Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-09-13
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 13 septembre 1903 13 septembre 1903
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
CINQ - CENTIMES le - PARIS 8 DÊPilRTESERT^ Le Nuxnèrd CINQ CENTIMES
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL
14, rae du Mail, Paris.
fit Chez MM. LAGRANGE, CERF etO*j
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REDACTIOIV: 14, rue du Mail, Paris
Ve 1 à 8 heures du sotr et de iO heures du sotr à i heure du matin
N* X2233. — Dimanche 13 Septembre 1903
27 FRUCTIDOR AN 111
ADMINISTRATION ; l4, rue du Mail
Adresser lettres et mandats à l'Ad rwiistrateur
NOS LEADERS
Socialistes Éiâlte
Le parti collectiviste ayant le mal-
heur d'être le plus doctrinaire que l'on
connaisse, il est obligé de se lancer;
dans d'interminables et futiles querel-
les. Depuis quatre ans, les collectivis-
tes français ne cessent de se disputer;
sur la « participation d'un élu socia-
liste au pouvoir bourgeois ». Je me de-
mande combien de temps les collectif
vistes allemands vont perdre en « laïus o
sur la « question de la vice-prési-
dence )). On sait comment se pose cette
question : le parti socialiste allemand;
a obtenu aux dernières élections légis-
latives un nombre de voix à peu près
égal au tiers des votants. Il compose,
au Reichstag, le groupe le plus impor-
tant. Un de ses membres pourrait
donc, avec l'appui des éléments libé-
raux, être choisi pour un siège de vice-
président. Ce serait le cas de M. Jau-
rès au Parlement français. Au premier
abord, on n'aperçoit pas l'intérêt d'un
gros débat sur un tel , problème. A
quoi rime une vice-présidence pour
un parti qui s'intitule « révolution-
naire »?
Encore, dans un pays de liberté, il
peut être désirable, même pour des
militants d'avant-garde, d'occuper cer-
tains postes honorifiques.
Un parti affirme ainsi son influence.
Mais sous un régime de tyrannie,
comme celui de l'Empire allemand,
accepter les fonctions officielles, c'est
accepter la servitude.
.**
Ce qu'il y a de mieux, c'est que les
candidats à la présidence et à la vice-
présidence du Reichstag sont tenus de
quémander l'investiture du kaiser. Je
vous demande alors quelle indépen-
dance garderait le vice-président « ré-
volutionnaire» agréé par Guillaume II?
On comprend donc parfaitement que
les socialistes berlinois invitent leurs
représentants à s'abstenir de démar-
ches compromettantes auprès de l'em-
pereur. Il est fâcheux seulement
qu'une discussion qui serait close tout
de suite si on se plaçait au point de
vue politique, qui est seul intéressant
ici, prenne les allures d'une dispute
puérile entre économistes dogmati-
ques. L'économie politique, le réfor-
misme et la révolution sociale ne sont
pas en cause.
Ou le parti socialiste allemand s'ac-
commode du régime impérial, et alors
rien ne le gêne pour mendier une vice-
présidence. Ou il est résolu à conqué-
rir la République et il lui est impossi-
ble d'engager des négociations avec un
souverain dont il ne reconnaît pas
l'autorité.
La démocratie d'Outre-Rhin qui pré-
tend quelquefois nous donner des le-
çons, pourrait prendre modèle sur la
démocratie française.
Que les élus socialistes allemands
réclament, comme les députés répu-
blicains français en 1869, le mandat
d'une opposition irréconciliable à la
monarchie, le problème sera singu-
lièrement simplifié et les épurations
que ces congrès sont impuissants à
opérer, se feront d'elles-mêmes.
Les gens qui agissent beaucoup
s'abstiennent ordinairement de bavar-
der à l'excès.
Il y a un mystère. C'est que le trône
impérial paraisse si solide dans une
nation où plus de deux millions d'élec-
teurs annoncent leur intention de dé-
molir la société actuelle, parce que,
ainsi que le chante Y Internationale,
Le monde va changer de base.
Comme le monde ne changera pas
de base du jour au lendemain, les
empereurs et les rois se sentent en
sécurité pour quelque temps encore.
Ils appréhendent beaucoup moins la
menace de la révolution sociale qu'ils
ne craindraient une opposition répu-
blicaine active et résolue. 1
Là est le défaut capital des « partis
de (-.-Jasse » organisés suivant le mode:
marxiste. Leurs revendications loin-
taines donnent des délais et des facili-
tés regrettables aux puissances de réac-
tion.
***
Napoléon 111 avait entrevu cette vé-
rité, et l'on sait qu'il aimait assez à se
poser en socialiste. Les bonapartistes
n'étaient point éloignés de reprocher
aux républicains de négliger les inté-
rêts économiques des ouvriers. Le pro-
léLariat français ne tomba jamais dans
je piège qui lui était tendu. Il ne sé-
para jamais sa cause de celle de la Ré-
publique. Il comprit toujours que les
hauts états-majors, l'Eglise et les ca-
pitalistes réactionnaires étaient unis
pisr des intérêts contraires à celui du
peuple.
Les socialistes allemands ont mis
l'Eglise à son aise en déclarant la re-
ligion Privatsache, affaire privée. En
s'abstenant de prendre position irré-
conciliable à l'égard de Pempire, ils
prennent, qu'ils le veuillent ou non,
leur part de responsabilité dans la
politique rétrograde du souverain.
Ils sont récompensés suivant leurs
mérites ; le centre catholique se fait le
collaborateur le plus actif de l'empe-
reur, et ce dernier annonce son inten-
tion de multiplier les procès de presse
et les condamnations arbitraires.
Pour changer cela, il serait sage de
chercher autre chose que des bavar-
dages de congrès.
Hugues Destrem.
LES ÉVÉQUES EN RÉVOLTE
Si M. Combes avait pu res-
sentir quelque regret d'avoir
supprimé le traitement de l'évê-
que de Marseille, ces regrets se
sont, je le suppose, évanouis à
la lecture de la nouvelle missive
que le batailleur prélat vient de lui adres-
ser, et qu'il a publiée, en outre,dans L'Echo
de Notre-Dame de la Garde.
Quel curieux fonctionnaire en effet, que
celui qui écrit au ministre: « En matière
de juridiction, l'Eglise seule est juge. Il
n'appartient qu'à elle de déclarer en quoi
l'on a excédé ou abusé du pouvoir qu'elle
seule confère. La puissance temporelle ne
peut connaître de l'abus excessif d'une
chose qu'elle n'accorde pas. Incompétent
pour juger un évêque vous n'aviez pas le
droit de le punir. ))
Il est bien évident que, si le ministre n'a
le droit ni de juger un évêque, ni de le pu-
nir, son premier devoir est, alors, de ne pas
l'appointer. Oh ! mais, alors, minute ! S'il
n'a pas d'appointements à toucher comme
fonctionnaire, il en réclame comme « pu-
pille » ; car :
« Vous déclarez que le budget des cultes
n'est pas voté par les Chambres pour rétri-
buer de pareilles manifestations. Je partage
entièrement votre manière de voir. Le bud-
get des cultes est voté pour rémunérer un
service et acquitter une dette. Aussi je trouve
doublement injuste la mesure qui me prive
de l'indemnité à laquelle là convention de
mes tuteurs me donne droit. »
Ses tuteurs sont, j'imagine, le pape Pie
VII et le Premier consul ; tous deux sont
morts, et il est à craindre que des lettres du
genre de celles de l'évêque de Marseille
n'excitent le zèle de ceux qui désirent rom-
pre le traité signé par ces deux défunts ad-
versaires;
Les partisans de la séparation des Eglises
et de l'Etat seront d'autant plus à l'aise pour
réclamer cette mesure, que voici encore une
parole du prélat précité : « On. permet de
tout dire et de tout écrire pour attaquer la
religion. Il ne serait que juste de laisser les
évêques jouir de la même tolérance pour la
défendre. » Il ne s'agissait pas, dans le dis-
cours de M. Combes, de la religion, mais
de l'attitude politique du clergé. Pourtant,
qu'à cela ne tienne : que MM. les évêques
cessent d'être fonctionnaires, et ils jouiront
tant qu'ils le voudront de la faculté «de tout
dire et de tout écrire n. Voilà qui devrait les
tenter ; mais, jusqu'à présent, cela ne tente
que l'évêque de La Rochelle, qui, lui, du
moins, est pour la séparation.
<$ ——
PARTI RADICAL-SOCIALISTE
Le Comité exécutif s'est réuni mercredi soir,
SOMS la présidence de M. Hector Depasse, vice-
président ; M. Reneux remplissait les fonc-
tions de secrétaire de séance.
Le Comité fixe définitivement au 8 octobre
l'ouverture du Congrès de Marseille déjà an-
noncé pour cette date. Il invite les membres du
parti et les groupes qui ne sont pas encore
inscrits à envoyer leurs adhésions et cotisa-
tions avant le 25 septembre ; passé ce délai le
secrétariat ne pourrait assurer l'envoi des bons
de réduction.
L'état des travaux des commissions est pré-
senté; ces travaux sonf assez avancés. Le Co-
mité arrête la procédure à suivre pour l'exa-
men des rapports qui ne sont pas encore dé-
posés sur le bureau.
Il invite tous les rapporteurs à effectuer ce
dépôt à la prochaine séance.
M. Hector Depasse est chargé de présenter à
huitaine un rapport sur les réformes électo-
rales ayant pour base le scrutin de liste.
M. Ferdinand Cahen, rapporteur général de
la 8e commission d'études, rapportera à la
même séance les questions économiques à sou-
mettre au Congrès.
La prochaine séance est fixée au mercredi 16
septembre, à 9 heures du soir. — lf.
LA FIN DU KHAKI
(De notre correspondant particulier)
Londres, 11 septembre.
Le War Office a décidé de supprimer l'uni-
jorme khaki, et de le remplacer par une nou-
velle tenue de campagne de couleur bleue gri-
sâtre.
LUEUR D'ESPOIR
Dans son rapport annuel au préfet, l'inspec-
teur d'académie de l'Aisne, l'honorable M. For-
fer, expose la situation du personnel de son
département; après avoir constaté que, depuis
1896, le nombre des institutrices a graduelle-
ment augmenté, il montre que, par contre,
celui des instituteurs diminue chaque année, il
attribue cette diminution du personnel mascu-
lin moins au placement d'institutrices dans les
écoles mixtes qu'à la pénurie des candidats aux
fonctions d'instituteur.
Cette pénurie de candidats, qui a tant in-
quiété tous les esprits clairvoyants, serait elle
sur le point de cesser? L'affirmer serait témé-
raire. Néanmoins, en voyant ce qui se passe
dans l'Aisne cette année, il est permis d'avoir
une lueur d'espoir. « Je dois signaler, écrit M.
Forfer, une augmentation notable des aspirants
à l'école normale pour le concours de 1903.
Nous avons 51 inscriptions. Depuis bien long-
temps, je n'avais vu pareille affluence, et il me
parait que nous aurons à nous féliciter de la
qualité des candidats autant que de leur quan-
tité! »
Sans rechercher quelles peuvent être les cau-
ses de cette augmentation, contentons-nous de
constater que l'avenir s'éclaircit un peu ; en
présence des chiffres, nous pouvons avoir une
lueur d'espoir; souhaitons surtout du fond du
cœur que cette lueur ne s'évanouisse pas à la
première occasion. — R. Valette.
L'AFFAIRE LOIZEPflflHT
Le crime de Ribemont. — L'accusa-
sation contre Loizemant. — Cléri-
calisme et réaction. — Aveux cy-
niques. — En faveur du con-
damné.—Arguments nouveaux.
- La réponse des cléricaux.
- La revision du procès
Loizemant.
(De notre envoyé spécial)
Ribemont, 11 septembre.
Le 21 novembre 1902, à 11 heures du matin,
on trouvait Mme Bouquer, femme du receveur
des contributions indirectes de Ribemont, as-
sassinée dans sa cuisine, et on constatait
qu'une somme de 1.450 fr. en billets de banque
placée dans la sacoche de M. Bouquer avait
disparu. Le crime avait été commis au moins
une heure auparavant, car le corps était
froid.
Le parquet de Saint-Quentin se transporta
aussitôt sur les lieux, et M. Jourdan, juge
d'instruction, fut commis pour s'occuper de
cette affaire. A la connaissance du juge, trois
personnes seulement étaient entrées dans la
matinée chez Mme Bouquer : un boulanger,
Mme Joiron, marchande de harengs, et Loize-
mant, commis principal des contributions in-
directes, adjoint au receveur.
Le boulanger ne pouvait être soupçonné : il
était entré dans la maison alors que le crime
était consommé. Mme Joiron fut arrêtée. Mais,
son innocence ayant été formellement recon-
nue, elle fut relâchée au bout d'un mois.
Quel pouvait donc être le coupable ? Restait
Loizemant.
Inculpé, condamné
Loizemant fut arrêté. Il avait précédemment
indiqué l'emploi de son temps dans la matinée
du 21 novembre, et ses explications n'avaient
éveillé aucun soupçon dans l'esprit du magis-
trat. Mais, quand Loizemant eut été arrêté, les
langues se délièrent. Il se trouva des témoins
qui vinrent démolir morceau à morceau, pied
à pied, la défense et les explications de Loize-
mant.
Sur ces entrefaites, des ouvriers découvri-
rent, le 9 mars, sous une poutre servant de
cale à un tas de fagots dans une grange voi-
sine de la maison de Loizemant, et dans la-
quelle ce dernier avait un droit de passage,
une somme de 1.450 fr. en trois liasses de bil-
lets de banque de 50 fr.
Parmi ces billets, M. Bouquer en reconnut
formellement un, comme lui ayant appartenu,
à une déchirure.
Comme, en outre, il était établi que l'inculpé
avait changé, une heure après le crime, un
billet de banque de 50 francs au café Sarrazin,
et que plus tard, il açait également payé une
dette avec un billet de 50 francs ; la culpabi-
lité de Loizemant parut absolument certaine
aux yeux du magistrat. Loizemant eut beau
affirmer qu'il ignorait l'existence des billets de
hanqiin, fit rlfl la cachette dfl lan'y fit. Le 16 mai, il comparut devant la cour
d'assises de l'Aisne,assisté de M* Henry Robert,
du barreau de Paris, et de Me Wallée, du bar-
reau de Saint-Quentin. M. Le Faverais, avocat
général, occupait le siège du ministère public.
Aveux de cléricaux j
Pendant l'instruction de l'affaire, la campa-
gne fut menée contre Loizemant par le parti
politique qui se groupait autour de l'organe
clérical : le Journal de Saint-Quentin. M.
Jourdan, le magistrat instructeur, était de
cette coterie. M. Le Faverais, l'avocat général,
la « robe rouge », comme le nomme un de nos
confrères, était un ami du Journal de Saint-
Quentin.
Loizemant, à cause de ses idées républi-
caines et nettement anticléricales, était objet
de mépris et de haine de la part de tous les
farouches défenseurs de la religion et de la
réaction : Loizemant fut condamné à mort :
Quel fut le rôle de M. Le Faverais? Le Jour-
nal de Saint-Quentin l'a défini avec un cy-
nisme rare dans son numéro du 19 mai der-
nier :
M. Le Faverais, dit l'organe clérical, est un
charmeur. Et, comme Salomé obtint d'Hérode le
chef de Saint-Jean-Baptiste. Je m'arrête, je sens
que je vais manquer de respect à la magistrature.
On ne saurait mieux avouer. Et ces paroles
venaient après un article paru le 18 mai dans
le même organe clérical, et dans lequel les
aveux ne manquaient point non plus. Qu'on
i en juge :
L'accusation, y est-il dit, était d'une faiblesse
déconcertante. Les dépositions, mal groupées nous
menaient de Caiphe à Pilate. C'était l'acquitte-
ment certain. On le disait, on le criait. Tout le
monde le croyait, sauf ceux qui ne se payent ni de
mots, ni de sentiments, ni de scrupules peut-être
maladifs.
..,Me Henri Robert, l'enfant chéri du jury pari-
sien, a vu à ses dépens que les moyens d'avocat
ont peu de prise sur le jury de l'Aisne. Chose cu-
rieuse : les jurés avaient été mis en défiance par
le talent même de M' Henri Robert.
.La, cause est donc si mauvaise, qu'il la faut
si bien défendre ? Et l'éloquence a glissé sur leur
conviction, comme de l'eau sur une toile cirée.
Mais il y a mieux encore : l'article du Jour-
nal de Saint-Quentin se termine par ce trait
inénarrable :
La meilleure remarque a été faite par un juré :
Pourquoi Loizemant ayant, dit-il, à rentrer chez
lui pour y prendre un registre avant de retour-
ner à la recette buraliste, n'a-t-il pas suivi le
chemin le plus court, et est-il allé faire le grand
détour que l'on sait qui devait l'amener devant
la maison Bouquer? C'était très fort, cette ques-
tion, et elle a commencé la débâcle. Je sais bien,
on prend quelquefois le plus long pour rentrer
chez soi après un grand travail, ou bien quand
on sent que le mouvement rythmique du corps
donne l'essor à la pensée et fait jaillir l'idée;
quand on est poète, artiste, ou qu'on a une mé-
chante femme, MAIS QUAND ON EST EMPLOYÉ DES
CONTRIBUTIONS INDIRECTES ET BIEN MARIÉ.
Mais quand on est employé des contribu-
tions indirectes et bien marié. ! Evidem-
ment !
Il n'y a qu'à tirer l'échelle.
Vers la vérité
On sait que Loizemant ne fut pas exécuté, il
vit sa peine commuée en celle ses travaux forcés
par la grâce présidentielle. Il est actuelle-
ment à Fresnes, où sa femme qui s'est retirée
à Amiens chez son beau-frère, M. Tassaucourt,
marchand de fers, rue de Beauvais, va le voir
chaque jeudi. Des campagnes ont été engagées,
dans la presse parisienne, en faveur de l'in-
culpé de Ribemont, et l'on sait que, le a sep-
tembre dernier, le conseil des ministres a
pris spontanément une décision par laquelle
le dossier de l'affaire est rouvert, encore que
le garde des sceaux no soit saisi d'aucune de-
mande en revision.
Aussitôt après la condamnation do son mari,
Mme Loizemant avait écrit à Mme Loubetpour
la prier d'intervenir afin que Loizemant ne fût
pas déporté. Mme Loubet transmit cette re-
quête au gard £ des sceaux. Mais de demande
en revision, il n'y en a point eu.
Mme Loizemant voulait, à la suite des cam-
pagnes menées dans la presse en faveur do son
mari, en adresser une à M. Vallé, mais comme
elle ne possédait pas de fait nouveau, elle n'a
ptf le faire.
C'est pourquoi l'on s'est étonné de la déci-
sion prise par le conseil des ministres. Elle est
tellement contraire aux usages généralement
admis, mais en même temps tellement confor-
mes aux besoins naturels de la conscience,
qu'il était nécessaire d'attirer l'attention sur
elle.
L'enquête sur l'instruction de l'affaire Loize-
mant a été confiée à M. Regnault, procureur
général près la cour d'Amiens.
C'est encore là un magistrat clérical, un
chat-fourré qui appartient à la coterie du
Journal de Saint-Quentin. C'est d'ailleurs lui
qui avait, lors du procès Loizemant à Laon,
délégué, au mépris de tous les usages, son
subordonné direct, l'avocat général Le Fave-
rais, pour soutenir l'accusation devant les
jurés de l'Aisne. Ce trait peint l'homme, et
nous craignons fort que le dossier Loizemant
soit placé en de bien mauvaises mains.
Les arguments nouveaux
On connaît les charges qui pesaient sur
Loizemant et qui ont entraîné le vardict du
jury. Il importe maintenant d'énumérer les
arguments respectifs ou « faits nouveaux qui
ont été produits en faveur de la revision du
procès Loizemant :
11 Un témoin, M. Malezieux. de Ribemont, avait
affirmé avoir vu Mme Bouquer sur le pas de sa
porte, quelques minutes avant qu'on vint lui ap-
prendre le crime (dix heures étaient passées à
ce moment). A l'instruction ce témoin, certaine-
ment influencé, est revenu sur ses dires et s'est
contenté de dire qu'il croyait avoir vu Mme
Bouques.
1e un second témoin, Mme Ansart,qui est venue
déclarer au jury qu'elle avait vu Loizemant pé-
nétrer à 9 h. tI2 dans la maison de M. Bouquer,
avait précédemment déclaré n'avoir rien vu ni
rien entendu.
3e Un autre témoin, M. Pelit, dont la déposition,
accablante pour Loizemant, n'a pas peu contribué
à la décision du jury, est devenu fou peu après.
Doit-on faire état d'un tel témoignage ?
4° M. Leiong, expert-géomètre à Ribemont, dé-
clare avoir entendu dire à M. Jourdan, juge d'ins-
truction. qu'il avait examiné attentivement le vi-
sage et les mains de chaque témoin le jour du
crime et qu'il n'avait pas remarqué d'égratignures
sur les mains de Loizemant.
5° Dans la matinée du 21 novembre, un chemi-
neau, inconnu dans le pays, a visité les maisons
de Ribemont, demandant l'aumône, et, à 11 h. 20,
est monté à contre-voie dans le train de Ribemont
à Saint-Quentin. Le fait est affirmé par M. Victor
Bocksehn, de Harly-Saint-Quentin.
6° M. Jourdan a. paraît-il, refusé de faire procé-
der à des expériences ayant pour but de détermi-
ner le temps nécessaire pour qu'une épingle ca-
chée dans la grange de Loizemant commençât à
s'oxyder. Et cependant ce point était important à
élucider, car l'épingle qui retenait une des trois
liasses de billets de banque avait dû — d'après l'ac-
cusation — séjourner 70 jours dans la grange.
7° Loizemant a été victime, ainsi que la chose
ressort des articles du Journal de Saint-Quentin,
cité plus haut, du déchaînement des passions poli-
tiques dans la région de Saint-Quentin.
Contre Loizemant
Les cléricaux de Saint-Quentin se sont émus
des campagnes engagées en faveur de Loize-
J,JCr.Quil, ci on ",¿'POXJLCO avi» avgumonio quo noua
venons deciter, ils produisent les arguments
suivants :
1° Un témoin a vu, peu après le crime, sur la
main droite de Loizemant, entre le pouce et l'in-
dex, une empreinte faite par la chaînette que por-
tait la victime autour du cou et qui avait servi à
l'étrangler ;
2° Avant le crime, Loizemant portait un veston
de cuir ; après le crime, il étiat revêtu d'un veston
de drap ;
3° Un témoin a vu Loizemant entrer chez lui,
l'air hagard, et changer de vêtement;
4" Au moment de la découverte du crime, Loize-
mant,qui accompagnait M.Bouquer, au lieu de sui-
vre tout le monde qui se précipitait dans la cui-
sine où gisait Mme Bouquer, serait allé dans la
cour et aurait piétiné les empreintes de pas que
l'assassin avait laissées dans la neige;
5° Quand Loizemant a été arrêté, il revenait
d'un voyage à Saint-Quentin. A la gare, il ren-
contra un habitant de Ribemont qui lui dit qu'on
allait l'arrêter. Loizemant, tout pâle, se serait pré-
cipité dans la grange où ont été retrouvés les
billets.
Voilà le pour et le contre. Au procureur
Regnault, au farouche défenseur de la réac-
tion et du cléricalisme, de décider s'il y a ou
non lieu de reviser le procès du républicain,
de l'anticlérical Loizemant 1 — André Jouberl.
Voir à La 36 page
les Dernières Dépêolies
PROSPÉRITÉ
Il y a dans la lettre de M. Ricard, évêque
d'Angoulême, dont j'ai entretenu récemment
les lecteurs du Rappel, un passage que je re-
gretterais fort de ne point signaler, et qui suf-
fit, suivant moi, à condamner le Concordat.
M. Ricard déclare, en propres termes, que
..Concordat a assuré à l'Eglise de France un
siècle de paix et de prospérité. Jamais siècle
dans sa vie chrétienne, dans sa vie religieuse,
ne fut, selon lui, plus prospère.
Ainsi c'est bien entendu. Jamais, même aux
temps de la monarchie absolue qui s'appuyait
sur l'Eglise, l'Eglise ne fut plus puissante, et
c'est dans le siècle de la Révolution, à des heu-
res où elle parut persécutée, où elle se dit
martyrisée qu'elle a été,sous tous les rapports,
la plus heureuse.
Et, en effet, nous l'avons vue amasser des
millions, grâce aux congrégations ; dominer
le pays, grâce à l'enseignement ; monopoliser
les hautes fonctions et les hauts grades mili-
taires en n'y laissant arriver que ses protégés ;
devenir par ses immenses richesses une puis-
sance financière considérable au service d'une
puissance politique occulte.
Le Concordat et la loi Falloux ont fait tout
cela. M. Ricard est bien dans le vrai, et il y a
lieu de retenir son aveu. Nous n'avons aucune
raison de tolérer qu'une organisation qui nous
combat profite plus longtemps des faveurs qui
lui ont été accordées soit par des conventions
diplomatiques,soit par des lois intérieures. C'est
le devoir des républicains de mettre fin à un
pareil état de choses. La déclaration de M. Ri-
card doit calmer les scrupules des plus timides
en même temps qu'elle doit réchauffer les cou-
rages qui mollissent. — Charles Darcy.
LA GUERRE SAINTE D'ISLAM
(De notre correspondant particulier)
Constantinople, 11 septembre,
Les prêtres musulmans s'agitent dans toutes
les provinces de l'empire ottoman afin d'ame-
ner la proclamation de la Yedad (la guerre
sainte), par le sultan. Le Cheik ül Islam de
Médine fait répandre le bruit qu'on a vu sortir
Mahomet de sa tombe blanche. Le prophète
aurait crié à haute voix : « Allah sauvera son
peuple ! » Les six gardiens de la tombe furent
tellement épouvantés qu'ils tombèrent raides
morts.
Cette légende est crue dans le peuple et a
provoqué une vive agitation, même à Constan-
tinople. Des réunions ont ou lieu dans les lo-
caux des Medresschs (séminaires). Los Mollahs
demandent que le sultan déploie le drapeau
vert du prophète.
L'INSURRECTION
EN MACEDOINE
L'escadre française
Toulon, 11 septembre.
Le commandant en chef de l'escadre de la
Méditerranée vient de recevoir l'ordre de tenir
prêts à partir pour le Levant, dans le but de
protéger nos nationaux résidant en Macédoine,
les navires Brennus, Latouche-Tréville, Du-
Chayla et Linois.
Les équipages ont été complétés au moyen
des ressourças fournies par l'escadre.
Le commandement de cette division sera
confié au contre-amiral Jauréguiberry,
Combats et incendies
Cologne, 11 septembre.
On télégraphie de Sofia, 10 septembre, à la
Gazette de Cologne :
« Les Macédoniens de Sofia ont reçu la nou-
velle de rencontres sanglantes qui se sont pro-
duites entre Turcs et insurgés dans le voisinage
de Melnik. Les forêts de Perin sont en feu.
L'excitation croit de jour en jour.
La terreur à Monastir
Sofia, 11 septembre.
Un négociant arrivant de Monastir donne des
détails sur l'état de terreur qui règne dans cette
ville et les environs.
Les habitations sont fermées: les rues sont dé-
sertes, car les citadins n'osent sortir de crainte
d'être volés.
Les consuls eux-mêmes restent chez eux
depuis l'assassinat de leur collègue russe. C'est
depuis l'arrivée d'Hilmi-pacha qu'ont été com-
mis les plus grands excès. Les soldats turcs se
rendent quotidiennement coupables d'atrocités
abominables. Ils pillent, massacrent et violent
les filles sous les yeux de leurs parents. Ils ar-
rêtent les cortèges funèbres pour dépouiller les
cadavres des vêlements neufs dont, selon la
coutume macédonienne, on les revêt pour
les enterrer. Ils dépouillent aussi les prêtres
de leurs vêtements sacerdotaux. Ils ven-
dent d'ailleurs leur butin en présence de leurs
officiers.
On estime à 70.000 le nombre des personnes
errant dans la campagne sans abri et mourant
de faim. Malgré les promesses faites aux con-
suls, Hilmi-pacha ne fait rien pour venir en
aide à ces malheureux.
A Vasiliko
Constantinople, 11 septembre.
Les troupes impériales sont entrées la 6 sep-
tembre à Vasiliko, dans le vilavet d'Andrino-
ple.
Une note bulgare
Londres, 11 septembre.
Le correspondant du Daily l'elegraph à Sofia,
dans une dépêche en date du 10 septembre, se
dit autorisé à donner les renseignements sui-
vants, qu'il affirme être virtuellement identi-
ques à la réponse du général Pétrolî aux re-
présentants de l'Angleterre :
« Le gouvernement bulgare est bien décidé à
remplir ses obligations envers la Turquie, puis-
sance suzeraine, et à mettre en pratique les
propositions des grandes puissances, autant
que cela lui est possible, dans les circonstances
anormales actuelles, mais il est à craindre que
la situation ne ioit pas bien connue à l'étran-
ger.
« La Bulgarie n'a pas assez de troupes pour
empêcher les bandes insurgées de pénétrer sur
le territoire macédonien.
« D'autre part, la Turquie laisse passer les
insurgés venant de Bulgarie ; les soldats turcs
se retirent ostensiblement dès qu'ils les aper-
çoivent. Cela semble indiquer que la Turquie
a pour but d'encourager l'insurrection, afin
d'avoir un prétexte pour anéantir les chrétiens
de Macédoine.
« Les liens qui unissent les Macédoniens et
les Bulgares ne permettent guère de donner
aux soldats bulgares l'ordre de tirer sur leurs
frères, ce qui ferait naitre l'esprit de mutinerie
et de désorganisation dans l'armée.
« La Bulgarie ne cherche pas à accroître son
territoire et ne demande ni l'annexion de la
Macédoine, ni même l'autonomie ; elle désire
seulement que la vie et les biens des chrétiens
soient sauvegardés. Ce n'est pas une demande
exorbitante, et cependant les puissances refu-
sent de l'accueillir.
« Si les puissances étaient disposées a per-
mettre l'extermination des chrétiens en Macé-
doine pour des raisons politiques, le peuple
bulgare, qui n'a pas les mêmes raisons, ne
saurait s'y prêter.
« On peut donc dire, sans exagération, que,
si les puissances n'intervenaient pas à bref
délai, ce serait entretenir une situation désa-
gréable pour la Bulgarie. »
L'Allemagne et la Turquie
Londres, 11 septembre.
Le correspondant du Standard à Constanti-
nople télégraphie, le 9 septembre, qu'il a des
raisons de croire que l'Allemagne est disposée
à encourager la Turquie à agir plus vigoureu-
sement en Macédoine.
-- »
ANNIVERSAIRE
Il y a un an, Mme Andrée Louis-Lacombe
s'éteignait, à Saint-Waast-la-Hougue, dans la
même maison, dans la même chambre, dans
le même lit où, bien des années auparavant,
son mari, le grand compositeur, Louis L2-
combe, était mort. Il me semble qu'il ne con-
vient pas de laisser passer ce douloureux an-
niversaire sans adresser au souvenir de notre
amie un salut respectueux.
Je ne suis pas de ceux qui vont en pèleri-
nage sur les tombes. Je crois fermement que
l'âme des morts se désagrège, se disoerse —
comme se désagrégent et se dispersent les
corps — et que les molécules immatérielles qui
composent ces âmes ne sauraient être descen-
dues dans la terre. A quoi bon aller dans les
cimetières où il n'y a rien ?
Seul, chez moi, je me rappelle. Voici les
portraits de Mme Louis-Lacombe; celui do
dix-sept ans, éblouissant de beauté; celui de
soixante-dix ans, où l'on retrouve encore les
yeux superbes de passion et de volonté. Voici,
à côté. les portraits du a pauvre maître », ainsi
qu'elle disait, de façon si touchante et si char-
mante en parlant de celui dont elle portait si
dignement le nom. Voici la tasse, 13 petit su-
crier, le pot au lait dont se servait Louis La-
combe, posés sur le vieux petit guéridon tout
disloqué, tout branlant, au moyen duquel la
veuve, dans le silence de la nuit, correspon-
dait ou croyait correspondre avec l'esprit du
mort, — Est-ce une faiblesse d'ajouter foi aux
tables tournantes ? Beaucoup de fortes intelli-
gences l'ont eue, Je suis convaincu, quant à
moi, qu'il n'y a là que des phénomènes d'auto-
suggestion ; mais qu'importe ? Je me garde-
rai de sourire d'une illusion chère et douce.
Et voici encore, dans la bibliothèque, la
Science du mécanisme vocal, Dernier amour,
Du soir au matin. — Les lecteurs du Rappel
savent quelle femme de tous points supérieure
fut Mme Louis-Lacombe ; cantatrice incompa-
rable créatrice d'une méthode de chant dont
la plupart des professeurs actuels se sont em -
parés et qui devrait être enseignée officielle
ment partout, elle s'oublia elle-même pour se,
consacrer toute à la gloire posthume de son
mari.
Précisément on m'écrit que les œuvres de
Louis Lacombe deviennent de plus en plus po-
pulaires en Allemagne ; des représentations,
magnifiques se préparent pour la saison pro-
chaine. En France, rien. Quelque jour, plus
tard, on ira découvrir en Allemagne ce grand'
musicien français et on le rapportera en triom-
phe. Quand l'heure de la justice sonnera, il ne
faudra pas que ceux qui iront là oublient la:
vaillante veuve qui a tant fait pour cette jus-
tice encore due.
C'est afin d'empêcher que l'oubli ne vienne
que j'écris ces lignes à l'anniversaire de la
mort de celle pour qui notre maître regretté, -
Auguste Vacquerie, et mon père professaient
une fraternelle amitié, et dont nous avons'
si longtemps, ici, suivi, aidé, dans la mesure
de nos forces, les efforts généreux, le labeur
obstiné. — L. Victor-JJeunier.
————————————- o -——————————-
La LaïoisatioD de Chareaion
Depuis quelque dix-huit ans que je fais du
journalisme, il me falla,t toucher à la jolie fa-
mille cléricale pour jouir de leurs arguments
et apprendre par ces braves gens que le jour-'
nalisme est incompatible avec toute espèce de,
profession, surtout quand on a l'audace de les'
combattre et que l'on défend d'honnêtes fonc-
tionnaires indignement inj uriés.
C'est ainsi que dans les feuilles de sacristie
je suis tour à tour traité de « gratte papier
vaniteux et brouillon en mal d'avancement »
(style Gaulois) « pseudo journaliste » dont on
demande la révocation (façon Soleil), et enfin
« quelqu'un de la domesticité du directeur »
(facture Eclair).
Ce dernier surtout, en ex - républicain
trempé dans l'eau bénile,qui a besoin de don-
ner des garanties à ses nouveaux alliés, prend
bien soin de dire que les initiales E. M. sont
celles de mes prénoms et nom.
On me connaît, et il paraît que l'on craint'
les vérités que je dis, puisque c'est à qui de-
mand2ra ou ma révocation, ou qu'on m'em-
pêche de dire ce que je sais.
Que l'Eclair et autres feuilles « bien pen-
santes » se le tiennent pour dit ; je n'ai point
d'inspirateur, non plus que M. Bonnier n'a
besoin de défenseur: nous agissons tous k
deux dans la plénitude de nos droits de ci-
toyens, lui en obéissant aux ordres du minis-
tre et en faisant tous ses efforts pour mener à:
bien l'œuvre de salubrité morale qui lui est'
confiée, et moi en redressant, chaque fois que
l'occasion s'en , résente, les erreurs dont la
presse réactionnaire est remplie.
Quant au texte de la loi que je citais l'autre
jour, je comprends que cela ait causé un assez
désagréable sursaut à toute la prétraille qui
s'est si souvent moquée de cette loi. L'Eclair
insiste aujourd'hui encore sur ce que les fa-
milles ne se connaissent pas les unes les au-
tres, ce qui est bien maladroit, car cela iési
time ma citation. Il est bien certain que si ces
adresses ont été divulguées, comme ce n'est
pas le directeur qui les a données, ce doit être
d'autres persohnes, et ces autres personnes
liées, par état, par le secret professionnel, ont
violé ce secret et sont par là passibles des pé-
nalités indiquées par la loi.
Le succès de la fameuse pétition est d'ail-
leurs si problématique que les promoteurs de
ce fiasco en sont à chercher à quelles causes
ils pourront bien faire attribuer ..leur peu de
réussite, et ils commencent à dire que l'admi-
nistration leur suscite des difficultés multiples
« dont la principale est de joindre tous les in-
téressés, car les familles ne se connaissent pas
les unes les autres ». Les pétitionnaires espè-
rent-ils que l'administration va les leur faire
connaître ?
Plus loin, la feuille nationaliste dit : « Les
familles des boursiers sont prévenues que si
elles prennent part à cette protestation, l'ad-
ministration de M. Bonnier (?) se retournera
vers elles et leur fera retirer les avantages
dont elles jouissent ».
Et bien, mais voilà quelque chose de fort
juste, n'en déplaise à l'Eclair, et je suis d'avis
que celui-là est mal venu de critiquer les me-
sures d'un gouvernement qui en reçoit et en a
souvent sollicité les "bienfaits : si la laïcisation
vous déplaît tant, allez ailleurs et laissez votre
bourse à de plus dignes.
Quant aux précédents cités par ce pauvre
Eclair, ils sont piteux : les Quinze-Vingts se-
ront laïcisés à bref délai, et qui plus est, les
Sourdes-Muettes de Bordeaux, qui sont, avec
le précédent, les deux seuls établissements
nationaux pour lesquels le grand nettoyage
républicain s'impose.
Et puisque cela semble déplaire à l'Eclair
anonyme de ne voir que mes deux initiales, je
signe de mon nom tout entier.
Emile MAHÉ.
Les journalistes en Chine
(De notre correspondant particulier)
Shanghaï, 11 septembre.
A Pékin on vient de décapiter Shen-Ke-Wei,
correspondant de deux importants journaux
japonais. Son crime était d'avoir parlé de la
nécessité d'introduire des réformes en Chine.
Shen-Ke-Wei était sujet chinois et n'avait pas
pris la précaution de se placer sous la protec-
tion des consuls étrangers.
UN MAMMOUTH VIVANT
t;r')e notre correspondant particulier)
New-York, 11 septembre.
Le docteur Fritzell, le zoologiste bien connu,
rapporte que, dans son récent voyage d'explo
ration aux régions arctiques, il y a vu les en; •
preintes fraîches des pieds d'un mammouth.
La découverte a été faite dans l'île d'rL:-
maka, où le pachyderme d'origine préhislo; i
que doit vivre. Le docteur Fritzell espère qu nii
jour, en suivant sa trace, il découvrira l'a-: i--
mal. L'empreinte avait, dans la terre geLe,
une profondeur de quatre pouces.
Dans le monde scientifique, on se montre
quelque peu sceptique à l'égard des déclara-
tions du savant zoologiste.
Sne flatte allemande au Danemark
(De notre correspondant particulier)
Copenhague, 11 septembre.
On signale de Skagen la présence de nom-
breux navires de guerre allemands, dans les
eaux danoises.
Hier, on en a compté vingt-cinq ; plusieurs
torpilleurs ont abordé les côtes et des officiers
sont descendus sur terre.
Ils ont dit que 40 navires de guerre alle-
mands se concentreront ces jours-ci près de
Skagen. Cette flotté sera commandée par le
prince Henri de Prusse,.
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL
14, rae du Mail, Paris.
fit Chez MM. LAGRANGE, CERF etO*j
6, place de la Bourse, S
Adresse Télégraphique : XIX* SIÈCLI — PARIS
ABONNEMENTS
Paris. Trois mois 6 f. sir mois 11 f. Un an 20 f.
Départements — 7 f. — 12 f. — 24 f.
Union Postale — 9 f. — 16f, — 32 f.
e îs sont reçus sans frai
p^^Tt^ua les Bureaux de Poste
1-.1--- :
REDACTIOIV: 14, rue du Mail, Paris
Ve 1 à 8 heures du sotr et de iO heures du sotr à i heure du matin
N* X2233. — Dimanche 13 Septembre 1903
27 FRUCTIDOR AN 111
ADMINISTRATION ; l4, rue du Mail
Adresser lettres et mandats à l'Ad rwiistrateur
NOS LEADERS
Socialistes Éiâlte
Le parti collectiviste ayant le mal-
heur d'être le plus doctrinaire que l'on
connaisse, il est obligé de se lancer;
dans d'interminables et futiles querel-
les. Depuis quatre ans, les collectivis-
tes français ne cessent de se disputer;
sur la « participation d'un élu socia-
liste au pouvoir bourgeois ». Je me de-
mande combien de temps les collectif
vistes allemands vont perdre en « laïus o
sur la « question de la vice-prési-
dence )). On sait comment se pose cette
question : le parti socialiste allemand;
a obtenu aux dernières élections légis-
latives un nombre de voix à peu près
égal au tiers des votants. Il compose,
au Reichstag, le groupe le plus impor-
tant. Un de ses membres pourrait
donc, avec l'appui des éléments libé-
raux, être choisi pour un siège de vice-
président. Ce serait le cas de M. Jau-
rès au Parlement français. Au premier
abord, on n'aperçoit pas l'intérêt d'un
gros débat sur un tel , problème. A
quoi rime une vice-présidence pour
un parti qui s'intitule « révolution-
naire »?
Encore, dans un pays de liberté, il
peut être désirable, même pour des
militants d'avant-garde, d'occuper cer-
tains postes honorifiques.
Un parti affirme ainsi son influence.
Mais sous un régime de tyrannie,
comme celui de l'Empire allemand,
accepter les fonctions officielles, c'est
accepter la servitude.
.**
Ce qu'il y a de mieux, c'est que les
candidats à la présidence et à la vice-
présidence du Reichstag sont tenus de
quémander l'investiture du kaiser. Je
vous demande alors quelle indépen-
dance garderait le vice-président « ré-
volutionnaire» agréé par Guillaume II?
On comprend donc parfaitement que
les socialistes berlinois invitent leurs
représentants à s'abstenir de démar-
ches compromettantes auprès de l'em-
pereur. Il est fâcheux seulement
qu'une discussion qui serait close tout
de suite si on se plaçait au point de
vue politique, qui est seul intéressant
ici, prenne les allures d'une dispute
puérile entre économistes dogmati-
ques. L'économie politique, le réfor-
misme et la révolution sociale ne sont
pas en cause.
Ou le parti socialiste allemand s'ac-
commode du régime impérial, et alors
rien ne le gêne pour mendier une vice-
présidence. Ou il est résolu à conqué-
rir la République et il lui est impossi-
ble d'engager des négociations avec un
souverain dont il ne reconnaît pas
l'autorité.
La démocratie d'Outre-Rhin qui pré-
tend quelquefois nous donner des le-
çons, pourrait prendre modèle sur la
démocratie française.
Que les élus socialistes allemands
réclament, comme les députés répu-
blicains français en 1869, le mandat
d'une opposition irréconciliable à la
monarchie, le problème sera singu-
lièrement simplifié et les épurations
que ces congrès sont impuissants à
opérer, se feront d'elles-mêmes.
Les gens qui agissent beaucoup
s'abstiennent ordinairement de bavar-
der à l'excès.
Il y a un mystère. C'est que le trône
impérial paraisse si solide dans une
nation où plus de deux millions d'élec-
teurs annoncent leur intention de dé-
molir la société actuelle, parce que,
ainsi que le chante Y Internationale,
Le monde va changer de base.
Comme le monde ne changera pas
de base du jour au lendemain, les
empereurs et les rois se sentent en
sécurité pour quelque temps encore.
Ils appréhendent beaucoup moins la
menace de la révolution sociale qu'ils
ne craindraient une opposition répu-
blicaine active et résolue. 1
Là est le défaut capital des « partis
de (-.-Jasse » organisés suivant le mode:
marxiste. Leurs revendications loin-
taines donnent des délais et des facili-
tés regrettables aux puissances de réac-
tion.
***
Napoléon 111 avait entrevu cette vé-
rité, et l'on sait qu'il aimait assez à se
poser en socialiste. Les bonapartistes
n'étaient point éloignés de reprocher
aux républicains de négliger les inté-
rêts économiques des ouvriers. Le pro-
léLariat français ne tomba jamais dans
je piège qui lui était tendu. Il ne sé-
para jamais sa cause de celle de la Ré-
publique. Il comprit toujours que les
hauts états-majors, l'Eglise et les ca-
pitalistes réactionnaires étaient unis
pisr des intérêts contraires à celui du
peuple.
Les socialistes allemands ont mis
l'Eglise à son aise en déclarant la re-
ligion Privatsache, affaire privée. En
s'abstenant de prendre position irré-
conciliable à l'égard de Pempire, ils
prennent, qu'ils le veuillent ou non,
leur part de responsabilité dans la
politique rétrograde du souverain.
Ils sont récompensés suivant leurs
mérites ; le centre catholique se fait le
collaborateur le plus actif de l'empe-
reur, et ce dernier annonce son inten-
tion de multiplier les procès de presse
et les condamnations arbitraires.
Pour changer cela, il serait sage de
chercher autre chose que des bavar-
dages de congrès.
Hugues Destrem.
LES ÉVÉQUES EN RÉVOLTE
Si M. Combes avait pu res-
sentir quelque regret d'avoir
supprimé le traitement de l'évê-
que de Marseille, ces regrets se
sont, je le suppose, évanouis à
la lecture de la nouvelle missive
que le batailleur prélat vient de lui adres-
ser, et qu'il a publiée, en outre,dans L'Echo
de Notre-Dame de la Garde.
Quel curieux fonctionnaire en effet, que
celui qui écrit au ministre: « En matière
de juridiction, l'Eglise seule est juge. Il
n'appartient qu'à elle de déclarer en quoi
l'on a excédé ou abusé du pouvoir qu'elle
seule confère. La puissance temporelle ne
peut connaître de l'abus excessif d'une
chose qu'elle n'accorde pas. Incompétent
pour juger un évêque vous n'aviez pas le
droit de le punir. ))
Il est bien évident que, si le ministre n'a
le droit ni de juger un évêque, ni de le pu-
nir, son premier devoir est, alors, de ne pas
l'appointer. Oh ! mais, alors, minute ! S'il
n'a pas d'appointements à toucher comme
fonctionnaire, il en réclame comme « pu-
pille » ; car :
« Vous déclarez que le budget des cultes
n'est pas voté par les Chambres pour rétri-
buer de pareilles manifestations. Je partage
entièrement votre manière de voir. Le bud-
get des cultes est voté pour rémunérer un
service et acquitter une dette. Aussi je trouve
doublement injuste la mesure qui me prive
de l'indemnité à laquelle là convention de
mes tuteurs me donne droit. »
Ses tuteurs sont, j'imagine, le pape Pie
VII et le Premier consul ; tous deux sont
morts, et il est à craindre que des lettres du
genre de celles de l'évêque de Marseille
n'excitent le zèle de ceux qui désirent rom-
pre le traité signé par ces deux défunts ad-
versaires;
Les partisans de la séparation des Eglises
et de l'Etat seront d'autant plus à l'aise pour
réclamer cette mesure, que voici encore une
parole du prélat précité : « On. permet de
tout dire et de tout écrire pour attaquer la
religion. Il ne serait que juste de laisser les
évêques jouir de la même tolérance pour la
défendre. » Il ne s'agissait pas, dans le dis-
cours de M. Combes, de la religion, mais
de l'attitude politique du clergé. Pourtant,
qu'à cela ne tienne : que MM. les évêques
cessent d'être fonctionnaires, et ils jouiront
tant qu'ils le voudront de la faculté «de tout
dire et de tout écrire n. Voilà qui devrait les
tenter ; mais, jusqu'à présent, cela ne tente
que l'évêque de La Rochelle, qui, lui, du
moins, est pour la séparation.
<$ ——
PARTI RADICAL-SOCIALISTE
Le Comité exécutif s'est réuni mercredi soir,
SOMS la présidence de M. Hector Depasse, vice-
président ; M. Reneux remplissait les fonc-
tions de secrétaire de séance.
Le Comité fixe définitivement au 8 octobre
l'ouverture du Congrès de Marseille déjà an-
noncé pour cette date. Il invite les membres du
parti et les groupes qui ne sont pas encore
inscrits à envoyer leurs adhésions et cotisa-
tions avant le 25 septembre ; passé ce délai le
secrétariat ne pourrait assurer l'envoi des bons
de réduction.
L'état des travaux des commissions est pré-
senté; ces travaux sonf assez avancés. Le Co-
mité arrête la procédure à suivre pour l'exa-
men des rapports qui ne sont pas encore dé-
posés sur le bureau.
Il invite tous les rapporteurs à effectuer ce
dépôt à la prochaine séance.
M. Hector Depasse est chargé de présenter à
huitaine un rapport sur les réformes électo-
rales ayant pour base le scrutin de liste.
M. Ferdinand Cahen, rapporteur général de
la 8e commission d'études, rapportera à la
même séance les questions économiques à sou-
mettre au Congrès.
La prochaine séance est fixée au mercredi 16
septembre, à 9 heures du soir. — lf.
LA FIN DU KHAKI
(De notre correspondant particulier)
Londres, 11 septembre.
Le War Office a décidé de supprimer l'uni-
jorme khaki, et de le remplacer par une nou-
velle tenue de campagne de couleur bleue gri-
sâtre.
LUEUR D'ESPOIR
Dans son rapport annuel au préfet, l'inspec-
teur d'académie de l'Aisne, l'honorable M. For-
fer, expose la situation du personnel de son
département; après avoir constaté que, depuis
1896, le nombre des institutrices a graduelle-
ment augmenté, il montre que, par contre,
celui des instituteurs diminue chaque année, il
attribue cette diminution du personnel mascu-
lin moins au placement d'institutrices dans les
écoles mixtes qu'à la pénurie des candidats aux
fonctions d'instituteur.
Cette pénurie de candidats, qui a tant in-
quiété tous les esprits clairvoyants, serait elle
sur le point de cesser? L'affirmer serait témé-
raire. Néanmoins, en voyant ce qui se passe
dans l'Aisne cette année, il est permis d'avoir
une lueur d'espoir. « Je dois signaler, écrit M.
Forfer, une augmentation notable des aspirants
à l'école normale pour le concours de 1903.
Nous avons 51 inscriptions. Depuis bien long-
temps, je n'avais vu pareille affluence, et il me
parait que nous aurons à nous féliciter de la
qualité des candidats autant que de leur quan-
tité! »
Sans rechercher quelles peuvent être les cau-
ses de cette augmentation, contentons-nous de
constater que l'avenir s'éclaircit un peu ; en
présence des chiffres, nous pouvons avoir une
lueur d'espoir; souhaitons surtout du fond du
cœur que cette lueur ne s'évanouisse pas à la
première occasion. — R. Valette.
L'AFFAIRE LOIZEPflflHT
Le crime de Ribemont. — L'accusa-
sation contre Loizemant. — Cléri-
calisme et réaction. — Aveux cy-
niques. — En faveur du con-
damné.—Arguments nouveaux.
- La réponse des cléricaux.
- La revision du procès
Loizemant.
(De notre envoyé spécial)
Ribemont, 11 septembre.
Le 21 novembre 1902, à 11 heures du matin,
on trouvait Mme Bouquer, femme du receveur
des contributions indirectes de Ribemont, as-
sassinée dans sa cuisine, et on constatait
qu'une somme de 1.450 fr. en billets de banque
placée dans la sacoche de M. Bouquer avait
disparu. Le crime avait été commis au moins
une heure auparavant, car le corps était
froid.
Le parquet de Saint-Quentin se transporta
aussitôt sur les lieux, et M. Jourdan, juge
d'instruction, fut commis pour s'occuper de
cette affaire. A la connaissance du juge, trois
personnes seulement étaient entrées dans la
matinée chez Mme Bouquer : un boulanger,
Mme Joiron, marchande de harengs, et Loize-
mant, commis principal des contributions in-
directes, adjoint au receveur.
Le boulanger ne pouvait être soupçonné : il
était entré dans la maison alors que le crime
était consommé. Mme Joiron fut arrêtée. Mais,
son innocence ayant été formellement recon-
nue, elle fut relâchée au bout d'un mois.
Quel pouvait donc être le coupable ? Restait
Loizemant.
Inculpé, condamné
Loizemant fut arrêté. Il avait précédemment
indiqué l'emploi de son temps dans la matinée
du 21 novembre, et ses explications n'avaient
éveillé aucun soupçon dans l'esprit du magis-
trat. Mais, quand Loizemant eut été arrêté, les
langues se délièrent. Il se trouva des témoins
qui vinrent démolir morceau à morceau, pied
à pied, la défense et les explications de Loize-
mant.
Sur ces entrefaites, des ouvriers découvri-
rent, le 9 mars, sous une poutre servant de
cale à un tas de fagots dans une grange voi-
sine de la maison de Loizemant, et dans la-
quelle ce dernier avait un droit de passage,
une somme de 1.450 fr. en trois liasses de bil-
lets de banque de 50 fr.
Parmi ces billets, M. Bouquer en reconnut
formellement un, comme lui ayant appartenu,
à une déchirure.
Comme, en outre, il était établi que l'inculpé
avait changé, une heure après le crime, un
billet de banque de 50 francs au café Sarrazin,
et que plus tard, il açait également payé une
dette avec un billet de 50 francs ; la culpabi-
lité de Loizemant parut absolument certaine
aux yeux du magistrat. Loizemant eut beau
affirmer qu'il ignorait l'existence des billets de
hanqiin, fit rlfl la cachette dfl la
d'assises de l'Aisne,assisté de M* Henry Robert,
du barreau de Paris, et de Me Wallée, du bar-
reau de Saint-Quentin. M. Le Faverais, avocat
général, occupait le siège du ministère public.
Aveux de cléricaux j
Pendant l'instruction de l'affaire, la campa-
gne fut menée contre Loizemant par le parti
politique qui se groupait autour de l'organe
clérical : le Journal de Saint-Quentin. M.
Jourdan, le magistrat instructeur, était de
cette coterie. M. Le Faverais, l'avocat général,
la « robe rouge », comme le nomme un de nos
confrères, était un ami du Journal de Saint-
Quentin.
Loizemant, à cause de ses idées républi-
caines et nettement anticléricales, était objet
de mépris et de haine de la part de tous les
farouches défenseurs de la religion et de la
réaction : Loizemant fut condamné à mort :
Quel fut le rôle de M. Le Faverais? Le Jour-
nal de Saint-Quentin l'a défini avec un cy-
nisme rare dans son numéro du 19 mai der-
nier :
M. Le Faverais, dit l'organe clérical, est un
charmeur. Et, comme Salomé obtint d'Hérode le
chef de Saint-Jean-Baptiste. Je m'arrête, je sens
que je vais manquer de respect à la magistrature.
On ne saurait mieux avouer. Et ces paroles
venaient après un article paru le 18 mai dans
le même organe clérical, et dans lequel les
aveux ne manquaient point non plus. Qu'on
i en juge :
L'accusation, y est-il dit, était d'une faiblesse
déconcertante. Les dépositions, mal groupées nous
menaient de Caiphe à Pilate. C'était l'acquitte-
ment certain. On le disait, on le criait. Tout le
monde le croyait, sauf ceux qui ne se payent ni de
mots, ni de sentiments, ni de scrupules peut-être
maladifs.
..,Me Henri Robert, l'enfant chéri du jury pari-
sien, a vu à ses dépens que les moyens d'avocat
ont peu de prise sur le jury de l'Aisne. Chose cu-
rieuse : les jurés avaient été mis en défiance par
le talent même de M' Henri Robert.
.La, cause est donc si mauvaise, qu'il la faut
si bien défendre ? Et l'éloquence a glissé sur leur
conviction, comme de l'eau sur une toile cirée.
Mais il y a mieux encore : l'article du Jour-
nal de Saint-Quentin se termine par ce trait
inénarrable :
La meilleure remarque a été faite par un juré :
Pourquoi Loizemant ayant, dit-il, à rentrer chez
lui pour y prendre un registre avant de retour-
ner à la recette buraliste, n'a-t-il pas suivi le
chemin le plus court, et est-il allé faire le grand
détour que l'on sait qui devait l'amener devant
la maison Bouquer? C'était très fort, cette ques-
tion, et elle a commencé la débâcle. Je sais bien,
on prend quelquefois le plus long pour rentrer
chez soi après un grand travail, ou bien quand
on sent que le mouvement rythmique du corps
donne l'essor à la pensée et fait jaillir l'idée;
quand on est poète, artiste, ou qu'on a une mé-
chante femme, MAIS QUAND ON EST EMPLOYÉ DES
CONTRIBUTIONS INDIRECTES ET BIEN MARIÉ.
Mais quand on est employé des contribu-
tions indirectes et bien marié. ! Evidem-
ment !
Il n'y a qu'à tirer l'échelle.
Vers la vérité
On sait que Loizemant ne fut pas exécuté, il
vit sa peine commuée en celle ses travaux forcés
par la grâce présidentielle. Il est actuelle-
ment à Fresnes, où sa femme qui s'est retirée
à Amiens chez son beau-frère, M. Tassaucourt,
marchand de fers, rue de Beauvais, va le voir
chaque jeudi. Des campagnes ont été engagées,
dans la presse parisienne, en faveur de l'in-
culpé de Ribemont, et l'on sait que, le a sep-
tembre dernier, le conseil des ministres a
pris spontanément une décision par laquelle
le dossier de l'affaire est rouvert, encore que
le garde des sceaux no soit saisi d'aucune de-
mande en revision.
Aussitôt après la condamnation do son mari,
Mme Loizemant avait écrit à Mme Loubetpour
la prier d'intervenir afin que Loizemant ne fût
pas déporté. Mme Loubet transmit cette re-
quête au gard £ des sceaux. Mais de demande
en revision, il n'y en a point eu.
Mme Loizemant voulait, à la suite des cam-
pagnes menées dans la presse en faveur do son
mari, en adresser une à M. Vallé, mais comme
elle ne possédait pas de fait nouveau, elle n'a
ptf le faire.
C'est pourquoi l'on s'est étonné de la déci-
sion prise par le conseil des ministres. Elle est
tellement contraire aux usages généralement
admis, mais en même temps tellement confor-
mes aux besoins naturels de la conscience,
qu'il était nécessaire d'attirer l'attention sur
elle.
L'enquête sur l'instruction de l'affaire Loize-
mant a été confiée à M. Regnault, procureur
général près la cour d'Amiens.
C'est encore là un magistrat clérical, un
chat-fourré qui appartient à la coterie du
Journal de Saint-Quentin. C'est d'ailleurs lui
qui avait, lors du procès Loizemant à Laon,
délégué, au mépris de tous les usages, son
subordonné direct, l'avocat général Le Fave-
rais, pour soutenir l'accusation devant les
jurés de l'Aisne. Ce trait peint l'homme, et
nous craignons fort que le dossier Loizemant
soit placé en de bien mauvaises mains.
Les arguments nouveaux
On connaît les charges qui pesaient sur
Loizemant et qui ont entraîné le vardict du
jury. Il importe maintenant d'énumérer les
arguments respectifs ou « faits nouveaux qui
ont été produits en faveur de la revision du
procès Loizemant :
11 Un témoin, M. Malezieux. de Ribemont, avait
affirmé avoir vu Mme Bouquer sur le pas de sa
porte, quelques minutes avant qu'on vint lui ap-
prendre le crime (dix heures étaient passées à
ce moment). A l'instruction ce témoin, certaine-
ment influencé, est revenu sur ses dires et s'est
contenté de dire qu'il croyait avoir vu Mme
Bouques.
1e un second témoin, Mme Ansart,qui est venue
déclarer au jury qu'elle avait vu Loizemant pé-
nétrer à 9 h. tI2 dans la maison de M. Bouquer,
avait précédemment déclaré n'avoir rien vu ni
rien entendu.
3e Un autre témoin, M. Pelit, dont la déposition,
accablante pour Loizemant, n'a pas peu contribué
à la décision du jury, est devenu fou peu après.
Doit-on faire état d'un tel témoignage ?
4° M. Leiong, expert-géomètre à Ribemont, dé-
clare avoir entendu dire à M. Jourdan, juge d'ins-
truction. qu'il avait examiné attentivement le vi-
sage et les mains de chaque témoin le jour du
crime et qu'il n'avait pas remarqué d'égratignures
sur les mains de Loizemant.
5° Dans la matinée du 21 novembre, un chemi-
neau, inconnu dans le pays, a visité les maisons
de Ribemont, demandant l'aumône, et, à 11 h. 20,
est monté à contre-voie dans le train de Ribemont
à Saint-Quentin. Le fait est affirmé par M. Victor
Bocksehn, de Harly-Saint-Quentin.
6° M. Jourdan a. paraît-il, refusé de faire procé-
der à des expériences ayant pour but de détermi-
ner le temps nécessaire pour qu'une épingle ca-
chée dans la grange de Loizemant commençât à
s'oxyder. Et cependant ce point était important à
élucider, car l'épingle qui retenait une des trois
liasses de billets de banque avait dû — d'après l'ac-
cusation — séjourner 70 jours dans la grange.
7° Loizemant a été victime, ainsi que la chose
ressort des articles du Journal de Saint-Quentin,
cité plus haut, du déchaînement des passions poli-
tiques dans la région de Saint-Quentin.
Contre Loizemant
Les cléricaux de Saint-Quentin se sont émus
des campagnes engagées en faveur de Loize-
J,JCr.Quil, ci on ",¿'POXJLCO avi» avgumonio quo noua
venons deciter, ils produisent les arguments
suivants :
1° Un témoin a vu, peu après le crime, sur la
main droite de Loizemant, entre le pouce et l'in-
dex, une empreinte faite par la chaînette que por-
tait la victime autour du cou et qui avait servi à
l'étrangler ;
2° Avant le crime, Loizemant portait un veston
de cuir ; après le crime, il étiat revêtu d'un veston
de drap ;
3° Un témoin a vu Loizemant entrer chez lui,
l'air hagard, et changer de vêtement;
4" Au moment de la découverte du crime, Loize-
mant,qui accompagnait M.Bouquer, au lieu de sui-
vre tout le monde qui se précipitait dans la cui-
sine où gisait Mme Bouquer, serait allé dans la
cour et aurait piétiné les empreintes de pas que
l'assassin avait laissées dans la neige;
5° Quand Loizemant a été arrêté, il revenait
d'un voyage à Saint-Quentin. A la gare, il ren-
contra un habitant de Ribemont qui lui dit qu'on
allait l'arrêter. Loizemant, tout pâle, se serait pré-
cipité dans la grange où ont été retrouvés les
billets.
Voilà le pour et le contre. Au procureur
Regnault, au farouche défenseur de la réac-
tion et du cléricalisme, de décider s'il y a ou
non lieu de reviser le procès du républicain,
de l'anticlérical Loizemant 1 — André Jouberl.
Voir à La 36 page
les Dernières Dépêolies
PROSPÉRITÉ
Il y a dans la lettre de M. Ricard, évêque
d'Angoulême, dont j'ai entretenu récemment
les lecteurs du Rappel, un passage que je re-
gretterais fort de ne point signaler, et qui suf-
fit, suivant moi, à condamner le Concordat.
M. Ricard déclare, en propres termes, que
..Concordat a assuré à l'Eglise de France un
siècle de paix et de prospérité. Jamais siècle
dans sa vie chrétienne, dans sa vie religieuse,
ne fut, selon lui, plus prospère.
Ainsi c'est bien entendu. Jamais, même aux
temps de la monarchie absolue qui s'appuyait
sur l'Eglise, l'Eglise ne fut plus puissante, et
c'est dans le siècle de la Révolution, à des heu-
res où elle parut persécutée, où elle se dit
martyrisée qu'elle a été,sous tous les rapports,
la plus heureuse.
Et, en effet, nous l'avons vue amasser des
millions, grâce aux congrégations ; dominer
le pays, grâce à l'enseignement ; monopoliser
les hautes fonctions et les hauts grades mili-
taires en n'y laissant arriver que ses protégés ;
devenir par ses immenses richesses une puis-
sance financière considérable au service d'une
puissance politique occulte.
Le Concordat et la loi Falloux ont fait tout
cela. M. Ricard est bien dans le vrai, et il y a
lieu de retenir son aveu. Nous n'avons aucune
raison de tolérer qu'une organisation qui nous
combat profite plus longtemps des faveurs qui
lui ont été accordées soit par des conventions
diplomatiques,soit par des lois intérieures. C'est
le devoir des républicains de mettre fin à un
pareil état de choses. La déclaration de M. Ri-
card doit calmer les scrupules des plus timides
en même temps qu'elle doit réchauffer les cou-
rages qui mollissent. — Charles Darcy.
LA GUERRE SAINTE D'ISLAM
(De notre correspondant particulier)
Constantinople, 11 septembre,
Les prêtres musulmans s'agitent dans toutes
les provinces de l'empire ottoman afin d'ame-
ner la proclamation de la Yedad (la guerre
sainte), par le sultan. Le Cheik ül Islam de
Médine fait répandre le bruit qu'on a vu sortir
Mahomet de sa tombe blanche. Le prophète
aurait crié à haute voix : « Allah sauvera son
peuple ! » Les six gardiens de la tombe furent
tellement épouvantés qu'ils tombèrent raides
morts.
Cette légende est crue dans le peuple et a
provoqué une vive agitation, même à Constan-
tinople. Des réunions ont ou lieu dans les lo-
caux des Medresschs (séminaires). Los Mollahs
demandent que le sultan déploie le drapeau
vert du prophète.
L'INSURRECTION
EN MACEDOINE
L'escadre française
Toulon, 11 septembre.
Le commandant en chef de l'escadre de la
Méditerranée vient de recevoir l'ordre de tenir
prêts à partir pour le Levant, dans le but de
protéger nos nationaux résidant en Macédoine,
les navires Brennus, Latouche-Tréville, Du-
Chayla et Linois.
Les équipages ont été complétés au moyen
des ressourças fournies par l'escadre.
Le commandement de cette division sera
confié au contre-amiral Jauréguiberry,
Combats et incendies
Cologne, 11 septembre.
On télégraphie de Sofia, 10 septembre, à la
Gazette de Cologne :
« Les Macédoniens de Sofia ont reçu la nou-
velle de rencontres sanglantes qui se sont pro-
duites entre Turcs et insurgés dans le voisinage
de Melnik. Les forêts de Perin sont en feu.
L'excitation croit de jour en jour.
La terreur à Monastir
Sofia, 11 septembre.
Un négociant arrivant de Monastir donne des
détails sur l'état de terreur qui règne dans cette
ville et les environs.
Les habitations sont fermées: les rues sont dé-
sertes, car les citadins n'osent sortir de crainte
d'être volés.
Les consuls eux-mêmes restent chez eux
depuis l'assassinat de leur collègue russe. C'est
depuis l'arrivée d'Hilmi-pacha qu'ont été com-
mis les plus grands excès. Les soldats turcs se
rendent quotidiennement coupables d'atrocités
abominables. Ils pillent, massacrent et violent
les filles sous les yeux de leurs parents. Ils ar-
rêtent les cortèges funèbres pour dépouiller les
cadavres des vêlements neufs dont, selon la
coutume macédonienne, on les revêt pour
les enterrer. Ils dépouillent aussi les prêtres
de leurs vêtements sacerdotaux. Ils ven-
dent d'ailleurs leur butin en présence de leurs
officiers.
On estime à 70.000 le nombre des personnes
errant dans la campagne sans abri et mourant
de faim. Malgré les promesses faites aux con-
suls, Hilmi-pacha ne fait rien pour venir en
aide à ces malheureux.
A Vasiliko
Constantinople, 11 septembre.
Les troupes impériales sont entrées la 6 sep-
tembre à Vasiliko, dans le vilavet d'Andrino-
ple.
Une note bulgare
Londres, 11 septembre.
Le correspondant du Daily l'elegraph à Sofia,
dans une dépêche en date du 10 septembre, se
dit autorisé à donner les renseignements sui-
vants, qu'il affirme être virtuellement identi-
ques à la réponse du général Pétrolî aux re-
présentants de l'Angleterre :
« Le gouvernement bulgare est bien décidé à
remplir ses obligations envers la Turquie, puis-
sance suzeraine, et à mettre en pratique les
propositions des grandes puissances, autant
que cela lui est possible, dans les circonstances
anormales actuelles, mais il est à craindre que
la situation ne ioit pas bien connue à l'étran-
ger.
« La Bulgarie n'a pas assez de troupes pour
empêcher les bandes insurgées de pénétrer sur
le territoire macédonien.
« D'autre part, la Turquie laisse passer les
insurgés venant de Bulgarie ; les soldats turcs
se retirent ostensiblement dès qu'ils les aper-
çoivent. Cela semble indiquer que la Turquie
a pour but d'encourager l'insurrection, afin
d'avoir un prétexte pour anéantir les chrétiens
de Macédoine.
« Les liens qui unissent les Macédoniens et
les Bulgares ne permettent guère de donner
aux soldats bulgares l'ordre de tirer sur leurs
frères, ce qui ferait naitre l'esprit de mutinerie
et de désorganisation dans l'armée.
« La Bulgarie ne cherche pas à accroître son
territoire et ne demande ni l'annexion de la
Macédoine, ni même l'autonomie ; elle désire
seulement que la vie et les biens des chrétiens
soient sauvegardés. Ce n'est pas une demande
exorbitante, et cependant les puissances refu-
sent de l'accueillir.
« Si les puissances étaient disposées a per-
mettre l'extermination des chrétiens en Macé-
doine pour des raisons politiques, le peuple
bulgare, qui n'a pas les mêmes raisons, ne
saurait s'y prêter.
« On peut donc dire, sans exagération, que,
si les puissances n'intervenaient pas à bref
délai, ce serait entretenir une situation désa-
gréable pour la Bulgarie. »
L'Allemagne et la Turquie
Londres, 11 septembre.
Le correspondant du Standard à Constanti-
nople télégraphie, le 9 septembre, qu'il a des
raisons de croire que l'Allemagne est disposée
à encourager la Turquie à agir plus vigoureu-
sement en Macédoine.
-- »
ANNIVERSAIRE
Il y a un an, Mme Andrée Louis-Lacombe
s'éteignait, à Saint-Waast-la-Hougue, dans la
même maison, dans la même chambre, dans
le même lit où, bien des années auparavant,
son mari, le grand compositeur, Louis L2-
combe, était mort. Il me semble qu'il ne con-
vient pas de laisser passer ce douloureux an-
niversaire sans adresser au souvenir de notre
amie un salut respectueux.
Je ne suis pas de ceux qui vont en pèleri-
nage sur les tombes. Je crois fermement que
l'âme des morts se désagrège, se disoerse —
comme se désagrégent et se dispersent les
corps — et que les molécules immatérielles qui
composent ces âmes ne sauraient être descen-
dues dans la terre. A quoi bon aller dans les
cimetières où il n'y a rien ?
Seul, chez moi, je me rappelle. Voici les
portraits de Mme Louis-Lacombe; celui do
dix-sept ans, éblouissant de beauté; celui de
soixante-dix ans, où l'on retrouve encore les
yeux superbes de passion et de volonté. Voici,
à côté. les portraits du a pauvre maître », ainsi
qu'elle disait, de façon si touchante et si char-
mante en parlant de celui dont elle portait si
dignement le nom. Voici la tasse, 13 petit su-
crier, le pot au lait dont se servait Louis La-
combe, posés sur le vieux petit guéridon tout
disloqué, tout branlant, au moyen duquel la
veuve, dans le silence de la nuit, correspon-
dait ou croyait correspondre avec l'esprit du
mort, — Est-ce une faiblesse d'ajouter foi aux
tables tournantes ? Beaucoup de fortes intelli-
gences l'ont eue, Je suis convaincu, quant à
moi, qu'il n'y a là que des phénomènes d'auto-
suggestion ; mais qu'importe ? Je me garde-
rai de sourire d'une illusion chère et douce.
Et voici encore, dans la bibliothèque, la
Science du mécanisme vocal, Dernier amour,
Du soir au matin. — Les lecteurs du Rappel
savent quelle femme de tous points supérieure
fut Mme Louis-Lacombe ; cantatrice incompa-
rable créatrice d'une méthode de chant dont
la plupart des professeurs actuels se sont em -
parés et qui devrait être enseignée officielle
ment partout, elle s'oublia elle-même pour se,
consacrer toute à la gloire posthume de son
mari.
Précisément on m'écrit que les œuvres de
Louis Lacombe deviennent de plus en plus po-
pulaires en Allemagne ; des représentations,
magnifiques se préparent pour la saison pro-
chaine. En France, rien. Quelque jour, plus
tard, on ira découvrir en Allemagne ce grand'
musicien français et on le rapportera en triom-
phe. Quand l'heure de la justice sonnera, il ne
faudra pas que ceux qui iront là oublient la:
vaillante veuve qui a tant fait pour cette jus-
tice encore due.
C'est afin d'empêcher que l'oubli ne vienne
que j'écris ces lignes à l'anniversaire de la
mort de celle pour qui notre maître regretté, -
Auguste Vacquerie, et mon père professaient
une fraternelle amitié, et dont nous avons'
si longtemps, ici, suivi, aidé, dans la mesure
de nos forces, les efforts généreux, le labeur
obstiné. — L. Victor-JJeunier.
————————————- o -——————————-
La LaïoisatioD de Chareaion
Depuis quelque dix-huit ans que je fais du
journalisme, il me falla,t toucher à la jolie fa-
mille cléricale pour jouir de leurs arguments
et apprendre par ces braves gens que le jour-'
nalisme est incompatible avec toute espèce de,
profession, surtout quand on a l'audace de les'
combattre et que l'on défend d'honnêtes fonc-
tionnaires indignement inj uriés.
C'est ainsi que dans les feuilles de sacristie
je suis tour à tour traité de « gratte papier
vaniteux et brouillon en mal d'avancement »
(style Gaulois) « pseudo journaliste » dont on
demande la révocation (façon Soleil), et enfin
« quelqu'un de la domesticité du directeur »
(facture Eclair).
Ce dernier surtout, en ex - républicain
trempé dans l'eau bénile,qui a besoin de don-
ner des garanties à ses nouveaux alliés, prend
bien soin de dire que les initiales E. M. sont
celles de mes prénoms et nom.
On me connaît, et il paraît que l'on craint'
les vérités que je dis, puisque c'est à qui de-
mand2ra ou ma révocation, ou qu'on m'em-
pêche de dire ce que je sais.
Que l'Eclair et autres feuilles « bien pen-
santes » se le tiennent pour dit ; je n'ai point
d'inspirateur, non plus que M. Bonnier n'a
besoin de défenseur: nous agissons tous k
deux dans la plénitude de nos droits de ci-
toyens, lui en obéissant aux ordres du minis-
tre et en faisant tous ses efforts pour mener à:
bien l'œuvre de salubrité morale qui lui est'
confiée, et moi en redressant, chaque fois que
l'occasion s'en , résente, les erreurs dont la
presse réactionnaire est remplie.
Quant au texte de la loi que je citais l'autre
jour, je comprends que cela ait causé un assez
désagréable sursaut à toute la prétraille qui
s'est si souvent moquée de cette loi. L'Eclair
insiste aujourd'hui encore sur ce que les fa-
milles ne se connaissent pas les unes les au-
tres, ce qui est bien maladroit, car cela iési
time ma citation. Il est bien certain que si ces
adresses ont été divulguées, comme ce n'est
pas le directeur qui les a données, ce doit être
d'autres persohnes, et ces autres personnes
liées, par état, par le secret professionnel, ont
violé ce secret et sont par là passibles des pé-
nalités indiquées par la loi.
Le succès de la fameuse pétition est d'ail-
leurs si problématique que les promoteurs de
ce fiasco en sont à chercher à quelles causes
ils pourront bien faire attribuer ..leur peu de
réussite, et ils commencent à dire que l'admi-
nistration leur suscite des difficultés multiples
« dont la principale est de joindre tous les in-
téressés, car les familles ne se connaissent pas
les unes les autres ». Les pétitionnaires espè-
rent-ils que l'administration va les leur faire
connaître ?
Plus loin, la feuille nationaliste dit : « Les
familles des boursiers sont prévenues que si
elles prennent part à cette protestation, l'ad-
ministration de M. Bonnier (?) se retournera
vers elles et leur fera retirer les avantages
dont elles jouissent ».
Et bien, mais voilà quelque chose de fort
juste, n'en déplaise à l'Eclair, et je suis d'avis
que celui-là est mal venu de critiquer les me-
sures d'un gouvernement qui en reçoit et en a
souvent sollicité les "bienfaits : si la laïcisation
vous déplaît tant, allez ailleurs et laissez votre
bourse à de plus dignes.
Quant aux précédents cités par ce pauvre
Eclair, ils sont piteux : les Quinze-Vingts se-
ront laïcisés à bref délai, et qui plus est, les
Sourdes-Muettes de Bordeaux, qui sont, avec
le précédent, les deux seuls établissements
nationaux pour lesquels le grand nettoyage
républicain s'impose.
Et puisque cela semble déplaire à l'Eclair
anonyme de ne voir que mes deux initiales, je
signe de mon nom tout entier.
Emile MAHÉ.
Les journalistes en Chine
(De notre correspondant particulier)
Shanghaï, 11 septembre.
A Pékin on vient de décapiter Shen-Ke-Wei,
correspondant de deux importants journaux
japonais. Son crime était d'avoir parlé de la
nécessité d'introduire des réformes en Chine.
Shen-Ke-Wei était sujet chinois et n'avait pas
pris la précaution de se placer sous la protec-
tion des consuls étrangers.
UN MAMMOUTH VIVANT
t;r')e notre correspondant particulier)
New-York, 11 septembre.
Le docteur Fritzell, le zoologiste bien connu,
rapporte que, dans son récent voyage d'explo
ration aux régions arctiques, il y a vu les en; •
preintes fraîches des pieds d'un mammouth.
La découverte a été faite dans l'île d'rL:-
maka, où le pachyderme d'origine préhislo; i
que doit vivre. Le docteur Fritzell espère qu nii
jour, en suivant sa trace, il découvrira l'a-: i--
mal. L'empreinte avait, dans la terre geLe,
une profondeur de quatre pouces.
Dans le monde scientifique, on se montre
quelque peu sceptique à l'égard des déclara-
tions du savant zoologiste.
Sne flatte allemande au Danemark
(De notre correspondant particulier)
Copenhague, 11 septembre.
On signale de Skagen la présence de nom-
breux navires de guerre allemands, dans les
eaux danoises.
Hier, on en a compté vingt-cinq ; plusieurs
torpilleurs ont abordé les côtes et des officiers
sont descendus sur terre.
Ils ont dit que 40 navires de guerre alle-
mands se concentreront ces jours-ci près de
Skagen. Cette flotté sera commandée par le
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