Titre : Le Journal
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1892-10-29
Contributeur : Xau, Fernand (1852-1899). Directeur de publication
Contributeur : Letellier, Henri (1867-1960). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34473289x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 29 octobre 1892 29 octobre 1892
Description : 1892/10/29 (A1,N5). 1892/10/29 (A1,N5).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG87 Collection numérique : BIPFPIG87
Description : Collection numérique : BIPFPIG13 Collection numérique : BIPFPIG13
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7614888g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-220
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/06/2014
PREMIERE ANNÉE. NUMERO 5
Go SSiaT>T>léixa.on"fc ne peu.t, être vendu
SAMEDI 29 OCTOBRE 1892
SUPP,LÉMENT LITTÉRAIRE
FERNAND XAU
Directeur
:R.ÊD.A.CTION
106, RUE RICHELIEU, PARIS
Prix des Abonnements
UD At Six Bois Trois ïeil Ha Kok
PARIS. 20. » 10.50 5.50 2. »
DÉPARTEMENTS ET ALGÉRIE 25. » 13. » 7. » 2.50
ÉTRANGER (UNIONPOSTALE) 35. » 18. » 10. » 3.50
Les manuscrits non insérés né sont pas rendus.
Adresser les mandats-poste à M. l'Administrateur.
FERNAND XAU
Directeur
IA.R>A £ IÏTXST:R ATION
106, RUE RICHELIEU, PARIS
'Annonces, Réclames et Faits Divers
CHEZ LAGRANGE, CERF ET CI..
6, PLACE DE LA BOURSE
tt dans tes bureaux du JOURNAL,
Urttse télégraphique : JOURNAL-RICHELIEU-PARfcJ
Publicité de premilre et deuxième page
aux bureaux du JOURNAL, xo6, rue Richetiht.
"JOURNlL"- REVUE
COMÉDIE VÉCUE
Représentée pour la première fois sur le théâtre
du Journal, le 27 septembre 1892,
et continuée depuis sans interruption.
Croquis-express de Cabriol
PERSONNAGES:
FERNAND XAU, directeur du Journal; ALEXIS
LAUZE, secrétaire de la rédaction; FRANÇOIS
COPPÉE, PAUL BOURGET, MAURICE BARRÈS, OSCAR
MÉTÉNIER, etc., etc., collaborateurs du Journal;
PONT, général domestique, chef des garçons
de bureau; LE SuccÈS, etc., etc.
Le théâtre représente le bureau du directeur
du Journal. Au fond, une cheminée ornée
de bronzes et d'objets d'art. A gauche de la
cheminée, une table avec tout ce qu'il faut
pour écrire ; à droite, une porte conduisant
au cabinet du secrétaire de la direction. A
Favant-scéne, un canapé chargé d'affiches ;
chaises, fauteuils, un tapis épais, mobilier
luxueux; électricité, téléphone, etc.
Quatre heures après midi.
Fernand Xau entre. Il jette son paletot et son
chapeau sur le canapé, et sonne.
FERNAND XAu (appelant)
Pont ! Pont ! où diable est-il ? (II se lève
ouvre la porte et aperçoit Pont qui ar-
rache une à une les plumes de son plu-
meau). Pont!
PONT, chef des garçons de bureau (sans
entendre)
Elle m'aime ! (Il continue à effeuiller
son ustensile.)Un peu. beaucoup. pas-
sionnément. pas du tout. ah! zut.
FERNAND XAU
Mais ce n'est pas un garçon de bureau
c'est le pont des soupirs. (Il crie.) Pont i
Viendrez-vous, a la fin ?.
PONT
Voila. Voilllà, !
FEENAND XAU
Mes lettres. (Pont lui remet treize
cents lettres.) Que ça ! ah ! non ! il y en a
trop. Portez cela à Quinaud. Non, ap-
pelez-le. (Pont appelle Quinaud à
droite.)
QUINAUD
Qu'est-ce qu'il y a?
FEENAND XAU
Tenez, Quinaud, lisez donc ça et ré-
pondez aujourd'hui. Vous serez bien
gentil!
QUINAUD (désespéré)
Treize cents lettres ! (Il sort navré.)
FEENAND XAU (à Pont qui re-éffeuille
son plumeau)
Est-ce que M. Lauze est arrivé ?
; PONT
-. Oui, Monsieur t Il parcourt les ma-
nuscrits. Cinq ou six cents ce matin.
FERNAND XAU
Priez-le de venir. ah ! attendez. ap-
pelez aussi M. Bouvier. ah ! et Qui-
naud ! ah 1 et Alerand. ah ! et Poirier.
et.
PONT
Tout le monde, quoi !
FEENAND XAU
C'est ça.
Pont sort et se heurte dans un vieux monsieur.
LE VIEUX MONSIEUR
M. Xau, s'y ou plaît ?
PONT
Le matin a 10 heures. Circulez !
LE VIEUX MONSIEUR
Je suis venu ce matin, à dix heures.
Il y avait soixante-deux personnes. J'a-
vais le numéro 63. A deux heures, je
suis allé déjeuner, à côté. Ça m'a coûté
vingt-neuf sous.
PONT
Qu'est-ce que ça peut m'faire, à [moi ?
LE VIEUX MONSIEUR
Et quatre sous de pourboire; j'ai mal
déjeuné tout de même.
PONT
Vous dînerez mieux.
LE VIEUX MONSIEUR
Mais, M. Xau?
PONT
Vous aviez le 63 ce matin? Vous allez
avoir, ce soir, le 128. Il y a cent vingt-
sept personnes a passer avant vous.
LE VIEUX MONSIEUR (s'asseyant dans la
salle d'attente)
J'attendrai!. avec résignation. Don-
nez-moi le Journal.
PONT
Voilà. C'est deux sous. Circulez!.
LE VIEUX MONSIEUR
Non ! Un sou ! Un sou !
PONT
C'est deux sous quand je fais l'hon-
neur de le vendre. Et puis, j'aime
mieux qu'on l'achète dans les kiosques
ou dans la Salle des dépêches. Ça en-
courage les autres.
LE VIEUX MONSIEUR
Vous avez donc une [Salle des dépê-
ches ?-
PONT
Vous avez donc de la m.élasse sur
les yeux que vous ne l'avez pas vue en
passant? C'est mon triomphe, la Salle
des dépêches!. Je l'ai dit à Xau :
« Faites une Salle des dépêches. Tout
Paris y viendra. » Il m'a écouté. il a
bien fait.
LE VIEUX MONSIEUR
Je vais la voir.
PONT
Amusez-vous bien et bonjour à vos
poules. Ah ! dans cette salle, je vous
recommande la parfumeuse et le por-
trait de Valti ! Oh! ces jambes! (Il
presse son plumeau sur son cœur.)
LE VIEUX MONSIEUR
Les jambes de la parfumeuse ?
PONT
Non ! de Valti! mon vieux, j'en mour-
rai ! (Il lui tape sur -le ventre.)
LE VIEUX MONSIEUR (à part, en s'en
allant)
Aimable, mais familier.;'
UNE JOLIE FEMME
M. Xau, s'y ou plaît ?
PONT
Numéro 129. Votre carte? ¡
LA JOLIE FEMME ;
Mais je ne suis pas en carte !
PONT
Votre carte de visite, qu'on vous dit.
(A part.). Elle est rien bouchée ! (Haut.)
Asseyez-vous et ne faites pas de bruit.
UNE FEMME QUELCONQUE
M. Xau, s'y ou plaît?
PONT -
Numéro 130. Qu'est-ce que vous vou-
lez?
LA FEMME QUELCONQUE
Ça ne vous r'garde pas !
PONT; (A part.)
Elle est rien mal embouchée!. Cir-
culez!
D'autres visiteurs arrivent ; ils envahissent les
salles d'attente, les bureaux, les escaliers ; il
y en a d'assis sur les marches jusqu'au
5e étage. Fernand Xau en recevra comme ça
jusqu'à trois heures du matin. Les rédac-
teurs arrivent peu à peu.
FERNAND XAU
Messieurs. je suis content. très con-
tent. ça marche. nous tirions 150,000
au début, nous tirons à 300,000 aujour-
d'hui. ça marche!
UNE FEMME (uniquement vêtue d'une
trompette qu'elle a sous le bras et de
sa divine beauté, sort de la cheminée)
C'est que je suis la.
FERNAND XAU (surpris)
Une femme nue !. ah !. (Aux rédac-
teurs.) Messieurs, baissez les yeux!
(Tous les Mvent).
FERNAND XAU (à la femme)
Qui es-tu, toi ?
LA FEMME NUE
Je suis le Succès!. J'ai sous le bras
la trompette de la Renommée. Je t'ai
vu. Je t'ai aimé!. ô mon Fernand !.
FERNAND XAU
Ne chantez pas ! Il va pleuvoir 1.
LA FEMME NUE
Il faut que je chante. C'est l'usage.
Attention au refrain, vous autres!.
Elle joue un petit air de trompette en guise
de prélude et chante.
AIR CONNU
J'étais perdu' pour'la ptesse française ;
Aucunjournal-ne s'occupait de moi.
Pas un regard très doux pour me rendre aise,
Pas un baiser pour me mettre en émail
Dans l'abandan je souffrais en silence,
Lorsque Xau vint m'inviter à dîner;
Il fut galant et charmeur comme on pense
Et je sentis qu'enfin j'allais l'aimer 1
Dans mon-dés^t m'avez-vous vue?
J'passais mon temps les yeux en eau,
J'pleurais.comme une grue au Dépôt.
J' vis Xau! j' compris qu' J'étais perdue 1
Je m'suis fait choper chez Laru-u-el
FERNAND XAU
Alors, Madame du Succès, vous êtes
contente de moi?
LA FEMME NUE
Fernand, je t'adore..«
Tous
Et nous?
LA FEMME NUE
Vous aussi !. J'aime les gens de ta-
lent. Je coucherai avec vous tous, les
uns après les autres.., par ordre alpha-
bétique.
Tous (d'une voix énergique)
Ah! chouette!.
LA FEMME NUE
Mais je dois commencer par le pa-
tron. Veuillez donc vous retirer et
nous laisser seuls.
Les rédacteurs se retirent et passent dans la
salle d'armes.;
La scène change et le théâtre représente la
salle d'armes du Journal.
LE MAITRE RUZÉ
A qui le tour?
RODOLPHE DARZENS
A moi. 1
Il décroche une épée de la panoplie et se met
en garde ; il tire ; tantôt il bondit comme le
jaguar, tantôt il rampe comme le serpent
sur le linoléum, ou encore il se fend comme
une danseuse du Casino de Paris ; il tombe à
plat ventre, rejaillit dans les airs, est introu-
vable et dangereux.
ADOLPHE RUZÉ
Très bien. Bon coup. à moi. en se
fend.)
RODOLPHE DARZENS
Il moi.
L'assaut terminé, Dazens se remet au travail.
AUGUSTE MARIN (à Ruzé)
Adieu, Ruzé, et autrement?
ADOLPHE RUZÉ
Ça va bien. Allons, vite en garde.
La. La main gauche plus élevée. l'é-
paule gauche plus effacée. Parez quarte,
tirez droit. Bien. Une, deux. Re-
mettez-vous Redoublez de pied ferme.
Quand vous vous fendez, il faut que
l'épée parte la première
et que le corps soit bien effacé. Une,
deux. Touchez-moi l'épée de tierce.
Avancez. le corps ferme. Avancez.
Une, deux. Remettez-vous. Redou-
blez. Un saut en arrière. En garde.
AUGUSTE MARIN
Ouf!
ADOLPHE RuzÉ
Je vous l'ai dit : tout le secret des
armes ne consiste qu'en deux choses : à
donner et à ne point recevoir.
Pendant ce temps, Nachette prend sa leçon
avec le prévôt. Renaud tire avec Darzens.
On n'entend que des cliquetis do fer, des
cris, des vociférations, des appels du pied.
Pif ! Paf! Pan ! Baraboum! Ta-ra-ra-boum-
de-ay !. Ce sont les locataires d'en dessous
qui doivent s'amuser!
ALEXIS LAUZE (sortant de son bureau)
Et la copie?. On va me mettre en
retard. Mirliton, votre article. lime
le faut avant dîner.
MIRLITON
Oui ! oui !
Mirliton l'apportera à onze heures.
ALEXIS LAUZE
Et la Soirée! nom d'un chien! La
Soirée!
PONT
M'sieu, m'sieu Champsaur l'enverra
à minuit et demi.
ALEXIS LAUZE (s'arrachant les cheveux)
Je serai en retard ! Nous manquerons
le départ.,,
BERNARD LAZARE (à Alphonse Allais)
Sur ma chair, j'implorai les caresses
et les morsures d'une femme, et nos
lèvres polluées par des bouches habiles,
appelaient les stigmates des purs bai-
sers qui auraient racheté mes souil-
lures.
ALPHONSE ALLAIS
Êtes-vous bien sûr de ce que vous
avancez-la. peut-être a la légère?
FERNAND VANDÉREM
Vous avez vu que le Pape absout Re-
nan.
PAUL BQNNETAIN
Où ça?
FERNAND VANDÉREM
Une dépêche du Pape au Journal :
« Le Très-Haut aura des indulgences
particulières pour celui qui a été son
instrument, le fruit de sa colère. »
Léon XIII est votre collaborateur.
PAUL ALEXIS
Ah! m.ince, alors !
OSCAR MÉTÉNIER
Je vais lui demander ce qu'il pense
de mon roman, la Nymphomane. et de
mon Rabelais. Une lettre du Pape, ça
fait toujours de la réclame.
ALPHONSE ALLAIS
Oui, soigne ta gloire!.
OSCAR MÉTÉNIER
Ça sert aussi au Journal, tiens 1
JOSEPH CARAGUEL
L'amour est devenu pour nous plus
que de la volupté et plus que de la ten-
dresse ; une sublimation de notre âme
dans une âme harmonique où s'esquisse
la communion de la destinée humaine
avec l'infini.
LE FOSSOYEUR
OÙS qu'est mon Bourget !
PAUL BOURGET
Voilà. qui me demande ?
LE FOSSOYEUR
On fait de la psychologie sans toi.
PAUL BOURGET
L'amour n'intéresse aue par ses des-
sous; la vraie femme met ses jarretières
au-dessus du genou. Je n'aime pas celle
qui porte des tirettes, lesquelles, mon-
tant des bas au corset, font une vilaine
ligne, coupant la cuisse.
MAURICE BARRÈS
Pour corrompre et pour anoblir les
âmes, l'amour est aussi fort que la
gloire ; mais le sortilège de la gloire est
supérieur à toutes les magies de l'amour,
parce que la vieillesse ni la mort ne le
peuvent exorciser.
FRANÇOIS COPPÉE
Vous avez raison et je ne trouve pas
cela si ridicule.
CLOVIS HUGUES
Quel est l'académicien mort aujour-
d'hui?
BERGERAT
On va créer une rubrique spéciale :
Un mort par jour !
JEAN BAYOL
A-t-on des nouvelles du Dahomey ?
GEORGES D'ESPARBÈS
Pourquoi ne m'a-t-on pas envoyé là-
bas ! Ah ! je leur en aurais flanqué,
moi, du corps à corps ! Un coup de sou-
lier dans le ventre a l'un, un coup de
poing dans les gencives à l'autre, un
deuxième coup de poing sur l'œil d'dn
troisième et un coup de tête dans le
quatrième ! J'te les aurais mouchés
c'est rien de le dire : Vive l'Emp'reur f
(Il boxe dans le vide.)
THÉO
M'sieur Collin-Maillard ? s. v. p.
PONT
Pourquoi t'est-ce ?
THÉO
Ze voudrais qu'on écrivît mon portrait
dans le Zournal.
PONT
Voyez M. Pierre Wolff, le p'tit blond
qui tire sur le roux et une botte avec
Hugues du même nom.
THÉo (à Pierre Wolff)
Ze viens pour mon portrait.
PIERRE WOLFF
Veuillez me suivre.
Ils disparaissent derrière une porte —
au bout d'un instant, on entend un petit
rire.
LA VOIX DE THÉO
Ze suis çatouilleuse, 'c'est pas d'ma faute.
Fous me çatouillez.
La voix se tait. Théo ressort dix minutes
après ; elle paraît enchantée.
PIERRE WOLFF (la reconduisant)
Et chaque fois que ça pourra vous
faire .plaisir. le Journal est à vos
ordres.
Exit Théo.
HENRY CÉARD
Est-ce fini a Carmaux?
ALPHONSE ALAIS
Oui ! on a trouvé une solution. La
mine aux meneurs i
Une belle femme, dernier genre, dernier ba-
teau, entre en coup de vent ; c'est Marcelle
Langlois.)
MARCELLE j
Le Domino Rose, c'est ici?
LE DOMINO ROSE
C'est moi, madame. Si madame veut
passer dans mon cabinet.
MARCELLE
Monsieur, ma voiture a accroché, hier,
une autre voiture. Ma voiture est en
miettes. Moi. le n'ai eu laue la peur.
LE DOMINO ROSE
Venez., venez me conter ça, aimable
Marcélle.
Ils disparaissent.
D'autres jolies personnes arrivent : Marie et
Mathilde Therval Agathe Renaud, Marion
Delorme, Odette Rhenée, Mathilde Castera,
Nicolle Bernard, d'Alençon, Orlandi, du
Gratty, Albertine Wolff, Villeroy, etc. Elles
attendent la sortie de Marcelle Langlois et
la regardent s'en aller, toute rose, avec un
œil d'envie. Elles passent, chacune à leur
tour, chez le Domino Rose, que nous appe-
lons plus familièrement Edmond Le Roy,
selon l'occasion; celui-ci, vers sept heures
et demie, sort de son bureau; il est un peu
pâle.
EDMOND LE Roy
Je vais dîner ! J'ai un appétit !.
MIRLITON
J'te crois !.
Mais un grand bruit se fait dans les escaliers :
la baronne du Succès joue de la trompette,
devant un cortège imposant ; cette fois, elle
est vêtue des affiches du Journal, si remar-
quées; l'Homme qui lit, les Portraits des
rédacteurs, La Nymphomane, Après ! et le
titre Le Journal, appuyé sur les pointes de
ses beaux seins, semble monter vers le Ciel.
C'est du Ciel aussi que descend le cortège ; il
est composé du capitaine Bans, du lieutenant
Sossa, de M. Besançon et de l'illustre Baïssas,
dit le Môme-la-Mèehe.
Fernand Xau, qui n'aime pas à changer ses ha-
bitudes, continue à donner le bras à la ba.
ronne du Succès.
Un accueil enthousiaste est fait aux énergi-
ques aérostatiers qui ont porté le Journal
aux nues.
On profite de la présence de Serpette pour lui
emprunter son air de Fanfreluche, ou la
complainte de Fcnayrou, et les énergiques
aérostatiers (bis)chantent ce chœur d'uno ad*
mirable poésie:
Tous
i
Nous sommes les gais ballonniers
Si bien connus dans Angoulême;
Ousque nous passons l'on nous aimet
Du Journal nous sons les pioniers :
Ousque nous passons l'on nous aime;
Nous sons connus dans Angoulême !
Hélas! Hélas! Pauvres victimes,
Nous ne supposions pas atteindre de tell' -,.
Notre malheur, hélas ? [cimes; £
C'est que nous n'avons pas ,-
Assez calculé la poussé' des gaz!
n
Nous naviguions sans- défiance
Dans l'espoir d'atteindre le Nit;
Baïssas dit d'un air subtil : ,
« Faut qu'l'vent met' d'ia complaisance! »
Car il faut être bien subtil
Pour trouver les sources du Nil l
Et nous n'avions d'autre complice
Qu'un ballon gonflé comme un téton de
Nous n'avions pas le trac, [nourrice; ~S
Mais le ballon fit ftac,
Et nous sommes descendus à Marsac.
m
Là, nous trouvons l'artillerie
Qui vient au trot de ses chevaux:
« On va vous porter vos fardeaux »,
Dit un lieut'nant plein d'galanterie!
Ce n'est rien d'porter des
Quand on a beaucoup de chexavs.
Baïssas, qui n'a pas la jiemtne
Répond : « Messieurs,partons vitepour -
Et les voilà com'ça [goumme:
B'sançon, Bans et Sossa ,:;)
Qui sttiv'nt les artilleurs et Baïssa sl
J.-A. NATÀLI (par Racine — interrom-
pant)
C'est le dernier ballon où l'on cause î
Tous
Silence 1
IV
Dans Angoulême on s'précipite
Pour voir passer l'ballon rjourual;
On dirait un énormfanat
Ou du soleil un sâtellUe.
Vraiment, l'Journal est un fanal
Un fanal qui n'est pas banal!
La foule, en passant, les acclame
Et des ballonniers applaudit la grandeur ,.
Baïssas va devant ~vant, (d'âme. -3
Les aut'vont le suivant, '—
Et pour finir tout le monde est content!
Après ce chœur, dont le refrain est repris par
la foule en délire, le cortège va se ranger à
gauche de la scène. On sent que quelque
chose d'extraordinaire se prépare.
Tout à coup, la baronne du Succès donne un
signal; les portes s'ouvrent et de longues
théories de jeunes hommes vêtus de dèche,
avec de longs cheveux et des yeux inspires,
viennent s'incliner devant Xau; ils déposent,
chacun à leur tour, un rouleau énorme a
ses pieds.
FERNAND XAU
Quels sont ces gentilshommes ?
LE SUCCÈS
Ce sont les compositeurs de musique
qui apportent leurs œuvres au concours
que tu as créé dans le Journal.
FERNAND XAU
Ils ne paraissent pas trop calés.
LE SUCCÈS
C'est que ceux-là n'ont pas encore
concouru ; ceux que tu primeras seront
vite riches 1 Mais je vais te montrer
d'autres gens dont tu as fait la fortune.
La FOBTUNE (l) (entrant)
Qui parle de moi ?. (Elle chante.)
AIR CONNU: -
La Fortune
Peu covimune
Ne se prodigue iamais ;
Si j'arrive
Sur la rive (2)
Ah! c'est pour Xau que j'aimais,
(Parlé.) Que me veut-on? -
(1) On remarquera que l'entrée de la For-
une est on ne peut plus habilement amen-
(2) Sur la rive c'est pour la rime.
Go SSiaT>T>léixa.on"fc ne peu.t, être vendu
SAMEDI 29 OCTOBRE 1892
SUPP,LÉMENT LITTÉRAIRE
FERNAND XAU
Directeur
:R.ÊD.A.CTION
106, RUE RICHELIEU, PARIS
Prix des Abonnements
UD At Six Bois Trois ïeil Ha Kok
PARIS. 20. » 10.50 5.50 2. »
DÉPARTEMENTS ET ALGÉRIE 25. » 13. » 7. » 2.50
ÉTRANGER (UNIONPOSTALE) 35. » 18. » 10. » 3.50
Les manuscrits non insérés né sont pas rendus.
Adresser les mandats-poste à M. l'Administrateur.
FERNAND XAU
Directeur
IA.R>A £ IÏTXST:R ATION
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CHEZ LAGRANGE, CERF ET CI..
6, PLACE DE LA BOURSE
tt dans tes bureaux du JOURNAL,
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Publicité de premilre et deuxième page
aux bureaux du JOURNAL, xo6, rue Richetiht.
"JOURNlL"- REVUE
COMÉDIE VÉCUE
Représentée pour la première fois sur le théâtre
du Journal, le 27 septembre 1892,
et continuée depuis sans interruption.
Croquis-express de Cabriol
PERSONNAGES:
FERNAND XAU, directeur du Journal; ALEXIS
LAUZE, secrétaire de la rédaction; FRANÇOIS
COPPÉE, PAUL BOURGET, MAURICE BARRÈS, OSCAR
MÉTÉNIER, etc., etc., collaborateurs du Journal;
PONT, général domestique, chef des garçons
de bureau; LE SuccÈS, etc., etc.
Le théâtre représente le bureau du directeur
du Journal. Au fond, une cheminée ornée
de bronzes et d'objets d'art. A gauche de la
cheminée, une table avec tout ce qu'il faut
pour écrire ; à droite, une porte conduisant
au cabinet du secrétaire de la direction. A
Favant-scéne, un canapé chargé d'affiches ;
chaises, fauteuils, un tapis épais, mobilier
luxueux; électricité, téléphone, etc.
Quatre heures après midi.
Fernand Xau entre. Il jette son paletot et son
chapeau sur le canapé, et sonne.
FERNAND XAu (appelant)
Pont ! Pont ! où diable est-il ? (II se lève
ouvre la porte et aperçoit Pont qui ar-
rache une à une les plumes de son plu-
meau). Pont!
PONT, chef des garçons de bureau (sans
entendre)
Elle m'aime ! (Il continue à effeuiller
son ustensile.)Un peu. beaucoup. pas-
sionnément. pas du tout. ah! zut.
FERNAND XAU
Mais ce n'est pas un garçon de bureau
c'est le pont des soupirs. (Il crie.) Pont i
Viendrez-vous, a la fin ?.
PONT
Voila. Voilllà, !
FEENAND XAU
Mes lettres. (Pont lui remet treize
cents lettres.) Que ça ! ah ! non ! il y en a
trop. Portez cela à Quinaud. Non, ap-
pelez-le. (Pont appelle Quinaud à
droite.)
QUINAUD
Qu'est-ce qu'il y a?
FEENAND XAU
Tenez, Quinaud, lisez donc ça et ré-
pondez aujourd'hui. Vous serez bien
gentil!
QUINAUD (désespéré)
Treize cents lettres ! (Il sort navré.)
FEENAND XAU (à Pont qui re-éffeuille
son plumeau)
Est-ce que M. Lauze est arrivé ?
; PONT
-. Oui, Monsieur t Il parcourt les ma-
nuscrits. Cinq ou six cents ce matin.
FERNAND XAU
Priez-le de venir. ah ! attendez. ap-
pelez aussi M. Bouvier. ah ! et Qui-
naud ! ah 1 et Alerand. ah ! et Poirier.
et.
PONT
Tout le monde, quoi !
FEENAND XAU
C'est ça.
Pont sort et se heurte dans un vieux monsieur.
LE VIEUX MONSIEUR
M. Xau, s'y ou plaît ?
PONT
Le matin a 10 heures. Circulez !
LE VIEUX MONSIEUR
Je suis venu ce matin, à dix heures.
Il y avait soixante-deux personnes. J'a-
vais le numéro 63. A deux heures, je
suis allé déjeuner, à côté. Ça m'a coûté
vingt-neuf sous.
PONT
Qu'est-ce que ça peut m'faire, à [moi ?
LE VIEUX MONSIEUR
Et quatre sous de pourboire; j'ai mal
déjeuné tout de même.
PONT
Vous dînerez mieux.
LE VIEUX MONSIEUR
Mais, M. Xau?
PONT
Vous aviez le 63 ce matin? Vous allez
avoir, ce soir, le 128. Il y a cent vingt-
sept personnes a passer avant vous.
LE VIEUX MONSIEUR (s'asseyant dans la
salle d'attente)
J'attendrai!. avec résignation. Don-
nez-moi le Journal.
PONT
Voilà. C'est deux sous. Circulez!.
LE VIEUX MONSIEUR
Non ! Un sou ! Un sou !
PONT
C'est deux sous quand je fais l'hon-
neur de le vendre. Et puis, j'aime
mieux qu'on l'achète dans les kiosques
ou dans la Salle des dépêches. Ça en-
courage les autres.
LE VIEUX MONSIEUR
Vous avez donc une [Salle des dépê-
ches ?-
PONT
Vous avez donc de la m.élasse sur
les yeux que vous ne l'avez pas vue en
passant? C'est mon triomphe, la Salle
des dépêches!. Je l'ai dit à Xau :
« Faites une Salle des dépêches. Tout
Paris y viendra. » Il m'a écouté. il a
bien fait.
LE VIEUX MONSIEUR
Je vais la voir.
PONT
Amusez-vous bien et bonjour à vos
poules. Ah ! dans cette salle, je vous
recommande la parfumeuse et le por-
trait de Valti ! Oh! ces jambes! (Il
presse son plumeau sur son cœur.)
LE VIEUX MONSIEUR
Les jambes de la parfumeuse ?
PONT
Non ! de Valti! mon vieux, j'en mour-
rai ! (Il lui tape sur -le ventre.)
LE VIEUX MONSIEUR (à part, en s'en
allant)
Aimable, mais familier.;'
UNE JOLIE FEMME
M. Xau, s'y ou plaît ?
PONT
Numéro 129. Votre carte? ¡
LA JOLIE FEMME ;
Mais je ne suis pas en carte !
PONT
Votre carte de visite, qu'on vous dit.
(A part.). Elle est rien bouchée ! (Haut.)
Asseyez-vous et ne faites pas de bruit.
UNE FEMME QUELCONQUE
M. Xau, s'y ou plaît?
PONT -
Numéro 130. Qu'est-ce que vous vou-
lez?
LA FEMME QUELCONQUE
Ça ne vous r'garde pas !
PONT; (A part.)
Elle est rien mal embouchée!. Cir-
culez!
D'autres visiteurs arrivent ; ils envahissent les
salles d'attente, les bureaux, les escaliers ; il
y en a d'assis sur les marches jusqu'au
5e étage. Fernand Xau en recevra comme ça
jusqu'à trois heures du matin. Les rédac-
teurs arrivent peu à peu.
FERNAND XAU
Messieurs. je suis content. très con-
tent. ça marche. nous tirions 150,000
au début, nous tirons à 300,000 aujour-
d'hui. ça marche!
UNE FEMME (uniquement vêtue d'une
trompette qu'elle a sous le bras et de
sa divine beauté, sort de la cheminée)
C'est que je suis la.
FERNAND XAU (surpris)
Une femme nue !. ah !. (Aux rédac-
teurs.) Messieurs, baissez les yeux!
(Tous les Mvent).
FERNAND XAU (à la femme)
Qui es-tu, toi ?
LA FEMME NUE
Je suis le Succès!. J'ai sous le bras
la trompette de la Renommée. Je t'ai
vu. Je t'ai aimé!. ô mon Fernand !.
FERNAND XAU
Ne chantez pas ! Il va pleuvoir 1.
LA FEMME NUE
Il faut que je chante. C'est l'usage.
Attention au refrain, vous autres!.
Elle joue un petit air de trompette en guise
de prélude et chante.
AIR CONNU
J'étais perdu' pour'la ptesse française ;
Aucunjournal-ne s'occupait de moi.
Pas un regard très doux pour me rendre aise,
Pas un baiser pour me mettre en émail
Dans l'abandan je souffrais en silence,
Lorsque Xau vint m'inviter à dîner;
Il fut galant et charmeur comme on pense
Et je sentis qu'enfin j'allais l'aimer 1
Dans mon-dés^t m'avez-vous vue?
J'passais mon temps les yeux en eau,
J'pleurais.comme une grue au Dépôt.
J' vis Xau! j' compris qu' J'étais perdue 1
Je m'suis fait choper chez Laru-u-el
FERNAND XAU
Alors, Madame du Succès, vous êtes
contente de moi?
LA FEMME NUE
Fernand, je t'adore..«
Tous
Et nous?
LA FEMME NUE
Vous aussi !. J'aime les gens de ta-
lent. Je coucherai avec vous tous, les
uns après les autres.., par ordre alpha-
bétique.
Tous (d'une voix énergique)
Ah! chouette!.
LA FEMME NUE
Mais je dois commencer par le pa-
tron. Veuillez donc vous retirer et
nous laisser seuls.
Les rédacteurs se retirent et passent dans la
salle d'armes.;
La scène change et le théâtre représente la
salle d'armes du Journal.
LE MAITRE RUZÉ
A qui le tour?
RODOLPHE DARZENS
A moi. 1
Il décroche une épée de la panoplie et se met
en garde ; il tire ; tantôt il bondit comme le
jaguar, tantôt il rampe comme le serpent
sur le linoléum, ou encore il se fend comme
une danseuse du Casino de Paris ; il tombe à
plat ventre, rejaillit dans les airs, est introu-
vable et dangereux.
ADOLPHE RUZÉ
Très bien. Bon coup. à moi. en se
fend.)
RODOLPHE DARZENS
Il moi.
L'assaut terminé, Dazens se remet au travail.
AUGUSTE MARIN (à Ruzé)
Adieu, Ruzé, et autrement?
ADOLPHE RUZÉ
Ça va bien. Allons, vite en garde.
La. La main gauche plus élevée. l'é-
paule gauche plus effacée. Parez quarte,
tirez droit. Bien. Une, deux. Re-
mettez-vous Redoublez de pied ferme.
Quand vous vous fendez, il faut que
l'épée parte la première
et que le corps soit bien effacé. Une,
deux. Touchez-moi l'épée de tierce.
Avancez. le corps ferme. Avancez.
Une, deux. Remettez-vous. Redou-
blez. Un saut en arrière. En garde.
AUGUSTE MARIN
Ouf!
ADOLPHE RuzÉ
Je vous l'ai dit : tout le secret des
armes ne consiste qu'en deux choses : à
donner et à ne point recevoir.
Pendant ce temps, Nachette prend sa leçon
avec le prévôt. Renaud tire avec Darzens.
On n'entend que des cliquetis do fer, des
cris, des vociférations, des appels du pied.
Pif ! Paf! Pan ! Baraboum! Ta-ra-ra-boum-
de-ay !. Ce sont les locataires d'en dessous
qui doivent s'amuser!
ALEXIS LAUZE (sortant de son bureau)
Et la copie?. On va me mettre en
retard. Mirliton, votre article. lime
le faut avant dîner.
MIRLITON
Oui ! oui !
Mirliton l'apportera à onze heures.
ALEXIS LAUZE
Et la Soirée! nom d'un chien! La
Soirée!
PONT
M'sieu, m'sieu Champsaur l'enverra
à minuit et demi.
ALEXIS LAUZE (s'arrachant les cheveux)
Je serai en retard ! Nous manquerons
le départ.,,
BERNARD LAZARE (à Alphonse Allais)
Sur ma chair, j'implorai les caresses
et les morsures d'une femme, et nos
lèvres polluées par des bouches habiles,
appelaient les stigmates des purs bai-
sers qui auraient racheté mes souil-
lures.
ALPHONSE ALLAIS
Êtes-vous bien sûr de ce que vous
avancez-la. peut-être a la légère?
FERNAND VANDÉREM
Vous avez vu que le Pape absout Re-
nan.
PAUL BQNNETAIN
Où ça?
FERNAND VANDÉREM
Une dépêche du Pape au Journal :
« Le Très-Haut aura des indulgences
particulières pour celui qui a été son
instrument, le fruit de sa colère. »
Léon XIII est votre collaborateur.
PAUL ALEXIS
Ah! m.ince, alors !
OSCAR MÉTÉNIER
Je vais lui demander ce qu'il pense
de mon roman, la Nymphomane. et de
mon Rabelais. Une lettre du Pape, ça
fait toujours de la réclame.
ALPHONSE ALLAIS
Oui, soigne ta gloire!.
OSCAR MÉTÉNIER
Ça sert aussi au Journal, tiens 1
JOSEPH CARAGUEL
L'amour est devenu pour nous plus
que de la volupté et plus que de la ten-
dresse ; une sublimation de notre âme
dans une âme harmonique où s'esquisse
la communion de la destinée humaine
avec l'infini.
LE FOSSOYEUR
OÙS qu'est mon Bourget !
PAUL BOURGET
Voilà. qui me demande ?
LE FOSSOYEUR
On fait de la psychologie sans toi.
PAUL BOURGET
L'amour n'intéresse aue par ses des-
sous; la vraie femme met ses jarretières
au-dessus du genou. Je n'aime pas celle
qui porte des tirettes, lesquelles, mon-
tant des bas au corset, font une vilaine
ligne, coupant la cuisse.
MAURICE BARRÈS
Pour corrompre et pour anoblir les
âmes, l'amour est aussi fort que la
gloire ; mais le sortilège de la gloire est
supérieur à toutes les magies de l'amour,
parce que la vieillesse ni la mort ne le
peuvent exorciser.
FRANÇOIS COPPÉE
Vous avez raison et je ne trouve pas
cela si ridicule.
CLOVIS HUGUES
Quel est l'académicien mort aujour-
d'hui?
BERGERAT
On va créer une rubrique spéciale :
Un mort par jour !
JEAN BAYOL
A-t-on des nouvelles du Dahomey ?
GEORGES D'ESPARBÈS
Pourquoi ne m'a-t-on pas envoyé là-
bas ! Ah ! je leur en aurais flanqué,
moi, du corps à corps ! Un coup de sou-
lier dans le ventre a l'un, un coup de
poing dans les gencives à l'autre, un
deuxième coup de poing sur l'œil d'dn
troisième et un coup de tête dans le
quatrième ! J'te les aurais mouchés
c'est rien de le dire : Vive l'Emp'reur f
(Il boxe dans le vide.)
THÉO
M'sieur Collin-Maillard ? s. v. p.
PONT
Pourquoi t'est-ce ?
THÉO
Ze voudrais qu'on écrivît mon portrait
dans le Zournal.
PONT
Voyez M. Pierre Wolff, le p'tit blond
qui tire sur le roux et une botte avec
Hugues du même nom.
THÉo (à Pierre Wolff)
Ze viens pour mon portrait.
PIERRE WOLFF
Veuillez me suivre.
Ils disparaissent derrière une porte —
au bout d'un instant, on entend un petit
rire.
LA VOIX DE THÉO
Ze suis çatouilleuse, 'c'est pas d'ma faute.
Fous me çatouillez.
La voix se tait. Théo ressort dix minutes
après ; elle paraît enchantée.
PIERRE WOLFF (la reconduisant)
Et chaque fois que ça pourra vous
faire .plaisir. le Journal est à vos
ordres.
Exit Théo.
HENRY CÉARD
Est-ce fini a Carmaux?
ALPHONSE ALAIS
Oui ! on a trouvé une solution. La
mine aux meneurs i
Une belle femme, dernier genre, dernier ba-
teau, entre en coup de vent ; c'est Marcelle
Langlois.)
MARCELLE j
Le Domino Rose, c'est ici?
LE DOMINO ROSE
C'est moi, madame. Si madame veut
passer dans mon cabinet.
MARCELLE
Monsieur, ma voiture a accroché, hier,
une autre voiture. Ma voiture est en
miettes. Moi. le n'ai eu laue la peur.
LE DOMINO ROSE
Venez., venez me conter ça, aimable
Marcélle.
Ils disparaissent.
D'autres jolies personnes arrivent : Marie et
Mathilde Therval Agathe Renaud, Marion
Delorme, Odette Rhenée, Mathilde Castera,
Nicolle Bernard, d'Alençon, Orlandi, du
Gratty, Albertine Wolff, Villeroy, etc. Elles
attendent la sortie de Marcelle Langlois et
la regardent s'en aller, toute rose, avec un
œil d'envie. Elles passent, chacune à leur
tour, chez le Domino Rose, que nous appe-
lons plus familièrement Edmond Le Roy,
selon l'occasion; celui-ci, vers sept heures
et demie, sort de son bureau; il est un peu
pâle.
EDMOND LE Roy
Je vais dîner ! J'ai un appétit !.
MIRLITON
J'te crois !.
Mais un grand bruit se fait dans les escaliers :
la baronne du Succès joue de la trompette,
devant un cortège imposant ; cette fois, elle
est vêtue des affiches du Journal, si remar-
quées; l'Homme qui lit, les Portraits des
rédacteurs, La Nymphomane, Après ! et le
titre Le Journal, appuyé sur les pointes de
ses beaux seins, semble monter vers le Ciel.
C'est du Ciel aussi que descend le cortège ; il
est composé du capitaine Bans, du lieutenant
Sossa, de M. Besançon et de l'illustre Baïssas,
dit le Môme-la-Mèehe.
Fernand Xau, qui n'aime pas à changer ses ha-
bitudes, continue à donner le bras à la ba.
ronne du Succès.
Un accueil enthousiaste est fait aux énergi-
ques aérostatiers qui ont porté le Journal
aux nues.
On profite de la présence de Serpette pour lui
emprunter son air de Fanfreluche, ou la
complainte de Fcnayrou, et les énergiques
aérostatiers (bis)chantent ce chœur d'uno ad*
mirable poésie:
Tous
i
Nous sommes les gais ballonniers
Si bien connus dans Angoulême;
Ousque nous passons l'on nous aimet
Du Journal nous sons les pioniers :
Ousque nous passons l'on nous aime;
Nous sons connus dans Angoulême !
Hélas! Hélas! Pauvres victimes,
Nous ne supposions pas atteindre de tell' -,.
Notre malheur, hélas ? [cimes; £
C'est que nous n'avons pas ,-
Assez calculé la poussé' des gaz!
n
Nous naviguions sans- défiance
Dans l'espoir d'atteindre le Nit;
Baïssas dit d'un air subtil : ,
« Faut qu'l'vent met' d'ia complaisance! »
Car il faut être bien subtil
Pour trouver les sources du Nil l
Et nous n'avions d'autre complice
Qu'un ballon gonflé comme un téton de
Nous n'avions pas le trac, [nourrice; ~S
Mais le ballon fit ftac,
Et nous sommes descendus à Marsac.
m
Là, nous trouvons l'artillerie
Qui vient au trot de ses chevaux:
« On va vous porter vos fardeaux »,
Dit un lieut'nant plein d'galanterie!
Ce n'est rien d'porter des
Quand on a beaucoup de chexavs.
Baïssas, qui n'a pas la jiemtne
Répond : « Messieurs,partons vitepour -
Et les voilà com'ça [goumme:
B'sançon, Bans et Sossa ,:;)
Qui sttiv'nt les artilleurs et Baïssa sl
J.-A. NATÀLI (par Racine — interrom-
pant)
C'est le dernier ballon où l'on cause î
Tous
Silence 1
IV
Dans Angoulême on s'précipite
Pour voir passer l'ballon rjourual;
On dirait un énormfanat
Ou du soleil un sâtellUe.
Vraiment, l'Journal est un fanal
Un fanal qui n'est pas banal!
La foule, en passant, les acclame
Et des ballonniers applaudit la grandeur ,.
Baïssas va devant ~vant, (d'âme. -3
Les aut'vont le suivant, '—
Et pour finir tout le monde est content!
Après ce chœur, dont le refrain est repris par
la foule en délire, le cortège va se ranger à
gauche de la scène. On sent que quelque
chose d'extraordinaire se prépare.
Tout à coup, la baronne du Succès donne un
signal; les portes s'ouvrent et de longues
théories de jeunes hommes vêtus de dèche,
avec de longs cheveux et des yeux inspires,
viennent s'incliner devant Xau; ils déposent,
chacun à leur tour, un rouleau énorme a
ses pieds.
FERNAND XAU
Quels sont ces gentilshommes ?
LE SUCCÈS
Ce sont les compositeurs de musique
qui apportent leurs œuvres au concours
que tu as créé dans le Journal.
FERNAND XAU
Ils ne paraissent pas trop calés.
LE SUCCÈS
C'est que ceux-là n'ont pas encore
concouru ; ceux que tu primeras seront
vite riches 1 Mais je vais te montrer
d'autres gens dont tu as fait la fortune.
La FOBTUNE (l) (entrant)
Qui parle de moi ?. (Elle chante.)
AIR CONNU: -
La Fortune
Peu covimune
Ne se prodigue iamais ;
Si j'arrive
Sur la rive (2)
Ah! c'est pour Xau que j'aimais,
(Parlé.) Que me veut-on? -
(1) On remarquera que l'entrée de la For-
une est on ne peut plus habilement amen-
(2) Sur la rive c'est pour la rime.
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