Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-12-17
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 17 décembre 1903 17 décembre 1903
Description : 1903/12/17 (N12333). 1903/12/17 (N12333).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7575594w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
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25 FRIMAIRE AN 112
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NOS LEADERS
Plu l'i Alliiire i
Au premier moment, ils se son
écriés : « Nous allons donc pouvoir
encore manger du juif! »
Quelle aubaine pour eux, en effet!
Voilà longtemps qu'ils n'avaient plus
rien guère à se mettre sous la dent. Ils
maigrissaient, voraces. Evidemment,
l'affaire Humbert, sur laquelle ils ont
un instant compté, leur claque entré
les mains; l'essai de recommencement
du Panama avorte misérablement; de
enquête qu'ils ont réussi à faire or-
donner, il ne sortira que du vent.
Donc, ils étaient en plein désarroi, se
demandant que faire, affamés.
La reprise de l'affaire Dreyfus, à la
bonne heure! voilà qui rend au moins!
Et l'espérance de vendre des numéros
es exalte jusqu'à l'enthousiasme.
Avec des mains suantes de fièvre, ils
décrochent, sous la poussière, dans
l.eur magasin d'accessoires, le drapeau
dont ils ont fait déjà jadis le baillon ap-
pliqué sur la bouche du colonel Pic-
quart, la robe de la dame voilée, le
jupon de Marguerite Pays, le linceul
d'Henry, le faussaire. Il peut servir
sncore, ce drapeau, allons!
Dépêchons ! dressons les tréteaux.
Les planches sont bien sales et ver-
moulues ; qu'importe ? Y sommes-
aous ? Embouche ton clairon, toi ! Toi,
empoigne d'une main la cymbale et de
!'autre le maillet de la grosse caisse !
Attention ! vous, les joueurs de flûte.
Et vous, là-bas, les tambours, crachez
dans vos paumes pour que les baguet-
tes ne glissent pas. Une ! deux ! trois !
On commence ! En avant la musique !
Tzing ! boum ! boum ! Vive l'armée !
***
Il est inutile de dire, je pense, que
nous ne nous prêterons pas à ce jeu.
Autrefois, les ennemis de la vérité et
de la lumière ont pu, en accumulant
les dénis de justice, faire dévier l'af-
faire Dreyfus et transformer en ques-
tion politique un débat qui n'eût ja-
mais dû sortir du prétoire.
Il leur sera impossible, aujourd'hui,
île se livrer aux mêmes manœuvres.
En avril dernier, la Chambre des
députés a dit sa résolution « de ne pas
laisser sortir l'affaire Dreyfus du do-
maine judiciaire ».
Nous sommes bien résolus, nous,
à nous conformer à cette décision juste
2t logique. Et rien, disons-le haute-
ment, ne nous fera nous départir de
cette attitude.
Cette expression, même, dont nous
venons de nous servir : la reprise de
l'affaire Dreyfus, est absolument ine-
xacte.-Il ne peut pas y avoir de reprise
de l'affaire, au sens que le public atta-
che à ce mot ; c'est-à-dire que le re-
tour est impossible des événements qui
ont si profondément trouble les années
i898 et 1899. Et c'est en vain que les
ennemis de la vérité tenteront de re-
nouveler l'agitation dont ils ont su ti-
rer si gros profits.
Il y a quelque chose dont ils ne s'a-
perçoivent pas, ou ne veulent pas
s'apercevoir, c'est que les hommes,
ainsi que les temps, ont changé. Ce
qui nous a forcés, nous, les dreyfu-
sards, à saisir la nation elle-même de
la revision du monstrueux procès de
1894, c'est le refus opposé .par ceux
qui détenaient alors le pouvoir de pro-
céder à cette revision par la voie lé-
gale. Quand les voies légales sont fer-
mées, il faut bien agir révolutionnai-
rement ; c'est ce qu'a fait Zola et ce
sera son éternel honneur. Mais M.
Méline n'est plus président du conseil
et M. Billot n'est plus ministre de la
guerre.
***
Et le Bloc, la Défense républicaine
d'abord, puis le passage nécessaire de
la défensive à l'offensive, l'action vi-
goureuse contre les congrégations, les
mesures de laïcisation, tout cet effort
pour libérer la société française, vien-
nent directement de l'affaire Dreyfus.
De cela, nous avons lieu d'être satis-
faits — et nous le sommes.
Ce ne sont pas la des résultats à
dédaigner ; ils nous permettent de dire
que nous qui avons combattu, et rude-
ment, oïl le sait, pour I'oe- uvre de vérité,
nous n'avons pas perdu nos peines ni
potre temps.
Mais, tout cela étant acquis, il sied,
à notre avis, en ce qui concerne ce qui
reste de l'affaire Dreyfus proprement
dite, d'observer le silence respectueux
dont doivent être entourées les déci-
sions de la justice.
Pour tout homme de bonne foi et
,qui a bien voulu prendre la peine de
se renseigner, en étudiant, non les
commentaires passionnés des docu-
ments, mais les documents eux-mê-
• mes, aucun doute n'est possible sur le
'sort de la demande de revision dont
est officiellement saisie aujourd'hui la
Cour de cassation.
f Le capitaine Dreyfus est innocent.
Son innocence est démontrée, prou-
vée, évidente, incontestable, il ne reste
plus qu'à la proclamer.
Ce soin regarde la Cour de cassa-
lion.
Il appartient à la plus haute autorité
judiciaire du pays de réhabiliter solen-
nellement la victime sur qui se sont
acharnés tant de scélérats.
Il était nécessaire que cette œuvre
de réparation fut faite ; il le fallait pour
l'honneur de la France.
Mais quant à nous, nous avons déjà
'dépassé, dans notre marche vers le pro-
grès démocratique et social, le tour-
nant que fut l'affaire Dreyfus, nous ne
nous laisserons pas ramener arrière par
les glapissements ignobles de ceux qui
demeurent encore les partisans, quand
même, des faussaires et des traîtres.
Lucien Victor-Meunier
«fr
UNE ŒUVRE CLÉRICALE
N'imitons jamais rien des clé-
ricaux. Rien, sauf leur ardeur
organisatrice et propagandiste.
Toutes les fois que nous faisons
une brèche dans la Congréga-
tion, il se forme une équipe de
travailleurs volontaires pour la boucher.
Par exemple, nous voulons arriver à la
laïcisation complète de l'enseignement pri-
maire ? Il se constitue aussitôt une Asso-
ciation pour la défense des Ecoles primaires
catholiques. Cette association a un comité
directeur composé de MM. Keller, ancien
député, président de la Société générale
d'éducation et d'enseignement, le comte
d'Haussonville, de l'Académie française, le
baron de Mackau, député, de Lamarzelle,
sénateur, et de Ramel, député. Elle a été
constituée au mois de juillet 1902.
Elle prétend — dans un prospectus
qu'on nous communique — avoir fondé
120 comités en province, avoir élu 300'
correspondants, avoir réuni 2.000 adhé-
rents.
Elle se vante d'avoir contribué à la ré-
ouverture de deux mille écoles. Elle affirme
avoir placé toutes les institutrices qui Jui
ont offert leurs services.
Jusqu'ici elle s'est surtout occupé des
écoles de filles. Mais préférez-vous fonder
une école de garçons ? L'Association tient
des instituteurs catholiques à votre dispo-
sition.
Mais « un nouveau devoir s'impose à
l'Association ».
L'Association s'efforce de placer, dans des
conditions leur garantissant les égards dus à
leur caractère, les religieuses sécularisées qui,
en grand nombre déjà, s'adressent à elle, soit
comme institutrices privées, soit comme garde-
malades, femmes de charge, lingères, ouvrières
ou même cuisinières, femmes de chambres et
bonnes d'enfants.
Les religieux peuvent être également placés
comme précepteurs dans des familles, surveil-
lants de propriétés, comptables, etc.
Les cléricaux s'arrangent pour ne pas
perdre une force. Ils remplacent les con-
gréganistes par des laïques dévoués à l'E-
glise; et aux congréganistes laïcisés, ils
donnent des places, des postes ; les an-
ciens religieux deviennent des missionnai-
res à l'intérieur.
Attention. Nous commençons à laïciser
l'école ; eux ils se mettent à cléricaliser la
nation. — Cit. B.
LE CANAL DE L'OURGO
Contre le chômage. — 36 millions de
travaux. — Au Pont-de-Flandre.
Parmi les travaux neufs « en faveur desquels
la Chambre a voté, lundi, des crédits, figure
le prolongement du canal de l'Ourcq. 11 y a la
pour 36 millions de travaux dont une bonne
partie reviendra, sous formes de salaires, aux
travailleurs du Pont-de-Flandre. Ceux-ci sa-
vent du reste avec quelle activité leur député,
Charles Bos, s'est occupé d'un projet qui pré-
sentait pour eux tant d'intérêt. Charles Dos a
vivement insisté auprès du rapporteur et de la
commission pour qu'on n'ajournât point un
projet si utile à la prospérité économique de
Paris et aux intérêts des travailleurs.
Les efforts du député de Belleville n'ont pas
été perdus.
Nous sommes assurés que la Ville de Paris
ne voudra pas retarder le commencement des
travaux, et qu'elle va so mettre en mesure,
dès maintenant, de réaliser la part qui lui in-
combe dans cette vaste entreprise.
PARTI RADICAL-SOCIALISTE
Sur la proposition de notre confrère Arnould
directeur de l'Echo du Raincy l'assemblée gé-
nérale annuelle du comité radical-socialiste de
Seine-et-Oise a décidé qu'un congrès aurait
lieu dans ce département en 1904.
Le Rappel donnera la date de ce congrès.
—— —— -
LE DÉSACCORD AU CAMP DES RÉGICIDES
(De notre correspondant particulier)
Belgrade, 15 décembre.
Une scission très grave s'est produite parmi
les officiers régicides. Le général Atanazko-
vitsch et le colonel Maschin sont partisans
d'une réconciliation générale. Les colonels Po-
povitsch et Missifsch, au contraire, exigent
qu'on exprime avec énergie tout mouvement
contre les régicides.
Le colonel Maschin réunit presque journelle-
ment des ofliciers en délibération. Ses tendan-
ces conciliantes sont encouragées par le parti
radical.
Il est question de donner le portefeuille de
la guerre au général Putnik, qui aurait, dit-
on, assez d'énergie pour rétablir la discipline
dans l'armée.
<•> :
LA GRËVE DES CONFESSEURS
(De notre correspondant particulier)
Munich, 15 décembre.
La capitale bavaroise, qu'on appelle aussi la
« Rome allemande » à cause des sentiments
catholiques de sa population, est aujourd'hui
le théâtre d'une grève de confesseurs. Et voici
la cause de cet autre « conflit entre patrons et
salariés ». L'abbé Irlbacher, aumônier de l'hô-
pital, a été révoqué de son poste à raison
de son attitude au cours de ses fonctions de
confesseur. Là-dessus, les autres aumôniers
ont quitté leur poste en déclarant qu'ils ne
pouvaient tolérer être jugés par le pouvoir sé-
culier en matière de confession. Les grévistes
sont soutenus par l'archevêque: et il n'y a pas
de syndicat jaune qui puisse fournir des rem-
plaçants.
LE RAPPEL
ARTISTIQUE ET LITTÉRAIRE
Exposition intime. - Delaherche et
Rivaud. - Les poètes d'aujour-
d'hui. - La mortelle impuis-
sance. — Les voyages de
- M. René Binet.
Une antique maison du quai de l'Horloge,
la porte étroite et basse, un escalier rapide con-
duisant à des pièces claires d'où la vue s'étend
à loisir sur le vieux pont de Henri IV, et nous
sommes dans la 3e exposition intime organisée
par Charles Rivaud et quelques amis. C'est là
un petit paradis d'art, aux nuances discrètes,
aux chosas menues, où flotte la certitude delà
beauté.
Des tableaux : il faudrait les examiner un à
un, Henri Martin, Ménard, aux rêveries loin-
taines et comme hors de nos terrestres réalités,
Saglio, Cottet, avec un clair de lune sur des
rochers bretons, Eugène Carrière, Ulmann,
dont les deux fines marines sont d'une ma-
tière parfaite, où le ciel et la mer sont fondus,
unis, mélangés par une lumière inimitable.
Les aquarelles espagnoles de Roïg marquent
une extrême vivacité.
Voici une statuette de bronze de Fix-Mas-
seau, jeune femme nue, belle de lignes; des
travaux en corne naturelle ou teintée, des pei-
gnes,d'un goût très sûr, de Henri Hamm.
Le potier et le bijoutier
Une grande vitrine contient des grès flam-
més, quelques faïences, des porcelaines, l'effort,
sous cent formes diverses, de ce prestigieux
potier qui a nom Delaherche. Quelle que soit
la matière, elle réalise ce parterre idéal des
formes simples engendrées par les fleurs. Sur
les flancs de ces corolles imaginaires l'art de la
cuisson a posé des teintes merveilleuses. Les
métalloïdes, les sels minéraux, le cobalt,
l'urane, le titane, le. manganèse, la strontiane,
se transforment, sous la gradation des feux,
en décors de givre, de jaspes, en coulées de
laves ou de soufre. Et ce sont des trouvailles,
que ces fusions de réduction ou d'excitation
qni tirent deux ou même trois couleurs diffé-
rentes de la même matière appliquée d'une
façon identique. Delaherche-est un maître en
ce genre.
Enfin, nous sommes beaucoup venus pour
les joailleries de Charles Rivaud, il faut les
voir. Cet artiste a la compréhension esthéti-
que du bijou. Pour lui c'est une conception
que la matière commande, et dont il importe
d'allier l'effet avec celui de la personnalité
humaine. Il crée chacune de ses œuvres en
vue de la forme physique qui doit s'en revêtir.
Cette bagur sévère, luxueuse, à pierres blan-
ches, c'est une douairière, arrivant à sa fin ;
celle-ci, aux cabochons rouge et vert, tira nt
l'œil, ornera la main d'une petite créole cré-
pue. Un bijou n'a pas besoin d'être cher pour
être riche, grâce à l'emploi savant de matières
peu précieuses. Une femme de prestance et de
race, ayant la couragç de s'exhiber, peut avec
quinze cents francs être ornée de la tête aux
chevilles.
Voyez cette plaque pectorale, de genre bar-
bare, en argent bruni comme un acier, serti
d'or, où pendent des cailloux qui sont des
morceaux de nacre ! on la devine sur une
impériale beauté. Ici un collier d'or pâle avec
des plaques d'algue-marine. Dans l'échancre-
ment d'une robe blanche, il pâlira plus encore
les cheveux d'une jeunesse blonde. Là un bra-
celet très légei', découpé, laissera transparaî-
tre une chair qui s'avivera de pierres blanches
où gîtent quelques paillettes d'un vert léger.
Enfin cette broche où un énorme coléoptère
ouvre des ailes d'émaux translucides enrichira
la poitrine hardie d'une Judith Gautier ou
d'une Titania. Sans s'inspirer ni de Massin, ni
de Froment-Meùrice en ses débuts, ni même
de Lalique triomphant, M. Ch. Rivaud veut
faire de la joaillerie un décor conscient, et il
y parviendra.
Henry de Braisne
Quelques conférenciers, non des moindres,
ont à maintes reprises tenté de propager les
amants des muses, de faire goûter à des au
ditoires de choix le suc enfermé en ces petits
flacons trop souvent bouchés pour les profa-
nes, les recueils subtils. Ce furent M. Martial
Teneo au faubourg Saint-Germain, Alcanter
de Brahm à l'Université populaire du faubourg
Saint-Antoine. Cet hiver, M. Georges Veillat
commence, au théâtre des Capucines, une série
sur Les Poètes d'aujourd'hui.
Son début est heureux, avec Henry de
Braisne, gracieux rêveur qui va des bocages
de l'idylle aux plaines sanglantes de l'épopée,
ami serviable et bon camarade qui, chaque
jour, se consacre à quelque tâche plus géné-
reuse. M. Georges Veillat lui a d'ailleurs rendu
justice, en analysant ces livres qui s'appellent
Eveil d'amour, Vesprées, Rêve de gloire, Voix
dans Vombre, Parmi le fer, parmi le sang, que
des récitants sont venus nous faire mieux
apprécier ensuite.
Mais a-t-il su dépeindre complètement ce
qu'est l'homme dont nous venions écouter
l'œuvre, minuter les précieuses qualités qui
nous le rendent cher, a-t- il condensé cette sol-
licitude toujours en éveil, cette patience se-
reine et cette cordialité jamais lasse ? Pas
assez peut-être. Aussi, après l'éloquence du
conférencier, m'empressé-je de le faire ici, de
tout cœur, en parfaite sincérité.
Aquarelles d'Italie
C'est ainsi que s'exprime M. Gustave Gef-
froy en présentant au public la 3e exposition
d'aquarelles Le M. René Binet, chez Durand
Ruel. M. René Binet est un architecte, dont
maintes œuvres curent du retentissement ou
en auront. Il a dressé la porte monumentale
de l'Exposition de 1900, et construit en cé mo-
ment la Maison de retraite des comédiens, à
Pont-aux-Dames. Il voyage, hardiment, ascen-
sionne avec Godard ou Mallet, et quitte Ver-
sailles pour Naples, la Sicile et Pompeï.
Cette troisième expositionest ce qu'il en rap-
porta. Sa facture un peu noire, chargée en
couleurs, n'est qu'une impression plus vivace
de la lumière ardente du midi. Naples est mer-
veilleusement décrite en trois pages, la baie de
Castellamare, la villa nationale, Torre-An-
nunziata, sous les pieds du Vésuve, vert
bronze, qui fume. Pompeï ? Des visions d'âges
disparus, vestiges de ce qui fut et que les
mousses de l'histoire rendent cher au philoso-
phe.
Quelles heures à passer là, dans ces colon-
nades et sous ces portiques ! Palerme, vaste
panorama de verdure, la Conca d'Ora, avec la
ville blanche au fond qui s'érige on clarté. La
chapelle Palatine ? Une savante architecture,
touffue, ardente, semée d'étoffes, riche en dé-
tails. Elle montre que M. René Binet ne néglige
aucune des recherches de son métier, et que,
prestigieux voyageur, il sait à l'infini en va-
rier les souvenirs.
Lectures
Lu, parmi les derniers livres, Ma Chanson,
par Pierre Lelong (titre générique, Les étapes
de la sagesse), recueil de nouvelles, d'études
sociales animées d'une généreuse ardeur et
d'un beau souffle libertaire. Ces pages sont
bien humaines. Amours, larmes, colères, déri-
vatifs à l'éternelle misère! Elles contiennent
des fableauxfÏc mœurs d'une réalité saisis-
sante. — Le lit amoureux, fragments d'un
poème non sans valeur, par Louis Bourdel. —
Un roman de Sanboriie Gama, Ceottrq saig-itants,
dont l'action se déroule en Belgique, et qui
renferme en des psychologies féminines, quel-
ques strophes de théories socialistes. '- Pour
quand il pleut, cent dessins spirituels d'Albert
Guillaume.
Les Poèmes des Temples et des tombeaux, de
Jean Schlumbergar, dont, il y a quelques
jours à peine, nous lisions ensemble le Mur de
verre, sont d'une heureuse et pleine cadence.
Le Culte des morts, l'Enfer mystique, Bethsa-
bée en indiquent la philosophie grave et se-
reine. — M. Henri Laurens continue, sous
l'inspiration de Roger Marx, la publication de
sa remarquable série: Les Grands artistes, leur
vie, leur œuvre. Voici Velasquez, par Elie
Faure, Van Dych par Fierens- Gevaert, Ingres.
par Jules Momméja, Puget, par Philippe Au-
quier. Ces biographies critiques sont précises,
et, par cela, instructives.
La Chronique des Arts et de la Curiosité- an-
nonce que M. Charvet vient d'offrir à M. de
Selves, préfet de la Seine,une Vue du château
de Saint-Cloud en 1837, un des chefs-d'œuvre
de Troyon. Ce tableau, d'une valeur considé-
rable, et qui conquit au peintre, au Salon de
1838, sa première médaille, ira enrichir le mu-
sée Carnavalet. -
Le dilettantisme et l'impuissance
Georges Daussonnes est un adolescent de
l'époque, instruit autant qu'il se peut, avide de
connaître encore plus, d'aller « plus loin, tou-
jours plus loin ». Effleurant d'un geste rapide
tout ce qui intéresse ici-bas les rêveurs, les
foitset les intelligents, il est gagné de cette
maladie bien spéciale qu'on appelle le dilet-
tantisme. Celui qui en est atteint « propre à
tout, bon à rien » devient l'éternel inutile bal-
lotté aux confins des plus diverses utilités.
En écrivant ce roman, qui est plutôt le pro-
cès du dilettantisme, MM. Poinsot et Nor-
mandy, fervents collaborateurs auxquels nous
devons déjà L'Echelle, sur le développement de
la cruauté dans l'individu moderne, le Con-
grès des Poètes et des recherches sur les ten-
dances de la Poésie nouvelle, ont développé
longuement, avec une multiplicité de moyens
dont il faut les féliciter, la thèse de la mortelle
impttissance. Leur héros, dominé par trois
femmes personnifiant la sensualité, l'intelli-
gence en amour et la beauté plastique, roule à
l'aventure de l'une à l'autre, avec des passades
au hasard, si bien qu'il disperse en hors-
d'oeuvre d'inaction son énergie et son désir
d'aller plus loin.
Il se frotte aux arts, aux lettres, à la politi-
que, à la sociologie, à la psychie, toujours
dans l'espoir de faire mieux que ceux qui i'ont
précédé, et sa vitalité s'épuise en efforts dis-
proportionnés, hors des compréhensions de la
réalité. Et son impuissance le ronge, l'anéan-
tit. Il avoue : « Je ne crois plus à rien, ni à
personne. J'ai épuisé toutes les sensations hu1
maines, usé tous les frissons, vaincu tous les
désirs. Tout est vain. La littérature et les arts
sont vains, l'action est vaine. Ltt"vie ne vaut
pas la peine d'être vécue. Et je voudrais bien
mourir. » Oiseau enfermé il se heurte aux
vitree, par delà il espère pourtant quelque
chose, car pour aimer la vie, il faut encore
espérer ou désirer quelque chose.
On peut dire do Daussonnes qu'il avait tous
les dons, hormis un seul,14 volonté, le meilleur.
« Aller plus loin, toujours plus loin». Il cher-
che au delà des résistances physiques de l'hu-
manité, dans l'éther, là morphine, poisons
trompeurs. Et son âme, d'avoir trop brûlé,
courut le mêler à ia grande âme de la nature,
la seule qui eût pu le régénérer. Ce sont là
des pages poignantes, les tableaux mouve-
mentés d'une fresque à continuer, et je souhaite
que nos deux amis la continuent.
LÉON RIOTOR
LE BAPTÊME DE BELKIS
Nous racontâmes, hier, très benoîtement, le
baptême qu'imposa à sa chatte Belkis ou Bel-
lecuisse, M. Pierre Loti, écrivain, académicion
et commandant du Vautour, dans les eaux du
Bosphore.
Dans le Journal des Débats, notre spirituel
confrère André Beaunier tient à signaler ce
baptême aux anticléricaux « afin qu'ils s'en
indignent ». Pourquoi cela ? M. André Beau-
nier ignore donc que toutes les cérémonies re-
ligieuses laissent profondément indifférents
les anticléricaux quand on ne veut pas les
leur imposer?
Les cléricaux seuls, dont M. Pierre Loti a
tourné la religion en ridicule, pouvaient se
fâcher et ils n'ont pas manqué de le faire.
Sous ce titre : « Le cabot Pierre Loti », la Libre
Parole écrit :
Les journaux du Bosphore, qui ne tarissent pas
en détails sur la cérémonie, nous apprennent que
la famille paternelle était représentée par Mme
Houx, la marraine, cependant que le parrain était
M. le vicomte de Salignac-Fénelon.
Un Fénelon se prêtant à ce sacrilège !
Comme invités, tout le haut personnel de notre
ambassade.
Voilà qui va donner au corps diplomatique de
Constantinople une bizarre opinion de notre ca-
ractère.
Si encore il n'y avait que cela ! Mais cette pa-
rodie d'une cérémonie du culte catholique, par un
représentant officiel de la France, un officier, un
aéadémicien, en un pays où la France, depuis des
siècles, est,ati nom de toutes les nations chrétien-
nes, la protectrice attitrée du catholicisme, est plus
qu'une inconvenance et une goujaterie, c'est un
véritable scandale.
François Coppée ne voudra plus serrer la
main à Pierre Loti lorsqu'il le rencontrera —
tout à fait par hasard — sous la coupole aca-
démique.
Et après ? — Après, voilà tout. — G. de V.
-0-
L'ENSEIGNEMENT CONGREGANISTE
M. Combes a communiqué au conseil des
ministres d'hier le texte du projet de loi inter-
disant l'enseignement à tous les degrés aux
congrégations autorisées qui vient d'être éla-
boré par la commission spécialement instituée
dans ce but. Ce projet sera déposé vendredi
prochain sur le bureau de la Chambre. En
voici les lignes générales:
Le projet abroge toutes les autorisations
données à des congrégations en vue d'exercer
l'enseignement. Celles des congrégations pré-
cédemment autorisées exclusivement pour l'en-
seignement seront dissoutes. La liquidation
de leurs biens s'effectuera suivant les règles
tracées par la loi de 1901 sur les associa-
tions.
Les congrégations autorisées vouées à la fois
à l'enseignement et aux œuvres charitables,
subsisteront en tant qu'hospitalières.
Un délai de cinq années est accordé au mi-
nistre do l'intérieur pour assurer l'application
de ces dispositions.
Ce projet ne comporte que cinq articles.
L'exposé des motifs donnera ra statistique
complète des établissements atteints par ce
projet et des indications sur la dépense qu'en-
traînera la nécessité de recevoir dans les éco-
les publiques les élèves des écoles congréga-
nistes fermées,
Le nombre des écoles primaires congréga-
nistes existantes qui seraient fermées en vertu
du projet s'élève, on s'en souvient, à 3.494
dont 1.299 de garçons — toutes tenues par les
frères des écoles chrétiennes -- et 2.195 de
filles. Sur ces dernières, 574 sont tenues par
374 congrégations de femmes exclusivement
enseignantes. Les 1.621 autres sont tenues par
des congrégations mixtes.
L'exposé des motifs indique que la dépense
pour agrandissement ou construction de mai-
sons d'écoles publiques, en vue de recevoir les
élèves des maisons congréganistes, ne dépas--
sera pas au maximum 2S millions pour l'Etat
sous forme de subvention.
Sur les 3.494 écoles à fermer, il y en a 1.900
environ qui peuvent être fermées immédiate-
ment, les écoles publiques étant suffisantes
pour recevoir leur personnel scolaire. Il y en
a 350 pour lesquelles il suffira de louer dans
la commune un local ; les locations sont à la
charge exclusive des communes.
L'Etat n'aura à intervenir par voie de sub-
vention que pour les agrandissements ou cons
tructions d'écoles. Ce cas se produira pour
1.150 écoles, à savoir 500 agrandissemants des
locaux existants et 650 constructions de lo-
caux nouveaux.
Le gouvernement estime qu'en maintenant
pendant cinq années au budget de l'instruc-
tion publique le crédit de dix millions inscrit
ordinairement pour subventions scolaires, il
sera facile do faire face à la dépense.
LE VICAIRE DE RUEIL
Un vicaire, un modeste vicaire, celui de
Rueil (Seine-et-Oise).vient d'adresser à M. Cle.
menceau une lettre très digne et très cu-
rieuse, dont chaque ligne, pour ainsi dire, se-
rait à souligner et à commenter.
Dans le clergé, dit ce vicaire qui signe carré-
ment G. Lemeunicr, il y a encore quelques esprits
indépendants, qui jugent sans parti pris, qui
souffrent de la situation que le clergé de France
s'est créée à lui-môme par son esprit boudeur et
étroit, et surtout par l'appui qu'il a toujours
fourni aux coteries politiques plus ou moins enta-
chées de boulangisme, de nationalisme ou do mo-
narchisme..
Comme on voit que ce prêtre est bien du bâ-
timent — ou du monument, si" vous désirez
témoigner quelque respect aux églises! Comme
il constate, dès les premières lignes, que c'est
le clergé lui-même, en se faisant l'allié. le pro-
tecteur et l'apôtre de tous les partis réaction-
naires, qui s'est créé une situation fausse,
dangereuse, intenable, dans le milieu le plus
large et le plus tolérant cependant, qu'on
puisse rêver : le milieu républicain !
Je suis, ajoute t-il, du petit nombre de ceux qui,
tout en ayant une foi ardente et sincère, osent pen-
ser que l'on peut penser autrement qu'eux. Parmi
les catholiques, celui qui s'avisa de rendre justice
à un adversaire est vite accusé de trahison ; mais
celui qui sait bien « éreinter, écraser, piétiner »,
celui-là est un héros, et il n'y a point d'assez pom-
peuses épithètes pour qualifier son héroïsme. Ce
qui m'étonne, c'est que les prêtres, qui se recom-
mandent d'un évangile d'amour, ont en grande
majorité une prédilection très marquée pour les
journaux qui professent dos doctrines de haine.
Allez dans tous les presbytères de France, neuf
fois sur dix vous trouverez une Libre Parole ou
une Autorité, et il faut entendre les fulgurants
anathèmes qui tombant de nos chaires chrétiennes
contro les « suppôts de Satan », les « envoyés de
l'Enfer », etc.
De longue date nous savons que l'Eglise ne
s'incline que devant la loi du plus fort : la loi
d'amour du Christ n'est que la magnifique ta-
pisserie destinée à masquer toutes les entrepri-
ses de haine et do violence.
Que de braves fils de cultivateurs, âmes can-
dides et parfois enthousiastes, ont éprouvé les
cruelles désillusions du vicaire de Rueil ! Mais
ceux-là, on les observe, on les espionne, on
les circonvient, on raille leur idéal, on les fait
tomber dans des pièges, on les persécuto avec
une douceur hypocrite, on les tue lentement,
chrétiennement : il faut qu'ils suivent béate-
ment le gros de l'armée cléricale. S'ils crient
un jour leur souffrance, leur dégoût, on les
brise.
Et pourtant, n ést co point par suite d'une
aberration vraiment inexplicable que la plu-
part des prêtres arrivistes donnent tête baissée,
soutane au vent, dans les querelles de partis ?
C'est d'eux, probablement, que M. G. Le-
meunier veut parler, quand il dit :
Beaucoup de prêtres ont dans le cœur un « Don
Quichotte » qui sommeille, et qui se réveille.
trop souvent. Aujourd'hui, il n'y a plus de martyrs
souffrants, il n'y a plus que des martyrs provo-
cants, qui seraient à l'occasion très avares de leur
sang, mais qui sont tous les jours très prodigues
de leur salive ou de leur encre.
Peu importe que tel anathème ait comme résul-
tat pratique de creuser plus profondément le fossé
qui sépare la religion du peuple : le geste est beau,
cela suffit, et dans une tirade à la Tertullien ou à
la Cassagnac, on part en guerre contre des enne-
mis toujours absents.
Don Quichotte, il est vrai, n'a pas beaucoup
plus de jugement que ne semblent en avoir
ces prêtres.compromettant sans cesse leur reli-
gion — et risquant chaque jour de tuer leur
poule aux œufs d'or ; mais Don Quichotte a sur
eux l'avantage — si c'en est un aux yeux de
l'E£rlise'- de posséder une âme chevaleresque,
des sentiments généreux, une naïveté adora-
ble et un cœur excellent.
Je crains fort, M. Lemeunier, que Don Qui-
chotte ne goûte pas votre comparaison. Où
nous serons tous d'accord, par exemple, où
Don Quichotte lui-même sera de votre avis,
c'est lorsque vous ajouterez:
Pour ce qui est de l'affaire Dreyfus, que d'encre
a coulé ! que d'anathèmes ont été proférés ! Le
clergé n'a pas manqué l'occasion de se pfyer le
luxe d'une gaffe monumentale. Au lieu de rester
neutre dans une affaire où les seules passions po-
litiques entraient etl jeu, il a fallu prendre parti,
et quel parti ! Je ne dis pas que Dreyfus est cou-
pable, je ne dis pas qu'il est innocent, mais sa-
pristi ! qu'on laisse faire la justice : c'est tout ce
que nous demandons ! Alors, pourquoi nous dire,
ce que j'entends tous les jours dans les conciliabu-
les cléricaux, qu'on ne peut être à la fois bon
prêtre ou bon Français et partisan de la revision
du procès Dreyfus !
Dans ces quelques lignes, quels aveux pré-
cieux ! Quelle révélation éclatante 1 Comme on
y voit le travail souterrain et quotidien de tout
un clergé ! Ah ! ces «conciliabules cléricaux»,
chaque jour, dans le plus petit hameau de la
France, — qui nous en retracera les détails
lamentables, qui nous en fera le récit tortu-
rant ?
M. G. Lemeunier termine loyalement sa let-
tre par ces mots :
Veuillez agréer, Monsieur, les hommages respec-
tueux d'un homme qui ne partage pas toutes vos
idées, mais ne connait sur terre ni ennemis ni
adversaires, et se contente d'être homme avec des
hommes.
Hé 1 Hé ! Ne vous semble-t-il pas que le vi-
caire de Rueil est pour le moins aussi intéres-
sant que le Vicaire de IVakefteld ?
G. DE VORNEY.
00 in
ACCORD RUSSO-CORÉEN
Londres, 15 décembre.
On mande de Kobé, au Daily Mail, le 14 dé-
cembre :
Un télégramme de Séoul annonce qu'un accord
russo-coréen a été signé mercredi. Aux termes de
cet accord, chaque bataillon recevra un comman-
dant et un capitaine russes et, quand les circons-
tances le rendront nécessaire, les officiels russes
auront aussi le commandement de la garde du
corps de l'empereur.
'., ,V.
LA JOURNEE
PARLEMENTAIRE
A LA CHAMBRE
LE TRANSPORT DES BLES
M, Etienne, qui préside, donne d'abord is
parole à M. Castillard, qui pose au ministre
du commerce — en l'absence du ministre des
travaux publics — une question au sujet da,
tarif spécial de transport des blés.
M. Castillard. = Est-il vrai que le giuvrrnr-
ment soit disposé à modifier ce tarif, qui est actuel-
lement le méme pour les blés et les farines, el
qu'il ait l'intention d'approuver un relèvement des
tarifs en ce qui concerne les farires? Si cela étaik
vrai, on porterait un réel préjudice aux produc-
teurs de blé, c'est-il.dire aux agriculteurs.
M. Trouillot répond qu'à la suite do nom-
breuses réclamations, le tarif a été soumis à,-
l'examen d'une commission spéciale. Si des
négociations nouvelles étaient engagées avec
les compagnies, le gouvernement s'efforcerait
d'obtenir une diminution des tarifs des bléa
sans toucher aux tarifs relatifs aux farines. (
M. Castillard n'a plus qn'à remercier le mi-
nistre, devoir dont il s'acquitte courtoise-
ment. - !
La Chambre valide l'élection de M. Bazonnet
à Bourg.
Elle adopte la proposition de M, Carnaudi
concernant les sociétés des auteurs et composi-f
teurs de musique; le projet relatif à l'acquisi-
tion-d'un immeuble pour le service des postel
et des télégraphes à Paris, boulevard Brune r
la proposition votée par le Sénat, relative à I*
réhabilitation des faillis.
LES GRANDS TRAVAUX
La Chambre adopte ensuite les chapitres f&7
latifs aux travaux des ports de Celte, Nantes.
Dieppe, des canaux de Marseille au Rhône e
du Rhône à Cette.
M. Mill fait adopter un projet de résolution
invitant le gouvernement à étudier et à préJ
senter un plan de travaux complémentaires,
comprenant les travaux des ports et des voiei
navigables..
M. Baudin fait adopter, de même, une mo-
tion invitant le gouvernement à provoquer les
initiatives et les concours dans le but de faire
voter le plus tôt possible les projets de granda
grands travaux primitivement compris dans,
le projet de la Chambre et réservés par Ii
Sénat.
L'ACIDE STÉARIQUE :
Une proposition de M. Fleury-Ravarin tend
à augmenter les droits de douane sur l'acide
stéarique et la bougie stéarique.
M. Guilloteaux estime que le projet ne seraïïf
utile qu'aux stéariniers et causerait un préju-
dice au trésor ainsi qu'aux éleveurs, qui-n?
pourraient plus exporter leurs suifs.
M. Noël, rapporteur, contoste l'exactitude des
affirmations do M. Guilloteaux. *
M. Fleury-Ihvarin défend, à son tour, la
proposition qu'ii a déposée et dit que l'indus-v
trie stéarique a subi de graves mécomptes.
M. Noël insiste. - i
M. Thierry rappelle que, dans la commis"
sion, il a accepté le relèvement du droit.
M. Caillaux demande le renvoi de la propos
sition à la commission.
M. Caillaux. — On parle d'une augmentation'
de trois centimes par livre de bougie, que le nou-
veau droit entraînerait. Trois centimes, ce serait,
avec les intermédiaires cinq centimes. Je dis
qu'une augmentation d'un sou par livre de bou*.
gie, c'est quelque chose, c'est trop. (Très bien !)
D'accord avec le gouvernement, la commisi.
sion àccepte le renvoi.
LES TARIFS DES FÉCULES
ET TAPIOCAf
On discute maintenant la proposition dtf
MM. de Mahy et Louis Brunet sur les tarifé
des tapiocas.
M. Bignon signale les protestations des fa-
bricants de fécules et de leurs ouvriers. I(
demande le renvoi du projet à la commission.
Le président de la commission accepte lat
disjonction pour les fécules, mais maintient
ses conclusions en ce qui concerne les tapio «
cas. Il s'agit, dit-il, de sauver une de no$
vieilles colonies.
M. Charles Bos. — La production de la Réu*
nion est-elle suffisante pour alimenter toute Ié.
France en tapioca ?
M. le rapporteur. — Evidemment non.
M.Charles Bos. — Alors le consommateut,
verra les prix augmenter. -
M. le rapporteur. — Je crois avoir démontré
que cette crainte est vaine.
M. Charles Bos défend, avec son énergif
coutumière, les intérêts des consommateurs.
M. Charles Bos. — Je ne m'explique pas bieis.
la politique de la commission des douanes. Elle,
vous propose des relèvements de droits do douant
qui surélèveront le prix de la matière première :
pourquoi n'a-t-elle pas proposé une diminution da;
ces droits quand le prix de la fécule a sensiblement
baissé ?
D'autre part, s'il y a lieu de relever les droits;
pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas pris nni-)
tiative d'un projet?
M. le rapporteur. — Vous auriez pu lire dansU
les annexes du rapport de M. de Mahy que depuis
1899 la commission est d'accord avec le gouverne-
ment sur les droits que nous proposons.
M. Charles Bos. — Je constate que la com-
mission des douanes apporte toujours des relève-
ments de droits, qui ont pour effet de renverser
les règles de là loi de l'offre et de la demande. La
Réunion exige trop de la mère patrie en deman-
dant l'augmentation du tarif des tapiocas. M. le
rapporteur reconnaît que la production en ta.'
pioca de la Réunion est insuffisante pour la con-
sommation de la mère-patrie.
Vous allez donc, par l'élévation du droit, aug-
menter le prix de consommation de cette denréa
indispensable, puisqu'elle est l'aliment des enfant!.
et des vieillards. Je demande à la Chambre non pas
d'ordonner le renvoi à la commission mais de raç
pousser le projet. (Applaudissements.) -
Les paroles si justes de Charles Bos font im-
pression sur la Chambre.
Le rapporteur insiste en vain. On demande
l'avis du gouvernement. M. Rouvier se lève t
M. Rouvier, ministre des finances. — En ma,
tière de droit de douanes, l'initiative n'appartien
pas au ministre des finances, mais au ministre dis
commerce ou au ministre de l'agriculture suivant
la nature des produits.
J'ignore si M. le ministre du commerce a donni
son adhésion au projet, mais ce que je déclare,,
c'est que le Gouvernement, d'une façon générala.
désire qu'il soit apporté le moins de modification^
possible à notre tarif actuel do douanes.
Dès lors, il est certain que la cause des ooa';i
sommateurs, défendue par Charles Bos, va
avoir gain de cause.
L'ajournement, mis aux voix, n'est paÇ
adopté. T
La Chambre, consultée, décide qu'elle nt
passera pas à la discussion du projet de loi.,
La suite de l'ordre du jour est renvoyée t
demain. ;
H. D.
AU SÉNAT
L'AFFAIRE KERMORVAN
Les réactionnaires avaient raté le matelot^
Kermorvan à la Chambre ; ils espéraient bien?
le repincer au Sénat. Je vems annonce ave
plaisir qu'ils ont été déçus. Sur cette « aw
,'-. - '1":TmT". 1'7-
XJe T*«t nêity -t3INQ CENTIMES
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REDACTION s 14, rue du Mail Paris
De - 4 à 8 heures iu soir et de 10 - heures du soir -- à 1 heure - - du matin
Wu 12333. — Jeudi 17 Décembre 1903
25 FRIMAIRE AN 112
ADMINISTRATION : I/t, rue du Mali
Adresser lettres et mandats à VAd nimstrat&ur
NOS LEADERS
Plu l'i Alliiire i
Au premier moment, ils se son
écriés : « Nous allons donc pouvoir
encore manger du juif! »
Quelle aubaine pour eux, en effet!
Voilà longtemps qu'ils n'avaient plus
rien guère à se mettre sous la dent. Ils
maigrissaient, voraces. Evidemment,
l'affaire Humbert, sur laquelle ils ont
un instant compté, leur claque entré
les mains; l'essai de recommencement
du Panama avorte misérablement; de
enquête qu'ils ont réussi à faire or-
donner, il ne sortira que du vent.
Donc, ils étaient en plein désarroi, se
demandant que faire, affamés.
La reprise de l'affaire Dreyfus, à la
bonne heure! voilà qui rend au moins!
Et l'espérance de vendre des numéros
es exalte jusqu'à l'enthousiasme.
Avec des mains suantes de fièvre, ils
décrochent, sous la poussière, dans
l.eur magasin d'accessoires, le drapeau
dont ils ont fait déjà jadis le baillon ap-
pliqué sur la bouche du colonel Pic-
quart, la robe de la dame voilée, le
jupon de Marguerite Pays, le linceul
d'Henry, le faussaire. Il peut servir
sncore, ce drapeau, allons!
Dépêchons ! dressons les tréteaux.
Les planches sont bien sales et ver-
moulues ; qu'importe ? Y sommes-
aous ? Embouche ton clairon, toi ! Toi,
empoigne d'une main la cymbale et de
!'autre le maillet de la grosse caisse !
Attention ! vous, les joueurs de flûte.
Et vous, là-bas, les tambours, crachez
dans vos paumes pour que les baguet-
tes ne glissent pas. Une ! deux ! trois !
On commence ! En avant la musique !
Tzing ! boum ! boum ! Vive l'armée !
***
Il est inutile de dire, je pense, que
nous ne nous prêterons pas à ce jeu.
Autrefois, les ennemis de la vérité et
de la lumière ont pu, en accumulant
les dénis de justice, faire dévier l'af-
faire Dreyfus et transformer en ques-
tion politique un débat qui n'eût ja-
mais dû sortir du prétoire.
Il leur sera impossible, aujourd'hui,
île se livrer aux mêmes manœuvres.
En avril dernier, la Chambre des
députés a dit sa résolution « de ne pas
laisser sortir l'affaire Dreyfus du do-
maine judiciaire ».
Nous sommes bien résolus, nous,
à nous conformer à cette décision juste
2t logique. Et rien, disons-le haute-
ment, ne nous fera nous départir de
cette attitude.
Cette expression, même, dont nous
venons de nous servir : la reprise de
l'affaire Dreyfus, est absolument ine-
xacte.-Il ne peut pas y avoir de reprise
de l'affaire, au sens que le public atta-
che à ce mot ; c'est-à-dire que le re-
tour est impossible des événements qui
ont si profondément trouble les années
i898 et 1899. Et c'est en vain que les
ennemis de la vérité tenteront de re-
nouveler l'agitation dont ils ont su ti-
rer si gros profits.
Il y a quelque chose dont ils ne s'a-
perçoivent pas, ou ne veulent pas
s'apercevoir, c'est que les hommes,
ainsi que les temps, ont changé. Ce
qui nous a forcés, nous, les dreyfu-
sards, à saisir la nation elle-même de
la revision du monstrueux procès de
1894, c'est le refus opposé .par ceux
qui détenaient alors le pouvoir de pro-
céder à cette revision par la voie lé-
gale. Quand les voies légales sont fer-
mées, il faut bien agir révolutionnai-
rement ; c'est ce qu'a fait Zola et ce
sera son éternel honneur. Mais M.
Méline n'est plus président du conseil
et M. Billot n'est plus ministre de la
guerre.
***
Et le Bloc, la Défense républicaine
d'abord, puis le passage nécessaire de
la défensive à l'offensive, l'action vi-
goureuse contre les congrégations, les
mesures de laïcisation, tout cet effort
pour libérer la société française, vien-
nent directement de l'affaire Dreyfus.
De cela, nous avons lieu d'être satis-
faits — et nous le sommes.
Ce ne sont pas la des résultats à
dédaigner ; ils nous permettent de dire
que nous qui avons combattu, et rude-
ment, oïl le sait, pour I'oe- uvre de vérité,
nous n'avons pas perdu nos peines ni
potre temps.
Mais, tout cela étant acquis, il sied,
à notre avis, en ce qui concerne ce qui
reste de l'affaire Dreyfus proprement
dite, d'observer le silence respectueux
dont doivent être entourées les déci-
sions de la justice.
Pour tout homme de bonne foi et
,qui a bien voulu prendre la peine de
se renseigner, en étudiant, non les
commentaires passionnés des docu-
ments, mais les documents eux-mê-
• mes, aucun doute n'est possible sur le
'sort de la demande de revision dont
est officiellement saisie aujourd'hui la
Cour de cassation.
f Le capitaine Dreyfus est innocent.
Son innocence est démontrée, prou-
vée, évidente, incontestable, il ne reste
plus qu'à la proclamer.
Ce soin regarde la Cour de cassa-
lion.
Il appartient à la plus haute autorité
judiciaire du pays de réhabiliter solen-
nellement la victime sur qui se sont
acharnés tant de scélérats.
Il était nécessaire que cette œuvre
de réparation fut faite ; il le fallait pour
l'honneur de la France.
Mais quant à nous, nous avons déjà
'dépassé, dans notre marche vers le pro-
grès démocratique et social, le tour-
nant que fut l'affaire Dreyfus, nous ne
nous laisserons pas ramener arrière par
les glapissements ignobles de ceux qui
demeurent encore les partisans, quand
même, des faussaires et des traîtres.
Lucien Victor-Meunier
«fr
UNE ŒUVRE CLÉRICALE
N'imitons jamais rien des clé-
ricaux. Rien, sauf leur ardeur
organisatrice et propagandiste.
Toutes les fois que nous faisons
une brèche dans la Congréga-
tion, il se forme une équipe de
travailleurs volontaires pour la boucher.
Par exemple, nous voulons arriver à la
laïcisation complète de l'enseignement pri-
maire ? Il se constitue aussitôt une Asso-
ciation pour la défense des Ecoles primaires
catholiques. Cette association a un comité
directeur composé de MM. Keller, ancien
député, président de la Société générale
d'éducation et d'enseignement, le comte
d'Haussonville, de l'Académie française, le
baron de Mackau, député, de Lamarzelle,
sénateur, et de Ramel, député. Elle a été
constituée au mois de juillet 1902.
Elle prétend — dans un prospectus
qu'on nous communique — avoir fondé
120 comités en province, avoir élu 300'
correspondants, avoir réuni 2.000 adhé-
rents.
Elle se vante d'avoir contribué à la ré-
ouverture de deux mille écoles. Elle affirme
avoir placé toutes les institutrices qui Jui
ont offert leurs services.
Jusqu'ici elle s'est surtout occupé des
écoles de filles. Mais préférez-vous fonder
une école de garçons ? L'Association tient
des instituteurs catholiques à votre dispo-
sition.
Mais « un nouveau devoir s'impose à
l'Association ».
L'Association s'efforce de placer, dans des
conditions leur garantissant les égards dus à
leur caractère, les religieuses sécularisées qui,
en grand nombre déjà, s'adressent à elle, soit
comme institutrices privées, soit comme garde-
malades, femmes de charge, lingères, ouvrières
ou même cuisinières, femmes de chambres et
bonnes d'enfants.
Les religieux peuvent être également placés
comme précepteurs dans des familles, surveil-
lants de propriétés, comptables, etc.
Les cléricaux s'arrangent pour ne pas
perdre une force. Ils remplacent les con-
gréganistes par des laïques dévoués à l'E-
glise; et aux congréganistes laïcisés, ils
donnent des places, des postes ; les an-
ciens religieux deviennent des missionnai-
res à l'intérieur.
Attention. Nous commençons à laïciser
l'école ; eux ils se mettent à cléricaliser la
nation. — Cit. B.
LE CANAL DE L'OURGO
Contre le chômage. — 36 millions de
travaux. — Au Pont-de-Flandre.
Parmi les travaux neufs « en faveur desquels
la Chambre a voté, lundi, des crédits, figure
le prolongement du canal de l'Ourcq. 11 y a la
pour 36 millions de travaux dont une bonne
partie reviendra, sous formes de salaires, aux
travailleurs du Pont-de-Flandre. Ceux-ci sa-
vent du reste avec quelle activité leur député,
Charles Bos, s'est occupé d'un projet qui pré-
sentait pour eux tant d'intérêt. Charles Dos a
vivement insisté auprès du rapporteur et de la
commission pour qu'on n'ajournât point un
projet si utile à la prospérité économique de
Paris et aux intérêts des travailleurs.
Les efforts du député de Belleville n'ont pas
été perdus.
Nous sommes assurés que la Ville de Paris
ne voudra pas retarder le commencement des
travaux, et qu'elle va so mettre en mesure,
dès maintenant, de réaliser la part qui lui in-
combe dans cette vaste entreprise.
PARTI RADICAL-SOCIALISTE
Sur la proposition de notre confrère Arnould
directeur de l'Echo du Raincy l'assemblée gé-
nérale annuelle du comité radical-socialiste de
Seine-et-Oise a décidé qu'un congrès aurait
lieu dans ce département en 1904.
Le Rappel donnera la date de ce congrès.
—— —— -
LE DÉSACCORD AU CAMP DES RÉGICIDES
(De notre correspondant particulier)
Belgrade, 15 décembre.
Une scission très grave s'est produite parmi
les officiers régicides. Le général Atanazko-
vitsch et le colonel Maschin sont partisans
d'une réconciliation générale. Les colonels Po-
povitsch et Missifsch, au contraire, exigent
qu'on exprime avec énergie tout mouvement
contre les régicides.
Le colonel Maschin réunit presque journelle-
ment des ofliciers en délibération. Ses tendan-
ces conciliantes sont encouragées par le parti
radical.
Il est question de donner le portefeuille de
la guerre au général Putnik, qui aurait, dit-
on, assez d'énergie pour rétablir la discipline
dans l'armée.
<•> :
LA GRËVE DES CONFESSEURS
(De notre correspondant particulier)
Munich, 15 décembre.
La capitale bavaroise, qu'on appelle aussi la
« Rome allemande » à cause des sentiments
catholiques de sa population, est aujourd'hui
le théâtre d'une grève de confesseurs. Et voici
la cause de cet autre « conflit entre patrons et
salariés ». L'abbé Irlbacher, aumônier de l'hô-
pital, a été révoqué de son poste à raison
de son attitude au cours de ses fonctions de
confesseur. Là-dessus, les autres aumôniers
ont quitté leur poste en déclarant qu'ils ne
pouvaient tolérer être jugés par le pouvoir sé-
culier en matière de confession. Les grévistes
sont soutenus par l'archevêque: et il n'y a pas
de syndicat jaune qui puisse fournir des rem-
plaçants.
LE RAPPEL
ARTISTIQUE ET LITTÉRAIRE
Exposition intime. - Delaherche et
Rivaud. - Les poètes d'aujour-
d'hui. - La mortelle impuis-
sance. — Les voyages de
- M. René Binet.
Une antique maison du quai de l'Horloge,
la porte étroite et basse, un escalier rapide con-
duisant à des pièces claires d'où la vue s'étend
à loisir sur le vieux pont de Henri IV, et nous
sommes dans la 3e exposition intime organisée
par Charles Rivaud et quelques amis. C'est là
un petit paradis d'art, aux nuances discrètes,
aux chosas menues, où flotte la certitude delà
beauté.
Des tableaux : il faudrait les examiner un à
un, Henri Martin, Ménard, aux rêveries loin-
taines et comme hors de nos terrestres réalités,
Saglio, Cottet, avec un clair de lune sur des
rochers bretons, Eugène Carrière, Ulmann,
dont les deux fines marines sont d'une ma-
tière parfaite, où le ciel et la mer sont fondus,
unis, mélangés par une lumière inimitable.
Les aquarelles espagnoles de Roïg marquent
une extrême vivacité.
Voici une statuette de bronze de Fix-Mas-
seau, jeune femme nue, belle de lignes; des
travaux en corne naturelle ou teintée, des pei-
gnes,d'un goût très sûr, de Henri Hamm.
Le potier et le bijoutier
Une grande vitrine contient des grès flam-
més, quelques faïences, des porcelaines, l'effort,
sous cent formes diverses, de ce prestigieux
potier qui a nom Delaherche. Quelle que soit
la matière, elle réalise ce parterre idéal des
formes simples engendrées par les fleurs. Sur
les flancs de ces corolles imaginaires l'art de la
cuisson a posé des teintes merveilleuses. Les
métalloïdes, les sels minéraux, le cobalt,
l'urane, le titane, le. manganèse, la strontiane,
se transforment, sous la gradation des feux,
en décors de givre, de jaspes, en coulées de
laves ou de soufre. Et ce sont des trouvailles,
que ces fusions de réduction ou d'excitation
qni tirent deux ou même trois couleurs diffé-
rentes de la même matière appliquée d'une
façon identique. Delaherche-est un maître en
ce genre.
Enfin, nous sommes beaucoup venus pour
les joailleries de Charles Rivaud, il faut les
voir. Cet artiste a la compréhension esthéti-
que du bijou. Pour lui c'est une conception
que la matière commande, et dont il importe
d'allier l'effet avec celui de la personnalité
humaine. Il crée chacune de ses œuvres en
vue de la forme physique qui doit s'en revêtir.
Cette bagur sévère, luxueuse, à pierres blan-
ches, c'est une douairière, arrivant à sa fin ;
celle-ci, aux cabochons rouge et vert, tira nt
l'œil, ornera la main d'une petite créole cré-
pue. Un bijou n'a pas besoin d'être cher pour
être riche, grâce à l'emploi savant de matières
peu précieuses. Une femme de prestance et de
race, ayant la couragç de s'exhiber, peut avec
quinze cents francs être ornée de la tête aux
chevilles.
Voyez cette plaque pectorale, de genre bar-
bare, en argent bruni comme un acier, serti
d'or, où pendent des cailloux qui sont des
morceaux de nacre ! on la devine sur une
impériale beauté. Ici un collier d'or pâle avec
des plaques d'algue-marine. Dans l'échancre-
ment d'une robe blanche, il pâlira plus encore
les cheveux d'une jeunesse blonde. Là un bra-
celet très légei', découpé, laissera transparaî-
tre une chair qui s'avivera de pierres blanches
où gîtent quelques paillettes d'un vert léger.
Enfin cette broche où un énorme coléoptère
ouvre des ailes d'émaux translucides enrichira
la poitrine hardie d'une Judith Gautier ou
d'une Titania. Sans s'inspirer ni de Massin, ni
de Froment-Meùrice en ses débuts, ni même
de Lalique triomphant, M. Ch. Rivaud veut
faire de la joaillerie un décor conscient, et il
y parviendra.
Henry de Braisne
Quelques conférenciers, non des moindres,
ont à maintes reprises tenté de propager les
amants des muses, de faire goûter à des au
ditoires de choix le suc enfermé en ces petits
flacons trop souvent bouchés pour les profa-
nes, les recueils subtils. Ce furent M. Martial
Teneo au faubourg Saint-Germain, Alcanter
de Brahm à l'Université populaire du faubourg
Saint-Antoine. Cet hiver, M. Georges Veillat
commence, au théâtre des Capucines, une série
sur Les Poètes d'aujourd'hui.
Son début est heureux, avec Henry de
Braisne, gracieux rêveur qui va des bocages
de l'idylle aux plaines sanglantes de l'épopée,
ami serviable et bon camarade qui, chaque
jour, se consacre à quelque tâche plus géné-
reuse. M. Georges Veillat lui a d'ailleurs rendu
justice, en analysant ces livres qui s'appellent
Eveil d'amour, Vesprées, Rêve de gloire, Voix
dans Vombre, Parmi le fer, parmi le sang, que
des récitants sont venus nous faire mieux
apprécier ensuite.
Mais a-t-il su dépeindre complètement ce
qu'est l'homme dont nous venions écouter
l'œuvre, minuter les précieuses qualités qui
nous le rendent cher, a-t- il condensé cette sol-
licitude toujours en éveil, cette patience se-
reine et cette cordialité jamais lasse ? Pas
assez peut-être. Aussi, après l'éloquence du
conférencier, m'empressé-je de le faire ici, de
tout cœur, en parfaite sincérité.
Aquarelles d'Italie
C'est ainsi que s'exprime M. Gustave Gef-
froy en présentant au public la 3e exposition
d'aquarelles Le M. René Binet, chez Durand
Ruel. M. René Binet est un architecte, dont
maintes œuvres curent du retentissement ou
en auront. Il a dressé la porte monumentale
de l'Exposition de 1900, et construit en cé mo-
ment la Maison de retraite des comédiens, à
Pont-aux-Dames. Il voyage, hardiment, ascen-
sionne avec Godard ou Mallet, et quitte Ver-
sailles pour Naples, la Sicile et Pompeï.
Cette troisième expositionest ce qu'il en rap-
porta. Sa facture un peu noire, chargée en
couleurs, n'est qu'une impression plus vivace
de la lumière ardente du midi. Naples est mer-
veilleusement décrite en trois pages, la baie de
Castellamare, la villa nationale, Torre-An-
nunziata, sous les pieds du Vésuve, vert
bronze, qui fume. Pompeï ? Des visions d'âges
disparus, vestiges de ce qui fut et que les
mousses de l'histoire rendent cher au philoso-
phe.
Quelles heures à passer là, dans ces colon-
nades et sous ces portiques ! Palerme, vaste
panorama de verdure, la Conca d'Ora, avec la
ville blanche au fond qui s'érige on clarté. La
chapelle Palatine ? Une savante architecture,
touffue, ardente, semée d'étoffes, riche en dé-
tails. Elle montre que M. René Binet ne néglige
aucune des recherches de son métier, et que,
prestigieux voyageur, il sait à l'infini en va-
rier les souvenirs.
Lectures
Lu, parmi les derniers livres, Ma Chanson,
par Pierre Lelong (titre générique, Les étapes
de la sagesse), recueil de nouvelles, d'études
sociales animées d'une généreuse ardeur et
d'un beau souffle libertaire. Ces pages sont
bien humaines. Amours, larmes, colères, déri-
vatifs à l'éternelle misère! Elles contiennent
des fableauxfÏc mœurs d'une réalité saisis-
sante. — Le lit amoureux, fragments d'un
poème non sans valeur, par Louis Bourdel. —
Un roman de Sanboriie Gama, Ceottrq saig-itants,
dont l'action se déroule en Belgique, et qui
renferme en des psychologies féminines, quel-
ques strophes de théories socialistes. '- Pour
quand il pleut, cent dessins spirituels d'Albert
Guillaume.
Les Poèmes des Temples et des tombeaux, de
Jean Schlumbergar, dont, il y a quelques
jours à peine, nous lisions ensemble le Mur de
verre, sont d'une heureuse et pleine cadence.
Le Culte des morts, l'Enfer mystique, Bethsa-
bée en indiquent la philosophie grave et se-
reine. — M. Henri Laurens continue, sous
l'inspiration de Roger Marx, la publication de
sa remarquable série: Les Grands artistes, leur
vie, leur œuvre. Voici Velasquez, par Elie
Faure, Van Dych par Fierens- Gevaert, Ingres.
par Jules Momméja, Puget, par Philippe Au-
quier. Ces biographies critiques sont précises,
et, par cela, instructives.
La Chronique des Arts et de la Curiosité- an-
nonce que M. Charvet vient d'offrir à M. de
Selves, préfet de la Seine,une Vue du château
de Saint-Cloud en 1837, un des chefs-d'œuvre
de Troyon. Ce tableau, d'une valeur considé-
rable, et qui conquit au peintre, au Salon de
1838, sa première médaille, ira enrichir le mu-
sée Carnavalet. -
Le dilettantisme et l'impuissance
Georges Daussonnes est un adolescent de
l'époque, instruit autant qu'il se peut, avide de
connaître encore plus, d'aller « plus loin, tou-
jours plus loin ». Effleurant d'un geste rapide
tout ce qui intéresse ici-bas les rêveurs, les
foitset les intelligents, il est gagné de cette
maladie bien spéciale qu'on appelle le dilet-
tantisme. Celui qui en est atteint « propre à
tout, bon à rien » devient l'éternel inutile bal-
lotté aux confins des plus diverses utilités.
En écrivant ce roman, qui est plutôt le pro-
cès du dilettantisme, MM. Poinsot et Nor-
mandy, fervents collaborateurs auxquels nous
devons déjà L'Echelle, sur le développement de
la cruauté dans l'individu moderne, le Con-
grès des Poètes et des recherches sur les ten-
dances de la Poésie nouvelle, ont développé
longuement, avec une multiplicité de moyens
dont il faut les féliciter, la thèse de la mortelle
impttissance. Leur héros, dominé par trois
femmes personnifiant la sensualité, l'intelli-
gence en amour et la beauté plastique, roule à
l'aventure de l'une à l'autre, avec des passades
au hasard, si bien qu'il disperse en hors-
d'oeuvre d'inaction son énergie et son désir
d'aller plus loin.
Il se frotte aux arts, aux lettres, à la politi-
que, à la sociologie, à la psychie, toujours
dans l'espoir de faire mieux que ceux qui i'ont
précédé, et sa vitalité s'épuise en efforts dis-
proportionnés, hors des compréhensions de la
réalité. Et son impuissance le ronge, l'anéan-
tit. Il avoue : « Je ne crois plus à rien, ni à
personne. J'ai épuisé toutes les sensations hu1
maines, usé tous les frissons, vaincu tous les
désirs. Tout est vain. La littérature et les arts
sont vains, l'action est vaine. Ltt"vie ne vaut
pas la peine d'être vécue. Et je voudrais bien
mourir. » Oiseau enfermé il se heurte aux
vitree, par delà il espère pourtant quelque
chose, car pour aimer la vie, il faut encore
espérer ou désirer quelque chose.
On peut dire do Daussonnes qu'il avait tous
les dons, hormis un seul,14 volonté, le meilleur.
« Aller plus loin, toujours plus loin». Il cher-
che au delà des résistances physiques de l'hu-
manité, dans l'éther, là morphine, poisons
trompeurs. Et son âme, d'avoir trop brûlé,
courut le mêler à ia grande âme de la nature,
la seule qui eût pu le régénérer. Ce sont là
des pages poignantes, les tableaux mouve-
mentés d'une fresque à continuer, et je souhaite
que nos deux amis la continuent.
LÉON RIOTOR
LE BAPTÊME DE BELKIS
Nous racontâmes, hier, très benoîtement, le
baptême qu'imposa à sa chatte Belkis ou Bel-
lecuisse, M. Pierre Loti, écrivain, académicion
et commandant du Vautour, dans les eaux du
Bosphore.
Dans le Journal des Débats, notre spirituel
confrère André Beaunier tient à signaler ce
baptême aux anticléricaux « afin qu'ils s'en
indignent ». Pourquoi cela ? M. André Beau-
nier ignore donc que toutes les cérémonies re-
ligieuses laissent profondément indifférents
les anticléricaux quand on ne veut pas les
leur imposer?
Les cléricaux seuls, dont M. Pierre Loti a
tourné la religion en ridicule, pouvaient se
fâcher et ils n'ont pas manqué de le faire.
Sous ce titre : « Le cabot Pierre Loti », la Libre
Parole écrit :
Les journaux du Bosphore, qui ne tarissent pas
en détails sur la cérémonie, nous apprennent que
la famille paternelle était représentée par Mme
Houx, la marraine, cependant que le parrain était
M. le vicomte de Salignac-Fénelon.
Un Fénelon se prêtant à ce sacrilège !
Comme invités, tout le haut personnel de notre
ambassade.
Voilà qui va donner au corps diplomatique de
Constantinople une bizarre opinion de notre ca-
ractère.
Si encore il n'y avait que cela ! Mais cette pa-
rodie d'une cérémonie du culte catholique, par un
représentant officiel de la France, un officier, un
aéadémicien, en un pays où la France, depuis des
siècles, est,ati nom de toutes les nations chrétien-
nes, la protectrice attitrée du catholicisme, est plus
qu'une inconvenance et une goujaterie, c'est un
véritable scandale.
François Coppée ne voudra plus serrer la
main à Pierre Loti lorsqu'il le rencontrera —
tout à fait par hasard — sous la coupole aca-
démique.
Et après ? — Après, voilà tout. — G. de V.
-0-
L'ENSEIGNEMENT CONGREGANISTE
M. Combes a communiqué au conseil des
ministres d'hier le texte du projet de loi inter-
disant l'enseignement à tous les degrés aux
congrégations autorisées qui vient d'être éla-
boré par la commission spécialement instituée
dans ce but. Ce projet sera déposé vendredi
prochain sur le bureau de la Chambre. En
voici les lignes générales:
Le projet abroge toutes les autorisations
données à des congrégations en vue d'exercer
l'enseignement. Celles des congrégations pré-
cédemment autorisées exclusivement pour l'en-
seignement seront dissoutes. La liquidation
de leurs biens s'effectuera suivant les règles
tracées par la loi de 1901 sur les associa-
tions.
Les congrégations autorisées vouées à la fois
à l'enseignement et aux œuvres charitables,
subsisteront en tant qu'hospitalières.
Un délai de cinq années est accordé au mi-
nistre do l'intérieur pour assurer l'application
de ces dispositions.
Ce projet ne comporte que cinq articles.
L'exposé des motifs donnera ra statistique
complète des établissements atteints par ce
projet et des indications sur la dépense qu'en-
traînera la nécessité de recevoir dans les éco-
les publiques les élèves des écoles congréga-
nistes fermées,
Le nombre des écoles primaires congréga-
nistes existantes qui seraient fermées en vertu
du projet s'élève, on s'en souvient, à 3.494
dont 1.299 de garçons — toutes tenues par les
frères des écoles chrétiennes -- et 2.195 de
filles. Sur ces dernières, 574 sont tenues par
374 congrégations de femmes exclusivement
enseignantes. Les 1.621 autres sont tenues par
des congrégations mixtes.
L'exposé des motifs indique que la dépense
pour agrandissement ou construction de mai-
sons d'écoles publiques, en vue de recevoir les
élèves des maisons congréganistes, ne dépas--
sera pas au maximum 2S millions pour l'Etat
sous forme de subvention.
Sur les 3.494 écoles à fermer, il y en a 1.900
environ qui peuvent être fermées immédiate-
ment, les écoles publiques étant suffisantes
pour recevoir leur personnel scolaire. Il y en
a 350 pour lesquelles il suffira de louer dans
la commune un local ; les locations sont à la
charge exclusive des communes.
L'Etat n'aura à intervenir par voie de sub-
vention que pour les agrandissements ou cons
tructions d'écoles. Ce cas se produira pour
1.150 écoles, à savoir 500 agrandissemants des
locaux existants et 650 constructions de lo-
caux nouveaux.
Le gouvernement estime qu'en maintenant
pendant cinq années au budget de l'instruc-
tion publique le crédit de dix millions inscrit
ordinairement pour subventions scolaires, il
sera facile do faire face à la dépense.
LE VICAIRE DE RUEIL
Un vicaire, un modeste vicaire, celui de
Rueil (Seine-et-Oise).vient d'adresser à M. Cle.
menceau une lettre très digne et très cu-
rieuse, dont chaque ligne, pour ainsi dire, se-
rait à souligner et à commenter.
Dans le clergé, dit ce vicaire qui signe carré-
ment G. Lemeunicr, il y a encore quelques esprits
indépendants, qui jugent sans parti pris, qui
souffrent de la situation que le clergé de France
s'est créée à lui-môme par son esprit boudeur et
étroit, et surtout par l'appui qu'il a toujours
fourni aux coteries politiques plus ou moins enta-
chées de boulangisme, de nationalisme ou do mo-
narchisme..
Comme on voit que ce prêtre est bien du bâ-
timent — ou du monument, si" vous désirez
témoigner quelque respect aux églises! Comme
il constate, dès les premières lignes, que c'est
le clergé lui-même, en se faisant l'allié. le pro-
tecteur et l'apôtre de tous les partis réaction-
naires, qui s'est créé une situation fausse,
dangereuse, intenable, dans le milieu le plus
large et le plus tolérant cependant, qu'on
puisse rêver : le milieu républicain !
Je suis, ajoute t-il, du petit nombre de ceux qui,
tout en ayant une foi ardente et sincère, osent pen-
ser que l'on peut penser autrement qu'eux. Parmi
les catholiques, celui qui s'avisa de rendre justice
à un adversaire est vite accusé de trahison ; mais
celui qui sait bien « éreinter, écraser, piétiner »,
celui-là est un héros, et il n'y a point d'assez pom-
peuses épithètes pour qualifier son héroïsme. Ce
qui m'étonne, c'est que les prêtres, qui se recom-
mandent d'un évangile d'amour, ont en grande
majorité une prédilection très marquée pour les
journaux qui professent dos doctrines de haine.
Allez dans tous les presbytères de France, neuf
fois sur dix vous trouverez une Libre Parole ou
une Autorité, et il faut entendre les fulgurants
anathèmes qui tombant de nos chaires chrétiennes
contro les « suppôts de Satan », les « envoyés de
l'Enfer », etc.
De longue date nous savons que l'Eglise ne
s'incline que devant la loi du plus fort : la loi
d'amour du Christ n'est que la magnifique ta-
pisserie destinée à masquer toutes les entrepri-
ses de haine et do violence.
Que de braves fils de cultivateurs, âmes can-
dides et parfois enthousiastes, ont éprouvé les
cruelles désillusions du vicaire de Rueil ! Mais
ceux-là, on les observe, on les espionne, on
les circonvient, on raille leur idéal, on les fait
tomber dans des pièges, on les persécuto avec
une douceur hypocrite, on les tue lentement,
chrétiennement : il faut qu'ils suivent béate-
ment le gros de l'armée cléricale. S'ils crient
un jour leur souffrance, leur dégoût, on les
brise.
Et pourtant, n ést co point par suite d'une
aberration vraiment inexplicable que la plu-
part des prêtres arrivistes donnent tête baissée,
soutane au vent, dans les querelles de partis ?
C'est d'eux, probablement, que M. G. Le-
meunier veut parler, quand il dit :
Beaucoup de prêtres ont dans le cœur un « Don
Quichotte » qui sommeille, et qui se réveille.
trop souvent. Aujourd'hui, il n'y a plus de martyrs
souffrants, il n'y a plus que des martyrs provo-
cants, qui seraient à l'occasion très avares de leur
sang, mais qui sont tous les jours très prodigues
de leur salive ou de leur encre.
Peu importe que tel anathème ait comme résul-
tat pratique de creuser plus profondément le fossé
qui sépare la religion du peuple : le geste est beau,
cela suffit, et dans une tirade à la Tertullien ou à
la Cassagnac, on part en guerre contre des enne-
mis toujours absents.
Don Quichotte, il est vrai, n'a pas beaucoup
plus de jugement que ne semblent en avoir
ces prêtres.compromettant sans cesse leur reli-
gion — et risquant chaque jour de tuer leur
poule aux œufs d'or ; mais Don Quichotte a sur
eux l'avantage — si c'en est un aux yeux de
l'E£rlise'- de posséder une âme chevaleresque,
des sentiments généreux, une naïveté adora-
ble et un cœur excellent.
Je crains fort, M. Lemeunier, que Don Qui-
chotte ne goûte pas votre comparaison. Où
nous serons tous d'accord, par exemple, où
Don Quichotte lui-même sera de votre avis,
c'est lorsque vous ajouterez:
Pour ce qui est de l'affaire Dreyfus, que d'encre
a coulé ! que d'anathèmes ont été proférés ! Le
clergé n'a pas manqué l'occasion de se pfyer le
luxe d'une gaffe monumentale. Au lieu de rester
neutre dans une affaire où les seules passions po-
litiques entraient etl jeu, il a fallu prendre parti,
et quel parti ! Je ne dis pas que Dreyfus est cou-
pable, je ne dis pas qu'il est innocent, mais sa-
pristi ! qu'on laisse faire la justice : c'est tout ce
que nous demandons ! Alors, pourquoi nous dire,
ce que j'entends tous les jours dans les conciliabu-
les cléricaux, qu'on ne peut être à la fois bon
prêtre ou bon Français et partisan de la revision
du procès Dreyfus !
Dans ces quelques lignes, quels aveux pré-
cieux ! Quelle révélation éclatante 1 Comme on
y voit le travail souterrain et quotidien de tout
un clergé ! Ah ! ces «conciliabules cléricaux»,
chaque jour, dans le plus petit hameau de la
France, — qui nous en retracera les détails
lamentables, qui nous en fera le récit tortu-
rant ?
M. G. Lemeunier termine loyalement sa let-
tre par ces mots :
Veuillez agréer, Monsieur, les hommages respec-
tueux d'un homme qui ne partage pas toutes vos
idées, mais ne connait sur terre ni ennemis ni
adversaires, et se contente d'être homme avec des
hommes.
Hé 1 Hé ! Ne vous semble-t-il pas que le vi-
caire de Rueil est pour le moins aussi intéres-
sant que le Vicaire de IVakefteld ?
G. DE VORNEY.
00 in
ACCORD RUSSO-CORÉEN
Londres, 15 décembre.
On mande de Kobé, au Daily Mail, le 14 dé-
cembre :
Un télégramme de Séoul annonce qu'un accord
russo-coréen a été signé mercredi. Aux termes de
cet accord, chaque bataillon recevra un comman-
dant et un capitaine russes et, quand les circons-
tances le rendront nécessaire, les officiels russes
auront aussi le commandement de la garde du
corps de l'empereur.
'., ,V.
LA JOURNEE
PARLEMENTAIRE
A LA CHAMBRE
LE TRANSPORT DES BLES
M, Etienne, qui préside, donne d'abord is
parole à M. Castillard, qui pose au ministre
du commerce — en l'absence du ministre des
travaux publics — une question au sujet da,
tarif spécial de transport des blés.
M. Castillard. = Est-il vrai que le giuvrrnr-
ment soit disposé à modifier ce tarif, qui est actuel-
lement le méme pour les blés et les farines, el
qu'il ait l'intention d'approuver un relèvement des
tarifs en ce qui concerne les farires? Si cela étaik
vrai, on porterait un réel préjudice aux produc-
teurs de blé, c'est-il.dire aux agriculteurs.
M. Trouillot répond qu'à la suite do nom-
breuses réclamations, le tarif a été soumis à,-
l'examen d'une commission spéciale. Si des
négociations nouvelles étaient engagées avec
les compagnies, le gouvernement s'efforcerait
d'obtenir une diminution des tarifs des bléa
sans toucher aux tarifs relatifs aux farines. (
M. Castillard n'a plus qn'à remercier le mi-
nistre, devoir dont il s'acquitte courtoise-
ment. - !
La Chambre valide l'élection de M. Bazonnet
à Bourg.
Elle adopte la proposition de M, Carnaudi
concernant les sociétés des auteurs et composi-f
teurs de musique; le projet relatif à l'acquisi-
tion-d'un immeuble pour le service des postel
et des télégraphes à Paris, boulevard Brune r
la proposition votée par le Sénat, relative à I*
réhabilitation des faillis.
LES GRANDS TRAVAUX
La Chambre adopte ensuite les chapitres f&7
latifs aux travaux des ports de Celte, Nantes.
Dieppe, des canaux de Marseille au Rhône e
du Rhône à Cette.
M. Mill fait adopter un projet de résolution
invitant le gouvernement à étudier et à préJ
senter un plan de travaux complémentaires,
comprenant les travaux des ports et des voiei
navigables..
M. Baudin fait adopter, de même, une mo-
tion invitant le gouvernement à provoquer les
initiatives et les concours dans le but de faire
voter le plus tôt possible les projets de granda
grands travaux primitivement compris dans,
le projet de la Chambre et réservés par Ii
Sénat.
L'ACIDE STÉARIQUE :
Une proposition de M. Fleury-Ravarin tend
à augmenter les droits de douane sur l'acide
stéarique et la bougie stéarique.
M. Guilloteaux estime que le projet ne seraïïf
utile qu'aux stéariniers et causerait un préju-
dice au trésor ainsi qu'aux éleveurs, qui-n?
pourraient plus exporter leurs suifs.
M. Noël, rapporteur, contoste l'exactitude des
affirmations do M. Guilloteaux. *
M. Fleury-Ihvarin défend, à son tour, la
proposition qu'ii a déposée et dit que l'indus-v
trie stéarique a subi de graves mécomptes.
M. Noël insiste. - i
M. Thierry rappelle que, dans la commis"
sion, il a accepté le relèvement du droit.
M. Caillaux demande le renvoi de la propos
sition à la commission.
M. Caillaux. — On parle d'une augmentation'
de trois centimes par livre de bougie, que le nou-
veau droit entraînerait. Trois centimes, ce serait,
avec les intermédiaires cinq centimes. Je dis
qu'une augmentation d'un sou par livre de bou*.
gie, c'est quelque chose, c'est trop. (Très bien !)
D'accord avec le gouvernement, la commisi.
sion àccepte le renvoi.
LES TARIFS DES FÉCULES
ET TAPIOCAf
On discute maintenant la proposition dtf
MM. de Mahy et Louis Brunet sur les tarifé
des tapiocas.
M. Bignon signale les protestations des fa-
bricants de fécules et de leurs ouvriers. I(
demande le renvoi du projet à la commission.
Le président de la commission accepte lat
disjonction pour les fécules, mais maintient
ses conclusions en ce qui concerne les tapio «
cas. Il s'agit, dit-il, de sauver une de no$
vieilles colonies.
M. Charles Bos. — La production de la Réu*
nion est-elle suffisante pour alimenter toute Ié.
France en tapioca ?
M. le rapporteur. — Evidemment non.
M.Charles Bos. — Alors le consommateut,
verra les prix augmenter. -
M. le rapporteur. — Je crois avoir démontré
que cette crainte est vaine.
M. Charles Bos défend, avec son énergif
coutumière, les intérêts des consommateurs.
M. Charles Bos. — Je ne m'explique pas bieis.
la politique de la commission des douanes. Elle,
vous propose des relèvements de droits do douant
qui surélèveront le prix de la matière première :
pourquoi n'a-t-elle pas proposé une diminution da;
ces droits quand le prix de la fécule a sensiblement
baissé ?
D'autre part, s'il y a lieu de relever les droits;
pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas pris nni-)
tiative d'un projet?
M. le rapporteur. — Vous auriez pu lire dansU
les annexes du rapport de M. de Mahy que depuis
1899 la commission est d'accord avec le gouverne-
ment sur les droits que nous proposons.
M. Charles Bos. — Je constate que la com-
mission des douanes apporte toujours des relève-
ments de droits, qui ont pour effet de renverser
les règles de là loi de l'offre et de la demande. La
Réunion exige trop de la mère patrie en deman-
dant l'augmentation du tarif des tapiocas. M. le
rapporteur reconnaît que la production en ta.'
pioca de la Réunion est insuffisante pour la con-
sommation de la mère-patrie.
Vous allez donc, par l'élévation du droit, aug-
menter le prix de consommation de cette denréa
indispensable, puisqu'elle est l'aliment des enfant!.
et des vieillards. Je demande à la Chambre non pas
d'ordonner le renvoi à la commission mais de raç
pousser le projet. (Applaudissements.) -
Les paroles si justes de Charles Bos font im-
pression sur la Chambre.
Le rapporteur insiste en vain. On demande
l'avis du gouvernement. M. Rouvier se lève t
M. Rouvier, ministre des finances. — En ma,
tière de droit de douanes, l'initiative n'appartien
pas au ministre des finances, mais au ministre dis
commerce ou au ministre de l'agriculture suivant
la nature des produits.
J'ignore si M. le ministre du commerce a donni
son adhésion au projet, mais ce que je déclare,,
c'est que le Gouvernement, d'une façon générala.
désire qu'il soit apporté le moins de modification^
possible à notre tarif actuel do douanes.
Dès lors, il est certain que la cause des ooa';i
sommateurs, défendue par Charles Bos, va
avoir gain de cause.
L'ajournement, mis aux voix, n'est paÇ
adopté. T
La Chambre, consultée, décide qu'elle nt
passera pas à la discussion du projet de loi.,
La suite de l'ordre du jour est renvoyée t
demain. ;
H. D.
AU SÉNAT
L'AFFAIRE KERMORVAN
Les réactionnaires avaient raté le matelot^
Kermorvan à la Chambre ; ils espéraient bien?
le repincer au Sénat. Je vems annonce ave
plaisir qu'ils ont été déçus. Sur cette « aw
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