Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-11-21
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 novembre 1903 21 novembre 1903
Description : 1903/11/21 (N12307). 1903/11/21 (N12307).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7575568d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
CINQ CENTIMES le 't,.mé:rô.
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vellement à l'Administrateur de notre jour
nal, 44, rue du Mail.
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dans tous les bureaux de poste.
NOS LEADERS
A propas fi mariage
Un ancien député républicain vient
de marier sa fille. Elle a voulu faire
consacrer son mariage à l'Eglise et le
père y a consenti. Peut-être d'ailleurs
sa résistance eût-elle été vaine, si la
jeune personne avait atteint sa majo-
rité. Là-dessus les cléricaux prennent
le père à partie et l'accusent d'incon-
séquence. Quoi ! un ancien député an-
ticlérical laisse contracter une union
religieuse dans sa famille ! Quelle con-
tradiction étrange et qui démontre
combien sont chancelantes certaines
convictions austères !
.**
Quelques-uns de nos amis ont pu
subir, dans un autre ordre d'idées, les
mêmes impressions. Il nous semble
que la question mérite d'être exami-
née de près. Libres-penseurs, nous
sommes pour la liberté de la pensée
et, sous la réserve des lois, pour la li-
berté des actions qui en sont la consé-
quence. Nous n'entendons nullement
: substituer une intolérance laïque à
une intolérance congréganiste. L'hom-
me, agissant lui-même, pourrait être
blâmé pour ses actes, blâmé sévère-
ment si ses actes sont antagoniques à
: ses principes, mais s'il respecte en les
- siens, arrivés à l'âge du plein discer-
nement, la liberté de conscience qu'il
entend faire énergiquement respecter
en lui, il est conséquent avec ses prin-
cipes.Les cléricaux peuvent gloser au-
tour ; ils ne feront prendre le change
à personne.
Tant que l'enfant est encore dans sa
première jeunesse, l'impulsion au sein
de la famille est donnée par le père
et aussi, ne l'oublions point, par la
mère, qui a prodigué son sang à son
fils, son lait; qui l'a entouré de soins,
qui a veillé sur ses premiers pas, alors
que le labeur quotidien appelait le père
au dehors. Toutefois, au cours de cette
période où l'intelligence de l'enfant est
encore hésitante, les responsabilités
appartiennent aux parents. Rien de
mieux. -
Mais l'enfant a grandi. Il est sorti de
la famille par l'enseignement. Sa per-
sonnalité s'est affirmée. Il sait ce qu'il
veut et pourquoi il le veut. Ses idées
sur bien des points se modifieront sans
doute. La vie tout entière n'est qu'un
long et incessant enseignement. Un
homme d'une grande sagesse et d'une
grande expérience des hommes et des
choses, Franklin, avait coutume de
dire, quand il exprimait sa pensée sur
certains sujets importants : « Je pense
actuellement ainsi. Je dis actuellement,
car j'ai maintes fois éprouvé que les
idées qui me paraissaient justes un jour
étaient erronées le lendemain. » Nous
vivons, nous lisons, nous étudions les
- événements et les hommes pour con-
firmer les vérités qui sont en ixous,
certes, mais aussi pour détruire les er-
reurs que nous portons avec nous-
mêmes. C'est la tâche permanente.
Si donc nos opinions se modifient
par la réflexion et l'expérience, quelle
en est la conséquence ? C'est que nous
ne pouvons pas figer à un certain degré
les idées que nous voyons s'agiter au-
tour de nous ; que nous ne pouvons
pas imposer à nos enfants nos opinions
et nos dogmes, pas plus que nous n'a-
vons admis nos pères à nous imposer
les leurs. Le respect dans la famille
peut se concilier sans effort avec l'in-
dépendance des opinions individuelles.
Il est pénible parfois au père qui
compte se survivre en ses enfants, et
se survivre non seulement en chair et
en os, mais en intelligence et en doc-
trine ; il lui est, dis-je, souvent péni-
ble de rencontrer la contradiction à
son foyer ; de voir son fils lui échap-
per et combattre les doctrines qui lui
sont chères. Va-t-on lui reprocher ce-
pendant de ne pas avoir asservi cette
jeune intelligence à la sienne?
***
i Que les cléricaux suivent, s'ils le
veulent, et à la lettre, le mot de Pas-
cal. Qu'ils s'efforcent de noyer dans
l'eau bénite tous les doutes et toutes
les velléités d'indépendance. Ennemis
du libre examen, qu'ils le chassent de
leur famille ; qu'ils fassent appel à
l'autorité paternelle pour établir, de
père en fils, au détriment de la tolé-
tance et de la liberté de conscience, la;
perpétuité de la foi. Ils sont logiques.
Mais qu'ils se dispensent de nous faire
la leçon. Nous ne parlons pas le même
langage et ne saurions nous compren-
dre. Nous respectons la liberté de cons-
cience de ceux qui nous sont soumis
comme nous entendons faire respec-
ter la nôtre. Et ce qui nous est parti-
culièrement odieux dans le cléricalisme,
c'est qu'il n'est et ne saurait être que
l'intolérance. Intolérance gouverne-
mentale, intolérance paternelle, peu
nous importe. Nous ne voulons prati-
quer ni l'une ni l'autre.
Louis Martin.
LE DISCOURS DE CLEMENCEAU
Clemenceau, en prononçant le
discours que nous avons analysé
et dont on est unanime à recon-
naître l'incomparable beauté de
forme, savait qu'il se séparait
dé quelques-uns de ses - amis de
1 extrême-gauche4 11 devait donc s attendre
à ce que ses paroles fussent âprement cri-
tiquées.
Je gage cependant qu'il est surpris du
ton que se permettent certains de ceux qui
entreprennent de le juger.
Que chacun apprécie à sa guise la thèse
développée si brillamment par le sénateur
du Var, je n'y trouve rien à redire. Mais la
plus entière liberté d'appréciation n'auto-
rise pas des polémistes — parmi lesquels
j'entrevois d'anciens boulangistes - à ou-
blier les énormes services rendus par Cle-
menceau à la République et sa longue car-
rière de démocrate.
Clemenceau a vu des orages autrement
dangereux que celui que son discours a fait
fondre sur lui. Il sourira et continuera son
œuvre. Tant pi* àour ceux qui se déconsi-
déreront en oubliant le respect qu'ils doi-
vent à l'un des plus glorieux vétérans de
notre parti.
Quant au fond même du discours de
Clemenceau, je n'hésite pas à dire que je le
trouve aussi beau et aussi juste que la
forme.
En somme, la doctrine exposée par le
grand orateur, c'est celle de la tradition ré-
publicaine. M. de Lamarzelle s'indignait
hier parce qu'on voulait voir une antino-
mie entre les termes de « catholique » et de
« français». Avec bien plus de raison, nous
nous indignons contre ceux qui veulent
créer une antinomie entre les mots de « Ré-
publique » et de « Liberté ».
Oui, tel a été le plan de tous les hom-
mes de Révolution depuis deux siècles :
grandir l'homme, lui accorder le maximum
d'indépendance et de responsabilité, lui
donner comme devoir un magnifique effort
à accomplir pour atteindre à plus de
dignité — et aussi à plus de bien-être.
Je ne sais pas de pensée plus noble, plus
généreuse, plus élevée — ni plus féconde.
- Ch. B.
LE MONDE OU L'ON S'AMUSE
On se rappelle qu'il y a quelque temps, les
journaux réactionnaires insérèrent tous une
note aux termes de laquelle les gens bien pen-
sants étaient invités à s'abstenir de toute mani-
festation joyeuse. Le monde comme il faut de-
vait porter consciencieusement le deuil des
congrégations. Plus de fêtes, plus de divertis-
sements, plus de dîners, plus de cotillons.
L'argent économisé par cette sainte abstention
était destiné à aller grossir le trésor de guerre
des élections prochaines.
Il semble bien que le mot d'ordre ainsi don-
né n'ait pas été suivi. On continue à s'amuser
dans les somptueux salons, on bostonne avec
fureur. Ouvrez un journal élégant ; vous y
voyez le récit de brillants fwe o'clock et de soi-
rées merveilleuses, où les bijoux, les fleurs et
les lumières rivalisent d'éclat. On jette l'ar-
gent par toutes les fenêtres, on fait étalage du
luxe le plus raffiné,et des thuriféraires à gages
vantent la grâce des toilettes et la fraîcheur des
valseuses.
L'Echo de Paris a relaté dernièrement une
des plus jolies fêtes de la saison automnale,
donnée la semaine dernière. Il y eut comédie,
musique bal costumé, valses chantées, soupers
par petites tables. L'animation et la joie ré-
gnait partout, bref rien n'a manquéà la splen-
deur delà réception. - h -
Mais voici que la Libre Parole se met en co-
lère. Il lui déplait de voir tourbillonner de
jeunes couples enlacés, parés de nuances écla-
tantes, de diamants, de particules et de cou-
ronnes princières. Elle flétrit ces orgies d'aris-
tocrates « auxquelles les gémissements des
vieillards et des enfants jetés à la rue, les
pleurs des petites sœurs condamnées à l'exil
servent de repoussoir ».
La Libre Par oie a tort. Voyons 1 A-t-elle pu
s'imaginer sérieusement que l'application de
la loi sur les congrégations allait empêcher de
dormir ou plutôt de veiller les jolies comtesses
et leurs galants cavaliers? Comment, .ils sont
déjà privés de leurs moines et de leurs nonnes,
et il faudrait qu'ils se privassent aussi de plai-
sirs par dessus le marché !
Ce serait trop à la fois, plus que n'en pour-
raient supporter les frêles créatures aux mains
blanches qui fréquentent avec la même fer-
veur et la même assiduité, le confessionnal où
l'on chuchotte l'après-midi, et le bal où l'on
flirte le soir.
Et voilà pourquoi il est tout naturel qu'elles
envoient promener les professeurs d'austérité,
et qu'elles leur fassent les cornes, s'ils se re-
biffent. — Léonce Armbruster.
♦ ■■ ■
UN PRÉTENDU COMPLOT
Contre le président de la République
Helvétique.
iDe notre correspondant particulier)
Lugano, 19 novembre.
Les autorités suisses viennent d'établir la
preuve que le fameux complot en vue d'assas-
siner le président de la République fédérale
n'est qu'une mystification imaginée par Con-
Uni dans le but de tirer de l'argent de la police
politique de Berne.
Contini a fait, il n'y a pas longtemps, de la
prison à Palerme.
00
LES SOUFFRANCES DE UEX-PRINCESSE DE SAXE
(De notre correspondant partidMeri
Munich, 19 novembre.
il y a quelques semaines, le prince héritier
de Saxe reçut une lettre confidentielle qui lui
révéla que son ancienne épouse avait mené
dans le château de Ronno une existence peu
agréable. Elle y avait été traitée en prison-
nière et y était littéralement séquestrée. Les
lettres qui lui furent adressées subirent une
censure très sévère.
C'est ce traitement imposé à l'ex-princesse
qui explique suffisamment la tentative de
celle ci de sauter par la fenêtre, incident dont
le Rappel a déjà rendu compte. Le prince hé-
ritier de Saxe ayant été mis au courant de ces
faits, prit immédiatement des dispositions pour
que l'ex-princesse quittât le château de Ronno.
Cette intervention a fait renaître le bruit
d'une prochaine réconciliation du prince avec
la comtesse Montignoso.
l, A L'ODEON
MM. Ginisty et Antoine. — Réformes.
- Le répertoire et les interprètes.
- Un tragédien. — M. Gorde.
— L'avenir de l'Odéon.
Après le renouvellement du privilège de M.
Ginisty, on aurait pu croire que la question
dite odéonienne était close, du moins pour
cinq ans. Pas du tout. A son retour d'Améri-
que, M. Antoine, candidat malheureux à la di-
rection de l'Odéon, lit dans le rapport de M.
Massé, rapporteur à la Chambre du budgetdes
Beaux-Arts.qu'on lui impute le tort de n'avoir
point présenté de programme à l'appui de sa
candidature; M. Antoine riposte, puis a avec
M. Massé une longue entrevue, entrevue au
cours de laquelle n'a pas jailli la lumière.
D'une lettre de M.Antoine, rendue publique, il
ressort toutefois que cet artiste n'a pas cessé de
briguer le privilège du second Théâtre-Fran-
çais, ou plus exactement qu'il le briguera dès
qu'il s'agira de renouveler celui dont jouit M.
Ginisty.
Un duel
On peut donc dire, de la question de l'Odéon,
qu'elle est latente ; mais elle ne se résume pas
tout entière dans cette rivalité de MM. Ginisty
et Antoine. Les deux candidats, à divers titres
éminents, voulaient tous deux une résurrection
de l'Odéon. Mais le premier avait l'avantage
de l'avoir déjà commencée avec la pièce de
Tolsioï ; le second avait le tort de traîner à sa
suite sa renommée d'artiste révolutionnaire et
de directeur passablement intransigeant. Dans
l'histoire de l'art dramatique européen — il
serait inexact de dire français — la place dè -
- M. Antoine sera fort imoortante. S'il a intro-
duit au théâtre de très heureuses réformes en ce
qui concerne la scène proprement dite, il a
aussi introduit et mis à la mode en France le
goût du septentrionalisoië qui déjà s'efface et
créé le mouvement du théâtre libre qui fut, en
son temps, le triomphe de la décadence anar-
chique. En posant sa candidature à l'Odéon,
M. Antoine n'abandonnait rien d'ailleurs de sa
fougue passée, puisqu'il proposait entre temps
une réforme qui n'est pas loin d'être une héré-
sie artistique ; il proposait de faire interpréter
les tragédies grecques, orientales ou romaines
de Racine et de Corneille en costumant les ac-
teurs suivant les modes du 17e siècle.
De son côté M. Ginisty ne manquait pas
d'ennemis. Durant cinq années d'administra-
tion, un directeur a eu le temps d'évincer bon
nombre d'auteurs et d'indisposer beaucoup
d'artistes. Mais les attaques et les assauts
qu'on lui livra comntèrent peu quand l'on
considéra qu'il serait difficile de rencontrer
un lettré d'opinions plus modérées et égale-
ment amies de toutes les tentatives d'art di-
gnes du théâtre. Délicat romancier, spirituel
chroniqueur, M. Ginisty parut être l'homme
d'esprit et de goût qu'il fallait à l'Odéon. On
y est sollicité par de jeunes auteurs, on y di-
rige de jeunes acteurs — à part quelques an-
cestrales exceptions — néanmoins il faut pren-
dre garde d'effaroucher les conseillers du
théâtre, qui sont d'apparence sévère puisque
MM. Brunetière, de Hérédia et Paul Hervieu
sont de cet aréopage.
Mais la question odéonienne n'est pas close.
Car les réformes que pourrait faire M. Ginisty
n'ont pas cessé d'être urgentes et sans doute
sont-elles plus opportunes que celles proposées
par M. Antoine.
Auteurs et acteurs
M. Ginisty fut très habile en faisant de l'O-
déon, pour prévenir les desseins de M. An-
toine, le concurrent du théâtre Antoine ; car
au moment du renouvellement du privilège,
on ne manqua pas de remarquer que l'Odéon
pouvait, à l'occasion, se tirer d'aussi belle fa-
çon de l'interprétation d'un mélodrame russe
que le théâtre Antoine. C'était là, pour ouvrir
et clore aussitôt le duel, un coup digne de Jar-
nac ; mais ce n'aurait dû être qu'un jeu. M.
Ginisty en fait un programme. Non content
d'emprunter à M. Antoine ses acteurs pour les
lui opposer — MM. Dumény, Gémier, Jan-
vier, Kemm — il lui oppose un répertoire pro-
che parent du sien. C'est une concurrence ou-
verte et déclarée, car Résurrection et Wania et
l'Idiot sont davantage du goût du boulevard
de Strasbourg que de celui de la rive gauche.
Je crois que l'intérêt de M. Ginisty n'est
pas de nous donner ce que nous donne déjà
le théâtre Antoine, qui a ses zélateurs et qui
les garde. L'intérêt de M. Ginisty est de conti-
nuer à faire de l'Odéon ce que M. Antoine
n'aurait pu en faire, car il s'y refusait : je
veux dire un théâtro national. Le mot est
inscrit sur le fronton de l'édifice. Et il ne si-
gnifie pas seulement que ce théâtre jouit
d'une subvention de l'Etat, il veut dire que ce
théâtre se doit de sauvegarder lè patrimoine
d'art national et de travailler à la grandeur de
Y art français. Que dirait-on d'un musée na-
tional qui remiserait au grenier Poussin et
Delacroix ou dans les caves Puvis de Chavan-
nes ou Hébert pour offrir les salles d'honneur
à de Quelconques Bœrcklia.
C'est un peu le cas qu'on fait a l'Odéon do la
littérature française. Le répertoire de l'Odéon,
c'est depuis Le Mariage de Figaro, Amy Rob~
sart, les Erynnks, Pour la Couronne ju.iqu à
Y Artésienne et tant d'autres œuvres que j'ou-
blie, le drame et la comédie vivante qui par-
lent au cœur d'un jeune et enthousiaste public
par la voix de valeureux acteurs. On chasse-
rait de l'Odéon le vaudeville pour y instaurer
le drame moderne en prose dont M. Hervieu a
donné dans plusieurs œuvres la formule sobre
et saisissante, que personne ne s'en plaindrait,
pas même le caissier du théâtre. Si au lieu de
pièces taillées sur le mode ibsénien — je veux
parler des Appeleurs — on y représentait de
ces œuvres claires et éclatantes qui assurent un
continu succès au théâtre Sarah-Bernhardt, on
aurait bien mérité de l'art dramatique qui est
dans les traditions de ce pays.
Reste la tragédie. Il est difficile à l'Odéon
de lutter, sur ce terrain,avec la Comédie-Fran-
çaise. Mais il ne peut s'agir, entre eux, de
lutte. Il s'agit seulement d'entente. J'écrivais
ici, il y a un mois: «On ne joue pas la tragédie
à l'Odéon. parce que l'Odéon n'a pas de tragé-
aiens». Depuis un mois il y en a un, et il a
assez de talent et il est assez jeune pour sup-
porter à lui seul tout le poids du répertoire
tragique. C'est M. Gorde. Pour l'instant, il
est Polyeucte, mais il peut être l'Orestede
Racine et celui des Ery unies, il peut être Ho-
race, Cinna, Néron, Achille, Joad.
M. Gorde et l'Odéon
Do cet artiste nous savons seulement que
c'est un ancien avocat qui lâcha le barreau
pour la scène, qu'il est tout jeune, qu'il' joua,
avec succès, chez Antoine, à l'OEuvre et à
Orange, à côté de Mounet-Sully et de Paul
Mounet dont il fut l'élève et qu'il l'emporta
cetteannéele 1" prix de tragédie au (Conserva-
toire; nous savons surtout qu'il nous donna
récemment pour ses débuts à l'Odéon un ad-
mirable Polyeucfe,qu'il nous le restitua plutôt,
car lesdiverses interprétations de ce rôle furent
paradoxales, un Polyeucte illuminé de la grâce
un fanatique plein de beauté et de force, de
franchise et de sublimité. Pour être ce Po-
lyeucte là, il faut de la spontanéité géniale,
et de très grandes qualités plastiques et voca-
les, il faut aussi de l'érudition, conditions ra-
res à rencontrer à la fois chez un acteur. Chez
r M. Gorde, elles s'associent pour former un
parfait ensemble. Or, puisque M. Gorde a rem-
porté un grand succès dans Polyeucte, pour-
quoi borner ce succès à une ou deux représen-
tations?
C'est qu'il y a à l'Odéon des traditions et
non une tradition. La tradition, c'est la tradi-
tion classique qui assure le maintien de cer-
tains principes d'art ; les traditions, ce sont
celles de M. Albert Lambert père ou autres,
c'est la médiocrité et la routine. Il est énormé-
ment réjouissant de penser que le soin de mon-
ter la tragédie est dévolu à M. Albert Lambert
père, cet Arcas ou ce Théramène, assisté d'un
acteur qui peut révéler de réelles qualités
dans le drame mais qui n'est pas un tragédien,
M. Dorival. Le nouveau venu qui s'aventure
dans un milieu pareil est aussitôt dévoré par la
jalousie et le cabotinisme ambiants. Et pour-
tant, M. Ginisty est un excellent directeur, et
pourtant, il y a à l'Odéon de très nombreuses
bonnes volontés: Mme Tessandier, tragédienne
trop méconnue dont la grande intelligence et
le puissant tempérament ne sont pas assez
souvent mis à contribution, et, autour d'elle,
tant de jeunes femmes qui ne demanderaient
pas mieux que d'interpréter les chefs-d'œu-
vre L.
Que M.Ginistyse rappelle le rôle jouéjadis à
l'Odéon par M. Paul Mounet et qu'il pense à
M. Gorde. La souplesse de cet artiste est capa-
ble de vaincre bien des difficultés. Il a joué
chez Antoine comme à Orange et il est bien ca-
pable d'être un juste Misanthrope après avoir
été un Antony. J'ignore quel est l'avenir de cet
artiste mais il m'a paru, à la matinée de jeudi
dernier, que l'Odéon, bien sombre depuis que
M. de Max en est parti, a enfin trouvé son
JÓJ-;.Ue, l'homme qu'il lui fallait. M. Ginisty,
s'il le veut, peut faire revivre à son cher théâ-
tre les glorieuses soirées romantiques d'antan
où les voix des Frédérick Lemaître, des Ligier,
des Beauvallet clamaient à la. foule éperdue les
vers des poètes aimés. Et alors, comme disait
éloquemment Auguste Dorchain, qui si sou-
vent triompha dans cette maison:
A!ors l'Odéon centenaire
Que la jeunesse régénère,
Sentira le frisson du Beau
Courir dans ses flancs et la houle
Passer sur les fronts de la foule
Comme le vent dans un drapeau.
Ch. ARMERET.
Voir à la Se page
les Dernières Dépâohes
de la nuit
et la Revue des Journaux
du matin
LA MONTAGNE RÉCALCITRANTE
Savez-vous qu'elle est bien drôle et bien ori-
ginale, cette montagne savoyarde qui fait dé-
gringoler des rochers sur la voie ferrée, à No-
tre-Dame de Briançon, lorsqu'elle est seule et
abandonnée à elle-même, et qui ne bouge plus,
ne bronche plus, lorsqu'on la rudoie, lors-
qu'on la bouscule avec des boulets et des obus?
Mardi dernier l'artillerie alpine, en garnison à
Albertville, reçut l'ordre de provoquer la chute
de rochers qui surplombent la voie ferrée, à
Notre-Dame de Briançon, d'une façon par trop
menaçante.
Deux canons furent braqués contre la mon-
tagne et une cinquantaine d'obus chargés de
poudre ordinaire furent lancés sur les rochers.
Oh! n'insultez jamais un gros rocher qui tombe :
Qui sait sous quel canon le pauvre roc succombe?
C'est en ces termes que les officiers s'apprê-
taient à saluer la chute des colosses graniti-
ques — mais ceux-ci restèrent impassibles et
menaçants.
— C'est bon, firent les artilleurs un peu
vexés ; puisque vous méprisez la poudre ordi-
naire, on vous servira demain de la méli-
nite.
Et le lendemain, mercredi, on fit pleuvoir
des obus à la mélinite sur les rochers, qui
continuèrent à ne pas s'émouvoir, à ne pas re-
muer — plus impassibles et plus menaçants
que jamais.
Cette fois les artilleurs, tout à fait découra -
gés, se retirèrent, emportant leurs canons et
jurant leurs grands dieux qu'on ne les y pren-
drait plus à bombarder une montagne aussi
récalcitrante.
— De quoi vous plaignez-vous ? répondit la
montagne à laquelle le vent apporte de nom-
breux journaux. N'êtes-vous pas, en ce mo-
ment, des défenseurs de la liberté à outrance
et quand même? L'un de vos plus fameux
orateurs ne vient-il pas de vous démontrer
que vous deviez accorder aux moines la li-
berté de vous étrangler quand ils le vou-
dront ? Hé bien 1 laissez-moi donc la liberté
d'écraser les trains et les hommes quand bon
me semblera.
G. DE VORNEY.
.———————————— --
ERREUR NE FAIT ?AS COMPTE
-
Il y a quelque temps, l'Administration des
postes avait décidé que les mots «bon voyage »,
« bon retour », «bonne santé », écrits sur le s
cartes postales illustrées constituaient une cor-
respondance particulière, ceux qui les écri-
vaient faisant ainsi connaître qu'ils avaient
accompli un bon voyage, que le retour s'était
bien effectué, que leur santé était bonne et, en
conséquence, ces cartes illustrées ne bénifi-
ciaient plus du tarif des imprimés ou cartes de
visite.
Mieux inspirée et après un nouvel examen
de la question, l'Administration a reconnu
que ces mentions pouvaient tout aussi bien
constituer des vœux et des souhaits en faveur
d'un bon voyage, d'un bon retour, d'une
bonne santé et a décidé que ces mots inscrits
sur les cartes postales illustrées n'empèche-
raient pas ces dernières de circuler au tarif
des cartes de visite.
Dont acte.
VOL DE PLUSIEURS MILLIONS EN RUSSIE
(De notre correspondant particulier)
Saint-Pétersbourg, 19 novembre.
L'enquête sur l'incendie du wagon-poste du
train de Nicolaieff a amené une constatation
stupéfiante. La commission a constaté que le
feu a été mis au wagon après que les incen-
diaires en eurent enlevé trois paquets de bil-
lets de banque représentant au total le chiffre
de 7.400.000 roubles. Un de ces paquets était
destiné au ministère des finances et les deux
autres avaient été adressés à la Banque d Em-
pire.
.——————————— ————————————.
L'EX-REINE NATHALIE
(De notre correspondant particulier)
Belgrade, 19 novembre.
L'ex-reine Nathalie a déclaré à son avocat
qu'elle tenait à séparer de la succession du roi
Alexandre les biens que le roi reçut comme
cadeau national, le lendemain de son mariage
avec Mme Draga Maschine. Elle ajoute qu'elle
renonce à cette partie de l'héritage et par con-
séquent à la propriété de Maydanpek.
LU JOURNEE "*
PARLEMENTAIRE
AU SÉNAT
LA LOI FALLOUX
Après que le Sénat a validé l'élection de M.
Regismanset en Seine-et-Marne et que M. Cho-
vet a déposé un rapport sur les différentes
propositions modifiant la loi sur les accidents
du travail, M. Thézard, rapporteur de la com-
mission, monte à la tribune.
M. Thézard. — La commission maintient ses
résolutions entières. La commission garde toute
sa confiance au cabinet et elle se sépare de lui,
non sur le bit à atteindre, mais sur les moyens à
employer.
L'Université est digne de la confiance des fa-
milles. Nous préférons le système de la commission
qui comporte l'autorisation préalable à celui du
gouvernement qui institue seulement un certain
nombre de garanties.
La commissitn estime imprudent de laisser l'a-
venir de la jeurjesse française à des institutions
aussi fragiles.
Discours de M. Chanmié
Après M. Thtzard, M. Chaumié, ministre de
l'instruction publique, prend la parole :
M. Chaumié. — L'heure n'est plus aux longs
discours,
Quoi qu'en dise la commission, son projet équi-
vaut à l'établissement du monopole.
Le projet du gouvernement exige des diplômes
et, en outre, un certificat d'aptitude qui, respec-
tant la liberté, est os gugô gtsalpw eWaptiiude
à l'enseignement.
Le projet de la cortmission organise l'autorisa-
tion.
D'abord, qui donnera l'autorisation ? Le gouver-
nement, après avis du conseil supérieur, soit !
Mais d'après qui se prononcera le conseil supé-
rieur ?
Il n'aura sous les yeix que les diplômes pro-
duits. Hors de là, il n'aura que des sentiments et
des impressions. Est-ce là une garantie pour les
intéressés, pour le gouvernement lui-même?
Le ministre, tout en rendant justice à l'intégrité
du conseil, estime qu'on ne doit pas lui demander
ce qu'il ne saurait donner. On veut en faire un
tribunal.
Un tribunal est un corps devant qui l'on vient
exposer des arguments et faire des preuves, be
conseil pourra-t-il jamais jouer ce rôle ?
Le système de l'autorisation ne sera pas efficace.
On montrera patte blanche pour être autorisé et,
le lendemain, on tournera. Ainsi fit ce prélat qui
protestait de son dévouement avant d'être nommé
et qui, le lendemain, devint le pire ennemi de la
République. •
M. Leydet. — Ils sont tous comme cela.
M. Chaumié. — S'ils sont tous comme cela,
espérez-vous que leurs pareils vont changer ?
J'estime que, comme je viens de le dire, ils tour-
neront, et comme ils auront reçu l'estampille offi-
cielle, il ne faudra pas s'étonner que les familles
leur envoient leurs fils.
Je crains, qu'en croyant porter un coup au corps
congréganiste, vous ne lui prépariez, au contraire,
un magnifique essor.
Voilà votre système et c'est pour l'instituer que
vous vouliez que nous tournions le dos à notre
idéal de liberté ? Jamais nous n'y consentirons.
(Vifs applaudissements.)
Quand on a la liberté et le droit pour armes, on
ne discute pas, on ne s'en va pas ramasser des
armes de domination ; j'en appelle au Sénat et j'ai
tout espoir dans sa sagesse politique.
Aussi bien, un amendement a été déposé, qui
réunit les noms de MM. Clemenceau, d'Aunay, Le-
comte et Lintilhac. (Rires.)
Cet amendement porte sur l'article 4 du projet
du gouvernement.
N'est-ce pas la preuve que les amis même de la
commission s'attendent à ce que le projet de cette
dernière succombe dès l'article 2.
La victoire de la cause de la liberté nous sem-
ble acquise. (Vifs applaudissements.)
Nous essuyons un lorigdiscours de M.dé La-
marzelle qui discute point par point le dis-
cours de M. Clemenceau. Il délaye abondam
ment les doctrines politico-catholiques et ter-
mine en s'écriant :
— Vous avez beau fermer des écoles, des
couvents, exiler des personnes, vous n'arrive-
rez pas à éteindre la flamme de la foi qui est
plus forte que tout, plus forte même que la
mort. -
C'en est assez pour vous faire comprendre
le ton et les procédés de discussion de M. de
Lamarzelle. Il est très applaudi par la droite.
M. 'Delpech déclare qu'il s'abstiendra sur le
vote relatif au projet de la commission. Il vo-
tera le projet du gouvernement.
L'article 2 du projet de la commission est re-
poussé par 198 voix contre 69.
L'article premier du projet du gouvernement
devient en conséquence l'article 2.
M. Alfred Girard retire son amendement. M.
Maxime Lecomte, qui l'a repris, le retire éga-
lement.
M. Delpech développe son amendement exi-
geant des professeurs la déclaration qu'ils n'ap-
partiennent à aucune congrégation autorisée ou
non.
La commission demande le renvoi de la dis-
cussion pour pouvoir délibérer.
M. ComBes déclare qu'il accepte l'amende-
ment.
! , La discussion est renvôyée à aujourd'hui.
H. D.
A LA CHAMBRE
Le budget des travaux publics
Notons au début de la séance le dépôt d'une
proposition de loi de M. Cadenat autorisant les
conseillers municipaux a s'allouer des iO(]¥i!"
nités.
La proposition est renvoyée à la commis-
sion d'adminisiralion départementale et com-
munale.
M. Empereur obtient de MM. Gervais, rap-
porteur, et Doumer, président de la commis-
sion du budget, l'assurance que le orédii
pour les routes nationales sera relevé l'an pro
chain.
M. Hugon demande que le gouvernement
prenne à-sa charge les frais de rectifications de
roptes dans les montagnes.
M. Gervais lui fait la même promesse qu'à
M. Empereur.
M. Berteaux demande un crédit pour le ra-
chat du pont à péage d:Argenteuii.
M. Maruéjouls « fera le nécessaire 1).
MM. llubbard et Raiberti souhaitent une
augmentation de 800,000 fr. pour continuer la
ligne de Puget-Théniersà Saint-André. dopté.
M. Cuneo d'Ornano critique l'organisation
des chemins de fer de l'Etat.
M. Sibille s'étonne qu'on n'ait pas fait sur le
chemin de fer de l'Etat des essais de traction
électrique.
Le budget des affaires étrangères
M. Paul Deschanel prononce un bon dis-
cours dans la discussion générale du budget
des affaires étrangères. Discours très travaillé,
assurément, et dans lequel l'ancien président
de la Chambre précise avec bonheur un cer-
tain nombre de questions de politique exté-
rieure.
Le discours de M. Paul Deschanel, d'une
forme littéraire très châtiée, est souvent ap-
plaudi jusque sur les bancs de l'extrême gau-
che.
M. Deschanel apprécie comme suit la situa-
tion de l'Angleterre vis-à-vis-de de nous :
M. Descbanel. — Dis 1896, lord Salisbury in-
diquait nettemeut un accord possible entre l'An-
glcterre, la France et la Russie, forment ainsi la
contrepoids, la contrepartie de la Triplice.
Le développement de la puissance maritime do
l'Allemagne, ouvertement dirigée contre l'Angle-
terre, le télégramme de Guillaume Il au président
Krüger en 1896 ont montré à l'Angleterre qu'elle
courrait un jour quelque péril à demeurer isolée.
Les cbpses n'ont point tourné comme' le pensait
M. de Bulow. Depuis vingt ans les rapports de
l'Angleterre et de la Russie se sont détendus et,
,depuis cinq ans, les rapports de la France et de
l'Angleterre se sont complàtement modifiés.
Les causea de conflit dans l'Asie Centrale se sont
atténuées, la question de la Corée, elle même, ne
semble point devoir s'aggraver, les Etats-Unis et
1 A ngIeterM conseillent la prudence et la modéra-
tion au Japon.
En toutes circonstances, les ministres anglais
ont témoigné le désir d'un rapprochement avec la
Russie ; il se peut que servir le maintien de la
paix et les intérêts des deux nations. (Très bien !)
En ce qui concerne les relations de la France et
de r Angleterr si des causes de différends subsis-
tent, leur solution pacifique semble moins difficile
que jamais. (Vifs applaudissements.)
M. Deschanel termine par un instructif ex-
posé de la position actuelle de la question
d'Orient.
La suite de la discussion est renvoyée à au-
jourd'hui.
H. D.
Le scrutin municipal de Paris
La représentation proportionnelle i
La section de la Folie-Méricourt (11' arr.) de
la Ligue des droits de l'homme et du citoyen
a voté un vœu invitant le président du conseil
Sinistre de l'intérieur, à présenter d'urgence,
et en tout cas dès le-vote du budget, un projet
de loi répartissant plus équitablement le mode
de votation dans Paris, au point de vue muni-
cipal.
La section trouve absolument antirépubli-
cain et contraire aux droits du suffrage uni-
versel, le mode actuel qui donne la même re-
présentation à tous les' quartiers, qu'ils aient
peu ou beaucoup d'habitants.
Nous sommes de cet avis. Il n'est pas admis-
sible qu'un quartier qui compte cent mille ha,.
bitants n'ait qu'un seul conseiller municipat,
tout comme un quartier qui ne possède qu»
vingt mille habitants.
Tous les républicains appuieront un projet
qui donnera une représentation proportion-
nelle et augmentera le nombre des conseillers
de chaque quartier, suivant la population.
Le scrutin uninominal
Il ne s'ensuit pas que l'on puisse faire dès
maintenant la réforme réclamée depuis si
longtemps par les républicains, et dont on
s'occupe beaucoup en ce moment,savoir: rem-
placer le scrutin actuel par un scrutin de liste
par arrondissement ou par grandes sections.
Nous peusons que cette réforme doit être
ajournée. Le scrutin de liste pour le Conseil
municipal ne pourra que suivre le scrutin dei
liste nour la dénutation.
Aujourd'hui, une question de haute mora-
lité s'oppose à la suppression du scrutin mu-
nicipal uninominal. C'est avec ce scrutin que
les nationalistes ont surpris la bonne foi des
Parisiens en 1900. Ils se sentent 'perdus de-
vant leurs électeurs. Ce n'est pas à nous àdon-
ner une explication, une raison à leur défaite.
Déjà, comme un chacal, Dausset renifle le
siège du réactionnaire Despatys à qui son état
de santé no permettra pas de se représenter.
Dausset n'osera pas revenir devant les électeurs
du 3e arrondissement qu'il a dupés.
Il ira se faire battre à la place Vendôme, à
l'ombre du petit Caporal.
Comme il serait également battu au scrutin
de liste, avec tous ses congénères en nationa-
lisme, il ne manquerait pas de dire que les ré-
publicains ont changé la mode devotation pour
reconquérir Paris.
Ils le reconquerront, au scrutin uninominal,
par la force de l'idée républicaine.
Après la victoire, nous verrons s'il y a lieu
de changer de scrutin.
———————————— ————————————- T
LES CONSPIRATIONS EN BULGARIE
(De notre correspondant ptlrtfatZIIrJ
Sofia, 19 novembre.
A l'occasion de l'expulsion d'Alexandre
Weissmann, le fameux agent provecateur rus-
se, on a saisi de nombreux documents dont la,
Wetssherna Poschta vient de commencer la pu-,
blication. Il en ressort que des officiers supé-:
rieurs et quelques hommes politiques auraient.
préparé la destitution du prince Ferdinand.
—————————— » ■
LA « ROULOTTE-ÉCOLE » DES FORAINS
A la mairie de Montmartre. — Des
explications qui feront plaisir à ,
Mlle Bonnefoy.
Ainsi que l'écrivait hier G. de Vorney, dans
son filet : Iloulotte-Ecole, la directrice de l'é-
cole ambulante, accompagnant les forains no-
mades dans leurs pérégrinations, Mlle Bonne-
foy n'est pas contente et continue à exhaler
ses lamentations dans les journaux unique-
ment nationalistes. Pourtant, les « vilaines ta-
quineries » dont se plaint l'excellente demoi-
selle nous semblent se résumer à bien peu de
chose. Elles pourraient même à vrai dire
n'exister que dans son imagination. Nous nous
sommes fait un devoir d'élucider cette ques-
tion. et nous avons d'ores et déjà la certitude
que dans l'illcidnt soulevé, il n'y a vraiment
pas de quoi fouMtor un chat. ^*
A la mairie du 1$' arrondissement; en l'ab-
sonce de M. Douillet, chargé de présider au
placement dos forains en l'absence de M. Pu-
geault, le distingué maire de Montmartre,
nous avons demandé quelques renseignements
sur la question à M. Roger, secrétaire de la
caisse des écoles, pris à.partie directement par
certain de nos confrères :
— Mlle Bonnefoy a vraiment tort de récriminer,
nous déclare M. Rog-er, car il ne s'agit guère que
d'un malentendu. Nos emplacements pour notre
fûte foraine sont en principe sérieusement réduits
par suite de l'installation du viaduc du Métropoli-
tain. Or, tandis que tes forains étaient placés de-
puis le mardi, je reus,dans la journée de samedi,
la visite de l'adjointe de Mlle Bonnefoy, qui ma
demanda de bien vouloir lui désigner un empla..
cernent pour la « roulotte-école ». Je ne pus que faire
remarquer à l'envoyée qu'il ne me restait plus au-
cun emplacement disponible, mais que néanmoins,
si Mlle Bonnefoy voulait bien se placer sur le terre-
plein, à la hauteur de la ruo Lepic : elle était ab-
solument libre. Sur cs mots, l'adjointe de Mlla
Bonnefoy prit congé et je n'entendis plus parler
de rien. Ce ne fut que quelques jours plus tard,
que j'appris incidemment que la roulotte était ga-
rée à la hauteur de la rue de la Chapelle.
Voici les faits dans leur plus stricte exactitude,
et je mets Mlle Bonnefoy dans l'impossibilité ab-
solue de me contredire. Que si elle persiste d'ail-
leurs dans la campagne qu'elle semble vouloir
mener contre la Caisse des Ecoles de notre arron-
dissement, je compte solliciter et de la munici-
palité et de mon administration l'autorisation de
convoquer les forains et de m'expliquer devant
eux avec Mlle Bonnefoy, avec autant de netteté
que de courtoisie.
Et qu'elle ne prétende pas insinuer que Mont-
martre est hostile à son œuvre, parce qu'elle a un ;
crucifix aux parois,de sa roulotte. Nous nous in-
quiétons si peu de cela,que la plupart de ses élèves,
dont les parents habitent Montmartre, fréquentent ,
durant la mauvaise saison nos écoles communales,
pour reprendre leur vol dès les premiers beaux
jours. Pendant ce temps, d'ailleurs, les roU",
1
', ".:.:: ,:. ;, çV- y.
prs A DGPÂHTEWErira
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De 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
No 12307, - Samedi 21' Novembre JL903,
29 BRUMAIRE AN 112
ADMINISTRATION : 14, rue du Mail
1dreuer lettres et mandats à l'Administrateur
L échéance du 30 novembre étant une des
plus considérables de l'année, nous prions les
personnes dont l'abonnement expire à cette
date d'envoyer, dès à présent, avec la
dernière bande, le montant de leur renou-
vellement à l'Administrateur de notre jour
nal, 44, rue du Mail.
- On peut également s'abonner sans frais
dans tous les bureaux de poste.
NOS LEADERS
A propas fi mariage
Un ancien député républicain vient
de marier sa fille. Elle a voulu faire
consacrer son mariage à l'Eglise et le
père y a consenti. Peut-être d'ailleurs
sa résistance eût-elle été vaine, si la
jeune personne avait atteint sa majo-
rité. Là-dessus les cléricaux prennent
le père à partie et l'accusent d'incon-
séquence. Quoi ! un ancien député an-
ticlérical laisse contracter une union
religieuse dans sa famille ! Quelle con-
tradiction étrange et qui démontre
combien sont chancelantes certaines
convictions austères !
.**
Quelques-uns de nos amis ont pu
subir, dans un autre ordre d'idées, les
mêmes impressions. Il nous semble
que la question mérite d'être exami-
née de près. Libres-penseurs, nous
sommes pour la liberté de la pensée
et, sous la réserve des lois, pour la li-
berté des actions qui en sont la consé-
quence. Nous n'entendons nullement
: substituer une intolérance laïque à
une intolérance congréganiste. L'hom-
me, agissant lui-même, pourrait être
blâmé pour ses actes, blâmé sévère-
ment si ses actes sont antagoniques à
: ses principes, mais s'il respecte en les
- siens, arrivés à l'âge du plein discer-
nement, la liberté de conscience qu'il
entend faire énergiquement respecter
en lui, il est conséquent avec ses prin-
cipes.Les cléricaux peuvent gloser au-
tour ; ils ne feront prendre le change
à personne.
Tant que l'enfant est encore dans sa
première jeunesse, l'impulsion au sein
de la famille est donnée par le père
et aussi, ne l'oublions point, par la
mère, qui a prodigué son sang à son
fils, son lait; qui l'a entouré de soins,
qui a veillé sur ses premiers pas, alors
que le labeur quotidien appelait le père
au dehors. Toutefois, au cours de cette
période où l'intelligence de l'enfant est
encore hésitante, les responsabilités
appartiennent aux parents. Rien de
mieux. -
Mais l'enfant a grandi. Il est sorti de
la famille par l'enseignement. Sa per-
sonnalité s'est affirmée. Il sait ce qu'il
veut et pourquoi il le veut. Ses idées
sur bien des points se modifieront sans
doute. La vie tout entière n'est qu'un
long et incessant enseignement. Un
homme d'une grande sagesse et d'une
grande expérience des hommes et des
choses, Franklin, avait coutume de
dire, quand il exprimait sa pensée sur
certains sujets importants : « Je pense
actuellement ainsi. Je dis actuellement,
car j'ai maintes fois éprouvé que les
idées qui me paraissaient justes un jour
étaient erronées le lendemain. » Nous
vivons, nous lisons, nous étudions les
- événements et les hommes pour con-
firmer les vérités qui sont en ixous,
certes, mais aussi pour détruire les er-
reurs que nous portons avec nous-
mêmes. C'est la tâche permanente.
Si donc nos opinions se modifient
par la réflexion et l'expérience, quelle
en est la conséquence ? C'est que nous
ne pouvons pas figer à un certain degré
les idées que nous voyons s'agiter au-
tour de nous ; que nous ne pouvons
pas imposer à nos enfants nos opinions
et nos dogmes, pas plus que nous n'a-
vons admis nos pères à nous imposer
les leurs. Le respect dans la famille
peut se concilier sans effort avec l'in-
dépendance des opinions individuelles.
Il est pénible parfois au père qui
compte se survivre en ses enfants, et
se survivre non seulement en chair et
en os, mais en intelligence et en doc-
trine ; il lui est, dis-je, souvent péni-
ble de rencontrer la contradiction à
son foyer ; de voir son fils lui échap-
per et combattre les doctrines qui lui
sont chères. Va-t-on lui reprocher ce-
pendant de ne pas avoir asservi cette
jeune intelligence à la sienne?
***
i Que les cléricaux suivent, s'ils le
veulent, et à la lettre, le mot de Pas-
cal. Qu'ils s'efforcent de noyer dans
l'eau bénite tous les doutes et toutes
les velléités d'indépendance. Ennemis
du libre examen, qu'ils le chassent de
leur famille ; qu'ils fassent appel à
l'autorité paternelle pour établir, de
père en fils, au détriment de la tolé-
tance et de la liberté de conscience, la;
perpétuité de la foi. Ils sont logiques.
Mais qu'ils se dispensent de nous faire
la leçon. Nous ne parlons pas le même
langage et ne saurions nous compren-
dre. Nous respectons la liberté de cons-
cience de ceux qui nous sont soumis
comme nous entendons faire respec-
ter la nôtre. Et ce qui nous est parti-
culièrement odieux dans le cléricalisme,
c'est qu'il n'est et ne saurait être que
l'intolérance. Intolérance gouverne-
mentale, intolérance paternelle, peu
nous importe. Nous ne voulons prati-
quer ni l'une ni l'autre.
Louis Martin.
LE DISCOURS DE CLEMENCEAU
Clemenceau, en prononçant le
discours que nous avons analysé
et dont on est unanime à recon-
naître l'incomparable beauté de
forme, savait qu'il se séparait
dé quelques-uns de ses - amis de
1 extrême-gauche4 11 devait donc s attendre
à ce que ses paroles fussent âprement cri-
tiquées.
Je gage cependant qu'il est surpris du
ton que se permettent certains de ceux qui
entreprennent de le juger.
Que chacun apprécie à sa guise la thèse
développée si brillamment par le sénateur
du Var, je n'y trouve rien à redire. Mais la
plus entière liberté d'appréciation n'auto-
rise pas des polémistes — parmi lesquels
j'entrevois d'anciens boulangistes - à ou-
blier les énormes services rendus par Cle-
menceau à la République et sa longue car-
rière de démocrate.
Clemenceau a vu des orages autrement
dangereux que celui que son discours a fait
fondre sur lui. Il sourira et continuera son
œuvre. Tant pi* àour ceux qui se déconsi-
déreront en oubliant le respect qu'ils doi-
vent à l'un des plus glorieux vétérans de
notre parti.
Quant au fond même du discours de
Clemenceau, je n'hésite pas à dire que je le
trouve aussi beau et aussi juste que la
forme.
En somme, la doctrine exposée par le
grand orateur, c'est celle de la tradition ré-
publicaine. M. de Lamarzelle s'indignait
hier parce qu'on voulait voir une antino-
mie entre les termes de « catholique » et de
« français». Avec bien plus de raison, nous
nous indignons contre ceux qui veulent
créer une antinomie entre les mots de « Ré-
publique » et de « Liberté ».
Oui, tel a été le plan de tous les hom-
mes de Révolution depuis deux siècles :
grandir l'homme, lui accorder le maximum
d'indépendance et de responsabilité, lui
donner comme devoir un magnifique effort
à accomplir pour atteindre à plus de
dignité — et aussi à plus de bien-être.
Je ne sais pas de pensée plus noble, plus
généreuse, plus élevée — ni plus féconde.
- Ch. B.
LE MONDE OU L'ON S'AMUSE
On se rappelle qu'il y a quelque temps, les
journaux réactionnaires insérèrent tous une
note aux termes de laquelle les gens bien pen-
sants étaient invités à s'abstenir de toute mani-
festation joyeuse. Le monde comme il faut de-
vait porter consciencieusement le deuil des
congrégations. Plus de fêtes, plus de divertis-
sements, plus de dîners, plus de cotillons.
L'argent économisé par cette sainte abstention
était destiné à aller grossir le trésor de guerre
des élections prochaines.
Il semble bien que le mot d'ordre ainsi don-
né n'ait pas été suivi. On continue à s'amuser
dans les somptueux salons, on bostonne avec
fureur. Ouvrez un journal élégant ; vous y
voyez le récit de brillants fwe o'clock et de soi-
rées merveilleuses, où les bijoux, les fleurs et
les lumières rivalisent d'éclat. On jette l'ar-
gent par toutes les fenêtres, on fait étalage du
luxe le plus raffiné,et des thuriféraires à gages
vantent la grâce des toilettes et la fraîcheur des
valseuses.
L'Echo de Paris a relaté dernièrement une
des plus jolies fêtes de la saison automnale,
donnée la semaine dernière. Il y eut comédie,
musique bal costumé, valses chantées, soupers
par petites tables. L'animation et la joie ré-
gnait partout, bref rien n'a manquéà la splen-
deur delà réception. - h -
Mais voici que la Libre Parole se met en co-
lère. Il lui déplait de voir tourbillonner de
jeunes couples enlacés, parés de nuances écla-
tantes, de diamants, de particules et de cou-
ronnes princières. Elle flétrit ces orgies d'aris-
tocrates « auxquelles les gémissements des
vieillards et des enfants jetés à la rue, les
pleurs des petites sœurs condamnées à l'exil
servent de repoussoir ».
La Libre Par oie a tort. Voyons 1 A-t-elle pu
s'imaginer sérieusement que l'application de
la loi sur les congrégations allait empêcher de
dormir ou plutôt de veiller les jolies comtesses
et leurs galants cavaliers? Comment, .ils sont
déjà privés de leurs moines et de leurs nonnes,
et il faudrait qu'ils se privassent aussi de plai-
sirs par dessus le marché !
Ce serait trop à la fois, plus que n'en pour-
raient supporter les frêles créatures aux mains
blanches qui fréquentent avec la même fer-
veur et la même assiduité, le confessionnal où
l'on chuchotte l'après-midi, et le bal où l'on
flirte le soir.
Et voilà pourquoi il est tout naturel qu'elles
envoient promener les professeurs d'austérité,
et qu'elles leur fassent les cornes, s'ils se re-
biffent. — Léonce Armbruster.
♦ ■■ ■
UN PRÉTENDU COMPLOT
Contre le président de la République
Helvétique.
iDe notre correspondant particulier)
Lugano, 19 novembre.
Les autorités suisses viennent d'établir la
preuve que le fameux complot en vue d'assas-
siner le président de la République fédérale
n'est qu'une mystification imaginée par Con-
Uni dans le but de tirer de l'argent de la police
politique de Berne.
Contini a fait, il n'y a pas longtemps, de la
prison à Palerme.
00
LES SOUFFRANCES DE UEX-PRINCESSE DE SAXE
(De notre correspondant partidMeri
Munich, 19 novembre.
il y a quelques semaines, le prince héritier
de Saxe reçut une lettre confidentielle qui lui
révéla que son ancienne épouse avait mené
dans le château de Ronno une existence peu
agréable. Elle y avait été traitée en prison-
nière et y était littéralement séquestrée. Les
lettres qui lui furent adressées subirent une
censure très sévère.
C'est ce traitement imposé à l'ex-princesse
qui explique suffisamment la tentative de
celle ci de sauter par la fenêtre, incident dont
le Rappel a déjà rendu compte. Le prince hé-
ritier de Saxe ayant été mis au courant de ces
faits, prit immédiatement des dispositions pour
que l'ex-princesse quittât le château de Ronno.
Cette intervention a fait renaître le bruit
d'une prochaine réconciliation du prince avec
la comtesse Montignoso.
l, A L'ODEON
MM. Ginisty et Antoine. — Réformes.
- Le répertoire et les interprètes.
- Un tragédien. — M. Gorde.
— L'avenir de l'Odéon.
Après le renouvellement du privilège de M.
Ginisty, on aurait pu croire que la question
dite odéonienne était close, du moins pour
cinq ans. Pas du tout. A son retour d'Améri-
que, M. Antoine, candidat malheureux à la di-
rection de l'Odéon, lit dans le rapport de M.
Massé, rapporteur à la Chambre du budgetdes
Beaux-Arts.qu'on lui impute le tort de n'avoir
point présenté de programme à l'appui de sa
candidature; M. Antoine riposte, puis a avec
M. Massé une longue entrevue, entrevue au
cours de laquelle n'a pas jailli la lumière.
D'une lettre de M.Antoine, rendue publique, il
ressort toutefois que cet artiste n'a pas cessé de
briguer le privilège du second Théâtre-Fran-
çais, ou plus exactement qu'il le briguera dès
qu'il s'agira de renouveler celui dont jouit M.
Ginisty.
Un duel
On peut donc dire, de la question de l'Odéon,
qu'elle est latente ; mais elle ne se résume pas
tout entière dans cette rivalité de MM. Ginisty
et Antoine. Les deux candidats, à divers titres
éminents, voulaient tous deux une résurrection
de l'Odéon. Mais le premier avait l'avantage
de l'avoir déjà commencée avec la pièce de
Tolsioï ; le second avait le tort de traîner à sa
suite sa renommée d'artiste révolutionnaire et
de directeur passablement intransigeant. Dans
l'histoire de l'art dramatique européen — il
serait inexact de dire français — la place dè -
- M. Antoine sera fort imoortante. S'il a intro-
duit au théâtre de très heureuses réformes en ce
qui concerne la scène proprement dite, il a
aussi introduit et mis à la mode en France le
goût du septentrionalisoië qui déjà s'efface et
créé le mouvement du théâtre libre qui fut, en
son temps, le triomphe de la décadence anar-
chique. En posant sa candidature à l'Odéon,
M. Antoine n'abandonnait rien d'ailleurs de sa
fougue passée, puisqu'il proposait entre temps
une réforme qui n'est pas loin d'être une héré-
sie artistique ; il proposait de faire interpréter
les tragédies grecques, orientales ou romaines
de Racine et de Corneille en costumant les ac-
teurs suivant les modes du 17e siècle.
De son côté M. Ginisty ne manquait pas
d'ennemis. Durant cinq années d'administra-
tion, un directeur a eu le temps d'évincer bon
nombre d'auteurs et d'indisposer beaucoup
d'artistes. Mais les attaques et les assauts
qu'on lui livra comntèrent peu quand l'on
considéra qu'il serait difficile de rencontrer
un lettré d'opinions plus modérées et égale-
ment amies de toutes les tentatives d'art di-
gnes du théâtre. Délicat romancier, spirituel
chroniqueur, M. Ginisty parut être l'homme
d'esprit et de goût qu'il fallait à l'Odéon. On
y est sollicité par de jeunes auteurs, on y di-
rige de jeunes acteurs — à part quelques an-
cestrales exceptions — néanmoins il faut pren-
dre garde d'effaroucher les conseillers du
théâtre, qui sont d'apparence sévère puisque
MM. Brunetière, de Hérédia et Paul Hervieu
sont de cet aréopage.
Mais la question odéonienne n'est pas close.
Car les réformes que pourrait faire M. Ginisty
n'ont pas cessé d'être urgentes et sans doute
sont-elles plus opportunes que celles proposées
par M. Antoine.
Auteurs et acteurs
M. Ginisty fut très habile en faisant de l'O-
déon, pour prévenir les desseins de M. An-
toine, le concurrent du théâtre Antoine ; car
au moment du renouvellement du privilège,
on ne manqua pas de remarquer que l'Odéon
pouvait, à l'occasion, se tirer d'aussi belle fa-
çon de l'interprétation d'un mélodrame russe
que le théâtre Antoine. C'était là, pour ouvrir
et clore aussitôt le duel, un coup digne de Jar-
nac ; mais ce n'aurait dû être qu'un jeu. M.
Ginisty en fait un programme. Non content
d'emprunter à M. Antoine ses acteurs pour les
lui opposer — MM. Dumény, Gémier, Jan-
vier, Kemm — il lui oppose un répertoire pro-
che parent du sien. C'est une concurrence ou-
verte et déclarée, car Résurrection et Wania et
l'Idiot sont davantage du goût du boulevard
de Strasbourg que de celui de la rive gauche.
Je crois que l'intérêt de M. Ginisty n'est
pas de nous donner ce que nous donne déjà
le théâtre Antoine, qui a ses zélateurs et qui
les garde. L'intérêt de M. Ginisty est de conti-
nuer à faire de l'Odéon ce que M. Antoine
n'aurait pu en faire, car il s'y refusait : je
veux dire un théâtro national. Le mot est
inscrit sur le fronton de l'édifice. Et il ne si-
gnifie pas seulement que ce théâtre jouit
d'une subvention de l'Etat, il veut dire que ce
théâtre se doit de sauvegarder lè patrimoine
d'art national et de travailler à la grandeur de
Y art français. Que dirait-on d'un musée na-
tional qui remiserait au grenier Poussin et
Delacroix ou dans les caves Puvis de Chavan-
nes ou Hébert pour offrir les salles d'honneur
à de Quelconques Bœrcklia.
C'est un peu le cas qu'on fait a l'Odéon do la
littérature française. Le répertoire de l'Odéon,
c'est depuis Le Mariage de Figaro, Amy Rob~
sart, les Erynnks, Pour la Couronne ju.iqu à
Y Artésienne et tant d'autres œuvres que j'ou-
blie, le drame et la comédie vivante qui par-
lent au cœur d'un jeune et enthousiaste public
par la voix de valeureux acteurs. On chasse-
rait de l'Odéon le vaudeville pour y instaurer
le drame moderne en prose dont M. Hervieu a
donné dans plusieurs œuvres la formule sobre
et saisissante, que personne ne s'en plaindrait,
pas même le caissier du théâtre. Si au lieu de
pièces taillées sur le mode ibsénien — je veux
parler des Appeleurs — on y représentait de
ces œuvres claires et éclatantes qui assurent un
continu succès au théâtre Sarah-Bernhardt, on
aurait bien mérité de l'art dramatique qui est
dans les traditions de ce pays.
Reste la tragédie. Il est difficile à l'Odéon
de lutter, sur ce terrain,avec la Comédie-Fran-
çaise. Mais il ne peut s'agir, entre eux, de
lutte. Il s'agit seulement d'entente. J'écrivais
ici, il y a un mois: «On ne joue pas la tragédie
à l'Odéon. parce que l'Odéon n'a pas de tragé-
aiens». Depuis un mois il y en a un, et il a
assez de talent et il est assez jeune pour sup-
porter à lui seul tout le poids du répertoire
tragique. C'est M. Gorde. Pour l'instant, il
est Polyeucte, mais il peut être l'Orestede
Racine et celui des Ery unies, il peut être Ho-
race, Cinna, Néron, Achille, Joad.
M. Gorde et l'Odéon
Do cet artiste nous savons seulement que
c'est un ancien avocat qui lâcha le barreau
pour la scène, qu'il est tout jeune, qu'il' joua,
avec succès, chez Antoine, à l'OEuvre et à
Orange, à côté de Mounet-Sully et de Paul
Mounet dont il fut l'élève et qu'il l'emporta
cetteannéele 1" prix de tragédie au (Conserva-
toire; nous savons surtout qu'il nous donna
récemment pour ses débuts à l'Odéon un ad-
mirable Polyeucfe,qu'il nous le restitua plutôt,
car lesdiverses interprétations de ce rôle furent
paradoxales, un Polyeucte illuminé de la grâce
un fanatique plein de beauté et de force, de
franchise et de sublimité. Pour être ce Po-
lyeucte là, il faut de la spontanéité géniale,
et de très grandes qualités plastiques et voca-
les, il faut aussi de l'érudition, conditions ra-
res à rencontrer à la fois chez un acteur. Chez
r M. Gorde, elles s'associent pour former un
parfait ensemble. Or, puisque M. Gorde a rem-
porté un grand succès dans Polyeucte, pour-
quoi borner ce succès à une ou deux représen-
tations?
C'est qu'il y a à l'Odéon des traditions et
non une tradition. La tradition, c'est la tradi-
tion classique qui assure le maintien de cer-
tains principes d'art ; les traditions, ce sont
celles de M. Albert Lambert père ou autres,
c'est la médiocrité et la routine. Il est énormé-
ment réjouissant de penser que le soin de mon-
ter la tragédie est dévolu à M. Albert Lambert
père, cet Arcas ou ce Théramène, assisté d'un
acteur qui peut révéler de réelles qualités
dans le drame mais qui n'est pas un tragédien,
M. Dorival. Le nouveau venu qui s'aventure
dans un milieu pareil est aussitôt dévoré par la
jalousie et le cabotinisme ambiants. Et pour-
tant, M. Ginisty est un excellent directeur, et
pourtant, il y a à l'Odéon de très nombreuses
bonnes volontés: Mme Tessandier, tragédienne
trop méconnue dont la grande intelligence et
le puissant tempérament ne sont pas assez
souvent mis à contribution, et, autour d'elle,
tant de jeunes femmes qui ne demanderaient
pas mieux que d'interpréter les chefs-d'œu-
vre L.
Que M.Ginistyse rappelle le rôle jouéjadis à
l'Odéon par M. Paul Mounet et qu'il pense à
M. Gorde. La souplesse de cet artiste est capa-
ble de vaincre bien des difficultés. Il a joué
chez Antoine comme à Orange et il est bien ca-
pable d'être un juste Misanthrope après avoir
été un Antony. J'ignore quel est l'avenir de cet
artiste mais il m'a paru, à la matinée de jeudi
dernier, que l'Odéon, bien sombre depuis que
M. de Max en est parti, a enfin trouvé son
JÓJ-;.Ue, l'homme qu'il lui fallait. M. Ginisty,
s'il le veut, peut faire revivre à son cher théâ-
tre les glorieuses soirées romantiques d'antan
où les voix des Frédérick Lemaître, des Ligier,
des Beauvallet clamaient à la. foule éperdue les
vers des poètes aimés. Et alors, comme disait
éloquemment Auguste Dorchain, qui si sou-
vent triompha dans cette maison:
A!ors l'Odéon centenaire
Que la jeunesse régénère,
Sentira le frisson du Beau
Courir dans ses flancs et la houle
Passer sur les fronts de la foule
Comme le vent dans un drapeau.
Ch. ARMERET.
Voir à la Se page
les Dernières Dépâohes
de la nuit
et la Revue des Journaux
du matin
LA MONTAGNE RÉCALCITRANTE
Savez-vous qu'elle est bien drôle et bien ori-
ginale, cette montagne savoyarde qui fait dé-
gringoler des rochers sur la voie ferrée, à No-
tre-Dame de Briançon, lorsqu'elle est seule et
abandonnée à elle-même, et qui ne bouge plus,
ne bronche plus, lorsqu'on la rudoie, lors-
qu'on la bouscule avec des boulets et des obus?
Mardi dernier l'artillerie alpine, en garnison à
Albertville, reçut l'ordre de provoquer la chute
de rochers qui surplombent la voie ferrée, à
Notre-Dame de Briançon, d'une façon par trop
menaçante.
Deux canons furent braqués contre la mon-
tagne et une cinquantaine d'obus chargés de
poudre ordinaire furent lancés sur les rochers.
Oh! n'insultez jamais un gros rocher qui tombe :
Qui sait sous quel canon le pauvre roc succombe?
C'est en ces termes que les officiers s'apprê-
taient à saluer la chute des colosses graniti-
ques — mais ceux-ci restèrent impassibles et
menaçants.
— C'est bon, firent les artilleurs un peu
vexés ; puisque vous méprisez la poudre ordi-
naire, on vous servira demain de la méli-
nite.
Et le lendemain, mercredi, on fit pleuvoir
des obus à la mélinite sur les rochers, qui
continuèrent à ne pas s'émouvoir, à ne pas re-
muer — plus impassibles et plus menaçants
que jamais.
Cette fois les artilleurs, tout à fait découra -
gés, se retirèrent, emportant leurs canons et
jurant leurs grands dieux qu'on ne les y pren-
drait plus à bombarder une montagne aussi
récalcitrante.
— De quoi vous plaignez-vous ? répondit la
montagne à laquelle le vent apporte de nom-
breux journaux. N'êtes-vous pas, en ce mo-
ment, des défenseurs de la liberté à outrance
et quand même? L'un de vos plus fameux
orateurs ne vient-il pas de vous démontrer
que vous deviez accorder aux moines la li-
berté de vous étrangler quand ils le vou-
dront ? Hé bien 1 laissez-moi donc la liberté
d'écraser les trains et les hommes quand bon
me semblera.
G. DE VORNEY.
.———————————— --
ERREUR NE FAIT ?AS COMPTE
-
Il y a quelque temps, l'Administration des
postes avait décidé que les mots «bon voyage »,
« bon retour », «bonne santé », écrits sur le s
cartes postales illustrées constituaient une cor-
respondance particulière, ceux qui les écri-
vaient faisant ainsi connaître qu'ils avaient
accompli un bon voyage, que le retour s'était
bien effectué, que leur santé était bonne et, en
conséquence, ces cartes illustrées ne bénifi-
ciaient plus du tarif des imprimés ou cartes de
visite.
Mieux inspirée et après un nouvel examen
de la question, l'Administration a reconnu
que ces mentions pouvaient tout aussi bien
constituer des vœux et des souhaits en faveur
d'un bon voyage, d'un bon retour, d'une
bonne santé et a décidé que ces mots inscrits
sur les cartes postales illustrées n'empèche-
raient pas ces dernières de circuler au tarif
des cartes de visite.
Dont acte.
VOL DE PLUSIEURS MILLIONS EN RUSSIE
(De notre correspondant particulier)
Saint-Pétersbourg, 19 novembre.
L'enquête sur l'incendie du wagon-poste du
train de Nicolaieff a amené une constatation
stupéfiante. La commission a constaté que le
feu a été mis au wagon après que les incen-
diaires en eurent enlevé trois paquets de bil-
lets de banque représentant au total le chiffre
de 7.400.000 roubles. Un de ces paquets était
destiné au ministère des finances et les deux
autres avaient été adressés à la Banque d Em-
pire.
.——————————— ————————————.
L'EX-REINE NATHALIE
(De notre correspondant particulier)
Belgrade, 19 novembre.
L'ex-reine Nathalie a déclaré à son avocat
qu'elle tenait à séparer de la succession du roi
Alexandre les biens que le roi reçut comme
cadeau national, le lendemain de son mariage
avec Mme Draga Maschine. Elle ajoute qu'elle
renonce à cette partie de l'héritage et par con-
séquent à la propriété de Maydanpek.
LU JOURNEE "*
PARLEMENTAIRE
AU SÉNAT
LA LOI FALLOUX
Après que le Sénat a validé l'élection de M.
Regismanset en Seine-et-Marne et que M. Cho-
vet a déposé un rapport sur les différentes
propositions modifiant la loi sur les accidents
du travail, M. Thézard, rapporteur de la com-
mission, monte à la tribune.
M. Thézard. — La commission maintient ses
résolutions entières. La commission garde toute
sa confiance au cabinet et elle se sépare de lui,
non sur le bit à atteindre, mais sur les moyens à
employer.
L'Université est digne de la confiance des fa-
milles. Nous préférons le système de la commission
qui comporte l'autorisation préalable à celui du
gouvernement qui institue seulement un certain
nombre de garanties.
La commissitn estime imprudent de laisser l'a-
venir de la jeurjesse française à des institutions
aussi fragiles.
Discours de M. Chanmié
Après M. Thtzard, M. Chaumié, ministre de
l'instruction publique, prend la parole :
M. Chaumié. — L'heure n'est plus aux longs
discours,
Quoi qu'en dise la commission, son projet équi-
vaut à l'établissement du monopole.
Le projet du gouvernement exige des diplômes
et, en outre, un certificat d'aptitude qui, respec-
tant la liberté, est os gugô gtsalpw eWaptiiude
à l'enseignement.
Le projet de la cortmission organise l'autorisa-
tion.
D'abord, qui donnera l'autorisation ? Le gouver-
nement, après avis du conseil supérieur, soit !
Mais d'après qui se prononcera le conseil supé-
rieur ?
Il n'aura sous les yeix que les diplômes pro-
duits. Hors de là, il n'aura que des sentiments et
des impressions. Est-ce là une garantie pour les
intéressés, pour le gouvernement lui-même?
Le ministre, tout en rendant justice à l'intégrité
du conseil, estime qu'on ne doit pas lui demander
ce qu'il ne saurait donner. On veut en faire un
tribunal.
Un tribunal est un corps devant qui l'on vient
exposer des arguments et faire des preuves, be
conseil pourra-t-il jamais jouer ce rôle ?
Le système de l'autorisation ne sera pas efficace.
On montrera patte blanche pour être autorisé et,
le lendemain, on tournera. Ainsi fit ce prélat qui
protestait de son dévouement avant d'être nommé
et qui, le lendemain, devint le pire ennemi de la
République. •
M. Leydet. — Ils sont tous comme cela.
M. Chaumié. — S'ils sont tous comme cela,
espérez-vous que leurs pareils vont changer ?
J'estime que, comme je viens de le dire, ils tour-
neront, et comme ils auront reçu l'estampille offi-
cielle, il ne faudra pas s'étonner que les familles
leur envoient leurs fils.
Je crains, qu'en croyant porter un coup au corps
congréganiste, vous ne lui prépariez, au contraire,
un magnifique essor.
Voilà votre système et c'est pour l'instituer que
vous vouliez que nous tournions le dos à notre
idéal de liberté ? Jamais nous n'y consentirons.
(Vifs applaudissements.)
Quand on a la liberté et le droit pour armes, on
ne discute pas, on ne s'en va pas ramasser des
armes de domination ; j'en appelle au Sénat et j'ai
tout espoir dans sa sagesse politique.
Aussi bien, un amendement a été déposé, qui
réunit les noms de MM. Clemenceau, d'Aunay, Le-
comte et Lintilhac. (Rires.)
Cet amendement porte sur l'article 4 du projet
du gouvernement.
N'est-ce pas la preuve que les amis même de la
commission s'attendent à ce que le projet de cette
dernière succombe dès l'article 2.
La victoire de la cause de la liberté nous sem-
ble acquise. (Vifs applaudissements.)
Nous essuyons un lorigdiscours de M.dé La-
marzelle qui discute point par point le dis-
cours de M. Clemenceau. Il délaye abondam
ment les doctrines politico-catholiques et ter-
mine en s'écriant :
— Vous avez beau fermer des écoles, des
couvents, exiler des personnes, vous n'arrive-
rez pas à éteindre la flamme de la foi qui est
plus forte que tout, plus forte même que la
mort. -
C'en est assez pour vous faire comprendre
le ton et les procédés de discussion de M. de
Lamarzelle. Il est très applaudi par la droite.
M. 'Delpech déclare qu'il s'abstiendra sur le
vote relatif au projet de la commission. Il vo-
tera le projet du gouvernement.
L'article 2 du projet de la commission est re-
poussé par 198 voix contre 69.
L'article premier du projet du gouvernement
devient en conséquence l'article 2.
M. Alfred Girard retire son amendement. M.
Maxime Lecomte, qui l'a repris, le retire éga-
lement.
M. Delpech développe son amendement exi-
geant des professeurs la déclaration qu'ils n'ap-
partiennent à aucune congrégation autorisée ou
non.
La commission demande le renvoi de la dis-
cussion pour pouvoir délibérer.
M. ComBes déclare qu'il accepte l'amende-
ment.
! , La discussion est renvôyée à aujourd'hui.
H. D.
A LA CHAMBRE
Le budget des travaux publics
Notons au début de la séance le dépôt d'une
proposition de loi de M. Cadenat autorisant les
conseillers municipaux a s'allouer des iO(]¥i!"
nités.
La proposition est renvoyée à la commis-
sion d'adminisiralion départementale et com-
munale.
M. Empereur obtient de MM. Gervais, rap-
porteur, et Doumer, président de la commis-
sion du budget, l'assurance que le orédii
pour les routes nationales sera relevé l'an pro
chain.
M. Hugon demande que le gouvernement
prenne à-sa charge les frais de rectifications de
roptes dans les montagnes.
M. Gervais lui fait la même promesse qu'à
M. Empereur.
M. Berteaux demande un crédit pour le ra-
chat du pont à péage d:Argenteuii.
M. Maruéjouls « fera le nécessaire 1).
MM. llubbard et Raiberti souhaitent une
augmentation de 800,000 fr. pour continuer la
ligne de Puget-Théniersà Saint-André. dopté.
M. Cuneo d'Ornano critique l'organisation
des chemins de fer de l'Etat.
M. Sibille s'étonne qu'on n'ait pas fait sur le
chemin de fer de l'Etat des essais de traction
électrique.
Le budget des affaires étrangères
M. Paul Deschanel prononce un bon dis-
cours dans la discussion générale du budget
des affaires étrangères. Discours très travaillé,
assurément, et dans lequel l'ancien président
de la Chambre précise avec bonheur un cer-
tain nombre de questions de politique exté-
rieure.
Le discours de M. Paul Deschanel, d'une
forme littéraire très châtiée, est souvent ap-
plaudi jusque sur les bancs de l'extrême gau-
che.
M. Deschanel apprécie comme suit la situa-
tion de l'Angleterre vis-à-vis-de de nous :
M. Descbanel. — Dis 1896, lord Salisbury in-
diquait nettemeut un accord possible entre l'An-
glcterre, la France et la Russie, forment ainsi la
contrepoids, la contrepartie de la Triplice.
Le développement de la puissance maritime do
l'Allemagne, ouvertement dirigée contre l'Angle-
terre, le télégramme de Guillaume Il au président
Krüger en 1896 ont montré à l'Angleterre qu'elle
courrait un jour quelque péril à demeurer isolée.
Les cbpses n'ont point tourné comme' le pensait
M. de Bulow. Depuis vingt ans les rapports de
l'Angleterre et de la Russie se sont détendus et,
,depuis cinq ans, les rapports de la France et de
l'Angleterre se sont complàtement modifiés.
Les causea de conflit dans l'Asie Centrale se sont
atténuées, la question de la Corée, elle même, ne
semble point devoir s'aggraver, les Etats-Unis et
1 A ngIeterM conseillent la prudence et la modéra-
tion au Japon.
En toutes circonstances, les ministres anglais
ont témoigné le désir d'un rapprochement avec la
Russie ; il se peut que servir le maintien de la
paix et les intérêts des deux nations. (Très bien !)
En ce qui concerne les relations de la France et
de r Angleterr si des causes de différends subsis-
tent, leur solution pacifique semble moins difficile
que jamais. (Vifs applaudissements.)
M. Deschanel termine par un instructif ex-
posé de la position actuelle de la question
d'Orient.
La suite de la discussion est renvoyée à au-
jourd'hui.
H. D.
Le scrutin municipal de Paris
La représentation proportionnelle i
La section de la Folie-Méricourt (11' arr.) de
la Ligue des droits de l'homme et du citoyen
a voté un vœu invitant le président du conseil
Sinistre de l'intérieur, à présenter d'urgence,
et en tout cas dès le-vote du budget, un projet
de loi répartissant plus équitablement le mode
de votation dans Paris, au point de vue muni-
cipal.
La section trouve absolument antirépubli-
cain et contraire aux droits du suffrage uni-
versel, le mode actuel qui donne la même re-
présentation à tous les' quartiers, qu'ils aient
peu ou beaucoup d'habitants.
Nous sommes de cet avis. Il n'est pas admis-
sible qu'un quartier qui compte cent mille ha,.
bitants n'ait qu'un seul conseiller municipat,
tout comme un quartier qui ne possède qu»
vingt mille habitants.
Tous les républicains appuieront un projet
qui donnera une représentation proportion-
nelle et augmentera le nombre des conseillers
de chaque quartier, suivant la population.
Le scrutin uninominal
Il ne s'ensuit pas que l'on puisse faire dès
maintenant la réforme réclamée depuis si
longtemps par les républicains, et dont on
s'occupe beaucoup en ce moment,savoir: rem-
placer le scrutin actuel par un scrutin de liste
par arrondissement ou par grandes sections.
Nous peusons que cette réforme doit être
ajournée. Le scrutin de liste pour le Conseil
municipal ne pourra que suivre le scrutin dei
liste nour la dénutation.
Aujourd'hui, une question de haute mora-
lité s'oppose à la suppression du scrutin mu-
nicipal uninominal. C'est avec ce scrutin que
les nationalistes ont surpris la bonne foi des
Parisiens en 1900. Ils se sentent 'perdus de-
vant leurs électeurs. Ce n'est pas à nous àdon-
ner une explication, une raison à leur défaite.
Déjà, comme un chacal, Dausset renifle le
siège du réactionnaire Despatys à qui son état
de santé no permettra pas de se représenter.
Dausset n'osera pas revenir devant les électeurs
du 3e arrondissement qu'il a dupés.
Il ira se faire battre à la place Vendôme, à
l'ombre du petit Caporal.
Comme il serait également battu au scrutin
de liste, avec tous ses congénères en nationa-
lisme, il ne manquerait pas de dire que les ré-
publicains ont changé la mode devotation pour
reconquérir Paris.
Ils le reconquerront, au scrutin uninominal,
par la force de l'idée républicaine.
Après la victoire, nous verrons s'il y a lieu
de changer de scrutin.
———————————— ————————————- T
LES CONSPIRATIONS EN BULGARIE
(De notre correspondant ptlrtfatZIIrJ
Sofia, 19 novembre.
A l'occasion de l'expulsion d'Alexandre
Weissmann, le fameux agent provecateur rus-
se, on a saisi de nombreux documents dont la,
Wetssherna Poschta vient de commencer la pu-,
blication. Il en ressort que des officiers supé-:
rieurs et quelques hommes politiques auraient.
préparé la destitution du prince Ferdinand.
—————————— » ■
LA « ROULOTTE-ÉCOLE » DES FORAINS
A la mairie de Montmartre. — Des
explications qui feront plaisir à ,
Mlle Bonnefoy.
Ainsi que l'écrivait hier G. de Vorney, dans
son filet : Iloulotte-Ecole, la directrice de l'é-
cole ambulante, accompagnant les forains no-
mades dans leurs pérégrinations, Mlle Bonne-
foy n'est pas contente et continue à exhaler
ses lamentations dans les journaux unique-
ment nationalistes. Pourtant, les « vilaines ta-
quineries » dont se plaint l'excellente demoi-
selle nous semblent se résumer à bien peu de
chose. Elles pourraient même à vrai dire
n'exister que dans son imagination. Nous nous
sommes fait un devoir d'élucider cette ques-
tion. et nous avons d'ores et déjà la certitude
que dans l'illcidnt soulevé, il n'y a vraiment
pas de quoi fouMtor un chat. ^*
A la mairie du 1$' arrondissement; en l'ab-
sonce de M. Douillet, chargé de présider au
placement dos forains en l'absence de M. Pu-
geault, le distingué maire de Montmartre,
nous avons demandé quelques renseignements
sur la question à M. Roger, secrétaire de la
caisse des écoles, pris à.partie directement par
certain de nos confrères :
— Mlle Bonnefoy a vraiment tort de récriminer,
nous déclare M. Rog-er, car il ne s'agit guère que
d'un malentendu. Nos emplacements pour notre
fûte foraine sont en principe sérieusement réduits
par suite de l'installation du viaduc du Métropoli-
tain. Or, tandis que tes forains étaient placés de-
puis le mardi, je reus,dans la journée de samedi,
la visite de l'adjointe de Mlle Bonnefoy, qui ma
demanda de bien vouloir lui désigner un empla..
cernent pour la « roulotte-école ». Je ne pus que faire
remarquer à l'envoyée qu'il ne me restait plus au-
cun emplacement disponible, mais que néanmoins,
si Mlle Bonnefoy voulait bien se placer sur le terre-
plein, à la hauteur de la ruo Lepic : elle était ab-
solument libre. Sur cs mots, l'adjointe de Mlla
Bonnefoy prit congé et je n'entendis plus parler
de rien. Ce ne fut que quelques jours plus tard,
que j'appris incidemment que la roulotte était ga-
rée à la hauteur de la rue de la Chapelle.
Voici les faits dans leur plus stricte exactitude,
et je mets Mlle Bonnefoy dans l'impossibilité ab-
solue de me contredire. Que si elle persiste d'ail-
leurs dans la campagne qu'elle semble vouloir
mener contre la Caisse des Ecoles de notre arron-
dissement, je compte solliciter et de la munici-
palité et de mon administration l'autorisation de
convoquer les forains et de m'expliquer devant
eux avec Mlle Bonnefoy, avec autant de netteté
que de courtoisie.
Et qu'elle ne prétende pas insinuer que Mont-
martre est hostile à son œuvre, parce qu'elle a un ;
crucifix aux parois,de sa roulotte. Nous nous in-
quiétons si peu de cela,que la plupart de ses élèves,
dont les parents habitent Montmartre, fréquentent ,
durant la mauvaise saison nos écoles communales,
pour reprendre leur vol dès les premiers beaux
jours. Pendant ce temps, d'ailleurs, les roU",
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