Jean Callot, héraut d'armes et peintre,
frère de Jacques Callot
par
l'abbé Jacques CHOUX
Le père du graveur Jacques Cal-
lot, Jean, était héraut d'armes de
Lorraine; Charles III l'avait nom-
mé, au titre de Vaudémont, par
lettres patentes du 24 mars 1600
et il conserva ces fonctions jus-
qu'au 2 mars 1613, où il démis-
sionna en faveur de son fils aîné,
Jean (1). Plus tard, un troisième
Jean Callot, fils du second, sera à
son tour héraut d'armes, après ses
père et grand-père. De ce titre fiè-
rement porté pendant trois géné-
rations par les Callot, autant que
de la noblesse héritée de l'aïeul,
on a souvent tiré argument pour
justifier le récit de Félibien, selon
qui Jacques Callot adolescent
aurait fui le foyer paternel, où son
attrait pour une carrière artistique
ne pouvait qu'être contrarié par
les préjugés familiaux. Henri Bou-
chot, auteur d'un des livres les
plus intelligents que le xixe siècle
ait consacrés au chalcographe, se
faisait l'écho de l'opinion commune
en écrivant : « Jean Callot [le père]
prenait très au sérieux ses fonc-
tions et, suivant la commune loi,
comptait pour beaucoup sa no-
blesse récente. Il rêvait, pour les
fils que lui avait donnés sa femme,
les plus,belles situations de l'État
ou de l'Église. » Il ne pouvait donc,
selon notre auteur, que réprouver
l'attrait du puiné, Jacques, pour
le dessin et éventuellement la
peinture : « Peintre! Le mot son-
nait mal aux oreilles du héraut
d'armes. » Un peintre, même s'il
réussissait, c'était « ...pour la gloire
ou l'honneur, rien ou pas grand-
chose (2) ».
Le récit trop romanesque de la
jeunesse de Jacques Callot, accré-
dité par Félibien, a été mis en doute
de nos jours. M. Pierre Marot, en
particulier, a prouvé que son père
lui avait assuré une formation
d'orfèvre, donc de graveur sur
métal, en le mettant en apprentis-
sage pour quatre ans chez Demenge
Crocq, le 16 janvier 1607 (3). A
l'occasion de la publication de ce
contrat d'apprentissage, M. Marot
a insisté sur les relations qui exis-
taient entre hérauts d'armes et
peintres « Les hérauts d'armes
étaient la plupart du temps des
peintres. Ils devaient composer des
blasons, reproduire des armoiries.
Jean Callot succéda dans sa charge
a un peintre. Un préjugé aussi
décidé que celui qu'on lui attribue
s'explique mal (4). »
Effectivement, le prédécesseur
de Jean Callot, Balthasar Crocq,
était peintre et avait « ...hanté et
fréquenté par plusieurs années les
pais estranges, et nommément les
Istalles (5). » Avant lui déjà, on
trouve des peintres hérauts d'ar-
mes : Georges Gresset, en 1538;
Didier Richier, dit de Vic, de 1576
à 1585. Après les Callot, les der-
niers hérauts d'armes de Lorraine,
avant la disparition du titre, seront
encore des peintres : Charles Her-
bel, Claude Charles, Claude Jac-
quard (6).
Les fonctions de Jean Callot le
père l'amenaient à fournir des pan-
neaux armoriés pour diverses céré-
monies, en particulier pour des
cérémonies funèbres. Ainsi en 1602
livre-t-il 27 armoiries, grandes et
petites, à l'occasion du service
célébré à Pont-Saint-Vincent à la
mémoire de Philippe-Emmanuel
de Lorraine, duc de Mercœur; la
même année, pour le service de
Renée de Lorraine, duchesse de
Bavière, sœur de Charles III, célé-
bré aux Cordeliers de Nancy, il fait
50 grandes armoiries avec le cha-
peau ducal, 160 petites et « noircit
la chapelle ardente », c'est-à-dire
repeint le catafalque, le tout pour
248 F; en 1610, autre fourniture
d'armoiries pour le service funèbre
du roi de France, Henri IV (7).
Les fêtes joyeuses provoquaient
également des commandes : le
9 mai 1606, la ville de Nancy
passa marché avec Jean Callot
pour des armoiries à poser dans
les rues pour l'arrivée de Margue-
rite de Gonzague, seconde femme
du duc de Bar, le futur Henri II.
Avec lui travaillèrent le sculpteur
Florent Drouin, qui avait donné
le plan d'un arc de triomphe, et les
peintres Rémond Constant, Fran-
çois Vannesson, Jacques Danglus
et Jacques Bellange (8).
Mais ce sont surtout les funé-
railles de Charles III, en 1608, qui
furent pour le héraut d'armes, que
ses fonctions chargeaient d'un rôle
important dans ces longues céré-
monies, l'occasion de fournir de
nombreuses œuvres de peinture :
400 grandes armoiries, 300 petites,
624 pannonceaux pour les torches,
34 bannières peintes « en or et
argent sur tafetas », un pannon
armorié et le grand étendard tout
semé de figures héraldiques et por-
tant « ...une anunciate peinte en
huile de part et d'aultre ». La ville
de Nancy lui demanda pour la
même circonstance 670 armoiries
de Son Altesse, pour ajouter à
celles de ladite ville « qu'il a faites
et fournies », pour en garnir des
torches de cire lors du convoi
funèbre (9). C'est beaucoup trop
sans doute pour que Jean Callot
ait pu être lui-même l'auteur de
tant de choses, mais est-on pour
1. Archives de Meurthe-et-Moselle, B 71,
fo 32 et B 85, f° 42.
2. Henri BOUCHOT, Jacques Callot, sa
vie, son œuvre et ses continuateurs, Paris,
1889, p. 3.
3. Pierre MAROT, L'apprentissage de
Jacques Callot à Nancy et son départ pour
Rome, dans Mélanges Félix G j-at, Paris,
1949, II, pp. 445-470.
4. Op. cit., p. 449; voir aussi p. 456.
5. Archives de Meurthe-et-Moselle, B 54,
f° 89v°.
6. Henri LEPAGE et Alexandre de
BONNEVAL, Les offices des duchés de Lorraine
et de Bar, dans M. S. A L., 1869, pp.
383-384.
7. Archives de Meurthe-et-Moselle, B
3965, 1271 et 1330.
8. Henri LEPAGE, Les archives de .Yallc.,',
Nancv, ]865, .t vol. in-8°, I, p. 313 et II,
p. 200.
9. Pierre MAROT, Recherches sur les
pompes funèbres des ducs de Lorraine,
Nancy, 1935, ill-Ro, p. 55, 11. 2.
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frère de Jacques Callot
par
l'abbé Jacques CHOUX
Le père du graveur Jacques Cal-
lot, Jean, était héraut d'armes de
Lorraine; Charles III l'avait nom-
mé, au titre de Vaudémont, par
lettres patentes du 24 mars 1600
et il conserva ces fonctions jus-
qu'au 2 mars 1613, où il démis-
sionna en faveur de son fils aîné,
Jean (1). Plus tard, un troisième
Jean Callot, fils du second, sera à
son tour héraut d'armes, après ses
père et grand-père. De ce titre fiè-
rement porté pendant trois géné-
rations par les Callot, autant que
de la noblesse héritée de l'aïeul,
on a souvent tiré argument pour
justifier le récit de Félibien, selon
qui Jacques Callot adolescent
aurait fui le foyer paternel, où son
attrait pour une carrière artistique
ne pouvait qu'être contrarié par
les préjugés familiaux. Henri Bou-
chot, auteur d'un des livres les
plus intelligents que le xixe siècle
ait consacrés au chalcographe, se
faisait l'écho de l'opinion commune
en écrivant : « Jean Callot [le père]
prenait très au sérieux ses fonc-
tions et, suivant la commune loi,
comptait pour beaucoup sa no-
blesse récente. Il rêvait, pour les
fils que lui avait donnés sa femme,
les plus,belles situations de l'État
ou de l'Église. » Il ne pouvait donc,
selon notre auteur, que réprouver
l'attrait du puiné, Jacques, pour
le dessin et éventuellement la
peinture : « Peintre! Le mot son-
nait mal aux oreilles du héraut
d'armes. » Un peintre, même s'il
réussissait, c'était « ...pour la gloire
ou l'honneur, rien ou pas grand-
chose (2) ».
Le récit trop romanesque de la
jeunesse de Jacques Callot, accré-
dité par Félibien, a été mis en doute
de nos jours. M. Pierre Marot, en
particulier, a prouvé que son père
lui avait assuré une formation
d'orfèvre, donc de graveur sur
métal, en le mettant en apprentis-
sage pour quatre ans chez Demenge
Crocq, le 16 janvier 1607 (3). A
l'occasion de la publication de ce
contrat d'apprentissage, M. Marot
a insisté sur les relations qui exis-
taient entre hérauts d'armes et
peintres « Les hérauts d'armes
étaient la plupart du temps des
peintres. Ils devaient composer des
blasons, reproduire des armoiries.
Jean Callot succéda dans sa charge
a un peintre. Un préjugé aussi
décidé que celui qu'on lui attribue
s'explique mal (4). »
Effectivement, le prédécesseur
de Jean Callot, Balthasar Crocq,
était peintre et avait « ...hanté et
fréquenté par plusieurs années les
pais estranges, et nommément les
Istalles (5). » Avant lui déjà, on
trouve des peintres hérauts d'ar-
mes : Georges Gresset, en 1538;
Didier Richier, dit de Vic, de 1576
à 1585. Après les Callot, les der-
niers hérauts d'armes de Lorraine,
avant la disparition du titre, seront
encore des peintres : Charles Her-
bel, Claude Charles, Claude Jac-
quard (6).
Les fonctions de Jean Callot le
père l'amenaient à fournir des pan-
neaux armoriés pour diverses céré-
monies, en particulier pour des
cérémonies funèbres. Ainsi en 1602
livre-t-il 27 armoiries, grandes et
petites, à l'occasion du service
célébré à Pont-Saint-Vincent à la
mémoire de Philippe-Emmanuel
de Lorraine, duc de Mercœur; la
même année, pour le service de
Renée de Lorraine, duchesse de
Bavière, sœur de Charles III, célé-
bré aux Cordeliers de Nancy, il fait
50 grandes armoiries avec le cha-
peau ducal, 160 petites et « noircit
la chapelle ardente », c'est-à-dire
repeint le catafalque, le tout pour
248 F; en 1610, autre fourniture
d'armoiries pour le service funèbre
du roi de France, Henri IV (7).
Les fêtes joyeuses provoquaient
également des commandes : le
9 mai 1606, la ville de Nancy
passa marché avec Jean Callot
pour des armoiries à poser dans
les rues pour l'arrivée de Margue-
rite de Gonzague, seconde femme
du duc de Bar, le futur Henri II.
Avec lui travaillèrent le sculpteur
Florent Drouin, qui avait donné
le plan d'un arc de triomphe, et les
peintres Rémond Constant, Fran-
çois Vannesson, Jacques Danglus
et Jacques Bellange (8).
Mais ce sont surtout les funé-
railles de Charles III, en 1608, qui
furent pour le héraut d'armes, que
ses fonctions chargeaient d'un rôle
important dans ces longues céré-
monies, l'occasion de fournir de
nombreuses œuvres de peinture :
400 grandes armoiries, 300 petites,
624 pannonceaux pour les torches,
34 bannières peintes « en or et
argent sur tafetas », un pannon
armorié et le grand étendard tout
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tant « ...une anunciate peinte en
huile de part et d'aultre ». La ville
de Nancy lui demanda pour la
même circonstance 670 armoiries
de Son Altesse, pour ajouter à
celles de ladite ville « qu'il a faites
et fournies », pour en garnir des
torches de cire lors du convoi
funèbre (9). C'est beaucoup trop
sans doute pour que Jean Callot
ait pu être lui-même l'auteur de
tant de choses, mais est-on pour
1. Archives de Meurthe-et-Moselle, B 71,
fo 32 et B 85, f° 42.
2. Henri BOUCHOT, Jacques Callot, sa
vie, son œuvre et ses continuateurs, Paris,
1889, p. 3.
3. Pierre MAROT, L'apprentissage de
Jacques Callot à Nancy et son départ pour
Rome, dans Mélanges Félix G j-at, Paris,
1949, II, pp. 445-470.
4. Op. cit., p. 449; voir aussi p. 456.
5. Archives de Meurthe-et-Moselle, B 54,
f° 89v°.
6. Henri LEPAGE et Alexandre de
BONNEVAL, Les offices des duchés de Lorraine
et de Bar, dans M. S. A L., 1869, pp.
383-384.
7. Archives de Meurthe-et-Moselle, B
3965, 1271 et 1330.
8. Henri LEPAGE, Les archives de .Yallc.,',
Nancv, ]865, .t vol. in-8°, I, p. 313 et II,
p. 200.
9. Pierre MAROT, Recherches sur les
pompes funèbres des ducs de Lorraine,
Nancy, 1935, ill-Ro, p. 55, 11. 2.
249
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