Titre : Regards
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1946-08-23
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34447681m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 23 août 1946 23 août 1946
Description : 1946/08/23 (A15,N55). 1946/08/23 (A15,N55).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7639164r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-52336
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/03/2016
LES CAGOULARDS DES un Sa Au ONT RALLUME
LEURS CROIX
DE FLAMMES
"E
MPECHEZ les nègres de voter par tcus les
tnoyeaj », a dit dernièrement à ses électeurs
Théodore Bilbo; sénateur démocrate du Mis-
p sissipi.
Deux jours après, un ancien combattant nè-
gre était lynché. Puis à Monroé, en Géorgie, quatre noirs
dont deux femmes, tombaient sous des coups de revol-
ver à la suite d'une querelle banale. Et derrière ces ra-
pides tragédies, les cagoules blanches du Ku-Klux-Klan,
d'un seul coup réapparaissent, à la grande terreur de
ceux qui croyaient le Klan à jamais impuissant et dis-
persé.
Elle était facile à prévoir, pourtant, cïtte résurrec-
tion des « citoyens de l'invisible empire ». Après cha-
que guerre, le Ku-Klux-Klan connaît, aux Etats-Unis,
une période d'activité brutale, et les mesures que le
gouvernement des U.S.A. semble décidé à prendre con-
tre la secte montre bien qu'il ne s eus estime pas le dan-
ger qu'elle peut faire courir à la paix intérieure de la
grande démocratie américaine.
Qu'est-ce que le Ku-Klux-Klan ? Et d'abord, que si-
gnifient ces trois mots ?
On peut les traduire par « Clan ,du Cerc!e » (Ku-
klos = cercle, en grec). L'insigne de l'association est
un cercle entourant une croix de Saint-André, compor-
tant un petit carré dans scn centre.
Le premier K.K.K. avait été fondé en 1866, après
la guerre de Sécession, par les Sudistes, à Pulaski, dans
le Tennes ee, « pour le ma ntien de la suprématie blan-
che dans les Etats à esclaves ».
Pour terroriser les noirs superstitieux , les Kbasmeo ima-
ginèrent tout l'attirail des cagoules blanches, des maios
de squelettes, des silène eux défilés nocturnes, des réu-
nions aux flambeaux -iur les collines.
Le chef suprême du K.K.K. se nommât le « grand
sorcier », empereur de l'« invisible emp re ». La secte
était divisée en « royaumes » avec un « grand cyclope »,
un « grand moine », un « grand turc », une « grande
sentinelle », etc.
Et l'on peut dire que. vaincus sur le plan fédéral, les
Sudistes, avec le Ku-Klux-Klan, parvinrent à empêcher
les noirs de bénéficier des principales dispositions de
la Constitution américaine. PrAtiquement, les noirs, qui
sont électeurs, n'ent jamais pu voter aux U.S A.
Le premier K.K.K. fut dirscus par ses propres fon-
dateurs en 1869. Après trois ao, de fouet, de lynchages
et d'exécutions sommaires, le Klan pouvait disparaître,
les noirs avaient compr:s.
Vint la première guerre mondiale, avec tous ses re-
mous.
Des éléments prote t.nts, nationali tés et xénophobes
des Etats-Unis formèrent un second Ku-Klux-Khn dans
l'Etat de Géorgie, à Atlanta, en 1916, à l'appel d'un
pa«teur, petit professeur d'histoire, le révérend Williams
I. Simmons, surnomma « le Colonel », parce qu'il ava t
été deuxième classe pendant la guerre de Cuba.
L'association tecrète était, en principe, « consacrée.
en tant que société protestante, à /'enseignement de la
religion chrétienne, et s'cngag ait en tant que société
de blancs, au maint en perpétuel de la suprématie de la
race blanche ».
Mais, dans la formule qu'il devait remplir pour en-
trer dans 1"; K!an, le candidat jurait qu'il ét it :
« Natif des U.S.A., vrai et loyal citoyen blanc, d'ha-
bitudes tempérantes, attaché aux articles de !a Christi. a
rtlgion, au maintien de la suprématie de. Blancs, à
ceux d'un e prit de clause honorable et aux principes
du pur américanisme ».
Le « pur américanisme » des adeptes du « Colonel »
W.-I. Simmons se traduisait par la haine séculaire du
noir, une xénophobie farouche, un <'nticatholic sm: qui
voulait priver les catholiques du droit de vote. et allait
jusqu'à accuser le pape de « colcnher » le gouvern -
nunt des U.S.A. en peuplant les ministères de es « créa-
tures papistes », un antisémitisme tendant à exclure to-
talement des Etats-Un s « les juifs qui travaillent con-
tre la ; ociété chrétienne », enfin un mtisyndicalisme des
plus agiisant.
Pendant quelques années, le nouveau Ku-Klux-Klan
s'organise. M a,: s. à partir de 1921, il passe à l'action
directe. Des noirs ont fait la guerre en Eurcpe, ils ont
coudoyé les blancs sans être traités en parias, ils te-
vi-coent « pleins d'idée, séditieuses ». Le K.K.K. ne
peut tolérer ceb.
En février 1921, B.-I. Hobbes, de Houston, dans le
Texas, est battu. rasé et doit fuir la ville parce qu'il a
fraternisé avec des nègres.
Dans la même ville, un mois plus tard. un négociant
et un dentiste nègres sent atrocement mutilés pour avoir
eu des relationi avec des femmes blanches. Trois autres
noirs, pour le même motif, sont fouettés au sang et
marqués au front des trois lettres K.K.K.
A Miami. en Floride, un archidiacre anglican, le ré-
vérend Ph.-S. Irwin prêche l'égalité des races. Les hom-
mes du Ku-Klux-Klan le saisissent, l'entraînent dan, un
bois, le mettent nu, le fouettent, l'enduisent de goudron
et le roulent dans un tas de plumes avant de le ren-
voyer chez lui.
Au mois de mai 1921, à Dallas (Texas), mille ca-
valiers K.K.K. en cagoules défilent, de jour, dans les
tues avec des bannières où s'étalent des mots d'ordre
menaçants. t
Partout, le KuiKIux-Klan multiplie ses démonctrations,
ses sévices, ses l)tichages. ,
Des Etats du Sud, la secte gagne le Sud-Ouest et
l'Ouest. Faible dans les grandes villes cosmopolites, elle
est !'u contraire très puissante dans les milieux ruraux
et les petites cités à majorité protestante.
Raciste et anticlérical, le Ku-Klux-Klan puise <;a vi-
rulence dans l'état d'esprit de l'Américain moyen im-
prégné de puritanisme qu'épouvante la montée du flot
des noirs et des « étranger; », Irlandais, Méditerranéens,
juifs, etc.
Et les mêmes causes .produ.:'cOt les mêm-s effets en
assiste en ce moment à un « retour de flamme » ana-
logue à ceux qui suivirent la guerre de Sécession et celle
de 1914-1918.
Que pourront la police et J' « Assod-atkxi nationale
peur le progrès de la race noire ccotre les nouveaux
déchaînements du Ku-Klax-Klan ? »*
Dans le; Etats du Sud, même les G.-Men ne boiraient
p.is un verre d'eau en public en compagnie d'un noir.
D'autre part, dans un document du Ku-Klux-Klan daté
du 10 juin 1921, on pouvait lire :
Nous venons d'enrôler le chef de la police. il se
montre heureux d'avoir été initié, hturtux de voir que
nous pour ont mettre éventuellement à sa disposition no
ire otganisatiott militaire.
.Il nous a promis de mettre à la disposition de nos
hommes deux cent soixante fusils à répétition tt s'est
engagé a reconnaître tout chef désigné par nous comme
sous cbel de la Sûreté.
Le Ku-Klux-Klao de 1946 est-il moins bien organisé,
a-t-il moins de complicités qu'en 1921 ? Le dcute est
permis Scn * grand dragcn » actuel, le Dr. Green, d'At-
lanta, peut déclencher d'un signe une vague de terreur
sur la moitié des U.S.A.
En ce qui concerne les noirs tout au moins, les évé-
nements de ces derniers jours peuvent faire supposer
que les consignes sent déjà lancées.
5
LEURS CROIX
DE FLAMMES
"E
MPECHEZ les nègres de voter par tcus les
tnoyeaj », a dit dernièrement à ses électeurs
Théodore Bilbo; sénateur démocrate du Mis-
p sissipi.
Deux jours après, un ancien combattant nè-
gre était lynché. Puis à Monroé, en Géorgie, quatre noirs
dont deux femmes, tombaient sous des coups de revol-
ver à la suite d'une querelle banale. Et derrière ces ra-
pides tragédies, les cagoules blanches du Ku-Klux-Klan,
d'un seul coup réapparaissent, à la grande terreur de
ceux qui croyaient le Klan à jamais impuissant et dis-
persé.
Elle était facile à prévoir, pourtant, cïtte résurrec-
tion des « citoyens de l'invisible empire ». Après cha-
que guerre, le Ku-Klux-Klan connaît, aux Etats-Unis,
une période d'activité brutale, et les mesures que le
gouvernement des U.S.A. semble décidé à prendre con-
tre la secte montre bien qu'il ne s eus estime pas le dan-
ger qu'elle peut faire courir à la paix intérieure de la
grande démocratie américaine.
Qu'est-ce que le Ku-Klux-Klan ? Et d'abord, que si-
gnifient ces trois mots ?
On peut les traduire par « Clan ,du Cerc!e » (Ku-
klos = cercle, en grec). L'insigne de l'association est
un cercle entourant une croix de Saint-André, compor-
tant un petit carré dans scn centre.
Le premier K.K.K. avait été fondé en 1866, après
la guerre de Sécession, par les Sudistes, à Pulaski, dans
le Tennes ee, « pour le ma ntien de la suprématie blan-
che dans les Etats à esclaves ».
Pour terroriser les noirs superstitieux , les Kbasmeo ima-
ginèrent tout l'attirail des cagoules blanches, des maios
de squelettes, des silène eux défilés nocturnes, des réu-
nions aux flambeaux -iur les collines.
Le chef suprême du K.K.K. se nommât le « grand
sorcier », empereur de l'« invisible emp re ». La secte
était divisée en « royaumes » avec un « grand cyclope »,
un « grand moine », un « grand turc », une « grande
sentinelle », etc.
Et l'on peut dire que. vaincus sur le plan fédéral, les
Sudistes, avec le Ku-Klux-Klan, parvinrent à empêcher
les noirs de bénéficier des principales dispositions de
la Constitution américaine. PrAtiquement, les noirs, qui
sont électeurs, n'ent jamais pu voter aux U.S A.
Le premier K.K.K. fut dirscus par ses propres fon-
dateurs en 1869. Après trois ao, de fouet, de lynchages
et d'exécutions sommaires, le Klan pouvait disparaître,
les noirs avaient compr:s.
Vint la première guerre mondiale, avec tous ses re-
mous.
Des éléments prote t.nts, nationali tés et xénophobes
des Etats-Unis formèrent un second Ku-Klux-Khn dans
l'Etat de Géorgie, à Atlanta, en 1916, à l'appel d'un
pa«teur, petit professeur d'histoire, le révérend Williams
I. Simmons, surnomma « le Colonel », parce qu'il ava t
été deuxième classe pendant la guerre de Cuba.
L'association tecrète était, en principe, « consacrée.
en tant que société protestante, à /'enseignement de la
religion chrétienne, et s'cngag ait en tant que société
de blancs, au maint en perpétuel de la suprématie de la
race blanche ».
Mais, dans la formule qu'il devait remplir pour en-
trer dans 1"; K!an, le candidat jurait qu'il ét it :
« Natif des U.S.A., vrai et loyal citoyen blanc, d'ha-
bitudes tempérantes, attaché aux articles de !a Christi. a
rtlgion, au maintien de la suprématie de. Blancs, à
ceux d'un e prit de clause honorable et aux principes
du pur américanisme ».
Le « pur américanisme » des adeptes du « Colonel »
W.-I. Simmons se traduisait par la haine séculaire du
noir, une xénophobie farouche, un <'nticatholic sm: qui
voulait priver les catholiques du droit de vote. et allait
jusqu'à accuser le pape de « colcnher » le gouvern -
nunt des U.S.A. en peuplant les ministères de es « créa-
tures papistes », un antisémitisme tendant à exclure to-
talement des Etats-Un s « les juifs qui travaillent con-
tre la ; ociété chrétienne », enfin un mtisyndicalisme des
plus agiisant.
Pendant quelques années, le nouveau Ku-Klux-Klan
s'organise. M a,: s. à partir de 1921, il passe à l'action
directe. Des noirs ont fait la guerre en Eurcpe, ils ont
coudoyé les blancs sans être traités en parias, ils te-
vi-coent « pleins d'idée, séditieuses ». Le K.K.K. ne
peut tolérer ceb.
En février 1921, B.-I. Hobbes, de Houston, dans le
Texas, est battu. rasé et doit fuir la ville parce qu'il a
fraternisé avec des nègres.
Dans la même ville, un mois plus tard. un négociant
et un dentiste nègres sent atrocement mutilés pour avoir
eu des relationi avec des femmes blanches. Trois autres
noirs, pour le même motif, sont fouettés au sang et
marqués au front des trois lettres K.K.K.
A Miami. en Floride, un archidiacre anglican, le ré-
vérend Ph.-S. Irwin prêche l'égalité des races. Les hom-
mes du Ku-Klux-Klan le saisissent, l'entraînent dan, un
bois, le mettent nu, le fouettent, l'enduisent de goudron
et le roulent dans un tas de plumes avant de le ren-
voyer chez lui.
Au mois de mai 1921, à Dallas (Texas), mille ca-
valiers K.K.K. en cagoules défilent, de jour, dans les
tues avec des bannières où s'étalent des mots d'ordre
menaçants. t
Partout, le KuiKIux-Klan multiplie ses démonctrations,
ses sévices, ses l)tichages. ,
Des Etats du Sud, la secte gagne le Sud-Ouest et
l'Ouest. Faible dans les grandes villes cosmopolites, elle
est !'u contraire très puissante dans les milieux ruraux
et les petites cités à majorité protestante.
Raciste et anticlérical, le Ku-Klux-Klan puise <;a vi-
rulence dans l'état d'esprit de l'Américain moyen im-
prégné de puritanisme qu'épouvante la montée du flot
des noirs et des « étranger; », Irlandais, Méditerranéens,
juifs, etc.
Et les mêmes causes .produ.:'cOt les mêm-s effets en
assiste en ce moment à un « retour de flamme » ana-
logue à ceux qui suivirent la guerre de Sécession et celle
de 1914-1918.
Que pourront la police et J' « Assod-atkxi nationale
peur le progrès de la race noire ccotre les nouveaux
déchaînements du Ku-Klax-Klan ? »*
Dans le; Etats du Sud, même les G.-Men ne boiraient
p.is un verre d'eau en public en compagnie d'un noir.
D'autre part, dans un document du Ku-Klux-Klan daté
du 10 juin 1921, on pouvait lire :
Nous venons d'enrôler le chef de la police. il se
montre heureux d'avoir été initié, hturtux de voir que
nous pour ont mettre éventuellement à sa disposition no
ire otganisatiott militaire.
.Il nous a promis de mettre à la disposition de nos
hommes deux cent soixante fusils à répétition tt s'est
engagé a reconnaître tout chef désigné par nous comme
sous cbel de la Sûreté.
Le Ku-Klux-Klao de 1946 est-il moins bien organisé,
a-t-il moins de complicités qu'en 1921 ? Le dcute est
permis Scn * grand dragcn » actuel, le Dr. Green, d'At-
lanta, peut déclencher d'un signe une vague de terreur
sur la moitié des U.S.A.
En ce qui concerne les noirs tout au moins, les évé-
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