Titre : Le Journal
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1937-12-29
Contributeur : Xau, Fernand (1852-1899). Directeur de publication
Contributeur : Letellier, Henri (1867-1960). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34473289x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 29 décembre 1937 29 décembre 1937
Description : 1937/12/29 (N16507). 1937/12/29 (N16507).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG87 Collection numérique : BIPFPIG87
Description : Collection numérique : BIPFPIG13 Collection numérique : BIPFPIG13
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7634329f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-220
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/12/2014
ÉDITION DE 5 HEURES
LE JOURNAL
Le numéro iz 40 cent. (NP, 1*6507)
PARIS, 100, RUE DE RICHELIEU,
[Téléph. : Richelieu 81 - 54 éfrfit suite
Mercredi 29 Décembre 1937
Ateliers PAUL GIORDANO
22, Rue Marsorilan ggg
PARIS
Tél Diderot 04-28
Revue
IDustrée NI, 10
franco
sur demande
if Adorée des enfants
L'hiver, oe laissez iamais
sortir vos enfants sans
Réglisse Florent
Friandise incomparable Pectoral sans rival
~M~M~~M~~
XII
GRÈVE GÉNÉRALE CE MATIN
des services publics municipaux?
Le comité intersyndical a pris hier soir cette décision
MÉtRO ET T.C.R.P. SE JOIGNENT AU MOUVEMENT
ON PENSE QUE LES OUVRIERS DU GAZ, DES EAUX ET DE L'ÉLECTRICITÉ, ASSURERONT
LA PRODUCTION ET LA DISTRIBUTION ET SE BORNERONT A UNE GRÈVE SYMBOLIQUE
Arrêt du travail, de 14 à 16 heures seulement, dans les hôpitaux et asiles
Cette grave décision répond
à un vote du conseil munici-
pal qui ne donne pas satis-
faction aux revendications
des intéressés concernant
leurs traitements.
AUCUN ACCORD
N'EST ENCORE
INTERVENU DANS
LE CONFLIT
DES TRANSPORTS
La délégation patronale des entreprises de transports photographiée à
l'Hôtel Matignon. — Au centre, M. BONHOMME qui la conduisait.
Si le mot d'ordre de l'intersyndical
des services publics est rigoureusement
appliqué ce matin il en résultera un
trouble profond dans la vie parisienne,
car tous les services municipaux, dé-
partementaux, concédés et assimilés se-
ront arrêtés ou fonctionneront au ra-
lenti. Avant d'examiner les causes du
conflit, exposées par l'administration
préfectorale et les délégués des grévis-
tes, voyons quelles seront les réper-
cussions de cette grève générale qui a
---éclaté brusquement ail suJet" d'une
question de salaires pour le petit per-
sonnel.
Tout d'abord « devront faire grève »
les « auteurs » du mouvement : les
travailleurs municipaux, c'est-à-dire
tous les employés et ouvriers des admi-
nistrations municipales ou départemen-
tales de la Seine, depuis le garçon de
bureau de l'Hôtel de Ville jusqu'aux
égoutiers, cantonniers, gardiens de
squares, de cimetières, personnel des
mairies, de l'assistance publique (sauf
les infirmiers qui ne devront interrom-
pre leur service que de 14 à 16 heures).
Et même le personnel de la Bourse du
Travail, qui pourrait fort bien être en-
traîné dans le mouvement.
La grève doit être effective, égale-
ment, dans les services concédés com-
me les eaux, le gaz, l'électricité. Mais
on pense que l'eau, le gaz et l'électri-
cité seront régulièrement produits et
distribués. La grève serait seulement
« symbolique » dans les services de
production.
Enfin, ce qui gênera le plus les Pa-
risiens c'est qu'elle doit s'étendre au
métro et à la S. T. C. R. P. Les délé-
gués de tous les dépôts et garages en
ont pris, hier soir, à une heure d'in-
tervalle, la responsabilité. n est impor-
tant de signaler que lors des précéden-
tes grèves l'interruption des transports
en commun - sauf en 1919 et 1920 -
n'avait jamais été supérieure à 24 heu-
res dans les transports en commun. Le
plus souvent même, elle avait été limi-
tée à quelques minutes ou à quelques
heures. Cette fois, nous sommes mena-
cés d'une grève illimitée des transports
en commun. Cependant, si la grève est
relativement facile dans lés transports
en surface elle l'est moins en souter-
rain, et il se pourrait que la Compa-
gnie du métro assurât un service réduit
sur toutes ses lignes.
LES CAUSES
DU CONFLIT
Examinons maintenant quelles sont les
causes du conflit. Voici tout d'abord la
thèse officielle :
Le vote du Conseil municipal qui a
motivé la décision des syndicats a été
émis dans la nuit de lundi à mardi, a
1 heure 40.
M. Contenot, rapporteur du personnel,
a exposé que le préfet proposait d'appli-
quer au personnel municipal les mesures
prises par l'Etat en faveur de son per-
sonnel, justifiées par les deux dévalua-
tions de 1936 et 1937.
Le « supplément temporaire de traite-
ment » alloué aux fonctionnaires de l'Etat
varie de 2.400 fr. à 1.000 fr. par an. L in-
demnité de résidence est portée à 2.700 frs.
Certains membres du Conseil ont de-
mandé que le supplément temporaire soit
fixé à 3.000 francs en conservant au per-
sonnel l'avance qu'il a prise en janvier
dernier sur le personnel de l'Etat. Cette
demande n'était pas admissible dans l'état
actuel des finances de la Ville de Paris
qui a accordé 1.800 francs au lieu de
1.200 francs accordés par l'Etat.
Hier l'administration a fait appliquer au
personnel municipal exactement le même
régime que celui appliqué par l'Etat à ses
fonctionnaires. C'était là la solution équi-
table, car l'indemnité de 1.800 francs don-
née en janvier n'était qu'une avance pro-
visoire.
Le Conseil municipal a voté les conclu-
sions du préfet de la Seine, par 47 voix
contre 9, et a repoussé les propositions
émises par MM. Le Gall et Castèllaz. qui
augmentaient considérablement les chif-
fres du mémoire préfectoral.
La thèse des travailleurs
municipaux
• Il convient de placer, en face de ces dé-
clarations, le texte de la résolution votée
hier soir, vers 20 h. 30, à la Bourse du
travail, par les délégués des travailleurs
municipaux réunis en comité intersyndical
des services publics et qui expose la thèse
ouvrière :
Les préfets de la Seine et de police ont
déposé un mémoire concernant les traite-
ments et salaires du personnel. Ce mémoire,
que nous avions déjà- dénoncé au ministre
de l'intérieur et au préfet de la Seine, a été
voté par la majorité du conseil municipal de
Paris, au cours de la séance qui s'est tenue
dans la nuit du 27 au 28 décembre.
La majorité du conseil municipal, suivant
les représentants du gouvernement, n'entend
accorder qu'une indemnité de 50 francs par
mois aux catégories de base des deux pré-
fectures, c'est-à-dire la moitié, de. ce que
l'Etat a accordé à ses fonctionnaires.
C'est une véritable provocation que le per-
sonnet de la fonction publique de la, régions
parisienne ne saurait tolérer plus longtemps,
laissant la responsabilité des incidents qui1
s'ensuivront à ceux qui les auront provoqués;
Aussitôt qu'il a eu connaissance du vote,
l'intersyndical des services publics a convo-
qué sa commission exécutive et a examiné
très sérieusement les conséquences d'un tel
vote. Une assemblée des délégués syndicaux
pour chaque syndicat a été convoquée de
toute urgence hier soir.
LA SUITE EN y PAGE, 1" COLONNE
EN 2E PAGE :
ARTICLES DE PARIS
EN 3E PAGE, 3e COLONNE :
MON FILM
par CLÉMENT VAUTEL.
EN 5e PAGE, 1RE COLONNE :
Souvenirs de Canton-la-Rouge : Tcheng
le Terroriste,
~r.js~
A PROPOS DES 40 HEURES
DANS LES HOPITAUX 1
UNE LETTRE
de M. Georges Duhamel
A la suite de son article de lundi dernier, « l'Hôpital et les Pauvres », notre
éminent collaborateur et ami Lucien Descaves a reçu de M. Georges Duhamel
une lettre dont celui-ci souhaite la publication. La voici donc. Lucien Descaves,
jugeant regrettable le bruit fait autour de ce débat, préfère ne pas la com-
menter. Mais il maintient intégralement le point de vue exposé dans son article.
Mon cher Lucien Descaves,
Ne pas inquiéter le grand public ?
Le tenir à l'écart d'un débat qui
doit, qui aurait dû rester secret ?
Mais, mon bon ami, je ne demandais
pas autre chose. J'aurais pu poser
la question dans la grande presse.
Je m'en suis soigneusement abstenu.
C'est l'Académie de médecine que
j'ai prise à témoin. Je possède un
dossier de textes, à moi communi-
qués par des praticiens de grande
valeur, Parisiens et provinciaux, par
des chirurgiens et médecins des
hôpitaux, par des professeurs, des
membres de l'Académie de méde-
cine et de l'Académie de chirurgie.
On m'a déjà proposé de publier ce
dossier en brochure. Je n'en ferai
rien. Le dossier sera remis demain à
l'Académie de médecine et cette
compagnie fera ce qu'elle jugera bon
et nécessaire. Avoir raison bruyam-
ment ? Je ne veux surtout rien de
tel. Je veux, comme toi-, les Fran-
çais, que la loi soit appliquée avec
mesure et humanité. Je souhaite que
les syndicats professionnels du per-
sonnel soignant finissent par com-
prendre que je n'agis pas contre eux,
mais dans l'intérêt moral de leur
corporation et donc, dans l'intérêt
des malades.
Qu'un lutteur de votre âge et de
votre valeur me conseille la circons-
pection, voilà qui suffirait à me faire
réfléchir si je n'avais déjà beaucoup
réfléchi. Cher et généreux ami, je
vous connais depuis longtemps : je
ne vous montrerai pas mon dossier,
pour ne pas vous enflammer à votre
tour. L'Académie jugera seule. Et
moi, je retomberai, de bon coeur,
dans le silence.
A vous affectueusement,
GEORGES DUHAMEL,
de l'Académie française,
membre de L'Académie de médecine.
.- Et pour toutes les bourses j'ai créé une formule populaire :
(( Je vous la souhaite-)) au prix incroyable de dix francs.
(Dessin de CAEKXZSY.)
IMPORTANTES DÉCLARATIONS
DE M. EUGÈNE DELONCLE
Interrogé par le juge d'instruction, le
chef du C.S.A.R. a affirmé qu'un putsch
communiste devait éclater dans la nuit
du 15 au 16 Novembre dernier
QUELQUES JOURS AVANT IL AVAIT FAIT
PRÉVENIR LE MINISTRE DE LA GUERRE ET
DE HAUTES PERSONNALITÉS DE LtTAT-
MAJOR GÉNÉRAL DE L'ARMÉE
Un officier de la maison militaire du Président de
la République lui avait demandé - dit-il - de contri-
buer éventuellement à la sécurité de l'Elysée
Considéré comme l'un des principaux
chefs du mouvement anticommuniste de
la « Cagoule », M. Eugène Deloncle, admi-
nistrateur délégué de la Caisse hypothé-
caire fluviale et maritime, 78, rue de
Provence, a été longuement interrogé,
hier, par M. BétfaJJ^jj^^d'insftruction, en
présence de sesaéfenseurs, Me René Gain(
Laurent Cely et Geouffre de la Pradelle.
M. Eugène Deloncle a fait spontané-
ment au magistrat instructeur les décla-
rations suivantes :
En ce qui concerne le putsch com-
muniste qui devait se déclencher dans la
nuit du 15 au 16 novembre, comme sur
les démarches qu'il a faites ou provoquées
auprès des autorités civiles et militaires,
afin de déjouer ce putsch — nous sommes
tel mesure de préciser, de la façon la
plus formelle — que ces démarches ont
été de quatre ordres î
1°) Personnalités civiles averties.
Ces dernières ont été MM. Boutteville,
ingénieur en chef des ponts et chaussées,
en congé, adjoint de M. Mercier, président
général de l'Union de l'électricité.
Par M. Boutteville, M. Eugène Delon-
cle a approché M. Mercier, le 9 novembre
dernier, afin de le mettre au courant du
mouvement révolutionnaire communiste
en préparation. Au cours de cette entre-
vue, M. Deloncle a fourni des renseigne-
ments importants sur ce mouvement, et
leur gravité parut telle que M. Mercier
lui répondit « qu'il venait de recevoir un
recoupement identique émanant d'une
haute personnalité — un ancien \ninistre
— lui indiquant que le putsch commu-
niste était extrêmement proche et fixait
comme limite d'exécution la date du 16
novembre, jour de là rentrée des Cham-
bres.
Ces renseignements corroboraient ceux
de M. Eugène Deloncle, quoique n'éma-
nant pas de la même source. M. Mercier
téléphona aussitôt à la personnalité politi-
que à laquelle il a été fait allusion, c'est-à-
dire à l'ancien ministre, et il fut convenu
« qu'il insisterait auprès" d'elle en raison
des recoupements concordants, pour que
l'état-major général de l'armée soit pré-
venu ».
LA SUITE EN 38 PAGE, 3" COLONNE
Le Sénat a voté hier
huit budgets de ministères
* , ,
LE DÉBAT A DONNE LIEU A DE VËRII
TABLES INTERPELLATIONS POLITIQUES
LIRE EN 4. PAGE, 1" COLONNE LE COMPTE RENDU DES DEBATS
Maurice Rave! est mort
« Son œuvre nous reste qui suffit à porter sa gloire
aux quatre coins du monde, à faire de notre condis-
ciple de la classe de Gabriel Fauré un des plus grands
maîtres de la musique éternelle. »
Par Louis AUBERT
UNE EXPRESSION DU MAITRE DISPARU, AU COURS D'UN RÉCENT CONCERT
A L'ÉTRANGER, OU L'ON INTERPRÉTAIT L'UNE DE SES ŒUVRES _4
Maurice Ravel est mort. Depuis de
longs mois, on suivait avec angoisse les
progrès du mal qui l'avait assailli au
lendemain même d'une de ses plus gran-
des victoires : l'achèvement de ce « Con-
certo de piano pour la main, gauche »,
qui nous apparaît, aujourd'hui, dans sa
sobre grandeur, comme le cri suprême
du génie foudroyé au sommet de son vol.
Avec l'espoir d'une guérison chaque
jour plus improbable, c'était ensuite ce-
lui de voir la musique française s'enri-
chir des trésors non encore divulgués
qu'il avait en réserve, qu'il savait avoir
en réserve. Car ce n'est pas un des moins
tragiques aspects de la tragédie de ses
deux dernières années que cette cons-
cience où il fut jusqu'à la fin de partir
trop tôt, alors que tant lui restait encore
à dire.
Cette œuvre au moins nous reste, qui.
suffit à porter aux quatre coins du mon-
de la gloire de Maurice Ravel, à faire
de notre ancien condisciple de la classe
de Gabriel Fauré un des plus grands
maîtres de la musique étemelle. Un des
plus grands, et un des .plus personnels,
car quel auteur a plus profondément
marqué de sa griffe les ouvrages nés de
son esprit créateur ?. Un des plus per-
sonnels et des plus variés dans l'expres-
sion de leur pensée, car Ravel a, plus
que personne, ce don de renouvellement
constant où se reconnaît l'Elu de la na-
ture.
Il faudrait, pour décrire avec un mi-
nimum de fidélité, cette personnalité
multiple, précieuse et raffinée, plusieurs
colonnes et une liberté d'esprit que la
cruauté d'une aussi grande perte ne sau-
rait laisser à quiconque, à plus forte
raison à l'un de ses anciens camarades de
lutte.
Bornons-nous à marquer de quelques
titres les étapes principales de sa magni.
fique carrière. Et tout d'abord le célè-
gre « Quatuor à cordes », qui, dans la
musique de chambre contemporaine, fait
pendant à celui de Claude Debussy. Un
peu plus tard, la si pure et si poétique
suite de « Ma Mère l'Oye », puis son
œuvre peut-être la plus illustre, * Daph-
nis et Chloé », qui, sous forme de ballet,
est au répertoire de l'Opéra après avoir
été à celui des ballets russes et, sous
forme de suite de concert, a soulevé l'en-
thousiasjne des foules du monde entier.
A la période d'avant-guerre, appar-
tient également « l'Heure espagnole », un.
opéra bouffe d'irrésistible verve.
Depuis la guerre, se succédèrent la très
fameuse « Valse », « l'Enfant et les
sortilèges », deux actes moins univer-
sellement connus, mais où nous voyons
avec beaucoup d'autres, une de ses plus
étonnantes réussites. « Le Boléro », sur
lequel il est superflu d'insister, les deux
« Concertos pour piano ». Je passe na-
turellement sur quantité d'œuvres de
moindre importance, mais non moins ad-
mirables, entre autres ce pur chef-
d'œuvre: « le Tombeau de Couperin ».
Dans toutcela, rien qui soit inférieur.
La qualité de l'idée, la perfection de la
mise en œuvre, l'harmonie des propor-
tions, tout dénonce le grand artiste, d'es-
prit aristocratique, le type même du mu-
sicien français dans ce qu'il peut être de
plus subtil, de plus clair et de plus puis-
sant.*
Il est rare qu'avec une aussi complète,
une aussi tranquille certitude, on puisse
saluer, devant la dépouille d'un grand
musicien, son entrée dans l'immortalité.
M. GOGA
a formé le nouveau
cabinet roumain
M. GOGA, chef du parti raciste
national-chrétien. — Lire notre
dépêche en 5e page, 1re colonne.
L'étonnant quadrille
de deux ménages
.interchangeables
s'achève par une
"figure" judiciaire
On s'attendait à ce que l'histoire tragi-comique,
soumise hier à l'appréciation de la 14* chambre correc-
tionnelle, eût pour héros des névrosés, des blasés, ayant
goûté aux plaisirs les plus pernicieux de la vie, revenus
de tout parce qu'ils ont usé de tout.
Il n'en est rien : les Désarménien et les Froidure, qui
ont imaginé de se livrer à une fantaisie conjugale d'une
hardiesse assez inédite, sont deux couples de modestes
travailleurs (l'un des maris est contremaître, l'autre
comptable) habitant Bois-Colombes. On les imaginerait
volontiers orthodoxes, conformistes, vieux jeu, c pot au
feu » pour tout dire.
Ah ! quelle erreur !
Il a suffi des « vacances payées », de l'air de la mer,
des déshabillés sur la plage pour tourner les quatre
solides têtes.
Mme DÉSARMÉNIEN
Mme FROIDURE
A Deauville, Albertine Froidure eut
une idée :
— Chiche, que je t'enlève ton mari, dit-
elle à son amie, Mme Désarménien. Tu
enlèveras le mien.
Il va sans dire que Mme Froidure usa
d'un autre verbe que le verbe c enle-
ver ». Elle étaya son pari d'un enjeu
de 20 francs.
Mme IDésarménien ne fit aucune dif-
ficulté pour consentir à cet échange.
Elle prétend, maintenant, que ce fut du
bout des lèvres et que si elle se consola
auprès de M. Froidure, veuf provisoire
comme elle était devenue veuve provi-
soire, ce fut plutôt pour pleurer avec
lui que pour se venger.
Toujours est-il que le reste des vacan-
ces s'acheva dans cette situation d'inter-
version des ménages.
Des coups de hache
dans le contrat
Au retour, à Bois-Colombes, les cho-
ses rentrèrent relativement dans l'ordre.
Bois-Colombes est trop éloigné de la mer
pour que l'air salin y agisse sur les sens.
On trouva un modus vivendi. Mme Froi-
dure, décidément insatiable et infatiga-
ble, rendait à M. Désarménien des visites
qui obligeaient Mme Désarménien à se
retirer discrètement et pudiquement.
Un jour elle en eut assez. La consola-
tion auprès de M. Froidure, à laquelle
elle avait, d'ailleurs, depuis longtemps
renoncé, n'avait point éteint la jalousie
de son cœur ulcéré.
Au beau milieu d'une nuit d'amour
de son mari et de son amie usurpatrice,
elle parut, une.hache à la main. Une
épouse irritée peut frapper aussi dure-
ment qu'une sourde. Les deux amants
furent sérieusement blessés.
Dans le box des détenus, Mme Désar-
ménien apparaît sous l'aspect imprévu
d'une Mater Dolorosa. Elle a trente-sept
ans, en paraît largement dix de plus et
ne sait que pleurer lorsque le président
Fourier lui rappelle son passé qui est
sans tache.
Mme Froidure, qui n'a que vingt-qua.
tre ans et dont le visage rubicond paraît
tout réjoui en ce jour, qu'elle considère
comme un jour de revanche, se tient à
la barre des témoins, dans une curieuse
LES MARIS : M. FROIDURE
et (en bas), M. DÉSARMÉNIEN
posture, le chapeau à la main comme un
homme!
Cependant, Mme Désarménien recon-
naît le curieux échange de maris et de
femmes.
Le président Fournier. On ne com-
prend pas votre accès de jalousie après
ce à quoi vous avez* consenti. Vous avez
frappé la femme Froidure de quatre coups
de hachette.
Mme Désarménien (entre' deux san-
glots). — Un seul coup à chacun. Je vou-
lais m'en aller. - Ils n'avaient qu'à me
laisser partir.
Mme Froidure, qui dépose ensuite.
commence par une étrange déclaration.
A l'en croire, c'est Mme Désarménien
qui, la première, songea à lui prendre
son mari.
Mme Froidure. — Dès que 4e lui ai
présenté mon mari, elle a été folle de lui.
Elle confirme la réalité de l'étonnant
pari
Mme Froidure. — J'avais proposé un
pari de cent francs. Mme Désarménien
m'a dit : « C'est trop !. Vingt francs. »
Le lendemain, on buvait l'apéritif avec
les vingt francs. C'était pour fêter
l'échange des maris.
Mme Froidure tire, à sa manière, la
moralité de l'affaire.
Mme Froidure. — En tout cas, elle
n'avait pas besoin de me tuer.
Le président Fourier. — Vous n'êtes
pas morte, heureusement.
Mme Froidure (montrant son bras droit).
— Mais je suis estropiée.
« Les choses étaient
tellement bien arrangées »
M. Désarménien, le second blessé, un
grand bel homme, aux bésicles d'or, dé-
clare que « les choses étaient tellement
bien arrangées » que sa femme a dû agir
dans un accès de folie.
— Il est prêt à la reprendre.
M. Froidure, qui n'a pas quitté la
sienne, conserve à la barre de Conrart,
le silence prudent. Il se contente de dire
qu'il a « pleuré avec Mme Désarmé-
nien », au cours de leurs tête-à-tête.
Le substitut Bastide sait être à la fois
spirituel et sévère. pour la partie ci-
vile Mme Froidure, « mauvais génie de
l'affaire », pour qui plaide ensuite, avec
un entrain que rien ne démonte, M"
Théodore Valensi.
M* Odette Moreau prononce une dé-
fense touchante de Mme Désarménien.
Mme Simone Désarménien est con-
damnée à 6 mois de prison et 50 francs
d'amende. Elle devra, en outre, verser
à sa rivale 5.000 francs de dommages-
intérêts.
GEQ LONDON,
LE JOURNAL
Le numéro iz 40 cent. (NP, 1*6507)
PARIS, 100, RUE DE RICHELIEU,
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Mercredi 29 Décembre 1937
Ateliers PAUL GIORDANO
22, Rue Marsorilan ggg
PARIS
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Revue
IDustrée NI, 10
franco
sur demande
if Adorée des enfants
L'hiver, oe laissez iamais
sortir vos enfants sans
Réglisse Florent
Friandise incomparable Pectoral sans rival
~M~M~~M~~
XII
GRÈVE GÉNÉRALE CE MATIN
des services publics municipaux?
Le comité intersyndical a pris hier soir cette décision
MÉtRO ET T.C.R.P. SE JOIGNENT AU MOUVEMENT
ON PENSE QUE LES OUVRIERS DU GAZ, DES EAUX ET DE L'ÉLECTRICITÉ, ASSURERONT
LA PRODUCTION ET LA DISTRIBUTION ET SE BORNERONT A UNE GRÈVE SYMBOLIQUE
Arrêt du travail, de 14 à 16 heures seulement, dans les hôpitaux et asiles
Cette grave décision répond
à un vote du conseil munici-
pal qui ne donne pas satis-
faction aux revendications
des intéressés concernant
leurs traitements.
AUCUN ACCORD
N'EST ENCORE
INTERVENU DANS
LE CONFLIT
DES TRANSPORTS
La délégation patronale des entreprises de transports photographiée à
l'Hôtel Matignon. — Au centre, M. BONHOMME qui la conduisait.
Si le mot d'ordre de l'intersyndical
des services publics est rigoureusement
appliqué ce matin il en résultera un
trouble profond dans la vie parisienne,
car tous les services municipaux, dé-
partementaux, concédés et assimilés se-
ront arrêtés ou fonctionneront au ra-
lenti. Avant d'examiner les causes du
conflit, exposées par l'administration
préfectorale et les délégués des grévis-
tes, voyons quelles seront les réper-
cussions de cette grève générale qui a
---éclaté brusquement ail suJet" d'une
question de salaires pour le petit per-
sonnel.
Tout d'abord « devront faire grève »
les « auteurs » du mouvement : les
travailleurs municipaux, c'est-à-dire
tous les employés et ouvriers des admi-
nistrations municipales ou départemen-
tales de la Seine, depuis le garçon de
bureau de l'Hôtel de Ville jusqu'aux
égoutiers, cantonniers, gardiens de
squares, de cimetières, personnel des
mairies, de l'assistance publique (sauf
les infirmiers qui ne devront interrom-
pre leur service que de 14 à 16 heures).
Et même le personnel de la Bourse du
Travail, qui pourrait fort bien être en-
traîné dans le mouvement.
La grève doit être effective, égale-
ment, dans les services concédés com-
me les eaux, le gaz, l'électricité. Mais
on pense que l'eau, le gaz et l'électri-
cité seront régulièrement produits et
distribués. La grève serait seulement
« symbolique » dans les services de
production.
Enfin, ce qui gênera le plus les Pa-
risiens c'est qu'elle doit s'étendre au
métro et à la S. T. C. R. P. Les délé-
gués de tous les dépôts et garages en
ont pris, hier soir, à une heure d'in-
tervalle, la responsabilité. n est impor-
tant de signaler que lors des précéden-
tes grèves l'interruption des transports
en commun - sauf en 1919 et 1920 -
n'avait jamais été supérieure à 24 heu-
res dans les transports en commun. Le
plus souvent même, elle avait été limi-
tée à quelques minutes ou à quelques
heures. Cette fois, nous sommes mena-
cés d'une grève illimitée des transports
en commun. Cependant, si la grève est
relativement facile dans lés transports
en surface elle l'est moins en souter-
rain, et il se pourrait que la Compa-
gnie du métro assurât un service réduit
sur toutes ses lignes.
LES CAUSES
DU CONFLIT
Examinons maintenant quelles sont les
causes du conflit. Voici tout d'abord la
thèse officielle :
Le vote du Conseil municipal qui a
motivé la décision des syndicats a été
émis dans la nuit de lundi à mardi, a
1 heure 40.
M. Contenot, rapporteur du personnel,
a exposé que le préfet proposait d'appli-
quer au personnel municipal les mesures
prises par l'Etat en faveur de son per-
sonnel, justifiées par les deux dévalua-
tions de 1936 et 1937.
Le « supplément temporaire de traite-
ment » alloué aux fonctionnaires de l'Etat
varie de 2.400 fr. à 1.000 fr. par an. L in-
demnité de résidence est portée à 2.700 frs.
Certains membres du Conseil ont de-
mandé que le supplément temporaire soit
fixé à 3.000 francs en conservant au per-
sonnel l'avance qu'il a prise en janvier
dernier sur le personnel de l'Etat. Cette
demande n'était pas admissible dans l'état
actuel des finances de la Ville de Paris
qui a accordé 1.800 francs au lieu de
1.200 francs accordés par l'Etat.
Hier l'administration a fait appliquer au
personnel municipal exactement le même
régime que celui appliqué par l'Etat à ses
fonctionnaires. C'était là la solution équi-
table, car l'indemnité de 1.800 francs don-
née en janvier n'était qu'une avance pro-
visoire.
Le Conseil municipal a voté les conclu-
sions du préfet de la Seine, par 47 voix
contre 9, et a repoussé les propositions
émises par MM. Le Gall et Castèllaz. qui
augmentaient considérablement les chif-
fres du mémoire préfectoral.
La thèse des travailleurs
municipaux
• Il convient de placer, en face de ces dé-
clarations, le texte de la résolution votée
hier soir, vers 20 h. 30, à la Bourse du
travail, par les délégués des travailleurs
municipaux réunis en comité intersyndical
des services publics et qui expose la thèse
ouvrière :
Les préfets de la Seine et de police ont
déposé un mémoire concernant les traite-
ments et salaires du personnel. Ce mémoire,
que nous avions déjà- dénoncé au ministre
de l'intérieur et au préfet de la Seine, a été
voté par la majorité du conseil municipal de
Paris, au cours de la séance qui s'est tenue
dans la nuit du 27 au 28 décembre.
La majorité du conseil municipal, suivant
les représentants du gouvernement, n'entend
accorder qu'une indemnité de 50 francs par
mois aux catégories de base des deux pré-
fectures, c'est-à-dire la moitié, de. ce que
l'Etat a accordé à ses fonctionnaires.
C'est une véritable provocation que le per-
sonnet de la fonction publique de la, régions
parisienne ne saurait tolérer plus longtemps,
laissant la responsabilité des incidents qui1
s'ensuivront à ceux qui les auront provoqués;
Aussitôt qu'il a eu connaissance du vote,
l'intersyndical des services publics a convo-
qué sa commission exécutive et a examiné
très sérieusement les conséquences d'un tel
vote. Une assemblée des délégués syndicaux
pour chaque syndicat a été convoquée de
toute urgence hier soir.
LA SUITE EN y PAGE, 1" COLONNE
EN 2E PAGE :
ARTICLES DE PARIS
EN 3E PAGE, 3e COLONNE :
MON FILM
par CLÉMENT VAUTEL.
EN 5e PAGE, 1RE COLONNE :
Souvenirs de Canton-la-Rouge : Tcheng
le Terroriste,
~r.js~
A PROPOS DES 40 HEURES
DANS LES HOPITAUX 1
UNE LETTRE
de M. Georges Duhamel
A la suite de son article de lundi dernier, « l'Hôpital et les Pauvres », notre
éminent collaborateur et ami Lucien Descaves a reçu de M. Georges Duhamel
une lettre dont celui-ci souhaite la publication. La voici donc. Lucien Descaves,
jugeant regrettable le bruit fait autour de ce débat, préfère ne pas la com-
menter. Mais il maintient intégralement le point de vue exposé dans son article.
Mon cher Lucien Descaves,
Ne pas inquiéter le grand public ?
Le tenir à l'écart d'un débat qui
doit, qui aurait dû rester secret ?
Mais, mon bon ami, je ne demandais
pas autre chose. J'aurais pu poser
la question dans la grande presse.
Je m'en suis soigneusement abstenu.
C'est l'Académie de médecine que
j'ai prise à témoin. Je possède un
dossier de textes, à moi communi-
qués par des praticiens de grande
valeur, Parisiens et provinciaux, par
des chirurgiens et médecins des
hôpitaux, par des professeurs, des
membres de l'Académie de méde-
cine et de l'Académie de chirurgie.
On m'a déjà proposé de publier ce
dossier en brochure. Je n'en ferai
rien. Le dossier sera remis demain à
l'Académie de médecine et cette
compagnie fera ce qu'elle jugera bon
et nécessaire. Avoir raison bruyam-
ment ? Je ne veux surtout rien de
tel. Je veux, comme toi-, les Fran-
çais, que la loi soit appliquée avec
mesure et humanité. Je souhaite que
les syndicats professionnels du per-
sonnel soignant finissent par com-
prendre que je n'agis pas contre eux,
mais dans l'intérêt moral de leur
corporation et donc, dans l'intérêt
des malades.
Qu'un lutteur de votre âge et de
votre valeur me conseille la circons-
pection, voilà qui suffirait à me faire
réfléchir si je n'avais déjà beaucoup
réfléchi. Cher et généreux ami, je
vous connais depuis longtemps : je
ne vous montrerai pas mon dossier,
pour ne pas vous enflammer à votre
tour. L'Académie jugera seule. Et
moi, je retomberai, de bon coeur,
dans le silence.
A vous affectueusement,
GEORGES DUHAMEL,
de l'Académie française,
membre de L'Académie de médecine.
.- Et pour toutes les bourses j'ai créé une formule populaire :
(( Je vous la souhaite-)) au prix incroyable de dix francs.
(Dessin de CAEKXZSY.)
IMPORTANTES DÉCLARATIONS
DE M. EUGÈNE DELONCLE
Interrogé par le juge d'instruction, le
chef du C.S.A.R. a affirmé qu'un putsch
communiste devait éclater dans la nuit
du 15 au 16 Novembre dernier
QUELQUES JOURS AVANT IL AVAIT FAIT
PRÉVENIR LE MINISTRE DE LA GUERRE ET
DE HAUTES PERSONNALITÉS DE LtTAT-
MAJOR GÉNÉRAL DE L'ARMÉE
Un officier de la maison militaire du Président de
la République lui avait demandé - dit-il - de contri-
buer éventuellement à la sécurité de l'Elysée
Considéré comme l'un des principaux
chefs du mouvement anticommuniste de
la « Cagoule », M. Eugène Deloncle, admi-
nistrateur délégué de la Caisse hypothé-
caire fluviale et maritime, 78, rue de
Provence, a été longuement interrogé,
hier, par M. BétfaJJ^jj^^d'insftruction, en
présence de sesaéfenseurs, Me René Gain(
Laurent Cely et Geouffre de la Pradelle.
M. Eugène Deloncle a fait spontané-
ment au magistrat instructeur les décla-
rations suivantes :
En ce qui concerne le putsch com-
muniste qui devait se déclencher dans la
nuit du 15 au 16 novembre, comme sur
les démarches qu'il a faites ou provoquées
auprès des autorités civiles et militaires,
afin de déjouer ce putsch — nous sommes
tel mesure de préciser, de la façon la
plus formelle — que ces démarches ont
été de quatre ordres î
1°) Personnalités civiles averties.
Ces dernières ont été MM. Boutteville,
ingénieur en chef des ponts et chaussées,
en congé, adjoint de M. Mercier, président
général de l'Union de l'électricité.
Par M. Boutteville, M. Eugène Delon-
cle a approché M. Mercier, le 9 novembre
dernier, afin de le mettre au courant du
mouvement révolutionnaire communiste
en préparation. Au cours de cette entre-
vue, M. Deloncle a fourni des renseigne-
ments importants sur ce mouvement, et
leur gravité parut telle que M. Mercier
lui répondit « qu'il venait de recevoir un
recoupement identique émanant d'une
haute personnalité — un ancien \ninistre
— lui indiquant que le putsch commu-
niste était extrêmement proche et fixait
comme limite d'exécution la date du 16
novembre, jour de là rentrée des Cham-
bres.
Ces renseignements corroboraient ceux
de M. Eugène Deloncle, quoique n'éma-
nant pas de la même source. M. Mercier
téléphona aussitôt à la personnalité politi-
que à laquelle il a été fait allusion, c'est-à-
dire à l'ancien ministre, et il fut convenu
« qu'il insisterait auprès" d'elle en raison
des recoupements concordants, pour que
l'état-major général de l'armée soit pré-
venu ».
LA SUITE EN 38 PAGE, 3" COLONNE
Le Sénat a voté hier
huit budgets de ministères
* , ,
LE DÉBAT A DONNE LIEU A DE VËRII
TABLES INTERPELLATIONS POLITIQUES
LIRE EN 4. PAGE, 1" COLONNE LE COMPTE RENDU DES DEBATS
Maurice Rave! est mort
« Son œuvre nous reste qui suffit à porter sa gloire
aux quatre coins du monde, à faire de notre condis-
ciple de la classe de Gabriel Fauré un des plus grands
maîtres de la musique éternelle. »
Par Louis AUBERT
UNE EXPRESSION DU MAITRE DISPARU, AU COURS D'UN RÉCENT CONCERT
A L'ÉTRANGER, OU L'ON INTERPRÉTAIT L'UNE DE SES ŒUVRES _4
Maurice Ravel est mort. Depuis de
longs mois, on suivait avec angoisse les
progrès du mal qui l'avait assailli au
lendemain même d'une de ses plus gran-
des victoires : l'achèvement de ce « Con-
certo de piano pour la main, gauche »,
qui nous apparaît, aujourd'hui, dans sa
sobre grandeur, comme le cri suprême
du génie foudroyé au sommet de son vol.
Avec l'espoir d'une guérison chaque
jour plus improbable, c'était ensuite ce-
lui de voir la musique française s'enri-
chir des trésors non encore divulgués
qu'il avait en réserve, qu'il savait avoir
en réserve. Car ce n'est pas un des moins
tragiques aspects de la tragédie de ses
deux dernières années que cette cons-
cience où il fut jusqu'à la fin de partir
trop tôt, alors que tant lui restait encore
à dire.
Cette œuvre au moins nous reste, qui.
suffit à porter aux quatre coins du mon-
de la gloire de Maurice Ravel, à faire
de notre ancien condisciple de la classe
de Gabriel Fauré un des plus grands
maîtres de la musique étemelle. Un des
plus grands, et un des .plus personnels,
car quel auteur a plus profondément
marqué de sa griffe les ouvrages nés de
son esprit créateur ?. Un des plus per-
sonnels et des plus variés dans l'expres-
sion de leur pensée, car Ravel a, plus
que personne, ce don de renouvellement
constant où se reconnaît l'Elu de la na-
ture.
Il faudrait, pour décrire avec un mi-
nimum de fidélité, cette personnalité
multiple, précieuse et raffinée, plusieurs
colonnes et une liberté d'esprit que la
cruauté d'une aussi grande perte ne sau-
rait laisser à quiconque, à plus forte
raison à l'un de ses anciens camarades de
lutte.
Bornons-nous à marquer de quelques
titres les étapes principales de sa magni.
fique carrière. Et tout d'abord le célè-
gre « Quatuor à cordes », qui, dans la
musique de chambre contemporaine, fait
pendant à celui de Claude Debussy. Un
peu plus tard, la si pure et si poétique
suite de « Ma Mère l'Oye », puis son
œuvre peut-être la plus illustre, * Daph-
nis et Chloé », qui, sous forme de ballet,
est au répertoire de l'Opéra après avoir
été à celui des ballets russes et, sous
forme de suite de concert, a soulevé l'en-
thousiasjne des foules du monde entier.
A la période d'avant-guerre, appar-
tient également « l'Heure espagnole », un.
opéra bouffe d'irrésistible verve.
Depuis la guerre, se succédèrent la très
fameuse « Valse », « l'Enfant et les
sortilèges », deux actes moins univer-
sellement connus, mais où nous voyons
avec beaucoup d'autres, une de ses plus
étonnantes réussites. « Le Boléro », sur
lequel il est superflu d'insister, les deux
« Concertos pour piano ». Je passe na-
turellement sur quantité d'œuvres de
moindre importance, mais non moins ad-
mirables, entre autres ce pur chef-
d'œuvre: « le Tombeau de Couperin ».
Dans toutcela, rien qui soit inférieur.
La qualité de l'idée, la perfection de la
mise en œuvre, l'harmonie des propor-
tions, tout dénonce le grand artiste, d'es-
prit aristocratique, le type même du mu-
sicien français dans ce qu'il peut être de
plus subtil, de plus clair et de plus puis-
sant.*
Il est rare qu'avec une aussi complète,
une aussi tranquille certitude, on puisse
saluer, devant la dépouille d'un grand
musicien, son entrée dans l'immortalité.
M. GOGA
a formé le nouveau
cabinet roumain
M. GOGA, chef du parti raciste
national-chrétien. — Lire notre
dépêche en 5e page, 1re colonne.
L'étonnant quadrille
de deux ménages
.interchangeables
s'achève par une
"figure" judiciaire
On s'attendait à ce que l'histoire tragi-comique,
soumise hier à l'appréciation de la 14* chambre correc-
tionnelle, eût pour héros des névrosés, des blasés, ayant
goûté aux plaisirs les plus pernicieux de la vie, revenus
de tout parce qu'ils ont usé de tout.
Il n'en est rien : les Désarménien et les Froidure, qui
ont imaginé de se livrer à une fantaisie conjugale d'une
hardiesse assez inédite, sont deux couples de modestes
travailleurs (l'un des maris est contremaître, l'autre
comptable) habitant Bois-Colombes. On les imaginerait
volontiers orthodoxes, conformistes, vieux jeu, c pot au
feu » pour tout dire.
Ah ! quelle erreur !
Il a suffi des « vacances payées », de l'air de la mer,
des déshabillés sur la plage pour tourner les quatre
solides têtes.
Mme DÉSARMÉNIEN
Mme FROIDURE
A Deauville, Albertine Froidure eut
une idée :
— Chiche, que je t'enlève ton mari, dit-
elle à son amie, Mme Désarménien. Tu
enlèveras le mien.
Il va sans dire que Mme Froidure usa
d'un autre verbe que le verbe c enle-
ver ». Elle étaya son pari d'un enjeu
de 20 francs.
Mme IDésarménien ne fit aucune dif-
ficulté pour consentir à cet échange.
Elle prétend, maintenant, que ce fut du
bout des lèvres et que si elle se consola
auprès de M. Froidure, veuf provisoire
comme elle était devenue veuve provi-
soire, ce fut plutôt pour pleurer avec
lui que pour se venger.
Toujours est-il que le reste des vacan-
ces s'acheva dans cette situation d'inter-
version des ménages.
Des coups de hache
dans le contrat
Au retour, à Bois-Colombes, les cho-
ses rentrèrent relativement dans l'ordre.
Bois-Colombes est trop éloigné de la mer
pour que l'air salin y agisse sur les sens.
On trouva un modus vivendi. Mme Froi-
dure, décidément insatiable et infatiga-
ble, rendait à M. Désarménien des visites
qui obligeaient Mme Désarménien à se
retirer discrètement et pudiquement.
Un jour elle en eut assez. La consola-
tion auprès de M. Froidure, à laquelle
elle avait, d'ailleurs, depuis longtemps
renoncé, n'avait point éteint la jalousie
de son cœur ulcéré.
Au beau milieu d'une nuit d'amour
de son mari et de son amie usurpatrice,
elle parut, une.hache à la main. Une
épouse irritée peut frapper aussi dure-
ment qu'une sourde. Les deux amants
furent sérieusement blessés.
Dans le box des détenus, Mme Désar-
ménien apparaît sous l'aspect imprévu
d'une Mater Dolorosa. Elle a trente-sept
ans, en paraît largement dix de plus et
ne sait que pleurer lorsque le président
Fourier lui rappelle son passé qui est
sans tache.
Mme Froidure, qui n'a que vingt-qua.
tre ans et dont le visage rubicond paraît
tout réjoui en ce jour, qu'elle considère
comme un jour de revanche, se tient à
la barre des témoins, dans une curieuse
LES MARIS : M. FROIDURE
et (en bas), M. DÉSARMÉNIEN
posture, le chapeau à la main comme un
homme!
Cependant, Mme Désarménien recon-
naît le curieux échange de maris et de
femmes.
Le président Fournier. On ne com-
prend pas votre accès de jalousie après
ce à quoi vous avez* consenti. Vous avez
frappé la femme Froidure de quatre coups
de hachette.
Mme Désarménien (entre' deux san-
glots). — Un seul coup à chacun. Je vou-
lais m'en aller. - Ils n'avaient qu'à me
laisser partir.
Mme Froidure, qui dépose ensuite.
commence par une étrange déclaration.
A l'en croire, c'est Mme Désarménien
qui, la première, songea à lui prendre
son mari.
Mme Froidure. — Dès que 4e lui ai
présenté mon mari, elle a été folle de lui.
Elle confirme la réalité de l'étonnant
pari
Mme Froidure. — J'avais proposé un
pari de cent francs. Mme Désarménien
m'a dit : « C'est trop !. Vingt francs. »
Le lendemain, on buvait l'apéritif avec
les vingt francs. C'était pour fêter
l'échange des maris.
Mme Froidure tire, à sa manière, la
moralité de l'affaire.
Mme Froidure. — En tout cas, elle
n'avait pas besoin de me tuer.
Le président Fourier. — Vous n'êtes
pas morte, heureusement.
Mme Froidure (montrant son bras droit).
— Mais je suis estropiée.
« Les choses étaient
tellement bien arrangées »
M. Désarménien, le second blessé, un
grand bel homme, aux bésicles d'or, dé-
clare que « les choses étaient tellement
bien arrangées » que sa femme a dû agir
dans un accès de folie.
— Il est prêt à la reprendre.
M. Froidure, qui n'a pas quitté la
sienne, conserve à la barre de Conrart,
le silence prudent. Il se contente de dire
qu'il a « pleuré avec Mme Désarmé-
nien », au cours de leurs tête-à-tête.
Le substitut Bastide sait être à la fois
spirituel et sévère. pour la partie ci-
vile Mme Froidure, « mauvais génie de
l'affaire », pour qui plaide ensuite, avec
un entrain que rien ne démonte, M"
Théodore Valensi.
M* Odette Moreau prononce une dé-
fense touchante de Mme Désarménien.
Mme Simone Désarménien est con-
damnée à 6 mois de prison et 50 francs
d'amende. Elle devra, en outre, verser
à sa rivale 5.000 francs de dommages-
intérêts.
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