Titre : La Justice / dir. G. Clemenceau ; réd. Camille Pelletan
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1892-03-10
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32802914p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 10 mars 1892 10 mars 1892
Description : 1892/03/10 (Numéro 4439). 1892/03/10 (Numéro 4439).
Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Provence-Alpes-Côte d'Azur
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/02/2011
Treizième année. â N- 4439
Un Numéro : 10 o. Parle et Départements
Jeudi 10 Mars 1892
Directeur Politique t
Q. CLEMENCEAU
ABONNEMENTS
rua ( Trois mois 10 fr«
_ i Six MOIS BO â¢
â ifrunum j Uh au â
twrtUirâ de In Rédaction, M. A. ÉTIÉVAMT
AIVORCXS eh» MM. P. DOLLINQKN «I »
16, Hua Orange - Bmtallèr*
Ct » Burwu du Journal, 10, Faubourg fc!ontmurtn
LA JUSTICE
Rédacteur en Chef:
CAMILLE PELLETAN
ABONNEMENTS
! TROIS MOIS 11 ffc
Six MOfi 26 â¢
Un an sa »
Itdritser tei mandat» à E'AdminiitmUmr
M. C. TRÉBUTIEN
il, rat fin Ftnbocfg-Moataartr», Ifc
Nons commencerons très pro-
chainement la publication de i
UNE
DEMOISELLE DE CAMPAGNE
roman spécialement écrit pour LA
JUSTICE par M. ARISTIDE FRÉ-
UÏ\E, que nous n'avons pas à
présenter à nos lecteurs. Ils n'ont
pu oublier, en effet, ni DOM JjE PRÉ-
VOST, ni MONSIEUR PR Ê FOX TA lNE.
UN SCANDALE
.le demandais, l'anlrc jour, un livre
jaune à M. Ribot. M. Ribot me l'a re-
fusé ; mais le Figaro me le donne.
Il faut savoir si les informations du
Figaro sont exactes. Jo dis : il faut sa-
voir... c'est Une façon de parler. En
réalité, tout le monde avait deviné la vé-
rité. lie Figaro donne des délaits précis.
11 n'y a pas d'autre différence.
D'après le récit capital du mieux in-
formé des journaux, le rapprochement
du clergé et de la République est une
idée personnelle de M. Carnot. Le Fi-
garo va plus loin, et avec ses habitudes
d'esprit romantiques, associe, comme
on le verra, à l'initiative prise par le
président, telle personnalité, dont il est
désirable que nous n'ayons jamais à
nous occuper dans nos luttes politiques.
M, Carnot s'est donc adressé au Pape
dès qu'il est arrivé à l'Elysée. Il s'est
adressé au Pape par l'intermédiaire de
M. Lefebvre de Behaine, qui n'est pas,
que nous sachions, l'ambassadeur de M.
Carnot, mais celui de la France auprès
du Saint-Siège.
On s'est entendu sans peine : il restait
à exécuter la belle conception de M.
Carnot. Le Figaro raconte, avec les dé-
tails les plus précis, comment les mani-
festations de M. Lavigerie et les divers
documents que le public a connus, fu-
rent les résultats de cette entente. Il in-
dique môme des projets de documents
qui n'ont pas abouti.
Que faisait cependant M. de Freycinet ?
11 couvrait la politique personnelle de
M. Carnot. Je dis : de M. Carnot, tenant
essentiellement à oublier les autres affir-
mations du Figaro.
La presse gouvernementale était muette
hier soir, sur ces affirmations. Qu'est-ce
que cela veut dire?
Il est superflu de faire remarquer que
s'il y a quelque chose de vrai dans le
récit très circonstancié, et malheureuse-
ment très vraisemblable du Figaro, on a
singulièrement arrangé la vérité quand
on a fait croire à la Chambre qu'on
n'avait négocié avec le Vatican que sur
les catéchismes.
Mais des scandales plus graves et plus
intolérables qu'une déclaration ministé-
rielle peu exacte, sont ici en question.
Eu sommes-nous là '! Et y a-t-il, sous
la République actuelle, un pouvoir per-
sonnel, celui de M. Carnot ?
N'avons-nous combattu les Césars
d'occasion, que pour voir un président
irresponsable tendre la main au Pape ?
Y a-t-il un ministère qui a consenti à
couvrir cette suppression de toutes les
libertés républicaines?
Le gouvernement par les représen-
tants du pays n'est-il plus qu'un men-
songe, derrière lequel un président
fait sa politique à lui, â une politique
dirigée contre l'union du parti républi-
cain, une politique destinée à livrer nos
institutions à l'Eglise?
Il faut répondre, et répondre avec pré-
cision.
Il faut répondre, non seulement par
des déclarations, mais encore par des
actes.
Il faut prouver au pays qu'on n'est ni
engagé, ni lié.
Les déplorables incidents de la crise
ne sont pas de nature à dissiper les soup-
çons. Et le récit du Figaro n'a que trop
de chances de trouver créance.
Il y aurait un soulèvement dans toute
la démocratie, si l'on apprenait qu'un
président, dont l'obligation la plus étroite
est celle de ne fairo d'autre politique que
celle que les ministres décident avec
l'approbation des Chambres, a travaillé
secrètement, dès les premières minutes
de son installation, à nous donner la Ré-
publique des curés.
Camille Pelletan.
DERNIÈRE HEURE
^opposition hongroise
Budapesth, 9 mars.
A la Chambre des députés, Se comte Àp
ponyi dirige une attaque des plus vives con-
tre le régime actuel.
L'orateur déclare qu'il est tout disposé à
favoriser le maintien du compromis voté
en 1867, mais sur la base qui a été établie
par les négociateurs du pacte dualiste. 0r?
cette base, ajoute le comte Apponyi, aélé
singulièrement restreinte depuis cette épo-
que : on a enlevé en partie à la landwehr ;
hongrois© son caractère national ; la Hon- ;
grie esl devenue de jour en jour plus dé-
pendante de l'Autriche.
L'orateur présente un projet d'adresse
sous sa seule responsabilité.
JLcs troupes russes en Pologne
Berlin, 9 mars.
D'après une dépêche particulière de Thorn,
adressée aux journaux du soir, !a Gazette ;
de Thorn annonce de source digne de Toi
que depuis quelque semaines on rassemble,
sans bruit, des troupes en Pologne, sur la
frontière allemande.
Tous les endroits ayant quelque impor-
tance sont occupés par des troupes et
particulièrement par des cosaques. Des sol-
dais venant de {'intérieur arrivent conti-
nuellement sur la frontière,
A Lipno, Cièckocînek, Nieszawa et Wlo-
cawlek, les garnisons ont reçu des renforts
importants.
Exécutions en Chine
Tinntfin, 9 mars-
Plusieurs des chefs de la récente révolte
qui s'est produite en Mongolie ont été cap-
turés et exécutés ici.
Une grève à i 'astres
Castres, 9 mars.
Les ouvriers des mines de plomb argen-
tifère du Dadou sont en grève par suite du
non paiement, de leurs salaires depuis trois
mois.
LA
JOURNÉE
AU PALAIS BOURBON
DANS LES COULOIRS
Couloirs animés, bien qu'il n'y eût pas
séance.
Comme la veille, les conversations de
couloirs roulaient sur le rattachement des
colonies à la marine. L'impression fâcheuse
que la décision du conseil des ministres
avait causée dans les milieux parlementai-
res s'accentuait. Ceux qui s'exprimaient
contre le rattachement avec le plus de vi-
vacité étaient les députés des ports, les dé-
putés des colonies et surtout ceux qui se
sont tait dans le Parlement une spécialité
des questions coloniales. La mesure ne ren-
contrait aucun défenseur.
M. Emmanuel Arène annonçait son inten-
tion d'interpeller le gouvernement dans la ;
séance d'aujourd'hui, et M, Joseph Reinach
déclarait qu'il allait déposer une proposi-
tion tendant à la création d'un ministère j
des colonies. M. Reinach se propose de de-
mander l'urgence. Un grand nombre de dé-
putés se déclaraient prêts à la voter.
La constitution du groupe républicain ra-
dical socialiste était vivement commentée.
Même dans les milieux modérés, on recon-
naissait qu'elle était depuis longtemps iné-
vitable.
Le sous-secrétariat des colonies
M. Jamais, dont la. nomination comme sous-
secrétaire d'Etat aux colonies* a paru dans l'Of-
ficiel d'hier, s'est rendu hier matin au minis-
tère de la marine et a pris possession de son
poste. M. Etienne, son prédécesseur, lui a pré-
senté les chers de service de l'administration
des colonies.
Le groupe républicain radical
socialiste
La réunion des députés républicains radicaux,
dont l'initiative avait été prise par MM. Félix
Mathé, Peytral et Leydet et que nous avions
annoncée dans la Justice* a eu lieu hier au Pa-
lais-Bourbon.
Environ quarante députés avaient répondu à
l'appel qui leur était adressé.
M. Mathé (de rAllier), présidait, assisté de
M. Merlon., nommé secrétaire.
M. Camille Pelletan a pris la parole pour
exposer que l'idée de réunir, en un groupé les
républicains qui représentent l'idée républicaine
entière est déjà ancienne. On avait ajourné ta
formation du groupe, sans y renoncer, parce
qu'un préjugé existait au début : certains répu-
blicains avaient paru croire qu'en supprimant
les différences d'étiquette, on supprimait les dif-
férences d'opinion. Mais en faisant disparaître
les groupes on n'a pas changé le fond des
choses. L'expérience l'a bien montré. Aujour-
d hui la fondation d'un groupe radical socialiste
est nécessaire, d'abord parce qu'il est toujours
utile de pouvoir se concerter, s'organiser, ensuite
parce que l'existence des partis est uqe des con-
ditions du gouvernement parlementaire; 11 faut
se grouper derrière des idées pour ne pas pa-
raître se grouper derrière des noms propres.
D'ailleurs, il ne faut pas voir dans la tentative
qui a pour objet de fonder un groupe, une arrière-
pensée de division ; l'union républicaine est plus
que jamais nécessaire à un moment où se pro-
duisent des tentatives en vue de créer un nou-
veau groupement des partis, où certaines per-
sonnes songent à reconstituer une majorité de
droite sur le terrain de concessions offertes à
l'Eglise.
Peu importe que l'on soit plus ou moins nom-
breux, cc qui est important, c'est qu'il y «il dans
le Parlement des hommes réunis autour d'un
programme nettement et sérieusement républi-
! cain.
La réunion, après avoir entendu MM. Pelle-
tan, Bizouard-Bert, Maigne, Guyot-Dessaigne,
Bony-Cisterne, Maujan, Barodet et Leydet, a
décidé à l'unanimité qu'il y avait lieu de cons-
tituer un groupe.
Une discussion s'est élevée ensuite sur le titre
qu'il conviendrait de donner au nouveau groupe.
On a fini par adopter, à l'unanimité, le titre de
groupe républicain radical socialiste.
Avant de se séparer, la réunion a nommé une
commission chargé» de présenter un projet
d'organisation du groupe et de préparer un pro-
gramme d'action. 'Celté. commission est com-
posée de MM. Bizouard-Bert, Mathé (de l'Ailler),
Maujan, Merlou, Mesureur et Camille Pelletan.
Daim len commissions
Le budget
La commission du budget a examiné hier
l'examen des crédits supplémentaires, notam-
ment de ceux concernant le Sénégal et le Sou-
dan.
La commission de l'armée
La commission de l'armée s'est réunie hier
sous la présidence de M. Mézières,
Ls président a rendu compte de l'entretien
qu'il a eu, au nom de la commission, avec le
ministre de la guerre, relativement à la re-
traite proportionnelle des officiers.
On sait qu'un projet do loi en ce sens avait
été voté par la dernière Chambre et voté r-n-
suite par le Sénat. La commission voudrait re-
venir sur ce projet.
Le ministre est en cela d'accord avec la com-
mission. Il a l'intention de déposer très prochai-
nement une proposition de loi analogue à l'an-
cienne, en y introduisant les modifications qui
| seraient de nature à la faire accepter par les
i! deux Chambres.
Il Les chances d'avancement feraient sensible-
ment augmentées ; d autre part, les cadres de
l'armée territoriale seraient fortifiés.
La suppresoion du monopole des avocats
Le budget
La commission nommée avant-hier pour exa-
miner la suppression du monopole des avocats
s'est réunie hier et a nommé président M. Royer
(de l'Aube).
La commission est en majorité contraire à
la suppression du monopole des avocat», mais
elle est d'avis qu'il y a lieu de donner aux plai-
deurs la faculté de se défendre eux-mêmes ou
de se faire défendre par un avoué, même lors-
qu'il y a un bureau constitué auprès du tri-
bunal.
LA SÉANCE D'AUJOURD'HUI
Aujourd'hui, à deux heures, séance publique.
A l'ordre du jour ;
Suite de la discussion sur le projet de loi
relatif aux conseils de prud'hommes et à l'arbi-
bitrage -,
Discussion de la proposition Bovier-Lapierre,
ayant pour but de réprimer les atteintes portées
à l'exercice des droits reconnus par la lot sur
les syndicats professionnels.
L'article que John Burns a publié
sous ce titre dans le Ninetcenth Czn-
tury, n'est pas une fantaisie d'imagi-
nation, mais la nette expression d'un
fait. Mars aura désormais deux jour-
nées fameuses. Le 5 de ce mois, la capi-
tale anglaise, comme Paris le 18, a ac-
compli sa révolution communale. Sans
une goutte de sang répandue, sans un
Eavé soulevé, d'un seul coup de scrutin,
ondres a conquis son émancipation.
Le local governement act de 1K88 avait
été un premier coup de pioche dans le
vieil édifice de l'administration des pa-
roisses. Le county council lut cons-
titué, exerçant sa juridiction sur toute la
ville, sauf la Cité cjui garda ses antiques
franchises et privilèges. Dans le prin-
cipe, le conseil du comté se contenta
d'un rôle purement administratif et la
politique ne joua aucun rôle déterminant
dans les premières élections.
Samedi dernier, il s'agissait de rem-
placer les cent dix-huit conseillers, par-
venus, après trois ans do gestion, à l'ex-
piration de leur mandat. Les conditions
de la lutte se trouvaient complètement
changées. 11 n'était plus question de sa-
voir si les candidats étaient partisans de i
tels ou tels travaux de voierie; mais s'ils
approuvaient ou non la politique du gou-
vernement. A la veille d'une consultation
générale du pays, chaque parti était
avide de toute occasion pour tâter l'opi-
nion et pour l'influencer en sa faveur.
Les élections du conseil provincial of-
fraient aux conservateurs un terrain émi
nemment favorable à un engagement
d'avant-postes. Londres était resté une
citadelle du torysme. Par une excep-
tion unique, cette grande capitale se
trouvait représentée à la Chambre des
Communes par une majorité réaction-
naire. Le succès des conservateurs aux
dernières élections du school board
étaient pour eux un nouvel encourage-
ment. II fallait aux libéraux une singu-
lière témérité pour accepter le combat
qui leur était offert. Mais aussi quel effet
décisif résulterait d'une victoire rempor-
tée dans de telles conditions ! Si la forte-
resse dont les tories étaient si sûrs et si
fiers, venait à tomber aux mains de l'op-
position, quel présage inquiétant pour
te parti au pouvoir!
La lutte fut acharnée. Tous les chefs
de parti donnèrent vaillamment de leur
personne. D'un côté, les tories les plus
authentiques, renforcées des libéraux
unionistes. De l'autre, les personnalités
les plus éminentes du parti gladstonién,
auxquels s'étaient joints les chefs ou-
vriers. Là, le duc de Westminster, sir
Henri James, lord William Cecil, un des
fils du premier ministre. Ici, M. John
Morley, sir William Harcourt, sir George
Trevelyan, lord Rosebery, et, à leur
côté, le célèbre agitateur John Burns.
Vainement, Lord Rosebery essaie de
contenir l'impétuosité des combattants
et de restreindre le terrain de la lutte,
voulant lui conserver un caractère pu-
rement administratif. Il est entraîné par
le courant irrésistible. Tandis que le
Times d'une part, le Daily News de l'au-
tre sonnent l'attaque, tout le monde à la
fois s'engage à fond dans la mêlée. Bien-
tôt ce n'est plus seulement îa question
politique qui est en jeu, mais la question
sociale. John Burns impose son pro-
gramme.
Programme autonomiste d'abord.
Les derniers privilèges de la Cité de-
vront disparaître : plus de lord-maire,
ni de shérifs, ni d'aldermen, ni de pro-
cession du 0 novembre; « le Conseil des
notables de la Cité do Londres sera ab-
sorbé par le Conseil du comté. Les biens
des anciennes maîtrises et jurandes se-
ront réclamés comme biens vacants de
la ville do Londres. â¢> Le Conseil du
comté aura « le droit d'organiser et de
contrôler la police dans les limites de. son
ressort, ainsi que le droit de surveillance
et d'inspection sur les parcs royaux, les
squares et les places publiques ».
Programme socialiste ensuite.
Les aqueducs et canaux servant aux
besoins de la population seront socialisés.
Il en sera de même de tous les marchés
appartenant à des particuliers, sans que
ceux-ci puissent exiger aucune indemnité
pour de prétendus droits de monopole.
Seront encore municipalisés : les docks,
qui auront pour les représenter un con-
seil d'administration élu; les hôpitaux,
les hospices, dont les ressources seront
au besoin complétées par l'impôt; les
lignes de tramways dont la concession
est épuisée, etc.
Le Comté devra bâtir des maisons
ouvrières appropriées et les entretenir
en bon état,
La vente des biens immeubles appar-
tenant au Comté sera défendue d'une
façon absolue.
lin impôt spécial sera établi sur la va-
leur du sol, les maisons vides et les ter-
rains non cultivés. Bi, par suite d amé-
liorations faites aux frais publics, la va-
leur de 3a propriété immobilière vient à
augmenter, on procédera à une nouvelle
évaluation ; la plus-value sera frappée
d'un impôt de succession sur biens im-
meubles au profit de la municipalité.
Autant que possible, tous les travaux
seront exécutés en régie. Dans tous les
contrats passés par le Comté, on adap-
tera le tarif des salaires et la journée de
travail acceptés par les unions ouvriè-
res. On appliquera à tous les employé»
de l'administration municipale la jour-
née de huit heures et le tarif adopté par
ces mémes associations. Les lois et rè-
glements en matière sanitaire sur les fa-
briques seront exécutés avec rigueur.
C'est ce programme qui fut adopté par
l'Association des clubs progressistes de
Londres; c'est lui que îe scrutin devait
faire triompher.
Le succès a dépassé toute espérance.
84 progressistes sont victorieux ; les mo-
dérés se voiont réduits à 3i sièges. Dans
la capitale de l'Angleterre, ville de plus
de quatre millions d'habitants, le libéra-
lisme est maître.
Et quel libéralisme ! ajoute le Temps
avec mélancolie.
Ce n'est pas seulement 1$ pâle progres-
sisme qui l'emporte ; mais avec lui le
socialisme écarlatc. Au sommet du don-
jon redoutable, flottent enlacés, lo dra-
peau de M. Gladstone et celui de M. John
Burns. Du cinq mars datent le triomphe
des idées de réforme et l'avènement delà
démocratie ouvrière. Le Standard et le
Times s'accordent à dire que ce sont les
ouvriers qui sont les vrais vainqueurs.
D'autres essaient de diminuer la signi-
fication du scrutin en faisant observer
que les femmes veuves ou célibataires
font partie du corps électoral qui nomme
un county council.
L'argument se retourne contre ceux
qui l'invoquent,. Dans un pays on la
bourgeoisie, les ouvriers, les femmes
sont conquis à l'idée démocratique, que
reste-t-il donc à la réaction ?
V. Jaclard.
LE
GROUPE RADICAL SOCIALISTE
Il nous semblait nécessaire, depuis
longtemps, de réunir de nouveau coux
des députée qui n'ont jamais cessé de
vouloir la République toutentière, Ivéé
le programme de reformes inséparable
de son nom.
Il était naturel que les réformes so-
ciales fussent des premières. Les radi-
caux, on le sait, n'ont pas attendu, pour
les revendiquer en toute occasion, le
temps où l'on a vu le socialisme préféré
(au moins en apparence), par
Ces deux moitiés de Dieu, le Pape et l'Empereur t
Au surplus, si les républicains qui ont
désiré de se grouper sont de ceux qui
restent attachés à toutes les revendica-
tions du programme démocratique, leur
pensée dominante a é.té une pensée de
politique générale.
Il leur semblait que, dan3 l'émiette-
ment des partis, et devant les tentatives
de compromission entre la République
officielle et les pires ennemis de la dé-
mocratie, il était indispensable de rele-
ver le drapeau.
11 est inutile de nous étendre sur la
réunion qui vient d'avoir lieu ; c'était, en
quelque sorte, une réunion préparatoire.
Le principe a été posé. Nous aurons l'oc-
casion de revenir sur la portée politique
du groupement, quand le programme
politique et les détails d'organisation,
dont on a confié l'élaboration à une com-
mission de cinq membres, seront arrê-
tés définitivement, et que le groupe se
constituera.
G. Pelletan.
INFORMATIONS POLITIQUES
.M. Lamendin
M. Lamendin, député de Béthune, souffrant
d'une blessure au pied, a écrit au président de
la Chambre des députés pour lui demander un
congé.
On croit qu'il ne pourra se rendre à Paris
avant un mois.
RÉPLIQUE
J'ai appris hier, par le Temps, que Mu-
ret, qui me voit «avec des regrets infinis,
me fourvoyer » dans des raisonnements
déplorables, me <. prodigue les meilleurs
arguments » pour me faire « revenir à la
vérité ». J'avais lu l'article de Maret, et
il me semblait que nous étions à peu
près d'accord, au moins sur le point ca-
pital, que la Chambre avait reconnu, par
un vote formel, « qu'elle n'avait guère
su ce qu'elle faisait ».
Il est vrai que Maret s'en tire en ajou-
tant que « les Assemblées sont femmes»;
ce qui n'est pas flatteur pour !e beau
sexe, étant donné le motif de la compa-
raison, et co qui me parait insuffisant
comme considération politique.
Il est vrai aussi que Maret, comme le
Temps, assimile le vote du 18 février à
celui du a mars : ce qui n'est pas très
sérieux. Au 18 février, il est arrivé à la
Chambre ce qui arrive à toutes les
Chambres divisées c» trois opinions In-
conciliables. Il y avait des républicains
se refusant à toute entente avec l'Eglise,
des monarchistes se refusant à une en-
tente de l'Eglise et. de la République, et des
partisans d'un ministère qui essayait le
rapprochement. 11 était fatal que sur
chacune des solutions, deux des trois
opinions se trouveraient réunies contre
la troisième, et que le résultat serait pu-
rement négatif. Mais aucun homme de
bonne foi n'a encore essayé de nier qu'il
n'y eût un moyen défaire une majorité;
si les républicains n'eussent été di-
visés par l'influence gouvernementale,
et qu'un cabinet qui aurait désavoué
toute pensée de rapprochement avec
l'Eglise, n'eût obtenu un chiffre considé-
rable de suffrages.
Le a mars, c'était différent : i! n'y avait
plus d'opinion du tout. 11 n'y avait plus
trois partis en présenco, mais lin émiet-
tement de tous les partis.
Le Temps, qui a un peu d'aplomb,
m'accuse d'être gôné par ses arguments
et dû chercher des diversions. C'est lui
qui en cherche, à ce qu'il semble. Car il
ne répond pas un mot i ce que nous lui
disions, et ne reparle plus de !a préten-
due majorité solide de 270 voix, com-
posée pour partie do radicaux parti-
sans de la séparation de l'Eglise et de
l'Etat. Il est vrai que. le Temps ajoute
que nous « dédaignons » les réformes
telles que le dégrèvement, de la grande
vitesse. On le sait, nous les dédaignons
si peu, que nous les imposons au gouver-
nement. Lo Temps feint-il do l'ignorer ?
Camille Pelletas.
CHRONIQUE
LE DROIT DES PAUVRES
La routine pousse si profondément ses
racines au coeur d® ce bon pays de France,
que pour y jeter bas Jes abus, le bucheron
ne doit point se lasser de reprendre sa co-
gnée. Les questions ne sont mûres chez j
nous que lorsqu'elles sont revenues une
dizaine de fois en discussion, qu'elles ont
été retournées sur toutes les faces parle
Parlement et par la presse, lit quand tout
le monde est d'accord pour les trancher
conformément au bon sens et à Injustice,
on se heurte, le plus souvent, à l'inflexible
veto budgétaire, qui renvoie la réforme aux
calendes lacédémoniennes.
Le droit des pauvres est une. de ees ques-
tions vivaces à l'égard desquelles il y a
presque unanimité, et qui reviennent pé-
riodiquement sur le tapis sans recevoir
jamais de solution. Il n'est pas besoin d'un
très long débat pour convenir qu'il est
exorbitant de prélever la dîme établie en
faveur des pauvres sur la recette brute au
lieu de la percevoir sur les bénéfices nets.
Et il est inutile de s'appeler Inaudi peur
comprendre ce qu il y a d'inique à demander
tous les soirs cent cinquante francs au di-
] ecteur «î-. rjn! n deux mille francs
de frais el qai fait quinze cent,» Amm ^
recette. Avant d'attribuer des rentes aux
pauvres q?ai se trouvent #ur le pave rte
Paris, iï convient de n ea: pas augmenter Je
nombre, et rien n'est plus topique que le
cas, cité par M. Claretie, de ce directeur.
mis eu faillitte et dont le passif représen-
tait exactement la somme qu'il avait versée
à l'Assistance publique pour la taxe.
Nous connaissons l'objection. L'impôt ne
vise pas les entrepreneurs de spectacles ;
c'est au public qu'il s'adresse. Ce qu'on pré- i
tend frapper, c'est le divertissement que
vous avez le moyen de vous offrir eu allant,
entendre du drame ou du vaudeville, c'est
la jouissance d'art ou la distraction intel-
lectuelle que les spectateurs se procurent
en assistant à. une représentation de l'Opéra
ou de îa Comédie-Française. Il s'agit d'une
satisfaction de luxe, et il est légitime de
l'imposer au profit des pauvres.
Même historiquement; l'argument n'est
qu'a moitié exact. L'acte du Parlement du
27 janvier 15411 rendu à l'occasion des pre-
mières représentations des mystères de
l'Ancien Testament, données it Paris, par
les confrères de la Passion, contient ce
passage : «... Et à cause que le peuple
sera distraict du service divin et que cela
diminuera les aulmosnes, ils (les entrepre-
neurs des mystères) bailleront aux pauvres
la somme de mil livres, sauf à ordonner de
plus grande somme. » S'il est vrai qu'à cette
époque, la taxe avait pour cause la dimi-
nution probable de la charité publique, c'é-
tait déjà le directeur de l'entreprise qui
payait l'impôt. Même îe mode de percep-
tion était encore plus arbitraire qu'aujour-
d'hui, puisque les concessionnaires â Char-
les-le-Roger et consorts â devaient verser
une somme déterminée, même s'ils n'a-
vaient pas de recette du tout. Il est vrai
que l'affluence était considérable et les
frais réduits à leur plus simple expression.
Mais il n'est pas douteux qu'aujourd'hui, si
c'est toujours le contribuable aisé qu'on
vïse, c'est le directeur de théatre qui est
atteint.
On soutiendra vainement qu'il peut récu-
pérer le montant de la taxe en augmentant
d'autant le prix des places. 11 n'y a là dans
la pratique qu'une pure fiction. Ce prix est
toujours le même, que le théâtre «t fasse de
l'argent », ou qu'il passe par une série de
fours sinistres. S'il tombe sur une pièce-à
succès, le directeur encaisse de plantureux
bénéfices,.et le droit, malgré sa lourdeur,
est allègrement supporté. Mais si avec une
recette quotidienne de deux mille francs
l'imprésario qui a trois mille francs de frais
perd cinquante louis chaque soir, c'est bien
de sa poche et non de celle du public qu'il
sorties dix pour cent du droit des pauvres.
11 n'y a donc pas lieu de discuter sur Je
principe de la proposition que M. Dugué de
I la Fauconnerie déposa jadis et qu'il va pré-
I senter de nouveau à l'approbation de la
, Chambre. Comme l'a fait remarquer M.
Cousset, député de la Creuse, dans un in-
j terview, elle découle de la même idée qui a
i inspiré la proposition sur tes droits en ma-
tière de succession, droits qui no devraient
! être prélevés que sur les sommes restant
après défalcation faite du passif laissé par
le défunt. Quant aux détails, qui ne nous
sont d'ailleurs qu'imparfaitement connus,
le projet de M, Dugué de la Fauconnerie
n'étant pas encore déposé, c'est affaire au
Parlement à les examiner et à les modifier
au besoin. Qu'il adopte ou non la division
' des théâtres en cinq catégories, suivant les
| recettes moyennes, qu'il se décide ou non
à imposer les billets de faveur, qu'il ad-
mette ou qu'il n'admette pas l'exception
proposée au détriment des cafés-concerts,
qui Supporteraient un prélèvement de 15 0/0
sur la recette brute â â pourquoi cette déro-
gation à un principe qui, pour des raisons
d'équilé indiscutable, doit demeurer absolu ?
â l'essentiel est de reconnaître la régie et
de l'inscrire dans là loi.
11 est probable que celte fois encore per-
sonne.ne contestera la justice de là réforme,
et qu'il ne lui sera objecté que des argu-
ments d'opportunité, qu'on ne lui fera
qu'une opposition budgétaire. C'est là, d'ail*
leurs, l'habituel non possumus que îa rou-
tine met-en travers de toutes les réformes.
On reconnaît que la lot est inique, que l'im-
pôt est mal réparti, mais la ressource qu'ils
procurent est indispensable, eî on les per-
pétue jusqu'à la consommation des âges. Il
sera cependant facile, dans la circonstance
présente, de faire remarquer que le budget
de l'Assistance publique est énorme, et
qu'avec une répartition meilleure une di-
minution de ses revenus pourrait être sup-
portée sans grand préjudice. Peut-être, au
surplus, le déficit pourra-t-il être comblé,
au moins en partie, en augmentant le droit
prélevé sur les bénéfices nets. Les théâtres
qui feront le maximum paieront pour les
salles vides. Encore un coup, c'est au Par-
lement à chercher et à trouver les ressour-
ces nécessaires, et le pari-mutuel peut déjà
lui fournir un apport notable.
Mais ce qui est inadmissible, c'est que
l'Etat continue à dire au directeur qui ne
fait pas ses frais : « Vous perdez tous les
soirs une pièce â pardon, je ne l'ai pas fait
exprès â de vingt-cinq ou de cinquante
louis, et pour peu que la guigne vous
poursuive, dans six mois vous aurez l'ait
faillite. Vous allez donc me faire chaque
jour l aumône de deux billets de cent francs,
ce qui vous permettra de déposer votre
bilan deux mois plus tôt »>. Les entreprises
dramatiques portent toujours le poids de
l'ostracisme qui, pendant des siècles, frappa
le monde des théâtres. Aujourd'hui, les ar-
tistes ne subissent plus l'odieuse mise hors
la loi, ils ont secoué le joug du ridicule pré-
jugé. Il n'y a pas de raison pour que les di-
rections de spectacles continuent h payer
un impôt exorbitant dont les autres indus-
tries âmême les cafés â sont exemptes, et
qu'elles demeurent victimes d'une excep-
tion qui ne saurait plus longtemps se justi-
Léon Millot.
UN LIVRE JAUNE
Le Figaro, qui a été honoré des commu-
nications de l'Elysée, a publié hier matin,
sous la signature : Un libéral, un article
des plus importants. Cet article, dont l'au-
thenticité ne paraît pas douleuse, est l'his-
torique des négociations entamées par l'E-
lysée avec le Vatican. Nous croyons devoir
le reproduire, pour l'édification de nos lec-
teurs :
Un article très remarqué et très commenté,
publié ici même dernièrement, sous la signa-
ture : Un Ultramontain, a mis en lumière, comme
iî convenait, certaines intrigués tendant à l'aire
échec à la politique pontificale au sein même de
l'ancien parti catholique français-
Cette politique, on lo sait de reste, n'a eu d'au-
tre bat depuis quelques années que de mettre
un terme à nos funestes divisions, en conviant
les catholiques de France au loyalisme envers
les institutions établies.
Ce qu'on sait moins, et ce que nous croyons
utile de faire connaître, c'est la façon dont fu-
rent entamées et conduites, entre le gouverne-
ment français et le gouvernement pontifical,
les négociations qui ont abouti à l'Encyclique.
Tout l'honneur de l'initiative d'un rapproche-
ment entre l'Eglise et îa République revient, il
est bon de le aire très haut, à M. Carnot lui-
même.
Elu patriotiquement dans un moment où la
France avait tout à redouter de l'hostilité du
dehors et dés politiciens du dedans, M. Carnot
ne tarda pas à avoir le sentiment très net des
dangers que pouvaient faire courir à notre unité
nationale les mécontentements fomentés par
l'intolérance des sectaires et exploités par l'au-
dace des aventuriers. Soucieux du mandat de
réparation qui venait de lui être confié en ma-
nière de protestation contre les complaisances
coupables et égoïstes de son prédécesseur, il
rêva spontanément d'une France unie, grande,
forte et magnifique, qui consacrerait tous les
efforts de son génie au rayonnement de son
influence extérieure et mettrait fin une bonne
fois pour toutes aux dissidences intestines qui
menacent trop souvent de la faire déchoir de
son sublime rang pour la ravaler au niveau des
turbulentes Républiques de l'Amérique dit Sud.
11 vit le mal avec la netteté mathématique de
l'ingénieur et, pour résoudre l'équation posée
par la logique dos événements, il jugea indis-
pensable le concours de cette précieuse quantité
pontificale, déplorablement négligée par M.
Grevy et ses conseillers.
En tournant ses regards du côté du Vatican,
M. Carnot était loin d'obéir à des sentiments de
croyant qu il serait pour le moins téméraire de
ïui supposer. II regardait là-bas, poussé unique-
ment par l'impulsion régulière, ordonnée, de son
mécanisme intellectuel, qu'une affinité étroite
attirait dans îa sphère de rayonnement du génie
pontifical.
On dit aussi, mais cda se dit très bas, dans
les cercles mondains où l'on assigne volontiers
l'influence féminine comme cause déterminante
d'un acte important, que M. Carnot fut aidé
puissamment dans sa conception pacificatrice
par les sentiments réligieux de Mme Carnot,
dont l'esprit supérieur, élevé à la robuste école
de Dupont-While, ne saurait être considéré
comme un facteur Insignifiant.
. Le certain est â nous précisons â qu'en 1889,
sous îe ministère de M. Spuller, à l'occasion des
négociations qui précédèrent la nomination au
cardinalat de Mgr Richard, archevêque de Pa-
ris, notre ambassadeur près la conr pontificale.
M. Lefebvre de Béhaine, reçut mission officielle Rl v
de pressentir le Saint-Siège sur l'éventualité
d'une intervention de sa part * après 1«> clerse
français pour amener ce dernier à cesser son
hostilité envers le régime étabit et a manifes-
ter des sentiments d'adhésion à la République.
Il devait faire ressortir au Saint-Père combien
le désarroi dans lequel le boulangisme avait
jeté les anciens partis rendait favorable er op-
portun l'examen d'un projet de reconstitution
d'un parti conservateur â dans le sens ration-
nel du mot, c'est-à-dire républicain â auquel
le clergé non seulement ne fit pas obstacle,
mais prêtât indirectement son concours.
Le Saint-Siège accepta de prime abord ret
ordre d'idées, si conforme aux intentions du
Un Numéro : 10 o. Parle et Départements
Jeudi 10 Mars 1892
Directeur Politique t
Q. CLEMENCEAU
ABONNEMENTS
rua ( Trois mois 10 fr«
_ i Six MOIS BO â¢
â ifrunum j Uh au â
twrtUirâ de In Rédaction, M. A. ÉTIÉVAMT
AIVORCXS eh» MM. P. DOLLINQKN «I »
16, Hua Orange - Bmtallèr*
Ct » Burwu du Journal, 10, Faubourg fc!ontmurtn
LA JUSTICE
Rédacteur en Chef:
CAMILLE PELLETAN
ABONNEMENTS
! TROIS MOIS 11 ffc
Six MOfi 26 â¢
Un an sa »
Itdritser tei mandat» à E'AdminiitmUmr
M. C. TRÉBUTIEN
il, rat fin Ftnbocfg-Moataartr», Ifc
Nons commencerons très pro-
chainement la publication de i
UNE
DEMOISELLE DE CAMPAGNE
roman spécialement écrit pour LA
JUSTICE par M. ARISTIDE FRÉ-
UÏ\E, que nous n'avons pas à
présenter à nos lecteurs. Ils n'ont
pu oublier, en effet, ni DOM JjE PRÉ-
VOST, ni MONSIEUR PR Ê FOX TA lNE.
UN SCANDALE
.le demandais, l'anlrc jour, un livre
jaune à M. Ribot. M. Ribot me l'a re-
fusé ; mais le Figaro me le donne.
Il faut savoir si les informations du
Figaro sont exactes. Jo dis : il faut sa-
voir... c'est Une façon de parler. En
réalité, tout le monde avait deviné la vé-
rité. lie Figaro donne des délaits précis.
11 n'y a pas d'autre différence.
D'après le récit capital du mieux in-
formé des journaux, le rapprochement
du clergé et de la République est une
idée personnelle de M. Carnot. Le Fi-
garo va plus loin, et avec ses habitudes
d'esprit romantiques, associe, comme
on le verra, à l'initiative prise par le
président, telle personnalité, dont il est
désirable que nous n'ayons jamais à
nous occuper dans nos luttes politiques.
M, Carnot s'est donc adressé au Pape
dès qu'il est arrivé à l'Elysée. Il s'est
adressé au Pape par l'intermédiaire de
M. Lefebvre de Behaine, qui n'est pas,
que nous sachions, l'ambassadeur de M.
Carnot, mais celui de la France auprès
du Saint-Siège.
On s'est entendu sans peine : il restait
à exécuter la belle conception de M.
Carnot. Le Figaro raconte, avec les dé-
tails les plus précis, comment les mani-
festations de M. Lavigerie et les divers
documents que le public a connus, fu-
rent les résultats de cette entente. Il in-
dique môme des projets de documents
qui n'ont pas abouti.
Que faisait cependant M. de Freycinet ?
11 couvrait la politique personnelle de
M. Carnot. Je dis : de M. Carnot, tenant
essentiellement à oublier les autres affir-
mations du Figaro.
La presse gouvernementale était muette
hier soir, sur ces affirmations. Qu'est-ce
que cela veut dire?
Il est superflu de faire remarquer que
s'il y a quelque chose de vrai dans le
récit très circonstancié, et malheureuse-
ment très vraisemblable du Figaro, on a
singulièrement arrangé la vérité quand
on a fait croire à la Chambre qu'on
n'avait négocié avec le Vatican que sur
les catéchismes.
Mais des scandales plus graves et plus
intolérables qu'une déclaration ministé-
rielle peu exacte, sont ici en question.
Eu sommes-nous là '! Et y a-t-il, sous
la République actuelle, un pouvoir per-
sonnel, celui de M. Carnot ?
N'avons-nous combattu les Césars
d'occasion, que pour voir un président
irresponsable tendre la main au Pape ?
Y a-t-il un ministère qui a consenti à
couvrir cette suppression de toutes les
libertés républicaines?
Le gouvernement par les représen-
tants du pays n'est-il plus qu'un men-
songe, derrière lequel un président
fait sa politique à lui, â une politique
dirigée contre l'union du parti républi-
cain, une politique destinée à livrer nos
institutions à l'Eglise?
Il faut répondre, et répondre avec pré-
cision.
Il faut répondre, non seulement par
des déclarations, mais encore par des
actes.
Il faut prouver au pays qu'on n'est ni
engagé, ni lié.
Les déplorables incidents de la crise
ne sont pas de nature à dissiper les soup-
çons. Et le récit du Figaro n'a que trop
de chances de trouver créance.
Il y aurait un soulèvement dans toute
la démocratie, si l'on apprenait qu'un
président, dont l'obligation la plus étroite
est celle de ne fairo d'autre politique que
celle que les ministres décident avec
l'approbation des Chambres, a travaillé
secrètement, dès les premières minutes
de son installation, à nous donner la Ré-
publique des curés.
Camille Pelletan.
DERNIÈRE HEURE
^opposition hongroise
Budapesth, 9 mars.
A la Chambre des députés, Se comte Àp
ponyi dirige une attaque des plus vives con-
tre le régime actuel.
L'orateur déclare qu'il est tout disposé à
favoriser le maintien du compromis voté
en 1867, mais sur la base qui a été établie
par les négociateurs du pacte dualiste. 0r?
cette base, ajoute le comte Apponyi, aélé
singulièrement restreinte depuis cette épo-
que : on a enlevé en partie à la landwehr ;
hongrois© son caractère national ; la Hon- ;
grie esl devenue de jour en jour plus dé-
pendante de l'Autriche.
L'orateur présente un projet d'adresse
sous sa seule responsabilité.
JLcs troupes russes en Pologne
Berlin, 9 mars.
D'après une dépêche particulière de Thorn,
adressée aux journaux du soir, !a Gazette ;
de Thorn annonce de source digne de Toi
que depuis quelque semaines on rassemble,
sans bruit, des troupes en Pologne, sur la
frontière allemande.
Tous les endroits ayant quelque impor-
tance sont occupés par des troupes et
particulièrement par des cosaques. Des sol-
dais venant de {'intérieur arrivent conti-
nuellement sur la frontière,
A Lipno, Cièckocînek, Nieszawa et Wlo-
cawlek, les garnisons ont reçu des renforts
importants.
Exécutions en Chine
Tinntfin, 9 mars-
Plusieurs des chefs de la récente révolte
qui s'est produite en Mongolie ont été cap-
turés et exécutés ici.
Une grève à i 'astres
Castres, 9 mars.
Les ouvriers des mines de plomb argen-
tifère du Dadou sont en grève par suite du
non paiement, de leurs salaires depuis trois
mois.
LA
JOURNÉE
AU PALAIS BOURBON
DANS LES COULOIRS
Couloirs animés, bien qu'il n'y eût pas
séance.
Comme la veille, les conversations de
couloirs roulaient sur le rattachement des
colonies à la marine. L'impression fâcheuse
que la décision du conseil des ministres
avait causée dans les milieux parlementai-
res s'accentuait. Ceux qui s'exprimaient
contre le rattachement avec le plus de vi-
vacité étaient les députés des ports, les dé-
putés des colonies et surtout ceux qui se
sont tait dans le Parlement une spécialité
des questions coloniales. La mesure ne ren-
contrait aucun défenseur.
M. Emmanuel Arène annonçait son inten-
tion d'interpeller le gouvernement dans la ;
séance d'aujourd'hui, et M, Joseph Reinach
déclarait qu'il allait déposer une proposi-
tion tendant à la création d'un ministère j
des colonies. M. Reinach se propose de de-
mander l'urgence. Un grand nombre de dé-
putés se déclaraient prêts à la voter.
La constitution du groupe républicain ra-
dical socialiste était vivement commentée.
Même dans les milieux modérés, on recon-
naissait qu'elle était depuis longtemps iné-
vitable.
Le sous-secrétariat des colonies
M. Jamais, dont la. nomination comme sous-
secrétaire d'Etat aux colonies* a paru dans l'Of-
ficiel d'hier, s'est rendu hier matin au minis-
tère de la marine et a pris possession de son
poste. M. Etienne, son prédécesseur, lui a pré-
senté les chers de service de l'administration
des colonies.
Le groupe républicain radical
socialiste
La réunion des députés républicains radicaux,
dont l'initiative avait été prise par MM. Félix
Mathé, Peytral et Leydet et que nous avions
annoncée dans la Justice* a eu lieu hier au Pa-
lais-Bourbon.
Environ quarante députés avaient répondu à
l'appel qui leur était adressé.
M. Mathé (de rAllier), présidait, assisté de
M. Merlon., nommé secrétaire.
M. Camille Pelletan a pris la parole pour
exposer que l'idée de réunir, en un groupé les
républicains qui représentent l'idée républicaine
entière est déjà ancienne. On avait ajourné ta
formation du groupe, sans y renoncer, parce
qu'un préjugé existait au début : certains répu-
blicains avaient paru croire qu'en supprimant
les différences d'étiquette, on supprimait les dif-
férences d'opinion. Mais en faisant disparaître
les groupes on n'a pas changé le fond des
choses. L'expérience l'a bien montré. Aujour-
d hui la fondation d'un groupe radical socialiste
est nécessaire, d'abord parce qu'il est toujours
utile de pouvoir se concerter, s'organiser, ensuite
parce que l'existence des partis est uqe des con-
ditions du gouvernement parlementaire; 11 faut
se grouper derrière des idées pour ne pas pa-
raître se grouper derrière des noms propres.
D'ailleurs, il ne faut pas voir dans la tentative
qui a pour objet de fonder un groupe, une arrière-
pensée de division ; l'union républicaine est plus
que jamais nécessaire à un moment où se pro-
duisent des tentatives en vue de créer un nou-
veau groupement des partis, où certaines per-
sonnes songent à reconstituer une majorité de
droite sur le terrain de concessions offertes à
l'Eglise.
Peu importe que l'on soit plus ou moins nom-
breux, cc qui est important, c'est qu'il y «il dans
le Parlement des hommes réunis autour d'un
programme nettement et sérieusement républi-
! cain.
La réunion, après avoir entendu MM. Pelle-
tan, Bizouard-Bert, Maigne, Guyot-Dessaigne,
Bony-Cisterne, Maujan, Barodet et Leydet, a
décidé à l'unanimité qu'il y avait lieu de cons-
tituer un groupe.
Une discussion s'est élevée ensuite sur le titre
qu'il conviendrait de donner au nouveau groupe.
On a fini par adopter, à l'unanimité, le titre de
groupe républicain radical socialiste.
Avant de se séparer, la réunion a nommé une
commission chargé» de présenter un projet
d'organisation du groupe et de préparer un pro-
gramme d'action. 'Celté. commission est com-
posée de MM. Bizouard-Bert, Mathé (de l'Ailler),
Maujan, Merlou, Mesureur et Camille Pelletan.
Daim len commissions
Le budget
La commission du budget a examiné hier
l'examen des crédits supplémentaires, notam-
ment de ceux concernant le Sénégal et le Sou-
dan.
La commission de l'armée
La commission de l'armée s'est réunie hier
sous la présidence de M. Mézières,
Ls président a rendu compte de l'entretien
qu'il a eu, au nom de la commission, avec le
ministre de la guerre, relativement à la re-
traite proportionnelle des officiers.
On sait qu'un projet do loi en ce sens avait
été voté par la dernière Chambre et voté r-n-
suite par le Sénat. La commission voudrait re-
venir sur ce projet.
Le ministre est en cela d'accord avec la com-
mission. Il a l'intention de déposer très prochai-
nement une proposition de loi analogue à l'an-
cienne, en y introduisant les modifications qui
| seraient de nature à la faire accepter par les
i! deux Chambres.
Il Les chances d'avancement feraient sensible-
ment augmentées ; d autre part, les cadres de
l'armée territoriale seraient fortifiés.
La suppresoion du monopole des avocats
Le budget
La commission nommée avant-hier pour exa-
miner la suppression du monopole des avocats
s'est réunie hier et a nommé président M. Royer
(de l'Aube).
La commission est en majorité contraire à
la suppression du monopole des avocat», mais
elle est d'avis qu'il y a lieu de donner aux plai-
deurs la faculté de se défendre eux-mêmes ou
de se faire défendre par un avoué, même lors-
qu'il y a un bureau constitué auprès du tri-
bunal.
LA SÉANCE D'AUJOURD'HUI
Aujourd'hui, à deux heures, séance publique.
A l'ordre du jour ;
Suite de la discussion sur le projet de loi
relatif aux conseils de prud'hommes et à l'arbi-
bitrage -,
Discussion de la proposition Bovier-Lapierre,
ayant pour but de réprimer les atteintes portées
à l'exercice des droits reconnus par la lot sur
les syndicats professionnels.
L'article que John Burns a publié
sous ce titre dans le Ninetcenth Czn-
tury, n'est pas une fantaisie d'imagi-
nation, mais la nette expression d'un
fait. Mars aura désormais deux jour-
nées fameuses. Le 5 de ce mois, la capi-
tale anglaise, comme Paris le 18, a ac-
compli sa révolution communale. Sans
une goutte de sang répandue, sans un
Eavé soulevé, d'un seul coup de scrutin,
ondres a conquis son émancipation.
Le local governement act de 1K88 avait
été un premier coup de pioche dans le
vieil édifice de l'administration des pa-
roisses. Le county council lut cons-
titué, exerçant sa juridiction sur toute la
ville, sauf la Cité cjui garda ses antiques
franchises et privilèges. Dans le prin-
cipe, le conseil du comté se contenta
d'un rôle purement administratif et la
politique ne joua aucun rôle déterminant
dans les premières élections.
Samedi dernier, il s'agissait de rem-
placer les cent dix-huit conseillers, par-
venus, après trois ans do gestion, à l'ex-
piration de leur mandat. Les conditions
de la lutte se trouvaient complètement
changées. 11 n'était plus question de sa-
voir si les candidats étaient partisans de i
tels ou tels travaux de voierie; mais s'ils
approuvaient ou non la politique du gou-
vernement. A la veille d'une consultation
générale du pays, chaque parti était
avide de toute occasion pour tâter l'opi-
nion et pour l'influencer en sa faveur.
Les élections du conseil provincial of-
fraient aux conservateurs un terrain émi
nemment favorable à un engagement
d'avant-postes. Londres était resté une
citadelle du torysme. Par une excep-
tion unique, cette grande capitale se
trouvait représentée à la Chambre des
Communes par une majorité réaction-
naire. Le succès des conservateurs aux
dernières élections du school board
étaient pour eux un nouvel encourage-
ment. II fallait aux libéraux une singu-
lière témérité pour accepter le combat
qui leur était offert. Mais aussi quel effet
décisif résulterait d'une victoire rempor-
tée dans de telles conditions ! Si la forte-
resse dont les tories étaient si sûrs et si
fiers, venait à tomber aux mains de l'op-
position, quel présage inquiétant pour
te parti au pouvoir!
La lutte fut acharnée. Tous les chefs
de parti donnèrent vaillamment de leur
personne. D'un côté, les tories les plus
authentiques, renforcées des libéraux
unionistes. De l'autre, les personnalités
les plus éminentes du parti gladstonién,
auxquels s'étaient joints les chefs ou-
vriers. Là, le duc de Westminster, sir
Henri James, lord William Cecil, un des
fils du premier ministre. Ici, M. John
Morley, sir William Harcourt, sir George
Trevelyan, lord Rosebery, et, à leur
côté, le célèbre agitateur John Burns.
Vainement, Lord Rosebery essaie de
contenir l'impétuosité des combattants
et de restreindre le terrain de la lutte,
voulant lui conserver un caractère pu-
rement administratif. Il est entraîné par
le courant irrésistible. Tandis que le
Times d'une part, le Daily News de l'au-
tre sonnent l'attaque, tout le monde à la
fois s'engage à fond dans la mêlée. Bien-
tôt ce n'est plus seulement îa question
politique qui est en jeu, mais la question
sociale. John Burns impose son pro-
gramme.
Programme autonomiste d'abord.
Les derniers privilèges de la Cité de-
vront disparaître : plus de lord-maire,
ni de shérifs, ni d'aldermen, ni de pro-
cession du 0 novembre; « le Conseil des
notables de la Cité do Londres sera ab-
sorbé par le Conseil du comté. Les biens
des anciennes maîtrises et jurandes se-
ront réclamés comme biens vacants de
la ville do Londres. â¢> Le Conseil du
comté aura « le droit d'organiser et de
contrôler la police dans les limites de. son
ressort, ainsi que le droit de surveillance
et d'inspection sur les parcs royaux, les
squares et les places publiques ».
Programme socialiste ensuite.
Les aqueducs et canaux servant aux
besoins de la population seront socialisés.
Il en sera de même de tous les marchés
appartenant à des particuliers, sans que
ceux-ci puissent exiger aucune indemnité
pour de prétendus droits de monopole.
Seront encore municipalisés : les docks,
qui auront pour les représenter un con-
seil d'administration élu; les hôpitaux,
les hospices, dont les ressources seront
au besoin complétées par l'impôt; les
lignes de tramways dont la concession
est épuisée, etc.
Le Comté devra bâtir des maisons
ouvrières appropriées et les entretenir
en bon état,
La vente des biens immeubles appar-
tenant au Comté sera défendue d'une
façon absolue.
lin impôt spécial sera établi sur la va-
leur du sol, les maisons vides et les ter-
rains non cultivés. Bi, par suite d amé-
liorations faites aux frais publics, la va-
leur de 3a propriété immobilière vient à
augmenter, on procédera à une nouvelle
évaluation ; la plus-value sera frappée
d'un impôt de succession sur biens im-
meubles au profit de la municipalité.
Autant que possible, tous les travaux
seront exécutés en régie. Dans tous les
contrats passés par le Comté, on adap-
tera le tarif des salaires et la journée de
travail acceptés par les unions ouvriè-
res. On appliquera à tous les employé»
de l'administration municipale la jour-
née de huit heures et le tarif adopté par
ces mémes associations. Les lois et rè-
glements en matière sanitaire sur les fa-
briques seront exécutés avec rigueur.
C'est ce programme qui fut adopté par
l'Association des clubs progressistes de
Londres; c'est lui que îe scrutin devait
faire triompher.
Le succès a dépassé toute espérance.
84 progressistes sont victorieux ; les mo-
dérés se voiont réduits à 3i sièges. Dans
la capitale de l'Angleterre, ville de plus
de quatre millions d'habitants, le libéra-
lisme est maître.
Et quel libéralisme ! ajoute le Temps
avec mélancolie.
Ce n'est pas seulement 1$ pâle progres-
sisme qui l'emporte ; mais avec lui le
socialisme écarlatc. Au sommet du don-
jon redoutable, flottent enlacés, lo dra-
peau de M. Gladstone et celui de M. John
Burns. Du cinq mars datent le triomphe
des idées de réforme et l'avènement delà
démocratie ouvrière. Le Standard et le
Times s'accordent à dire que ce sont les
ouvriers qui sont les vrais vainqueurs.
D'autres essaient de diminuer la signi-
fication du scrutin en faisant observer
que les femmes veuves ou célibataires
font partie du corps électoral qui nomme
un county council.
L'argument se retourne contre ceux
qui l'invoquent,. Dans un pays on la
bourgeoisie, les ouvriers, les femmes
sont conquis à l'idée démocratique, que
reste-t-il donc à la réaction ?
V. Jaclard.
LE
GROUPE RADICAL SOCIALISTE
Il nous semblait nécessaire, depuis
longtemps, de réunir de nouveau coux
des députée qui n'ont jamais cessé de
vouloir la République toutentière, Ivéé
le programme de reformes inséparable
de son nom.
Il était naturel que les réformes so-
ciales fussent des premières. Les radi-
caux, on le sait, n'ont pas attendu, pour
les revendiquer en toute occasion, le
temps où l'on a vu le socialisme préféré
(au moins en apparence), par
Ces deux moitiés de Dieu, le Pape et l'Empereur t
Au surplus, si les républicains qui ont
désiré de se grouper sont de ceux qui
restent attachés à toutes les revendica-
tions du programme démocratique, leur
pensée dominante a é.té une pensée de
politique générale.
Il leur semblait que, dan3 l'émiette-
ment des partis, et devant les tentatives
de compromission entre la République
officielle et les pires ennemis de la dé-
mocratie, il était indispensable de rele-
ver le drapeau.
11 est inutile de nous étendre sur la
réunion qui vient d'avoir lieu ; c'était, en
quelque sorte, une réunion préparatoire.
Le principe a été posé. Nous aurons l'oc-
casion de revenir sur la portée politique
du groupement, quand le programme
politique et les détails d'organisation,
dont on a confié l'élaboration à une com-
mission de cinq membres, seront arrê-
tés définitivement, et que le groupe se
constituera.
G. Pelletan.
INFORMATIONS POLITIQUES
.M. Lamendin
M. Lamendin, député de Béthune, souffrant
d'une blessure au pied, a écrit au président de
la Chambre des députés pour lui demander un
congé.
On croit qu'il ne pourra se rendre à Paris
avant un mois.
RÉPLIQUE
J'ai appris hier, par le Temps, que Mu-
ret, qui me voit «avec des regrets infinis,
me fourvoyer » dans des raisonnements
déplorables, me <. prodigue les meilleurs
arguments » pour me faire « revenir à la
vérité ». J'avais lu l'article de Maret, et
il me semblait que nous étions à peu
près d'accord, au moins sur le point ca-
pital, que la Chambre avait reconnu, par
un vote formel, « qu'elle n'avait guère
su ce qu'elle faisait ».
Il est vrai que Maret s'en tire en ajou-
tant que « les Assemblées sont femmes»;
ce qui n'est pas flatteur pour !e beau
sexe, étant donné le motif de la compa-
raison, et co qui me parait insuffisant
comme considération politique.
Il est vrai aussi que Maret, comme le
Temps, assimile le vote du 18 février à
celui du a mars : ce qui n'est pas très
sérieux. Au 18 février, il est arrivé à la
Chambre ce qui arrive à toutes les
Chambres divisées c» trois opinions In-
conciliables. Il y avait des républicains
se refusant à toute entente avec l'Eglise,
des monarchistes se refusant à une en-
tente de l'Eglise et. de la République, et des
partisans d'un ministère qui essayait le
rapprochement. 11 était fatal que sur
chacune des solutions, deux des trois
opinions se trouveraient réunies contre
la troisième, et que le résultat serait pu-
rement négatif. Mais aucun homme de
bonne foi n'a encore essayé de nier qu'il
n'y eût un moyen défaire une majorité;
si les républicains n'eussent été di-
visés par l'influence gouvernementale,
et qu'un cabinet qui aurait désavoué
toute pensée de rapprochement avec
l'Eglise, n'eût obtenu un chiffre considé-
rable de suffrages.
Le a mars, c'était différent : i! n'y avait
plus d'opinion du tout. 11 n'y avait plus
trois partis en présenco, mais lin émiet-
tement de tous les partis.
Le Temps, qui a un peu d'aplomb,
m'accuse d'être gôné par ses arguments
et dû chercher des diversions. C'est lui
qui en cherche, à ce qu'il semble. Car il
ne répond pas un mot i ce que nous lui
disions, et ne reparle plus de !a préten-
due majorité solide de 270 voix, com-
posée pour partie do radicaux parti-
sans de la séparation de l'Eglise et de
l'Etat. Il est vrai que. le Temps ajoute
que nous « dédaignons » les réformes
telles que le dégrèvement, de la grande
vitesse. On le sait, nous les dédaignons
si peu, que nous les imposons au gouver-
nement. Lo Temps feint-il do l'ignorer ?
Camille Pelletas.
CHRONIQUE
LE DROIT DES PAUVRES
La routine pousse si profondément ses
racines au coeur d® ce bon pays de France,
que pour y jeter bas Jes abus, le bucheron
ne doit point se lasser de reprendre sa co-
gnée. Les questions ne sont mûres chez j
nous que lorsqu'elles sont revenues une
dizaine de fois en discussion, qu'elles ont
été retournées sur toutes les faces parle
Parlement et par la presse, lit quand tout
le monde est d'accord pour les trancher
conformément au bon sens et à Injustice,
on se heurte, le plus souvent, à l'inflexible
veto budgétaire, qui renvoie la réforme aux
calendes lacédémoniennes.
Le droit des pauvres est une. de ees ques-
tions vivaces à l'égard desquelles il y a
presque unanimité, et qui reviennent pé-
riodiquement sur le tapis sans recevoir
jamais de solution. Il n'est pas besoin d'un
très long débat pour convenir qu'il est
exorbitant de prélever la dîme établie en
faveur des pauvres sur la recette brute au
lieu de la percevoir sur les bénéfices nets.
Et il est inutile de s'appeler Inaudi peur
comprendre ce qu il y a d'inique à demander
tous les soirs cent cinquante francs au di-
] ecteur «î-. rjn! n deux mille francs
de frais el qai fait quinze cent,» Amm ^
recette. Avant d'attribuer des rentes aux
pauvres q?ai se trouvent #ur le pave rte
Paris, iï convient de n ea: pas augmenter Je
nombre, et rien n'est plus topique que le
cas, cité par M. Claretie, de ce directeur.
mis eu faillitte et dont le passif représen-
tait exactement la somme qu'il avait versée
à l'Assistance publique pour la taxe.
Nous connaissons l'objection. L'impôt ne
vise pas les entrepreneurs de spectacles ;
c'est au public qu'il s'adresse. Ce qu'on pré- i
tend frapper, c'est le divertissement que
vous avez le moyen de vous offrir eu allant,
entendre du drame ou du vaudeville, c'est
la jouissance d'art ou la distraction intel-
lectuelle que les spectateurs se procurent
en assistant à. une représentation de l'Opéra
ou de îa Comédie-Française. Il s'agit d'une
satisfaction de luxe, et il est légitime de
l'imposer au profit des pauvres.
Même historiquement; l'argument n'est
qu'a moitié exact. L'acte du Parlement du
27 janvier 15411 rendu à l'occasion des pre-
mières représentations des mystères de
l'Ancien Testament, données it Paris, par
les confrères de la Passion, contient ce
passage : «... Et à cause que le peuple
sera distraict du service divin et que cela
diminuera les aulmosnes, ils (les entrepre-
neurs des mystères) bailleront aux pauvres
la somme de mil livres, sauf à ordonner de
plus grande somme. » S'il est vrai qu'à cette
époque, la taxe avait pour cause la dimi-
nution probable de la charité publique, c'é-
tait déjà le directeur de l'entreprise qui
payait l'impôt. Même îe mode de percep-
tion était encore plus arbitraire qu'aujour-
d'hui, puisque les concessionnaires â Char-
les-le-Roger et consorts â devaient verser
une somme déterminée, même s'ils n'a-
vaient pas de recette du tout. Il est vrai
que l'affluence était considérable et les
frais réduits à leur plus simple expression.
Mais il n'est pas douteux qu'aujourd'hui, si
c'est toujours le contribuable aisé qu'on
vïse, c'est le directeur de théatre qui est
atteint.
On soutiendra vainement qu'il peut récu-
pérer le montant de la taxe en augmentant
d'autant le prix des places. 11 n'y a là dans
la pratique qu'une pure fiction. Ce prix est
toujours le même, que le théâtre «t fasse de
l'argent », ou qu'il passe par une série de
fours sinistres. S'il tombe sur une pièce-à
succès, le directeur encaisse de plantureux
bénéfices,.et le droit, malgré sa lourdeur,
est allègrement supporté. Mais si avec une
recette quotidienne de deux mille francs
l'imprésario qui a trois mille francs de frais
perd cinquante louis chaque soir, c'est bien
de sa poche et non de celle du public qu'il
sorties dix pour cent du droit des pauvres.
11 n'y a donc pas lieu de discuter sur Je
principe de la proposition que M. Dugué de
I la Fauconnerie déposa jadis et qu'il va pré-
I senter de nouveau à l'approbation de la
, Chambre. Comme l'a fait remarquer M.
Cousset, député de la Creuse, dans un in-
j terview, elle découle de la même idée qui a
i inspiré la proposition sur tes droits en ma-
tière de succession, droits qui no devraient
! être prélevés que sur les sommes restant
après défalcation faite du passif laissé par
le défunt. Quant aux détails, qui ne nous
sont d'ailleurs qu'imparfaitement connus,
le projet de M, Dugué de la Fauconnerie
n'étant pas encore déposé, c'est affaire au
Parlement à les examiner et à les modifier
au besoin. Qu'il adopte ou non la division
' des théâtres en cinq catégories, suivant les
| recettes moyennes, qu'il se décide ou non
à imposer les billets de faveur, qu'il ad-
mette ou qu'il n'admette pas l'exception
proposée au détriment des cafés-concerts,
qui Supporteraient un prélèvement de 15 0/0
sur la recette brute â â pourquoi cette déro-
gation à un principe qui, pour des raisons
d'équilé indiscutable, doit demeurer absolu ?
â l'essentiel est de reconnaître la régie et
de l'inscrire dans là loi.
11 est probable que celte fois encore per-
sonne.ne contestera la justice de là réforme,
et qu'il ne lui sera objecté que des argu-
ments d'opportunité, qu'on ne lui fera
qu'une opposition budgétaire. C'est là, d'ail*
leurs, l'habituel non possumus que îa rou-
tine met-en travers de toutes les réformes.
On reconnaît que la lot est inique, que l'im-
pôt est mal réparti, mais la ressource qu'ils
procurent est indispensable, eî on les per-
pétue jusqu'à la consommation des âges. Il
sera cependant facile, dans la circonstance
présente, de faire remarquer que le budget
de l'Assistance publique est énorme, et
qu'avec une répartition meilleure une di-
minution de ses revenus pourrait être sup-
portée sans grand préjudice. Peut-être, au
surplus, le déficit pourra-t-il être comblé,
au moins en partie, en augmentant le droit
prélevé sur les bénéfices nets. Les théâtres
qui feront le maximum paieront pour les
salles vides. Encore un coup, c'est au Par-
lement à chercher et à trouver les ressour-
ces nécessaires, et le pari-mutuel peut déjà
lui fournir un apport notable.
Mais ce qui est inadmissible, c'est que
l'Etat continue à dire au directeur qui ne
fait pas ses frais : « Vous perdez tous les
soirs une pièce â pardon, je ne l'ai pas fait
exprès â de vingt-cinq ou de cinquante
louis, et pour peu que la guigne vous
poursuive, dans six mois vous aurez l'ait
faillite. Vous allez donc me faire chaque
jour l aumône de deux billets de cent francs,
ce qui vous permettra de déposer votre
bilan deux mois plus tôt »>. Les entreprises
dramatiques portent toujours le poids de
l'ostracisme qui, pendant des siècles, frappa
le monde des théâtres. Aujourd'hui, les ar-
tistes ne subissent plus l'odieuse mise hors
la loi, ils ont secoué le joug du ridicule pré-
jugé. Il n'y a pas de raison pour que les di-
rections de spectacles continuent h payer
un impôt exorbitant dont les autres indus-
tries âmême les cafés â sont exemptes, et
qu'elles demeurent victimes d'une excep-
tion qui ne saurait plus longtemps se justi-
Léon Millot.
UN LIVRE JAUNE
Le Figaro, qui a été honoré des commu-
nications de l'Elysée, a publié hier matin,
sous la signature : Un libéral, un article
des plus importants. Cet article, dont l'au-
thenticité ne paraît pas douleuse, est l'his-
torique des négociations entamées par l'E-
lysée avec le Vatican. Nous croyons devoir
le reproduire, pour l'édification de nos lec-
teurs :
Un article très remarqué et très commenté,
publié ici même dernièrement, sous la signa-
ture : Un Ultramontain, a mis en lumière, comme
iî convenait, certaines intrigués tendant à l'aire
échec à la politique pontificale au sein même de
l'ancien parti catholique français-
Cette politique, on lo sait de reste, n'a eu d'au-
tre bat depuis quelques années que de mettre
un terme à nos funestes divisions, en conviant
les catholiques de France au loyalisme envers
les institutions établies.
Ce qu'on sait moins, et ce que nous croyons
utile de faire connaître, c'est la façon dont fu-
rent entamées et conduites, entre le gouverne-
ment français et le gouvernement pontifical,
les négociations qui ont abouti à l'Encyclique.
Tout l'honneur de l'initiative d'un rapproche-
ment entre l'Eglise et îa République revient, il
est bon de le aire très haut, à M. Carnot lui-
même.
Elu patriotiquement dans un moment où la
France avait tout à redouter de l'hostilité du
dehors et dés politiciens du dedans, M. Carnot
ne tarda pas à avoir le sentiment très net des
dangers que pouvaient faire courir à notre unité
nationale les mécontentements fomentés par
l'intolérance des sectaires et exploités par l'au-
dace des aventuriers. Soucieux du mandat de
réparation qui venait de lui être confié en ma-
nière de protestation contre les complaisances
coupables et égoïstes de son prédécesseur, il
rêva spontanément d'une France unie, grande,
forte et magnifique, qui consacrerait tous les
efforts de son génie au rayonnement de son
influence extérieure et mettrait fin une bonne
fois pour toutes aux dissidences intestines qui
menacent trop souvent de la faire déchoir de
son sublime rang pour la ravaler au niveau des
turbulentes Républiques de l'Amérique dit Sud.
11 vit le mal avec la netteté mathématique de
l'ingénieur et, pour résoudre l'équation posée
par la logique dos événements, il jugea indis-
pensable le concours de cette précieuse quantité
pontificale, déplorablement négligée par M.
Grevy et ses conseillers.
En tournant ses regards du côté du Vatican,
M. Carnot était loin d'obéir à des sentiments de
croyant qu il serait pour le moins téméraire de
ïui supposer. II regardait là-bas, poussé unique-
ment par l'impulsion régulière, ordonnée, de son
mécanisme intellectuel, qu'une affinité étroite
attirait dans îa sphère de rayonnement du génie
pontifical.
On dit aussi, mais cda se dit très bas, dans
les cercles mondains où l'on assigne volontiers
l'influence féminine comme cause déterminante
d'un acte important, que M. Carnot fut aidé
puissamment dans sa conception pacificatrice
par les sentiments réligieux de Mme Carnot,
dont l'esprit supérieur, élevé à la robuste école
de Dupont-While, ne saurait être considéré
comme un facteur Insignifiant.
. Le certain est â nous précisons â qu'en 1889,
sous îe ministère de M. Spuller, à l'occasion des
négociations qui précédèrent la nomination au
cardinalat de Mgr Richard, archevêque de Pa-
ris, notre ambassadeur près la conr pontificale.
M. Lefebvre de Béhaine, reçut mission officielle Rl v
de pressentir le Saint-Siège sur l'éventualité
d'une intervention de sa part * après 1«> clerse
français pour amener ce dernier à cesser son
hostilité envers le régime étabit et a manifes-
ter des sentiments d'adhésion à la République.
Il devait faire ressortir au Saint-Père combien
le désarroi dans lequel le boulangisme avait
jeté les anciens partis rendait favorable er op-
portun l'examen d'un projet de reconstitution
d'un parti conservateur â dans le sens ration-
nel du mot, c'est-à-dire républicain â auquel
le clergé non seulement ne fit pas obstacle,
mais prêtât indirectement son concours.
Le Saint-Siège accepta de prime abord ret
ordre d'idées, si conforme aux intentions du
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