Titre : Les Belles images
Éditeur : A. Fayard (Paris)
Date d'édition : 1926-10-07
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327110547
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 07 octobre 1926 07 octobre 1926
Description : 1926/10/07 (N1151). 1926/10/07 (N1151).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k961451w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-55958
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/03/2013
N° 1151 — 23 e Année
7 Octobre 1926
LA MÈRE SANS-RIEN, par YMER
Clopin-clopant, chemine la vieille par lea sentiers du
bois. Un faix l’accable qu’elle augmente toujours de
quelque nouveau surcroît : ici une pomme de pin, là
une branche morte, plus loin des châtaignes, des faines
ou des glands doux. Et puis elle rentre chez elle. Qu’il est
triste et froid son pauvre logis ! Branlant au moindre
vent, suintant à chaque pluie, plus misérable encore que
sa malheureuse habitante, qu’on appelait la mère Sans-
Rien. Autrefois, pourtant, le bonheur et ' l’abondance
régnaient en cette demeure.
un bon mari et cinq fils. Le père était tisserand et aussi
l’aîné des enfants, tandis que le second apprenait l’état
de savetier, et, plus tard, le troisième, celui de cordier ;
le quatrième était encore jeunet, et le dernier, enfant au
berceau tout chétif. Et tout cela était parti ! Le père le
premier, hélas, et pour le cimetière. Armand, le fils aîné,
avait alors dix-neuf ans, fort habile au métier et, avec son
aide, la veuve entreprit de faire vivre la maisonnée...
Les frères le raillaient tout en le jalousant aigrement,
car eux, à cet âge, tâchaient déjà durement et il leur
semblait injuste de besogner pour cet inutile. Et, à leur
tour, ils abandonnèrent la maison. Voici donc Nanette
désolée et seule avec ce pauvre petit qui. à douze ans,
était encore, pour la connaissance, comme un marmot,
tout en mangeant comme quatre, car son corps s’était
enfin développé ; et la mère s’usait de travail. Elle avait
dû vendre la vache, puis du linge, des meubles, pour faire
de l’argent.
...et d’une mère indigente. « Tu te trompes, dit-il, le
front rouge et froncé, et à voix basse, pour que la fiancée
et son père n’entendissent point. Je n’ai pas de frère ni de
mère ! Cependant, comme tu me parais besogneux, voici
un sol et un bon conseil : quitte vite ce pays où les étran
gers nécessiteux sont pourchassés sans pitié. » Rouge
de honte à son tour, Janot refusa l’outrageante aumôno
*'t s’éloigna en pleurs... Cependant, au pays, Nanette
Hirot vivait dans le désespoir depuis le départ de son der-
nicr-né. Elle en tomba malade.
Janot prenait de l’âge et voici qu’en se fortifiant,
il semblait à la Birotte que quelquo lueur se faisait en
son esprit. C’était vrai ; mais à mesure que s’éveillait
son intelligence, Janot constatait avec douleur combien
la pauvre vieille mère s’exténuait et se privait pour lui
qui n’était que charge et souci à la chère femme. Et voilà
que lui aussi songea à partir, non point par égoïsme,
certes, mais pour le soulagement de sa mère. Ailleurs, il
travaillerait, à n’importe quoi, tandis qu’en ce pays
où il était connu pour un niais...
Janot se rendit à l’endroit indiqué, trouva bien l’é
choppe de son frère, mais de savetier, point. « Allez à ce
cabaret, lui dit une voisine. Il s’y tient plus qu’à son
établi. » Janot y entra, se fit désigner Colas par le taver-
nier et se fit connaître de son frère. Mais Colas, buveur,
joueur, fainéant, n’avait jamais un denier d’avance. Il
embrassa le frérot, le complimenta sur sa bonne mine,
versa une larme sur l’infortune de la mère et offrit
à Janot... une goulée de son boire. Le frérot quitta
l’ivrogne qui ne le laissa point partir...
Elle guérit, hélas, mais, découragée du iaoeur, se laissa
aller à la plus profonde misère. Elle cherchait dans la
forêt où elle espérait que. Janot avait pu se retirer,
ayant remarqué, depuis l’éveil de son esprit, le goût de
l’enfant pour la solitude. Et les gens disaient, la voyant
en quête : « Elle cherche le trésor du monastère ! » Car, en
ce pays, une légende prétendait que, au temps des inva
sions sarrasines, des moines, fuyant les barbares et vou
lant soustraire leurs biens au pillage, les avaient cachés
dans la forêt où nul n’en avait plus rien vu, ces...
...les deux puînés commençant déjà à gagner quelque
peu. Mais Armand fut vite lassé de s’éreinter pour tous
et, attaché à son intérêt, il se dit qu’en 'travaillant pour
lui seul il pouvait, avec moins de peine, tirer grand pr<>
fit. Et, sa majorité atteinte, usant de son droit d’aînesse,
II quitta la maison un beau matin en emportant le métier.
Ce fut au tour des trois autres garçons de peiner.'Pour
Jeannot, le plus jeune, il avait alors dix ans, mais, resté
malingre et simplet, c’est à peine s’il suffisait à d’infiraes
besognes autour de sa mère.
— Tiens, voici un écu, et pars-t-en vite ! — Laisse un
peu nos écus en repos ! » cria une voix acariâtre. Et sur
vint une jeune fune qui était l’épouse d’Armand. « Quel
est ce mendiant î maugréa-t-elle en toisant durement le
garçon. — Mon frère Janot. — Ah oui, le crétin ? Gar
dons nos écus pour nos petits, et, toi, hors d’ici 1 — Adieu
donc 1 » dit Janot qui sortit, tête basse. Mais son frère, le
,'attrapant, lui glissa son écu dans les doigts et lui dit :
« Va trouver Colas, qui habite en la rue dès Corroyeurs :
il est libre et sans charges, lui, et te secourra. »
...qui donc voudrait de ses services ï II avait quinze mis
quand, une nuit, ainsi résolu, il noua quelques hardes
en un paquet, et le voilà parti tout pleurant, mais tout
courant. 11 arriva en une cité où, en errant, il avisa une
enseigne : « Birot, tisserand ». C’était son frère ; il entre :
« Armand, je suis Janot, ton frère. Donne-moi du tra
vail ? — Comme te voilà grandi, et sage ! Du travail, mon
petiot, je n’en ai que pour moi, et j’ai de la marmaille !
— Tu as l’air de prospérer, pourtant. Et si tu savais
comme la pauvre mère est malheureuse au pays.!
...fans l’engager à aller trouver leur frère Laurent, au
pays de Martignan : économe et rangé, près d’épouser
ta fille de son patron, Laurent pourrait lui venir en aide.
Et voici Janot à Martignan où, s’étant informé, il trouva
son frère tissant sa corde au long des remparts, sa fiancée
à l’autre bout, et le patron surveillant le travail. « Bon
jour Laurent ! Reconnais ton frère Janot. Si tu savais
comme la mère est malheureuse au pays ! » Mais le
cordier, avare et vaniteux, ne songeait guère à s’embar
rasser d’un frère simple d’esprit...
...religieux ayant été tous massacrés. En vérité, la pau
vre Birotte se souciait bien de trésors ! Elle allait, men
diant et disant : « Je n’ai plus rien ! » Et on l’avait appe
lée la Mère Sans-Rien. Or, voici qu’un jour, en arrachant
«lu bois mort d’un lierre immense revêtant un rocher, elle
s’aperçut que sa ramure plus que centenaire masquait
une anfractuosité dont le fond avait été muré. Avec sa
hache elle attaqua la maçonnerie déjà fort effritée par
l’humidité, et une cavité parut. Elle agrandit la baie
qu’elle franchit. (Voir la suite paçe 2.)
30 CtRTIlRES
L EATIRB il P. Milan
18 et 20
ni» du St-Bothard, PARIS (14 e )
Chèque postal 388-84
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30 CEMTIKES
ABONNEMENTS:
Franc* : Un an... 15 ferj
— Six mois 8 ir.
Étranger: Un an. 22 Ir.'
Chèque portai 388-84
7 Octobre 1926
LA MÈRE SANS-RIEN, par YMER
Clopin-clopant, chemine la vieille par lea sentiers du
bois. Un faix l’accable qu’elle augmente toujours de
quelque nouveau surcroît : ici une pomme de pin, là
une branche morte, plus loin des châtaignes, des faines
ou des glands doux. Et puis elle rentre chez elle. Qu’il est
triste et froid son pauvre logis ! Branlant au moindre
vent, suintant à chaque pluie, plus misérable encore que
sa malheureuse habitante, qu’on appelait la mère Sans-
Rien. Autrefois, pourtant, le bonheur et ' l’abondance
régnaient en cette demeure.
un bon mari et cinq fils. Le père était tisserand et aussi
l’aîné des enfants, tandis que le second apprenait l’état
de savetier, et, plus tard, le troisième, celui de cordier ;
le quatrième était encore jeunet, et le dernier, enfant au
berceau tout chétif. Et tout cela était parti ! Le père le
premier, hélas, et pour le cimetière. Armand, le fils aîné,
avait alors dix-neuf ans, fort habile au métier et, avec son
aide, la veuve entreprit de faire vivre la maisonnée...
Les frères le raillaient tout en le jalousant aigrement,
car eux, à cet âge, tâchaient déjà durement et il leur
semblait injuste de besogner pour cet inutile. Et, à leur
tour, ils abandonnèrent la maison. Voici donc Nanette
désolée et seule avec ce pauvre petit qui. à douze ans,
était encore, pour la connaissance, comme un marmot,
tout en mangeant comme quatre, car son corps s’était
enfin développé ; et la mère s’usait de travail. Elle avait
dû vendre la vache, puis du linge, des meubles, pour faire
de l’argent.
...et d’une mère indigente. « Tu te trompes, dit-il, le
front rouge et froncé, et à voix basse, pour que la fiancée
et son père n’entendissent point. Je n’ai pas de frère ni de
mère ! Cependant, comme tu me parais besogneux, voici
un sol et un bon conseil : quitte vite ce pays où les étran
gers nécessiteux sont pourchassés sans pitié. » Rouge
de honte à son tour, Janot refusa l’outrageante aumôno
*'t s’éloigna en pleurs... Cependant, au pays, Nanette
Hirot vivait dans le désespoir depuis le départ de son der-
nicr-né. Elle en tomba malade.
Janot prenait de l’âge et voici qu’en se fortifiant,
il semblait à la Birotte que quelquo lueur se faisait en
son esprit. C’était vrai ; mais à mesure que s’éveillait
son intelligence, Janot constatait avec douleur combien
la pauvre vieille mère s’exténuait et se privait pour lui
qui n’était que charge et souci à la chère femme. Et voilà
que lui aussi songea à partir, non point par égoïsme,
certes, mais pour le soulagement de sa mère. Ailleurs, il
travaillerait, à n’importe quoi, tandis qu’en ce pays
où il était connu pour un niais...
Janot se rendit à l’endroit indiqué, trouva bien l’é
choppe de son frère, mais de savetier, point. « Allez à ce
cabaret, lui dit une voisine. Il s’y tient plus qu’à son
établi. » Janot y entra, se fit désigner Colas par le taver-
nier et se fit connaître de son frère. Mais Colas, buveur,
joueur, fainéant, n’avait jamais un denier d’avance. Il
embrassa le frérot, le complimenta sur sa bonne mine,
versa une larme sur l’infortune de la mère et offrit
à Janot... une goulée de son boire. Le frérot quitta
l’ivrogne qui ne le laissa point partir...
Elle guérit, hélas, mais, découragée du iaoeur, se laissa
aller à la plus profonde misère. Elle cherchait dans la
forêt où elle espérait que. Janot avait pu se retirer,
ayant remarqué, depuis l’éveil de son esprit, le goût de
l’enfant pour la solitude. Et les gens disaient, la voyant
en quête : « Elle cherche le trésor du monastère ! » Car, en
ce pays, une légende prétendait que, au temps des inva
sions sarrasines, des moines, fuyant les barbares et vou
lant soustraire leurs biens au pillage, les avaient cachés
dans la forêt où nul n’en avait plus rien vu, ces...
...les deux puînés commençant déjà à gagner quelque
peu. Mais Armand fut vite lassé de s’éreinter pour tous
et, attaché à son intérêt, il se dit qu’en 'travaillant pour
lui seul il pouvait, avec moins de peine, tirer grand pr<>
fit. Et, sa majorité atteinte, usant de son droit d’aînesse,
II quitta la maison un beau matin en emportant le métier.
Ce fut au tour des trois autres garçons de peiner.'Pour
Jeannot, le plus jeune, il avait alors dix ans, mais, resté
malingre et simplet, c’est à peine s’il suffisait à d’infiraes
besognes autour de sa mère.
— Tiens, voici un écu, et pars-t-en vite ! — Laisse un
peu nos écus en repos ! » cria une voix acariâtre. Et sur
vint une jeune fune qui était l’épouse d’Armand. « Quel
est ce mendiant î maugréa-t-elle en toisant durement le
garçon. — Mon frère Janot. — Ah oui, le crétin ? Gar
dons nos écus pour nos petits, et, toi, hors d’ici 1 — Adieu
donc 1 » dit Janot qui sortit, tête basse. Mais son frère, le
,'attrapant, lui glissa son écu dans les doigts et lui dit :
« Va trouver Colas, qui habite en la rue dès Corroyeurs :
il est libre et sans charges, lui, et te secourra. »
...qui donc voudrait de ses services ï II avait quinze mis
quand, une nuit, ainsi résolu, il noua quelques hardes
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courant. 11 arriva en une cité où, en errant, il avisa une
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« Armand, je suis Janot, ton frère. Donne-moi du tra
vail ? — Comme te voilà grandi, et sage ! Du travail, mon
petiot, je n’en ai que pour moi, et j’ai de la marmaille !
— Tu as l’air de prospérer, pourtant. Et si tu savais
comme la pauvre mère est malheureuse au pays.!
...fans l’engager à aller trouver leur frère Laurent, au
pays de Martignan : économe et rangé, près d’épouser
ta fille de son patron, Laurent pourrait lui venir en aide.
Et voici Janot à Martignan où, s’étant informé, il trouva
son frère tissant sa corde au long des remparts, sa fiancée
à l’autre bout, et le patron surveillant le travail. « Bon
jour Laurent ! Reconnais ton frère Janot. Si tu savais
comme la mère est malheureuse au pays ! » Mais le
cordier, avare et vaniteux, ne songeait guère à s’embar
rasser d’un frère simple d’esprit...
...religieux ayant été tous massacrés. En vérité, la pau
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«lu bois mort d’un lierre immense revêtant un rocher, elle
s’aperçut que sa ramure plus que centenaire masquait
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