Titre : Les Belles images
Éditeur : A. Fayard (Paris)
Date d'édition : 1924-10-30
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327110547
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 30 octobre 1924 30 octobre 1924
Description : 1924/10/30 (N1050). 1924/10/30 (N1050).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9613506
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-55958
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/03/2013
30 Octobre 1924
N° 1050-21 e Année
CENTIMES
A. FAYARD et C ie , Editeurs
18 et 20
rue du St-Gomarû t PARIS (14 e )
Chèque postal 388-84
m
w
a
JD
4
G
CENTIMES
ABONNEMENTS :
France : ün an... 12.50
— Six mois 7 fr.
Etranger : Un an. 18 fr.
Chèque postal 388-84
La classe s’acheva dans le silence. Durand ne
demandait qu'une chose : c'était de quitter Fouy-
Lézoy. Il appréhendait peu la colère paternelle et,
à la récréation, ne cacha pas à ses camarades son
indifférence pour la sanction prise contre lui. Le
proviseur appela M. Lépinois et lui renouvela ses
excuses. Il lui annonça aussi que, par mesure de
bienveillance, il allait demander son changement.
« Votre autorité sur vos élèves est ébranlée ici, lui
dit-iî, mais dans un autre collège, vous pourrez...
...Il y aurh plainte, amende, et je serai sûrement
renvoyé de TUnlversité ! — Attendez, dit Jules
qui venait d’avoir une idée diabolique, je vois une
façon de vous sauver ! Prenez mes papiers d’identité.
Vous direz que vous êtes Durand. Mon père est
habitué & mes frasques, et si je suis renvoyé du
collège, cela me sera plutôt agréable! » M. Lépinois,
tout tremblant, vit le train s’arrêter. Machinalement,
il empocha les papiers que lui tendait Durand.
(Voir la suite page 2.)
Il crut faire preuve d’une grande supériorité en
interpellant grossièrement, de sa place, M. Lépinois.
Celui-ci, le nez plongé dans 'son livre, feignit de ne
pas avoir entendu. Alors Durand se mit à pousser
des cris d’animaux variés, à la grande joie de ses
camarades. JM. Lépinois pensa que si le proviseur
entendait le bruit et les rires, U le réprimanderait
sévèrement. Aussi alla-t-il au pupitre du farceur et
lui dit-il d’un ton très modéré de cesser ces manifes
tations bruyantes. Durand affirma avec aplomb que
ce n'était pas lui...
« Mais, lui dit-il, nous approchons de la station
où nous devons changer de train, vous pouvez
commencer à vous apprêter! » M. Lépinois rassem
bla ses affaires et, ingènûinent, prit sa canne. Elle
résistait, il tira. « Que venez-vous de faire? s’écria
Jules en feignant la surprise, vous avez tiré la
sonnette d’alarme ! vous savez que c’est très
grave! — Mon Dieu! se lamenta le pauvre pion
en constatant le fait, que vais-je devenir?...
...et dans une argumentation grotesque, il fit avec
ses mains, des gestes de dénégation, allant même
jusqu’à effleurer le visage du maître d’études. Celui-
ci repoussa la main de l’insolent qui se mit à hurler
en prétendant que le maître l’avait battu, li se
plongea aussitôt dans l’intérieur de son pupitre et,
tout en continuant de crier, d’une main habile il se
dessina au crayon un pochon de la plus belle venue.
Le proviseur, entendant le vacarme, était entré et
s’était enquis de sa cause.
Elle était du recteur de l’Université qui disait
au jeune homme que, par mesure de clémence,
il était envoyé au [collège de Châlons-sur-Bièvre.
« Mais, ajoutait la lettre, comme Les notes qui vous
concernent sont assez fâcheuses au sujet de votre manque
d'autorité et de fermeté, je vous préviens que toute pecca
dille même lèyère de votre nart, entraînerait votre renvoi,
immédiat de 1‘Université,. Cette lettre n’émut nulle
ment Jules Durand.
M. Lépinois était maître répétiteur au collège de
Fouy-Lezoy, D’un naturel timide, il n’osait guère
faire acte d’autorité. Ses élèves en abusaient et,
parmi eux, Jules Durand, fils d’un riche industriel,
se faisait remarquer par sa turbulence et ses
mauvaises farces. M- Lépinois supportait tout en
silence, car il avait un examen à passer à la fin de
l’année scolaire et son plus grand désir était que le
bruit des jeunes écoliers ne T’empêchât pas trop de
travailler. Cette attitude craintive enhardit Durand.
...mais en réalité il riait aux larmes. Aussi, quand
le proviseur s’adressa à lui pour le consoler, quelle
ne fut pas sa stupéfaction en voyant que les couleurs
dont le jeune espiègle s'était barbouillé ie tour des
yeux, avaient coulé. Il comprit lout. « Votre conduite,
dit il, est inqualifiable, vous risquiez de faire mettre
à pied M. Lépinois, un garçon méritant," travailleur,
et qui, du reste, a besoin de son emploi pour vivre.
Je vais sur-le-champ demander à votre père de vous
retirer du collège. »
Il ne voyait en face de lui que le pion, c'est-à-dire
l'ennemi, et un projet diabolique venai' de germer
dans son esprit. Il prit la canne de M. Lépinois et
l'engagea dans l'anneau de la sonnette d’alarme.
Il lui remit la lettre du recteur en poche puis, lui
frappant sur l’épaule, il affecta une grande joie de
le revoir et une félicité encore plus grande de savoir
qu'il serait de nouveau sous sa coupe à Châlons-sur-
Bièvre.
...avec un peu plus de fermeté, vous faire une situa
tion plus tranquille.» Durand, rentré chez lui, se vit
fortement rabroué par son père qui ne lui laissa pas
le temps de défaire sa malle et le mit le jour même
dans le train pour Châlons-sur-Bièvre où il venait
de le faire inscrire au collège municipal. Jules, qui
comptait ne plus rentrer en pension, se désespérait
de l'avortement de ses projets de liberté. II se dit
qu’il ( était plus tôlu...
trouverait bien moyen de
ce collège comme de l’autre.
U ruminait un plan machiavélique en déambulant
dans le couloir du train quand, à sa grande stupéfac
tion, il vit, à travers la vitre d’un compartiment,
M. Lépinois lui-môme qui dormait à poings fermés.
Il entra à pas de loup et ramassa une lettre qui,
tombée des mains du jeune répétiteur, gisait à terre.
Sans vergogne, il la lut.
burand émergea de derrière son pupitre et
affirma que le maître venait de le battre. Voyant
son œil.poché, M. Lépinois, très s troublé, finit par
croire que son geste avait été plus brusque qu’il
n’eût voulu et commença à s’excuser. Le proviseur
lui dit, tout rouge de colère, qu’il n’avait pas le
droit de frapper les élèves et qu’il se voyait dans
l’obligation de faire au recteur de l’Académie un
rapport sur la conduite inqualifiable du jeune
maître d’études. Durand, derrière son mouchoir,
feignait de sangloter...
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La classe s’acheva dans le silence. Durand ne
demandait qu'une chose : c'était de quitter Fouy-
Lézoy. Il appréhendait peu la colère paternelle et,
à la récréation, ne cacha pas à ses camarades son
indifférence pour la sanction prise contre lui. Le
proviseur appela M. Lépinois et lui renouvela ses
excuses. Il lui annonça aussi que, par mesure de
bienveillance, il allait demander son changement.
« Votre autorité sur vos élèves est ébranlée ici, lui
dit-iî, mais dans un autre collège, vous pourrez...
...Il y aurh plainte, amende, et je serai sûrement
renvoyé de TUnlversité ! — Attendez, dit Jules
qui venait d’avoir une idée diabolique, je vois une
façon de vous sauver ! Prenez mes papiers d’identité.
Vous direz que vous êtes Durand. Mon père est
habitué & mes frasques, et si je suis renvoyé du
collège, cela me sera plutôt agréable! » M. Lépinois,
tout tremblant, vit le train s’arrêter. Machinalement,
il empocha les papiers que lui tendait Durand.
(Voir la suite page 2.)
Il crut faire preuve d’une grande supériorité en
interpellant grossièrement, de sa place, M. Lépinois.
Celui-ci, le nez plongé dans 'son livre, feignit de ne
pas avoir entendu. Alors Durand se mit à pousser
des cris d’animaux variés, à la grande joie de ses
camarades. JM. Lépinois pensa que si le proviseur
entendait le bruit et les rires, U le réprimanderait
sévèrement. Aussi alla-t-il au pupitre du farceur et
lui dit-il d’un ton très modéré de cesser ces manifes
tations bruyantes. Durand affirma avec aplomb que
ce n'était pas lui...
« Mais, lui dit-il, nous approchons de la station
où nous devons changer de train, vous pouvez
commencer à vous apprêter! » M. Lépinois rassem
bla ses affaires et, ingènûinent, prit sa canne. Elle
résistait, il tira. « Que venez-vous de faire? s’écria
Jules en feignant la surprise, vous avez tiré la
sonnette d’alarme ! vous savez que c’est très
grave! — Mon Dieu! se lamenta le pauvre pion
en constatant le fait, que vais-je devenir?...
...et dans une argumentation grotesque, il fit avec
ses mains, des gestes de dénégation, allant même
jusqu’à effleurer le visage du maître d’études. Celui-
ci repoussa la main de l’insolent qui se mit à hurler
en prétendant que le maître l’avait battu, li se
plongea aussitôt dans l’intérieur de son pupitre et,
tout en continuant de crier, d’une main habile il se
dessina au crayon un pochon de la plus belle venue.
Le proviseur, entendant le vacarme, était entré et
s’était enquis de sa cause.
Elle était du recteur de l’Université qui disait
au jeune homme que, par mesure de clémence,
il était envoyé au [collège de Châlons-sur-Bièvre.
« Mais, ajoutait la lettre, comme Les notes qui vous
concernent sont assez fâcheuses au sujet de votre manque
d'autorité et de fermeté, je vous préviens que toute pecca
dille même lèyère de votre nart, entraînerait votre renvoi,
immédiat de 1‘Université,. Cette lettre n’émut nulle
ment Jules Durand.
M. Lépinois était maître répétiteur au collège de
Fouy-Lezoy, D’un naturel timide, il n’osait guère
faire acte d’autorité. Ses élèves en abusaient et,
parmi eux, Jules Durand, fils d’un riche industriel,
se faisait remarquer par sa turbulence et ses
mauvaises farces. M- Lépinois supportait tout en
silence, car il avait un examen à passer à la fin de
l’année scolaire et son plus grand désir était que le
bruit des jeunes écoliers ne T’empêchât pas trop de
travailler. Cette attitude craintive enhardit Durand.
...mais en réalité il riait aux larmes. Aussi, quand
le proviseur s’adressa à lui pour le consoler, quelle
ne fut pas sa stupéfaction en voyant que les couleurs
dont le jeune espiègle s'était barbouillé ie tour des
yeux, avaient coulé. Il comprit lout. « Votre conduite,
dit il, est inqualifiable, vous risquiez de faire mettre
à pied M. Lépinois, un garçon méritant," travailleur,
et qui, du reste, a besoin de son emploi pour vivre.
Je vais sur-le-champ demander à votre père de vous
retirer du collège. »
Il ne voyait en face de lui que le pion, c'est-à-dire
l'ennemi, et un projet diabolique venai' de germer
dans son esprit. Il prit la canne de M. Lépinois et
l'engagea dans l'anneau de la sonnette d’alarme.
Il lui remit la lettre du recteur en poche puis, lui
frappant sur l’épaule, il affecta une grande joie de
le revoir et une félicité encore plus grande de savoir
qu'il serait de nouveau sous sa coupe à Châlons-sur-
Bièvre.
...avec un peu plus de fermeté, vous faire une situa
tion plus tranquille.» Durand, rentré chez lui, se vit
fortement rabroué par son père qui ne lui laissa pas
le temps de défaire sa malle et le mit le jour même
dans le train pour Châlons-sur-Bièvre où il venait
de le faire inscrire au collège municipal. Jules, qui
comptait ne plus rentrer en pension, se désespérait
de l'avortement de ses projets de liberté. II se dit
qu’il ( était plus tôlu...
trouverait bien moyen de
ce collège comme de l’autre.
U ruminait un plan machiavélique en déambulant
dans le couloir du train quand, à sa grande stupéfac
tion, il vit, à travers la vitre d’un compartiment,
M. Lépinois lui-môme qui dormait à poings fermés.
Il entra à pas de loup et ramassa une lettre qui,
tombée des mains du jeune répétiteur, gisait à terre.
Sans vergogne, il la lut.
burand émergea de derrière son pupitre et
affirma que le maître venait de le battre. Voyant
son œil.poché, M. Lépinois, très s troublé, finit par
croire que son geste avait été plus brusque qu’il
n’eût voulu et commença à s’excuser. Le proviseur
lui dit, tout rouge de colère, qu’il n’avait pas le
droit de frapper les élèves et qu’il se voyait dans
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