentes à notre époque, que le
bon sens populaire considère, non sans raison, comme
mal acquises, parce qu'elles n'ont pas pour origine le
travail.
Nous allons essayer de définir ce que sont ces trois
ennemis de l'ordre économique, et de distinguer entre le
spéculateur honnête et celui qui cherche à édifier sur
les ruines d'autrui une fortune rapide.
Le mot spéculation (speculare, regarder) n'a pas par
lui-même le sens défavorable qui lui est souvent donné.
. Le commerçant qui achète des marchandises, le capi-
taliste qui achète des valeurs (et les valeurs ne sont-elles
pas des marchandises d'une nature particulière?) dans le
but de les revendre à meilleur prix, sont bien des spé-
culateurs; mais le bénéfice qu'ils espèrent retirer de leur
opération est le salaire de leur prévoyance et l'indemnité
des rÍsques qu'ils courent. Ils ont fait un acte de pré-
voyance assurément légitime et qui a, au point de vue
économique et social, les plus heureuses conséquences.
Jusque-là rien que de très licite; mais que le spéculateur
achète à terme des marchandises ou des valeurs sans
avoir de quoi les payer, qu'au contraire il vende des titres
ou des denrées qu'il ne possède pas, il fait alors une opé-
ration qui n'a plus de commercial que l'apparence ; il
joue, en réalité, sur des chances de haussent de- baisse
comme un parieur à une loterie, avec cette différence
cependant que le hasard n'est pas absolument le seul
élément du gain ; l'habileté, le coup d'œil jouent aussi
un rôle, quoique bien effacé souvent, dans le succès de
leur spéculation.
Cette opération, qui consiste à vendre à terme c'e qu'on
ne possède pas et à acheter à terme sans argent, étonne
ceux qui ne sont pas familiarisés avec les 'affaires,"et ils
peuvent se demander comment, à l'expiration du terme,
le premier puisse livrer la marchandise et le second la .
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diminué de la valeur de la marchandise. Le vendeur
joue à la baisse ; dans le premier cas, il y a eu hausse,
il a perdu et payé une différence ; dans le deuxième cas,
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