Titre : Le Radical
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1911-03-10
Contributeur : Maret, Henry (1837-1917). Rédacteur
Contributeur : Simond, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32847124t
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 10 mars 1911 10 mars 1911
Description : 1911/03/10 (A31). 1911/03/10 (A31).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k76167576
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-210
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/07/2014
LE RADICAL
Organe du Farti IRadioal et Placiical-Socialisto
SIX i BmT Pages: CINQ Centimes
TRENTE-UNIÈME ANNÉE
BULLETIN HEBDOMADAIRE
du Comité exécutif du Parti Radical
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Libres Feuillets
L'ÉDUCATION INTÉGRALE
L'autre jour, ayant à parler, à la Ligue
<3e l'Enseignement, de l'instruction in-
tégrale, je heurtai, paraît-il, certaines
routines ,en déclarant nécessaire, dès les
bancs de l'école, l'éducation des sens et
en souhaitant la réconciliation des arts
et des métiers, « l'apparentement » des
artisans et des artistes. Comme je m'é-
tais permis d'évoquer l'ombre de Platon
et les jardins délicieux de l'Académie,
on crut que je voulais restaurer la doc-
trine d'Epicure ! Je n'irai plus doréna-
vant chercher si loin mes philosophes.
M. Monis et sa déclaration ministérielle
suffisent à ma défense. Le président du
conseil a parlé comme un sage de la
nécessité de l'enseignement technique,
manuel et.professionnel. M. Monis, qui
est presque un « pays » de Montaigne et
qui admire fort Rabelais, n'a pas oublié
que ces deux écrivains furent de grands
éducateurs. On nous permettra d'invo-
quer, en passant, leur témoignage.
Montaigne déteste le pédantisme. Il
préfère à l'instruction livresque le com-
merce de la vie et les voyages. Il s'in-
digne des geôles où l'on tient captive la
jeunesse de son temps et souhaité « les
écoles jonchées de fleurs et de feuillées,
ornées des pourtraicts de la Joye et de
l'Allégresse, de Flora et des Grâces ! »
C'est déià l'art à l'école. Avec Rabelais,
c'est l'art au foyer et à l'atelier ; c'est
une encyclopédie vivante et réaliste !
On n'instruit bien l'enfant qu'à la condi-
tion de le divertir, de suivre sa nature
et la Nature, d'éduquer non seulement
son intelligence, mais ses sens. Scien-
ces, lettres, arts, musique, exercices
physiques, sans oublier « l'industrie et
invention des métiers » : voilà sur quoi
Ponocrates veut « instituer » son élève.
C'est à la face du ciel, en pleine nuit,
qu'ils notaient les figures des astres ;
et c'est par un beau jour, dans une
prairie, qu'ils « récolaient par cœur quel-
ques plaisants vers de l'Agriculture de
;Vïrgile. »
On a cent fois raison de revenir au-
jourd'hui, après tant de phraséologie
scolastique, à cette éducation des sens,
réhabilitée par un distingué professeur,
M. Marcel Braunschvig, dans son livre :
l'Art et VEnfant. Sous le contrôle de l'in-
telligence, pourquoi rougir de tirer
parti de ces forces instinctives : la vue,
l'ouïe, le toucher, le goilt, l'odorat, le
môuvemeRk4 En présence des beautés;
naturelles, des sites pittoresques, des
monuments et des œuvres artistiques,
combien de petits Français ne. savent
rien voir, parce qu'on n'a jamais ins-
truit leurs yeux à regarder, à saisir les
couleurs, les formes, les détails et l'en-
semble des choses 1 « Conduisèz, écrit
M. Nozière, un ignorant dans une cathé-
drale gothique 1 La seule hauteur de la
nef produira sur lui une forte impres-
sion. Mais ressentir de la joie devant la
justesse des proportions, c'est un .plaisir
réservé aux initiés ! » On ne saurait
mieux dire. Mais pour que l'enfant soit
initié, il faut que son maître l'ait été
premièrement !
Même observation pour l'éducation de
l'ouïe. On a trouvé bizarre l'idée de mon
excellent ami Maurice Faure, prescri-
vant pour les écoles une version musi-
cale officielle de la Marseillaise. S'il
avait recommandé, dans cette même cir-
culaire, les meilleurs chants tradition-
nels de nos anciennes provinces fran-
çaises, il faudrait le louer deux fois !
Le génie de Wagner ne fut-il pas im-
prégné, dès son enfance, des vieux lieds
d'outre-Rhin ? Les écoliers suisses n'ap-
prennent-ils pas tout ensemble la musi-
que et la danse avec les rondes chantées
et rythmées de Jacques Dalcroze ? Bou-
chor, Tiersot, Weckerlin, Bruneau,
Sembat, Charpentier, Chapuis, Che-
broux, Marcel Legay, d'Estournelies,
ont parfaitement compris, chez nous, la
.valeur émotive, éducative et moralisa-
trice de la musique populaire ou clas-
sique, depuis les cantilènes du « folk-
lore » jusqu'aux purs chefs-d'œuvre de
nos grands maîtres. Perçu par une
oreille bien éduquée, traduit par une
voix experte, le chant impose le senti-
ment de la discipline, de l'harmonie, de
la solidarité dans l'effort !
Tous les élèves de nos écoles nor-
males devraient avoir lu l'Histoire de
ma vie, d'Hélène Keller, une Anglaise
sourde, aveugle et muette, et les Pro-
blèmes de Vesthétique contemporaine,
de Guyau. Le livre d'Hélène Keller est
une apologie de l'éducation du tact.
« J'en arrive à me demander quelque-
fois, écrit-elle, si la main ne perçoit pas
mieux que les yeux les beautés de la
sculpture. Je crois que la fuite rythmi-
que des lignes est plus sensible au tou-
cher qu'à la vue. En explorant les mar-
bres des statues, en caressant leurs
courbes, mes doigts perçoivent 1a. pen-
sée et l'émotion que l'artiste a voulu
rendre. » Et Guyau, appliquant la même
idée esthétique à l'éducation du goût,
nous cite un trait délicieux. Un jour,
après une longue course dans les Pyré-
nées, il rencontre un pâtre qui lui
donne un verre de lait glacé : « Je bus,
di.t-il, ce lait frais où toute la montagne
avait mis son parfum. C'était comme
une - symphonie pastorale saisie par le
goût au lieu de l'être par l'oreille. »
Il n'est pas jusqu'à l'odorat qui ne
puisse se perfectionner par l'éducation
et nous donner des sensations exquises.
« Il y a, écrit M. Braunschvig, des par-
fums qui nous enivrent et qui nous
plongent en une extase analogue à celle
où nous mettent les œuvres d'art très
belles. » Ce que nous appelons le
charme du printemps ne provient-il pas,
pour une grande part, des senteurs qui
flottent dans l'atmosphère ? Sans doute,
il ne faut rien exagérer ; et l'on doit
garder l'enfant de tout dilettantisme ef-
féminé. Pourtant, lorsqu'il s'agit de dé-
velopper en beauté toutes ses facultés
physiques, qui ne voit que la grâce des
mouvements a, comme l'éducation des
sens, sa place marquée à l'école et au
foyer ? Les Grecs ne séparaient point
la gymnastique de l'esthétique, et les
danses en plein air contribuèrent jadis
à rendre belles et nobles les lilles de
l'Hellas. Comme l'âme, le corps a sa dis-
tinction, sa probité, sa santé. Et ainsi la
pédagogie bien comprise, dans une
école riante et claire, agira tout à la fois
sur l'intelligence, le caractère et les sens
des jeunes générations 1
Il demeure bien entendu que l'éduca-
tion intégrale ne doit pas viser à faire
de tous les enfants des artistes. Mais à
une époque où toutes les nations déve-
loppent leur enseignement technique et
professionnel au point de mettre en dis-
cussion notre suprématie jusqu'alors
incontestée dans le domaine du goût, il
n'est pas mauvais que nous songions à
« instituer » de sages apprentis, de vi-
goureux artisans, de gracieuses jeunes
filles qui voient clair et sachent exacte-
ment traduire leurs visions ou leurs
conceptions, à l'atelier comme au foyer.
Si 1 intelligence de la nature et le pre-
mier travail de l'esprit imposent à l'être
humain, dès l'entrée dans la vie, un la-
borieux effort, la société moderne, loin
d'y demeurer insensible, doit s'attacher,
par tous les moyens,, à en atténuer la
rigueur. 'Comment y parvenir plus sû-
rement qu'en conviant l'Art à accueillir
l'enfance ? Nos amis Steeg et Massé,
préposés à l'éducation et à l'industrie
nationales, seront certainement sur ce
point de l'avis de Montaigne et de Ra-
belais.
CH.-M. OOUYBA,
Sénateur,
Rapporteur du budget de finstruction
publique.
LA RÉVOLTE AU MAROC
La Marche y
.**■
■- contrâ ., •
les Rebelles
Les journaux anglais publient de nouvel-
les dépêches du Maroc qui précisent la si-
tuation dans l'empire chérifien.
Une dépêche de Tanger au Standard an-
nonce que le sultan prend des mesures éner-
giques contre les révolutionnaires. Le com-
mandant Mangin est parti de Fez avec tou-
tes les forces disponibles.
D'autre part, on mande de Tanger au
Times :
1 « D'après des nouvelles d'El-Ksar, l'ar-
mée chérifienne s'est avancée dans des
conditions satisfaisantes, incendiant sur sa
route les villages de la tribu hedjaoua.
Elle se trouve maintenant entre les tribus
révoltées des Cherarda et des Beni-Ahssen.
« A Fez, dans les cercles du maghzen, il
règne une vive inquiétude. Le prix des vi-
vres y a augmenté de cent pour cent.
« Des tribus ont pillé un palais aban-
donné du sultan, qui se trouve à 2 kilomè-
tres de Fez. Plusieurs courriers ont été dé-
valisés, et dans la campagne des marchés
ont été pillés. »
L'Affaire Rochette
M. de Folle ville, rapporteur de la commis-
sion d'enquête sur l'affaire Rochette, vient
d'informer M. Jaurès, président de la com-
mission, que son rapport était prêt et qu'il
était à la disposition de la commission pour
lui en donner lecture.
A LA DEUXIEME PAGE :
A LA CHAMBRE : La discussion géné-
rale du budget de la marine.
A LA QUATRIEME PAGE :
CHRONIQUE SCIENTIFIQUE.
CHRONIQUE MUTUALISTE.
TRIBUNE DES FONCTIONNAIRES.
PiMUUJLH~M LJU UMUu tN'jtiMjL~LlJ
Parmi les inspirations du nouveau
cabinet, une des plus heureuses est son
souci manifeste du problème économo
Iï ^e rerrd compte qufe Patrfemtt
économique du pays doit être, de plus
en plus, intimement liée à son activité
politique.
La politique, comme jadis la philo-
sophie, descend du ciel sur la terre.
On quitte les nuages et les abstractions
pour des réalités plus solides. On veut
donner à la nation moins de discours
et plus de bien-être.
Le premier devoir d'un gouverne-
ment si bien inspiré est de protéger
l'épargne et d'en orienter l'emploi. La
France est un pays riche. Il faut que
cette richesse soit défendue et se tra-
duise en bien-être par l'essor de notre
industrie et de notre commerce.
Déjà les occasions d'intervenir ne
sont que trop nombreuses. Il suffit,
pour s'en apercevoir, de regarder agir
une certaine catégorie de financiers.
Le spectacle ne manque pas de comi-
que. On assiste à de perpétuels mira-
cles : inventions merveilleuses de bien-
faiteurs de l'humanité, sources, gise-
ments, filons au rendement fantastique
dans de lointains Eldorados.
Mais le miracle le plus étonnant: c'est
la crédulité du public. Ainsi se multi-
plient les émissions non seulement fic-
tives, mais invraisemblables. Et ces mo-
dernes thaumaturges réalisent le pro-
dige de faire quelque chose de rien.
On cesse de rire si l'on songe aux
ruines accumulées par ces escrocs au-
dacieux. Il est temps de mettre un ter-
me à leurs exploits.
Mais il est encore un autre point où
une politique économique plus ferme et
plus judicieuse s'impose.
Il est entendu que la France, puis-
qu'elle est le pays de l'épargne, doit
être aussi la banquière des nations —
en Europe ou ailleurs. Nous n'avons
même qu'à nous féliciter de ce rôle s'il
doit, comme on l'a dit, contribuer à
notre influence mondiale.
Toutefois, il ne faudrait pas se.payer
de mots. Une nation ne vit pas seule-
ment de son prestige. Et là où notre
crédit ne nous procure pas des avanta-
ges diplomatiques il devrait tout au
moins servir à la prospérité intérieure
du pays.
Notre industrie, notre commerce se
sont, dans les dix dernières années, dé-
veloppés d'une manière très insuffi-
sante, hors de proportion avec nos res-
sources. Il est vrai que, chez nous, la
vie économique est paralysée par le
manque d'outillage. Le jour où l'Etat
français donnera sa garantie à des em-
prunts réalisés pour des travaux indis-
pensables d'ordre intérieur, peut-être
alors une partie plus considérable de
l'épargne française restera chez nous
et contribuera à la prospérité natio-
nale.
Mais même le superflu que nous en-
vovons au dehors devrait servir nos
intérêts économiques. Le capital fran-
çais- une fois à l'étranger y travaille,
quoique mort pour nous. Il développe
des outillages, des industries. Il favo-
rise à nos dépens des concurrences
économiques dont nous avons ensuite
à souffrir.
Ne serait-il pas plus logique que la
France participât en quelque manière
à ces prospérités qu'elle crée ? Qu'elle
se réservât une partie du bénéfice éco-
nomique des prêts consentis par elle ?
Ou elle exigeât enfin, pour l'ensemble
de ses industries, les mêmes préfé-
rences limitées jusqu'ici à quelques
fournitures..métalhirgiques.?-^ -
L'activité du pays tout entier en bé-
auicierait. Avec notre expansion in-
dustrielle au dehors, la condition de
notre prolétariat s'élèverait aussitôt.
Les ouvriers français ont des qualités
incomparables d'adresse innée et d'ha-
bileté professionnelle. Si l'occasion
leur en était donnée, ils fourniraient
bientôt à l'étranger les chefs d'atelier
dont celui-ci a besoin. Et la France v
gagnerait en influence autant qu'en
bien-être. Et tout cela, par la simple
application de ce principe- que le ca-
pital français doit entraîner avec lui,
partout ou il va, l'industrie française
et le prolétariat français. 1
Voilà une vérité dont les pouvoirs
publics devraient bien se souvenir.
Peut-être d'ailleurs trouveront-ils main-
tenant auprès d'eux des interprètes au-
torisés qui se chargeront de la leur
rappeler. Hier, en effet, s'est constitué
à la Chambre un groupe pour la pro-
tectioh de l'épargne française ; et son
premier devoir sera évidemment de
veiller à la sécurité et à la bonne orien-
tation de nos placements nationaux.
Le gouvernement sejdoit à lui-même
de seconder ce groupe dans ses efforts.
Lui seul, en somme, peut les faire
aboutir. Car c'est bien au gouverne-
ment qu'incombe la responsabilité et
des admissions à la cote et des autori-
sations d'emprunts étrangers.
Non point d'ailleurs que les établis-
sements de crédit ne puissent, en quel-
que mesure, aider à cette œuvre natio-
nale. Leur objet propre, il est vrai,
consiste à offrir un placement sûr à un
taux peu onéreux. Et jusqu'ici ils se
sont bien .acquittés de cette tâche.
Même là où ils doivent servir d'inter-
médiaires, on ne peut rien leur repro-
cher. Après tout, ce n'est pas à eux
à défendre l'industrie française, pas
plus que l'industrie française ne peut
veiller aux intérêts des établissements
de crédit.
Toutefois, ces deux forces économi-
ques sont tellement solidaires que l'une
doit infailliblement profiter d'une pros-
périté plus grande de l'autre. Et en ne
s'opposant pas à l'effort de ceux qui
chercheront à écarter du marché offi-
ciel les valeurs douteuses ou les place-
ments industriellement infructueux, en
favorisant même cet effort dans la me-
sure restreinte où ils le peuvent, nos
grands établissements financiers prou-
veront qu'ils ont bien compris et leur
mteret propre, et 1 intérêt supé-
rieur de la France.
R
29 Cheminots
sont réintégrés
sur l'Ouest-État
Conformément aux déclarations de M. le
président du conseil, des décisions ont été
prises hier par M. Cl a veille, directeur des
chemins de fer de l'Etat, pour réintégrer
au réseau vingt-neuf agents révoqués à la
suite des incidents d'octobre dernier.
L'affectation à donner à ces agents sera
fixée par une prochaine décision.,
f PETITS MÉMOIRES
L'Invention
du
tailleur Bowe
Il vient de mourir à Francfort-sur-le-Mein
un modeste tailleur du nom d'Elie Bowe.
Cela ne vous dit rien? Cependant ce nom
occupa, pendant quelques jours, le premier
plan de l'actualité. Bowe avait inventé une
cuirasse de feutre et d'acier à l'épreuve des
balles. Le ministre de la guerre d'Allemagne
fit procéder à des expériences concluantes.
En présence des officiers d'état-major qui
chargeaient eux-mêmes les armes et veillaient
à rendre toute supercherie impossible, Bowe
endossa sa fameuse cuirasse, qui pesait huit
livres. Le petit tailleur se mit à dix pas d'un
peloton de soldats armés de manchester,
mannlicher, lebel et autres fusils, tous plus
meurtriers les uns que les autres. Des sol-
dats tiraient à tour de rôle sur cette cible
vivante. Les balles n'entamèrent pas la cui-
rasse.
Bon, vous dites-vous, la merveilleuse in-
vention du petit tailleur dut être adoptée
avec enthousiasme. Erreur, bonnes gens; on
confia à des bureaux, ainsi que cela se ,, e rn i t
fait en France, le soin d'examiner s'il con-
venait ou non d'utiliser la trouvaille du pau-
vre Bowe. Les bureaux mirent l'affaire dans
leurs cartons. Elle y est encore.
— Ingrate patrie, s'écria Bowe en pré-
sence de cette inertie, tu n'auras pas ma cui-
rasse feutrée et cuirassée.
Et il s'en alla offrir à une nation alliée et
amie de la Triplice, à l'Italie, le fruit de ses
veilles. Mais, à l'instar de l'Allemagne, l'Ita-
lie a des bureaux, et si la cuirasse fut expé-
rimentée avec succès devant un aréopage mi-
litaire, la question fut ensuite étudiée sans
hâte par les ronds-de-cuir de la péninsule.
On l'étudié encore.
Découragé, Bowe reprit son aiguille et,
tout en confectionnant des jaquettes et des
pantalons, il put méditer à loisir sur les in-
fortunes des petits inventeurs. Son cas n'est
point rare. Il serait venu en France, que sa
cuirasse merveilleuse eût eu vraisemblable-
ment le même sort, — celui que les bureaux
de toutes les latitudes font aux nouveautés
coupables de troubler leur farniente. Bowe
est mart misérable et oublié, mais sans
avoir livré son secret. Tant pis pour l'huma-
nité ! Elle invente assez -d'engins meurtriers
pour pouvoir s'offrir, de temps à autre, le
luxe d'adopter un système — fût-ce celui
d'un petit tailleur — propre à enrayer l'abo-
minable œuvre de mort.- POGER BONTEMPS.
ÉCHOS ET NOUVELLES
LE » CIL BLAS »
Dans une lettre adressée à Y Intransigeant,
M. H. de Noussane, ancien directeur du Cil
Blas, donne sur la situation de ce journal
les détails suivants :
a A la requête de M. le commandant Hail-
lot, officier de la Légion d'honneur, prési-
dent du conseil d'administration du Gil Blas,
et malgré l'opposition de trois autres mem-
bres dudit conseil, un administrateur judi-
ciaire, M. Desbleumortier, a pris sous sa tu-
telle, le ier mars, par ordonnance de M. le
président du tribunal civil, la Société du
Cil Blas. C'est un prélude à des décisions de
justice que le président du conseil d'adminis-
tration du Gil Blas, l'administrateur général
du journal, le gérant et tout ce qu'il y a
d'honorable dans la maison, attendent pa-
tiemment avec moi. »
Et notre confrère ajouté que, de toute fa-
çon, il ne lui appartenait pas de continuer de
signer et de paraître dans un journal placé
sous mandat de justice.
LE CENTENAIRE DE BOILEAU
Dimanche prochain, 12 mars, il y aura
deux siècles que mourut Boileau. Le Souve-
nir littéraire, que président nos excellents
confrères MM. Camille Le Senne et Olivier
de Gourcuff, commémorera ce deuxième cen-
tenaire.
Il sera reçu, à dix heures du matin, à la
mairie du sixième arrondissement, voisine de
Saint-Germain-des-Prés, où est inhumé le
poète, par M. Herbet, maire de l'arrondisse-
ment.
De là il se rendra à Auteuil pour y visiter
une dernière fois, de concert avec la Société
d'Auteuil-Passy, la maison de Boileau, pro-
mise, comme nous l'avons dit, aux démolis-
seurs.
LE lJfONUJfENT CHABRiER
Emmanuel Chabrier, dont l'Opéra s'ap-
prête à reprendre la Gwendoline, aura son
monument à Ambert (Puy-de-Dôme), sa ville
natale.
L'exécution en a été confiée à un compa-
triote du grand musicien, le sculpteur Vaury.
Il se composera d'un buste en bronze, agran-
dissement d'un plâtre de Constantin Meunier,
et d'un groupe sculptural formant socle et
représentant un chevrier antique jouant de
la flûte de Pan; un banc demi-circulaire, où
seront sculptées les armes d'Auvergne et cel-
les d'Ambert complétera l'ensemble.
La maquette de M. Vaury est exposée à
Ambert ; le comité l'a acceptée et on s'accorde
à en louer l'heureux symbolisme.
LA MOMIE DE CLEOPATRE
Les ouvriers qui travaillent à l'achèvement
de la Bibliothèque nationale sur la rue Vi-
vienne ne se doutent guère qu'ils foulent de
leurs pieds indifférents la propre tombe de
Cléopâtre.
Quoi! Vraiment? Ecoutez, ce sont les
égyptologues qui le disent. D'après eux, le
cabinet des médailles a longtemps, possédé
dans un sarcophage une momie qu'on donnait
pour être celle de l'illustre reine.
Un jour, il y a une quarantaine d'années,
cette momie devint la proie des vers et on
l'enterra dans le jardin où elle est encore.
Mais que reste-t-il de cette beauté qui perdit
Antoine ?
La Grève du Lait
VERS LA FIN DU CONFLIT
2-jes crémiers emportant leur la.:it dans des liacres
S'il est une grève susceptible d'intéresser
plus particulièrement la population pari-
sienne c'est à coup sûr celle qui l'atteint
dans son alimentation.
Il n'est donc pas surprenant que le conflit
des garçons laitiers ne l'ait point laissée
indifférente.
Hâtons-nous de dire que, grâce aux pré-
cautions prises, elle n'eut guère à subir
dans ses livraisons qu'un léger retard et
encore ne fut-il pas général.
Dans Les dtlférentes gares de Paris, l'ani-
mation fut grande, hier matin, dès les pre-
mières heures du jour.
A la gare des Batignolles-marchandises,
l'enlèvement du lait fut opéré à l'aide- de
charrettes à bras, de tris-porteurs, de fia-
cres, d'auto-taxis et de tombereaux. Tous
les wagons furent déchargés et, à onze
heures et demie, il ne restait plus un seul
pot de lait en panne.
l'dème animation aux gares de Lyon et
d'Orléans, mais, là, de nombreux pots
restèrent en souffrance.
A la gare de la Villelle, où arrivent jour-
nellement de la Brie quarante-cinq wagons
de lait, les gardons laitiers furent remplacés
par des commis de dépôt et de pnleireniers.
D'autrea laitiers en gras avaient invilé
leurs clients à venir prendre eux-mêmes
leur fourniture quotidienne au quai d'arri-
vée, ce qu'ils firent au moyen de fIacres, de
taxis automobiles et de voitures à bras.
Les choses se passèrent pareillement a la
gare de la Chapelle-charbons, où la Compa-
gnie du Nord reçoit, chaque nuit, vers deux
heures du matin, le train spécial qui, formé
à Amiens, ramasse sur son parcours
quarante wagons chargés chacun d'une
moyenne de deux cent cinquante pots.
Les malades des hôpitaux n'ont pas eu
trop à souffrir de la grève, en raison des
mesures prises p.ar le directeur de l'Assis-
tance publique.
« Du reste, les grévistes eux-mêmes avaient
témoigné leur volonté de ne pas voir priver
les malades du lait qui leur est nécessaire,
et avaient même demandé d'assurer le ser-
vice ordinaire.
< En résumé, les Parisiens n'eurent pas,
hier plus que la veille, trop à souffrir de la
grève.
Dans la matinée, un fait nouveau se pro1
duisit. M. Marquet, juge de paix du dou-
zième arrondissement, proposa, conformé-
ment à la loi, l'arbitrage aux deux parties
intéressées.
M. Delmas, secrétaire de l'Union des
transports, donna lecture aux grévistes,
réunis en assemblée générale à la Bourse
du Travail, de cette proposition, puis
du Travaqiul, 'il avait correspondu avec le
annonça qu'il avait correspündu avec le
président de la chambre syndicale patronale
pour lui demander un-e entrevue.
Après une longue discussion, l'assemblée
vota l'ordre du jour suivant :
Après avoir pris connaissance de' la lettre du
juge de paix du deuxième arrondissement, vou-
lant démontrer une fois de plus que c'est. à
coqtre-cœui- qu'ils ( j L arrête le travail et qu'iis
sont les premiers à déplorer que k- lait ne soit
pas servi en temps voulu aux \';eHlal'ds,aux
el
garçons Iaitiers'donnent mandat à unlion de quatre membres, qui seront accompa-
gnés du soorélaire' général de leur syndicat,
pbur les repi'csenler soit auprès (lu juge de ptiix
du douzième arrondissement, soit auprèS' de '.a
déiégaiion patronale.
Conformément à cette décision, la déléga-
tion se rendit, duas l'après-midi, au siège
de la chambre syndicale patronale, 44, rue
Louis-Blanc.
L'entrevue strictement .privée fut. longue
et animée. Elle ne se termina qu'à sept
heures et demie.. » - *
Nous en donnerons- les résultats en
« Dernière Heure ».
LA PETITE ËPARGftE
ET LE PARLEMENT
Le Groupe parlementaire est constitd-é -
La France est la banquière du monde ; il
peut paraître curieux que cette banquière,
qui n'est, somme toute, que la vaste asso-
ciation de tous les « bas de laine » français,
soit livrée, sans aucune garantie, ou du
moins avec des garanties trop insuffisan-
tes;aux dangers de nombreuses spéculations
et de certaines opérations financières.
Réunir en un faisceau toutes les bonnes
volontés parlementaires qui se sont effor-
cées, depuis quelques .années, d'apporter un
remède à cet état de choses, telle a été la
pensée dominante des promoteurs du
Groupe de défense de la petite épargne, qui
s'est formé, hier, à la Chambre, sur l'initia-
tive de' notre excellent confrère, le Courrier
du Parlement, dont la vaillante campagne
est ainsi couronnée de succès.
LE BUREAU
A cette œuvre de sauvegarde de la ri-
chesse et de la vitalité nationales, tous 'les
partis devaient apporter leur collaboration.
Et c'est avec le plus grand éclectisme, mais
avec un commun désir d'action, que, pour
marquer cet esprit, le bureau de ce groupe
a été ainsi' constitué ':
Président : M. Cuny.
Vice-présidents : MM. Perchot, Lenoit,
Charles Dumas, Paris, Daniel de Folleville,
Bonnevay, Néron, amiral Bienaimé.
Secrétaire général : M. Colin.
Secrétaires : MM. Lacour et Lauche.
Dans sa première réunion, le groupe a
.tenu à préciser les points principaux de
son programme.
LE PROGRAMME DU GROUPE
Avec M. Bonnevay, il a convenu que la
législation sur les sociétés d'assurances et
de capitalisation demandait une sérieuse ré-
forme.
M. Lauche a signalé au groupe où pou-
vait conduire le manque de contrôle. Lors-
que les rabatteurs redoutent l'hostilité
du mari, ils ont recours à la femme. Il n'est
pas de parlementaire qui ne soit saisi de de-
mandes ihquiètes d'électeurs, soucieux de
s'éclairer sur certaines affaires où ils ont
eu le tort de s'engager en toute bonne foi.
Le groupe examinera cette question, en
vue de la porter le plus tôt possible devant
la Chambre.
M. Colin a exposé à quels dangers la
petite épargne est exposée avec le régime
actuel des sociétés par actions. La souscrip-
tion publique que le, législateur avait prévue
est disparue de la pratique. Les syndicats
financiers, qui demandaient 10 pour la
garantie d'émission, souscrivent l'emprunt
en totalité puis mettent ensuite les actions
en cours, bénéficiant ainsi d'une nouvelle
prime.
u Les opérations dea syndicats financiers
peuvent être d'un excellent rapport, mais
elles ont tout au moins pour elles une ga-
rantie de crédit suffisante, Il n'en va plus
ainsi pour les initiatives privées de cer-'
tains financiers agissant pour leur propre
compte, et qui, grâce n. concours in-
conscients dû curés et d'instituteurs béné-
voles, séduits par les démarcheurs, entraî-
nent la petite épargne à de redoutabIe-s
catastrophes, n
C'est, ensuite à une véritable organisation
de contrôle efficace que M. Cuny, président,
a convié le groupe.
<1 Il faudrait, dit-il, que l'llctlon, de notre
groupe soit assez puissante pour qu'aucun
emprunt étranger ne puisse être fait sans
que nous en soyons saisis par le gouver-
nement. Il
« Cette, question des emprunts étrangers
est' vitale. Si elle demeure encore pratiquée
sur une vaste échelle, la France, dit M.
Charles^Dumas, perdra son rang économi-
que parce que ses forces vives auront émi-
gré. » -
A cet appui, M. Cumj cite certains exem-
ples du Brésil, où plus de 4 milliards ont
été prêtés à des gouvernements spéciaux ou
à de grandes entreprises qui n'offrent au-
cune gârantie. Le plus caractéristique est
qu'au Brésil même il. n'y aurait pas un sou
pour ces spéculations, que la presse, locale
déclare d'avance vouées'à la ruine. Si les
journaux bcésiliens étaient communiqués
aux petits préteurs, il y aurait là. de quoi
refroidir leur enthousiasme.
M. Perchot fait ensuite un tableau saisis.
sant de la'situation de l'industrie française
à l'égard des emprunts étrangers.
— Avant que le gouvernement autoriso
l'admission à la cote, il est nécessaire, dit-il,
que le groupe intervienne.
« La France ne peut admettre que son ar-
gent passe .la frontière comme capitaux
morts à son égard en devenant des capi-
taux productifs chez les nations concur-
rentes..
« Les établissements de crédit sont dans
leur rôle. Ils prêtent avec le maximum de
sécurité les fonds qu'ils ont en garde ; il
ne leu rappartient pas de s'inquiéter de la
part fàite à l'industrie .et au prolétariat
français. C'est au gouvernement, et surtout
à nous-mêmes, d'intervenir avec énergie.
« L'exemple des grandes fabriques de ma-
tériel de guerre, puissamment organisées,
qui savent intervenir avec force pour re".
tenir des commandes importantes en gage.
de nos prêts à l'étranger, doit être appli-
qué à toute l'industrie.
« Il en va de même pour le prolétariat
français. Il y a chez nous unepépinière. da
bons ouvriers et de bons chefs d'ateliers
qui pourraient aller à l'étranger. Ils don"
neraient à notre industrie un nouvel éclat, ,
en môme temps qu'ils apporteraient un
Organe du Farti IRadioal et Placiical-Socialisto
SIX i BmT Pages: CINQ Centimes
TRENTE-UNIÈME ANNÉE
BULLETIN HEBDOMADAIRE
du Comité exécutif du Parti Radical
- RÉDACTION ET ADMINISTRATION :
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Libres Feuillets
L'ÉDUCATION INTÉGRALE
L'autre jour, ayant à parler, à la Ligue
<3e l'Enseignement, de l'instruction in-
tégrale, je heurtai, paraît-il, certaines
routines ,en déclarant nécessaire, dès les
bancs de l'école, l'éducation des sens et
en souhaitant la réconciliation des arts
et des métiers, « l'apparentement » des
artisans et des artistes. Comme je m'é-
tais permis d'évoquer l'ombre de Platon
et les jardins délicieux de l'Académie,
on crut que je voulais restaurer la doc-
trine d'Epicure ! Je n'irai plus doréna-
vant chercher si loin mes philosophes.
M. Monis et sa déclaration ministérielle
suffisent à ma défense. Le président du
conseil a parlé comme un sage de la
nécessité de l'enseignement technique,
manuel et.professionnel. M. Monis, qui
est presque un « pays » de Montaigne et
qui admire fort Rabelais, n'a pas oublié
que ces deux écrivains furent de grands
éducateurs. On nous permettra d'invo-
quer, en passant, leur témoignage.
Montaigne déteste le pédantisme. Il
préfère à l'instruction livresque le com-
merce de la vie et les voyages. Il s'in-
digne des geôles où l'on tient captive la
jeunesse de son temps et souhaité « les
écoles jonchées de fleurs et de feuillées,
ornées des pourtraicts de la Joye et de
l'Allégresse, de Flora et des Grâces ! »
C'est déià l'art à l'école. Avec Rabelais,
c'est l'art au foyer et à l'atelier ; c'est
une encyclopédie vivante et réaliste !
On n'instruit bien l'enfant qu'à la condi-
tion de le divertir, de suivre sa nature
et la Nature, d'éduquer non seulement
son intelligence, mais ses sens. Scien-
ces, lettres, arts, musique, exercices
physiques, sans oublier « l'industrie et
invention des métiers » : voilà sur quoi
Ponocrates veut « instituer » son élève.
C'est à la face du ciel, en pleine nuit,
qu'ils notaient les figures des astres ;
et c'est par un beau jour, dans une
prairie, qu'ils « récolaient par cœur quel-
ques plaisants vers de l'Agriculture de
;Vïrgile. »
On a cent fois raison de revenir au-
jourd'hui, après tant de phraséologie
scolastique, à cette éducation des sens,
réhabilitée par un distingué professeur,
M. Marcel Braunschvig, dans son livre :
l'Art et VEnfant. Sous le contrôle de l'in-
telligence, pourquoi rougir de tirer
parti de ces forces instinctives : la vue,
l'ouïe, le toucher, le goilt, l'odorat, le
môuvemeRk4 En présence des beautés;
naturelles, des sites pittoresques, des
monuments et des œuvres artistiques,
combien de petits Français ne. savent
rien voir, parce qu'on n'a jamais ins-
truit leurs yeux à regarder, à saisir les
couleurs, les formes, les détails et l'en-
semble des choses 1 « Conduisèz, écrit
M. Nozière, un ignorant dans une cathé-
drale gothique 1 La seule hauteur de la
nef produira sur lui une forte impres-
sion. Mais ressentir de la joie devant la
justesse des proportions, c'est un .plaisir
réservé aux initiés ! » On ne saurait
mieux dire. Mais pour que l'enfant soit
initié, il faut que son maître l'ait été
premièrement !
Même observation pour l'éducation de
l'ouïe. On a trouvé bizarre l'idée de mon
excellent ami Maurice Faure, prescri-
vant pour les écoles une version musi-
cale officielle de la Marseillaise. S'il
avait recommandé, dans cette même cir-
culaire, les meilleurs chants tradition-
nels de nos anciennes provinces fran-
çaises, il faudrait le louer deux fois !
Le génie de Wagner ne fut-il pas im-
prégné, dès son enfance, des vieux lieds
d'outre-Rhin ? Les écoliers suisses n'ap-
prennent-ils pas tout ensemble la musi-
que et la danse avec les rondes chantées
et rythmées de Jacques Dalcroze ? Bou-
chor, Tiersot, Weckerlin, Bruneau,
Sembat, Charpentier, Chapuis, Che-
broux, Marcel Legay, d'Estournelies,
ont parfaitement compris, chez nous, la
.valeur émotive, éducative et moralisa-
trice de la musique populaire ou clas-
sique, depuis les cantilènes du « folk-
lore » jusqu'aux purs chefs-d'œuvre de
nos grands maîtres. Perçu par une
oreille bien éduquée, traduit par une
voix experte, le chant impose le senti-
ment de la discipline, de l'harmonie, de
la solidarité dans l'effort !
Tous les élèves de nos écoles nor-
males devraient avoir lu l'Histoire de
ma vie, d'Hélène Keller, une Anglaise
sourde, aveugle et muette, et les Pro-
blèmes de Vesthétique contemporaine,
de Guyau. Le livre d'Hélène Keller est
une apologie de l'éducation du tact.
« J'en arrive à me demander quelque-
fois, écrit-elle, si la main ne perçoit pas
mieux que les yeux les beautés de la
sculpture. Je crois que la fuite rythmi-
que des lignes est plus sensible au tou-
cher qu'à la vue. En explorant les mar-
bres des statues, en caressant leurs
courbes, mes doigts perçoivent 1a. pen-
sée et l'émotion que l'artiste a voulu
rendre. » Et Guyau, appliquant la même
idée esthétique à l'éducation du goût,
nous cite un trait délicieux. Un jour,
après une longue course dans les Pyré-
nées, il rencontre un pâtre qui lui
donne un verre de lait glacé : « Je bus,
di.t-il, ce lait frais où toute la montagne
avait mis son parfum. C'était comme
une - symphonie pastorale saisie par le
goût au lieu de l'être par l'oreille. »
Il n'est pas jusqu'à l'odorat qui ne
puisse se perfectionner par l'éducation
et nous donner des sensations exquises.
« Il y a, écrit M. Braunschvig, des par-
fums qui nous enivrent et qui nous
plongent en une extase analogue à celle
où nous mettent les œuvres d'art très
belles. » Ce que nous appelons le
charme du printemps ne provient-il pas,
pour une grande part, des senteurs qui
flottent dans l'atmosphère ? Sans doute,
il ne faut rien exagérer ; et l'on doit
garder l'enfant de tout dilettantisme ef-
féminé. Pourtant, lorsqu'il s'agit de dé-
velopper en beauté toutes ses facultés
physiques, qui ne voit que la grâce des
mouvements a, comme l'éducation des
sens, sa place marquée à l'école et au
foyer ? Les Grecs ne séparaient point
la gymnastique de l'esthétique, et les
danses en plein air contribuèrent jadis
à rendre belles et nobles les lilles de
l'Hellas. Comme l'âme, le corps a sa dis-
tinction, sa probité, sa santé. Et ainsi la
pédagogie bien comprise, dans une
école riante et claire, agira tout à la fois
sur l'intelligence, le caractère et les sens
des jeunes générations 1
Il demeure bien entendu que l'éduca-
tion intégrale ne doit pas viser à faire
de tous les enfants des artistes. Mais à
une époque où toutes les nations déve-
loppent leur enseignement technique et
professionnel au point de mettre en dis-
cussion notre suprématie jusqu'alors
incontestée dans le domaine du goût, il
n'est pas mauvais que nous songions à
« instituer » de sages apprentis, de vi-
goureux artisans, de gracieuses jeunes
filles qui voient clair et sachent exacte-
ment traduire leurs visions ou leurs
conceptions, à l'atelier comme au foyer.
Si 1 intelligence de la nature et le pre-
mier travail de l'esprit imposent à l'être
humain, dès l'entrée dans la vie, un la-
borieux effort, la société moderne, loin
d'y demeurer insensible, doit s'attacher,
par tous les moyens,, à en atténuer la
rigueur. 'Comment y parvenir plus sû-
rement qu'en conviant l'Art à accueillir
l'enfance ? Nos amis Steeg et Massé,
préposés à l'éducation et à l'industrie
nationales, seront certainement sur ce
point de l'avis de Montaigne et de Ra-
belais.
CH.-M. OOUYBA,
Sénateur,
Rapporteur du budget de finstruction
publique.
LA RÉVOLTE AU MAROC
La Marche y
.**■
■- contrâ ., •
les Rebelles
Les journaux anglais publient de nouvel-
les dépêches du Maroc qui précisent la si-
tuation dans l'empire chérifien.
Une dépêche de Tanger au Standard an-
nonce que le sultan prend des mesures éner-
giques contre les révolutionnaires. Le com-
mandant Mangin est parti de Fez avec tou-
tes les forces disponibles.
D'autre part, on mande de Tanger au
Times :
1 « D'après des nouvelles d'El-Ksar, l'ar-
mée chérifienne s'est avancée dans des
conditions satisfaisantes, incendiant sur sa
route les villages de la tribu hedjaoua.
Elle se trouve maintenant entre les tribus
révoltées des Cherarda et des Beni-Ahssen.
« A Fez, dans les cercles du maghzen, il
règne une vive inquiétude. Le prix des vi-
vres y a augmenté de cent pour cent.
« Des tribus ont pillé un palais aban-
donné du sultan, qui se trouve à 2 kilomè-
tres de Fez. Plusieurs courriers ont été dé-
valisés, et dans la campagne des marchés
ont été pillés. »
L'Affaire Rochette
M. de Folle ville, rapporteur de la commis-
sion d'enquête sur l'affaire Rochette, vient
d'informer M. Jaurès, président de la com-
mission, que son rapport était prêt et qu'il
était à la disposition de la commission pour
lui en donner lecture.
A LA DEUXIEME PAGE :
A LA CHAMBRE : La discussion géné-
rale du budget de la marine.
A LA QUATRIEME PAGE :
CHRONIQUE SCIENTIFIQUE.
CHRONIQUE MUTUALISTE.
TRIBUNE DES FONCTIONNAIRES.
PiMUUJLH~M LJU UMUu tN'jtiMjL~LlJ
Parmi les inspirations du nouveau
cabinet, une des plus heureuses est son
souci manifeste du problème économo
Iï ^e rerrd compte qufe Patrfemtt
économique du pays doit être, de plus
en plus, intimement liée à son activité
politique.
La politique, comme jadis la philo-
sophie, descend du ciel sur la terre.
On quitte les nuages et les abstractions
pour des réalités plus solides. On veut
donner à la nation moins de discours
et plus de bien-être.
Le premier devoir d'un gouverne-
ment si bien inspiré est de protéger
l'épargne et d'en orienter l'emploi. La
France est un pays riche. Il faut que
cette richesse soit défendue et se tra-
duise en bien-être par l'essor de notre
industrie et de notre commerce.
Déjà les occasions d'intervenir ne
sont que trop nombreuses. Il suffit,
pour s'en apercevoir, de regarder agir
une certaine catégorie de financiers.
Le spectacle ne manque pas de comi-
que. On assiste à de perpétuels mira-
cles : inventions merveilleuses de bien-
faiteurs de l'humanité, sources, gise-
ments, filons au rendement fantastique
dans de lointains Eldorados.
Mais le miracle le plus étonnant: c'est
la crédulité du public. Ainsi se multi-
plient les émissions non seulement fic-
tives, mais invraisemblables. Et ces mo-
dernes thaumaturges réalisent le pro-
dige de faire quelque chose de rien.
On cesse de rire si l'on songe aux
ruines accumulées par ces escrocs au-
dacieux. Il est temps de mettre un ter-
me à leurs exploits.
Mais il est encore un autre point où
une politique économique plus ferme et
plus judicieuse s'impose.
Il est entendu que la France, puis-
qu'elle est le pays de l'épargne, doit
être aussi la banquière des nations —
en Europe ou ailleurs. Nous n'avons
même qu'à nous féliciter de ce rôle s'il
doit, comme on l'a dit, contribuer à
notre influence mondiale.
Toutefois, il ne faudrait pas se.payer
de mots. Une nation ne vit pas seule-
ment de son prestige. Et là où notre
crédit ne nous procure pas des avanta-
ges diplomatiques il devrait tout au
moins servir à la prospérité intérieure
du pays.
Notre industrie, notre commerce se
sont, dans les dix dernières années, dé-
veloppés d'une manière très insuffi-
sante, hors de proportion avec nos res-
sources. Il est vrai que, chez nous, la
vie économique est paralysée par le
manque d'outillage. Le jour où l'Etat
français donnera sa garantie à des em-
prunts réalisés pour des travaux indis-
pensables d'ordre intérieur, peut-être
alors une partie plus considérable de
l'épargne française restera chez nous
et contribuera à la prospérité natio-
nale.
Mais même le superflu que nous en-
vovons au dehors devrait servir nos
intérêts économiques. Le capital fran-
çais- une fois à l'étranger y travaille,
quoique mort pour nous. Il développe
des outillages, des industries. Il favo-
rise à nos dépens des concurrences
économiques dont nous avons ensuite
à souffrir.
Ne serait-il pas plus logique que la
France participât en quelque manière
à ces prospérités qu'elle crée ? Qu'elle
se réservât une partie du bénéfice éco-
nomique des prêts consentis par elle ?
Ou elle exigeât enfin, pour l'ensemble
de ses industries, les mêmes préfé-
rences limitées jusqu'ici à quelques
fournitures..métalhirgiques.?-^ -
L'activité du pays tout entier en bé-
auicierait. Avec notre expansion in-
dustrielle au dehors, la condition de
notre prolétariat s'élèverait aussitôt.
Les ouvriers français ont des qualités
incomparables d'adresse innée et d'ha-
bileté professionnelle. Si l'occasion
leur en était donnée, ils fourniraient
bientôt à l'étranger les chefs d'atelier
dont celui-ci a besoin. Et la France v
gagnerait en influence autant qu'en
bien-être. Et tout cela, par la simple
application de ce principe- que le ca-
pital français doit entraîner avec lui,
partout ou il va, l'industrie française
et le prolétariat français. 1
Voilà une vérité dont les pouvoirs
publics devraient bien se souvenir.
Peut-être d'ailleurs trouveront-ils main-
tenant auprès d'eux des interprètes au-
torisés qui se chargeront de la leur
rappeler. Hier, en effet, s'est constitué
à la Chambre un groupe pour la pro-
tectioh de l'épargne française ; et son
premier devoir sera évidemment de
veiller à la sécurité et à la bonne orien-
tation de nos placements nationaux.
Le gouvernement sejdoit à lui-même
de seconder ce groupe dans ses efforts.
Lui seul, en somme, peut les faire
aboutir. Car c'est bien au gouverne-
ment qu'incombe la responsabilité et
des admissions à la cote et des autori-
sations d'emprunts étrangers.
Non point d'ailleurs que les établis-
sements de crédit ne puissent, en quel-
que mesure, aider à cette œuvre natio-
nale. Leur objet propre, il est vrai,
consiste à offrir un placement sûr à un
taux peu onéreux. Et jusqu'ici ils se
sont bien .acquittés de cette tâche.
Même là où ils doivent servir d'inter-
médiaires, on ne peut rien leur repro-
cher. Après tout, ce n'est pas à eux
à défendre l'industrie française, pas
plus que l'industrie française ne peut
veiller aux intérêts des établissements
de crédit.
Toutefois, ces deux forces économi-
ques sont tellement solidaires que l'une
doit infailliblement profiter d'une pros-
périté plus grande de l'autre. Et en ne
s'opposant pas à l'effort de ceux qui
chercheront à écarter du marché offi-
ciel les valeurs douteuses ou les place-
ments industriellement infructueux, en
favorisant même cet effort dans la me-
sure restreinte où ils le peuvent, nos
grands établissements financiers prou-
veront qu'ils ont bien compris et leur
mteret propre, et 1 intérêt supé-
rieur de la France.
R
29 Cheminots
sont réintégrés
sur l'Ouest-État
Conformément aux déclarations de M. le
président du conseil, des décisions ont été
prises hier par M. Cl a veille, directeur des
chemins de fer de l'Etat, pour réintégrer
au réseau vingt-neuf agents révoqués à la
suite des incidents d'octobre dernier.
L'affectation à donner à ces agents sera
fixée par une prochaine décision.,
f PETITS MÉMOIRES
L'Invention
du
tailleur Bowe
Il vient de mourir à Francfort-sur-le-Mein
un modeste tailleur du nom d'Elie Bowe.
Cela ne vous dit rien? Cependant ce nom
occupa, pendant quelques jours, le premier
plan de l'actualité. Bowe avait inventé une
cuirasse de feutre et d'acier à l'épreuve des
balles. Le ministre de la guerre d'Allemagne
fit procéder à des expériences concluantes.
En présence des officiers d'état-major qui
chargeaient eux-mêmes les armes et veillaient
à rendre toute supercherie impossible, Bowe
endossa sa fameuse cuirasse, qui pesait huit
livres. Le petit tailleur se mit à dix pas d'un
peloton de soldats armés de manchester,
mannlicher, lebel et autres fusils, tous plus
meurtriers les uns que les autres. Des sol-
dats tiraient à tour de rôle sur cette cible
vivante. Les balles n'entamèrent pas la cui-
rasse.
Bon, vous dites-vous, la merveilleuse in-
vention du petit tailleur dut être adoptée
avec enthousiasme. Erreur, bonnes gens; on
confia à des bureaux, ainsi que cela se ,, e rn i t
fait en France, le soin d'examiner s'il con-
venait ou non d'utiliser la trouvaille du pau-
vre Bowe. Les bureaux mirent l'affaire dans
leurs cartons. Elle y est encore.
— Ingrate patrie, s'écria Bowe en pré-
sence de cette inertie, tu n'auras pas ma cui-
rasse feutrée et cuirassée.
Et il s'en alla offrir à une nation alliée et
amie de la Triplice, à l'Italie, le fruit de ses
veilles. Mais, à l'instar de l'Allemagne, l'Ita-
lie a des bureaux, et si la cuirasse fut expé-
rimentée avec succès devant un aréopage mi-
litaire, la question fut ensuite étudiée sans
hâte par les ronds-de-cuir de la péninsule.
On l'étudié encore.
Découragé, Bowe reprit son aiguille et,
tout en confectionnant des jaquettes et des
pantalons, il put méditer à loisir sur les in-
fortunes des petits inventeurs. Son cas n'est
point rare. Il serait venu en France, que sa
cuirasse merveilleuse eût eu vraisemblable-
ment le même sort, — celui que les bureaux
de toutes les latitudes font aux nouveautés
coupables de troubler leur farniente. Bowe
est mart misérable et oublié, mais sans
avoir livré son secret. Tant pis pour l'huma-
nité ! Elle invente assez -d'engins meurtriers
pour pouvoir s'offrir, de temps à autre, le
luxe d'adopter un système — fût-ce celui
d'un petit tailleur — propre à enrayer l'abo-
minable œuvre de mort.- POGER BONTEMPS.
ÉCHOS ET NOUVELLES
LE » CIL BLAS »
Dans une lettre adressée à Y Intransigeant,
M. H. de Noussane, ancien directeur du Cil
Blas, donne sur la situation de ce journal
les détails suivants :
a A la requête de M. le commandant Hail-
lot, officier de la Légion d'honneur, prési-
dent du conseil d'administration du Gil Blas,
et malgré l'opposition de trois autres mem-
bres dudit conseil, un administrateur judi-
ciaire, M. Desbleumortier, a pris sous sa tu-
telle, le ier mars, par ordonnance de M. le
président du tribunal civil, la Société du
Cil Blas. C'est un prélude à des décisions de
justice que le président du conseil d'adminis-
tration du Gil Blas, l'administrateur général
du journal, le gérant et tout ce qu'il y a
d'honorable dans la maison, attendent pa-
tiemment avec moi. »
Et notre confrère ajouté que, de toute fa-
çon, il ne lui appartenait pas de continuer de
signer et de paraître dans un journal placé
sous mandat de justice.
LE CENTENAIRE DE BOILEAU
Dimanche prochain, 12 mars, il y aura
deux siècles que mourut Boileau. Le Souve-
nir littéraire, que président nos excellents
confrères MM. Camille Le Senne et Olivier
de Gourcuff, commémorera ce deuxième cen-
tenaire.
Il sera reçu, à dix heures du matin, à la
mairie du sixième arrondissement, voisine de
Saint-Germain-des-Prés, où est inhumé le
poète, par M. Herbet, maire de l'arrondisse-
ment.
De là il se rendra à Auteuil pour y visiter
une dernière fois, de concert avec la Société
d'Auteuil-Passy, la maison de Boileau, pro-
mise, comme nous l'avons dit, aux démolis-
seurs.
LE lJfONUJfENT CHABRiER
Emmanuel Chabrier, dont l'Opéra s'ap-
prête à reprendre la Gwendoline, aura son
monument à Ambert (Puy-de-Dôme), sa ville
natale.
L'exécution en a été confiée à un compa-
triote du grand musicien, le sculpteur Vaury.
Il se composera d'un buste en bronze, agran-
dissement d'un plâtre de Constantin Meunier,
et d'un groupe sculptural formant socle et
représentant un chevrier antique jouant de
la flûte de Pan; un banc demi-circulaire, où
seront sculptées les armes d'Auvergne et cel-
les d'Ambert complétera l'ensemble.
La maquette de M. Vaury est exposée à
Ambert ; le comité l'a acceptée et on s'accorde
à en louer l'heureux symbolisme.
LA MOMIE DE CLEOPATRE
Les ouvriers qui travaillent à l'achèvement
de la Bibliothèque nationale sur la rue Vi-
vienne ne se doutent guère qu'ils foulent de
leurs pieds indifférents la propre tombe de
Cléopâtre.
Quoi! Vraiment? Ecoutez, ce sont les
égyptologues qui le disent. D'après eux, le
cabinet des médailles a longtemps, possédé
dans un sarcophage une momie qu'on donnait
pour être celle de l'illustre reine.
Un jour, il y a une quarantaine d'années,
cette momie devint la proie des vers et on
l'enterra dans le jardin où elle est encore.
Mais que reste-t-il de cette beauté qui perdit
Antoine ?
La Grève du Lait
VERS LA FIN DU CONFLIT
2-jes crémiers emportant leur la.:it dans des liacres
S'il est une grève susceptible d'intéresser
plus particulièrement la population pari-
sienne c'est à coup sûr celle qui l'atteint
dans son alimentation.
Il n'est donc pas surprenant que le conflit
des garçons laitiers ne l'ait point laissée
indifférente.
Hâtons-nous de dire que, grâce aux pré-
cautions prises, elle n'eut guère à subir
dans ses livraisons qu'un léger retard et
encore ne fut-il pas général.
Dans Les dtlférentes gares de Paris, l'ani-
mation fut grande, hier matin, dès les pre-
mières heures du jour.
A la gare des Batignolles-marchandises,
l'enlèvement du lait fut opéré à l'aide- de
charrettes à bras, de tris-porteurs, de fia-
cres, d'auto-taxis et de tombereaux. Tous
les wagons furent déchargés et, à onze
heures et demie, il ne restait plus un seul
pot de lait en panne.
l'dème animation aux gares de Lyon et
d'Orléans, mais, là, de nombreux pots
restèrent en souffrance.
A la gare de la Villelle, où arrivent jour-
nellement de la Brie quarante-cinq wagons
de lait, les gardons laitiers furent remplacés
par des commis de dépôt et de pnleireniers.
D'autrea laitiers en gras avaient invilé
leurs clients à venir prendre eux-mêmes
leur fourniture quotidienne au quai d'arri-
vée, ce qu'ils firent au moyen de fIacres, de
taxis automobiles et de voitures à bras.
Les choses se passèrent pareillement a la
gare de la Chapelle-charbons, où la Compa-
gnie du Nord reçoit, chaque nuit, vers deux
heures du matin, le train spécial qui, formé
à Amiens, ramasse sur son parcours
quarante wagons chargés chacun d'une
moyenne de deux cent cinquante pots.
Les malades des hôpitaux n'ont pas eu
trop à souffrir de la grève, en raison des
mesures prises p.ar le directeur de l'Assis-
tance publique.
« Du reste, les grévistes eux-mêmes avaient
témoigné leur volonté de ne pas voir priver
les malades du lait qui leur est nécessaire,
et avaient même demandé d'assurer le ser-
vice ordinaire.
< En résumé, les Parisiens n'eurent pas,
hier plus que la veille, trop à souffrir de la
grève.
Dans la matinée, un fait nouveau se pro1
duisit. M. Marquet, juge de paix du dou-
zième arrondissement, proposa, conformé-
ment à la loi, l'arbitrage aux deux parties
intéressées.
M. Delmas, secrétaire de l'Union des
transports, donna lecture aux grévistes,
réunis en assemblée générale à la Bourse
du Travail, de cette proposition, puis
du Travaqiul, 'il avait correspondu avec le
annonça qu'il avait correspündu avec le
président de la chambre syndicale patronale
pour lui demander un-e entrevue.
Après une longue discussion, l'assemblée
vota l'ordre du jour suivant :
Après avoir pris connaissance de' la lettre du
juge de paix du deuxième arrondissement, vou-
lant démontrer une fois de plus que c'est. à
coqtre-cœui- qu'ils ( j L arrête le travail et qu'iis
sont les premiers à déplorer que k- lait ne soit
pas servi en temps voulu aux \';eHlal'ds,aux
el
garçons Iaitiers'donnent mandat à unlion de quatre membres, qui seront accompa-
gnés du soorélaire' général de leur syndicat,
pbur les repi'csenler soit auprès (lu juge de ptiix
du douzième arrondissement, soit auprèS' de '.a
déiégaiion patronale.
Conformément à cette décision, la déléga-
tion se rendit, duas l'après-midi, au siège
de la chambre syndicale patronale, 44, rue
Louis-Blanc.
L'entrevue strictement .privée fut. longue
et animée. Elle ne se termina qu'à sept
heures et demie.. » - *
Nous en donnerons- les résultats en
« Dernière Heure ».
LA PETITE ËPARGftE
ET LE PARLEMENT
Le Groupe parlementaire est constitd-é -
La France est la banquière du monde ; il
peut paraître curieux que cette banquière,
qui n'est, somme toute, que la vaste asso-
ciation de tous les « bas de laine » français,
soit livrée, sans aucune garantie, ou du
moins avec des garanties trop insuffisan-
tes;aux dangers de nombreuses spéculations
et de certaines opérations financières.
Réunir en un faisceau toutes les bonnes
volontés parlementaires qui se sont effor-
cées, depuis quelques .années, d'apporter un
remède à cet état de choses, telle a été la
pensée dominante des promoteurs du
Groupe de défense de la petite épargne, qui
s'est formé, hier, à la Chambre, sur l'initia-
tive de' notre excellent confrère, le Courrier
du Parlement, dont la vaillante campagne
est ainsi couronnée de succès.
LE BUREAU
A cette œuvre de sauvegarde de la ri-
chesse et de la vitalité nationales, tous 'les
partis devaient apporter leur collaboration.
Et c'est avec le plus grand éclectisme, mais
avec un commun désir d'action, que, pour
marquer cet esprit, le bureau de ce groupe
a été ainsi' constitué ':
Président : M. Cuny.
Vice-présidents : MM. Perchot, Lenoit,
Charles Dumas, Paris, Daniel de Folleville,
Bonnevay, Néron, amiral Bienaimé.
Secrétaire général : M. Colin.
Secrétaires : MM. Lacour et Lauche.
Dans sa première réunion, le groupe a
.tenu à préciser les points principaux de
son programme.
LE PROGRAMME DU GROUPE
Avec M. Bonnevay, il a convenu que la
législation sur les sociétés d'assurances et
de capitalisation demandait une sérieuse ré-
forme.
M. Lauche a signalé au groupe où pou-
vait conduire le manque de contrôle. Lors-
que les rabatteurs redoutent l'hostilité
du mari, ils ont recours à la femme. Il n'est
pas de parlementaire qui ne soit saisi de de-
mandes ihquiètes d'électeurs, soucieux de
s'éclairer sur certaines affaires où ils ont
eu le tort de s'engager en toute bonne foi.
Le groupe examinera cette question, en
vue de la porter le plus tôt possible devant
la Chambre.
M. Colin a exposé à quels dangers la
petite épargne est exposée avec le régime
actuel des sociétés par actions. La souscrip-
tion publique que le, législateur avait prévue
est disparue de la pratique. Les syndicats
financiers, qui demandaient 10 pour la
garantie d'émission, souscrivent l'emprunt
en totalité puis mettent ensuite les actions
en cours, bénéficiant ainsi d'une nouvelle
prime.
u Les opérations dea syndicats financiers
peuvent être d'un excellent rapport, mais
elles ont tout au moins pour elles une ga-
rantie de crédit suffisante, Il n'en va plus
ainsi pour les initiatives privées de cer-'
tains financiers agissant pour leur propre
compte, et qui, grâce n. concours in-
conscients dû curés et d'instituteurs béné-
voles, séduits par les démarcheurs, entraî-
nent la petite épargne à de redoutabIe-s
catastrophes, n
C'est, ensuite à une véritable organisation
de contrôle efficace que M. Cuny, président,
a convié le groupe.
<1 Il faudrait, dit-il, que l'llctlon, de notre
groupe soit assez puissante pour qu'aucun
emprunt étranger ne puisse être fait sans
que nous en soyons saisis par le gouver-
nement. Il
« Cette, question des emprunts étrangers
est' vitale. Si elle demeure encore pratiquée
sur une vaste échelle, la France, dit M.
Charles^Dumas, perdra son rang économi-
que parce que ses forces vives auront émi-
gré. » -
A cet appui, M. Cumj cite certains exem-
ples du Brésil, où plus de 4 milliards ont
été prêtés à des gouvernements spéciaux ou
à de grandes entreprises qui n'offrent au-
cune gârantie. Le plus caractéristique est
qu'au Brésil même il. n'y aurait pas un sou
pour ces spéculations, que la presse, locale
déclare d'avance vouées'à la ruine. Si les
journaux bcésiliens étaient communiqués
aux petits préteurs, il y aurait là. de quoi
refroidir leur enthousiasme.
M. Perchot fait ensuite un tableau saisis.
sant de la'situation de l'industrie française
à l'égard des emprunts étrangers.
— Avant que le gouvernement autoriso
l'admission à la cote, il est nécessaire, dit-il,
que le groupe intervienne.
« La France ne peut admettre que son ar-
gent passe .la frontière comme capitaux
morts à son égard en devenant des capi-
taux productifs chez les nations concur-
rentes..
« Les établissements de crédit sont dans
leur rôle. Ils prêtent avec le maximum de
sécurité les fonds qu'ils ont en garde ; il
ne leu rappartient pas de s'inquiéter de la
part fàite à l'industrie .et au prolétariat
français. C'est au gouvernement, et surtout
à nous-mêmes, d'intervenir avec énergie.
« L'exemple des grandes fabriques de ma-
tériel de guerre, puissamment organisées,
qui savent intervenir avec force pour re".
tenir des commandes importantes en gage.
de nos prêts à l'étranger, doit être appli-
qué à toute l'industrie.
« Il en va de même pour le prolétariat
français. Il y a chez nous unepépinière. da
bons ouvriers et de bons chefs d'ateliers
qui pourraient aller à l'étranger. Ils don"
neraient à notre industrie un nouvel éclat, ,
en môme temps qu'ils apporteraient un
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