Titre : La Justice / dir. G. Clemenceau ; réd. Camille Pelletan
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1892-03-27
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32802914p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 27 mars 1892 27 mars 1892
Description : 1892/03/27 (Numéro 4456). 1892/03/27 (Numéro 4456).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/02/2011
Treizième année. â N' 4456
Un Numéro : 10 Parts et Départements
Dimanche 27 Mars 1892
Directeur Politique i
S. CLEMENCEAU
ABONNEMENTS
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feerftalra de Ift Rédaction,, M, A. CTIÉVAMT
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H ta Sort ta do. Journal, 10, Faubourg Montnurtrt
LA JUSTICE
Rédacteur en Chef:
CAMILLE PELLETAN
ABONNEMENTS
f Trois mois t$ tr.
Btiim .... j six mois M*
( UN an M»
Urwer les p»*n«t»t« à rAdmiuiitrabaiir
M. E. TRÉBUTICN
18, ni do Ftaboarg-Moatm^ro», tfc
LACHAMBRE
Nous avons eu hier un débat comme
on en aura souvent, tant â I no. parvenus
aux constatations extrêmes du conflit
qui existe entre l'Eglise et l'Etat, on re-
culera devant la résolution à prendre.
On échange de véhémentes apostrophes,
chacun parle dé ses droits propres et des
devoirs mutuels, et le lendemain on s'a-
perçoit que la vie commune n'a pas été
reprise.
Voici maintenant que les prédicateurs
de Carême, pour varier la forme du con-
flit, se sont mis à élargir le cadre de leurs
conférences, et ont transformé les Egli-
ses que l'Etat met à leur disposition en
salles de réunion publique, où les insti-
tutions de la République, ses lois, son
gouvernement sont encore plus maltrai-
tés que le mobilier, soumis, lui aussi, i
quelques rudes épreuves.
C'est ce qui est arrivé l'autre soir à
l'Eglise Saint-Merri, où le Père Le Moi-
gne avait, par voie d'affiches et do pros-
pectus, donné rendez-vous aux diverses
écoles socialistes, et à M. Frédéric Passy
lui-même! M. Frédéric Passy, occupé de
protéger la vertu et l'innocence des
rues, n'était pas au rendez-vous. Mais il
y avait des républicains, des socialistes,
et il s'en est suivi une assez forte ba-
garre, qui s'explique par la provocation
elle-même.
M. Chassaing qui pourrait dire : « j'y
étais, telle chose m'advint », nous a ra-
conté toutes les péripéties de cette soirée
tumultueuse ; et le Père Le Moigne, qui
est plaignant, paraît-il, aurait voulu
faire ses sermons entre deux sergents
de ville comme assesseurs.
Mais ce n'est pas là qu'était l'intérêt
de cette interpellation. 11 n'était même
pas dans le discours du premier inter-
pellateur M. Delahaye â un boulangiste
de Droite, celui-là même qui présida le
fameux discours do Tours â et qui est
venu apporter à la tribune toute une
série de menaces et de défis apprêtés,
violenls, annonçant de prochaines luttes
à main-plate si on ne laisse pas les pré-
dicateurs outrager tout à leur aise le
gouvernement, la République, la Révo-
lution et tout ce qu'il leur plaira d'outra-
ger.Ce sont-là des provocations à l'initia-
tive privée ; nous verrons ce qui en ré-
sultera.
Un attrait assez piquant de cette séan-
ce, ç'a-été le début à la tribune du suc-
cesseur de M. Freppel, l'abbé d'Hulst,
qui avait demandé la parole au moment
où M. Chassaing disait que la prédication
en chaire devait se borner aux sujets
touchant le dogme et la morale reli-
gieuse. Quel sera l'avenir oratoire de M.
d'Hulst dans les Chambres '1 C'est ce
qu'il est difficile de dire après cette pre-
mière épreuve qui ne lui a point été ren-
due facile. L'homme est intempérant, ir-
ritable, ergoteur. Les moindres inter-
ruptions, il les poursuit, veut les réduire,
et se laisse entraîner par elles loin de
son sujet. Son discours d'hier ressemble
un peu au jeu des propos interrompus.
Ce qui est certain, c'est que M. d'Hulst â
que la droite a d'ailleurs faiblement sou-
tenu â apporte à la Chambre et dans sa
totalité la doctrine intransigeante de
l'Eglise. Il veut bien consentir à saluer
la forme républicaine de gouvernement,
puisque c'est en ce moment la politique
formulée par l'Encyclique. Mais aussitôt
après il démontre avec une impitoyable
netteté, combien ce salut adressé à la
République est illusoire.
M. Paul de Cassagniac lui a fort bien
dit qu'il venait d'établir avec éloquences
quel point le catholicisme et les idées de
la Révolution sont incompatibles.
M-d'Hulst a beau s'en défendre, c'est
ce qu'il y a au fond de son discours. Et
il a d'ailleurs parfaitement raison. Re-
présentant d'une religion qui depuis
dix-huit siècles prélend posséder la vé-
rité, il a raison de dire que cette religion
ne fera aucune concession, ne s'inclinera
pas. Et comme elle embrasse tout ce qui
est humain, elle entend bien faire porter
son enseignement sur toute chose, ac-
ceptant ce qui est conforme à sa doc-
trine, rejetant ce qui lui parait être l'er-
reur. C'est très entier, très absolu, ce
langage là. Il n'y manque qu'une chose
pour qu'il soit digne de respect au même
titre que les autres systèmes philoso-
phiques : c'est le renoncement aux pri-
vilèges d'Etat. Il faut rendre l'argent. Je
suis étonné qu'un homme « de haute
naissance » comme on dit dans les opé-
ras comiques, qu'un homme « de haute
naissance » comme affecte de paraître
M- d'Hulst, ne comprenne pas tout de
suite ce qu'il y a de fâcheux et d'un peu
avilissant dans cette situation d'une
Eglise qui se fait nourrir et qui veut
garder son indépendance.
Il croit se rattraper en nous racontant
qu'il a souvent échappé au martyre. Oh 1
Monsignor! personne n'en veut à vos
jours, je vous assure, ces choses-là ne
se disent pas devant une Chambre. En
attendant paisiblement le martyre qui
ne viendra jamais, il vaudrait peut-être
mieux nous parler de l'argent et du
reste. Une fois le renoncement fait, vous
verriez quelle singulière force aurait
votre argumentation. Ello serait irréfu-
table, comme celle de toutes les doc-
trines qui ne demandent rien à l'Etat et
réclament leur part de champ et de so-
leil. Jusque-là, je pense que vous voulez
vous amuser quand vous nous dites que
la République n'a qu'à faire des lois con-
formes à la doctrine de l'Eglise, si elle
veut les voir acceptées par elle. Cette
pensée de Calino vous a valu un beau
succès à gauche. Quand la société civile
aura renoncé à faire des lois, l'Eglise
aura l'extrême bonté de ne plus la com-
battre.
L'intervention de notre ami Pichon a
fouetté un peu ce débat qui devenait en-
nuyeux. Pichon a apporte à la tribune
un fait véritablement monstrueux. C'est
l'histoire d'un prédicteur de Carême qui
monte en chaire à l'Eglise Sainte-Clo-
thilde, et vomit d'intolérables outrages
sur l'armée française. On va aux rensei-
gnements, et on découvre que ce prédi-
cateur est â naturellement â un étran-
ger. Il l'est même doublement ; d'abord
parce qu'il est sujet anglais, et ensuite
parce qu'il appartient à une congréga-
tion non reconnue par l'Etat : il est de la
Compagnie de Jésus. C'est le Père
Forbes.
11 n'y a eu qu'un cri d'indignation à la
lecture que Pichon a faite de deux let-
tres, une émanant d'un capitaine de
zouaves et adressée au Père Forbes pour
lui marquer sa douloureuse surprise
après la conférence de Sainte-Clotilde, et
l'autre, la réponse du Père Forbes, aggra-
vant encore ce qu'il avait dit en chaire,
et déclarant que l'armée française est
« pourrie » de vices, de moeurs abjec-
tes, de maladies honteuses...
Et ces choses-là se disent en chaire,
sous le patronnage de l'archevêque de
Paris, dans des Eglises entretenues par
l'Etat. C'est à n'y pas croire. Va-t-on en
finir? a demandé Pichon qui, dans une
péroraison toute vibrante, a touché les
sentiments les plus profonds, les plus
patriotiques de la majorité républicaine,
et qui est descendu de la tribune au
milieu des plus vive» acclamations.
En finir ! Ce n'est pas pour aujour-
d'hui. â¢â¢ â't
J'ai réservé pour la fin les deux dis-
cours de M. le Président du Conseil, l'un
en réponse à M. d'Hulst, l'autre en ré-
ponse à Pichon Je les ai réservés pour la
fin, et je puis les confondre sans incon-
vénient. Ce sont deux manifestations du
néant.
M. Loubet a fait connaître à la Cham-
bre « ois en était l'affaire ». Le Jésuite
anglais? expulsé. L'affaire Saint-Merri?
Elle suit son cours; il y a une plainte dé-
posée. C'est tout ce qu'il y a de plus pré-
cis, comme vous voyez. Et ensuite un
pauvre appel aux bonnes volontés de
tous, avec des mouvements de main
comme il y en a aux procès en concilia-
tion. Voyons... cependant... il faudrait
s'entendre... Tout cela ne fait de bien à
personne... Que les curés restent chez
eux, on les laissera tranquilles....
Le langage de M. le président du con-
seil n'a pas dépassé ce ton de justice de
paix.
Jo me trompe. Nous avons retrouvé à
la fin les vieilles menaces qui ont servi
à tous les ministères. Ah ! par exemple,
si on persiste, si on met le feu aux
Eglises, nous serons bien 'obligés de les
fermer. Et nous n'hésiterons pas. Et
puis pourquoi discuter? La question est
bien simple. 51 faut nous dire si nous
avons votre confiance ou si nous ne
l'avons pas.
Je dois dire que sur aucun banc, ni à
droite, ni à gauche, on n'a eu envie ni
d'applaudir, ni de murmurer.
Une énorme sensation du néant.
Par 351 voix contre 166, l'ordre du
jour suivant a été volé :
« La Chambre, approuvant les déclara-
tions du gouvernement, l'invite à faire
respecter les dispositions du Code pénal
qui interdisent aux membres du clergé
de critiquer dans l'exercice de leur mi-
nistère, les actes et les lois du gouverne-
ment de la République ».
C'est un Renouvellement d'ordre du
jour, qui revient à échéances périodi-
ques comme un billet toujours impayé.
Edouard Durranc.
DERNIÈRE HEURE
La ganté de Guillaume II
Berlin, 26 mare.
Guillaume II n'a pas quitté définitivement
Hubertusstock- IL est rentré ce soir à Berlin
pour assister au dîner offertj)ar l'ambassa-
deur d'Autriche. C'est un effort qu'il a fait
pour couper court aux bruits alarmants qui
circulent sur sa santé.
(Correspondance rime.)
Le cabinet prussien
Berlin, 26 mars.
On pense dans les cercles parlementaires
que ie cabinet prussien fera des déclara-
tions dans la séance de lundi de la Chambre
des députés.
On croit que l'attitude politique observée
jusqu'à présent par le nouveau ministre de
l'instruction publique et des cultes permet
de supposer que le gouvernement maintien»
dra son programme en ce qui concerne le
caractère confessionnel des écoles, mais
qu'il déclarera n'attacher aucune impor-
tance à la continuation de la discussion du
projet de loi scolaire dont la Chambre est
actuellement saisie.
LA
JOURNÉE
AU PALAIS BOURBON
DANS LES COULOIRS
C'était la journée des jésuites : jésuites
français, jésuites étrangers, on n'a parlé
que d'eux-On a appris avec stupéfaction
que cette célèbre congrégation, que l'on
croyait dissoute, existe encore, et que ies
église de Paris retentissent de ses impréca-
tions, et contre la Révolution et contre l'ar-
mée.
Sans compter gue M. d'Hulst a saisi cette
occasion pour faire ses débuts à la tribune
et que son extérieur, comme sa parole, réa-
lise assez bien l'idée qu'on se fait en géné-
ral d'un membre de la Société de Loyola.
M. d'Huslt a joué au gouvernement le
mauvais tour do lui démontrer que la poli-
tique de conciliation est une duperie pour
le parti républicain. M. Loubet a été telle-
ment stupéfié de cette petite trahison, qu'il
en a fait des déclarations presque fermes.
On se félicitait dans les couloirs de l'in-
tervention de M. d'Hulst. C'est h lui, on
effet, que l'on doit de voir la question reli-
gieuse remise sur son véritable terrain. Si,
disait-on, après la séance d'hier, le gouver-
nement incline encore vers la politique de
conciliation, c'est qu'il a décidément pour
le suicide un goût invétéré»
DANS LES COMMISSIONS
Contre les dynamiteurs
La commission qui était chargée d'examiner
les modifications h apporter à l'article 435 du
Gode pénal a terminé ses travaux.
Le rapport a été déposé en séance ; on a in-
troduit une nouvelle disposition a la rédaction
primitivement adoptée par la commission, en '
vertu de laquelle le dépôt de matières explosi-
bles sur îes voies publiques sera puni de ta mô-
me peine que le meurtre avec préméditation.
Les syndicats professionnels
Après avoir entendu hier matin MM. Dupuy
Dutemps et Laroche-Joubert auteurs d'amen-
dements, la commission chargée d'examiner les :
atteintes portées au fonctionnement des syndi-
cats professionnels a procédé à une discussion
générale qui n'a pu aboutir à une entente sur
aucun texte.
Par cinq voix contre deux, la commission a
seulement repoussé une motion tendant à repré-
senter devant la Chambre l'ancien texte*
Dans l'impossibilité de se mettre d'accord, une
sous-commission composée Bouvier-La-
pierre, Montand Lagrange ci Doumer a été
chargée d'arrêter une formule définitive qui
sera soumise lundi & la commission.
La convention franco-hellénique
La commission des douanes a voté hier, sur
le rapport de M. Félix Faure, le projet de con-
vention conclue entre la France et la Grèce et
qui a pour but d'accorder à cette dernière puis-
sance le traitement de la nation la plus favo-
risée pour des clauses autres que les tarifs
douaniers.
U DISCOURS BEI. LIEBKNECHT
Au cours de la discussion du budget qui
a eu lieu, hier, au Reichstag, M. Liebknecht
a prononcé un important discours.
Le militarisme
Parlant des mauvais traitements dans
l'armée allemande, M. Liebknecht a déclaré
que le militarisme amènera la perte de
1 Allemagne. Il a ajouté qu'il est partisan du
système dos milices.
« On prétend, a-t-il dit, que l'esprit mili-
taire devra en souffrir. Qu'est-ce donc que
l'on entend par l'expression : esprit, mili-
taire 1 C'est la disposition d'esprit en vertu
de laquelle on est prêt à tirer au comman- i
dement sur des pères, sur des frères. L'ha- ;
bileté dans l'art du tir, qui constitue à
l'heure actuelle le principal facteur en
temps de guerre, n'est pas le résultat du
service dans l'armée permanente. Il vau-
drait mieux arriver à une armée de milices.»
La question d'Alsace-Lorraine
M. Liebknecht a dit que l'annexion de
l'Alsace et do la Lorraine fut non seulement
un crime, mais une faute politique. La
question doit être résolue pacifiquement.
Les Alsaciens et les Lorrains ont le droit
imprescriptible de fixer leurs destinées.
Lorsqu'on France et en Allemagne existe-
ront des gouvernements éclairés, ils s'en-
tendront pour organiser un plébiscite qui
permettra aux Alsaciens et aux Lorrains de
se prononcer en toute liberté.
La guerre de 1870
Les socialistes, qui ont voté contre l'em-
prunt de guerre, a ajouté l'orateur, n'au-
raient commis un acte de haute trahison,
que si l'Allemagne avait été attaquée sans
qu'il y eût eu la moindre faute de sa part.
Tel n'a pas été le cas. Sans Bismarck et Na-
poléon, la guerre n'aurait pas eu lieu.
Les socialistes
On dit que les prolétaires ne savent pas
ce qu'ils veulent, a continué M. Liebknecht
Le savent-ils, ceux qui sont partisans de
l'état social actuel ? Toujours est-il que les
socialistes ont démontré qu'ils procèdent
d'après un plan.
« Le chancelier a déclaré un jour qu'il
examinait tous les projets de loi en ce qui
concerne leur efficacité à l'égard de la dé-
mocratie sociale. C'est là un témoignage
qui fait honneur à la démocratie sociale,
puisqu'il démontre que c'est elle qui déter-
mine l'action du gouvernement. Mais les
socialistes ont de meilleures armes que le
gouvernement. »
M. Liebknecht a assuré que les socialistes
ne songent pas aux moyens violents.
Ils ne feront pas à la réaction le plaisir
de lui fournir une occasion de fusillades
LE PAPE ET LE TSAR
Le tsar vient, pour la première fois, de
se mettre d'accord avec le pape pour la no-
mination d'un archevêque. M. Simon Koz-
lowski le nouvel archevêque, qui aura sous
sa direction toutes les églises catholiques
du sud-ouest de ]a Russie, recevra la con-
sécration aujourd'hui dans l'église métro-
politaine de Mohileff Plusieurs évêques et
un nombreux clergé catholique prendront
part à cette cérémonie,
STATISTIQUES
ET STATISTICIENS
Je reçois d'un haut fonctionnaire des
Ponts et Chaussées â que je nommerai,
s'il le désire â une réponse tardive à un
article paru dans la Justice, sous Je titre :
« Tout le long des routes. »
Dans cet article j'ai eu, paraît-il, le tort
do railler ce "demi-million do petits trous
quit successivement, à trois reprises diffé-
rentes, et d'un bout de la France à l'autre,
ont été creusés dans la croûte empierrée
de nos routes nationales.
Le haut fonctionnaire en question s'ef-
force de m'expliquer à. quoi servent tous
ces petits trous. «Ils nous ont démontré,
dit-il, qu'il manque plus d'un million par
an au crédit d'entretien des routes natio-
nales, ou, si vous l'aimez mieux, qu'il se
fait chaque année, en ce moment, un em-
prunt de plus d'un million au capital des
chaussées de ces routes, »
Celà m'aurait beaucoup étonné â je le re-
connais tout de suite â si une statistique
entreprise par les Ponts et Chaussées n'a-
vait pas eu pour résultat principal de dé-
montrer que cette administration n'a pas à
sa disposition un nombre suffisant de mil-
lions.
Mais à quoi bon revenir sur cette statis-
tique, sur les procédés employés dans la
recherche des éléments qui la composent,
sur les frais qu'elle occasionne, sur la foi
qu'il convient d'ajouter à ses enseigne-
ments. Nous avons déjà dit ce que nous en
pensions. Supposons-la, au contraire, pour
un instant, établie d'une façon irréprocha-
ble. File est parfaite. C'est entendu. Du
moins, en est-il fait usage?
Notre honorable contradicteur nous per- I
mettra de' lui poser, sur ce point, un cer-
tain nombre de questions.
M- Folliet dans un rapporL récent sur le
budget des travaux publics, explique tout
au long le mode de répartition du crédit
annuellement affecté à l'entretien des routes
nationales. Nous avons suivi avec le plus
grand soin toutes les combinaisons de chif-
fres qui y sont indiquées.
Grâce à de nombreuses statistiques â y
compris celle du demi-millon de petits
trous â l'administration croit avoir déter-
miné quelle est la somme nécessaire dans
chaqub département pour réparée l'usure
faite aux chaussées par le roulage. Cette
somme, c'est le « budget normal « des rou-
tes d'un département, Cela se conçoit. â Ce
qui se comprend moins, c'est comment il
se fait que certains départements reçoivent
un crédit supérieur à leur « budget normal »
c'est-à-dire, à leurs besoins, alors que d'au-
tres reçoivent moins.
Je constate, par exemple, que le Loiret
n'a besoin que de 233,000 francs. On lui
donne cependant 265,700 francs, soit 32,700
francs de trop. Pourquoi ?
On accorde aux routes nationales des
Pyrénées-Orientales 333,500 francs, alors
qu'elles ont besoin de 318,100 francs seule-
ment. Pourquoi ?
Le plus curieux, c'est que ces deux dé-
partements auxquels on accorde ainsi, de-
puis plusieurs années, beaucoup plus d'ar-
gent qu'il ne leur en faudrait,... d'après les
statistiques , reçoivent â en dehors des
crédits d'entretien qui, nous le répétons,
seraient trop élevés â des sommes impor-
tantes sur les fonds dits de « grosses répa-
rations» pour « reconstitution des chaus-
sées. »
MM. les ingénieurs, s'appuyant sur leurs
statistiques, admettent qu'une roule est en
parfait état quand la croûte empierrée a
une épaisseur moyenne de o m-15. Or, dans
le Loiret â d'après les petits trous â cette
croûte empierrée a une épaisseur moyenne
de 0 m. 18. Les chaussées de ce départe-
ment sont donc plus que parfaites. Et
comme il leur est alloué 32,700 fr. de plus
qu'il ne faudrait, il est à supposer que l'é-
paisseur des chaussées ne fait que croître
et embellir, à moins que l'on ne gaspille
l'argent.
Et, cependant, nous venons de lire dans
le Journal officiel du 21 février 1892, à pro-
pos du Loiret, l'annonce d'une adjudication
s'élevant à 22,000 francs â somme imputa-
ble sur des fonds spéciaux autres que les
265,700 francs de l'entretien â et cela pour
la reconstitution des chaussées.
Aussi disons-nous à notre honorable con-
tradicteur : Si vos statistiques sont exactes,
pourquoi n'en tirez-vous pas profit ? Pour-
quoi, quand elles vous ont démontré que
les chaussées d'un département sont en
excellent état, employez-vous encore des
sommes importantes à « reconstituer » ces |
grandes routes ?
Nous sollicitons une réponse.
En attendant, peut-être pourrions'nous
fournir un commencement d'explication. Si
l'Administration des Ponts et Chaussées
s'empresse de ne pas tenir compte de ses
propres statistiques,, quand ces statistiques
font apparaître, sur tel ou tel point du ter-
ritoire, une surabondance de crédits, c'est
que, pour rien au monde, elle n'entend
faillir à sa tradition, et que sa tradition
consiste, tout simplement, à ne jamais
rendre l'argent.
J'ai habité naguère un département dans
lequel les grandes routes offraient des as-
pects bien différents. Dans la plaine cet as
pect n'était précisément pas réjouissant
Dans la partie montagneuse, au contraire,
les routes ressemblaient à un miroir, parce
que le sous-sol était excellent, que la pente
était favorable et que les bons matériaux
étaient en abondance. Eh bien ! au lieu de
distraire, ea faveur des routes de la plaine,
une partie des crédits inutilement dé-
pensés , en gazonnements, par exem-
ple , clans la partie montagneuse , tous
les efforts de l'Administration tendaient
à éviter cette répartition plus logique de la
somme globale affectée à l'entretien des
roules du département. On sollicitait bien
des crédits nouveaux pour la plaine. Mais
quant à rogner le contingent de l'ingénieur
chargé de la parlie montagneuse, on n'y
songeait même pas... Le jour où l'Adminis-
tration des Ponts et Chaussées voudra bien
opérer cette péréquation de crédits que
nous demandons, elle ne pourra plus pré-
tendre qu'il lui manque encore un million.
Mais iî y a quelque chose de beaucoup plus
simple encore à tenter. Que les ingénieurs
des Ponts et Chaussées renoncent donc
enfin, de leur propre gré, à entretenir les
routes nationales ! Et peut-être, avec des
ressources moindres, de modestes agents
voyers se chargeront-ils de leur prouver
qu'il est possible de caillouter une route
partout où cela est nécessaire, sans creuser
dans la chaussée un demi-million de petits
trous.
P. D.
CHRONIQUE
ÉPILOGUE
Jamais le fa panta malaiotés de l'Ecclé-
siastique n'a éclaté aussi éloquemment
qu'en ce post-scriptum funèbre de l'encan
de la rue Montoyer. Tous ces souvenirs dis-
putés aux quatre vents des enchères ra-
content îes étapes de la fugitive odyssée, si
près et déjà tant loin dé nous. De l'histoire
flotte aux plis des étoiles et dans les recoins
des meubles, des dates qui seront sommai-
rement inscrites dans les manuels sont évo-
quées par des bibelots d'étagère, par ce
bronze ou cette terre-cuite donnés à l'occa-
sion des triomphes évanouis. Cette coupe a
été Offerte par la Ligue des Patriotes, le
soir du banquet Lemardelay ; ce portrait de
Debat-Ponsan rappelle la fameuse revue de
1886.
Et l'oubli s'est déjà, fait si profond autour
de l'épopée boulangiste, que les derniers
fidèles en sont réduits à s'extasier parce
que telle vacation a dépassé de quelques
billets de mille l'estimation des experts,
parce que tel objet a été adjugé au delà de
sà valeur marchande? La médaille de dé-
puté, qui vaut quinze francs, a fait dix ;
louis ; un marchand de journaux a payé'
cent cinq francs le porte-cigare du général, .
et des bouquets d'oeillets rouges artificiels,
qui valaient bien trois sous âc'est le fidèle
Chincholle qui enregistre ce succès â ont
été payés de deux à quatre francs.
Mais là-bas comme ici, les enchères sont
capricieuses et déconcertantes. La chaîne
de montre du suicidé tragique du cimetière
d'Ixelles est mal vendue, ainsi que le por-
trait auquel il est fait allusion plus haut,
comme aussi un buste sculpté par Croisy.
Et il ne semble pas que les fidèles aient
fait tous les efforts nécessaires pour pré-
server de la dispersion banale Ses objets
qui constituaient des souvenirs personnels
du général, car ses boutons de manchettes,
« en or et brillants, » ont été adjugés
pour trente-cinq francs à une chanteuse de
café-concert.
Même l'insulaire qui pousse à des altitu-
des fantastiques l'enchère des objets de toi-
lette ayant appartenu à des personnages
historiques, qui dispute à coups de livres
sterling la brosse à dent ou le pince-nez
d'un grad homme, n'a pas été signalé, et il
n'y avait pas de représentant du musée
Tussaud Seule, la Belgique a fait concur-
rence aux membres de l'ancien Comité na-
tional et aux amis personnels, a rois quel-
ques modestes surenchères qui ne sentaient
pas leur nabab. L'homme dont l'étoile a filé
£i vite à l'horizon de la popularité, est en-
tré dans le domaine de l'histoire, mais il
semble qu'il ne oompte déjà plus pour l'in-
différente postérité.
Ce bric-à brac lamentable d'hôtel des
ventes, ces vacations dont la mise en scène
n'accroche que pour un instant la curiosité
de là foule, cette attraction banale suscitée
à renfort d'affiches et d'annonces, et qui
n'obtient ni plus ni moins de succès que la
vente après décès d'une Marguerite Gautier,
sont pleins d'une philosophie qui n'a pas
besoin d'être soulignée. Il semble que la
triomphale ovation de la gare de Lyon, que
la soirée du 27 janvier ne nous apparaissent
plus que dans une lointaine et vague recu-
lée, comme si ces choses avaient eu lieu
dans un autre siècle :
Et ceci se passait dans des temps très anciens.
Il a suffi d'un peu moins de trois années
pour que l'apothéose s'évanouit comme un
décor de féerie, et que le souvenir même
de la prodigieuse folio fût balayé des mé-
moires. il semble que l'engouement furieux
des foules, qjie cette incroyable abdication
de la moitié d'une nation au profit d'un
homme qui l'avait conquise avec des re-
frains de café-concert et la silhouette d'un
cheval, ne soient plus qu'un mauvais rêve.
Le spectacle des défections qui suivirent la
défaiLe,-le défilé des trahisons après la dé-
bâcle n'ont rien qui puisse surprendre ceux
qui connaissent l'humanité. Mais l'indiffé-
rence suprême des masses naguère conqui-
ses jusqu'à l'affolement, cette énorme tom-
bée d'oubli autour de la mémoire de l'hom-
me dont le nom sonnait en refrains dans
toutes les bouches, sont peut-être plus
inattendues. Elles sont en tous cas la meil-
leure leçon des ambitieux qui voudraient
recommencer le rêve disparu.
Je n'ignore pas cependant que l'échec re
tentissant du protégé des princes ne décou-
ragera pas ceux qui aspireraient à prendre
sa succession. Si son nom n'est déjà plus à
cette heure qu'une remembrance lointaine,
ils estimeront sans doute que c'est parce
qu'il n'a pas réussi. Le succès n'a pas seu-
lement pour effet de tout justifier, ii en-
traîne à sa suite l'adhésion universelle, il
détermine l'unanimité des concours. Il suf-
fit de triompher pour conquérir îes accla-
mations populaires, pour avoir raison des
résisiances de la première heure.
Il y a sans doute du vrai dans cette élas-
tique morale du succès, mais on oublie que
la difficulté consiste précisément à réussir
Si la France, après s'être ressaisie, a si rapi-
dement oublié l'idole, c'est qu'elle ressentait
quelque honte de son engouement inexplir
qué, et qu'elle avait appris à juger l'homme
auquel elle avait voulu d'abord tout livrer.
On ne recommence pas tous les jours ce
genre de folie, et l'épilogue de l'aventure,
la fuite du héros, là complicité des royalis-
tes démasquée, les trahisons qui s'accumu-
laient, toute la répugnante comédie des
coulisses dévoilée, ont écoeuré les plus
fidèles, fait tomber les écailles des yeux aux
plus ardents. On ne guérit peut-être pas les
peuples de l'amour du panache, ou selon
le mot d'Anarcharsis Cloots des individus.
Mais on peut en préserver une génération,
et je crois qu'il n'y a plus rien à craindre
pour celle ci.
Léon Millot
Voici le texte in extenso du discours que
M. S. Pichon a prononcé hier, à la Chambre.
M» Pichon. â Messieurs, les faits sur
lesquels je désire m'exliquer devant la
Chambre sont de la même nature que ceux
qui se sont passés à Saint-Merri quoiqu'ils
se soient produits dans une autre église
Je les ai signalés à M. le ministre des cul-
tes; il est de mon avis sur leur nature et
j'en aurais très volontiers ajourné Sa disous-
sion, si les questions qui ont été posées au-
jourd'hui au gouvernement n'avaient brus-
quement changé de caractère, et si elles
n'avaient été transformées en interpellation.
J'estime qu'il est inutile de provoquer de
parti-pris et à bref délai un nouveau débat
sur les affaires religieuse», et c'est le motif
de mon intervention aujourd'hui.
Les prédications du carême à Paris sont
faites, en général, comme vous avez pu
vous en apercevoir, par des membres de
congrégations religieuses non autorisées,
dispersées, dissoutes, à l'existence desquel-
les le respect que j'ai pour le gouvernement
et pour la loi m'interdirait de croire si elle
ne m'était révélée chaque jour par les faits
les plus probants. (Très bien! très bien! et
rires à gauche).
Parmi le3 prédicateurs de l'église Sainte
Clotilde se trouve un Jésuite accrédité pour
cet office par M. l'archevêque de Paris, ainsi
qu'il résulte d'un numéro de la Semaine re-
ligieuse du 27 février 1892. Il lui serait d'ail-
leurs impossible do prêcher dans une église
de Paris, comme le disait tout à l'heure M.
d'Hulst, s'il n'avait reçu pour cet objet l'in-
vestiture de M. l'archevêque Richard. Ce
Jésuite est le père Forbes ; il est de nationa-
liLé anglaise.
M. JULES Delahaye C'est inexact,
M. Pichon. â G est parfaitement exact.
Je vais vous le prouver immédiatement. Il
a été admis à domicile... Et encore je ne
suis pas très Sûr que ce soit lui, car il a,
parait-il, un frère et les prénom!: inscrits
au décret qu'il invoque comme s'appliquant
à lui ne concordent pas avec les siens. Mais,
peu importe 1 Je prends l'hypothèse qui
lui est la plus favorable et je dis : Il a été
admis à domicile, par un décret impérial du
7 mars 1868, qui autorise un certain nombre
do personnes « à établir leur domicile en
France, pour y jouir des droits civils, tant
qu'elles continueront à y résider ».
Il ne jouit donc pas de ses droits politi-
ques ; il est parfaitement sujet étranger.
J'ai ici le programme de ses conférences*
C'est une sorte d'encyclopédie se rapportant
à la question sociale, touchant à tout, je
pourrais dire : c'est l'enseignement du ca-
tholicisme. Et je ne m'en plains pas, car je
suis sur ce point absolument du même avis
que M. d'Hulst. Il est impossible, selon moi,
que l'Eglise se livrant à la propagande de
ses doctrines se confine dans l'enseignement
pur et simple du Décalogue et des Evan-
giles; il est inévitable quelle touche aux
questions sociales, qu'elle attaque les insti-
tutions établies par nous. Seulement ce qui
m'étonne, c'est qu'elle soit payée par nous
pour faire ce métier. ((Applaudisssments à
gauche. I
M. Mi lier and. â C'est toute la ques-
tion.
M. Pichon.âJ'ai donc ici le programme
des conférences que le Père Forbes doit
faire tous les vendredis de Carême, à huit
heures et demie du soir, en l'église parois-
siale de Sainte-Clotilde. Elles ont Irait à la
question sociale, à ses causes, au socia-
lisme d'Etat, à l'action de l'Eglise, au ma-
riage civil, au foyer des travailleurs, etc.
La première est du vendredi fi mars. Et
il faut que je dise tout de suite que le
R. P. Forbes est encore probablement un
peu moins républicain que M. d'Hulst, en
ce sens que lui ne distinguerait pas, je
crois, entre la République et la Révolution,
mais les comprendrait l'une et l'autre dans
le même anathème.
Il parle volontiers de tout ce qu'on voit
« dans ce beau pays de France », qui n'est
pas le sien, et dans lequel il prêche, dans
ce beau pays de France, « aujourd'hui livré
à ces charlatans qui promettent tout pour
arriver et ne tiennent rien. »
A droite. â C'est absolument bien.
M. Pichon. â Je ne me plains nulle-
ment de l'approbation que vous donnez à
ces paroles ; je dirai même qu'elle me fait
plaisir. Ce que j'apporte à la tribune n'est
pas du tout pour vous contrarier : je vais
établir un certain nombre de faits dont noue
déduirons plus tard les conséquences.
M. le Provost de Launay.- M. Yves
Guyot a dit cela aussi,
M. Pichon.â U ne s'agit pas de M. Yves
Guyot, mon cher collègue. Vous avez, peut-
être, plus souvent que moi, voté avec lui.
{Rires à g huche.)
Enumérant les causes de la crise sociale,
le vendredi ii mars, le Père Forbes signale
les transformations dans l'industrie, la va-
peur, l'électricité chemins de fer, «celle
ignominie qui consiste à accorder dans
l'Université d'innombrables bourses pour
faire des déclassés », les institutrices qui
pullulent sur le pavé de Paris, la dépopula-
tion des campagnes et enfin la corruption
de l'armée; et c'est sur ce point que j'ap-
pelle toute votre attention.
« Les familles, dit-il, donnent à cette ar-
mée des jeunes gens purs et sains de corps,
Elle leur rend des hommes pourris jus-
qu'aux moelles, atteints de maladies hon-
teuses et de vices dégradants. » ( Vives pro-
testations A l'extrême gauche, à gauche el au
centre.} :
HI. Terrier. â Çà, c'est un anarchiste 1
Plusieurs membres. â C'est odieux!
M. Le Provost de Launay. Per-
sonne ne saurait approuver cela si c'a été
dit I
M. Pichon. â j'en suis parfaitement
sûr.
Sur plusieurs bancs. â Relisez ! relisez !
M. Pichon. â Je relis, puisqu'on m'y
i invite : « Les familles donnent à l'armée
Un Numéro : 10 Parts et Départements
Dimanche 27 Mars 1892
Directeur Politique i
S. CLEMENCEAU
ABONNEMENTS
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1 Stï H01B» M *
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feerftalra de Ift Rédaction,, M, A. CTIÉVAMT
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H ta Sort ta do. Journal, 10, Faubourg Montnurtrt
LA JUSTICE
Rédacteur en Chef:
CAMILLE PELLETAN
ABONNEMENTS
f Trois mois t$ tr.
Btiim .... j six mois M*
( UN an M»
Urwer les p»*n«t»t« à rAdmiuiitrabaiir
M. E. TRÉBUTICN
18, ni do Ftaboarg-Moatm^ro», tfc
LACHAMBRE
Nous avons eu hier un débat comme
on en aura souvent, tant â I no. parvenus
aux constatations extrêmes du conflit
qui existe entre l'Eglise et l'Etat, on re-
culera devant la résolution à prendre.
On échange de véhémentes apostrophes,
chacun parle dé ses droits propres et des
devoirs mutuels, et le lendemain on s'a-
perçoit que la vie commune n'a pas été
reprise.
Voici maintenant que les prédicateurs
de Carême, pour varier la forme du con-
flit, se sont mis à élargir le cadre de leurs
conférences, et ont transformé les Egli-
ses que l'Etat met à leur disposition en
salles de réunion publique, où les insti-
tutions de la République, ses lois, son
gouvernement sont encore plus maltrai-
tés que le mobilier, soumis, lui aussi, i
quelques rudes épreuves.
C'est ce qui est arrivé l'autre soir à
l'Eglise Saint-Merri, où le Père Le Moi-
gne avait, par voie d'affiches et do pros-
pectus, donné rendez-vous aux diverses
écoles socialistes, et à M. Frédéric Passy
lui-même! M. Frédéric Passy, occupé de
protéger la vertu et l'innocence des
rues, n'était pas au rendez-vous. Mais il
y avait des républicains, des socialistes,
et il s'en est suivi une assez forte ba-
garre, qui s'explique par la provocation
elle-même.
M. Chassaing qui pourrait dire : « j'y
étais, telle chose m'advint », nous a ra-
conté toutes les péripéties de cette soirée
tumultueuse ; et le Père Le Moigne, qui
est plaignant, paraît-il, aurait voulu
faire ses sermons entre deux sergents
de ville comme assesseurs.
Mais ce n'est pas là qu'était l'intérêt
de cette interpellation. 11 n'était même
pas dans le discours du premier inter-
pellateur M. Delahaye â un boulangiste
de Droite, celui-là même qui présida le
fameux discours do Tours â et qui est
venu apporter à la tribune toute une
série de menaces et de défis apprêtés,
violenls, annonçant de prochaines luttes
à main-plate si on ne laisse pas les pré-
dicateurs outrager tout à leur aise le
gouvernement, la République, la Révo-
lution et tout ce qu'il leur plaira d'outra-
ger.Ce sont-là des provocations à l'initia-
tive privée ; nous verrons ce qui en ré-
sultera.
Un attrait assez piquant de cette séan-
ce, ç'a-été le début à la tribune du suc-
cesseur de M. Freppel, l'abbé d'Hulst,
qui avait demandé la parole au moment
où M. Chassaing disait que la prédication
en chaire devait se borner aux sujets
touchant le dogme et la morale reli-
gieuse. Quel sera l'avenir oratoire de M.
d'Hulst dans les Chambres '1 C'est ce
qu'il est difficile de dire après cette pre-
mière épreuve qui ne lui a point été ren-
due facile. L'homme est intempérant, ir-
ritable, ergoteur. Les moindres inter-
ruptions, il les poursuit, veut les réduire,
et se laisse entraîner par elles loin de
son sujet. Son discours d'hier ressemble
un peu au jeu des propos interrompus.
Ce qui est certain, c'est que M. d'Hulst â
que la droite a d'ailleurs faiblement sou-
tenu â apporte à la Chambre et dans sa
totalité la doctrine intransigeante de
l'Eglise. Il veut bien consentir à saluer
la forme républicaine de gouvernement,
puisque c'est en ce moment la politique
formulée par l'Encyclique. Mais aussitôt
après il démontre avec une impitoyable
netteté, combien ce salut adressé à la
République est illusoire.
M. Paul de Cassagniac lui a fort bien
dit qu'il venait d'établir avec éloquences
quel point le catholicisme et les idées de
la Révolution sont incompatibles.
M-d'Hulst a beau s'en défendre, c'est
ce qu'il y a au fond de son discours. Et
il a d'ailleurs parfaitement raison. Re-
présentant d'une religion qui depuis
dix-huit siècles prélend posséder la vé-
rité, il a raison de dire que cette religion
ne fera aucune concession, ne s'inclinera
pas. Et comme elle embrasse tout ce qui
est humain, elle entend bien faire porter
son enseignement sur toute chose, ac-
ceptant ce qui est conforme à sa doc-
trine, rejetant ce qui lui parait être l'er-
reur. C'est très entier, très absolu, ce
langage là. Il n'y manque qu'une chose
pour qu'il soit digne de respect au même
titre que les autres systèmes philoso-
phiques : c'est le renoncement aux pri-
vilèges d'Etat. Il faut rendre l'argent. Je
suis étonné qu'un homme « de haute
naissance » comme on dit dans les opé-
ras comiques, qu'un homme « de haute
naissance » comme affecte de paraître
M- d'Hulst, ne comprenne pas tout de
suite ce qu'il y a de fâcheux et d'un peu
avilissant dans cette situation d'une
Eglise qui se fait nourrir et qui veut
garder son indépendance.
Il croit se rattraper en nous racontant
qu'il a souvent échappé au martyre. Oh 1
Monsignor! personne n'en veut à vos
jours, je vous assure, ces choses-là ne
se disent pas devant une Chambre. En
attendant paisiblement le martyre qui
ne viendra jamais, il vaudrait peut-être
mieux nous parler de l'argent et du
reste. Une fois le renoncement fait, vous
verriez quelle singulière force aurait
votre argumentation. Ello serait irréfu-
table, comme celle de toutes les doc-
trines qui ne demandent rien à l'Etat et
réclament leur part de champ et de so-
leil. Jusque-là, je pense que vous voulez
vous amuser quand vous nous dites que
la République n'a qu'à faire des lois con-
formes à la doctrine de l'Eglise, si elle
veut les voir acceptées par elle. Cette
pensée de Calino vous a valu un beau
succès à gauche. Quand la société civile
aura renoncé à faire des lois, l'Eglise
aura l'extrême bonté de ne plus la com-
battre.
L'intervention de notre ami Pichon a
fouetté un peu ce débat qui devenait en-
nuyeux. Pichon a apporte à la tribune
un fait véritablement monstrueux. C'est
l'histoire d'un prédicteur de Carême qui
monte en chaire à l'Eglise Sainte-Clo-
thilde, et vomit d'intolérables outrages
sur l'armée française. On va aux rensei-
gnements, et on découvre que ce prédi-
cateur est â naturellement â un étran-
ger. Il l'est même doublement ; d'abord
parce qu'il est sujet anglais, et ensuite
parce qu'il appartient à une congréga-
tion non reconnue par l'Etat : il est de la
Compagnie de Jésus. C'est le Père
Forbes.
11 n'y a eu qu'un cri d'indignation à la
lecture que Pichon a faite de deux let-
tres, une émanant d'un capitaine de
zouaves et adressée au Père Forbes pour
lui marquer sa douloureuse surprise
après la conférence de Sainte-Clotilde, et
l'autre, la réponse du Père Forbes, aggra-
vant encore ce qu'il avait dit en chaire,
et déclarant que l'armée française est
« pourrie » de vices, de moeurs abjec-
tes, de maladies honteuses...
Et ces choses-là se disent en chaire,
sous le patronnage de l'archevêque de
Paris, dans des Eglises entretenues par
l'Etat. C'est à n'y pas croire. Va-t-on en
finir? a demandé Pichon qui, dans une
péroraison toute vibrante, a touché les
sentiments les plus profonds, les plus
patriotiques de la majorité républicaine,
et qui est descendu de la tribune au
milieu des plus vive» acclamations.
En finir ! Ce n'est pas pour aujour-
d'hui. â¢â¢ â't
J'ai réservé pour la fin les deux dis-
cours de M. le Président du Conseil, l'un
en réponse à M. d'Hulst, l'autre en ré-
ponse à Pichon Je les ai réservés pour la
fin, et je puis les confondre sans incon-
vénient. Ce sont deux manifestations du
néant.
M. Loubet a fait connaître à la Cham-
bre « ois en était l'affaire ». Le Jésuite
anglais? expulsé. L'affaire Saint-Merri?
Elle suit son cours; il y a une plainte dé-
posée. C'est tout ce qu'il y a de plus pré-
cis, comme vous voyez. Et ensuite un
pauvre appel aux bonnes volontés de
tous, avec des mouvements de main
comme il y en a aux procès en concilia-
tion. Voyons... cependant... il faudrait
s'entendre... Tout cela ne fait de bien à
personne... Que les curés restent chez
eux, on les laissera tranquilles....
Le langage de M. le président du con-
seil n'a pas dépassé ce ton de justice de
paix.
Jo me trompe. Nous avons retrouvé à
la fin les vieilles menaces qui ont servi
à tous les ministères. Ah ! par exemple,
si on persiste, si on met le feu aux
Eglises, nous serons bien 'obligés de les
fermer. Et nous n'hésiterons pas. Et
puis pourquoi discuter? La question est
bien simple. 51 faut nous dire si nous
avons votre confiance ou si nous ne
l'avons pas.
Je dois dire que sur aucun banc, ni à
droite, ni à gauche, on n'a eu envie ni
d'applaudir, ni de murmurer.
Une énorme sensation du néant.
Par 351 voix contre 166, l'ordre du
jour suivant a été volé :
« La Chambre, approuvant les déclara-
tions du gouvernement, l'invite à faire
respecter les dispositions du Code pénal
qui interdisent aux membres du clergé
de critiquer dans l'exercice de leur mi-
nistère, les actes et les lois du gouverne-
ment de la République ».
C'est un Renouvellement d'ordre du
jour, qui revient à échéances périodi-
ques comme un billet toujours impayé.
Edouard Durranc.
DERNIÈRE HEURE
La ganté de Guillaume II
Berlin, 26 mare.
Guillaume II n'a pas quitté définitivement
Hubertusstock- IL est rentré ce soir à Berlin
pour assister au dîner offertj)ar l'ambassa-
deur d'Autriche. C'est un effort qu'il a fait
pour couper court aux bruits alarmants qui
circulent sur sa santé.
(Correspondance rime.)
Le cabinet prussien
Berlin, 26 mars.
On pense dans les cercles parlementaires
que ie cabinet prussien fera des déclara-
tions dans la séance de lundi de la Chambre
des députés.
On croit que l'attitude politique observée
jusqu'à présent par le nouveau ministre de
l'instruction publique et des cultes permet
de supposer que le gouvernement maintien»
dra son programme en ce qui concerne le
caractère confessionnel des écoles, mais
qu'il déclarera n'attacher aucune impor-
tance à la continuation de la discussion du
projet de loi scolaire dont la Chambre est
actuellement saisie.
LA
JOURNÉE
AU PALAIS BOURBON
DANS LES COULOIRS
C'était la journée des jésuites : jésuites
français, jésuites étrangers, on n'a parlé
que d'eux-On a appris avec stupéfaction
que cette célèbre congrégation, que l'on
croyait dissoute, existe encore, et que ies
église de Paris retentissent de ses impréca-
tions, et contre la Révolution et contre l'ar-
mée.
Sans compter gue M. d'Hulst a saisi cette
occasion pour faire ses débuts à la tribune
et que son extérieur, comme sa parole, réa-
lise assez bien l'idée qu'on se fait en géné-
ral d'un membre de la Société de Loyola.
M. d'Huslt a joué au gouvernement le
mauvais tour do lui démontrer que la poli-
tique de conciliation est une duperie pour
le parti républicain. M. Loubet a été telle-
ment stupéfié de cette petite trahison, qu'il
en a fait des déclarations presque fermes.
On se félicitait dans les couloirs de l'in-
tervention de M. d'Hulst. C'est h lui, on
effet, que l'on doit de voir la question reli-
gieuse remise sur son véritable terrain. Si,
disait-on, après la séance d'hier, le gouver-
nement incline encore vers la politique de
conciliation, c'est qu'il a décidément pour
le suicide un goût invétéré»
DANS LES COMMISSIONS
Contre les dynamiteurs
La commission qui était chargée d'examiner
les modifications h apporter à l'article 435 du
Gode pénal a terminé ses travaux.
Le rapport a été déposé en séance ; on a in-
troduit une nouvelle disposition a la rédaction
primitivement adoptée par la commission, en '
vertu de laquelle le dépôt de matières explosi-
bles sur îes voies publiques sera puni de ta mô-
me peine que le meurtre avec préméditation.
Les syndicats professionnels
Après avoir entendu hier matin MM. Dupuy
Dutemps et Laroche-Joubert auteurs d'amen-
dements, la commission chargée d'examiner les :
atteintes portées au fonctionnement des syndi-
cats professionnels a procédé à une discussion
générale qui n'a pu aboutir à une entente sur
aucun texte.
Par cinq voix contre deux, la commission a
seulement repoussé une motion tendant à repré-
senter devant la Chambre l'ancien texte*
Dans l'impossibilité de se mettre d'accord, une
sous-commission composée Bouvier-La-
pierre, Montand Lagrange ci Doumer a été
chargée d'arrêter une formule définitive qui
sera soumise lundi & la commission.
La convention franco-hellénique
La commission des douanes a voté hier, sur
le rapport de M. Félix Faure, le projet de con-
vention conclue entre la France et la Grèce et
qui a pour but d'accorder à cette dernière puis-
sance le traitement de la nation la plus favo-
risée pour des clauses autres que les tarifs
douaniers.
U DISCOURS BEI. LIEBKNECHT
Au cours de la discussion du budget qui
a eu lieu, hier, au Reichstag, M. Liebknecht
a prononcé un important discours.
Le militarisme
Parlant des mauvais traitements dans
l'armée allemande, M. Liebknecht a déclaré
que le militarisme amènera la perte de
1 Allemagne. Il a ajouté qu'il est partisan du
système dos milices.
« On prétend, a-t-il dit, que l'esprit mili-
taire devra en souffrir. Qu'est-ce donc que
l'on entend par l'expression : esprit, mili-
taire 1 C'est la disposition d'esprit en vertu
de laquelle on est prêt à tirer au comman- i
dement sur des pères, sur des frères. L'ha- ;
bileté dans l'art du tir, qui constitue à
l'heure actuelle le principal facteur en
temps de guerre, n'est pas le résultat du
service dans l'armée permanente. Il vau-
drait mieux arriver à une armée de milices.»
La question d'Alsace-Lorraine
M. Liebknecht a dit que l'annexion de
l'Alsace et do la Lorraine fut non seulement
un crime, mais une faute politique. La
question doit être résolue pacifiquement.
Les Alsaciens et les Lorrains ont le droit
imprescriptible de fixer leurs destinées.
Lorsqu'on France et en Allemagne existe-
ront des gouvernements éclairés, ils s'en-
tendront pour organiser un plébiscite qui
permettra aux Alsaciens et aux Lorrains de
se prononcer en toute liberté.
La guerre de 1870
Les socialistes, qui ont voté contre l'em-
prunt de guerre, a ajouté l'orateur, n'au-
raient commis un acte de haute trahison,
que si l'Allemagne avait été attaquée sans
qu'il y eût eu la moindre faute de sa part.
Tel n'a pas été le cas. Sans Bismarck et Na-
poléon, la guerre n'aurait pas eu lieu.
Les socialistes
On dit que les prolétaires ne savent pas
ce qu'ils veulent, a continué M. Liebknecht
Le savent-ils, ceux qui sont partisans de
l'état social actuel ? Toujours est-il que les
socialistes ont démontré qu'ils procèdent
d'après un plan.
« Le chancelier a déclaré un jour qu'il
examinait tous les projets de loi en ce qui
concerne leur efficacité à l'égard de la dé-
mocratie sociale. C'est là un témoignage
qui fait honneur à la démocratie sociale,
puisqu'il démontre que c'est elle qui déter-
mine l'action du gouvernement. Mais les
socialistes ont de meilleures armes que le
gouvernement. »
M. Liebknecht a assuré que les socialistes
ne songent pas aux moyens violents.
Ils ne feront pas à la réaction le plaisir
de lui fournir une occasion de fusillades
LE PAPE ET LE TSAR
Le tsar vient, pour la première fois, de
se mettre d'accord avec le pape pour la no-
mination d'un archevêque. M. Simon Koz-
lowski le nouvel archevêque, qui aura sous
sa direction toutes les églises catholiques
du sud-ouest de ]a Russie, recevra la con-
sécration aujourd'hui dans l'église métro-
politaine de Mohileff Plusieurs évêques et
un nombreux clergé catholique prendront
part à cette cérémonie,
STATISTIQUES
ET STATISTICIENS
Je reçois d'un haut fonctionnaire des
Ponts et Chaussées â que je nommerai,
s'il le désire â une réponse tardive à un
article paru dans la Justice, sous Je titre :
« Tout le long des routes. »
Dans cet article j'ai eu, paraît-il, le tort
do railler ce "demi-million do petits trous
quit successivement, à trois reprises diffé-
rentes, et d'un bout de la France à l'autre,
ont été creusés dans la croûte empierrée
de nos routes nationales.
Le haut fonctionnaire en question s'ef-
force de m'expliquer à. quoi servent tous
ces petits trous. «Ils nous ont démontré,
dit-il, qu'il manque plus d'un million par
an au crédit d'entretien des routes natio-
nales, ou, si vous l'aimez mieux, qu'il se
fait chaque année, en ce moment, un em-
prunt de plus d'un million au capital des
chaussées de ces routes, »
Celà m'aurait beaucoup étonné â je le re-
connais tout de suite â si une statistique
entreprise par les Ponts et Chaussées n'a-
vait pas eu pour résultat principal de dé-
montrer que cette administration n'a pas à
sa disposition un nombre suffisant de mil-
lions.
Mais à quoi bon revenir sur cette statis-
tique, sur les procédés employés dans la
recherche des éléments qui la composent,
sur les frais qu'elle occasionne, sur la foi
qu'il convient d'ajouter à ses enseigne-
ments. Nous avons déjà dit ce que nous en
pensions. Supposons-la, au contraire, pour
un instant, établie d'une façon irréprocha-
ble. File est parfaite. C'est entendu. Du
moins, en est-il fait usage?
Notre honorable contradicteur nous per- I
mettra de' lui poser, sur ce point, un cer-
tain nombre de questions.
M- Folliet dans un rapporL récent sur le
budget des travaux publics, explique tout
au long le mode de répartition du crédit
annuellement affecté à l'entretien des routes
nationales. Nous avons suivi avec le plus
grand soin toutes les combinaisons de chif-
fres qui y sont indiquées.
Grâce à de nombreuses statistiques â y
compris celle du demi-millon de petits
trous â l'administration croit avoir déter-
miné quelle est la somme nécessaire dans
chaqub département pour réparée l'usure
faite aux chaussées par le roulage. Cette
somme, c'est le « budget normal « des rou-
tes d'un département, Cela se conçoit. â Ce
qui se comprend moins, c'est comment il
se fait que certains départements reçoivent
un crédit supérieur à leur « budget normal »
c'est-à-dire, à leurs besoins, alors que d'au-
tres reçoivent moins.
Je constate, par exemple, que le Loiret
n'a besoin que de 233,000 francs. On lui
donne cependant 265,700 francs, soit 32,700
francs de trop. Pourquoi ?
On accorde aux routes nationales des
Pyrénées-Orientales 333,500 francs, alors
qu'elles ont besoin de 318,100 francs seule-
ment. Pourquoi ?
Le plus curieux, c'est que ces deux dé-
partements auxquels on accorde ainsi, de-
puis plusieurs années, beaucoup plus d'ar-
gent qu'il ne leur en faudrait,... d'après les
statistiques , reçoivent â en dehors des
crédits d'entretien qui, nous le répétons,
seraient trop élevés â des sommes impor-
tantes sur les fonds dits de « grosses répa-
rations» pour « reconstitution des chaus-
sées. »
MM. les ingénieurs, s'appuyant sur leurs
statistiques, admettent qu'une roule est en
parfait état quand la croûte empierrée a
une épaisseur moyenne de o m-15. Or, dans
le Loiret â d'après les petits trous â cette
croûte empierrée a une épaisseur moyenne
de 0 m. 18. Les chaussées de ce départe-
ment sont donc plus que parfaites. Et
comme il leur est alloué 32,700 fr. de plus
qu'il ne faudrait, il est à supposer que l'é-
paisseur des chaussées ne fait que croître
et embellir, à moins que l'on ne gaspille
l'argent.
Et, cependant, nous venons de lire dans
le Journal officiel du 21 février 1892, à pro-
pos du Loiret, l'annonce d'une adjudication
s'élevant à 22,000 francs â somme imputa-
ble sur des fonds spéciaux autres que les
265,700 francs de l'entretien â et cela pour
la reconstitution des chaussées.
Aussi disons-nous à notre honorable con-
tradicteur : Si vos statistiques sont exactes,
pourquoi n'en tirez-vous pas profit ? Pour-
quoi, quand elles vous ont démontré que
les chaussées d'un département sont en
excellent état, employez-vous encore des
sommes importantes à « reconstituer » ces |
grandes routes ?
Nous sollicitons une réponse.
En attendant, peut-être pourrions'nous
fournir un commencement d'explication. Si
l'Administration des Ponts et Chaussées
s'empresse de ne pas tenir compte de ses
propres statistiques,, quand ces statistiques
font apparaître, sur tel ou tel point du ter-
ritoire, une surabondance de crédits, c'est
que, pour rien au monde, elle n'entend
faillir à sa tradition, et que sa tradition
consiste, tout simplement, à ne jamais
rendre l'argent.
J'ai habité naguère un département dans
lequel les grandes routes offraient des as-
pects bien différents. Dans la plaine cet as
pect n'était précisément pas réjouissant
Dans la partie montagneuse, au contraire,
les routes ressemblaient à un miroir, parce
que le sous-sol était excellent, que la pente
était favorable et que les bons matériaux
étaient en abondance. Eh bien ! au lieu de
distraire, ea faveur des routes de la plaine,
une partie des crédits inutilement dé-
pensés , en gazonnements, par exem-
ple , clans la partie montagneuse , tous
les efforts de l'Administration tendaient
à éviter cette répartition plus logique de la
somme globale affectée à l'entretien des
roules du département. On sollicitait bien
des crédits nouveaux pour la plaine. Mais
quant à rogner le contingent de l'ingénieur
chargé de la parlie montagneuse, on n'y
songeait même pas... Le jour où l'Adminis-
tration des Ponts et Chaussées voudra bien
opérer cette péréquation de crédits que
nous demandons, elle ne pourra plus pré-
tendre qu'il lui manque encore un million.
Mais iî y a quelque chose de beaucoup plus
simple encore à tenter. Que les ingénieurs
des Ponts et Chaussées renoncent donc
enfin, de leur propre gré, à entretenir les
routes nationales ! Et peut-être, avec des
ressources moindres, de modestes agents
voyers se chargeront-ils de leur prouver
qu'il est possible de caillouter une route
partout où cela est nécessaire, sans creuser
dans la chaussée un demi-million de petits
trous.
P. D.
CHRONIQUE
ÉPILOGUE
Jamais le fa panta malaiotés de l'Ecclé-
siastique n'a éclaté aussi éloquemment
qu'en ce post-scriptum funèbre de l'encan
de la rue Montoyer. Tous ces souvenirs dis-
putés aux quatre vents des enchères ra-
content îes étapes de la fugitive odyssée, si
près et déjà tant loin dé nous. De l'histoire
flotte aux plis des étoiles et dans les recoins
des meubles, des dates qui seront sommai-
rement inscrites dans les manuels sont évo-
quées par des bibelots d'étagère, par ce
bronze ou cette terre-cuite donnés à l'occa-
sion des triomphes évanouis. Cette coupe a
été Offerte par la Ligue des Patriotes, le
soir du banquet Lemardelay ; ce portrait de
Debat-Ponsan rappelle la fameuse revue de
1886.
Et l'oubli s'est déjà, fait si profond autour
de l'épopée boulangiste, que les derniers
fidèles en sont réduits à s'extasier parce
que telle vacation a dépassé de quelques
billets de mille l'estimation des experts,
parce que tel objet a été adjugé au delà de
sà valeur marchande? La médaille de dé-
puté, qui vaut quinze francs, a fait dix ;
louis ; un marchand de journaux a payé'
cent cinq francs le porte-cigare du général, .
et des bouquets d'oeillets rouges artificiels,
qui valaient bien trois sous âc'est le fidèle
Chincholle qui enregistre ce succès â ont
été payés de deux à quatre francs.
Mais là-bas comme ici, les enchères sont
capricieuses et déconcertantes. La chaîne
de montre du suicidé tragique du cimetière
d'Ixelles est mal vendue, ainsi que le por-
trait auquel il est fait allusion plus haut,
comme aussi un buste sculpté par Croisy.
Et il ne semble pas que les fidèles aient
fait tous les efforts nécessaires pour pré-
server de la dispersion banale Ses objets
qui constituaient des souvenirs personnels
du général, car ses boutons de manchettes,
« en or et brillants, » ont été adjugés
pour trente-cinq francs à une chanteuse de
café-concert.
Même l'insulaire qui pousse à des altitu-
des fantastiques l'enchère des objets de toi-
lette ayant appartenu à des personnages
historiques, qui dispute à coups de livres
sterling la brosse à dent ou le pince-nez
d'un grad homme, n'a pas été signalé, et il
n'y avait pas de représentant du musée
Tussaud Seule, la Belgique a fait concur-
rence aux membres de l'ancien Comité na-
tional et aux amis personnels, a rois quel-
ques modestes surenchères qui ne sentaient
pas leur nabab. L'homme dont l'étoile a filé
£i vite à l'horizon de la popularité, est en-
tré dans le domaine de l'histoire, mais il
semble qu'il ne oompte déjà plus pour l'in-
différente postérité.
Ce bric-à brac lamentable d'hôtel des
ventes, ces vacations dont la mise en scène
n'accroche que pour un instant la curiosité
de là foule, cette attraction banale suscitée
à renfort d'affiches et d'annonces, et qui
n'obtient ni plus ni moins de succès que la
vente après décès d'une Marguerite Gautier,
sont pleins d'une philosophie qui n'a pas
besoin d'être soulignée. Il semble que la
triomphale ovation de la gare de Lyon, que
la soirée du 27 janvier ne nous apparaissent
plus que dans une lointaine et vague recu-
lée, comme si ces choses avaient eu lieu
dans un autre siècle :
Et ceci se passait dans des temps très anciens.
Il a suffi d'un peu moins de trois années
pour que l'apothéose s'évanouit comme un
décor de féerie, et que le souvenir même
de la prodigieuse folio fût balayé des mé-
moires. il semble que l'engouement furieux
des foules, qjie cette incroyable abdication
de la moitié d'une nation au profit d'un
homme qui l'avait conquise avec des re-
frains de café-concert et la silhouette d'un
cheval, ne soient plus qu'un mauvais rêve.
Le spectacle des défections qui suivirent la
défaiLe,-le défilé des trahisons après la dé-
bâcle n'ont rien qui puisse surprendre ceux
qui connaissent l'humanité. Mais l'indiffé-
rence suprême des masses naguère conqui-
ses jusqu'à l'affolement, cette énorme tom-
bée d'oubli autour de la mémoire de l'hom-
me dont le nom sonnait en refrains dans
toutes les bouches, sont peut-être plus
inattendues. Elles sont en tous cas la meil-
leure leçon des ambitieux qui voudraient
recommencer le rêve disparu.
Je n'ignore pas cependant que l'échec re
tentissant du protégé des princes ne décou-
ragera pas ceux qui aspireraient à prendre
sa succession. Si son nom n'est déjà plus à
cette heure qu'une remembrance lointaine,
ils estimeront sans doute que c'est parce
qu'il n'a pas réussi. Le succès n'a pas seu-
lement pour effet de tout justifier, ii en-
traîne à sa suite l'adhésion universelle, il
détermine l'unanimité des concours. Il suf-
fit de triompher pour conquérir îes accla-
mations populaires, pour avoir raison des
résisiances de la première heure.
Il y a sans doute du vrai dans cette élas-
tique morale du succès, mais on oublie que
la difficulté consiste précisément à réussir
Si la France, après s'être ressaisie, a si rapi-
dement oublié l'idole, c'est qu'elle ressentait
quelque honte de son engouement inexplir
qué, et qu'elle avait appris à juger l'homme
auquel elle avait voulu d'abord tout livrer.
On ne recommence pas tous les jours ce
genre de folie, et l'épilogue de l'aventure,
la fuite du héros, là complicité des royalis-
tes démasquée, les trahisons qui s'accumu-
laient, toute la répugnante comédie des
coulisses dévoilée, ont écoeuré les plus
fidèles, fait tomber les écailles des yeux aux
plus ardents. On ne guérit peut-être pas les
peuples de l'amour du panache, ou selon
le mot d'Anarcharsis Cloots des individus.
Mais on peut en préserver une génération,
et je crois qu'il n'y a plus rien à craindre
pour celle ci.
Léon Millot
Voici le texte in extenso du discours que
M. S. Pichon a prononcé hier, à la Chambre.
M» Pichon. â Messieurs, les faits sur
lesquels je désire m'exliquer devant la
Chambre sont de la même nature que ceux
qui se sont passés à Saint-Merri quoiqu'ils
se soient produits dans une autre église
Je les ai signalés à M. le ministre des cul-
tes; il est de mon avis sur leur nature et
j'en aurais très volontiers ajourné Sa disous-
sion, si les questions qui ont été posées au-
jourd'hui au gouvernement n'avaient brus-
quement changé de caractère, et si elles
n'avaient été transformées en interpellation.
J'estime qu'il est inutile de provoquer de
parti-pris et à bref délai un nouveau débat
sur les affaires religieuse», et c'est le motif
de mon intervention aujourd'hui.
Les prédications du carême à Paris sont
faites, en général, comme vous avez pu
vous en apercevoir, par des membres de
congrégations religieuses non autorisées,
dispersées, dissoutes, à l'existence desquel-
les le respect que j'ai pour le gouvernement
et pour la loi m'interdirait de croire si elle
ne m'était révélée chaque jour par les faits
les plus probants. (Très bien! très bien! et
rires à gauche).
Parmi le3 prédicateurs de l'église Sainte
Clotilde se trouve un Jésuite accrédité pour
cet office par M. l'archevêque de Paris, ainsi
qu'il résulte d'un numéro de la Semaine re-
ligieuse du 27 février 1892. Il lui serait d'ail-
leurs impossible do prêcher dans une église
de Paris, comme le disait tout à l'heure M.
d'Hulst, s'il n'avait reçu pour cet objet l'in-
vestiture de M. l'archevêque Richard. Ce
Jésuite est le père Forbes ; il est de nationa-
liLé anglaise.
M. JULES Delahaye C'est inexact,
M. Pichon. â G est parfaitement exact.
Je vais vous le prouver immédiatement. Il
a été admis à domicile... Et encore je ne
suis pas très Sûr que ce soit lui, car il a,
parait-il, un frère et les prénom!: inscrits
au décret qu'il invoque comme s'appliquant
à lui ne concordent pas avec les siens. Mais,
peu importe 1 Je prends l'hypothèse qui
lui est la plus favorable et je dis : Il a été
admis à domicile, par un décret impérial du
7 mars 1868, qui autorise un certain nombre
do personnes « à établir leur domicile en
France, pour y jouir des droits civils, tant
qu'elles continueront à y résider ».
Il ne jouit donc pas de ses droits politi-
ques ; il est parfaitement sujet étranger.
J'ai ici le programme de ses conférences*
C'est une sorte d'encyclopédie se rapportant
à la question sociale, touchant à tout, je
pourrais dire : c'est l'enseignement du ca-
tholicisme. Et je ne m'en plains pas, car je
suis sur ce point absolument du même avis
que M. d'Hulst. Il est impossible, selon moi,
que l'Eglise se livrant à la propagande de
ses doctrines se confine dans l'enseignement
pur et simple du Décalogue et des Evan-
giles; il est inévitable quelle touche aux
questions sociales, qu'elle attaque les insti-
tutions établies par nous. Seulement ce qui
m'étonne, c'est qu'elle soit payée par nous
pour faire ce métier. ((Applaudisssments à
gauche. I
M. Mi lier and. â C'est toute la ques-
tion.
M. Pichon.âJ'ai donc ici le programme
des conférences que le Père Forbes doit
faire tous les vendredis de Carême, à huit
heures et demie du soir, en l'église parois-
siale de Sainte-Clotilde. Elles ont Irait à la
question sociale, à ses causes, au socia-
lisme d'Etat, à l'action de l'Eglise, au ma-
riage civil, au foyer des travailleurs, etc.
La première est du vendredi fi mars. Et
il faut que je dise tout de suite que le
R. P. Forbes est encore probablement un
peu moins républicain que M. d'Hulst, en
ce sens que lui ne distinguerait pas, je
crois, entre la République et la Révolution,
mais les comprendrait l'une et l'autre dans
le même anathème.
Il parle volontiers de tout ce qu'on voit
« dans ce beau pays de France », qui n'est
pas le sien, et dans lequel il prêche, dans
ce beau pays de France, « aujourd'hui livré
à ces charlatans qui promettent tout pour
arriver et ne tiennent rien. »
A droite. â C'est absolument bien.
M. Pichon. â Je ne me plains nulle-
ment de l'approbation que vous donnez à
ces paroles ; je dirai même qu'elle me fait
plaisir. Ce que j'apporte à la tribune n'est
pas du tout pour vous contrarier : je vais
établir un certain nombre de faits dont noue
déduirons plus tard les conséquences.
M. le Provost de Launay.- M. Yves
Guyot a dit cela aussi,
M. Pichon.â U ne s'agit pas de M. Yves
Guyot, mon cher collègue. Vous avez, peut-
être, plus souvent que moi, voté avec lui.
{Rires à g huche.)
Enumérant les causes de la crise sociale,
le vendredi ii mars, le Père Forbes signale
les transformations dans l'industrie, la va-
peur, l'électricité chemins de fer, «celle
ignominie qui consiste à accorder dans
l'Université d'innombrables bourses pour
faire des déclassés », les institutrices qui
pullulent sur le pavé de Paris, la dépopula-
tion des campagnes et enfin la corruption
de l'armée; et c'est sur ce point que j'ap-
pelle toute votre attention.
« Les familles, dit-il, donnent à cette ar-
mée des jeunes gens purs et sains de corps,
Elle leur rend des hommes pourris jus-
qu'aux moelles, atteints de maladies hon-
teuses et de vices dégradants. » ( Vives pro-
testations A l'extrême gauche, à gauche el au
centre.} :
HI. Terrier. â Çà, c'est un anarchiste 1
Plusieurs membres. â C'est odieux!
M. Le Provost de Launay. Per-
sonne ne saurait approuver cela si c'a été
dit I
M. Pichon. â j'en suis parfaitement
sûr.
Sur plusieurs bancs. â Relisez ! relisez !
M. Pichon. â Je relis, puisqu'on m'y
i invite : « Les familles donnent à l'armée
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