Titre : Les Belles images
Éditeur : A. Fayard (Paris)
Date d'édition : 1911-02-02
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327110547
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 02 février 1911 02 février 1911
Description : 1911/02/02 (N355). 1911/02/02 (N355).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k961026h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-55958
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/02/2013
LA VOCATION
par QUE5NEL
%
Le ,père Desprès, fermier de la Brie, venait de
mourir, et son fils unique, Julien, héritait de ses biens.
Désirant que son fils eût une situation brillante dans
le monde de la ville, le père Desprès lui avait fait
ilonner une certaine instruction. Néanmoins,' Julien,
pour grossir sa fortune, continua d’exploiter la ferme,
grâce au personnel qu’il conserva. Au nombre de ses
serviteurs étaient deux braves gens...
...les époux Delorme; le mari, valet de ferme, et la
femme, cuisinière. Ces domestiques avaient un fils,
Claude, âgé de 15 ans, qui gardait les troupeaux dans
les champs. Malgré sa modeste condition, le petit
berger avait une existence heureuse. Il partait de
bonne heure en campagne, ne se plaignait jamais, et
avait un visage rayonnant de sérénité. C’est que le
petit Claude trouvait dans son métier...
...de douces satisfactions. Il se reposait à l’ombre
des grands arbres, pendant que son troupeau brou
tait, et le bruit du vent dans les hauts peupliers, les
chants variés des oiseaux, le bruit des sources, tout
cela lui procurait une satisfaction infinie, lui faisant
l’effet d’une musique divine. Alors, sur sa flûte, il
modulait des sons qu’il s’ingéniait à mettre en har-
monie avec ces grands bruits de la nature.
Or, un jour, une clarté se fit entre deux grands
arbres et inonda de lumière le petit Claude. Aussitôt
lui apparut une déesse admirablement belle, devant
laquelle l’enfant resta extasié. C’était Euterpe, la pause
de la musique. Touchée par les purs accents de la
flûte du petit berger, elle se pencha, et, le baisant au
front, lui assura sa protection. Ravi, Claude ne rrffin-
qua pas de revenir sous les grands arbres et...
...dés que les premiers sons de sa flûte montaient
dans l’air, la divine muse lui apparaissait radieuse. En
rentrant à la ferme, les courts instants qui lui restaient
pour se reposer, il les employait à étudier dans un
petit livre de musique. Et dès qu’il fut en possession
des premiers éléments de l’écriture musicale, il lui
vint tout de suite à l’idée de se remémorer et de noter
les airs qui lui étaient inspirés par la muse.
Or, une de ces pages musicales vint à tomber par
hasard entre les mains du maître de la ferme. Celui-
ci, nous l’avons dit, avait reçu une certaine instruc
tion, et son ambition aurait été de briller dans le
monde par la musique, art qu’il avait appris au point
de vue technique. Julien, en lisant cette production
musicale de son petit berger, comprit que l’enfant
était merveilleusement doué.
Il alla lui demander où il apprenait ces airs. Claude,
sans méfiance, lui répondit que c’était dans la cam
pagne, où il traduisait par sa flûte la grande voix du
vent dans les arbres ou le chant joyeux des oiseaux.
Julien Desprès, devant cette simple et belle déclara
tion, reconnut que sous ce modeste gardeur de trou
peaux se cachait une âme de grand artiste.
Alors cet homme qui par sa fortune aurait pu met
tre l’enfant à l’abri du besoin et lui faire cultiver son
art. cet homme éprouva au contraire une sourde
jalousie, et se promit de trouver le moyen de ravir le
petit berger â cette vie contemplative dans les champs.
Le jaloux, simulant alors'un grand attachement aux
époux Delorme, leur confia le poste le plus élevé dans
la ferme, avec - des appointements importants.
Leur fils Claude, laissant sa flûte de berger, devint
lé secrétaire du maître. Le perfide Julien avait réussi :
Claude resterait à la maison et ne pourrait plus le sur
passer dans l’art de la musique. Or, sous l’habile
direction des époux Delorme, qui avaient une grande
expérience des travaux champêtres, la ferme devint
de plus en plus florissante, et atteignit un chiffre
d’affaires inconnu jusque-là-
vM
Mais combien les parents de Claude étaient surpris
et contrariés de voir que seul leur enfant ne parta
geait pas l’allégresse générale 1 Son visage, jadis si
radieux, était triste et désolé ! Lui seul, hélas ! con
naissait le mal qui le rongeait. \
Quand, en l’absence du maître, Claude cherchait à
tromper son ennui en jouant de la flûte, elle ne ren
dait plus les mêmes sons et semblait elle-même parta
ger la tristesse du musicien. Il revoyait souvent en
songe la divine mu-se, mais ®omne son visage parais
sait consterné!
Bref, au bout de quelque temps de «ette vieuë
tristesse, Claude, désœuvré, avoua à ses parents la
cause de son chagrin. « — Il me faut, leur dit il, la
campagne, ma flûte et mes moutons. Faites part au
maître de mon désir de reprendre’mon ancienne vie. »
(Voir la suite page 2.)
N°355. —8 9 Année
10 CENTIMES
ADMINISTRATION :
18 et 20, rue du Saint-Gotbard
PARIS (14)
2 Février 1911
10 CENTIMES
ABONNEMENTS :
France: Un an... 6 fr.
— Six mois *.50
Étranger : Un an. 8 fr.
par QUE5NEL
%
Le ,père Desprès, fermier de la Brie, venait de
mourir, et son fils unique, Julien, héritait de ses biens.
Désirant que son fils eût une situation brillante dans
le monde de la ville, le père Desprès lui avait fait
ilonner une certaine instruction. Néanmoins,' Julien,
pour grossir sa fortune, continua d’exploiter la ferme,
grâce au personnel qu’il conserva. Au nombre de ses
serviteurs étaient deux braves gens...
...les époux Delorme; le mari, valet de ferme, et la
femme, cuisinière. Ces domestiques avaient un fils,
Claude, âgé de 15 ans, qui gardait les troupeaux dans
les champs. Malgré sa modeste condition, le petit
berger avait une existence heureuse. Il partait de
bonne heure en campagne, ne se plaignait jamais, et
avait un visage rayonnant de sérénité. C’est que le
petit Claude trouvait dans son métier...
...de douces satisfactions. Il se reposait à l’ombre
des grands arbres, pendant que son troupeau brou
tait, et le bruit du vent dans les hauts peupliers, les
chants variés des oiseaux, le bruit des sources, tout
cela lui procurait une satisfaction infinie, lui faisant
l’effet d’une musique divine. Alors, sur sa flûte, il
modulait des sons qu’il s’ingéniait à mettre en har-
monie avec ces grands bruits de la nature.
Or, un jour, une clarté se fit entre deux grands
arbres et inonda de lumière le petit Claude. Aussitôt
lui apparut une déesse admirablement belle, devant
laquelle l’enfant resta extasié. C’était Euterpe, la pause
de la musique. Touchée par les purs accents de la
flûte du petit berger, elle se pencha, et, le baisant au
front, lui assura sa protection. Ravi, Claude ne rrffin-
qua pas de revenir sous les grands arbres et...
...dés que les premiers sons de sa flûte montaient
dans l’air, la divine muse lui apparaissait radieuse. En
rentrant à la ferme, les courts instants qui lui restaient
pour se reposer, il les employait à étudier dans un
petit livre de musique. Et dès qu’il fut en possession
des premiers éléments de l’écriture musicale, il lui
vint tout de suite à l’idée de se remémorer et de noter
les airs qui lui étaient inspirés par la muse.
Or, une de ces pages musicales vint à tomber par
hasard entre les mains du maître de la ferme. Celui-
ci, nous l’avons dit, avait reçu une certaine instruc
tion, et son ambition aurait été de briller dans le
monde par la musique, art qu’il avait appris au point
de vue technique. Julien, en lisant cette production
musicale de son petit berger, comprit que l’enfant
était merveilleusement doué.
Il alla lui demander où il apprenait ces airs. Claude,
sans méfiance, lui répondit que c’était dans la cam
pagne, où il traduisait par sa flûte la grande voix du
vent dans les arbres ou le chant joyeux des oiseaux.
Julien Desprès, devant cette simple et belle déclara
tion, reconnut que sous ce modeste gardeur de trou
peaux se cachait une âme de grand artiste.
Alors cet homme qui par sa fortune aurait pu met
tre l’enfant à l’abri du besoin et lui faire cultiver son
art. cet homme éprouva au contraire une sourde
jalousie, et se promit de trouver le moyen de ravir le
petit berger â cette vie contemplative dans les champs.
Le jaloux, simulant alors'un grand attachement aux
époux Delorme, leur confia le poste le plus élevé dans
la ferme, avec - des appointements importants.
Leur fils Claude, laissant sa flûte de berger, devint
lé secrétaire du maître. Le perfide Julien avait réussi :
Claude resterait à la maison et ne pourrait plus le sur
passer dans l’art de la musique. Or, sous l’habile
direction des époux Delorme, qui avaient une grande
expérience des travaux champêtres, la ferme devint
de plus en plus florissante, et atteignit un chiffre
d’affaires inconnu jusque-là-
vM
Mais combien les parents de Claude étaient surpris
et contrariés de voir que seul leur enfant ne parta
geait pas l’allégresse générale 1 Son visage, jadis si
radieux, était triste et désolé ! Lui seul, hélas ! con
naissait le mal qui le rongeait. \
Quand, en l’absence du maître, Claude cherchait à
tromper son ennui en jouant de la flûte, elle ne ren
dait plus les mêmes sons et semblait elle-même parta
ger la tristesse du musicien. Il revoyait souvent en
songe la divine mu-se, mais ®omne son visage parais
sait consterné!
Bref, au bout de quelque temps de «ette vieuë
tristesse, Claude, désœuvré, avoua à ses parents la
cause de son chagrin. « — Il me faut, leur dit il, la
campagne, ma flûte et mes moutons. Faites part au
maître de mon désir de reprendre’mon ancienne vie. »
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N°355. —8 9 Année
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