Titre : Le Journal
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1897-10-17
Contributeur : Xau, Fernand (1852-1899). Directeur de publication
Contributeur : Letellier, Henri (1867-1960). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34473289x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 17 octobre 1897 17 octobre 1897
Description : 1897/10/17 (N1846,A6). 1897/10/17 (N1846,A6).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG87 Collection numérique : BIPFPIG87
Description : Collection numérique : BIPFPIG13 Collection numérique : BIPFPIG13
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k76184356
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-220
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/07/2014
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IXIEME ANNEE. — N° 1846 *' ( Centimes — Paris et Départements — C!ixYO' Centimes
IXIEI\IE ANNEE. - No l8lt6 lu 0 Ar-"
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DIMANCHE 17 OCTOBRE IS07
Quotidien, Littéraire, Artistique et Politique
è"
FERNAND XAU
Directeur
RÉDACTION
100, RUE RICHELIEU, PARIS
prix des Abonnements
En in Biltii !.w"
- .- -
PARis 20. D 10.50 5750
DÉPARTEMENTS ET ALGÉRIE 24. » 12. » 6. »
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Rédaction 103-10
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n 8..;2;. Zz,:, E'cpéchcs
Irrévocablement
SAMEDI PROCHAIN 23 OCTOBRE
le JOURNAL commencera la publication de
PARIS
GRAND ROMAN INÉDIT
PAR
EMILE ZOLA
Eta l'Illustre - Ecrivain
Une chambre à coucher, très riche et de
très mauvais goùt. Mobilier mi-anglais,
- mi-Louis XVI.
L'illustre écrivain est couché. Il parcourt
avidement les journaux du matin.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN, en froissant un
journal. — Et cette canaille de Mareuil
qui dînait chez moi avant-hier, et qui
n'a pas trouvé le moyen de glisser mon
nom dans sa chronique. Elle est forte,
celle-là !. Non, mais ils s'imaginent que
je les invite pour mon plaisir!;. Elle
est forte, celle-là ! (Entre le valet de
chambre.)
LE VALET DE CHAMBRE. - Monsieur,
c'est encore un reporter.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Ah ! ah !
LE VALET DE CHAMBRE. — Celui qui
vient, toutes les semaines, interviewer
Monsieur!
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Ah! oui, cet
imbécile!. Ce qu'il va encore me raser,
celui-là!. Faites entrer.
LE VALET DE CHAMBRE.—Dans la cham-
bre de Monsieur?
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Dans ma
chambre, oui!. Il connaît ie salon, ia
salle à manger, le fumoir, le cabinet de
travail. il connaît la cuisine, les water-
elosets. il connaît tout, excepté ma
chambre. il faut bien varier le décor.
LE VALET DE CHAMBRE. — C'est juste !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. - Dites-inoI-'!.
Avant de le faire entrer, éparpillez, sur
les meubles, sur les chaises, sur les ta-
pis, partout. des cartes de visite, des
invitations. les plus chic. adroitement,
négligemment.
LE VALET DE CHAMBRE. — Comme tou-
jours.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Et puis, VOUS
irez chercher mon nouveau nécessaire
de voyage.
LE VALET DE CHAMBRE. — Monsieur
part?.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Non. Vous le
placerez bien en vue. sur la table, là.
grand ouvert, bien entendu. Enfin, le
grand jeu!
LE VALET DE CHAMBRE. — Oui, Mon-
sieur.
Le valet de chambre dispose tout selon le
rite habituel.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Vous n'avez
rien oublié?. Non !. Faites entrer.
Entre le reporter. Petit, gringalet, l'œil
louche, le dos servile, infiniment respec-
tueux; il s'arrête sur le seuil de la porte
et salue.
LE REPORTER. -,- Mon cher maître!.
Veuillez m'excuser si j'ose, de si grand
matin.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN, tendant sa main.
- Entrez donc, cher ami, entrez donc.
LE REPORTER, il s'avance timidement,
en faisant des courbettes et des révé-
rences. - Excusez-moi. seulement, je.
mon cher maître !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Mais non !
mais non!. Vous êtes chez vous, ici,
vous le savez bien. D'abord, ce n'est
pas comme journaliste que je vous re-
çois. c'est comme ami. vous êtes un
ami.
LE REPORTER. — OH ! mon cher maî-
tre !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Mais si. mais
si. Vous êtes un ami. Et vous avez
beaucoup de talent.
LE REPORTER. — Mon cher maître !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Beaucoup de
talent. Votre article d'hier, vous savez,
c'est une page !
LE REPORTER. — Oh ! mon cher maî-
tre !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Mais asseyez-
vous donc, cher ami. vous déjeunez
avec moi, n'est-ce pas?
LE REPORTER. — Oh! mon cher maî-
tre !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN.'— Si, si. vous
déjeunez avec moi..- sans cérémonie,
n'est-ce pas?. Des œufs brouillés aux
truffes. des perdreaux truffés. des
foies de canard sautés aux truffes. une
salade de truffes.
LE REPORTER. — Oh ! mon cher maî-
tre 1
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Mon ordi-
naire!. Je vous traite en ami. Leduc
de Kau m'a promis aussi de venir dé-
jeuner ce matin. Je serais charmé qu'il
vous rencontrât. Il vous aime beau-
coup. vous trouve beaucoup de ta-
lent.
LE REPORTER. —Oh! mon cher maî-
tre !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. —D'ailleurs, tous
ceux à qui je parle de vous vous trou-
vent beaucoup de talent.
LE REPORTER. — Oh 1 mon cher maî-
tre !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Et maintenant,
causons. J'aime tant causer avec
vous !. (Le reporter jette dans la cham-
bre, autour de lui, des regards obliques,
des regards d'huissier.) Vous regardez
ma chambre?. Vous ne connaissiez pas
ma chambre?
LE REPORTER. — Non, mon cher maî-
tre.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. - Elle vous
plaît?
LE REPORTER. — Elle est admirable,
mon cher maître!. C'est une chambre
de prince !. {Il lire son ca?'ne4, Il s'ap-
prête à prendre des notes.) Vous permet-
tez ?
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. - Tant que vous
voudrez!. Mais pas comme journa-
liste. Comme ami 1 - ,-.'
j LE REPORTERJ il tâte chaque lneuble,
chaque bibelot, et les note. — C'est ad-
mirable!. c'est admirable 1. (Il exa-
mine le nécessaire de voyage.) C'est mer-
veilleux 1.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. - Il est amu-
sant, n'est-ce pas?. Il vient de Lon-
dres. C'est tout à fait nouveau. Cent
cinquante-deux pièces!. Par exemple,
c'est cher. Cinq. mille.
LE REPORTER. — Cinq mille !. C'est
merveilleux!. (Il note.)
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. —J'achète tout à
Londres, maintenant. mes chapeaux.
mes bottines. mes cravates. mes pa-
rapluies. En France, on n'a pas de
chic!. Et puis, c'est amusant!. J'ai
cent trois cravates !
LE REPORTER. — Cent trois cravates !.
C'est merveilleux!. (Il note.)
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Quarante
paires de bottines 1
LE REPORTER. — Quarante paires de
bottines!. C'est merveilleux!. (Il
note.)
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Je VOUS le ré-
pète 1 C'est comme ami que je vous
donne tous ces détails. C'est pour vous,
pour vous seul que vous prenez toutes
ces notes i
LE REPORTER, scrupuleux. — Oh ! mon
cher maître ! (Il s'attarde aux invitations
éparscs.) Ce n'est pas indiscret?
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Non ! puisque
c'est comme ami !
LE REPORTER, il note toutes les invi-
tations. — Et quels succès vous devez
avoir dans le monde!. C'est merveil-
leux !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. - Et si vous sa-
viez comme le monde m'ennuie'* J'y
vais. par mépris!
LE REPORTER, il examine une boîte re-
couverte de broderies. — Et ça ?. C'est
merveilleux !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN, négligemment. -
Oui ! c'est ma boîte à mouchoirs !. Elle
a été brodée, pour moi, par des femmes
du monde.
LE REPORTER, vivement. — Peut-on sa-
voir les noms?
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Oh! ça, non!
D'ailleurs, tout le monde les connaît à
Paris. On raconte là-dessus des histoi-
res. Vous savez, on exagère beau-
coup. Il n'y a pas le quart de ce que
l'on dit! On ne peut être vu en compa-
gnie d'une femme jolie et connue, sans
qu'aussitôt. c'est dégoûtant!. On exa-
gère, je vous assure, on exagère sou-
vent.
LE REPORTER, s'enhardissant. — Ah!
dame, mon cher maître, vous connaissez
le proverbe. On ne prête qu'aux ri-
ches !.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Sans doute !.
Mais cela ne regarde personne ! Et s'il
plaît à la princesse de. à la duchesse
de. à la marquise de. de venir chez
moi. cela ne regarde personne.
D'ailleurs, ce sont des amies, rien que
des amies. il n'y a pas ça entre nous,
pas ça !.
LE REPORTER, sceptique et enthousiaste.
— Il est bien certain que ça ne regarde
personne. Aussi, ne pourrait-on pas,
mon cher maître, adroitement, sans
citer de noms. ne pourrait-on pas dé-
mentir, par d'habiles allusions. Enfin,
vous savez, je suis à votre disposition.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. —Nous verrons,
quelque jour. Je sais que je puis
compter sur vous. Je vous donnerai
peut-être des notes. il faut attendre
une occasion. la publication de mon
prochain roman, par exemple!. Causons
d'autre chose. N'aviez-vous pas quelque
service à me demander ?
LE REPORTER. — Justement!. Vous
savez qu'il est beaucoup question de
votre prochain roman ?
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Vraiment?.
On en parle déjà beaucoup!. Quel
ennui!. J'ai tant horreur de la publi-
cité. On ne peut pas vivre tranquille
une minute. Etre célèbre, si vous sa-
viez comme c'est fatigant !
LE REPORTER. — Oh ! mon cher maî-
tre !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Si. si. très
fatigant! On ne s'appartient plus. Ah!
que de fois j'ai envié d'être obscur.
Tout ce bruit autour de mon nom m'é-
nerve et me rend malade. Ainsi, on
parle de mon roman?. Déjà?. Et qui
donc en parle ?
LE REPORTER. — Mais tout le monde,
mon cher maître. Mais tous les jour-
naux, mon cher maître.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Ah ! vrai-
ment!. Comme cela me désole !. Je ne
lis plus les journaux. je ne lis que vos
articles.
LE REPORTER. — Oh ! mon cher maî-
tre!
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Et pourquoi
les journaux en parlent-ils ?
LE REPORTER.— Ils ont raison. N'est-
ce pas là un événement considérable ?
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Sans doute.
Je crois, en effet, que mon roman sera
un événement considérable. J'ai, cette
fois-ci, carrément abordé un des pro-
blèmes les plus compliqués et les plus
éternels, et les plus particuliers aussi,
de l'amour. Je ne puis pas en dire da-
vantage, mais il y a là une thèse origi-
nale et brûlante, qui se développe dans
des milieux mondains, ultra-mondains,
et qui soulèvera bien des colères !. En-
fin, je crois que, de toutes mes œuvres,
c'est l'œuvre la plus forte, la plus par-
faite, la plus définitive. celle que je
préfère, pour tout dire. Mais je suis
bien dégoûté, allez !. Croiriez-vous que
tous les pays, que tous les journaux et
toutes les revues de tous les pays se dis-
putent mon roman!. On m'offre des
sommes colossales !. J'ai bien envie de
leur jouer, à tous, un bon tour. J'ai bien
envie de ne le publier qu'en volume.
un tirage restreint, pour les amis. des
amis comme vous, par exemple 1 Hein I
qu'en pensez-vous ?
LE REPORTER. — Vous ne pouvez p9;5
faire cela !. Vous ne pouvez pas priver
la patrie q.unê oeuvre de vous, d'un
chef-d'œuvre de vous, mon cher et illus-
tre maître. Ce serait plus qu'une trahi-
son envers la patrie, ce serait une for-
faiture envers l'humanité.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — C'est ce que
je me suis di t. Mais quels tracas 1
Quelle souffrance pour quelqu'un qui
'flétestg le bruit !. Ôù donc aller pour
me soustraire à toute cette agitation du
succès!. C'est inconcevable !.. partout
où je vais, je suis connu. Et ce sont
des fêtes, des invitations, des acclama-
tions. Imagineriez-vous que, l'année
dernière, dans le désert saharien, j'ai
dû subir les persécutions enthousiastes
des caravanes arabes!. Même au dé-
sert, il m'est impossible de garder l'in-
cognito !. C'est à devenir fou !. J'avais
songé à fuir, cette année, dans l'Afrique
centrale!. Mais qui me dit que, là en-
core, je ne serai pas poursuivi, acca-
paré!. Est-ce une vie?. Voulez-vous
me rendre un grand service?
LE REPORTER. — Oh ! mon cher maître !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — J'ai préparé
une note, pas trop longue, concernant
mon prochain roman. Vous la pu-
blierez, telle qu'elle, sous votre signa-
ture.
LE REPORTER. — Oh ! mon cher
maître !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Et j'espère
qu'après cela on me laissera peut-être
tranquille !. Vous permettez que je
m'habille ? (Il se lève et sonne son valet
de chambre.) Passons dans mon cabinet
de toilette. Vous pourrez prendre des
notes, si cela vous amuse, mais comme
ami, pour vous.
LE REPORTER. - Oh 1 mon cher
maître 1
Ils passent dans le cabinet de toilette.
LE REPORTER. — C'est merveilleux !.
C'est merveilleux !.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Ça vieht de
Londres !.
La conversation continue. *
OCTAVE MIRBEAU.
NOS ÉCHOS
HIER. — Beau temps.
Latemp.: Miaima: 3 h. n matin II* » au-dessus.
— Maxima: 2 h. »» soir 19°. —
Baromètre, à 9 heures du soir ; 759".
ÂWJOURD'HUI. — Beau temps
Aujourd'hui, à 1 heure 15, courses à Chantilly.
NOS FAVORIS
Prix de Mortefontaine. — Ecurie d'Harcourt,
Arcadie.
Prix d'Hallate. — Epouvante, Céladon.
Prix du Petit Couvert. — Mànitou, Catamarca.
Prix de la Salamandre. — Volnay, Fenouil.
Handicap limité. - Van Diémen, Le Mat.
Prix de la Table. — Géographie, Cléon.
LES QUOTIDIENNES
UNE MESSE
H
ier, la messe Rouge. Comme tous les ans,
à la rentrée, la magistrature s'est mise so-
lennellement sous l'inspiration d en haut, et
reliée à Dieu le père, pour la plus grande au-
torité des arrêts qu'elle rend en la présence
dominatrice de cette croix où mourut Dieu
le fils. Et les magistrats de toute robe étaient
là, non sans quelque orgueil d'appartenir à
une caste qui a su maintenir les vieux usages,
et au sein de laquelle, alors que de partout
ailleurs est bannie la prière, l'invocation à ce
qui est suprême, se conserve étonnamment
une mode, surannée, comme on sait.
J'avoue n'être nullement indisposé par une
telle cérémonie. Le tableau qu'elle offre,
même idoine à certains sourires, et d'un pit-
toresque si singulier, je ne le diminuerai point
par de faciles fantaisies. Mais puisque nos
juges, dès le début, mettent les opérations de
leur carrière et même de leurs consciences,
sous un tel patronage ; puisque la sincérité
de leur si complète et recueillie dévotion ne
doit faire doute pour personne, il semblera
qu'on ait le droit d'attendre de leur justice
quelque conformité avec un si noble idéal.
Au seuil de l'exercice judiciaire, ils préten-
dent mettre dans leur jeu un peu de la lu-
mière, de la pureté, de la miséricorde célestes,
c'est bien le moins qu'alors on exige d'eux
l'observation de tout ce qu'ils se vantent de
respecter.
Aussi bien, si la messe de la Sainte-Cha-
pelle ne doit aboutir qu'à tout ce que nous
avons vu déjà, aux simulacres, aux combi-
naisons, aux trames d'obscurs couloirs, aux
marchandages, aux capitulations, aux décep-
tions, aux tristesses du jour, mieux vaut lais-
ser Dieu là où il est. Ce n'est pas la peine de
se courber devant lui pour rester si éloigné
des vertus qu'incarne sa crainte ou son
amour, et de faire ainsi les petits anges pour
n'être à ce point que des hommes.
Alexandre Hepp.
L'ARMÊE
L
es exercices spéciaux au service de santé
i en campagne se sont terminés, hier, à
la Gare des Matelots, par l'embarquement et
le débarquement du matériel d'une ambu-
lance divisionnaire à quai et en pleine voie.
c
'est le 19 et le 20 que les troupes du
gouvernement de Paris exécuteront une
manœuvre de garnison.
La journée de mardi sera employée au
rassemblement des troupes dans les canton-
nements ; le soir, on établira les avant-pos-
tes dont le service fonctionnera toute la
nuit, et la manœuvre commencera sans doute
de très bonne heure le mercredi matin, d'a-
près l'hypothèse suivante :
Une armée d'investissement a rejeté les
troupes de la défense du camp retranché de
Paris sur la ligne des forts ; un corps ennemi,
maître de la forêt de Saint-Germain, a pu
prendre pied, à la faveur de la nuit, dans la
presqu'île de Houilles et tente le passage de
la Seine (dont les ponts sont supposés dé-
truits), pour faire irruption dans la presqu'île
de Nanterre. Les ouvrages du Mont-Valérien,
de Marly et de Cormeilles prêteront leur
concours aux troupes de la défense.
Les officiers de la réserve et de l'armée
qui voudront suivre cette manœuvre devront
se trouver, en tenue du jour, mercredi ma-
tin 20 octobre, à 7 h. 15, au pontdeBezons,
où ils seront reçus par un officier d'état-ma-
jor, spécialement désigné pour les guider et
leur fournir toutes les explications nécessai-
res. lis pourront prendre, à la gare Saint-
Lazare, soit le train de 6 h. 35, arrivant à la
Garenne-Bezons à 6 h. 52, soit le train de
6 h. 10, s'arrêtant à 6 h. 29 à Houilles (Car-
rières-Saint-Denis).
LA VILLE
A
la suite de sa « Quotidienne » consacrée
à une infortunée qui s'est vue repoussée
par l'Assistance publique M. Alexandre
Hepp a reçu l'obole d'une lectrice du Jour-
nal. Nous nous sommes empressés de la
faire parvenir à notre confrère de la Lan-
terne, qui, le premier, a conté et vérifié les
faits.
A
propos de bottes.
Il s'agit des bottes légendaires de
nos braves égoutiers. Elles donnent lieu à
conflit. L'administration avait, jusqu'en ces
derniers temps, charge de fournir à chaque
égoutier deux paires de bottes. Elle prétend
leur en retirer une, sous ce très bureaucra-
tique prétexte qu'il n'est pas de petites éco-
nomies. Et les égoutiers de se rebiffer, allé-
guant que des bottes de rechange leur sont
indispensables et qu'il leur faut bien laisser
sécher celles qui ont servi à leur dernier
voyage souterrain. Affaire d'hygiène.
Les choses en sont là et la solution de ce
différend intéresse prodigieusement le mar-
ché des cuirs — comme aussi la bourse des
« pieds-humides ».
L
e rajah de Kapourthala, qui a assisté au
Jubilé de la reine, est arrivé, hier matin,
de Bruxelles. Il restera huit jours a Pans
et s'embarquera à Marseille pour les Indes.
L
es journaux ont annoncé que M. Oscar
t Wilde avait fait recevoir à l'Œuvre une
pièce intitulée Pharaon. Le poète anglais
aurait, paraît-il, l'intention d'adjoindre un
sous-titre à sa pièce, qui s'appellerait désor-
mais Pharaon ou le Sonnet d'A.rvers.
L
es gaietés du progrès.
— Fais le bien tous les jours, a dit
M. Sarcey avec sa fine bonhomie, à propos
.d'une fonction délicate.
, Cette phrase de l'illustre critique sert de
point de mire à une réclame. dont on
devine l'objet.
C'est beau, la gloire.
D
epuis hier, la Patti est à Paris, complète-
ment guérie de l'eczéma qui la faisait
cruellement soutfnr.
La célèbre cantatrice est descendue à
l'hôtel. On se rappelle que, du temps de ses
débuts, l'étoile des Italiens habitait un grand
appartement de l'avenue des Champs-
Elysées. Le domestique de la maison com-
prenait : miss Louise, la gouvernante,
Caroline, la femme de chambre, une cuisi-
nière et un cocher.
Dans ses accès de gaieté, la diva se livrait
souvent à une plaisanterie qui était loin
d'amuser la soubrette.
Elle s'habillait, mettait une voilette épaisse,
s'échappait par l'escalier de service, venait
sonner à l'appartement, et demandait avec
une voix inaccoutumée :
— La Patti est-elle visible ?
On l'introduisait dans le salon, et le
quiproquo ne prenait fin que lorsque miss
Louise, survenant, confuse, s'excusait auprès
de la visiteuse de l'absence de la cantatrice,
qui, alors, éclatait de rire.
PARTOUT
u
n de nos confrères annonçait, hier matin,
que l'impératrice Frédéric serait sur le
point de convoler en secondes noces avec
l'ancien maréchal de la cour, le comte Sec-
kendorff. Notre confrère ajoutait même que le
mariage aurait déjà eu lieu secrètement.
Notre correspondant de Berlin nous télégra-
phie que, dans les cercles bien informés de
la capitale prussienne, on se montre très ré-
servé sur ce sujet. Pourtant, l'impression
générale est, ici, que la nouvelle donnée par
le journal parisien est erronée ; la preuve en
serait dans les rapports qui existent entre
l'empereur et sa mère, et qui n'ont jamais
été si cordiaux. L'empereur même, à l'occa-
sion de l'inauguration prochaine du monu-
ment de Frédéric III à Wienbaden, aurait
nommé l'impératrice douairière colonel du
80e régiment d'infanterie prussienne, en ac-
cordant, en outre, aux soldats de ce régiment,
la faveur de porter sur les épaules les mêmes
insignes que la garde royale prussienne. Il
est évident que si l'impératrice Frédéric
s'était mésalliée de la sorte en épousant un
membre de la noblesse prussienne, l'empe-
reur ne la comblerait pas d'honneurs, étant
donné son attitude envers sa sœur Sophie
qui, elle, a épousé, sans son consentement,
le prince héritier de Grèce.
CALEPIN
M
me Carnot a rendu, hier, visite, au châ-
teau de Rambouillet, à M. Félix Faure.
- Dîner intime offert au duc de Mandas par
le personnel de l'ambassade d'Espagne, à
l'occasion de son prochain départ. - En
raison de la fête de la Toussaint, qui tombe
cette année un lundi, l'Académie des scien-
ces a reporté sa séance ordinaire au 2 no-
vembre. - Lundi, ouverture, dans le grand
amphithéâtre de la Faculté de médecine de
Paris, du congrès de chirurgie. - A l'issue
du conseil d'hier, M. Hanotaux est parti
pour Saint-Quentin. - Mort de M. Léon
Orsat, député de l'arrondissement de Renne-
ville ; en 1869, il avait soutenu la candida-
ture de Jules Favre. - Les obsèques de M.
Hervieu, conseiller municipal de Paris, ont
été célébrées hier, au milieu de la plus grande
affluence ; les couronnes envoyées par la
Ville et le Conseil général, les discours pro-
noncés ont témoigné des sentiments de re-
gret que laisse cet excellent citoyen. - La
liste des membres des comités d'admission à
l'Exposition universelle sera publiée, lundi
matin, au Journal officiel. - Le décret qui
nomme M. de Reverseaux à l'ambassade de
Vienne porte que notre nouvel ambassadeur
remplace M. Lozé, « admis dans l'ordre de
la disponibilité » - - Le dîner des Amis de
Louis-le-Grand aura lieu samedi 23 au Cer-
cle militaire. On y fêtera M. Charles Blanc,
le nouveau préfet de police.- Vacance d'une
chaire de droit romain à la Faculté de Mont-'
pellier. - Nous apprenons le mariage de
Mlle Marguerite Baratte avec le docteur Guil-
laume Livet. «« Le prince Victor Napoléon
a quitté Bruxelles pour se rendre à Monca-
lieri auprès de sa mère, la princesse Clo-
tilde. - Annonçons l'apparition d'un journal
mensuel, le Cyclone, dont le directeur est M.
Gustave Salavy.
p
our les cadeaux de mariage, rien de plus
gracieux, de plus flatteur à offrir qu'une
des créations de Perret-Vibert, 33, rue du
Quatre-Septembre. Les petits meubles, vi-
trines, tables à thé, jardinières, lampes, lus-
tres, paravents, etc., sont toutes choses iné-
dites et d'un goût très personnel.
D
ès parents désespérés, connaissant un
de nos confrères, l'ont supplié de trou-
ver un moyen de sauver leur enrant, une
exquise jeune fille anémique au dernier de-
gré, à qui les soins les plus empressés n'ont
pu jusqu'ici rendre la santé. Notre confrère
a eu l'idée géniale d'écrire à tous les jour-
naux en les priant de demander à ceux de
leurs lecteurs qui avaient connu des cas
analogues « quel remède avait le mieux
réussi ». Nous ferons connaître les résultats
de ce plébiscite original qui intéresse toutes
les familles et permettra peut-être de prolon-
ger l'existence d'un être adoré. Adresser les
réponses au Courrier français, 19, rue des
Bons-Enfants.
D
emain, paraît le premier volume des Mé-
moires de M. Coron, qui ont obtenu
dans les colonnes du Journal un si grand
succès.
Le succès des volumes sera certainement
x aussi grand, car rarement il a été permis de
lire un ouvrage de psychologie sociale aussi
saisissant.
De l'invasion à l'anarchie, tel est le titre
de ce premier volume qui jette une lumière
curieuse sur tant d'événements contempo-
rains.
1
1 y a des noms de villes inséparables de
certains produits. C'est ainsi que le sau-
cisson doit être de Lyon, la moutarde de
Dijon, les biscuits de Reims, les madeleines
de Commercy, le nougat de Montélimar, l'a-
nisette de Bordeaux, etc. Rarement on
retrouve la maison qui, dans les siècles pas-
sés, a créé cette notoriété. Ce n'est pas le cas
de la maison Marie Brizard et Roger qui a
créé l'Anisette de Bordeaux au dix-huitième
siècle et a toujours conservé la même no-
toriété.
L
es présidents de toutes les corporations
de la Cité de Londres, les aldermen et
shérifs, viennent d'offrir un grand dîner
au lord-maire dont le mandat va prochaine-
ment prendre fin, sir Fandel Philips, bien
connu des Parisiens.
Le « White Room », le nouveau et somp-
tueux grand salon du Savoy-Restaurant,
avait été décoré spécialement pour cette
fête, et un chœur a chanté le Cod save the
Queen après le toast réglementaire porté à
Sa Majesté Britannique.
- - -
NOUVELLE A LA MAIN
z
Dé, la cuisinière, a permuté. Elle a quitté
les sapeurs-pompiers pour la musique
d un régiment d'infanterie. Mais ce change-
ment n'est pas du goût de sa patronne qui
lui donne ses huit jours.
— Pourtant, madame n'avait rien dit quand
elle avait vu un pompier dans ma cuisine.
— Possible ! mais un musicien s'en mê-
lant, l'anse du panier danserait vraiment trop !
PONTAILLAC.
- A l'occasion de la distribution des ré-
compenses, le Journal publiera, mardi
prochain, un premier
SUPPLÉ1IEWT ILLUSTRÉ
d'actualité sur l'Exposition de Bruxelles.
Ce Supplément sera, dans la huitaine,
suivi d'un autre spécialement consacré
aux récompenses.
P ALL- MALL SEMAINE
Par RAITIF DE LA BRETONNE
Samedi 9 octobre..— Eté pluvieux,
clair automne, un octobre chaud et doré
qui fait mentir les beaux vers de M. Ro-
denbach :
C'est le Soir, c'est Octobre; une cloche se plaint
Songeant confusément à des cloches futures,
Dont la tristesse en pleurs dans notre âme est déjà !
Le Soir s'installe, et rien de précis ne subsiste ;
Octobre aussi s'installe et nous revient plus triste
Depuis tous ces longs mois où seul il voyagea
Durant l'année, à la recherche de notre àme !
Mais une atmosphère d'ambre, comme
une maturité de l'année épandue * tra-
vers les choses, et dans l'or et la rouille
du Ranelagh, où je me promène, la cou-
leur presque chaude et diaprée du récit
de vendanges que me fait mon compa-
gnon, M. Henri Kist, le fils de l'éditeur
Kistemaker, hier encore à Toulon,
Toulon! et je revois la magnificence
de la rade par les claires matinées de ce
dernier printemps, le profil des vais-
seaux de haut bord sur 1 immense bas-
sin uni comme une moire, ici les an-
ciennes frégates à plusieurs ponts pein-
tes en gris, l'air de galions du grand
siècle, là les cuirasses modernes et les
torpilleurs avec leurs silhouettes d'usi-
nes scientifiques, le va-et-vient des ca-
nots de l'escadre volant entre les vais-
seaux et le port, et la précision miracu-
leuse de leurs rames se levant et s'abais-
sant dans la lumière, et c'est la vieille
Darse, et ce sont les rues puantes et
noires, mais si colorées et si grouillan-
tes, du Chapeau Rouge et du Pavé d'a-
mour, Toulon, enfin, au pied de sa mu-
raille de montagnes arides, comme écor-
chées par place et pourtant si pleines de
soleil.
Comme elle sent bien la Provence,
cette histoire de Moustouïr, Moustouille,
que me raconte M. Henri Kist, cette
grappe de raisins noirs que les garçons
de là-bas écrasent en riant sur la bou-
che des filles, ou lés filles sur les mous-
taches des garçons, barbouillage et pro-
vocation d'un sexe à l'autre qui appelle
le baiser et les amoureuses ripostes; et
l'amusant tableau que doivent faire, au
milieu des yignes, tous ces couples heu-
reux et un peu gris de vendangeuses et
de moustouilleurs.
Faire la moustouille, l'expression est-
elle assez charmante, colorée et vivante,
et comme elle est bien dans l'atmos-
phère du pays de la chatouille, de la ca-
resse et du frisson.
Mimi, c'est moi Baptistin,
Qui viens t'éveiller matin
Pour te faire la chatouille.
Pour te donner le frisson,
J'apporte le saucisson
Et le raisin de moustouille.
Oui, c'est bien une autre Grèce que-
cette région de la Provence, une autre
Grèce aussi claire, aussi gracieuse que
l'autre avec ses bois d'oliviers et de chê-
nes-lièges, et ses petites criques et ses
calanques bleues au pied de ses ro-
chers rouges, c'en est surtout l'atmos-
phère insoucieuse et païenne, le décor
d'idylle sensuelle et brève où l'amour
est comme une fleur qu'on cueille,
qu'on respire et puis qu'on jette sans
plus de regret, sûr qu'on est de re-
trouver encore la fleur demain, et des
phrases du dernier volume de Bourget
me revierinent,tout un passage de Voya-
geuses où l'auteur de Cosmopolis a senti
comme moi.
Une colonnade ruinée sur ces hauteurs,
et l'illusion serait complète, tant ce ciel
el celle mer, ces montagnes et ces grèves
ont la même nuance de lumière transpa-
rente que l'Attique ou le Péloponèse, et,
tout autour, ce même air vibrant, subtil,
alerte, qu'il suffit de respirer, croirait-on,
pour être gai de la gaieté légère des
Grecs et des Provençaux !
La gaieté de la moustouille.
Dimanche 10 octobre. — Un mot de
vieille femme, car les vieilles femmes,
celles qui avaient vingt ans sous l'em-
pire, ont souvent un esprit délicieux, et
puis l'automne n'est-il pas. la saison des
vieilles femmes? Dernièrement, dans un
château des environs de Paris, l'une
d'elles, grand'mère adorée de ses petits-
enfants et belle-mère aimée même de son
gendre, bref, une très aimable femme,
était prise à partie par un de nos jeunes
struggle-lifer. Quel hasard avait amené
au château ce jeune féroce, jou plutôt
quelle maladresse du maître de logis ?
Peu importe! toujours est-il que.les sen-
timents de la dame étaient assez violem-
ment battus en brèche par notre scepti-
que. « Comment, vous croyez encore à
l'amour ; comment, vous croyez encore
au mariage ; comment, vous croyez en-
core à l'armée, à la patrie, à l'honnê-
teté des femmes, à celle de votre fille;
comment, vous basez encore quelque
chose sur l'affection de vos petits-en-
fan ts ?»Et le siège était conduit avec toute
la science d'un lecteur assidu des Lettres
de Malaisie ou d'un fervent de Ml Ana-
tole France, socialisme et anarchie de
fins lettrés et dilettante à l'usage des
,banquiers dirigeants ; et la dame, indul-
gente, continuait de sourire sans se ren-
dre aux arguments; alors, notre orateur,
exquis d'ironie: «Allons, je vois, ma-
dame, que vous avez encore beaucoup
d'illusions. » A quoi la vieille dame, rési-
gnée: « Mon Dieu, oui, monsieur, ma
provision de voyage, de quoi supporter
mes compagnons de route. »
Lundi 11 octobre. — Le nom de Rose-
lia Rousseil, éclatant il y a trois jours
sur toutes les colonnes Morris, disparaît
déjà sous les nouvelles affiches; le flux
montant de la publicité a déjà mangé la
moitié du nom de l'actrice et tout/e pro-
gramme de son spectacle. Que rapportera
ce bénéfice, dont la date a déjà disparu,
recouverte par d'autres .programmes, et
dont deux noms seuls demeurent : Rous-
seil et Odéon,?
L'Odéon, Rousseil, quelle mélancolie!
cet Odéon où elle fut Phèdre et Athalie,
où elle créa le Drame sous Philippe 11,
de M. de Porto-Riche, Rousseil, oiji
l'Idole, de M. Paul Perret, Rousseil, que
les affiches d'alors représentaient de-
bout, extatique et martyre, avec une
4épée passée au travers du corps ; celle-
là, c'était la Rousseil triomphante ; celle
que-j'ai connue l'était déjà moins, maisl
son souvenir n'en est pas moins pi-
quant.
Je la rencontrais dans un salon lit-
téraire aujourd'hui disparu, chez Charles
Buet, l'auteur du Prêtre, qui habitait
alors dans les vagues solitudes de l'a- ,
venue de Villars. Buet recevait le jeudi £
salon catholique, intransigeant et lit- ;
téraire, où François Coppée coudoyait
Léon Bloy, et Léon Bloy Joris-Karl
Huysmans, venu là recueillir des docu-
ments pour son roman de Là-Bas, des
méchants ont même dit le portrait de
M. Chantelouve. Fréquentaient là aussi
des poètes, Laurent Tailhade et Victor
Margueritte ; des mages, Joséphin Péla-'
dan et Stanislas de Gayta, Charges Cros
et son frère, etc., etc. Paul Bourget avait
traversé ce salon, mais n'y venait déjà
plus; en revanche, d'Aurevilly y trônait,
on l'y appelait le Connétable, et Roselia
Rousseil, la Muse de ce salon, y décl-
inait son Sphinx des Pyramides, enthou-
siasmant poètes et Connétable sur la ri-
,chesse de ses rimes et sur l'ampleur de
ses beaux bras:
Ce Sphinx des Pyramides! Il était d'elle
et l'idée en était assez curieuse de ce
monstre de granit s'amourachant d»
premier consul.
Enfonce dans mes flancs ton éperon de fer.
Qui n'a pas entendu Rousseil réclamer
l'éperon de Bonaparte ne conjiaît vrai-
ment pas la grande tragédienne.
Ce Sphinx pyramidal, Roselia Rousseil
le déclamait un peu partout, même à
table d'hôte. J'habitais alors, rue de la
Michodière, un hôtel d'étrangers, et j'y
prenais la plupart de mes repas ; le soir,
c'était, autour de la table, Mme Nicolini,
la femme divorcée de Nicolini, ses en-
fants et Roselia Rousseil, à laquelle uil
vieux pensionnaire de la maison, un sé-
nateur, ma foi, M. Péronne, offrait sou-
vent le Champagne. J'étais invité à boire
aux succès de l'actrice et, au dessert,
une petite Nicolini, qui avait de la voix,
chantait très drôlement l'Adjudant et six
monture, qui était le couplet en vogue
d'alors; on attendait, pour organiser ce
concert intime, le départ des autres dtr
neurs, et, quand on était-bien seuls, entre
artistes, Rousseil (je m'en souviens -en-
core) se levait, majestueuse, et, se dra-
pant dans sa serviette, la mienne nouée
sur sa tête en coiffure de sphinx, noua
clamait imperturbable son grand poème
des Pyramides :
Enfonce dans mon flanc ton éperon de fer.
Mercredi 13 octobre. — Une visite :
c'est Henri de Groux, le peintre belge, le
de Groux du Christ aux outrages, l'ar-
tiste si justement mis en valeur par Oc-
tave Mirbeau, au Champ de Mars 1893, à
propos du Pardon breton et du Moïse
sauvé des eau» qu'il y exposa.
M. Henri de Groux a quitté Bruxelles,
où je le connus cet hiver ; M. Henri de
Groux, installé à Fontainebleau depuis
deux mois, a assez de la Belgique et dè
ses habitants, des Belges du Hainaut et
des Belges wallons. des suiveurs, dit-il,
car les Belges pensent en troupe et agis-
sent de même ; ils viennent toujours der-
rière quelqu'un,et,comme preuves à l'ap-
pui, il me cite, en effet, quelques écri-
vains belges (en peinture, je me récuse)
auxquels je suis contraint de reconnaî-
tre surtout un-don certain d'assimilation
et une facilité surQrenante" (J'imitai
IXIEME ANNEE. — N° 1846 *' ( Centimes — Paris et Départements — C!ixYO' Centimes
IXIEI\IE ANNEE. - No l8lt6 lu 0 Ar-"
1 |
! 1
DIMANCHE 17 OCTOBRE IS07
Quotidien, Littéraire, Artistique et Politique
è"
FERNAND XAU
Directeur
RÉDACTION
100, RUE RICHELIEU, PARIS
prix des Abonnements
En in Biltii !.w"
- .- -
PARis 20. D 10.50 5750
DÉPARTEMENTS ET ALGÉRIE 24. » 12. » 6. »
ÉTRANGER (UNION POSTALE) 35. » 18. D to..
Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus.
Adresser les matldats-poste à M. Y Administrateur.
Adresse télégraphique : JOURNAL-RICHELIEU-PARIS
FERNAND XAU
Directeur
ADMINISTRATION
ioo, RUE RICHELIEU, PARIS
Annonces, Réclames et Faits Divers
CHEZ LAGRANGE, CERF ET Ci'J
6, PLACE DE LA BOURSE
et dans les bureaux du JOURNAL
TÉLÉPHONE
Direction 102-96
IdmiûistïaUott,. 101-Q5
Rédaction 103-10
Grand-Hôlel (*). 235-51
n 8..;2;. Zz,:, E'cpéchcs
Irrévocablement
SAMEDI PROCHAIN 23 OCTOBRE
le JOURNAL commencera la publication de
PARIS
GRAND ROMAN INÉDIT
PAR
EMILE ZOLA
Eta l'Illustre - Ecrivain
Une chambre à coucher, très riche et de
très mauvais goùt. Mobilier mi-anglais,
- mi-Louis XVI.
L'illustre écrivain est couché. Il parcourt
avidement les journaux du matin.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN, en froissant un
journal. — Et cette canaille de Mareuil
qui dînait chez moi avant-hier, et qui
n'a pas trouvé le moyen de glisser mon
nom dans sa chronique. Elle est forte,
celle-là !. Non, mais ils s'imaginent que
je les invite pour mon plaisir!;. Elle
est forte, celle-là ! (Entre le valet de
chambre.)
LE VALET DE CHAMBRE. - Monsieur,
c'est encore un reporter.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Ah ! ah !
LE VALET DE CHAMBRE. — Celui qui
vient, toutes les semaines, interviewer
Monsieur!
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Ah! oui, cet
imbécile!. Ce qu'il va encore me raser,
celui-là!. Faites entrer.
LE VALET DE CHAMBRE.—Dans la cham-
bre de Monsieur?
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Dans ma
chambre, oui!. Il connaît ie salon, ia
salle à manger, le fumoir, le cabinet de
travail. il connaît la cuisine, les water-
elosets. il connaît tout, excepté ma
chambre. il faut bien varier le décor.
LE VALET DE CHAMBRE. — C'est juste !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. - Dites-inoI-'!.
Avant de le faire entrer, éparpillez, sur
les meubles, sur les chaises, sur les ta-
pis, partout. des cartes de visite, des
invitations. les plus chic. adroitement,
négligemment.
LE VALET DE CHAMBRE. — Comme tou-
jours.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Et puis, VOUS
irez chercher mon nouveau nécessaire
de voyage.
LE VALET DE CHAMBRE. — Monsieur
part?.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Non. Vous le
placerez bien en vue. sur la table, là.
grand ouvert, bien entendu. Enfin, le
grand jeu!
LE VALET DE CHAMBRE. — Oui, Mon-
sieur.
Le valet de chambre dispose tout selon le
rite habituel.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Vous n'avez
rien oublié?. Non !. Faites entrer.
Entre le reporter. Petit, gringalet, l'œil
louche, le dos servile, infiniment respec-
tueux; il s'arrête sur le seuil de la porte
et salue.
LE REPORTER. -,- Mon cher maître!.
Veuillez m'excuser si j'ose, de si grand
matin.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN, tendant sa main.
- Entrez donc, cher ami, entrez donc.
LE REPORTER, il s'avance timidement,
en faisant des courbettes et des révé-
rences. - Excusez-moi. seulement, je.
mon cher maître !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Mais non !
mais non!. Vous êtes chez vous, ici,
vous le savez bien. D'abord, ce n'est
pas comme journaliste que je vous re-
çois. c'est comme ami. vous êtes un
ami.
LE REPORTER. — OH ! mon cher maî-
tre !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Mais si. mais
si. Vous êtes un ami. Et vous avez
beaucoup de talent.
LE REPORTER. — Mon cher maître !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Beaucoup de
talent. Votre article d'hier, vous savez,
c'est une page !
LE REPORTER. — Oh ! mon cher maî-
tre !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Mais asseyez-
vous donc, cher ami. vous déjeunez
avec moi, n'est-ce pas?
LE REPORTER. — Oh! mon cher maî-
tre !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN.'— Si, si. vous
déjeunez avec moi..- sans cérémonie,
n'est-ce pas?. Des œufs brouillés aux
truffes. des perdreaux truffés. des
foies de canard sautés aux truffes. une
salade de truffes.
LE REPORTER. — Oh ! mon cher maî-
tre 1
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Mon ordi-
naire!. Je vous traite en ami. Leduc
de Kau m'a promis aussi de venir dé-
jeuner ce matin. Je serais charmé qu'il
vous rencontrât. Il vous aime beau-
coup. vous trouve beaucoup de ta-
lent.
LE REPORTER. —Oh! mon cher maî-
tre !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. —D'ailleurs, tous
ceux à qui je parle de vous vous trou-
vent beaucoup de talent.
LE REPORTER. — Oh 1 mon cher maî-
tre !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Et maintenant,
causons. J'aime tant causer avec
vous !. (Le reporter jette dans la cham-
bre, autour de lui, des regards obliques,
des regards d'huissier.) Vous regardez
ma chambre?. Vous ne connaissiez pas
ma chambre?
LE REPORTER. — Non, mon cher maî-
tre.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. - Elle vous
plaît?
LE REPORTER. — Elle est admirable,
mon cher maître!. C'est une chambre
de prince !. {Il lire son ca?'ne4, Il s'ap-
prête à prendre des notes.) Vous permet-
tez ?
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. - Tant que vous
voudrez!. Mais pas comme journa-
liste. Comme ami 1 - ,-.'
j LE REPORTERJ il tâte chaque lneuble,
chaque bibelot, et les note. — C'est ad-
mirable!. c'est admirable 1. (Il exa-
mine le nécessaire de voyage.) C'est mer-
veilleux 1.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. - Il est amu-
sant, n'est-ce pas?. Il vient de Lon-
dres. C'est tout à fait nouveau. Cent
cinquante-deux pièces!. Par exemple,
c'est cher. Cinq. mille.
LE REPORTER. — Cinq mille !. C'est
merveilleux!. (Il note.)
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. —J'achète tout à
Londres, maintenant. mes chapeaux.
mes bottines. mes cravates. mes pa-
rapluies. En France, on n'a pas de
chic!. Et puis, c'est amusant!. J'ai
cent trois cravates !
LE REPORTER. — Cent trois cravates !.
C'est merveilleux!. (Il note.)
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Quarante
paires de bottines 1
LE REPORTER. — Quarante paires de
bottines!. C'est merveilleux!. (Il
note.)
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Je VOUS le ré-
pète 1 C'est comme ami que je vous
donne tous ces détails. C'est pour vous,
pour vous seul que vous prenez toutes
ces notes i
LE REPORTER, scrupuleux. — Oh ! mon
cher maître ! (Il s'attarde aux invitations
éparscs.) Ce n'est pas indiscret?
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Non ! puisque
c'est comme ami !
LE REPORTER, il note toutes les invi-
tations. — Et quels succès vous devez
avoir dans le monde!. C'est merveil-
leux !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. - Et si vous sa-
viez comme le monde m'ennuie'* J'y
vais. par mépris!
LE REPORTER, il examine une boîte re-
couverte de broderies. — Et ça ?. C'est
merveilleux !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN, négligemment. -
Oui ! c'est ma boîte à mouchoirs !. Elle
a été brodée, pour moi, par des femmes
du monde.
LE REPORTER, vivement. — Peut-on sa-
voir les noms?
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Oh! ça, non!
D'ailleurs, tout le monde les connaît à
Paris. On raconte là-dessus des histoi-
res. Vous savez, on exagère beau-
coup. Il n'y a pas le quart de ce que
l'on dit! On ne peut être vu en compa-
gnie d'une femme jolie et connue, sans
qu'aussitôt. c'est dégoûtant!. On exa-
gère, je vous assure, on exagère sou-
vent.
LE REPORTER, s'enhardissant. — Ah!
dame, mon cher maître, vous connaissez
le proverbe. On ne prête qu'aux ri-
ches !.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Sans doute !.
Mais cela ne regarde personne ! Et s'il
plaît à la princesse de. à la duchesse
de. à la marquise de. de venir chez
moi. cela ne regarde personne.
D'ailleurs, ce sont des amies, rien que
des amies. il n'y a pas ça entre nous,
pas ça !.
LE REPORTER, sceptique et enthousiaste.
— Il est bien certain que ça ne regarde
personne. Aussi, ne pourrait-on pas,
mon cher maître, adroitement, sans
citer de noms. ne pourrait-on pas dé-
mentir, par d'habiles allusions. Enfin,
vous savez, je suis à votre disposition.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. —Nous verrons,
quelque jour. Je sais que je puis
compter sur vous. Je vous donnerai
peut-être des notes. il faut attendre
une occasion. la publication de mon
prochain roman, par exemple!. Causons
d'autre chose. N'aviez-vous pas quelque
service à me demander ?
LE REPORTER. — Justement!. Vous
savez qu'il est beaucoup question de
votre prochain roman ?
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Vraiment?.
On en parle déjà beaucoup!. Quel
ennui!. J'ai tant horreur de la publi-
cité. On ne peut pas vivre tranquille
une minute. Etre célèbre, si vous sa-
viez comme c'est fatigant !
LE REPORTER. — Oh ! mon cher maî-
tre !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Si. si. très
fatigant! On ne s'appartient plus. Ah!
que de fois j'ai envié d'être obscur.
Tout ce bruit autour de mon nom m'é-
nerve et me rend malade. Ainsi, on
parle de mon roman?. Déjà?. Et qui
donc en parle ?
LE REPORTER. — Mais tout le monde,
mon cher maître. Mais tous les jour-
naux, mon cher maître.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Ah ! vrai-
ment!. Comme cela me désole !. Je ne
lis plus les journaux. je ne lis que vos
articles.
LE REPORTER. — Oh ! mon cher maî-
tre!
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Et pourquoi
les journaux en parlent-ils ?
LE REPORTER.— Ils ont raison. N'est-
ce pas là un événement considérable ?
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Sans doute.
Je crois, en effet, que mon roman sera
un événement considérable. J'ai, cette
fois-ci, carrément abordé un des pro-
blèmes les plus compliqués et les plus
éternels, et les plus particuliers aussi,
de l'amour. Je ne puis pas en dire da-
vantage, mais il y a là une thèse origi-
nale et brûlante, qui se développe dans
des milieux mondains, ultra-mondains,
et qui soulèvera bien des colères !. En-
fin, je crois que, de toutes mes œuvres,
c'est l'œuvre la plus forte, la plus par-
faite, la plus définitive. celle que je
préfère, pour tout dire. Mais je suis
bien dégoûté, allez !. Croiriez-vous que
tous les pays, que tous les journaux et
toutes les revues de tous les pays se dis-
putent mon roman!. On m'offre des
sommes colossales !. J'ai bien envie de
leur jouer, à tous, un bon tour. J'ai bien
envie de ne le publier qu'en volume.
un tirage restreint, pour les amis. des
amis comme vous, par exemple 1 Hein I
qu'en pensez-vous ?
LE REPORTER. — Vous ne pouvez p9;5
faire cela !. Vous ne pouvez pas priver
la patrie q.unê oeuvre de vous, d'un
chef-d'œuvre de vous, mon cher et illus-
tre maître. Ce serait plus qu'une trahi-
son envers la patrie, ce serait une for-
faiture envers l'humanité.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — C'est ce que
je me suis di t. Mais quels tracas 1
Quelle souffrance pour quelqu'un qui
'flétestg le bruit !. Ôù donc aller pour
me soustraire à toute cette agitation du
succès!. C'est inconcevable !.. partout
où je vais, je suis connu. Et ce sont
des fêtes, des invitations, des acclama-
tions. Imagineriez-vous que, l'année
dernière, dans le désert saharien, j'ai
dû subir les persécutions enthousiastes
des caravanes arabes!. Même au dé-
sert, il m'est impossible de garder l'in-
cognito !. C'est à devenir fou !. J'avais
songé à fuir, cette année, dans l'Afrique
centrale!. Mais qui me dit que, là en-
core, je ne serai pas poursuivi, acca-
paré!. Est-ce une vie?. Voulez-vous
me rendre un grand service?
LE REPORTER. — Oh ! mon cher maître !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — J'ai préparé
une note, pas trop longue, concernant
mon prochain roman. Vous la pu-
blierez, telle qu'elle, sous votre signa-
ture.
LE REPORTER. — Oh ! mon cher
maître !
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Et j'espère
qu'après cela on me laissera peut-être
tranquille !. Vous permettez que je
m'habille ? (Il se lève et sonne son valet
de chambre.) Passons dans mon cabinet
de toilette. Vous pourrez prendre des
notes, si cela vous amuse, mais comme
ami, pour vous.
LE REPORTER. - Oh 1 mon cher
maître 1
Ils passent dans le cabinet de toilette.
LE REPORTER. — C'est merveilleux !.
C'est merveilleux !.
L'ILLUSTRE ECRIVAIN. — Ça vieht de
Londres !.
La conversation continue. *
OCTAVE MIRBEAU.
NOS ÉCHOS
HIER. — Beau temps.
Latemp.: Miaima: 3 h. n matin II* » au-dessus.
— Maxima: 2 h. »» soir 19°. —
Baromètre, à 9 heures du soir ; 759".
ÂWJOURD'HUI. — Beau temps
Aujourd'hui, à 1 heure 15, courses à Chantilly.
NOS FAVORIS
Prix de Mortefontaine. — Ecurie d'Harcourt,
Arcadie.
Prix d'Hallate. — Epouvante, Céladon.
Prix du Petit Couvert. — Mànitou, Catamarca.
Prix de la Salamandre. — Volnay, Fenouil.
Handicap limité. - Van Diémen, Le Mat.
Prix de la Table. — Géographie, Cléon.
LES QUOTIDIENNES
UNE MESSE
H
ier, la messe Rouge. Comme tous les ans,
à la rentrée, la magistrature s'est mise so-
lennellement sous l'inspiration d en haut, et
reliée à Dieu le père, pour la plus grande au-
torité des arrêts qu'elle rend en la présence
dominatrice de cette croix où mourut Dieu
le fils. Et les magistrats de toute robe étaient
là, non sans quelque orgueil d'appartenir à
une caste qui a su maintenir les vieux usages,
et au sein de laquelle, alors que de partout
ailleurs est bannie la prière, l'invocation à ce
qui est suprême, se conserve étonnamment
une mode, surannée, comme on sait.
J'avoue n'être nullement indisposé par une
telle cérémonie. Le tableau qu'elle offre,
même idoine à certains sourires, et d'un pit-
toresque si singulier, je ne le diminuerai point
par de faciles fantaisies. Mais puisque nos
juges, dès le début, mettent les opérations de
leur carrière et même de leurs consciences,
sous un tel patronage ; puisque la sincérité
de leur si complète et recueillie dévotion ne
doit faire doute pour personne, il semblera
qu'on ait le droit d'attendre de leur justice
quelque conformité avec un si noble idéal.
Au seuil de l'exercice judiciaire, ils préten-
dent mettre dans leur jeu un peu de la lu-
mière, de la pureté, de la miséricorde célestes,
c'est bien le moins qu'alors on exige d'eux
l'observation de tout ce qu'ils se vantent de
respecter.
Aussi bien, si la messe de la Sainte-Cha-
pelle ne doit aboutir qu'à tout ce que nous
avons vu déjà, aux simulacres, aux combi-
naisons, aux trames d'obscurs couloirs, aux
marchandages, aux capitulations, aux décep-
tions, aux tristesses du jour, mieux vaut lais-
ser Dieu là où il est. Ce n'est pas la peine de
se courber devant lui pour rester si éloigné
des vertus qu'incarne sa crainte ou son
amour, et de faire ainsi les petits anges pour
n'être à ce point que des hommes.
Alexandre Hepp.
L'ARMÊE
L
es exercices spéciaux au service de santé
i en campagne se sont terminés, hier, à
la Gare des Matelots, par l'embarquement et
le débarquement du matériel d'une ambu-
lance divisionnaire à quai et en pleine voie.
c
'est le 19 et le 20 que les troupes du
gouvernement de Paris exécuteront une
manœuvre de garnison.
La journée de mardi sera employée au
rassemblement des troupes dans les canton-
nements ; le soir, on établira les avant-pos-
tes dont le service fonctionnera toute la
nuit, et la manœuvre commencera sans doute
de très bonne heure le mercredi matin, d'a-
près l'hypothèse suivante :
Une armée d'investissement a rejeté les
troupes de la défense du camp retranché de
Paris sur la ligne des forts ; un corps ennemi,
maître de la forêt de Saint-Germain, a pu
prendre pied, à la faveur de la nuit, dans la
presqu'île de Houilles et tente le passage de
la Seine (dont les ponts sont supposés dé-
truits), pour faire irruption dans la presqu'île
de Nanterre. Les ouvrages du Mont-Valérien,
de Marly et de Cormeilles prêteront leur
concours aux troupes de la défense.
Les officiers de la réserve et de l'armée
qui voudront suivre cette manœuvre devront
se trouver, en tenue du jour, mercredi ma-
tin 20 octobre, à 7 h. 15, au pontdeBezons,
où ils seront reçus par un officier d'état-ma-
jor, spécialement désigné pour les guider et
leur fournir toutes les explications nécessai-
res. lis pourront prendre, à la gare Saint-
Lazare, soit le train de 6 h. 35, arrivant à la
Garenne-Bezons à 6 h. 52, soit le train de
6 h. 10, s'arrêtant à 6 h. 29 à Houilles (Car-
rières-Saint-Denis).
LA VILLE
A
la suite de sa « Quotidienne » consacrée
à une infortunée qui s'est vue repoussée
par l'Assistance publique M. Alexandre
Hepp a reçu l'obole d'une lectrice du Jour-
nal. Nous nous sommes empressés de la
faire parvenir à notre confrère de la Lan-
terne, qui, le premier, a conté et vérifié les
faits.
A
propos de bottes.
Il s'agit des bottes légendaires de
nos braves égoutiers. Elles donnent lieu à
conflit. L'administration avait, jusqu'en ces
derniers temps, charge de fournir à chaque
égoutier deux paires de bottes. Elle prétend
leur en retirer une, sous ce très bureaucra-
tique prétexte qu'il n'est pas de petites éco-
nomies. Et les égoutiers de se rebiffer, allé-
guant que des bottes de rechange leur sont
indispensables et qu'il leur faut bien laisser
sécher celles qui ont servi à leur dernier
voyage souterrain. Affaire d'hygiène.
Les choses en sont là et la solution de ce
différend intéresse prodigieusement le mar-
ché des cuirs — comme aussi la bourse des
« pieds-humides ».
L
e rajah de Kapourthala, qui a assisté au
Jubilé de la reine, est arrivé, hier matin,
de Bruxelles. Il restera huit jours a Pans
et s'embarquera à Marseille pour les Indes.
L
es journaux ont annoncé que M. Oscar
t Wilde avait fait recevoir à l'Œuvre une
pièce intitulée Pharaon. Le poète anglais
aurait, paraît-il, l'intention d'adjoindre un
sous-titre à sa pièce, qui s'appellerait désor-
mais Pharaon ou le Sonnet d'A.rvers.
L
es gaietés du progrès.
— Fais le bien tous les jours, a dit
M. Sarcey avec sa fine bonhomie, à propos
.d'une fonction délicate.
, Cette phrase de l'illustre critique sert de
point de mire à une réclame. dont on
devine l'objet.
C'est beau, la gloire.
D
epuis hier, la Patti est à Paris, complète-
ment guérie de l'eczéma qui la faisait
cruellement soutfnr.
La célèbre cantatrice est descendue à
l'hôtel. On se rappelle que, du temps de ses
débuts, l'étoile des Italiens habitait un grand
appartement de l'avenue des Champs-
Elysées. Le domestique de la maison com-
prenait : miss Louise, la gouvernante,
Caroline, la femme de chambre, une cuisi-
nière et un cocher.
Dans ses accès de gaieté, la diva se livrait
souvent à une plaisanterie qui était loin
d'amuser la soubrette.
Elle s'habillait, mettait une voilette épaisse,
s'échappait par l'escalier de service, venait
sonner à l'appartement, et demandait avec
une voix inaccoutumée :
— La Patti est-elle visible ?
On l'introduisait dans le salon, et le
quiproquo ne prenait fin que lorsque miss
Louise, survenant, confuse, s'excusait auprès
de la visiteuse de l'absence de la cantatrice,
qui, alors, éclatait de rire.
PARTOUT
u
n de nos confrères annonçait, hier matin,
que l'impératrice Frédéric serait sur le
point de convoler en secondes noces avec
l'ancien maréchal de la cour, le comte Sec-
kendorff. Notre confrère ajoutait même que le
mariage aurait déjà eu lieu secrètement.
Notre correspondant de Berlin nous télégra-
phie que, dans les cercles bien informés de
la capitale prussienne, on se montre très ré-
servé sur ce sujet. Pourtant, l'impression
générale est, ici, que la nouvelle donnée par
le journal parisien est erronée ; la preuve en
serait dans les rapports qui existent entre
l'empereur et sa mère, et qui n'ont jamais
été si cordiaux. L'empereur même, à l'occa-
sion de l'inauguration prochaine du monu-
ment de Frédéric III à Wienbaden, aurait
nommé l'impératrice douairière colonel du
80e régiment d'infanterie prussienne, en ac-
cordant, en outre, aux soldats de ce régiment,
la faveur de porter sur les épaules les mêmes
insignes que la garde royale prussienne. Il
est évident que si l'impératrice Frédéric
s'était mésalliée de la sorte en épousant un
membre de la noblesse prussienne, l'empe-
reur ne la comblerait pas d'honneurs, étant
donné son attitude envers sa sœur Sophie
qui, elle, a épousé, sans son consentement,
le prince héritier de Grèce.
CALEPIN
M
me Carnot a rendu, hier, visite, au châ-
teau de Rambouillet, à M. Félix Faure.
- Dîner intime offert au duc de Mandas par
le personnel de l'ambassade d'Espagne, à
l'occasion de son prochain départ. - En
raison de la fête de la Toussaint, qui tombe
cette année un lundi, l'Académie des scien-
ces a reporté sa séance ordinaire au 2 no-
vembre. - Lundi, ouverture, dans le grand
amphithéâtre de la Faculté de médecine de
Paris, du congrès de chirurgie. - A l'issue
du conseil d'hier, M. Hanotaux est parti
pour Saint-Quentin. - Mort de M. Léon
Orsat, député de l'arrondissement de Renne-
ville ; en 1869, il avait soutenu la candida-
ture de Jules Favre. - Les obsèques de M.
Hervieu, conseiller municipal de Paris, ont
été célébrées hier, au milieu de la plus grande
affluence ; les couronnes envoyées par la
Ville et le Conseil général, les discours pro-
noncés ont témoigné des sentiments de re-
gret que laisse cet excellent citoyen. - La
liste des membres des comités d'admission à
l'Exposition universelle sera publiée, lundi
matin, au Journal officiel. - Le décret qui
nomme M. de Reverseaux à l'ambassade de
Vienne porte que notre nouvel ambassadeur
remplace M. Lozé, « admis dans l'ordre de
la disponibilité » - - Le dîner des Amis de
Louis-le-Grand aura lieu samedi 23 au Cer-
cle militaire. On y fêtera M. Charles Blanc,
le nouveau préfet de police.- Vacance d'une
chaire de droit romain à la Faculté de Mont-'
pellier. - Nous apprenons le mariage de
Mlle Marguerite Baratte avec le docteur Guil-
laume Livet. «« Le prince Victor Napoléon
a quitté Bruxelles pour se rendre à Monca-
lieri auprès de sa mère, la princesse Clo-
tilde. - Annonçons l'apparition d'un journal
mensuel, le Cyclone, dont le directeur est M.
Gustave Salavy.
p
our les cadeaux de mariage, rien de plus
gracieux, de plus flatteur à offrir qu'une
des créations de Perret-Vibert, 33, rue du
Quatre-Septembre. Les petits meubles, vi-
trines, tables à thé, jardinières, lampes, lus-
tres, paravents, etc., sont toutes choses iné-
dites et d'un goût très personnel.
D
ès parents désespérés, connaissant un
de nos confrères, l'ont supplié de trou-
ver un moyen de sauver leur enrant, une
exquise jeune fille anémique au dernier de-
gré, à qui les soins les plus empressés n'ont
pu jusqu'ici rendre la santé. Notre confrère
a eu l'idée géniale d'écrire à tous les jour-
naux en les priant de demander à ceux de
leurs lecteurs qui avaient connu des cas
analogues « quel remède avait le mieux
réussi ». Nous ferons connaître les résultats
de ce plébiscite original qui intéresse toutes
les familles et permettra peut-être de prolon-
ger l'existence d'un être adoré. Adresser les
réponses au Courrier français, 19, rue des
Bons-Enfants.
D
emain, paraît le premier volume des Mé-
moires de M. Coron, qui ont obtenu
dans les colonnes du Journal un si grand
succès.
Le succès des volumes sera certainement
x aussi grand, car rarement il a été permis de
lire un ouvrage de psychologie sociale aussi
saisissant.
De l'invasion à l'anarchie, tel est le titre
de ce premier volume qui jette une lumière
curieuse sur tant d'événements contempo-
rains.
1
1 y a des noms de villes inséparables de
certains produits. C'est ainsi que le sau-
cisson doit être de Lyon, la moutarde de
Dijon, les biscuits de Reims, les madeleines
de Commercy, le nougat de Montélimar, l'a-
nisette de Bordeaux, etc. Rarement on
retrouve la maison qui, dans les siècles pas-
sés, a créé cette notoriété. Ce n'est pas le cas
de la maison Marie Brizard et Roger qui a
créé l'Anisette de Bordeaux au dix-huitième
siècle et a toujours conservé la même no-
toriété.
L
es présidents de toutes les corporations
de la Cité de Londres, les aldermen et
shérifs, viennent d'offrir un grand dîner
au lord-maire dont le mandat va prochaine-
ment prendre fin, sir Fandel Philips, bien
connu des Parisiens.
Le « White Room », le nouveau et somp-
tueux grand salon du Savoy-Restaurant,
avait été décoré spécialement pour cette
fête, et un chœur a chanté le Cod save the
Queen après le toast réglementaire porté à
Sa Majesté Britannique.
- - -
NOUVELLE A LA MAIN
z
Dé, la cuisinière, a permuté. Elle a quitté
les sapeurs-pompiers pour la musique
d un régiment d'infanterie. Mais ce change-
ment n'est pas du goût de sa patronne qui
lui donne ses huit jours.
— Pourtant, madame n'avait rien dit quand
elle avait vu un pompier dans ma cuisine.
— Possible ! mais un musicien s'en mê-
lant, l'anse du panier danserait vraiment trop !
PONTAILLAC.
- A l'occasion de la distribution des ré-
compenses, le Journal publiera, mardi
prochain, un premier
SUPPLÉ1IEWT ILLUSTRÉ
d'actualité sur l'Exposition de Bruxelles.
Ce Supplément sera, dans la huitaine,
suivi d'un autre spécialement consacré
aux récompenses.
P ALL- MALL SEMAINE
Par RAITIF DE LA BRETONNE
Samedi 9 octobre..— Eté pluvieux,
clair automne, un octobre chaud et doré
qui fait mentir les beaux vers de M. Ro-
denbach :
C'est le Soir, c'est Octobre; une cloche se plaint
Songeant confusément à des cloches futures,
Dont la tristesse en pleurs dans notre âme est déjà !
Le Soir s'installe, et rien de précis ne subsiste ;
Octobre aussi s'installe et nous revient plus triste
Depuis tous ces longs mois où seul il voyagea
Durant l'année, à la recherche de notre àme !
Mais une atmosphère d'ambre, comme
une maturité de l'année épandue * tra-
vers les choses, et dans l'or et la rouille
du Ranelagh, où je me promène, la cou-
leur presque chaude et diaprée du récit
de vendanges que me fait mon compa-
gnon, M. Henri Kist, le fils de l'éditeur
Kistemaker, hier encore à Toulon,
Toulon! et je revois la magnificence
de la rade par les claires matinées de ce
dernier printemps, le profil des vais-
seaux de haut bord sur 1 immense bas-
sin uni comme une moire, ici les an-
ciennes frégates à plusieurs ponts pein-
tes en gris, l'air de galions du grand
siècle, là les cuirasses modernes et les
torpilleurs avec leurs silhouettes d'usi-
nes scientifiques, le va-et-vient des ca-
nots de l'escadre volant entre les vais-
seaux et le port, et la précision miracu-
leuse de leurs rames se levant et s'abais-
sant dans la lumière, et c'est la vieille
Darse, et ce sont les rues puantes et
noires, mais si colorées et si grouillan-
tes, du Chapeau Rouge et du Pavé d'a-
mour, Toulon, enfin, au pied de sa mu-
raille de montagnes arides, comme écor-
chées par place et pourtant si pleines de
soleil.
Comme elle sent bien la Provence,
cette histoire de Moustouïr, Moustouille,
que me raconte M. Henri Kist, cette
grappe de raisins noirs que les garçons
de là-bas écrasent en riant sur la bou-
che des filles, ou lés filles sur les mous-
taches des garçons, barbouillage et pro-
vocation d'un sexe à l'autre qui appelle
le baiser et les amoureuses ripostes; et
l'amusant tableau que doivent faire, au
milieu des yignes, tous ces couples heu-
reux et un peu gris de vendangeuses et
de moustouilleurs.
Faire la moustouille, l'expression est-
elle assez charmante, colorée et vivante,
et comme elle est bien dans l'atmos-
phère du pays de la chatouille, de la ca-
resse et du frisson.
Mimi, c'est moi Baptistin,
Qui viens t'éveiller matin
Pour te faire la chatouille.
Pour te donner le frisson,
J'apporte le saucisson
Et le raisin de moustouille.
Oui, c'est bien une autre Grèce que-
cette région de la Provence, une autre
Grèce aussi claire, aussi gracieuse que
l'autre avec ses bois d'oliviers et de chê-
nes-lièges, et ses petites criques et ses
calanques bleues au pied de ses ro-
chers rouges, c'en est surtout l'atmos-
phère insoucieuse et païenne, le décor
d'idylle sensuelle et brève où l'amour
est comme une fleur qu'on cueille,
qu'on respire et puis qu'on jette sans
plus de regret, sûr qu'on est de re-
trouver encore la fleur demain, et des
phrases du dernier volume de Bourget
me revierinent,tout un passage de Voya-
geuses où l'auteur de Cosmopolis a senti
comme moi.
Une colonnade ruinée sur ces hauteurs,
et l'illusion serait complète, tant ce ciel
el celle mer, ces montagnes et ces grèves
ont la même nuance de lumière transpa-
rente que l'Attique ou le Péloponèse, et,
tout autour, ce même air vibrant, subtil,
alerte, qu'il suffit de respirer, croirait-on,
pour être gai de la gaieté légère des
Grecs et des Provençaux !
La gaieté de la moustouille.
Dimanche 10 octobre. — Un mot de
vieille femme, car les vieilles femmes,
celles qui avaient vingt ans sous l'em-
pire, ont souvent un esprit délicieux, et
puis l'automne n'est-il pas. la saison des
vieilles femmes? Dernièrement, dans un
château des environs de Paris, l'une
d'elles, grand'mère adorée de ses petits-
enfants et belle-mère aimée même de son
gendre, bref, une très aimable femme,
était prise à partie par un de nos jeunes
struggle-lifer. Quel hasard avait amené
au château ce jeune féroce, jou plutôt
quelle maladresse du maître de logis ?
Peu importe! toujours est-il que.les sen-
timents de la dame étaient assez violem-
ment battus en brèche par notre scepti-
que. « Comment, vous croyez encore à
l'amour ; comment, vous croyez encore
au mariage ; comment, vous croyez en-
core à l'armée, à la patrie, à l'honnê-
teté des femmes, à celle de votre fille;
comment, vous basez encore quelque
chose sur l'affection de vos petits-en-
fan ts ?»Et le siège était conduit avec toute
la science d'un lecteur assidu des Lettres
de Malaisie ou d'un fervent de Ml Ana-
tole France, socialisme et anarchie de
fins lettrés et dilettante à l'usage des
,banquiers dirigeants ; et la dame, indul-
gente, continuait de sourire sans se ren-
dre aux arguments; alors, notre orateur,
exquis d'ironie: «Allons, je vois, ma-
dame, que vous avez encore beaucoup
d'illusions. » A quoi la vieille dame, rési-
gnée: « Mon Dieu, oui, monsieur, ma
provision de voyage, de quoi supporter
mes compagnons de route. »
Lundi 11 octobre. — Le nom de Rose-
lia Rousseil, éclatant il y a trois jours
sur toutes les colonnes Morris, disparaît
déjà sous les nouvelles affiches; le flux
montant de la publicité a déjà mangé la
moitié du nom de l'actrice et tout/e pro-
gramme de son spectacle. Que rapportera
ce bénéfice, dont la date a déjà disparu,
recouverte par d'autres .programmes, et
dont deux noms seuls demeurent : Rous-
seil et Odéon,?
L'Odéon, Rousseil, quelle mélancolie!
cet Odéon où elle fut Phèdre et Athalie,
où elle créa le Drame sous Philippe 11,
de M. de Porto-Riche, Rousseil, oiji
l'Idole, de M. Paul Perret, Rousseil, que
les affiches d'alors représentaient de-
bout, extatique et martyre, avec une
4épée passée au travers du corps ; celle-
là, c'était la Rousseil triomphante ; celle
que-j'ai connue l'était déjà moins, maisl
son souvenir n'en est pas moins pi-
quant.
Je la rencontrais dans un salon lit-
téraire aujourd'hui disparu, chez Charles
Buet, l'auteur du Prêtre, qui habitait
alors dans les vagues solitudes de l'a- ,
venue de Villars. Buet recevait le jeudi £
salon catholique, intransigeant et lit- ;
téraire, où François Coppée coudoyait
Léon Bloy, et Léon Bloy Joris-Karl
Huysmans, venu là recueillir des docu-
ments pour son roman de Là-Bas, des
méchants ont même dit le portrait de
M. Chantelouve. Fréquentaient là aussi
des poètes, Laurent Tailhade et Victor
Margueritte ; des mages, Joséphin Péla-'
dan et Stanislas de Gayta, Charges Cros
et son frère, etc., etc. Paul Bourget avait
traversé ce salon, mais n'y venait déjà
plus; en revanche, d'Aurevilly y trônait,
on l'y appelait le Connétable, et Roselia
Rousseil, la Muse de ce salon, y décl-
inait son Sphinx des Pyramides, enthou-
siasmant poètes et Connétable sur la ri-
,chesse de ses rimes et sur l'ampleur de
ses beaux bras:
Ce Sphinx des Pyramides! Il était d'elle
et l'idée en était assez curieuse de ce
monstre de granit s'amourachant d»
premier consul.
Enfonce dans mes flancs ton éperon de fer.
Qui n'a pas entendu Rousseil réclamer
l'éperon de Bonaparte ne conjiaît vrai-
ment pas la grande tragédienne.
Ce Sphinx pyramidal, Roselia Rousseil
le déclamait un peu partout, même à
table d'hôte. J'habitais alors, rue de la
Michodière, un hôtel d'étrangers, et j'y
prenais la plupart de mes repas ; le soir,
c'était, autour de la table, Mme Nicolini,
la femme divorcée de Nicolini, ses en-
fants et Roselia Rousseil, à laquelle uil
vieux pensionnaire de la maison, un sé-
nateur, ma foi, M. Péronne, offrait sou-
vent le Champagne. J'étais invité à boire
aux succès de l'actrice et, au dessert,
une petite Nicolini, qui avait de la voix,
chantait très drôlement l'Adjudant et six
monture, qui était le couplet en vogue
d'alors; on attendait, pour organiser ce
concert intime, le départ des autres dtr
neurs, et, quand on était-bien seuls, entre
artistes, Rousseil (je m'en souviens -en-
core) se levait, majestueuse, et, se dra-
pant dans sa serviette, la mienne nouée
sur sa tête en coiffure de sphinx, noua
clamait imperturbable son grand poème
des Pyramides :
Enfonce dans mon flanc ton éperon de fer.
Mercredi 13 octobre. — Une visite :
c'est Henri de Groux, le peintre belge, le
de Groux du Christ aux outrages, l'ar-
tiste si justement mis en valeur par Oc-
tave Mirbeau, au Champ de Mars 1893, à
propos du Pardon breton et du Moïse
sauvé des eau» qu'il y exposa.
M. Henri de Groux a quitté Bruxelles,
où je le connus cet hiver ; M. Henri de
Groux, installé à Fontainebleau depuis
deux mois, a assez de la Belgique et dè
ses habitants, des Belges du Hainaut et
des Belges wallons. des suiveurs, dit-il,
car les Belges pensent en troupe et agis-
sent de même ; ils viennent toujours der-
rière quelqu'un,et,comme preuves à l'ap-
pui, il me cite, en effet, quelques écri-
vains belges (en peinture, je me récuse)
auxquels je suis contraint de reconnaî-
tre surtout un-don certain d'assimilation
et une facilité surQrenante" (J'imitai
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