Titre : La Justice / dir. G. Clemenceau ; réd. Camille Pelletan
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1895-03-25
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32802914p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 25 mars 1895 25 mars 1895
Description : 1895/03/25 (Numéro 5812). 1895/03/25 (Numéro 5812).
Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Provence-Alpes-Côte d'Azur
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k8237173
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/02/2011
Seizième année. â N- M1
Lundi 25 RfearslS93
5 Centimes
Le Numéro
â PABiS ET DÊPARTFMENTS â
LA JUSTICE
5 Centimes
Le Numéro
â PARIS ET DÉPARTEMENTS â
BUREAUX DU JOURNAL : 24, Bue Clauchat
Les Annonces sont reçues au Bureau du Journal
POUR LA RÉDACTION SADRFSSER A M, A, MANIÈRE
Secrétaire de la Rédactim.
Rédacteur en chef: G. CLEMENCEAU
PBIX DB L^BONnCMIRT 3
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ADRESSER LETTRES ET MANDATS A M. E. ROBUTTE
Administrateur.
uns ET «
La République française entretient
présentement au bagne cinq con-
damnés innocents. Je parle d'inno-
cente avérés, car des autres, il y en
a sans doute davantage. L'histoire
de ces forçais est d'ailleurs toujours
la même. Un banditalgérien nommé
Arezki est capturé après une vie de
â¢meurtres, de pillages et d'assassi-
nats impunis. On le guillotinera
quelqu'un de ces jours sur une place
publique avec dix de ses complices.
Ce sera une belle fête pour la justice
humaine. Mais voilà qu'avant de
mourin, le bandit a avoué non seule-
ment les crimes dont on lui deman-
dai L compte, mais encore ceux dont
on ne lui parlait pas.
Il n'y a rien de si ennuyeux que
'des â sortes d'aveux pour les gens qui
"font profession de condamner leurs
semblables. La Justice, avec toutes
les formes requises avait dit à quatre
hommes : « Vous avez commis oes
crimes. » inge d'instruction, cham-
bre des mises en accusation, con-
seillers et, juges, avocat général, le
jury lui-méme, tout y avait passé.
- Les quatre condamnés, trop heu-
reux de ne pas laisser 'leur tête au pa-
nier du ^bourreau*avaient pris tran-
quillement le chemin du bagne'OÙ ils
sont présentement employés à déter-
rer la fièvre des fanges du Maroni.
Survient Arezki qui déclare que le
crime «est de h>à et le prouve. Est-
ce qite ce mauvais gredin ne pou-
vait pas laisser les quatre condam-
nés grelotter en paix ieurs derniers
jours. Qu'avait-il besoin d'inquiéter
les bonnes gens dont la conscience
faillible leur avait fait ce destin?
Car enfin vous supposez bien
qu'on va s'occuper saas délai de
constater judiciairement l'aveu pour
redresser au plus vHe le crime
judiciaire contre des innocente. Eh
bien, c'est justement de quoi l'on
ne s'occupe guère. Us magistrat
algérien, interrogé l'autre jour, est
tombé de son haut quand on lui
a parié d'une procédure à fin de
revision de jugement. Vraiment
croit-on que ce soit si simple de dé-
condamner un forçat sous le pré-
texte qu'il est innocent.
Pour le condamner, on en vient à
bout sans trop de peine. Un bon
juge avec un greffier, des gendar-
mes, un procureur qui requiert,
sept bons bourgeois submergés, d'é-
loquence judiciaire, et c'est tout.
« Allons, mon ami, mets la tête sous la
lunette. L'aumônier et le bourreau
se chargent du reste. »
Mais innocenter le condamné,
c'est le diable, quand il est guillo-
tiné surtout. Les nôtres, par clé-
mence grande, sont seulement en
train de crever d'infection palu-
déenne C'est si loin la Guyane,
proposez-vous vraiment d'aller les
chercher là-bas pour les rendre à
la société en les invitant à ne pas
recommencer. Je suis sûr que le sé-
jour du bagne ne les aura pas du tout
amendés, et que la fréquentation des
bandits, ainsi que la rancune d'une
peine injustement subie, les aura
Infectés de mauvais sentiments à
l'égard d'un ordre social auquel ils
doivent tant. Les verrons-nous main-
tenant se promener par les villes
en témoins vivants de ce que vaut
l'infaillible justice des hommes.?
Quel enseignement pour le peuple
des justiciables, quelle école d'ir-
respect I Des sortes d'hommes-affi-
ches proclamant] aux carrefours que
juges et jurés sont sujets à l'erreur,
et que des innocents pâtissent du
peu de clairvoyance des gens char-
gés de décider de la vie et de la
mort. En vérité,ne serait-il pas plus
sage d'inviter ces braves gens à
rester bien paisiblement où ils sont.
Le plus fort est'fait. Ils ont déjà
vécu quelques années dans les
miasmes paludéens, J(s y sont ac-
coutumés. A quoi bon un nouveau
changement de climat, quand il
leur suffit de rester dans les bonnes
boues chaudes de l'équateur pour
rendre un signalé service à la so-
ciété. La procédure de revision du
jugement est interminable. Avant
d'en avoir vu la fin,ils seront morts.
Qui s'occuperait d'eux,d'ailleurs ?
Pas ceux qui les ont condamnés
assurément. Leurs concitoyens? Ils
ont bien autre chose à faire. La
Chancellerie? La Chancellerie, c'est
un aimable robin qui veut de l'avan-
cement et ce n'est pas avec cette
affaire-là qu'il obtiendra les palmes
d'académie. Aussi écoutez le juge
algérien : « Nous n'avons pas reçu
d'ordres de la Chancellerie. 11 n'y a
rien à faire ». Attendez seulement
que les onze têtes de bandits soient
dans le panier du bourreau, et l'on
découvrira qu'Arezki n'a déchargé
tes innocents que pour se moquer
de nous.
Un cas plus embarrassant, c'est
l'affaire du crime de la Blancarde.
Deux accusés, le garçon de ferme
Cauvin, chargé par la servante,
mal défendu peut-être, échappe par
miracle au grand couteau de l'accu-
sateur, et pourrit bravement au ba-
gne comme les autres. Ln servante,
acquittée, se réfugie dans je «e sais
qaet asile religieux où elle tvit en
paix. Et puis ta voilé malade, elle
va mourir, te remords arrive. Elle
«voue qu'elle seule a commis le
â¢crime, et quelle a accusé l'innocent
jaour échapper au .châtiment mérité.
Quel ennui que tous ces bavar-
dages. Si cette misérable servante
â était morte il y a quinze jours,
que de tracas évités à nos bons
juges. Le sort â ©«» a disposé -autre-
ment, et Cauvin .va être assailli de
mille émotions qui troubleront la
â¢quiétude da bagne. L'homme ayant
sur les condamnés d'Algérie, l'a-
vantage de ne pas être arabe,.on va
s'occuper de lui, parait-il. J'attends
avec une curiosité défiante le ré-
sultai du beau zèle de messieurs
de la Chancellerie.
J'allais oublier les frères Borique
ou de Grave qui virent la guillotine
de fort près. Un peu plus d'élo-
quence dans le réquisitoire, et ils
seraient maintenant en quatre mor-
ceaux dans un trou. A quoi tient la
tête d«s gens ?
Les deux frères ne furent pas plus
tôt condamnés au bagne qu'il fut
établi que le seul témoin à charge,
un canaque poursuivant une vendetta.
avait abominablement menti, Comme
ils n'étaient pas encore embarqués,
je ne sais quel respect humain em-
pêcha qu'on leur fit faire le voyage,
ils sont depuis des mois et des mois
à lUe de Ré. en partance, attendant
que la justice républicaine ait dé-
brouillé leur affaire. Je leur souhaite
bonne chance.
La conclusion de tout cela, c'est
que l'homme est sujet à l'erreur.
Voila pourquoi tout jugement hu-
main doit laisser la porte ouverte ù
la réparation possible. Voilà pour-
quoi la peine de mort, réclamée
au nom de l'intérêt social dans
tous les cas que je viens de
citer, doit être rayée du code de ci-
vilisation, étant irréparable.
Fait-on le possible pour éviter l'er-
reur des jugements? Cela s'écrit.
Tous ceux qui voient de près fonc-
tionner le terrible appareil judi-
ciaire, n'en croient rien. En Amé-
rique, en exige, pour la condam-
nation, l'unanimité du jury. Nous
nous contentons de sept voix contre
cinq. Ainsi du reste. Et si l'erreur
se produit dans les cas où la peine
capitale est en jeu, alors que nous
nous vantons présomptueuse ment
d'avoir assuré tant de garanties à
l'accusé, qu'arrive-t-îl pour les mal-
heureux qui défilent en tas sous le
bâton mécanique du juge de police
correctionnelle- Je n'ose pas y ar-
rêter ma pensée.
M. Félix t'aura qitt ne s'embar- [
rasse pas de tant de choses à fait
l'étrenne, hier, du premier guillotiné
de son règne. Après celui-là, «n
autre. Et puis?
Notre président qui est l'ami,
dit-on, du roi de? Belges, devrait
bien demander à Léopold II pour-
quoi il refuse systématiquement sa
signature à toute condamnation
capitale. « C'est que mon père, un
jour, s'est trompé, dirait le monarque
au président. Une tête innocente
abattue par erreur me met en dé-
fiance contre les jugements hu-
mains ». Et peut-être le roi ajoute-
rait-il : « Vous ne vous défiez pas
assez, mon cher. »
G. CLEMENCEAU.
UN ESPION MALGACHE
Port-Louis, 23 mare.
D'après les nouvelles reçues de Tama-
tave, M. Walïer, ancien consul des Etats-
Unis à Madagascar, a été jugé en cotir mar-
itale par les autorités françaises pour avoir
entretenu des correspondances airec tes
Hovas.
La cour l'a condam&é à vingt ans -de tra-
vaux forctil.
Les Invalides du travail désirés
Sur 1* demandante M. Poincarê a Cham
bre a voté, dans «ne de ses dernières séan-
ces, %m crédit de deux militons pour les
musées nationaux. C'est très bien, malheu-
reusement ces tonds devront être pris sur
Je produit rie la-vente des diamants 'jde la
Couronne^ alors que ces fonde ont uïie af-
fectation spéciale : la Caisse «Ses Invalides
du Travail,
tin .effet ie 20 juin 1882, la Chambre adop-
tant à une grosse majorité s®r l'initiatixe
de M. Benjamin Raspail, une proposition
ayant pour objet l'aliénation et la
vente des joyaux dits de ia Couronne
et d'en attribuer le produit a la création
d'une caisse des Invalides du travail
Enfin, en M. B. Raspail déposait de
nouveau sur le bureau de la Chambre une
proposition tendant à ce qae les 8 mil-
lion» provenant de la vente des diamants
de Ja-Couronne restent toujours attribués à
la Caisse des invalides du Travail.
A -une grosse majorité (293 voix "Centre
Chambre, dans la séance du45 juil-
let adopta la motion Raspail.
À deux reprises différentes, la Chambre
a doae affirmé sa volonté de créer une oeu-
vre essentiellement démocratise et humas
nitaire, pour îes ouvriers mutilés au cours
de leur travail. Pourquoi la Chambre, en
â fSOô/t n'a-t-elle pas tenu compte de la vo-
lonté-de ses devancières.
Nous ne le savons.
Mais ce que nous savons, ce qu'an mi-
Bistre (républicain, aurait mieux fait de de-
mander les 'initiions dont il avait .légitime-
ment besoin pour les musées nationaux au
budget des cultes que de* les prendre sur
une caisse destinée à soulagée de vieux,
travailleurs infirmes ou estropiés.
IA PENELOPE PARLEMENTAIRE
Vous voyez d'ici l'a joie du Sénat.
La Chambre lui a transmis un budget en
déficit.
Quelle belle occasion d'exercer ses droits
financiers !
Mettez-vous à sa place! C'est tentant.
Il va donc rogner et rogner avec en-
train.
La commission sénatoriale dos finances
nous fait déjà connaître qu'elle repousse la
plupart des augmentations de crédit dùes à
l'initiative parlementaire.
Professeurs, cantonniers, agents des pos-
tes et tant d'autres à qui la Chambre a
mis l'eau à la bouche vont apprendre de-
main, s'ils l'ignorent, qu'il y a loin de la
coupe aux lèvres.
La Chambre voulait améliorer un tant
soit peu leur situation. Mais le Sénat ne le
veut pas. Tout ce qui a été fait sera défait.
Ainsi le veut la Constitution.
P. D
Le Travail (las les Prisons
j Le ministre de l'intérieur vient du publier
; la statistique pénitentiaire, pour Tannée
; 181*2. Cette statistique fournit d'intéressants
renseignements sur la concurrence faite au
travail libre par celui des détenus des mai-
sons centrales et des maisons départemen-
tales d'arrêt ou de détention.
En 1802, le nombre des travailleurs occu-
pés dans les maisons centrales a été de
7,883 hommes et de 1,203 femmes, répàrtis
en 72 professions, Les fabrications qui occu- I
pent le plus d'hommes sont celles des chaus-
sons, 920; des souliers; 805; des corsets, 401; ]
des brosse*, 349; des lits en fer, 1,293; des
boutons de corne,274; de la verrerie, 238, et
des chaisses, 221.
Pour les femmes, nous trouvons comme
occupant le plus de monde, la fabrication
des corsets avec 412 ouvrières, celle des
faux-cols avec 261. le repassage ûvec 104 et
la coulure avec luO.
Le salaire est absolument inférieur : il est
en moyenne pour les hommes de 1 fr. 11 et
pour les femmes de 0,89, pour les hommes,
le maximum est de 4 fr 50 dans l'industrie
des meubles en fer, en employant 43; les
relieurs gagnent 5 fr. 09, et îes fabricants de
becs de pétrole 2 fr. Dans 34 professions lè
gain dépasse 1 franc. Seuls les femmes qui
font des faux-cols atteignent çç prix,
On devrait bien remedier a cette concur-
rence désastrueuse au travail libre et qui ne
sert qu'a procurer de scandaleurs bénéfices
* quelques industriels-
ÇA ET LA
La toilette de nos arbres
Des milliards de confetti multicolores
ont passé du ruisseau dans l'égout et de
l'égout dans la Seine, au grand étonne-
ment de nos poissons blancs.
Mais tes serpentins restent accrochés
auï arbres des boulevards que la joie po-
pulaire a transformés en saules pleu-
reurs.
Rien de plus gracieux assurément que
ces dômes effilochés sons lesquelles dis-
paraissent les branches encore noires et
qui relient les arbres les uns aux autres.
Il semble qu'Àrachné et la Loie Fuller
soient passées par là.
Mais demain 1
Demain c'est la pluie, c'est-à-dire le la-
mentable aplatissement de ces légers ru-
bans désormais flétris.
Demain c'est le vent, c'est-à-dire le
dangereux entortillement des serpentins
sans cesse secoués autour des bour-
geons naissants.
Il faut aviser.
On nous aaffirmé, l'annéedernière,que
la végétation n'avait été contrariée en
rien par c«s minces rubans de papier
Mais, cette fois, lenr accumulation est
prodigieuse e( il n'est pas possible qu'elle
ne «fine pas le gonflement des bourgeons,
le développement des feuilles-naissan-
tes.
Ne pourrait-on pas desenchevêtrer
nos pauvres arbre, les débarrasser
délicatement de cette chevelure inusitée 1
Cela ne -coûterait pas grand chose et ne
' durerait guère Quelques échelles, beau-
coup de précautions, un peu de bonne
volonté et noos en viendrions à bout.
Ce ne sont p*s les gamins agiles qui
manquent. Il suffirait de les -diriger avec
méthode, avecrprudence.
Qu'on s'arrange d'ailleurs connue on
voudra t Le problème ne doit pas être
insoluble.L'essentiel c'est qu'on permette
à nos arbres de pousser leurs feuille»
prodromes et qu'on nous évite te specta-
cle toujours un peu pénible d'un décor
qui «'à plus sa raison d'être Ces débris
.de fête â s'il est permis d'ainsi parler
â finissent par porter sur ies nerfs. Al-
lons, vite I On brin de toilette, s. v p. 1
P D.
M REVANCHE DIS BAVARDS
« Voici le résultat du scrutin sur la
proposition tendant à charger le Prési-
dent de l'Assemblée de présenter des
félicitations au prince de Bismarck i
l'occasion du 80' anniversaire de sa
naissance : pour, 146 voiï ; contre, 163-
L'Assemblée a repoussé la proposi-
tion,,. »
C'est ainsi que M. de Levetzow, prési-
dent du Reichstag, a été dans l'obliga-
tion de proclamer ce scrutin tant at-
tendu.
Tumulte inoubliable. Cria de répro-
bation d'un côté. Applaudissements de
l'autre. Les spectateurs des tribunes vo-
cifèrent à qui mieux mieux. Le prési-
dent descend du fauteuil en annonçant
qu'il est démissionnaire. Une partie du
bureau le suit dans sa retraite. M. Buer-
klin, notamment, fait savoir qu'il donne
sa démission de vice-président.
â Le Reichstag se passera parfaite-
ment de ces deux messieurs t s'écrie M.
Richler d'une voix forte.
Et ta séance est suspendue au milieu
d'aine- indescriptible agitation...
C'est la revanche dos « bavards ».
Car c'est ainsi qu'il les traitait, au
temps de sa toute puissance, tous ces
représentants du bon peuple allemand.
11 fallait voir de quelle façon dédai-
gneuse il parlait d'eux et leur parlait
quand ils s'avisaient de lui refuser une
loi ou de lui marchander un crédit I A
brutal, brutal et demi t Un scrutin a
suffi pour rendre vingt insolences I
Il y a autrechosedans ce vote... Il y a
une leçon donnée à celui qui paraissait
très grand quand it était 1res haut placé,
mais chez qui on a découvert des peti-
tesses dès qu'on l'a regardé de plus près
M. de Bismarck n'a pas su mourir à
temps. lia manqué de dignité dans sa
retraite involontaire,
Mais i! y a autre chose encore dans ce
vote. Il y a l'expression de ce profond
malaise que fait peser sur les citoyens
allemands l'hégémonie de la Prusse, le
caporalisme des Hohenzoliern. Le joug
est lourd, De temps en temps un soupir
s'échappe des poitrines oppressées.
Mais nous voudrions qu'il y eût autre
chose encore dans ce vote.. Nous vou-
drions y démêler cet aveu que la Force
est impuissante à primer le Droit, que
l'injustice est une faute, que toutes les
fautes se paient et que l'Allemagne paye
chèrement l'injustice commise par M. de
Bismarck.
Quelle parole de colère ou de mépris
s'est échappée des lèvres de l'ancien
chancelier de fer quand on lui a commu-
niqué le résultat du scrutin? Nous le
saurons peut-être. Par quelle agréable
surprise l'Empereur s'efforcera-t-il de
panser pareille blessure?Nous le saurons
bientôt.
Mais qu'est-ce qui pourrait consoler
te vieux chancelier T Le litre d'Altesse ?
Vanitè t La visite ae son souverain f
Pure politesse ! D'innombrables adresses
de félicitations? Badauderie et chauvi-
nisme t
Non t ce qu'il lui fallait, à lui, créateur
de l'empire, c'était l'acclamation du par-
lement de l'empire. 11 ne l'a pas. Et tout
en accablant ies bavards du Reichstag
de quelque lourde plaisanterie, le ter-
rible octogénaire sentira son coeur «e
serrer.
L'inquiétude envahira l'envahisseur.
Paul Degouy,
P. Sâ â Guillaume II n'a pas voulu
attendra une minute pour exprimer i
M. de Bismarck « la profonde indigna-
tion a que lui cause le vote du Reichs-
tag. Le mot est gros. Il est même grave.
Il n'est pas tait pour améliorer les rap-
ports déjà si tendus entre la Couronne
et le Parlement. En ajoutant que les
peuples allemands protesteront contre
ce vote Guillaume affirme bien, en ou-
tre que, dans sa pensée,le Reichstag ne
représente nullement les populations de
l'Empire. Attendons-nous, sous [une
forme ou sous une autre, a une réponse
du berger à la bergère.,.
Quant à M. de Bismarck il est appelé
pour la première fois parson empereur :
Altesse serenissime. C'est fort joli Mais
peut-il oublier que ce même empereur,
devançant levote du Reichstag, a com-
mencé par le congédier, lui, Bismarck,
lui, le fondateur ne l'Empire?
P. D.
LA SÉANCE EU REICHSTAG
L'anniversaire de Bismarck
"Voici les nouveaux détails que nous re-
cevons sur la tumultneuse séance d'hier» ^'
Les députés étaient au grand complet, et
â¢les tribunes étaient bondées, lorsque M. de
Levetzow président, prie l'assemblée de le
charger d'exprimer ses félicitations au prince
de Bismarck â l'occasion du 80* anniversaire
de sa naissance.
M. de Hompesch fait, au nom du centre,
une déclaration dans le sens ^contraire. Ses
paroles août fréquemment interrompues
par ie bruit et les applaudissements.
A son tour, M. Richtèr, dent les paroles
sont è plusieurs reprises interrompues
bruyamment, motive l'attitude du parti li-
béral démocratique, qui refuse de s'asso-
cier à la proposition de M. de Levetzow.
Pais M. Singer, socialiste, qui déclare
parler au nom j3u plus grand parti catholi-
que, se prononce contre îes félicitations à
cause de l'hostilité témoignée aux ouvriers
par le prince ds Bismarck.
Par contre ie prince Radziwill s'associe
au voeu formule par M, de Levetzow.
Le» Polonais se déclarent opposés aux
félicitations.
M. de Kardoff, -expose que, si MM. Rich-
ter et Singer parviennent â abaisser les ré-
solutions au Parlement allemand jusqu'aux
niveau de celles du conseil municipal de
Berlin, ils ie rendront à jamais ridicule.
M. de Manteuffe a fait remarquer, au
milieu des applaudissements de la droite,
que le Parlement allemand devait son exis-
tence au prince de Bismarck, et qu'il était
ingrat de la part d'un fils de refuser des fé-
licitations à son père,
'Enfin, M. de Hodenberg, guelfe, se pro-
; nonce contre les félicitations, tandis que
MM. Kuyphausen et Liebermann se pro-
noncent pour.
Il est ensuite procédé à un scrutin par ap-
pel nominal,
Le scrutin. ââ Tumulte
Indescriptible
ta proclamation du scrutin qui fait con-
naître que Je Reichstag a repoussé par
163 voix contre 146 la proposition tendant à
adresser des félicitations au prince de Bis-
marck est accueillie par un tumulie indes-
criptible.
Le président déclare qu'il donne sa dé-
mission et quitte aussitôt son fauteuil.
Des applaudissements éclatent à droite et
se propagent dans les tribunes. Le tumulte
est à son comble.
M. Bennigsen félicite le [président et dit
que le vice-président, M. Buerklin, donnera
également sa démission.
M. Richter déclare que le Reichstag se
passera de ces deux messieurs. (Applaudis-
sements à gauche et au centre.)
C'est M. de Busl, membre du centre, qui
remplace M. de Levetzow au fauteuil de la
présidence.
Le grand-duc de Bade assistait à ta séance
dans la tribune de la Cour.
Après ce violent incident, le Reichstag
passe a la discussion du budget.
Un télégramme de Guillaume II
Berlin, 23 mars.
Voici le télégramme que l'empereur
vient d'adresser au prince Bismarck.
Au prince de Bismarck duc de Luxem-
bourg, à Friedricbsruhe.
« J'exprime à votre Altesse Sérénissime
le sentiment de ma plus profonde indi-
gnation, au sujet de la résolution que le
Reichstag vient de voter. Cette résolu-
tion est en contradiction absolue avec
les sentiments de tous les princes et de
tous les peuples allemands, i
GOILLACMÏ-
LÀ GUERRE SINO-JAPONAISE
Les dernières nouvelles qui sont parve-
nues sur les négociations de paix entre la
Chine et le Japon ne sont pas très elaires.
D'après un télégramme recent, ces négo-
ciations seraient en.bonne voie ; d'après un
autre,le résultat final serait douteux.
Néanmoins c'est un grand pas de fait que
de sawir que les plénipotentiaires se sont
enfin abouchés.
Il semble que Li-Hung Chang est décidé
à satisfaire le plus tôt possible aux exigen-
ce? du Janon. en cherchant ^ les réduire
autant quHÏ péurfa, isans mettre en danger
la réussite de la haute mission dont il est
chargé. Le sentiment populaire au Japon,
est momentanément contraire à ïa conclu-
sion de îa paix mais on pouvait s'attendre à
Cïl«.
A PARIS ET AILLEURS
LES ira JUIS
Il ne s'agit pas des deux Jeannes qui ont
donné leur nom A ta guerre dont tous les
manuels de baccalauréat relatent les phases
et les détails.
Mes deux Jeannes sont la même Jeanne,
diffôrcmment envisogée. Et ce n'est pas
moi qui, par fantaisie, îa propose, sous
ce double aspect, aux regards du | public.
Ce sont deux éminents personnages, hauts
dignitaires de la sainte Eglise catholique,
apostolique et romaine : Sa grandeur, M.
Foucault, évëque de Sûint-Dié, et M. le [cha-
noine Le Nordez, vicaire général de Verdun.
Ces deux apôtres se sont donné Ou ont
reçu pour mission d'élever des monuments
à la gloire de Jeanne d'Arc, l'un à Vaueou*
leurs, i'autre à Dom ré m y. C'est une manière
comme une autre de faire amende hono,
rable au nom du clergé dont ces messieurs
sont l'ornement et d'inciter les foules cré-
dules à oublier que ce fut un tribunal d«
docteurs en théologie, d'abbés et de moine?
de toutes robes, présidés par un évêque,
qui envoya la Pueelle au bûcher, et, très dé-
votement, la fil flamber.
MM. Foucault et le Nordez ont donc en-
trepris une oeuvre pie par excellence. D'au*
tant pins que, lorsqu'il» auront amassé îes
sommes nécessaires pour îes monuments
projetés et que eeS chefs-d'oeuvre de pi erra
s'érigeront sur le sol lorrain, la gent fidèle
accourra pour y prier, et brûler des cierges,
y apporter ses offrandes. Au besoin, Jeanne
d'Are m'aoiTestera sa puissance sous forma
de miracles» La Sainte-Eglise y gagnera de
beaux revenus annuels.
Ah i qu'elle fut heureusement inspiré**
jadis en allumant les fagots de la place de
Rouén, puisqu'elle peut aujourd'hui, en si-
gne de repentir et d'hommage, organiser
une si imposante et s» lucrative ré par a ti oui
Le plus joli, c'est que nos deux pieux bâ-
tisseurs ne dédaignent pas de faire appel,
pour ie succès de leurs entreprises, aux
heurses anglaises. Au contraire; c'est
même là qu'ils ont placé le plus clair de
leurs espérances. Et l'on né s'empfr
cher} n'est-ce pas t de trouver la chose ab&v-
îurnent logique. Les fagots de Rouen étaient
anglais autaDt que français. Les succes-
seurs de Cauchon invitent les descendants
de ses complices à s'unir à eux pour la ré*
paration du crime commun. C'est touchant.
Pour ma part, j'estime que c'est là un acte
du meilleur goût.
Lé Pape lui-même applaudit à ces mani-
festations. Songez, en effet, qu'il se trou-
vait dans la plus pénible des situations. 1
Depuis longtemps, on est convaincu, à
Rome, que Jeanne d'Arc, bien que les théo-
logiens l'aient condamnée et brûlée comme
hérétique, a été admise à voir Dieu face é
face, dans îes demeures étemelles. La cano-
nisation s'impose donc. Le devoir du Pape
est de proclamer, devant la catholicité en-
tière, que la Pueelle est une sainte et mê*
rite les honneurs des autels.
Mais voilà, le Pape, lui aussi, estopporîii
niste, et les circonstances jusqu'ici ne lui
avaient pas semblé propices pour canoniser
Jeanne d'Arc. Que dirait l'Angleterre? Ne
regarderait-elle pas comme une injure un
acte constituant pour elle un solennel LUm«
du passé? N'y avait-il pas â craindre que
les catholiques d'Ootrc-MAnche et le Saint-
Siège n'eussent, par suite, d regretter une
telle imprudence ?
On s'était donc tenu sur la réserve et of-
ficiellement, en attendant que le bon plaisir
de Sa Majesté Victoria s'afiirmdl. en sa fa-
veur, cette pauvre Jeanne d'Arc était resiée
à la porte du Paradis.
Il paraît que les craintes du Pape se sont
, au moins en partie dissispées. Sa Majesté
; Victoria s'est montrée accommodante. Les
portes du Paradis se sont entrebâillées.
Maintenant que les banbnotes d'Angle-
erre et les billets bleus de France vont se
confondre dans les sébiles de MM. Flcu-
' cauît et Le Nordcs, la Pueelle va être con-
duite en musique jusqu'à la droite de Dier
le Père.
Il y a bien un petit embarras. L'évêque et
le chanoine quêtent, comme je l'ai dit,pour
deux Jeannes.
M. Le Nordez patronne la Jeanne de Vau-
eouleurs, de Reims et d'Orléans ; M. Fûa-i
cault soutient la Jeanne de Dorarémy. L'ê»;
véque de Saint-Dié est même un rival ter- >.
riblç pour le chanoine de Verdun» i* affir-
me qne c'est Domrémy seul qui peut et doit-
mettre d'aeçord les Anglais et les Fraaçai
Par suite, il engage les personnes géné-
reuses à lui verser intégralement leurs of-
frandes qui seraient très mal placées dans
la bourse de l'abbé Le Nordez.
Voilà un jali raisonnement épiscopaL
Que vont faire les Anglais t La Jeanne de
Domrémy est une toute petite Jeanne, uns
Jeanne enfant et pastourelle. La seconde,,
la Jeanne batailleuse est, en effet, embar-
rassarrt*. J5t j'en vois une troisième, sur.,
Lundi 25 RfearslS93
5 Centimes
Le Numéro
â PABiS ET DÊPARTFMENTS â
LA JUSTICE
5 Centimes
Le Numéro
â PARIS ET DÉPARTEMENTS â
BUREAUX DU JOURNAL : 24, Bue Clauchat
Les Annonces sont reçues au Bureau du Journal
POUR LA RÉDACTION SADRFSSER A M, A, MANIÈRE
Secrétaire de la Rédactim.
Rédacteur en chef: G. CLEMENCEAU
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Départ* et A lyérie : 3 mois. G fr. â 6 mots, 11 fr. â Un an, 20 fr.
Union postale ; 3 mois, 10 fr. â 6 mois, 18 fr. â Un an, 36 fr.
ADRESSER LETTRES ET MANDATS A M. E. ROBUTTE
Administrateur.
uns ET «
La République française entretient
présentement au bagne cinq con-
damnés innocents. Je parle d'inno-
cente avérés, car des autres, il y en
a sans doute davantage. L'histoire
de ces forçais est d'ailleurs toujours
la même. Un banditalgérien nommé
Arezki est capturé après une vie de
â¢meurtres, de pillages et d'assassi-
nats impunis. On le guillotinera
quelqu'un de ces jours sur une place
publique avec dix de ses complices.
Ce sera une belle fête pour la justice
humaine. Mais voilà qu'avant de
mourin, le bandit a avoué non seule-
ment les crimes dont on lui deman-
dai L compte, mais encore ceux dont
on ne lui parlait pas.
Il n'y a rien de si ennuyeux que
'des â sortes d'aveux pour les gens qui
"font profession de condamner leurs
semblables. La Justice, avec toutes
les formes requises avait dit à quatre
hommes : « Vous avez commis oes
crimes. » inge d'instruction, cham-
bre des mises en accusation, con-
seillers et, juges, avocat général, le
jury lui-méme, tout y avait passé.
- Les quatre condamnés, trop heu-
reux de ne pas laisser 'leur tête au pa-
nier du ^bourreau*avaient pris tran-
quillement le chemin du bagne'OÙ ils
sont présentement employés à déter-
rer la fièvre des fanges du Maroni.
Survient Arezki qui déclare que le
crime «est de h>à et le prouve. Est-
ce qite ce mauvais gredin ne pou-
vait pas laisser les quatre condam-
nés grelotter en paix ieurs derniers
jours. Qu'avait-il besoin d'inquiéter
les bonnes gens dont la conscience
faillible leur avait fait ce destin?
Car enfin vous supposez bien
qu'on va s'occuper saas délai de
constater judiciairement l'aveu pour
redresser au plus vHe le crime
judiciaire contre des innocente. Eh
bien, c'est justement de quoi l'on
ne s'occupe guère. Us magistrat
algérien, interrogé l'autre jour, est
tombé de son haut quand on lui
a parié d'une procédure à fin de
revision de jugement. Vraiment
croit-on que ce soit si simple de dé-
condamner un forçat sous le pré-
texte qu'il est innocent.
Pour le condamner, on en vient à
bout sans trop de peine. Un bon
juge avec un greffier, des gendar-
mes, un procureur qui requiert,
sept bons bourgeois submergés, d'é-
loquence judiciaire, et c'est tout.
« Allons, mon ami, mets la tête sous la
lunette. L'aumônier et le bourreau
se chargent du reste. »
Mais innocenter le condamné,
c'est le diable, quand il est guillo-
tiné surtout. Les nôtres, par clé-
mence grande, sont seulement en
train de crever d'infection palu-
déenne C'est si loin la Guyane,
proposez-vous vraiment d'aller les
chercher là-bas pour les rendre à
la société en les invitant à ne pas
recommencer. Je suis sûr que le sé-
jour du bagne ne les aura pas du tout
amendés, et que la fréquentation des
bandits, ainsi que la rancune d'une
peine injustement subie, les aura
Infectés de mauvais sentiments à
l'égard d'un ordre social auquel ils
doivent tant. Les verrons-nous main-
tenant se promener par les villes
en témoins vivants de ce que vaut
l'infaillible justice des hommes.?
Quel enseignement pour le peuple
des justiciables, quelle école d'ir-
respect I Des sortes d'hommes-affi-
ches proclamant] aux carrefours que
juges et jurés sont sujets à l'erreur,
et que des innocents pâtissent du
peu de clairvoyance des gens char-
gés de décider de la vie et de la
mort. En vérité,ne serait-il pas plus
sage d'inviter ces braves gens à
rester bien paisiblement où ils sont.
Le plus fort est'fait. Ils ont déjà
vécu quelques années dans les
miasmes paludéens, J(s y sont ac-
coutumés. A quoi bon un nouveau
changement de climat, quand il
leur suffit de rester dans les bonnes
boues chaudes de l'équateur pour
rendre un signalé service à la so-
ciété. La procédure de revision du
jugement est interminable. Avant
d'en avoir vu la fin,ils seront morts.
Qui s'occuperait d'eux,d'ailleurs ?
Pas ceux qui les ont condamnés
assurément. Leurs concitoyens? Ils
ont bien autre chose à faire. La
Chancellerie? La Chancellerie, c'est
un aimable robin qui veut de l'avan-
cement et ce n'est pas avec cette
affaire-là qu'il obtiendra les palmes
d'académie. Aussi écoutez le juge
algérien : « Nous n'avons pas reçu
d'ordres de la Chancellerie. 11 n'y a
rien à faire ». Attendez seulement
que les onze têtes de bandits soient
dans le panier du bourreau, et l'on
découvrira qu'Arezki n'a déchargé
tes innocents que pour se moquer
de nous.
Un cas plus embarrassant, c'est
l'affaire du crime de la Blancarde.
Deux accusés, le garçon de ferme
Cauvin, chargé par la servante,
mal défendu peut-être, échappe par
miracle au grand couteau de l'accu-
sateur, et pourrit bravement au ba-
gne comme les autres. Ln servante,
acquittée, se réfugie dans je «e sais
qaet asile religieux où elle tvit en
paix. Et puis ta voilé malade, elle
va mourir, te remords arrive. Elle
«voue qu'elle seule a commis le
â¢crime, et quelle a accusé l'innocent
jaour échapper au .châtiment mérité.
Quel ennui que tous ces bavar-
dages. Si cette misérable servante
â était morte il y a quinze jours,
que de tracas évités à nos bons
juges. Le sort â ©«» a disposé -autre-
ment, et Cauvin .va être assailli de
mille émotions qui troubleront la
â¢quiétude da bagne. L'homme ayant
sur les condamnés d'Algérie, l'a-
vantage de ne pas être arabe,.on va
s'occuper de lui, parait-il. J'attends
avec une curiosité défiante le ré-
sultai du beau zèle de messieurs
de la Chancellerie.
J'allais oublier les frères Borique
ou de Grave qui virent la guillotine
de fort près. Un peu plus d'élo-
quence dans le réquisitoire, et ils
seraient maintenant en quatre mor-
ceaux dans un trou. A quoi tient la
tête d«s gens ?
Les deux frères ne furent pas plus
tôt condamnés au bagne qu'il fut
établi que le seul témoin à charge,
un canaque poursuivant une vendetta.
avait abominablement menti, Comme
ils n'étaient pas encore embarqués,
je ne sais quel respect humain em-
pêcha qu'on leur fit faire le voyage,
ils sont depuis des mois et des mois
à lUe de Ré. en partance, attendant
que la justice républicaine ait dé-
brouillé leur affaire. Je leur souhaite
bonne chance.
La conclusion de tout cela, c'est
que l'homme est sujet à l'erreur.
Voila pourquoi tout jugement hu-
main doit laisser la porte ouverte ù
la réparation possible. Voilà pour-
quoi la peine de mort, réclamée
au nom de l'intérêt social dans
tous les cas que je viens de
citer, doit être rayée du code de ci-
vilisation, étant irréparable.
Fait-on le possible pour éviter l'er-
reur des jugements? Cela s'écrit.
Tous ceux qui voient de près fonc-
tionner le terrible appareil judi-
ciaire, n'en croient rien. En Amé-
rique, en exige, pour la condam-
nation, l'unanimité du jury. Nous
nous contentons de sept voix contre
cinq. Ainsi du reste. Et si l'erreur
se produit dans les cas où la peine
capitale est en jeu, alors que nous
nous vantons présomptueuse ment
d'avoir assuré tant de garanties à
l'accusé, qu'arrive-t-îl pour les mal-
heureux qui défilent en tas sous le
bâton mécanique du juge de police
correctionnelle- Je n'ose pas y ar-
rêter ma pensée.
M. Félix t'aura qitt ne s'embar- [
rasse pas de tant de choses à fait
l'étrenne, hier, du premier guillotiné
de son règne. Après celui-là, «n
autre. Et puis?
Notre président qui est l'ami,
dit-on, du roi de? Belges, devrait
bien demander à Léopold II pour-
quoi il refuse systématiquement sa
signature à toute condamnation
capitale. « C'est que mon père, un
jour, s'est trompé, dirait le monarque
au président. Une tête innocente
abattue par erreur me met en dé-
fiance contre les jugements hu-
mains ». Et peut-être le roi ajoute-
rait-il : « Vous ne vous défiez pas
assez, mon cher. »
G. CLEMENCEAU.
UN ESPION MALGACHE
Port-Louis, 23 mare.
D'après les nouvelles reçues de Tama-
tave, M. Walïer, ancien consul des Etats-
Unis à Madagascar, a été jugé en cotir mar-
itale par les autorités françaises pour avoir
entretenu des correspondances airec tes
Hovas.
La cour l'a condam&é à vingt ans -de tra-
vaux forctil.
Les Invalides du travail désirés
Sur 1* demandante M. Poincarê a Cham
bre a voté, dans «ne de ses dernières séan-
ces, %m crédit de deux militons pour les
musées nationaux. C'est très bien, malheu-
reusement ces tonds devront être pris sur
Je produit rie la-vente des diamants 'jde la
Couronne^ alors que ces fonde ont uïie af-
fectation spéciale : la Caisse «Ses Invalides
du Travail,
tin .effet ie 20 juin 1882, la Chambre adop-
tant à une grosse majorité s®r l'initiatixe
de M. Benjamin Raspail, une proposition
ayant pour objet l'aliénation et la
vente des joyaux dits de ia Couronne
et d'en attribuer le produit a la création
d'une caisse des Invalides du travail
Enfin, en M. B. Raspail déposait de
nouveau sur le bureau de la Chambre une
proposition tendant à ce qae les 8 mil-
lion» provenant de la vente des diamants
de Ja-Couronne restent toujours attribués à
la Caisse des invalides du Travail.
A -une grosse majorité (293 voix "Centre
Chambre, dans la séance du45 juil-
let adopta la motion Raspail.
À deux reprises différentes, la Chambre
a doae affirmé sa volonté de créer une oeu-
vre essentiellement démocratise et humas
nitaire, pour îes ouvriers mutilés au cours
de leur travail. Pourquoi la Chambre, en
â fSOô/t n'a-t-elle pas tenu compte de la vo-
lonté-de ses devancières.
Nous ne le savons.
Mais ce que nous savons, ce qu'an mi-
Bistre (républicain, aurait mieux fait de de-
mander les 'initiions dont il avait .légitime-
ment besoin pour les musées nationaux au
budget des cultes que de* les prendre sur
une caisse destinée à soulagée de vieux,
travailleurs infirmes ou estropiés.
IA PENELOPE PARLEMENTAIRE
Vous voyez d'ici l'a joie du Sénat.
La Chambre lui a transmis un budget en
déficit.
Quelle belle occasion d'exercer ses droits
financiers !
Mettez-vous à sa place! C'est tentant.
Il va donc rogner et rogner avec en-
train.
La commission sénatoriale dos finances
nous fait déjà connaître qu'elle repousse la
plupart des augmentations de crédit dùes à
l'initiative parlementaire.
Professeurs, cantonniers, agents des pos-
tes et tant d'autres à qui la Chambre a
mis l'eau à la bouche vont apprendre de-
main, s'ils l'ignorent, qu'il y a loin de la
coupe aux lèvres.
La Chambre voulait améliorer un tant
soit peu leur situation. Mais le Sénat ne le
veut pas. Tout ce qui a été fait sera défait.
Ainsi le veut la Constitution.
P. D
Le Travail (las les Prisons
j Le ministre de l'intérieur vient du publier
; la statistique pénitentiaire, pour Tannée
; 181*2. Cette statistique fournit d'intéressants
renseignements sur la concurrence faite au
travail libre par celui des détenus des mai-
sons centrales et des maisons départemen-
tales d'arrêt ou de détention.
En 1802, le nombre des travailleurs occu-
pés dans les maisons centrales a été de
7,883 hommes et de 1,203 femmes, répàrtis
en 72 professions, Les fabrications qui occu- I
pent le plus d'hommes sont celles des chaus-
sons, 920; des souliers; 805; des corsets, 401; ]
des brosse*, 349; des lits en fer, 1,293; des
boutons de corne,274; de la verrerie, 238, et
des chaisses, 221.
Pour les femmes, nous trouvons comme
occupant le plus de monde, la fabrication
des corsets avec 412 ouvrières, celle des
faux-cols avec 261. le repassage ûvec 104 et
la coulure avec luO.
Le salaire est absolument inférieur : il est
en moyenne pour les hommes de 1 fr. 11 et
pour les femmes de 0,89, pour les hommes,
le maximum est de 4 fr 50 dans l'industrie
des meubles en fer, en employant 43; les
relieurs gagnent 5 fr. 09, et îes fabricants de
becs de pétrole 2 fr. Dans 34 professions lè
gain dépasse 1 franc. Seuls les femmes qui
font des faux-cols atteignent çç prix,
On devrait bien remedier a cette concur-
rence désastrueuse au travail libre et qui ne
sert qu'a procurer de scandaleurs bénéfices
* quelques industriels-
ÇA ET LA
La toilette de nos arbres
Des milliards de confetti multicolores
ont passé du ruisseau dans l'égout et de
l'égout dans la Seine, au grand étonne-
ment de nos poissons blancs.
Mais tes serpentins restent accrochés
auï arbres des boulevards que la joie po-
pulaire a transformés en saules pleu-
reurs.
Rien de plus gracieux assurément que
ces dômes effilochés sons lesquelles dis-
paraissent les branches encore noires et
qui relient les arbres les uns aux autres.
Il semble qu'Àrachné et la Loie Fuller
soient passées par là.
Mais demain 1
Demain c'est la pluie, c'est-à-dire le la-
mentable aplatissement de ces légers ru-
bans désormais flétris.
Demain c'est le vent, c'est-à-dire le
dangereux entortillement des serpentins
sans cesse secoués autour des bour-
geons naissants.
Il faut aviser.
On nous aaffirmé, l'annéedernière,que
la végétation n'avait été contrariée en
rien par c«s minces rubans de papier
Mais, cette fois, lenr accumulation est
prodigieuse e( il n'est pas possible qu'elle
ne «fine pas le gonflement des bourgeons,
le développement des feuilles-naissan-
tes.
Ne pourrait-on pas desenchevêtrer
nos pauvres arbre, les débarrasser
délicatement de cette chevelure inusitée 1
Cela ne -coûterait pas grand chose et ne
' durerait guère Quelques échelles, beau-
coup de précautions, un peu de bonne
volonté et noos en viendrions à bout.
Ce ne sont p*s les gamins agiles qui
manquent. Il suffirait de les -diriger avec
méthode, avecrprudence.
Qu'on s'arrange d'ailleurs connue on
voudra t Le problème ne doit pas être
insoluble.L'essentiel c'est qu'on permette
à nos arbres de pousser leurs feuille»
prodromes et qu'on nous évite te specta-
cle toujours un peu pénible d'un décor
qui «'à plus sa raison d'être Ces débris
.de fête â s'il est permis d'ainsi parler
â finissent par porter sur ies nerfs. Al-
lons, vite I On brin de toilette, s. v p. 1
P D.
M REVANCHE DIS BAVARDS
« Voici le résultat du scrutin sur la
proposition tendant à charger le Prési-
dent de l'Assemblée de présenter des
félicitations au prince de Bismarck i
l'occasion du 80' anniversaire de sa
naissance : pour, 146 voiï ; contre, 163-
L'Assemblée a repoussé la proposi-
tion,,. »
C'est ainsi que M. de Levetzow, prési-
dent du Reichstag, a été dans l'obliga-
tion de proclamer ce scrutin tant at-
tendu.
Tumulte inoubliable. Cria de répro-
bation d'un côté. Applaudissements de
l'autre. Les spectateurs des tribunes vo-
cifèrent à qui mieux mieux. Le prési-
dent descend du fauteuil en annonçant
qu'il est démissionnaire. Une partie du
bureau le suit dans sa retraite. M. Buer-
klin, notamment, fait savoir qu'il donne
sa démission de vice-président.
â Le Reichstag se passera parfaite-
ment de ces deux messieurs t s'écrie M.
Richler d'une voix forte.
Et ta séance est suspendue au milieu
d'aine- indescriptible agitation...
C'est la revanche dos « bavards ».
Car c'est ainsi qu'il les traitait, au
temps de sa toute puissance, tous ces
représentants du bon peuple allemand.
11 fallait voir de quelle façon dédai-
gneuse il parlait d'eux et leur parlait
quand ils s'avisaient de lui refuser une
loi ou de lui marchander un crédit I A
brutal, brutal et demi t Un scrutin a
suffi pour rendre vingt insolences I
Il y a autrechosedans ce vote... Il y a
une leçon donnée à celui qui paraissait
très grand quand it était 1res haut placé,
mais chez qui on a découvert des peti-
tesses dès qu'on l'a regardé de plus près
M. de Bismarck n'a pas su mourir à
temps. lia manqué de dignité dans sa
retraite involontaire,
Mais i! y a autre chose encore dans ce
vote. Il y a l'expression de ce profond
malaise que fait peser sur les citoyens
allemands l'hégémonie de la Prusse, le
caporalisme des Hohenzoliern. Le joug
est lourd, De temps en temps un soupir
s'échappe des poitrines oppressées.
Mais nous voudrions qu'il y eût autre
chose encore dans ce vote.. Nous vou-
drions y démêler cet aveu que la Force
est impuissante à primer le Droit, que
l'injustice est une faute, que toutes les
fautes se paient et que l'Allemagne paye
chèrement l'injustice commise par M. de
Bismarck.
Quelle parole de colère ou de mépris
s'est échappée des lèvres de l'ancien
chancelier de fer quand on lui a commu-
niqué le résultat du scrutin? Nous le
saurons peut-être. Par quelle agréable
surprise l'Empereur s'efforcera-t-il de
panser pareille blessure?Nous le saurons
bientôt.
Mais qu'est-ce qui pourrait consoler
te vieux chancelier T Le litre d'Altesse ?
Vanitè t La visite ae son souverain f
Pure politesse ! D'innombrables adresses
de félicitations? Badauderie et chauvi-
nisme t
Non t ce qu'il lui fallait, à lui, créateur
de l'empire, c'était l'acclamation du par-
lement de l'empire. 11 ne l'a pas. Et tout
en accablant ies bavards du Reichstag
de quelque lourde plaisanterie, le ter-
rible octogénaire sentira son coeur «e
serrer.
L'inquiétude envahira l'envahisseur.
Paul Degouy,
P. Sâ â Guillaume II n'a pas voulu
attendra une minute pour exprimer i
M. de Bismarck « la profonde indigna-
tion a que lui cause le vote du Reichs-
tag. Le mot est gros. Il est même grave.
Il n'est pas tait pour améliorer les rap-
ports déjà si tendus entre la Couronne
et le Parlement. En ajoutant que les
peuples allemands protesteront contre
ce vote Guillaume affirme bien, en ou-
tre que, dans sa pensée,le Reichstag ne
représente nullement les populations de
l'Empire. Attendons-nous, sous [une
forme ou sous une autre, a une réponse
du berger à la bergère.,.
Quant à M. de Bismarck il est appelé
pour la première fois parson empereur :
Altesse serenissime. C'est fort joli Mais
peut-il oublier que ce même empereur,
devançant levote du Reichstag, a com-
mencé par le congédier, lui, Bismarck,
lui, le fondateur ne l'Empire?
P. D.
LA SÉANCE EU REICHSTAG
L'anniversaire de Bismarck
"Voici les nouveaux détails que nous re-
cevons sur la tumultneuse séance d'hier» ^'
Les députés étaient au grand complet, et
â¢les tribunes étaient bondées, lorsque M. de
Levetzow président, prie l'assemblée de le
charger d'exprimer ses félicitations au prince
de Bismarck â l'occasion du 80* anniversaire
de sa naissance.
M. de Hompesch fait, au nom du centre,
une déclaration dans le sens ^contraire. Ses
paroles août fréquemment interrompues
par ie bruit et les applaudissements.
A son tour, M. Richtèr, dent les paroles
sont è plusieurs reprises interrompues
bruyamment, motive l'attitude du parti li-
béral démocratique, qui refuse de s'asso-
cier à la proposition de M. de Levetzow.
Pais M. Singer, socialiste, qui déclare
parler au nom j3u plus grand parti catholi-
que, se prononce contre îes félicitations à
cause de l'hostilité témoignée aux ouvriers
par le prince ds Bismarck.
Par contre ie prince Radziwill s'associe
au voeu formule par M, de Levetzow.
Le» Polonais se déclarent opposés aux
félicitations.
M. de Kardoff, -expose que, si MM. Rich-
ter et Singer parviennent â abaisser les ré-
solutions au Parlement allemand jusqu'aux
niveau de celles du conseil municipal de
Berlin, ils ie rendront à jamais ridicule.
M. de Manteuffe a fait remarquer, au
milieu des applaudissements de la droite,
que le Parlement allemand devait son exis-
tence au prince de Bismarck, et qu'il était
ingrat de la part d'un fils de refuser des fé-
licitations à son père,
'Enfin, M. de Hodenberg, guelfe, se pro-
; nonce contre les félicitations, tandis que
MM. Kuyphausen et Liebermann se pro-
noncent pour.
Il est ensuite procédé à un scrutin par ap-
pel nominal,
Le scrutin. ââ Tumulte
Indescriptible
ta proclamation du scrutin qui fait con-
naître que Je Reichstag a repoussé par
163 voix contre 146 la proposition tendant à
adresser des félicitations au prince de Bis-
marck est accueillie par un tumulie indes-
criptible.
Le président déclare qu'il donne sa dé-
mission et quitte aussitôt son fauteuil.
Des applaudissements éclatent à droite et
se propagent dans les tribunes. Le tumulte
est à son comble.
M. Bennigsen félicite le [président et dit
que le vice-président, M. Buerklin, donnera
également sa démission.
M. Richter déclare que le Reichstag se
passera de ces deux messieurs. (Applaudis-
sements à gauche et au centre.)
C'est M. de Busl, membre du centre, qui
remplace M. de Levetzow au fauteuil de la
présidence.
Le grand-duc de Bade assistait à ta séance
dans la tribune de la Cour.
Après ce violent incident, le Reichstag
passe a la discussion du budget.
Un télégramme de Guillaume II
Berlin, 23 mars.
Voici le télégramme que l'empereur
vient d'adresser au prince Bismarck.
Au prince de Bismarck duc de Luxem-
bourg, à Friedricbsruhe.
« J'exprime à votre Altesse Sérénissime
le sentiment de ma plus profonde indi-
gnation, au sujet de la résolution que le
Reichstag vient de voter. Cette résolu-
tion est en contradiction absolue avec
les sentiments de tous les princes et de
tous les peuples allemands, i
GOILLACMÏ-
LÀ GUERRE SINO-JAPONAISE
Les dernières nouvelles qui sont parve-
nues sur les négociations de paix entre la
Chine et le Japon ne sont pas très elaires.
D'après un télégramme recent, ces négo-
ciations seraient en.bonne voie ; d'après un
autre,le résultat final serait douteux.
Néanmoins c'est un grand pas de fait que
de sawir que les plénipotentiaires se sont
enfin abouchés.
Il semble que Li-Hung Chang est décidé
à satisfaire le plus tôt possible aux exigen-
ce? du Janon. en cherchant ^ les réduire
autant quHÏ péurfa, isans mettre en danger
la réussite de la haute mission dont il est
chargé. Le sentiment populaire au Japon,
est momentanément contraire à ïa conclu-
sion de îa paix mais on pouvait s'attendre à
Cïl«.
A PARIS ET AILLEURS
LES ira JUIS
Il ne s'agit pas des deux Jeannes qui ont
donné leur nom A ta guerre dont tous les
manuels de baccalauréat relatent les phases
et les détails.
Mes deux Jeannes sont la même Jeanne,
diffôrcmment envisogée. Et ce n'est pas
moi qui, par fantaisie, îa propose, sous
ce double aspect, aux regards du | public.
Ce sont deux éminents personnages, hauts
dignitaires de la sainte Eglise catholique,
apostolique et romaine : Sa grandeur, M.
Foucault, évëque de Sûint-Dié, et M. le [cha-
noine Le Nordez, vicaire général de Verdun.
Ces deux apôtres se sont donné Ou ont
reçu pour mission d'élever des monuments
à la gloire de Jeanne d'Arc, l'un à Vaueou*
leurs, i'autre à Dom ré m y. C'est une manière
comme une autre de faire amende hono,
rable au nom du clergé dont ces messieurs
sont l'ornement et d'inciter les foules cré-
dules à oublier que ce fut un tribunal d«
docteurs en théologie, d'abbés et de moine?
de toutes robes, présidés par un évêque,
qui envoya la Pueelle au bûcher, et, très dé-
votement, la fil flamber.
MM. Foucault et le Nordez ont donc en-
trepris une oeuvre pie par excellence. D'au*
tant pins que, lorsqu'il» auront amassé îes
sommes nécessaires pour îes monuments
projetés et que eeS chefs-d'oeuvre de pi erra
s'érigeront sur le sol lorrain, la gent fidèle
accourra pour y prier, et brûler des cierges,
y apporter ses offrandes. Au besoin, Jeanne
d'Are m'aoiTestera sa puissance sous forma
de miracles» La Sainte-Eglise y gagnera de
beaux revenus annuels.
Ah i qu'elle fut heureusement inspiré**
jadis en allumant les fagots de la place de
Rouén, puisqu'elle peut aujourd'hui, en si-
gne de repentir et d'hommage, organiser
une si imposante et s» lucrative ré par a ti oui
Le plus joli, c'est que nos deux pieux bâ-
tisseurs ne dédaignent pas de faire appel,
pour ie succès de leurs entreprises, aux
heurses anglaises. Au contraire; c'est
même là qu'ils ont placé le plus clair de
leurs espérances. Et l'on né s'empfr
cher} n'est-ce pas t de trouver la chose ab&v-
îurnent logique. Les fagots de Rouen étaient
anglais autaDt que français. Les succes-
seurs de Cauchon invitent les descendants
de ses complices à s'unir à eux pour la ré*
paration du crime commun. C'est touchant.
Pour ma part, j'estime que c'est là un acte
du meilleur goût.
Lé Pape lui-même applaudit à ces mani-
festations. Songez, en effet, qu'il se trou-
vait dans la plus pénible des situations. 1
Depuis longtemps, on est convaincu, à
Rome, que Jeanne d'Arc, bien que les théo-
logiens l'aient condamnée et brûlée comme
hérétique, a été admise à voir Dieu face é
face, dans îes demeures étemelles. La cano-
nisation s'impose donc. Le devoir du Pape
est de proclamer, devant la catholicité en-
tière, que la Pueelle est une sainte et mê*
rite les honneurs des autels.
Mais voilà, le Pape, lui aussi, estopporîii
niste, et les circonstances jusqu'ici ne lui
avaient pas semblé propices pour canoniser
Jeanne d'Arc. Que dirait l'Angleterre? Ne
regarderait-elle pas comme une injure un
acte constituant pour elle un solennel LUm«
du passé? N'y avait-il pas â craindre que
les catholiques d'Ootrc-MAnche et le Saint-
Siège n'eussent, par suite, d regretter une
telle imprudence ?
On s'était donc tenu sur la réserve et of-
ficiellement, en attendant que le bon plaisir
de Sa Majesté Victoria s'afiirmdl. en sa fa-
veur, cette pauvre Jeanne d'Arc était resiée
à la porte du Paradis.
Il paraît que les craintes du Pape se sont
, au moins en partie dissispées. Sa Majesté
; Victoria s'est montrée accommodante. Les
portes du Paradis se sont entrebâillées.
Maintenant que les banbnotes d'Angle-
erre et les billets bleus de France vont se
confondre dans les sébiles de MM. Flcu-
' cauît et Le Nordcs, la Pueelle va être con-
duite en musique jusqu'à la droite de Dier
le Père.
Il y a bien un petit embarras. L'évêque et
le chanoine quêtent, comme je l'ai dit,pour
deux Jeannes.
M. Le Nordez patronne la Jeanne de Vau-
eouleurs, de Reims et d'Orléans ; M. Fûa-i
cault soutient la Jeanne de Dorarémy. L'ê»;
véque de Saint-Dié est même un rival ter- >.
riblç pour le chanoine de Verdun» i* affir-
me qne c'est Domrémy seul qui peut et doit-
mettre d'aeçord les Anglais et les Fraaçai
Par suite, il engage les personnes géné-
reuses à lui verser intégralement leurs of-
frandes qui seraient très mal placées dans
la bourse de l'abbé Le Nordez.
Voilà un jali raisonnement épiscopaL
Que vont faire les Anglais t La Jeanne de
Domrémy est une toute petite Jeanne, uns
Jeanne enfant et pastourelle. La seconde,,
la Jeanne batailleuse est, en effet, embar-
rassarrt*. J5t j'en vois une troisième, sur.,
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