Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-12-03
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 03 décembre 1903 03 décembre 1903
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
CIJMQ CENTIMES le Ttfiaméro, ,**- -.. - PARIS & DÉPARTEMENTS
TuO .TNuméro CINQ , CENTIMES.
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NOS LEADERS
LES
kiBlktekffiie
Il est certain que Camille Pelletan a
beaucoup plus d'esprit que tous les
députés de l'opposition réunis. Au
surplus, on pourrait dire des Droi-
tiers ce qu'on a dit des académiciens :
« Ils sont une quarantaine de gail-
lards qui ont de l'esprit comme qua-
tre. » Si les membres de la Droite pos-
sédaient la moindre parcelle de bon
sens, ils s'abstiendraient, quand le
ministre de la marine est à la tribune,
de certaines interruptions trop « far-
ces » — et pas amusantes — qui ne
font aucun honneur à ceux qui les
lancent,
* Nul spectacle n'est aussi grotesque,
aussi agaçant que celui d'un fâcheux
qui prétend amuser la galerie aux dé-
pens d'un homme dont l'intelligence
supérieure et fine est incontestable. Ce
spectacle choquant nous a été donné
plus d'une fois pendant les deux der-
nières séances de la Chambre.
Je ne boude pas contre mon pJaisir,
et quand c'est Lockroy qui s'attaque
à Pelletan, je me garde de manquer ce
beau duel. Mon seul regret est de voir
aux prises deux anciens camarades de
notre maison, qui ont rendu l'un et
l'autre de si grands services à la Ré-
publique.
Nous ne prétendons refuser à per-
sonne le droit de questionner ou de
critiquer un ministre sur la gestion de
son département. Nous voudrions seu-
lement convaincre de l'utilité de se
taire, quelques députés qui s'ingèrent
dans un grand débat, non, à coup sûr,
pour y mettre un argument en lu-
mière mais pour attirer l'attention du
public sur leurs obscures personna-
lités.
Il est telles journées, au Palais-
Bourbon, où l'on se rappelle, malgré
soi, le mot du président Dupin : « La
tribune ressemble à un puits ; un sot
n'est pas plutôt descendu que l'autre
remonte. » -
***
Il n'y a même pas besoin d'être un sot
pour avoir intérêtà éviter une discussion
où l'on risque trop de n'avoir point le
dernier mot. Voyez l'abbé Gayraud. Il
sait, d'ordinaire, se tirer d'affaire. A-t-
il, cependant, été bien inspiré en inter-
pellant Pelletan sur les laïcisations de
la marine?
Accomplir des laïcisations? C'est le
droit, d'abord, le devoir, ensuite, d'un
ministre républicain. L'abbé Gayraud
ne soupçonnait-il pas que le ministre
de la marine rappellerait le mandat
donné par le suffrage universel au
parti démocratique ? Il était clair que
lorsque le ministre dirait sa volonté de
ne pas faillir à ce mandat, les acclama-
tions des gauches approuveraient son
langage.
L'intérêt de la congrégation ordon-
nait-il vraiment de forcer Camille
Pelletan à révéler certains faits qu'il
avait évité, en premier lieu, de porter
à la connaissance de la Chambre ? En
quoi l'Eglise avait-elle avantage à ce
qu'on sût le «voyage du matériel » qui,
parti des hôpitaux, se terminait infail-
liblement à la maison-mère des « bon-
nes-sœurs » ? De même la question du
lait pour les malades qu'on écrémait
à la cuisine pour en tirer du beurre,
de même le fait de la viande crue pour
les tuberculeux, immangeable — au-
raient pu rester ignorés sans que la
gloire de la congrégation en souffrît.
***
L'abbé Gayraud et ses amis igno-
raient-ils les fautes relevées à la charge
des religieuses ? Croyaient-ils, au con-
traire, que le ministre de la marine
hésiterait à défendre jusqu'au bout son
œuvre de laïcisation? Peu importe.
Ils ont cru sauver la face en accusant
Pelletan « d'injurier les religieuses ».
Or, le ministre n'a pas permis qu'on
- le représentât comme un insulteur de
femmes. Il a expliqué sans peine
qu'il s'en prenait non aux religieuses,
dont beaucoup se sont mises, par leur
conduite, au-dessus de tout éloge,
mais à la congrégation.
« Si je suis certain, s'est écrié Ca-
mille Pelletan, que ces sœurs ont re-
noncé elles-mêmes à tous les biens,
oseriez-vous dire qu'elles ont renoncé
à tous les biens terrestres pour leur
maison-mère? »
Le ministre a, enfin, montré les deux
raisons qui prouvent que jamais l'Etat
ne pourra exercer un contrôle sérieux
sur un personnel religieux. Un fonc-
tionnaire se laisse entraîner à cpm-
mettre une faute grave; il est frappé,
il supporte l'entière. responsabilité de
son acte. En revanche, une sœur se
trompe sur son devoir, elle dépend
d'une autorité extérieure à celle de
l'Etat : l'autorité de la maison-mère.
Elle s'assujettit à la discipline de la
congrégation avant de s'incliner devant
celle de l'Etat.
- L'autre raison, qui empêche l'Etat.
d'exercer sa surveillance sur le per-
sonnel religieux, cherchons-la dans
les scrupules des hauts fonctionnaires
v* catholiques. Ces derniers oseront-ils
- '-+..uJorirs se dispenser de croire sur pa-
*
'v •
role les dires des « saintes femmes »
dont ils' sont chargés de contrôler e
service ?
La documentation que le ministre a
communiquée à la Chambre nous ren-
seigne à ce sujet.
Le respect des droits de l'Etat et l'in-
térêt des malades exigent que les laï-
cisations s'achèvent le plus rapide-
ment possible dans tous les départe-
ments ministériels.
Hugues Destrem.
LES ENFANTS ASSISTÉS
Le Sénat fait souvent de la
besogne utile. Hier, en adoptant
en première lecture le projet
Strauss sur le service des enfants
assistés, le Sénat a fait faire un
bon pas à une réforme excellente.
L'objectif réalisé par le projet, a expli-
qué M. Strauss, est celui-ci : « prévenir les
crimes contre l'enfance en assurant aux
mères sans ressources les moyens d'hospi-
taliser leurs enfants ; éviter, par contre,
qu'un enfant puisse être abandonné trop
facilement, c'est-à-dire sans qu'une parole
d'encouragement ou de îéconfort retentisse
aux oreilles de la mère et lui rappelle ses
devoirs en lui offrant des secours ».
En résumé, le projet voté hier en pre-
mière lecture est étroitement lié au gros et
obsédant problème de la repopulation : il y
a longtemps déjà que la science médicale a
proclamé cette vérité, que la façon la plus
logique et la plus pratique d'accroître la
natalité est encore de protéger le nouveau-
né contre les innombrables dangers qui le
guettent au cours de sa première année
d'existence. Empêcher un infanticide, n'est-
ce pas réellement faire naître un enfant ?
Et, de même, assurer la subsistance et
l'éducation d'un enfant abandonné, n'est-ce
pas augmenter d'une unité le total des ci-
toyens créés ? Qu'importerait le peu d'acti-
vité de notre natalité, si nous trouvions un
moyen d'atténuer dans une mesure appré-
ciable cette mortalité infantile qui fauche la
majeure partie des générations ?
Il faut donc accueillir avec reconnais-
sance toute mesure législative ou médicale
qui tendra à nous rassurer sur l'existence
de l'enfant ; et il faut féliciter le Sénat d'a-
voir avec une rapidité louable admis le
principe d'un texte destiné à augmenter les
chances de survie de l'enfance menacée par
la misère ou par le préjugé. Nous souhai-
tans que la loi ébauchée hier, soit promp-
tement discutée en seconde lecture et défi-
nitivement acquise. — Ch. B. -
♦ ————————.———.
UNE BONNE LOI
Il paraît que M. Combes est décidé à tenir sa
promesse, il déposera dans le courant du
mois le projet de loi qu'il annonça au Sénat
lors de la discussion de l'amendement Girard.
On se rappelle que cet amendement tendait à
exiger de ceux qui font une déclaration pour
ouverture d'école qu'ils affirment non seule-
ment ne pas appartenir à une congrégation
mais encore n'avoir prononcé aucun vœu d'o-
béissance ou de célibat.
Le gouvernement, après en avoir délibéré
dans un conseil de cabinet spécialement tenu à
cet effet, avait accepté en principe les deux
idées maîtresses dont s'inspirait cet amende-
ment. Il fit toutefois quelques réserves, la for-
mule proposée no lui paraissant pas juridi-
quement acceptable, et annonça un projet de
loi spécial qu'il s'engageaità déposer avant la
fin de l'année sur le bureau du Sénat.
Si M. Combes a tenu parole, le projet qu'il a
préparé contiendra l'interdiction formelle pour
tous les membres des diverses congrégations
d'enseigner dnns quelque ordre que ce soit.
C'est, en somme, la laïcisation totale de l'en-
seignement que le gouvernement nous apporte,
et on ne saurait trop l'en féliciter.
Ou plutôt non, remisons pour l'instant nos
félicitations et attendons M Combes à l'ceuvre ;
il ne suffit pas de proposer une loi, il faut
avoir le courage de la faire voter, de s'opposer
à tous les atermoiements, de déjouer toutes les
manoeuvres et de repousser tous les assauts.
M. Combes aura-t-il ce courage?
Nous le souhaitons vivement, étant donné
la gravité des intérêts en jeu - mais nous
avons été tant de fois déçus que nous n'osons
trop l'espérer. - Viala.
UN SOUVENIR OU DRAME DE MEYERLING
[De notre correspondant particulier) -.
Vienne, 1er décembre.
Un avis officiel fait savoir que, comme
chaque année, la somme de 186 couronnes sera
partagée entre deux pauvres domiciliés à
Vienne et dignes d'intérêt. Le secours provient
de la Fondation baronne Mario Vetschera et
doit être remis le 30 janvier, anniversaire de
la mort de l'archiduc Rodolphe.
Mlle de Vetschera s'est suicidée avec lui à
Meyerling. Un parent a fait, il y a quelque
temps, une fondation en mémoire de la mal-
heureuse amie de l'archiduc.
————————————- --,-
LE PARLEMENT ANGLAIS
(De notre correspondant particulier)
Londres, 1er décembre.
Au Palais de Windsor, on affirmo que le roi
Edouard a l'intention d'ouvrir en personne la
prochaine session du Parlement. L'ouverture
aura lieu avec une solennité extraordinaire.
.——————————————
GUILLAUME Il MENACÉ PAR BISMARCK
(De notre correspondant particulier)
Berlin, lsr décembre.
L'.empereur Guillaume a failli un jour par-
tager le sort du diable da la Wartbourg à ia
tête duquel Luther lança son encrier.
M. Schwaner racontlJdan une récente pu-
blication un épisode do ia démission du chan-
celier de Bismarck.
On sait que la cause immédiate de la rup-
ture entre Guillaume II et M. de Bismarck fu-
rent les pourparlers que celui-ci avaient enta-
tamés avec M. Windhorst à l'insu du souve-
rain. Guillaume II alla voir le chancelier d&
fer et lui fit des reproches. Il y eut une scène
violente entre le monarque et son « fidèle
vassal», M. de Bismarck s'emporta à ce point'
qu'il saisit son encrier et fit le geste de le jeter
à la tête de son auguste maître.
Pour des raisons que l'on conçoit le chance-.
lier n'a pas parlé de cet incident * dans ses
mémoires, mais l'empereur l'a raconté à son
ami intime le roi Albert de Saxe qui de son
côté en a fait mention à son confident M. von
Egidy. C'est do ce dernier que le tionl M.
Schwaner.
LE RAPPEL
ARTISTIQUE ET LITTÉRAIRE
Nouvelles Saphos. — Curiosité mal-
saine. — La dernière barrière de
la prosodie. — Tout pour la beauté.
— Le poète des temples et des
tombeaux.— «La muette» de M.
Louis Létang. — Un miracle
d'amour. -
Les poétesses américaines nous envahissent.
Depuis quelques mois elles sont à la mode et se
remuent pour cela. Je ne citerai pas leurs
noms, qu'elles ont changés en pseudonymes
très français, ni n'étudierai leurs œuvres pour
l'instant, attendant plus de loisirs. Ce que je
veux retenir de leur cas, c'est de professer
l'amour saphique. Leurs paroles ne démentent
pas leurs stances, où sont chantées les caresses
féminines, sources uniques de joies. Qu'est-il
de leurs actes? Je l'ignore.
Comme à Lesbos
De gracieuses femmes, possédant tous les
attributs agréables de leur sexe, les hanches
fortes, la poitrine blanche, jeunes, ce qui ne
gâte rien, ne méprisant ni la parure ni ces
échancrures savantes où se perdent les regards,
affectent une guerre sans merci à l'homme. Ici
ce n'est plus du domaine politique ou écono-
mique qu'il s'agit, mais bien du contact char-
nel et des caresses masculines. Et cela ne
laisse pas de jeter l'auditeur dans une doulou-
reuse perplexité.
Elles disent et riment, ces poétesses améri-
caines : « L'homme doit gagner de l'argent, ce
qui est très absorbant, il n'a plus le temps de
s'occuper de nous. Sinon ses passades, trop
rapides, sont brutales et sans grâce. Laissons-
le donc à ses luttes, à ses appétits, nous trou-
verons sans lui la satisfaction des nôtres ». On
a d'abord souri, puis écouté, puis lu. Notre
curiosité malsaine s'est allumée à des strophes
qui ne manquent pas de talent, à des appels
passionnés, tels qu'en proférait la Sapho anti-
que. On les a récités et commentés. Et ceux
de nos amis qui goûtent les plats épicés, hor-
reurs Célicieuses des palais affadis, les éphè-
bes, las de joies qu'ils n'ont jamais connues,
les paladins qui pourfendent la famille et le
mariage se sont improvisés les champions de
ces navrantes « féministes ».
L'hiatus et l'américain
D'ailleurs, les écrivains d'outre-mer sem-
blent beaucoup s'occuper en ce moment de la
muse française, quelle qu'en soit l'école ou la
facture. M. Lucien Edward Taylor, de Cam-
bridge, Mass., United-States, m'écrit que son
« professeur de langues romanes » a demandé
une thèse sur l'hiatus dans le vers français, et
ce que j'en pense. Cette consultation vaut qu'on
y réponde.
Depuis Chrétien de Troie jusqu'à Malherbe,
l'emploi de l'hiatus dans le vers diminue,
même il y a, si elle, ou il, qui est, tu as, etc.
Mais aujourd'hui un poète hardi n'est jamais
embarrassé de cette méthode qui n'a d'autre
base dti'lins mâoaniquB * siiranooi». Veba de
nous,ceux des poètes qu'on appela symbolistes,
et qui, plus près encore se réclamèrent de
l'école romane, ont usé de l'hiatus et de l'alité-
ration en des circonstances heureuses qu'il fau-
drait rappeler. Les membres de l'Université et
de l'Académie sont indécis ou partagés, mais
il est permis de dire que les plus savants
d'entr'eux, les intelligents et les forts, sontpar-
tisans déterminés d'une prosodie plus libre,
tandis que les poncifs, émus d'un mot placé
autrement qu'on leur apprit, lancent leurs fou-
dres anodines sur les nouveaux poètes.
L'étude des formes d'hiatus serait longue.
Le phonénisme entraine des facultés de com-
préhension que je trouve inutile de discuter.
Certains hiatus sont des plus harmonieux.
Deux voyelles identiques, séparées par le
féminin e muet, n'en forment pas moins un
hiatus, et il est toléré par la règle. L'artiste
jugera s'il doit l'employer, ou tout autre hia-
tus non coupé d'un e muet ou d'idée féminine.
Il y a de fort jolies rencontres de voyelles.
Et je me permettrai de répéter ce que je di-
sais dans une préface sur la liberté poétique,
en tête du Sage Empereur, où j'ai laissé s'épa-
nouir toutes formas pour la joie de l'oreille et
le coloris de mes tableaux : « Le temps est-il
venu de briser la dernière barrière de la pro-
sodie, et de laisser fleurir sur un sol sarclé,
rasé, refouillé, la poésie au gré de l'air et du
caprice ? Non, si le poète prétend faire neuf,
coûte que coûte, sans égard pour l'harmonie
ou la pensée ; oui, s'il garde au cœur l'amour
de son œuvre et ne tente rien qu'en faveur de
la beauté. »
Jean Schlumberger
M. Jean Schlumberger est un rare esprit,
poète « des Temples et des Tombeaux ». 11 pu-
blie, sous ce titre : Le Mur de verre, une œu-
vre de pensée élovéo, de forme parfaite. Ro-
man, ce n'en est pas un. On ne saurait quali-
fier ainsi une sorte de dialogue de la vie et la
mort entre deux époux qui sont restés deux
amants, dont la joie, la jalousie, les tendres-
ses et les caresses, nous émeuvent profondé-
ment, sans qu'il soit besoin d'autres aventures
que l'ordinaire existence (\os heureux ménages
pour qui les amertumes philosophiques se
pressent sur leurs lèvres.
Le mur de verre, paroi imaginaire du verbe,
on le divine, est cette atmosphère irréello qui
entoure chacun de nous, translucide pour qui
nous aime, impénétrable pour les autres, Cette
feuille de cristal s'oppose aiusi quelquefois au
contact parfait, à l'étreinte des âmes, et c'est
ce qui arrive à ces deux jeunes époux torturés,
Marc Elbret l'avocat et Monique, pauvre et do-
lente maîtresse, robgée d'une jalousie sans
cause. Ces choses-là d'ailleurs no peuvent se
raconter. Décrit-on le parfum, le soupçon clo
parfum qui traverse le flacon hermétique-
ment clos?
Et cependant il est merveilleux pour le pen-
seur, ce li-vrai ce traité de Spinosa très artiste-
ment dessiné. Dès le préludé, un fragment de
Y Ornement des Noces spirituelles, de Ruys-
broock l'Admirable, en donne le sens : « Ici
commencent une faim et une soif éternelles
qui ne seront jamais plus assouvies; ici com-
mence une éternelle aspiration dans d'éternels
efforts. Quoi qu'ils boivent et mandent, ils ne
seront jamais rassasiés. 11 y a là d'éternels ef-
forts affamés en une éternelle impuissance. »
Et Moniqup, irrassasiée, s'éteindra corn nie la
flamme, d'avoir trop brûlé.
C'est bien là une interprétation héroïque de
l'amour, et je ne connais pas de plus doulou-
reux poèmes que ces cours chapitres, en une
langue pure, ces chapitres hâtifs, pressés, ha-
letants, étapes d'un mystique coursier qui
devance son destin vers l'abîme. M. Jean
Schlumberger est un voyageur qui délaisse
l'action pour la contemplation, Le public ne
saurait le suivre, je le déplore, la vogue, le
succès accourent sous les pas de ceux qui les
appellent. Et c'est tant pis.Car il y a une véri-
table jouissance à pénétrer de tels esprits, et à-
pouvoir les apprécier. La douceur en est infi-:
nie, chaque page révèle de nauveaux paysages
de l'âme humaine, des jardins ignorés de la
vio, où nos sentiments s'élèvent, ainsi que des
fleurs, avec leurs teintes changeantes, leurs
parfums séducteurs, leurs mystères ingénus.
Un conteur. - «La muette»
A II retour de nos excursions dans la forêt
de Fontainebleau, Bois-Je-Roi, après le décor
tourmenté de Franchard et d'Apremont, ouvre
sa rue tranquille bordée d'agrestes villas. Les
souvenirs de peintres et de littérateurs y sont
fréquents, autant qu'à Barbizon et Marlotte,
les chaumines campagnardes habilement res-
taurées ou remplacées par d'harmonieuses
constructions, en font une intéressante loca-
lité et, concordance heureuse entre l'esprit di-
recteur du lieu et les administrés, c'est de
longue date un conteur, Louis Létang, qui
préside aux destins de la commune.
Vous connaissez les romans de Louis Lé-
tang? C'est ici le coin des imaginatifs. L'ef-
fort du conteur tend uniquement à passionner
son lecteur, et vraiment il y réussit au delà de
toute espérance. Ses récits savamment con-
duits réservent les surprises quotidiennes, les
mystérieuses attractions de l'inattendu, et c'est
avec une claire simplicité qu'il nous conduit
à l'aventure.
Je repensais à ces qualités de Louis Létang,
au milieu sylvestre où il dépense son activité,
en lisant La Muette. Et la guérison presque
miraculeuse — un miracle d'amour — de la
pauvre disgraciée, la fleur de bonheur s'épa-
nouissant sur les ruines ardentes de l'amant
délaissé, m'ont semblé fort attrayantes. C'est
une histoire d'amour, avec un héros, Charles
Dolarey, des plus sympathiques, une vibrante
nouvelle mêlée de curieux comparses, aux li-
gnes hardiment dessinées. Que faut-il de plus
pour séduire ?
Et c'est bien d'un écrivain épris de nature.
Toute la description des premiers épisodes,
près de Morteau, serait à retenir en sa conci-
sion voulue. Voyez la vallée du Doubs, un
matin de brume. Les eaux mortes de la rivière
s'étalent doucement avant de remplir les ré-
servoirs naturels qui précèdent un formidable
bond. De grands rochers blancs, dont les ci-
mes s'élèvent progressivement, à pic sur les
eaux dormantes, atteignent une hauteur de
deux cents mètres. Un faible courant, sous le
brouillard que l'aube ne parvient pas à péné-
trer, entraine les flocons d'ouate vers la chute
encore lointaine. Le soleil vient, timide, meu-
bler ce mortel péristyle d'inoubliables splen-
deurs. Et on n'entend dans le silence que le
sourd mugissement du Doubs quittant le lac
pour sauter de vingt-sept mères dans une
vallée sauvage encombrée de rochers noirs.
Le décor n'est-il pas parfait, malgré la so-
briété du détail. J'en conclus que les grandes
pages de la nature inspirent le poète qui les
contemple chaque jour.
LÉON RIorOR
Voir à la 3e page
les Dernières Dépêches
L'IMPOT SUR L'OISIVETÉ
Nous sommes tous d'accord pour reconnaî-
tre qu'il n'y a pas assez d'impôts, et nous pas-
sons notre vie à chanter sur l'air des Lam-
pions: Des impôts ! Des impôts !
Malheureusement, la matière imposable de-
vient de plus en plus rare, et il faut aller à sa
recherche comme à celle du Pôle Nord ou du
Pôle Sud.
Parmi les vaillants explorateurs qui vien-
nent de découvrir une nouvelle matière impo-
sable, il convient de citer un médecin qui
n'est pas le premier venu, M. le Dr Henri Hu-
chard. M. le D* Huchard, nous dit l'Indépen-
dant aiixeiirois, vient d'exposer à M. Rouvler,
ministre des finances, « des vues originales et
neuves à propos d'une matière imposable à la-
quelle personne, même parmi les plus révo-
lutionnaires, n'avait jamais encore songé :
L'oisiveté ».
Sans conteste, c'est une idée éminemment
originale. Elle n'est même, peut-être, qu'ori-
ginale.
Que les révolutionnaires ne l'aient point eue,
rien d'étonnant à cela, car ils ont pour prin-
cipe d'accorder à l'humanité la plus grande
somme de loisir possible.
Mais ce que l'entretien entre M. Rouvier et
le Dr Huchard a dû être intéressant et peu ba-
nal ! J'aurais, volontiers, donné, pour y assis-
ter, une pièce en nickel de vingt-cinq cen-
times,
Malheureusement, j'en suis réduit aux con-
jectures et aux hypothèses en ce qui concerne
l'application pratique de cette idée aussi neuve
qu'originale.
Où commencera l'Oisiveté ? Où se terminera-
t-elle ?
Seront-ils considérés comme oisifs, les ou-
vriers et les employés qui cherchent en vain
une occupation pendant de longs mois, et ago-
nisent lentement de faim et de désespoir ?
Seront-ils considérés comme oisifs ceux qui,
surmenés par dix mois d'un travail excessif,
prennent un ou deux mois de congé ? Et ceux
que la maladie contraint à un chômage rui-
neux ?
Seront-ils considérés comme oisifs ceux qui,
ayant quelque aisance, écrivent, pensent, rê-
vent et conférencient ?
Combien d'heures faudra-t-il travailler paJ
jour pour ne pas être « imposé comme oisif » ?
Les officiers qui meurent d'ennui dans les
villes de garnison, parce qu'ils ne savent quoi
faire ; les curés, qui, leur messe dite, sont
obligés de se créer des occupations pour ne
pas mourir d'ennui comme les officiers, seront-
ils considérés comme des oisifs ?
Et que de sortes d'oisiveté n'existe t-il pas
— depuis l'oisiveté fiévreuse et éreintante des
gens du monde qui se tuent en veilles et en
réceptions inutiles, jusqu'à l'oisiveté féconde
des gens de lettres et des gens de science qui;
tout en musant le long des chemins, font des
découvertes autrement intéressantes que celle
du docteur Huchard ! -
Où trouver l'oisiveté volontaire en ce ving-
tième siècle — dans ce siècle de travail et de
lutte à outrance?
Ce n'est pas encore avec lo produit de celte
matière imposable qu'on pourra payer les
milPois engloutis chaque année dans les mi-
nistre 'le la guerre et de la marine.
G DE VORNEY.
, ., -
L-, -
LES CONGRÉGATIONS
On ferme -
Les religieuses de l'Immaculée-Conception,
qui possèdent à Niort trois établissements,
viennent de recevoir l'ordre de fermer, dans
un délai de quinze jours, leur maison mère de
l'avonue de Paris. Aucune décision n'a été en-
core prise quant à leur maison dé retraite et
leur pensionnat de jeunes filles.
- Marseille, 1" décembre.
L'administration préfectorale avait accordé
un sursis d'un mois à certaines écoles congré-
ganistes dont la fermeture avait été ordonnée.
La préfecture a ordonné, à dater d'aujour-
d'hui, la fermeture des quatre écoles de filles,
primaires ou maternelles, tenues par les sœurs
de Saint-Vincent-de-Paul et ayant une popu-
lation totale de 478 élèves. D'autres étiblisse-
ments seront l'objet de la même mesure in-
cessamment.
Manifestation cléricale
Vitré, 1" décembre.
A la revue des sapeurs-pompiers, passée par
M. Garreau, sénateur radical d'Ille-et-Vilaine,
maire de Vitré, quelques cléricaux, partisans
do l'ordre des frères do Ploërmel, ont jugé
sf.Vï-iiuel de venir manifester contre le gouver-
nement. Les gendarmes à cheval ont dispersé
les manifestants. Trois arrestations ont été
opérées, dont deux ont été maintenues, celles
de MM. Baptiste Martin et Albert, négociants.
Maire suspendu
Saint-Etienne, 1" décembre.
M. Mascle, préfet de la Loire, a suspendu de
ses fonctions M. Deflacieux, maire de Saint-
Joseph, qui avait refusé d'installer une insti-
tutrice publique dans l'école communale de
filles remplaçant l'école congréganiste.
IVoir la suite dans notre DEUXIEME EDITIOIt
HYGIÈNE MILITAIRE
On va voir quel cas l'administration do la
guerre fait des promesses du ministre, en Cd
qui touche l'hygiène du soldat. Pas plus tard
que samedi dernier,par le temps épouvantable
qu'il a fait pendant presque tout l'après-midi,
un détachement de recrues, conduit par un
gradé d'infanterie de marine, traversait Paris,
on suivant la ligne des quais rive gaucho.
D'après cette partie de l'itinéraire, il est pro
bable que ces hommes avaient été convoqués
au bureau de recrutement du boulevard Flan-
drin et qu'ils étaient dirigés sur la gare de
Lyon, soit une marche de plus d'une heure
par une pluie battante, et alors que beaucoup
d'entr'eux étaient vêtus légèrement.
Ces hommes, qui sans doute ont été embar-
qués hier soir, ont dû passer la nuit, une nuit
froide de fin novembre, avec des effets com-
plètement trempés. Voilà comment dans les
bureaux militaires on entend l'hygiène.
Il eut été pourtant beaucoup plus simple de
les convoquer à la gare de départ. Et à suppo-
ser que cela eût quelque inconvénient, on au-
rait pu tout au moins autoriser ces hommes à
prendre le tramway ou le chemin de fer de
ceinture. La plupart d'entre eux auraient cer-
tainement préféré payer leur place et même
celle de leurs camarades dépourvus d'argent,
plutôt que d'arriver mouillés à destination.
On nous dira : Le commandant de recrute-
ment a dû exécuter les ordres qu'il avait reçus.
Mais c'est précisément contre ces entraves à
l'initiative que nous nous élevons. Un officier
reçoit l'ordre de mettre des hommes en route.
Tombât il des hallebardes, cet ordre, il l'exé-
cute, et s'il survient des bronchites, des pneu-
monies, des tuberculoses réveillées, le budget
est là pour payer les journées d'hôpital. -
A. Chénier.
M. JONNART
Le Journal officiel publie le décret par le-
quel M. Jonnart, député, est maintenu, à titre
de mission temporaire, dans les fonctions de
gouverneur général de l'Algérie,
Le décret étant daté du 3 novembre la nou-
velle délégation confiée à M. Jonnart, et qui
est de six mois, prendra fin le 3 mai 1904.
INCERTITUDES
Art nouveau.
Vous n'ignorez certainement pas plus que
moi la nécessité de parler longtemps à l'avance
d'une réforme pour lui donner quelque chance
d'aboutir. On n'a jamais vu venir à terme des
questions non débattues,tandis que vous pour-
riez me citer un tas de problèmes sociaux, po-
litiques, littéraires et scientifiques qui, pour
être agités, ne s'en refusent pas moins à ren-
contrer leurs solutions. Je n'hésite donc pas
une seconde, la discussion du budget de 1904
n'étant pas encore terminée, à signaler au fu-
tur rapporteur des Beaux-Arts de 1905 et aux
députés voulant bien s'intéresser à cette partie
du monument budgétaire, une innovation qui
pour paraître de prime abord petite, renferme
en elle le principe de conséquences auxquelles
le qualificatif d'incalculables convient mieux
qu'aucun autre.
La France et Paris tiennent, ceci est incon-
testable, le premier rang au point de vue des
arts et, spécialement, de l'art dramatique. Non
seulement les pièces de théâtre de nos auteurs,
mais encore les interprètes de ces œuvres font
prime à l'étranger. Nous devons, je crois, ne
rien négliger pour conserver cette prépondé-
rance à la fois avantageuse et flatteuse. Un an
avant la proclamation de l'alliance franco-
russe un de mes amis de passage à Odessa
était agréablement surpris d'entendre, au prin-
cipal concert de la ville, les chansons fran-
çaises alterner avec les couplets russes; la
voilà bien la preuve de l'influence artistique
sur les bonnes relations des peuples,
Or, dans quelques milieux de haute intellec-
tualité on suit passionnément, en ce moment,
des expériences scientifiques ayant trait à
l'application de l'hypnose aux attitudes scé-
niques et, par réciproque,à la revivification des
sentiments. Ce qui ne surprendra sans doute
point les fervents de l'hypnotisme, mais qui
paraîtra mystérieux à bien des gens, un sujet
d'une sensibilité extrême matérialise l'inspira-
tion musicale et mime la pensée des écrivains
avec une perfection que l'on suppose attein-
dre, sinon dépasser, les limites de la réalité.
De telle sorte que sans études préalables
toutes les idées directrices d'une œuvre réap-
paraissent avec una fidélité d'expression à
rendre plus que rêveurs nos artistes les mieux
persuadés de leur mérite.
Ce dernier point de vue pourrait prêter à
des développements faciles ; je ne m'y aventu-
rerai pas, préférant demander de suite la créa-
tion d'un cours de mimique hypnotique qui
garderait à notre pays toute son avance dans
la voie du progrès ; ce résultat vaudmÀUien
un petit crédit.
Le proposer ce serait l'obtenir, à moins
pourtant que ceux qui ont pris la deruce habi-
tude de faire parler les vivants et les morts se-
lon leurs propres intérêts ne se livrent à une
vilaine obstruction. Pourvu que ces égoïstes
ne soient pas la majorité 1 — Prelm.
»
Le pronunciamento en Serbie
We notre correspondant particulier)
Belgrade, 1" décembre.
Le colonel Maschine a convoqué dans la
salle de l'Ecole militaire les officiers de sa di-
vision. Environ 500 d'entre eux se sont ren-
due à l'appel. Le colonel a prononcé une lon-
gue apologie du massacre qui a eu lieu dans
le Konak le 11 juin.
Le colonel Rakhitsch, ancien maréchal de la
cour du roi Alexandre, a protesté contre la
politique dans l'armée.
Il parait que ses paroles ont produit quelque
impression sur l'auditoire Le colonel Mas-
chine a donc clos la séance, en déclarant aux
officiers qu'il leur donnait un délai de trois'
jours pendant lesquels ils pourraient réfléchir
sur leurs sentiments pour ou contre la révolu-
tion du palais du 11 juin.
LE VOYAGE DE L'IMPÉRATRICE DE CHINE
We notre correspondant particulier)
Shanghaï, 1" décembre.
L'impératrice douairière a donné au gouver-
neur de Soutchou l'ordre d'envoyer à Pékin.
une troupe d'élite de Mandchous. Ces hommes
serviront d'escorte à l'impératrice douairière
pour son prochain voyage, dans les provinces
occidentales.
r LA JOURNEE ¡
PARLEMENTAIRE
A LA CHAMBRE
« L'INTERPELLATION LOCKROY !
-
La discussion des interpellations adressées
au ministre de la marine par MM. Lockroyf
Gayraud, Chaumet, etc., s'est close hier par
l'adoption, à une quarantaine do voix de ma-w
jorité, dé l'ordre du jour pur et simple. Cette,
solution est celle que réclamait M. Camilla;
Pelletan. i
Le ministre de la marine avait demandé, la
veille, le renvoi de la discussion, pour com-
pléter sa documentation sur certains points. t
Il a trouvé l'occasion de s'assurer un nou-
veau succès, en prononçant un superbe dis-
cours, dans lequel il a fait l'exposé de la po-
litique anticléricale qu'il applique dans son.
département.
M. Camille Pelletan, ministre de la marine.
— Je vais répondre aux diverses questions qui
m'ont été adressées. Et d'abord, je parlerai de ce
matelot Kermorvant, auquel j'aurais enlevé, à la
suite d'une lettre qu'il m'aurait écrite, la punition
qui lui avait été infligée par le conseil de justice
do Toulon ; j'aurais ensuite fait détruire le dossier.
L'INCIDENT kermorvant
Je rappelle d'abord qu'il y a dans la marine deux
sortes de tribunaux : il y a la justice de bord et il
y a la justice de terre; lorsqu'un matelot est em-
barqué, il est justiciable du premier tribunal ; h
terre, il est justiciable du second.
Or, le préfet maritime de Toulon avait cru de.
voir constituer un tribunal de bord pour le mate-
lot Kermorvant, et c'est ce tribunal, ce conseil de
justice, qui a fonctionné à. Toulon.
Ne faut-il pas, de toute évidence, qu'il y eût un
bâtiment de l'Etat pdbr que Hermorvant fùt justi-
ciable d'un tribunal de bord? Or, il appartenait à
la défense fixe. Il ne pouvait donc passer devant
un conseil de justice fonctionnant pour les seuls
matelots embarqués.
C'était donc un tribunal de terre qui devait la
Juger. ,"
Le préfet maritime, mon subordonné, avait en
le tort de constituer un tribunal militaire en dehors
des règles légales.
Comme je ne suis pas jurisconsulte, j'ai demandé
l'avis de mes conseils compétents. Leur avis a été.
que le cas était le même que si quelque irrespon-
sable, ayant réuni différentes personnes, leur avait
fait prendre une décision judiciaire quelconque.
Il n'y aurait pas lieu d'en poursuivre l'annulation
par les lois judiciaires ; elle serait inexistante. (Ap-
plaudissements à gauche.)
Mais ce n'est pas tout. J'aurais fait détruire le
dossier, j'aurais fait disparaître les pièces de jus-
tice? Les pièces de justices, les voici (Vifs applau-
dissements à l'extrême-gauche).
Voilà tout ce que j'ai à répondre sur cette af-
faire.
J'ai maintenant à m'expliquer sur les autres cri-
tiques qui m'ont été adressées
LE PROGRAMME NAVAL
- M. Chaumet m'a reproché de n'avoir pas suivi
le programme naval voté par la Chambre. Un pro-
gramme n'est jamais un programme — ne varie-
tur. Il ne prévoit pas tous les détails de blindage
ou d'armement. L'Angleterre et l'Allemagne n'ont
pas hésite h modifier leur programme.
-. Il parait que j'ai renoncé aussi aux sous-marins.
C'est inexact. Mais, en 1902, je n'ai pas eu les
ressources suffisantes : !a Chambre n'avait pas*
voté les crédits nécessaires à l'exécution de ses dé-
cisions.
J'aurais pu néanmoins en mettre en chantier. Je.
ne l'ai pas fait parce que le type avait de nombreuX
inconvénients.
M. Chaumet m'a critiqué, reproché, d'avoir
- àdopté des chaudières qui n'ont pas ses préférences.
, Il n'y avait aucune insinuation dans mes pa-.
roles. Les mécaniciens s'étaient prononcés contre
les chaudières à petits tubes; je me suis rangé à
leur avis. En Angleterre et même en Allemagne'on
a fait de môme.
Je n'ai donc pas mérité le reproche d'avoir porté'
atteinte à l'industrie des constructeurs de chaudiè»
res à petits tubes. * K,"
LES LAICiSATIONS
II me reste à parler de la question des sœurs, et
je ferai mon possible pour ne pas passionnerMe dé
bat. Je ne ferai qu'exposer des faits.
An surplus, il ne s'agit que d'une question
administrative et non d'une question de senti-
ment.
Il s'agissait d'appliquer dans les hôpitaux les ga-
ranties de bonne administration suivies partout
pour conserver intact le matériel de l'Etat, et par
suite une partie de la fortune publique, et pour-
contrôler à la sortie tous les paquets. Cela s'est
toujours fait dans les hôpitaux et dans les arse-
naux.
Les mesures prescrites par mes prédécesseurs
'pour faire cesser un état de ohoses regrettable et
pour régulariser le contrôle n'ont jamais été sui-
vies..
C'est ainsi qu'à l'hôpital maritime de Toulon, ! *
matériel avait été réparti partout où on pouvait lt
mettre sous clef. Mais dans les écritures il n'y en
avait aucune trace. J'ai fait faire le relevé exact
du matériel en magasin; il y en avait pour 256.000
francs.
On a trouvé des objets de toute nature, jusque
des tubes de chaudière. Les quantités légales
avaient été largement dépassées. Et on a trouvé en
excédent des draps, des couvre-pieds, etc. -
Il y avait même des objets que les sœurs n'ad
vaieut aucun droit de détenir, des trousses de mé-
decin par exemple et du métal. (Bruit à droite.)
Voilà le cas que fait la droite du matériel de
l'Etat. On a encore trouvé deux cents savons (ri.
res) et trois cents kilogrammes d'étain, provenaut
d'ustensiles que les sœurs possédaient en excédent.
Elles avaient fait démolir une baignoire pour
prendre le cuivre. (Interruptions à droite.)
Il y avait encore la mauvaise habitude de rece-
voir les versements indus des navires -revenant da
campagne. On a trouvé de la vaisselle, des usten
siles divers, etc. •
Je n'accuse pas les sœurs. Mais leurs magaslDl-
ont servi à dissimuler un matériel d'excédents. J.
dis que c'est absolument irrégulier.
On a accusé le ministre d'avoir lancé clerinsl'
nuations contre les sœurs et de les avoir injuriées.
Il avait en mains tous ces faits. Il désirait ne plL
les produire. On l'a forcé à le faire.
S'il s'agissait de malheureux employés francs-
maçons, que ne dirait-on pas d'un certain côtéda*
la Chambre ? f
Le suffrage universel a donné au gouvemem;nV
le mandat de continuer la laïcisation des sertie
, ces. Le ministre n'y faillira pas. (Vifs applaudis*,
sements.)
Le lieutenant-colonel Rousset en revient à
l'éternelle histoire du matelot Kermorgant. if
renouvelle ses démonstrations juridiques.
M. Rousset se met à lire un télégrammt
adressé par le ministre au préfet maritime, la
28 avril. ,
M. Pelletan s'étonne que ce document sq
trouve entre les mains do l'interpellateur.
M. C. Pelletan. — Je constate les procédés da
divulgation employés par an ancien offleieï
.de l'armée française! (Vifs applaudissemeuts
gauche. )
Un certain tumulte so produit. M. Bourgeois
demande le calme en disant :
— Il n'y a ici que dos députés !
Ce qui est juste, évidemment, mais ce qut
ne contredit en rien l'énergique protestation
du ministre de la marine.
Comme M. Rousset sa décide à quitter la
tribune, M. Chaumet l'y remplace; on cri. 4-
« La clôture 1 » - >
, Elle n'est pas prononcée.
M. Chaumet s'explique sur la question dss
chaudières. Il n'a pas reproché au ministre
d'avoir choisi tel ou tel type, mais de ne paa
s'être adressé aux conseils compétents.
Il revient sur la question des sous marias et
colle des constructions de cuirassés. -
M. Siegfried critique la façon dont le miaiik
tre de la marine fait tas commandos de tnatfc
riel naval.
TuO .TNuméro CINQ , CENTIMES.
i; -
aivnoivces
AUX BUREAUX DU JOURNAL
14, :uedu Mail, Paris.. *
Et chez MM. LAGRANGE, CERF etC"
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REDACTION s 14, rue du Mail Paris
Do 1 à 8 heures iu soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
Nt 12319, — Jeudi 3 Décembre 1903
Il PRIMAIRE. AN 119
ADHINfSTRA TION: 14, rue du Mail
Adresser lettres el mandats à l'Administrateur
NOS LEADERS
LES
kiBlktekffiie
Il est certain que Camille Pelletan a
beaucoup plus d'esprit que tous les
députés de l'opposition réunis. Au
surplus, on pourrait dire des Droi-
tiers ce qu'on a dit des académiciens :
« Ils sont une quarantaine de gail-
lards qui ont de l'esprit comme qua-
tre. » Si les membres de la Droite pos-
sédaient la moindre parcelle de bon
sens, ils s'abstiendraient, quand le
ministre de la marine est à la tribune,
de certaines interruptions trop « far-
ces » — et pas amusantes — qui ne
font aucun honneur à ceux qui les
lancent,
* Nul spectacle n'est aussi grotesque,
aussi agaçant que celui d'un fâcheux
qui prétend amuser la galerie aux dé-
pens d'un homme dont l'intelligence
supérieure et fine est incontestable. Ce
spectacle choquant nous a été donné
plus d'une fois pendant les deux der-
nières séances de la Chambre.
Je ne boude pas contre mon pJaisir,
et quand c'est Lockroy qui s'attaque
à Pelletan, je me garde de manquer ce
beau duel. Mon seul regret est de voir
aux prises deux anciens camarades de
notre maison, qui ont rendu l'un et
l'autre de si grands services à la Ré-
publique.
Nous ne prétendons refuser à per-
sonne le droit de questionner ou de
critiquer un ministre sur la gestion de
son département. Nous voudrions seu-
lement convaincre de l'utilité de se
taire, quelques députés qui s'ingèrent
dans un grand débat, non, à coup sûr,
pour y mettre un argument en lu-
mière mais pour attirer l'attention du
public sur leurs obscures personna-
lités.
Il est telles journées, au Palais-
Bourbon, où l'on se rappelle, malgré
soi, le mot du président Dupin : « La
tribune ressemble à un puits ; un sot
n'est pas plutôt descendu que l'autre
remonte. » -
***
Il n'y a même pas besoin d'être un sot
pour avoir intérêtà éviter une discussion
où l'on risque trop de n'avoir point le
dernier mot. Voyez l'abbé Gayraud. Il
sait, d'ordinaire, se tirer d'affaire. A-t-
il, cependant, été bien inspiré en inter-
pellant Pelletan sur les laïcisations de
la marine?
Accomplir des laïcisations? C'est le
droit, d'abord, le devoir, ensuite, d'un
ministre républicain. L'abbé Gayraud
ne soupçonnait-il pas que le ministre
de la marine rappellerait le mandat
donné par le suffrage universel au
parti démocratique ? Il était clair que
lorsque le ministre dirait sa volonté de
ne pas faillir à ce mandat, les acclama-
tions des gauches approuveraient son
langage.
L'intérêt de la congrégation ordon-
nait-il vraiment de forcer Camille
Pelletan à révéler certains faits qu'il
avait évité, en premier lieu, de porter
à la connaissance de la Chambre ? En
quoi l'Eglise avait-elle avantage à ce
qu'on sût le «voyage du matériel » qui,
parti des hôpitaux, se terminait infail-
liblement à la maison-mère des « bon-
nes-sœurs » ? De même la question du
lait pour les malades qu'on écrémait
à la cuisine pour en tirer du beurre,
de même le fait de la viande crue pour
les tuberculeux, immangeable — au-
raient pu rester ignorés sans que la
gloire de la congrégation en souffrît.
***
L'abbé Gayraud et ses amis igno-
raient-ils les fautes relevées à la charge
des religieuses ? Croyaient-ils, au con-
traire, que le ministre de la marine
hésiterait à défendre jusqu'au bout son
œuvre de laïcisation? Peu importe.
Ils ont cru sauver la face en accusant
Pelletan « d'injurier les religieuses ».
Or, le ministre n'a pas permis qu'on
- le représentât comme un insulteur de
femmes. Il a expliqué sans peine
qu'il s'en prenait non aux religieuses,
dont beaucoup se sont mises, par leur
conduite, au-dessus de tout éloge,
mais à la congrégation.
« Si je suis certain, s'est écrié Ca-
mille Pelletan, que ces sœurs ont re-
noncé elles-mêmes à tous les biens,
oseriez-vous dire qu'elles ont renoncé
à tous les biens terrestres pour leur
maison-mère? »
Le ministre a, enfin, montré les deux
raisons qui prouvent que jamais l'Etat
ne pourra exercer un contrôle sérieux
sur un personnel religieux. Un fonc-
tionnaire se laisse entraîner à cpm-
mettre une faute grave; il est frappé,
il supporte l'entière. responsabilité de
son acte. En revanche, une sœur se
trompe sur son devoir, elle dépend
d'une autorité extérieure à celle de
l'Etat : l'autorité de la maison-mère.
Elle s'assujettit à la discipline de la
congrégation avant de s'incliner devant
celle de l'Etat.
- L'autre raison, qui empêche l'Etat.
d'exercer sa surveillance sur le per-
sonnel religieux, cherchons-la dans
les scrupules des hauts fonctionnaires
v* catholiques. Ces derniers oseront-ils
- '-+..uJorirs se dispenser de croire sur pa-
*
'v •
role les dires des « saintes femmes »
dont ils' sont chargés de contrôler e
service ?
La documentation que le ministre a
communiquée à la Chambre nous ren-
seigne à ce sujet.
Le respect des droits de l'Etat et l'in-
térêt des malades exigent que les laï-
cisations s'achèvent le plus rapide-
ment possible dans tous les départe-
ments ministériels.
Hugues Destrem.
LES ENFANTS ASSISTÉS
Le Sénat fait souvent de la
besogne utile. Hier, en adoptant
en première lecture le projet
Strauss sur le service des enfants
assistés, le Sénat a fait faire un
bon pas à une réforme excellente.
L'objectif réalisé par le projet, a expli-
qué M. Strauss, est celui-ci : « prévenir les
crimes contre l'enfance en assurant aux
mères sans ressources les moyens d'hospi-
taliser leurs enfants ; éviter, par contre,
qu'un enfant puisse être abandonné trop
facilement, c'est-à-dire sans qu'une parole
d'encouragement ou de îéconfort retentisse
aux oreilles de la mère et lui rappelle ses
devoirs en lui offrant des secours ».
En résumé, le projet voté hier en pre-
mière lecture est étroitement lié au gros et
obsédant problème de la repopulation : il y
a longtemps déjà que la science médicale a
proclamé cette vérité, que la façon la plus
logique et la plus pratique d'accroître la
natalité est encore de protéger le nouveau-
né contre les innombrables dangers qui le
guettent au cours de sa première année
d'existence. Empêcher un infanticide, n'est-
ce pas réellement faire naître un enfant ?
Et, de même, assurer la subsistance et
l'éducation d'un enfant abandonné, n'est-ce
pas augmenter d'une unité le total des ci-
toyens créés ? Qu'importerait le peu d'acti-
vité de notre natalité, si nous trouvions un
moyen d'atténuer dans une mesure appré-
ciable cette mortalité infantile qui fauche la
majeure partie des générations ?
Il faut donc accueillir avec reconnais-
sance toute mesure législative ou médicale
qui tendra à nous rassurer sur l'existence
de l'enfant ; et il faut féliciter le Sénat d'a-
voir avec une rapidité louable admis le
principe d'un texte destiné à augmenter les
chances de survie de l'enfance menacée par
la misère ou par le préjugé. Nous souhai-
tans que la loi ébauchée hier, soit promp-
tement discutée en seconde lecture et défi-
nitivement acquise. — Ch. B. -
♦ ————————.———.
UNE BONNE LOI
Il paraît que M. Combes est décidé à tenir sa
promesse, il déposera dans le courant du
mois le projet de loi qu'il annonça au Sénat
lors de la discussion de l'amendement Girard.
On se rappelle que cet amendement tendait à
exiger de ceux qui font une déclaration pour
ouverture d'école qu'ils affirment non seule-
ment ne pas appartenir à une congrégation
mais encore n'avoir prononcé aucun vœu d'o-
béissance ou de célibat.
Le gouvernement, après en avoir délibéré
dans un conseil de cabinet spécialement tenu à
cet effet, avait accepté en principe les deux
idées maîtresses dont s'inspirait cet amende-
ment. Il fit toutefois quelques réserves, la for-
mule proposée no lui paraissant pas juridi-
quement acceptable, et annonça un projet de
loi spécial qu'il s'engageaità déposer avant la
fin de l'année sur le bureau du Sénat.
Si M. Combes a tenu parole, le projet qu'il a
préparé contiendra l'interdiction formelle pour
tous les membres des diverses congrégations
d'enseigner dnns quelque ordre que ce soit.
C'est, en somme, la laïcisation totale de l'en-
seignement que le gouvernement nous apporte,
et on ne saurait trop l'en féliciter.
Ou plutôt non, remisons pour l'instant nos
félicitations et attendons M Combes à l'ceuvre ;
il ne suffit pas de proposer une loi, il faut
avoir le courage de la faire voter, de s'opposer
à tous les atermoiements, de déjouer toutes les
manoeuvres et de repousser tous les assauts.
M. Combes aura-t-il ce courage?
Nous le souhaitons vivement, étant donné
la gravité des intérêts en jeu - mais nous
avons été tant de fois déçus que nous n'osons
trop l'espérer. - Viala.
UN SOUVENIR OU DRAME DE MEYERLING
[De notre correspondant particulier) -.
Vienne, 1er décembre.
Un avis officiel fait savoir que, comme
chaque année, la somme de 186 couronnes sera
partagée entre deux pauvres domiciliés à
Vienne et dignes d'intérêt. Le secours provient
de la Fondation baronne Mario Vetschera et
doit être remis le 30 janvier, anniversaire de
la mort de l'archiduc Rodolphe.
Mlle de Vetschera s'est suicidée avec lui à
Meyerling. Un parent a fait, il y a quelque
temps, une fondation en mémoire de la mal-
heureuse amie de l'archiduc.
————————————- --,-
LE PARLEMENT ANGLAIS
(De notre correspondant particulier)
Londres, 1er décembre.
Au Palais de Windsor, on affirmo que le roi
Edouard a l'intention d'ouvrir en personne la
prochaine session du Parlement. L'ouverture
aura lieu avec une solennité extraordinaire.
.——————————————
GUILLAUME Il MENACÉ PAR BISMARCK
(De notre correspondant particulier)
Berlin, lsr décembre.
L'.empereur Guillaume a failli un jour par-
tager le sort du diable da la Wartbourg à ia
tête duquel Luther lança son encrier.
M. Schwaner racontlJdan une récente pu-
blication un épisode do ia démission du chan-
celier de Bismarck.
On sait que la cause immédiate de la rup-
ture entre Guillaume II et M. de Bismarck fu-
rent les pourparlers que celui-ci avaient enta-
tamés avec M. Windhorst à l'insu du souve-
rain. Guillaume II alla voir le chancelier d&
fer et lui fit des reproches. Il y eut une scène
violente entre le monarque et son « fidèle
vassal», M. de Bismarck s'emporta à ce point'
qu'il saisit son encrier et fit le geste de le jeter
à la tête de son auguste maître.
Pour des raisons que l'on conçoit le chance-.
lier n'a pas parlé de cet incident * dans ses
mémoires, mais l'empereur l'a raconté à son
ami intime le roi Albert de Saxe qui de son
côté en a fait mention à son confident M. von
Egidy. C'est do ce dernier que le tionl M.
Schwaner.
LE RAPPEL
ARTISTIQUE ET LITTÉRAIRE
Nouvelles Saphos. — Curiosité mal-
saine. — La dernière barrière de
la prosodie. — Tout pour la beauté.
— Le poète des temples et des
tombeaux.— «La muette» de M.
Louis Létang. — Un miracle
d'amour. -
Les poétesses américaines nous envahissent.
Depuis quelques mois elles sont à la mode et se
remuent pour cela. Je ne citerai pas leurs
noms, qu'elles ont changés en pseudonymes
très français, ni n'étudierai leurs œuvres pour
l'instant, attendant plus de loisirs. Ce que je
veux retenir de leur cas, c'est de professer
l'amour saphique. Leurs paroles ne démentent
pas leurs stances, où sont chantées les caresses
féminines, sources uniques de joies. Qu'est-il
de leurs actes? Je l'ignore.
Comme à Lesbos
De gracieuses femmes, possédant tous les
attributs agréables de leur sexe, les hanches
fortes, la poitrine blanche, jeunes, ce qui ne
gâte rien, ne méprisant ni la parure ni ces
échancrures savantes où se perdent les regards,
affectent une guerre sans merci à l'homme. Ici
ce n'est plus du domaine politique ou écono-
mique qu'il s'agit, mais bien du contact char-
nel et des caresses masculines. Et cela ne
laisse pas de jeter l'auditeur dans une doulou-
reuse perplexité.
Elles disent et riment, ces poétesses améri-
caines : « L'homme doit gagner de l'argent, ce
qui est très absorbant, il n'a plus le temps de
s'occuper de nous. Sinon ses passades, trop
rapides, sont brutales et sans grâce. Laissons-
le donc à ses luttes, à ses appétits, nous trou-
verons sans lui la satisfaction des nôtres ». On
a d'abord souri, puis écouté, puis lu. Notre
curiosité malsaine s'est allumée à des strophes
qui ne manquent pas de talent, à des appels
passionnés, tels qu'en proférait la Sapho anti-
que. On les a récités et commentés. Et ceux
de nos amis qui goûtent les plats épicés, hor-
reurs Célicieuses des palais affadis, les éphè-
bes, las de joies qu'ils n'ont jamais connues,
les paladins qui pourfendent la famille et le
mariage se sont improvisés les champions de
ces navrantes « féministes ».
L'hiatus et l'américain
D'ailleurs, les écrivains d'outre-mer sem-
blent beaucoup s'occuper en ce moment de la
muse française, quelle qu'en soit l'école ou la
facture. M. Lucien Edward Taylor, de Cam-
bridge, Mass., United-States, m'écrit que son
« professeur de langues romanes » a demandé
une thèse sur l'hiatus dans le vers français, et
ce que j'en pense. Cette consultation vaut qu'on
y réponde.
Depuis Chrétien de Troie jusqu'à Malherbe,
l'emploi de l'hiatus dans le vers diminue,
même il y a, si elle, ou il, qui est, tu as, etc.
Mais aujourd'hui un poète hardi n'est jamais
embarrassé de cette méthode qui n'a d'autre
base dti'lins mâoaniquB * siiranooi». Veba de
nous,ceux des poètes qu'on appela symbolistes,
et qui, plus près encore se réclamèrent de
l'école romane, ont usé de l'hiatus et de l'alité-
ration en des circonstances heureuses qu'il fau-
drait rappeler. Les membres de l'Université et
de l'Académie sont indécis ou partagés, mais
il est permis de dire que les plus savants
d'entr'eux, les intelligents et les forts, sontpar-
tisans déterminés d'une prosodie plus libre,
tandis que les poncifs, émus d'un mot placé
autrement qu'on leur apprit, lancent leurs fou-
dres anodines sur les nouveaux poètes.
L'étude des formes d'hiatus serait longue.
Le phonénisme entraine des facultés de com-
préhension que je trouve inutile de discuter.
Certains hiatus sont des plus harmonieux.
Deux voyelles identiques, séparées par le
féminin e muet, n'en forment pas moins un
hiatus, et il est toléré par la règle. L'artiste
jugera s'il doit l'employer, ou tout autre hia-
tus non coupé d'un e muet ou d'idée féminine.
Il y a de fort jolies rencontres de voyelles.
Et je me permettrai de répéter ce que je di-
sais dans une préface sur la liberté poétique,
en tête du Sage Empereur, où j'ai laissé s'épa-
nouir toutes formas pour la joie de l'oreille et
le coloris de mes tableaux : « Le temps est-il
venu de briser la dernière barrière de la pro-
sodie, et de laisser fleurir sur un sol sarclé,
rasé, refouillé, la poésie au gré de l'air et du
caprice ? Non, si le poète prétend faire neuf,
coûte que coûte, sans égard pour l'harmonie
ou la pensée ; oui, s'il garde au cœur l'amour
de son œuvre et ne tente rien qu'en faveur de
la beauté. »
Jean Schlumberger
M. Jean Schlumberger est un rare esprit,
poète « des Temples et des Tombeaux ». 11 pu-
blie, sous ce titre : Le Mur de verre, une œu-
vre de pensée élovéo, de forme parfaite. Ro-
man, ce n'en est pas un. On ne saurait quali-
fier ainsi une sorte de dialogue de la vie et la
mort entre deux époux qui sont restés deux
amants, dont la joie, la jalousie, les tendres-
ses et les caresses, nous émeuvent profondé-
ment, sans qu'il soit besoin d'autres aventures
que l'ordinaire existence (\os heureux ménages
pour qui les amertumes philosophiques se
pressent sur leurs lèvres.
Le mur de verre, paroi imaginaire du verbe,
on le divine, est cette atmosphère irréello qui
entoure chacun de nous, translucide pour qui
nous aime, impénétrable pour les autres, Cette
feuille de cristal s'oppose aiusi quelquefois au
contact parfait, à l'étreinte des âmes, et c'est
ce qui arrive à ces deux jeunes époux torturés,
Marc Elbret l'avocat et Monique, pauvre et do-
lente maîtresse, robgée d'une jalousie sans
cause. Ces choses-là d'ailleurs no peuvent se
raconter. Décrit-on le parfum, le soupçon clo
parfum qui traverse le flacon hermétique-
ment clos?
Et cependant il est merveilleux pour le pen-
seur, ce li-vrai ce traité de Spinosa très artiste-
ment dessiné. Dès le préludé, un fragment de
Y Ornement des Noces spirituelles, de Ruys-
broock l'Admirable, en donne le sens : « Ici
commencent une faim et une soif éternelles
qui ne seront jamais plus assouvies; ici com-
mence une éternelle aspiration dans d'éternels
efforts. Quoi qu'ils boivent et mandent, ils ne
seront jamais rassasiés. 11 y a là d'éternels ef-
forts affamés en une éternelle impuissance. »
Et Moniqup, irrassasiée, s'éteindra corn nie la
flamme, d'avoir trop brûlé.
C'est bien là une interprétation héroïque de
l'amour, et je ne connais pas de plus doulou-
reux poèmes que ces cours chapitres, en une
langue pure, ces chapitres hâtifs, pressés, ha-
letants, étapes d'un mystique coursier qui
devance son destin vers l'abîme. M. Jean
Schlumberger est un voyageur qui délaisse
l'action pour la contemplation, Le public ne
saurait le suivre, je le déplore, la vogue, le
succès accourent sous les pas de ceux qui les
appellent. Et c'est tant pis.Car il y a une véri-
table jouissance à pénétrer de tels esprits, et à-
pouvoir les apprécier. La douceur en est infi-:
nie, chaque page révèle de nauveaux paysages
de l'âme humaine, des jardins ignorés de la
vio, où nos sentiments s'élèvent, ainsi que des
fleurs, avec leurs teintes changeantes, leurs
parfums séducteurs, leurs mystères ingénus.
Un conteur. - «La muette»
A II retour de nos excursions dans la forêt
de Fontainebleau, Bois-Je-Roi, après le décor
tourmenté de Franchard et d'Apremont, ouvre
sa rue tranquille bordée d'agrestes villas. Les
souvenirs de peintres et de littérateurs y sont
fréquents, autant qu'à Barbizon et Marlotte,
les chaumines campagnardes habilement res-
taurées ou remplacées par d'harmonieuses
constructions, en font une intéressante loca-
lité et, concordance heureuse entre l'esprit di-
recteur du lieu et les administrés, c'est de
longue date un conteur, Louis Létang, qui
préside aux destins de la commune.
Vous connaissez les romans de Louis Lé-
tang? C'est ici le coin des imaginatifs. L'ef-
fort du conteur tend uniquement à passionner
son lecteur, et vraiment il y réussit au delà de
toute espérance. Ses récits savamment con-
duits réservent les surprises quotidiennes, les
mystérieuses attractions de l'inattendu, et c'est
avec une claire simplicité qu'il nous conduit
à l'aventure.
Je repensais à ces qualités de Louis Létang,
au milieu sylvestre où il dépense son activité,
en lisant La Muette. Et la guérison presque
miraculeuse — un miracle d'amour — de la
pauvre disgraciée, la fleur de bonheur s'épa-
nouissant sur les ruines ardentes de l'amant
délaissé, m'ont semblé fort attrayantes. C'est
une histoire d'amour, avec un héros, Charles
Dolarey, des plus sympathiques, une vibrante
nouvelle mêlée de curieux comparses, aux li-
gnes hardiment dessinées. Que faut-il de plus
pour séduire ?
Et c'est bien d'un écrivain épris de nature.
Toute la description des premiers épisodes,
près de Morteau, serait à retenir en sa conci-
sion voulue. Voyez la vallée du Doubs, un
matin de brume. Les eaux mortes de la rivière
s'étalent doucement avant de remplir les ré-
servoirs naturels qui précèdent un formidable
bond. De grands rochers blancs, dont les ci-
mes s'élèvent progressivement, à pic sur les
eaux dormantes, atteignent une hauteur de
deux cents mètres. Un faible courant, sous le
brouillard que l'aube ne parvient pas à péné-
trer, entraine les flocons d'ouate vers la chute
encore lointaine. Le soleil vient, timide, meu-
bler ce mortel péristyle d'inoubliables splen-
deurs. Et on n'entend dans le silence que le
sourd mugissement du Doubs quittant le lac
pour sauter de vingt-sept mères dans une
vallée sauvage encombrée de rochers noirs.
Le décor n'est-il pas parfait, malgré la so-
briété du détail. J'en conclus que les grandes
pages de la nature inspirent le poète qui les
contemple chaque jour.
LÉON RIorOR
Voir à la 3e page
les Dernières Dépêches
L'IMPOT SUR L'OISIVETÉ
Nous sommes tous d'accord pour reconnaî-
tre qu'il n'y a pas assez d'impôts, et nous pas-
sons notre vie à chanter sur l'air des Lam-
pions: Des impôts ! Des impôts !
Malheureusement, la matière imposable de-
vient de plus en plus rare, et il faut aller à sa
recherche comme à celle du Pôle Nord ou du
Pôle Sud.
Parmi les vaillants explorateurs qui vien-
nent de découvrir une nouvelle matière impo-
sable, il convient de citer un médecin qui
n'est pas le premier venu, M. le Dr Henri Hu-
chard. M. le D* Huchard, nous dit l'Indépen-
dant aiixeiirois, vient d'exposer à M. Rouvler,
ministre des finances, « des vues originales et
neuves à propos d'une matière imposable à la-
quelle personne, même parmi les plus révo-
lutionnaires, n'avait jamais encore songé :
L'oisiveté ».
Sans conteste, c'est une idée éminemment
originale. Elle n'est même, peut-être, qu'ori-
ginale.
Que les révolutionnaires ne l'aient point eue,
rien d'étonnant à cela, car ils ont pour prin-
cipe d'accorder à l'humanité la plus grande
somme de loisir possible.
Mais ce que l'entretien entre M. Rouvier et
le Dr Huchard a dû être intéressant et peu ba-
nal ! J'aurais, volontiers, donné, pour y assis-
ter, une pièce en nickel de vingt-cinq cen-
times,
Malheureusement, j'en suis réduit aux con-
jectures et aux hypothèses en ce qui concerne
l'application pratique de cette idée aussi neuve
qu'originale.
Où commencera l'Oisiveté ? Où se terminera-
t-elle ?
Seront-ils considérés comme oisifs, les ou-
vriers et les employés qui cherchent en vain
une occupation pendant de longs mois, et ago-
nisent lentement de faim et de désespoir ?
Seront-ils considérés comme oisifs ceux qui,
surmenés par dix mois d'un travail excessif,
prennent un ou deux mois de congé ? Et ceux
que la maladie contraint à un chômage rui-
neux ?
Seront-ils considérés comme oisifs ceux qui,
ayant quelque aisance, écrivent, pensent, rê-
vent et conférencient ?
Combien d'heures faudra-t-il travailler paJ
jour pour ne pas être « imposé comme oisif » ?
Les officiers qui meurent d'ennui dans les
villes de garnison, parce qu'ils ne savent quoi
faire ; les curés, qui, leur messe dite, sont
obligés de se créer des occupations pour ne
pas mourir d'ennui comme les officiers, seront-
ils considérés comme des oisifs ?
Et que de sortes d'oisiveté n'existe t-il pas
— depuis l'oisiveté fiévreuse et éreintante des
gens du monde qui se tuent en veilles et en
réceptions inutiles, jusqu'à l'oisiveté féconde
des gens de lettres et des gens de science qui;
tout en musant le long des chemins, font des
découvertes autrement intéressantes que celle
du docteur Huchard ! -
Où trouver l'oisiveté volontaire en ce ving-
tième siècle — dans ce siècle de travail et de
lutte à outrance?
Ce n'est pas encore avec lo produit de celte
matière imposable qu'on pourra payer les
milPois engloutis chaque année dans les mi-
nistre 'le la guerre et de la marine.
G DE VORNEY.
, ., -
L-, -
LES CONGRÉGATIONS
On ferme -
Les religieuses de l'Immaculée-Conception,
qui possèdent à Niort trois établissements,
viennent de recevoir l'ordre de fermer, dans
un délai de quinze jours, leur maison mère de
l'avonue de Paris. Aucune décision n'a été en-
core prise quant à leur maison dé retraite et
leur pensionnat de jeunes filles.
- Marseille, 1" décembre.
L'administration préfectorale avait accordé
un sursis d'un mois à certaines écoles congré-
ganistes dont la fermeture avait été ordonnée.
La préfecture a ordonné, à dater d'aujour-
d'hui, la fermeture des quatre écoles de filles,
primaires ou maternelles, tenues par les sœurs
de Saint-Vincent-de-Paul et ayant une popu-
lation totale de 478 élèves. D'autres étiblisse-
ments seront l'objet de la même mesure in-
cessamment.
Manifestation cléricale
Vitré, 1" décembre.
A la revue des sapeurs-pompiers, passée par
M. Garreau, sénateur radical d'Ille-et-Vilaine,
maire de Vitré, quelques cléricaux, partisans
do l'ordre des frères do Ploërmel, ont jugé
sf.Vï-iiuel de venir manifester contre le gouver-
nement. Les gendarmes à cheval ont dispersé
les manifestants. Trois arrestations ont été
opérées, dont deux ont été maintenues, celles
de MM. Baptiste Martin et Albert, négociants.
Maire suspendu
Saint-Etienne, 1" décembre.
M. Mascle, préfet de la Loire, a suspendu de
ses fonctions M. Deflacieux, maire de Saint-
Joseph, qui avait refusé d'installer une insti-
tutrice publique dans l'école communale de
filles remplaçant l'école congréganiste.
IVoir la suite dans notre DEUXIEME EDITIOIt
HYGIÈNE MILITAIRE
On va voir quel cas l'administration do la
guerre fait des promesses du ministre, en Cd
qui touche l'hygiène du soldat. Pas plus tard
que samedi dernier,par le temps épouvantable
qu'il a fait pendant presque tout l'après-midi,
un détachement de recrues, conduit par un
gradé d'infanterie de marine, traversait Paris,
on suivant la ligne des quais rive gaucho.
D'après cette partie de l'itinéraire, il est pro
bable que ces hommes avaient été convoqués
au bureau de recrutement du boulevard Flan-
drin et qu'ils étaient dirigés sur la gare de
Lyon, soit une marche de plus d'une heure
par une pluie battante, et alors que beaucoup
d'entr'eux étaient vêtus légèrement.
Ces hommes, qui sans doute ont été embar-
qués hier soir, ont dû passer la nuit, une nuit
froide de fin novembre, avec des effets com-
plètement trempés. Voilà comment dans les
bureaux militaires on entend l'hygiène.
Il eut été pourtant beaucoup plus simple de
les convoquer à la gare de départ. Et à suppo-
ser que cela eût quelque inconvénient, on au-
rait pu tout au moins autoriser ces hommes à
prendre le tramway ou le chemin de fer de
ceinture. La plupart d'entre eux auraient cer-
tainement préféré payer leur place et même
celle de leurs camarades dépourvus d'argent,
plutôt que d'arriver mouillés à destination.
On nous dira : Le commandant de recrute-
ment a dû exécuter les ordres qu'il avait reçus.
Mais c'est précisément contre ces entraves à
l'initiative que nous nous élevons. Un officier
reçoit l'ordre de mettre des hommes en route.
Tombât il des hallebardes, cet ordre, il l'exé-
cute, et s'il survient des bronchites, des pneu-
monies, des tuberculoses réveillées, le budget
est là pour payer les journées d'hôpital. -
A. Chénier.
M. JONNART
Le Journal officiel publie le décret par le-
quel M. Jonnart, député, est maintenu, à titre
de mission temporaire, dans les fonctions de
gouverneur général de l'Algérie,
Le décret étant daté du 3 novembre la nou-
velle délégation confiée à M. Jonnart, et qui
est de six mois, prendra fin le 3 mai 1904.
INCERTITUDES
Art nouveau.
Vous n'ignorez certainement pas plus que
moi la nécessité de parler longtemps à l'avance
d'une réforme pour lui donner quelque chance
d'aboutir. On n'a jamais vu venir à terme des
questions non débattues,tandis que vous pour-
riez me citer un tas de problèmes sociaux, po-
litiques, littéraires et scientifiques qui, pour
être agités, ne s'en refusent pas moins à ren-
contrer leurs solutions. Je n'hésite donc pas
une seconde, la discussion du budget de 1904
n'étant pas encore terminée, à signaler au fu-
tur rapporteur des Beaux-Arts de 1905 et aux
députés voulant bien s'intéresser à cette partie
du monument budgétaire, une innovation qui
pour paraître de prime abord petite, renferme
en elle le principe de conséquences auxquelles
le qualificatif d'incalculables convient mieux
qu'aucun autre.
La France et Paris tiennent, ceci est incon-
testable, le premier rang au point de vue des
arts et, spécialement, de l'art dramatique. Non
seulement les pièces de théâtre de nos auteurs,
mais encore les interprètes de ces œuvres font
prime à l'étranger. Nous devons, je crois, ne
rien négliger pour conserver cette prépondé-
rance à la fois avantageuse et flatteuse. Un an
avant la proclamation de l'alliance franco-
russe un de mes amis de passage à Odessa
était agréablement surpris d'entendre, au prin-
cipal concert de la ville, les chansons fran-
çaises alterner avec les couplets russes; la
voilà bien la preuve de l'influence artistique
sur les bonnes relations des peuples,
Or, dans quelques milieux de haute intellec-
tualité on suit passionnément, en ce moment,
des expériences scientifiques ayant trait à
l'application de l'hypnose aux attitudes scé-
niques et, par réciproque,à la revivification des
sentiments. Ce qui ne surprendra sans doute
point les fervents de l'hypnotisme, mais qui
paraîtra mystérieux à bien des gens, un sujet
d'une sensibilité extrême matérialise l'inspira-
tion musicale et mime la pensée des écrivains
avec une perfection que l'on suppose attein-
dre, sinon dépasser, les limites de la réalité.
De telle sorte que sans études préalables
toutes les idées directrices d'une œuvre réap-
paraissent avec una fidélité d'expression à
rendre plus que rêveurs nos artistes les mieux
persuadés de leur mérite.
Ce dernier point de vue pourrait prêter à
des développements faciles ; je ne m'y aventu-
rerai pas, préférant demander de suite la créa-
tion d'un cours de mimique hypnotique qui
garderait à notre pays toute son avance dans
la voie du progrès ; ce résultat vaudmÀUien
un petit crédit.
Le proposer ce serait l'obtenir, à moins
pourtant que ceux qui ont pris la deruce habi-
tude de faire parler les vivants et les morts se-
lon leurs propres intérêts ne se livrent à une
vilaine obstruction. Pourvu que ces égoïstes
ne soient pas la majorité 1 — Prelm.
»
Le pronunciamento en Serbie
We notre correspondant particulier)
Belgrade, 1" décembre.
Le colonel Maschine a convoqué dans la
salle de l'Ecole militaire les officiers de sa di-
vision. Environ 500 d'entre eux se sont ren-
due à l'appel. Le colonel a prononcé une lon-
gue apologie du massacre qui a eu lieu dans
le Konak le 11 juin.
Le colonel Rakhitsch, ancien maréchal de la
cour du roi Alexandre, a protesté contre la
politique dans l'armée.
Il parait que ses paroles ont produit quelque
impression sur l'auditoire Le colonel Mas-
chine a donc clos la séance, en déclarant aux
officiers qu'il leur donnait un délai de trois'
jours pendant lesquels ils pourraient réfléchir
sur leurs sentiments pour ou contre la révolu-
tion du palais du 11 juin.
LE VOYAGE DE L'IMPÉRATRICE DE CHINE
We notre correspondant particulier)
Shanghaï, 1" décembre.
L'impératrice douairière a donné au gouver-
neur de Soutchou l'ordre d'envoyer à Pékin.
une troupe d'élite de Mandchous. Ces hommes
serviront d'escorte à l'impératrice douairière
pour son prochain voyage, dans les provinces
occidentales.
r LA JOURNEE ¡
PARLEMENTAIRE
A LA CHAMBRE
« L'INTERPELLATION LOCKROY !
-
La discussion des interpellations adressées
au ministre de la marine par MM. Lockroyf
Gayraud, Chaumet, etc., s'est close hier par
l'adoption, à une quarantaine do voix de ma-w
jorité, dé l'ordre du jour pur et simple. Cette,
solution est celle que réclamait M. Camilla;
Pelletan. i
Le ministre de la marine avait demandé, la
veille, le renvoi de la discussion, pour com-
pléter sa documentation sur certains points. t
Il a trouvé l'occasion de s'assurer un nou-
veau succès, en prononçant un superbe dis-
cours, dans lequel il a fait l'exposé de la po-
litique anticléricale qu'il applique dans son.
département.
M. Camille Pelletan, ministre de la marine.
— Je vais répondre aux diverses questions qui
m'ont été adressées. Et d'abord, je parlerai de ce
matelot Kermorvant, auquel j'aurais enlevé, à la
suite d'une lettre qu'il m'aurait écrite, la punition
qui lui avait été infligée par le conseil de justice
do Toulon ; j'aurais ensuite fait détruire le dossier.
L'INCIDENT kermorvant
Je rappelle d'abord qu'il y a dans la marine deux
sortes de tribunaux : il y a la justice de bord et il
y a la justice de terre; lorsqu'un matelot est em-
barqué, il est justiciable du premier tribunal ; h
terre, il est justiciable du second.
Or, le préfet maritime de Toulon avait cru de.
voir constituer un tribunal de bord pour le mate-
lot Kermorvant, et c'est ce tribunal, ce conseil de
justice, qui a fonctionné à. Toulon.
Ne faut-il pas, de toute évidence, qu'il y eût un
bâtiment de l'Etat pdbr que Hermorvant fùt justi-
ciable d'un tribunal de bord? Or, il appartenait à
la défense fixe. Il ne pouvait donc passer devant
un conseil de justice fonctionnant pour les seuls
matelots embarqués.
C'était donc un tribunal de terre qui devait la
Juger. ,"
Le préfet maritime, mon subordonné, avait en
le tort de constituer un tribunal militaire en dehors
des règles légales.
Comme je ne suis pas jurisconsulte, j'ai demandé
l'avis de mes conseils compétents. Leur avis a été.
que le cas était le même que si quelque irrespon-
sable, ayant réuni différentes personnes, leur avait
fait prendre une décision judiciaire quelconque.
Il n'y aurait pas lieu d'en poursuivre l'annulation
par les lois judiciaires ; elle serait inexistante. (Ap-
plaudissements à gauche.)
Mais ce n'est pas tout. J'aurais fait détruire le
dossier, j'aurais fait disparaître les pièces de jus-
tice? Les pièces de justices, les voici (Vifs applau-
dissements à l'extrême-gauche).
Voilà tout ce que j'ai à répondre sur cette af-
faire.
J'ai maintenant à m'expliquer sur les autres cri-
tiques qui m'ont été adressées
LE PROGRAMME NAVAL
- M. Chaumet m'a reproché de n'avoir pas suivi
le programme naval voté par la Chambre. Un pro-
gramme n'est jamais un programme — ne varie-
tur. Il ne prévoit pas tous les détails de blindage
ou d'armement. L'Angleterre et l'Allemagne n'ont
pas hésite h modifier leur programme.
-. Il parait que j'ai renoncé aussi aux sous-marins.
C'est inexact. Mais, en 1902, je n'ai pas eu les
ressources suffisantes : !a Chambre n'avait pas*
voté les crédits nécessaires à l'exécution de ses dé-
cisions.
J'aurais pu néanmoins en mettre en chantier. Je.
ne l'ai pas fait parce que le type avait de nombreuX
inconvénients.
M. Chaumet m'a critiqué, reproché, d'avoir
- àdopté des chaudières qui n'ont pas ses préférences.
, Il n'y avait aucune insinuation dans mes pa-.
roles. Les mécaniciens s'étaient prononcés contre
les chaudières à petits tubes; je me suis rangé à
leur avis. En Angleterre et même en Allemagne'on
a fait de môme.
Je n'ai donc pas mérité le reproche d'avoir porté'
atteinte à l'industrie des constructeurs de chaudiè»
res à petits tubes. * K,"
LES LAICiSATIONS
II me reste à parler de la question des sœurs, et
je ferai mon possible pour ne pas passionnerMe dé
bat. Je ne ferai qu'exposer des faits.
An surplus, il ne s'agit que d'une question
administrative et non d'une question de senti-
ment.
Il s'agissait d'appliquer dans les hôpitaux les ga-
ranties de bonne administration suivies partout
pour conserver intact le matériel de l'Etat, et par
suite une partie de la fortune publique, et pour-
contrôler à la sortie tous les paquets. Cela s'est
toujours fait dans les hôpitaux et dans les arse-
naux.
Les mesures prescrites par mes prédécesseurs
'pour faire cesser un état de ohoses regrettable et
pour régulariser le contrôle n'ont jamais été sui-
vies..
C'est ainsi qu'à l'hôpital maritime de Toulon, ! *
matériel avait été réparti partout où on pouvait lt
mettre sous clef. Mais dans les écritures il n'y en
avait aucune trace. J'ai fait faire le relevé exact
du matériel en magasin; il y en avait pour 256.000
francs.
On a trouvé des objets de toute nature, jusque
des tubes de chaudière. Les quantités légales
avaient été largement dépassées. Et on a trouvé en
excédent des draps, des couvre-pieds, etc. -
Il y avait même des objets que les sœurs n'ad
vaieut aucun droit de détenir, des trousses de mé-
decin par exemple et du métal. (Bruit à droite.)
Voilà le cas que fait la droite du matériel de
l'Etat. On a encore trouvé deux cents savons (ri.
res) et trois cents kilogrammes d'étain, provenaut
d'ustensiles que les sœurs possédaient en excédent.
Elles avaient fait démolir une baignoire pour
prendre le cuivre. (Interruptions à droite.)
Il y avait encore la mauvaise habitude de rece-
voir les versements indus des navires -revenant da
campagne. On a trouvé de la vaisselle, des usten
siles divers, etc. •
Je n'accuse pas les sœurs. Mais leurs magaslDl-
ont servi à dissimuler un matériel d'excédents. J.
dis que c'est absolument irrégulier.
On a accusé le ministre d'avoir lancé clerinsl'
nuations contre les sœurs et de les avoir injuriées.
Il avait en mains tous ces faits. Il désirait ne plL
les produire. On l'a forcé à le faire.
S'il s'agissait de malheureux employés francs-
maçons, que ne dirait-on pas d'un certain côtéda*
la Chambre ? f
Le suffrage universel a donné au gouvemem;nV
le mandat de continuer la laïcisation des sertie
, ces. Le ministre n'y faillira pas. (Vifs applaudis*,
sements.)
Le lieutenant-colonel Rousset en revient à
l'éternelle histoire du matelot Kermorgant. if
renouvelle ses démonstrations juridiques.
M. Rousset se met à lire un télégrammt
adressé par le ministre au préfet maritime, la
28 avril. ,
M. Pelletan s'étonne que ce document sq
trouve entre les mains do l'interpellateur.
M. C. Pelletan. — Je constate les procédés da
divulgation employés par an ancien offleieï
.de l'armée française! (Vifs applaudissemeuts
gauche. )
Un certain tumulte so produit. M. Bourgeois
demande le calme en disant :
— Il n'y a ici que dos députés !
Ce qui est juste, évidemment, mais ce qut
ne contredit en rien l'énergique protestation
du ministre de la marine.
Comme M. Rousset sa décide à quitter la
tribune, M. Chaumet l'y remplace; on cri. 4-
« La clôture 1 » - >
, Elle n'est pas prononcée.
M. Chaumet s'explique sur la question dss
chaudières. Il n'a pas reproché au ministre
d'avoir choisi tel ou tel type, mais de ne paa
s'être adressé aux conseils compétents.
Il revient sur la question des sous marias et
colle des constructions de cuirassés. -
M. Siegfried critique la façon dont le miaiik
tre de la marine fait tas commandos de tnatfc
riel naval.
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