Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-09-09
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 09 septembre 1903 09 septembre 1903
Description : 1903/09/09 (N12234). 1903/09/09 (N12234).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
-
CINQ CENTIMES. le Numéro) PARIS & DÉPARTEMENTS
te Numéro CINQ CENTIMES.
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Il We 12234. — Mercredi 9 Septembre 1903
j 23 FRUCTIDOR AN 111
ADHlNlSTRA TI ON ; 14, rue (tu UaU
f Adresser lettres et mandais à l' Ai m UslrjUeur
NOS LEADERS
Les insolations
aux manœuvres
On ne se plaindra pas que l'été de
1903 ait été trop chaud, ni trop sec. Il
a suffi, cependant, que le soleil se
r-iOTiîràt perdant quelques jours pour
Mre des victimes parmi les soldats en
j-, --£-alloeuvres. On a compté de nombreux
cas d'insolation, le plus souvent gra-
ves, quelques-uns mortels. Le minis-
tre de la guerre aurait tort de passer
Ces accidents à profits et pertes,comme
tm l'a fait jusqu'à présent. Il faut faire
Je nécessaire pour qu'à l'avenir on
n'ait plus à déplorer ces hécatombes
périodiques: de citoyens armés.
*** -
D'abord, dans la généralité des cas,
; l'insolation atteint surtout des sujets
mal disposés. Cette mauvaise disposi-
tion provient de causes connues, aux-
quelles il n'est pas impossible de remé-
dier.
Le mal le plus facile à diagnostiquer
rcst encore celui dont on se préoccupe
quand on demande aux conseils de
revision de prendre au sérieux l'exa-
men d'aptitude physique dont ils sont
chargés. Il y a trop de malingres dans
l'armée active ; il y en a davantage
dans la réserve et dans la territoriale.
Les maladies déjà existantes à l'époque,
de la conscription s'accentuent avec
l'âge ; d'autres maladies se déclarent
parmi les hommes renvoyés dans leurs
loyers. Les majors sont très gênés pour
opérer l'épuration utile ; le motif de
leurs hésitations est celui que j'avais à
jsignaler dans un dernier article : on
craint d'appauvrir les effectifs.
¡ J'ai vu, une fois, un malheureux ré-
serviste, atteint d'une hernie très vo-
lumineuse et très gênante, contraint
de suivre les marches du corps au-
quel il était affecté. On lui avait retiré
son sac, ce qui était le. reconnaître in-
capable de remplir sa tâche de défen-
seur du sol national. Ce pauvre diable
prenait place chaque matin à la queue
de la colonne. Au bout d'un kilomètre,
il avait cent pas de retard ; une heure
après, les hommes en route avaient
,peine, en se retournant, à apercevoir
sa silhouette. Le soir, il arrivait au
cantonnement longtemps après la
soupe, mangeait mal et froid. Il re-
commençait son ingrat exercice le len-
demain. En temps de guerre, un tel
infirme n'aurait été évidemment qu'un
embarras pour ses camarades. Comme
réserviste, il faisait nombre, avec d'au-
tres de son acabit, sur les registres.
Non moins que les malingres, les
êtres trop jeunes ressentent vivement
les souffrances de la fatigue et de la'
chaleur. C'est un des inconvénients
des engagements volontaires à 18 ans;
et je reconnais que l'administration
militaire ne tient pas à recruter en
grand nombre les engagés. Elle sera:
iorcée pourtant de favoriser les enga-
gements pour constituer les cadres
d'instructeurs nécessités par le ser-
vice de deux ans. Il sera toujours pé-
nible de voir des adolescents de dix-
huit ans parcourir une quarantaine de.
kilomètres sous le poids écrasant du
sac, an soleil pernicieux d'automne, à
travers les terres labourées et les
chaufaies. Pourquoi ne pas prendre le
parti de laisser à la caserne les trou-
pier? âgés de moins de vingt ans?
Cette année, les accidents les plus
graves se sont produits dans nos dé-
partements du Midi. Voilà où nous
apercevons le tort de fixer des dates
uniformes pour les manœuvres. En
Provence et dans les régions limitro-
phes, où ont été constatées des insola-
tions mortelles, les longues mar-
ches en plein été ou au commen-
cement de l'automne sont dangereuses
à l'excès. Il conviendrait de rechercher
le moyen d'accomplir les exercices ju-
gés nécessaires plus tôt ou plus tard
qu'on ne le fait actuellement.
***
D'une façon générale, nous verrions
avec plaisir qu'on renonçât à deman-
der aux soldats des efforts excessifs.
N'oublions pas que la progression nor-
male d'une armée est calculée sur un
maximum de vingt à vingt-cinq kilo-
mètres par jour. Cela étonnera peut-
être des gens qui se souviennent d'a-
voir accompli des marches forcées de
douze ou quinze lieues. En pareil cas,
il y a toujours à relever une faute du
-eommandement. Ou les cantonnements
ont été mal choisis, ou l'itinéraire a été
mal fixé, ou les ordres de l'état-major
-. Dnt été mal interprétés.
On n'aperçoit pas pourquoi, en temps
tIe paix au moins, les soldats porte-
raient la peine des erreurs commises
gar.leurs chefs. C'est de l'instruction
Me ces derniers principalement qu'il
s'agit. Il n'y a pas besoin, ponr que
es arbitres et le général. en chef dis-
tinguent la faute de tactique d'un offi-
cier, que celui-ci ait imposé une fati-
ue inutile à ses troupes. Il suffit que
officier en question ait mis les hom-
mes placés sous ses ordres dam le cas
de se surmener. Pourquoi poursuivre
jusqu'au bout une opération mal com-
mencée? Cet entêtement ne diminue
en rien la responsabilité du chef, er
cause des accidents sans aucune uii-'
lité.
- Mais, s'écrient ceux qu'anime
F « esprit militaire » mal compris, en
temps de guerre, il faudrait bien ache-
ver les manœuvres même mal enta-
mées 1
Sans doute. En temps de guerre,
d'ailleurs, il y aurait des balles dans
les fusils. Serait-ce une raison pour
engager nos divers corps de troupes à
échanger des coups de flingots à l'épo-
que des manœuvres ?
Il est absurde de confondre la pré-
paration de la guerre avec la guerre
elle-même. Ne laissons pas de cadavres
sur les champs de bataille pour rire de
nos manœuvres. Autrement, nous se-
rions de sinistres Gribouilles, assidus
à tuer les soldats pour leur apprendre
à se battre.
Hugues Destrem.
LES ÉVÊQUES EN RÉVOLTE
Quant au fougueux M. Turi-
naz, de Nancy, il était aPé,
l'autre jour faire une visite à
son collègue de Marseille, avec
lequel il partage la singu-
larité de ne plus toucher de
traitement ; — ces messieurs préparent
de leur mieux, comme on voit, le ré-
gime de la séparation, et nous ne pou-
vons que nous déclarer très satisfait de
leurs allures. — Il est actuellement à Lour-
des.
A Lourdes, M. Turinaz comptait, paraît-
il, prononcer, à la grotte aux scrofules, un
discours dont les cléricaux se régalaient
d'avance. Une dépêche d'un correspondant
du Temps dit, en effet, que ce discours « était,
annoncé par avance comme une véhémente
diatribe contre le gouvernement et sa poli-
tique ».
Or, voici que M. Turinaz renonce à faire
retentir de ses accents belliqueux la grotte
à la répugnante piscine. Pourquoi cette sa-
gesse ?
C'est que l'évêque de Nancy a trouvé,
dans celui de Tarbes, un collègue peu dis-
posé à faire eourtr des rratjtrea èr l'entre-
prise de la grotte. Tout le monde sait le,
mal que l'on s'est donné dans la région
,pour sauver la basilique aux miracles de
l'application des lois sur la Congrégation.
Elle est aujourd'hui laïcisée, la piscine, des
« séculiers » y convoquent les fidèles ma-
lades, comme autrefois les réguliers ; et
cet arrangement, soyons exact, ne tient
qu'à un fil. On s'est accroché aux basques,
des élus du pays, on leur a fait remarquer
que la grotte, à elle seule, valait une ville
d'eaux de premier ordre, qu'il ne fallait
.pas ruiner la contrée en la privant de son
bain froid, qui ne va pas sans une vente
importante de chapelets et d'images ; on a
'circonvenu M. Combes ; on a fait fléchir
cette barre d'acier ; on a obtenu de lui ce
que les petits sanctuaires de rien du tout
n'avaient pu obtenir ; la grotte vit et pros-
père, au mépris de la circulaire sur les:
chapelles non concordataires, mais elle'
prospère.
C'est pourquoi M. Turinaz a recueilli de'
son collègue de Tarbes la « prière )) de :
« vouloir bien ne créer à Lourdes aucun'
'incident )). Et M. Turinaz n'a point parlé.;
Ce silence est prudent; il est adroit ; mais!
l'établissement de Lourdes n'en est pas
moins illicite. Nous ne cesserons d'en ré-
clamer la fermeture.
HYGIÈNE INDUSTRIELLE
C'est le 22 octobre prochain que deviendra
exécutoire la loi récemment votée par la
Chambre en modification de la loi du 12 juin
1893 sur l'hygiène et la sécurité dans les éta-
blissements industriels.
La loi nouvelle étend les bénéfices du ré-
gime antérieur à une immense catégorie de
travailleurs qui n'avait pas été jusqu'à présent
protégée. Sous l'empire de la loi du 12 '- juin
1893 étaient seuls soumis à des prescriptions
légales de sécurité et d'hygièno, les manufac-
tures, les usines, les chantiers et ateliers de
tous genres et leurs dépendances et ce, sous
la surveillance des inspecteurs du travail et
sous peine de sanctions judiciaires en cas
d'infractions.
La loi de 1903 a ajouté les laboratoires, les
cuisines, caves et chais, magasins, boutiques,
bureaux, entreprises de chargement et de dé-
chargement quel que soit leur caractère, pu-
blics ou privés, laïques ou religieux, commer-
ciaux ou charitables.
Ainsi c'est toute l'industrie de l'alimentation,
non pas seulement les ateliers de fabrication
ou de transformation, mais encore les bureaux
de vente, les théâtres, les cirques, les music
hall où il est employé des engins mécaniques,
qui vont tomber sous la surveillance étroits
des inspecteurs du travail qui devront se ren-
dre compte des conditions d'hygiène et de
sécurité où se trouve le personnel.
Et, ce qui n'est point sans utilité pratique,
les refuges, les ouvroirs religieux qui jusqu'à
présent tenaient leurs portes hermétiquement
closes vont les ouvrir toutes grandes devant
les représentants de l'Etat. Ainsi pourront
cesser les abus, les scandales et les mauvais
traitements qui ont rendu si tristement célè-
bres le Bon-Pasteur de Nancy et le Bon-Refuge
de Tours.
Les inspecteurs auront la charge d'exiger
partout l'exécution des mesures générales de
protection et de salubrité applicables aux éta-
blissements assujettis, notamment en ce qui
concerne l'éclairage, l'aération ou la ventila-
tion, les eaux potables, les fosses d'aisances,
1 évacuation des poussières et vapeur, les pré-
cautions à prendre contre les incendies, le
- couchage du personnel, etc.
On peut espérer que la nouvelle loi aura
les effets les plus salutaires et que grâce à
elle, s'amélioreront de la façon la plus satis-
faisante les conditions de travail dans tous
les établissements industriels et commerciaux.
— Charles Darcy, :,
CLAUDE TILLIER
« Mon oncle Benjamin ». — Nul n'est
prophète en son pays. — La tyran-
nie de Paris. — Un bon institu-
teur. — Les pamphlets de
Timon. — Vivre, lutter,
souffrir. — Le style de
Claude Tillier.
Si jamais vous allez à Nevers, vous verrez,
devant le Palais de Justice, au milieu du gazon
et des fleurs, deux bustes. L'un représente un
poète nivernais dont je ne me rappelle plus le
nom ; l'autre, c'est Claude Tillier.
— Claude Tillier?. Connais pas.
- Ah, voilà 1. Personne, hors de sa pro-
vince, ne le connaît, en France.
Mais demandez à un Allemand ayant de la'
lecture s'il connait Claude Tillier. Il vous ré-
pondra sans hésitation : « Oui, c'est l'auteur de
Mon oncle Benjamin. »
Ouvrez une « histoire de la littérature fran-
çaise » faite en Allemagne, et vous avez chance
d'y trouver le nom de Claude Tillier. Enfin
quiconque est versé dans la littérature alle-
mande de ces trente dernières années vous dira
la faveur dont jouit au delà du Rhin cet au-
teur français inconnu en France. C'est ainsi
que dans la Revue des Deux-Mondes du 15 jan-
vier 1903, dans un article de M. T. de Wy -
zewa, on pouvait lire cette phrase : « Il y a
;un roman français de Claude Tillier, Mon on-
; cle Benjamin, qui non seulement est resté jus-"
qu'à présent une œuvre des plus aimées du
public allemand, mais qui, de l'aveu de tous:
les historiens, a été un des facteurs principaux
de l'évolution du roman en Allemagne ».
Ce sont les Allemands qui ont raison. Quant
à nous, Français, notre ignorance est vraiment-
inexcusable. N'est-il pas scandaleux qu'un,
homme comme Claude Tillier, qui a consa-
cré et même sacrifié sa vie à la défense des
idées d'égalité, de justice, de liberté, devenues
.depuis le mot d'ordre universel, qui savait-
unir une ironie rappelant Voltaire à une élo<
quence que Rousseau n'eût pas dédaignée, le
public français l'ignore, et qu'il nous faille,
entendre louer ce nom chez nos voisins pour
nous aviser que celui qui le portait est un des
.nôtres?
Et quelle est la raison de cette ignorance si
étrange? Un mal bien difficile à guérir et qui
est en train d'anémier la France : la tyrannie
de Paris.
Si Claude Tillier eût vécu à Paris, écrit à
Paris, si ses ouvrages eussent été édités à Pa-
ris, la célébrité lui était assurée et la Renom-
mée aurait pris des trompettes de renfort pour
sonner sa louange à tous les coins de la
France.
Mais il habitait une ville de province, il
écrivait en province et c'est un éditeur de pro-
vince qui le premier a publié ses œuvres. N'é-
tait-ce pas là un vice rédhibitoire ? Paris, mal-
gré les efforts de quelques hommes d'esprit et
de cœur pour attirer son attention sur elles,
ne se devait-il pas à lui-même de ne point les:
-co n'naît re -? Dès lors, la province moutonnière
ne pouvait non DIUS en soupçonner l'existence.
Et voilà comment, en France, un écrivain de
mérite peut rester inconnu des Français.
Mais voici que des lueurs traversent la nuit
qui environne l'auteur nivernais. Elles pro-
viennent, d'un livre récent publié par M. Ma-
rius Gerin, professeur au lycée de Nevers (1).
Il semble que Tillier va sortir de l'ombre et
une longue injustice être réparée.
Nous voulons essayer — à la suite de M.,
Marius Gerin, et en nous aidant de son livre:
— de contribuer à cette réparation.
La vie de Claude Tillier
Claude Tillier naquit le 10 avril 1801 à Cla-
mecy (Nièvre).
Ses études finies, il se destinait à l'enseigne-
ment universitaire, puis, pour des raisons mal;
connues — parmi lesquelles on peut sans,
doute mettre au premier rang une indépen-
dance de caractère qui s'était révélée dès le
jeune âge. Tillier renonce à l'enseignement'
secondaire pour devenir instituteur libre dans
sa ville natale.
C'est là qu'en 1822 vint le trouver le recru-
tement militaire. Il servit cinq ans et fit la
guerre d'Espagne (1823); il avait même com-
mencé un journal de l'expédition, œuvre in-
téressante comme début d'un grand talent, la-
quelle a été retrouvée et publiée par M. Marius
Gerin. Bon service flni,il revient à Clamecy et
ouvre une école privée. Il semble qu'alors il
n'eût d'autre rêve que d'être un bon institu-
teur. « Cïétait, dit son biographe, un stimula-
teur, un éveilleur d'idées. Il avait au plus haut
point le don d'instruire. »
Mais en ce temps-là un instituteur était sou-,
'mis à l'ombrb 'euse surveillance d'un comité
'cantonal où siégeaient de droit avant tout au-
tre le juge de paix et le curé. Ces gros per-
sonnages n'auraient pas été des hommes s'ils
n'avaient cédé à la iention de faire sentir leur
■ autorité, et Tillier n'amalt pas été Tillier s'il
:ne leur eût laissé cnioncll'o que la haute opi-"
nin qu'il avaient •'Veux-mômes ne lui -en im-
'posait nullemeiit.
Et ce n'est pas tout. Lui, maître d'école, il
;no craignait p:>;> de juger avec liberté le dé-
'pn!:\ !o maire, le" conseillers mnni'ipauxtous'
lej potentats de ia ville et de la contrée. Il
,o;;ait avoir une opinion sur les affaires, de la
cilé. ::;:1,' le gouvenement, et la dire tout
haut, bien pis encore : l'écrire. Quel scan-
dale!
Enfin, quand j'aurai a joute que ce malheu-
reux Tillier, qui déciJémerçt savait bien mal
conduire ses affaires,était assez hardi pour ne
point voir dans la Société de 1835 la perfection
inlangjhJc, qu'il avait la singulière manie de,
prendre toujours le parti des pauvres contre
les riches et de se ranger lui-même avec prédi-
lection parmi les pauvres, vous comprendrez
sans peine pourquoi il fut bientôt la bête noire
de tout le monde « bien pensant », ou plutôt
un affreux « rouge » dont il fallait fuir comme
un fléau la personne et l'école.
« Chaque jour il perdait — comme il le dit
lui-même — quelqu'un de ses écoliers; les
bourgeois s en allèrent les premIers, puis les
marchands en gros et en détail, puis enfin le
peuple. Enfin, le pauvre homme ne pouvant
plus être maître d'école, fut obligé de se faire:
feuilletoniste, ce dont il garde à ses bons en-
nemis la plus vive reconnaissance. »
C'était là la vraie vocation de Tillier. Il était
né polémiste.
Littérature et polémique!
Déjà, avant de renoncer à son école, il avait
publié une série de pamphlets politiques. Son
coup de maitre, ce fut les Lettres ou Système
:électoral sur la Réforme. Elles parurent dans
une feuille démocratique de Nevers, l'Associa-
tion, avec un succès tel que le grand journal
libéral do l'époque, le National, les reproduisit,
et que Cormenin, qui signait du pseudonyme
de Timon. des pamphlets si virulents, adressa
à Tillier une lettre des plus élogieuses. L'an-
cien instituteur passait du coup journaliste.
Quelques semaines après, en juillet 1841, il
est appelé à Nevers comme rédacteur en chef
(1) Etudes sur Claude Tillier, première série,
par Marius Gerin. Garnier frères, éditeurs, Pa-
ris, im
de l'ssociation. Sa vie, déjà mouvementée, de-
vient alors orageuse, mais aussi plus active
que jamais. Il traite d'une plume infatigable
toutes les questions politiques, sociales, litté-
raires, qui agitaient ce temps ; il compose ses
romans, Belle-Plante et Cornelius, et surtout
Mon Oncle Benjamin qui semble être son meil-
leur titre à la notoriété ; enfin, dans des pam-
phlets où abondent les pages d'un intérêt tou-
jours actuel, il s'en prend à des adversaires
que l'on ne pouvait alors attaquer sans cou-
rage, au premier rang desquels il faut citer
comme l'un des plus fougueux M. Dufêtre,
évêque de Nevers.
On croira sans peine qu'en un temps où la
bourgeoisie était toute puissante, où l'immense
majorité du peuple n'avait d'opinions que cel-
les qui lui étaient suggérées par le clergé,
Claude Tillier aux prises avec de tels antago-
nistes n'était pas précisément sur un lit de ro-
ses. Les trois ans qu'il passa à Nevers furent
une lutte de tous les jours. Il y usa sa vie
Epuisé par le travail, aigri par les malheurs,
miné par une maladie de poitrine, il mourut à
la peine, en 1844, à quarante-trois ans.
L'écrivain
Telle fut la vie de Claude Tillier. Les anna-
les de la politique pourraient révéler sans doute
plus d'une existence aussi batailleuse et mainte
polémique aussi convaincue, aussi passionnée,
sans qu'elle mérite pour cela d'être exhumée
des vieux journaux enfouis dans les archives.
Si Claude Tillier n'avait d'autre mérite que
d'avoir vécu, d'avoir lutté, d'avoir souffert
pour ses opinions, nous estimerions qu'il par-
tage le sort de bien d'autres en France, et
nous n'essayerions pas d'aviver la vague au-
réole qui attire encore sur son nom le souvenir
de sa province.
Mais il y a autre chose. Ce feuilletoniste, cet!
agité à qui ses adversaires jetaient comme une
injure le titre de pamphlétaire et qui le bran-
dissait avec orgueil, n'avait pas seulement la
verve qui entraîne, la pensée clairvoyante qui
fait réfléchir; il était doué de la qualité qui
assure à une œuvre la d'urée : le style.
C'est un écrivain.
Son expression est toujours empreinte de ce
pittoresque populaire qui vous met l'objet;
même sous les yeux. Il sait voir, il sait sentir
et il sait rendre en artiste ce qu'il a vu et
'senti. L'image n'est chez lui que l'écho direct
de la sensation, le reflet même du sentiment.
Aussi que de jolis coins dans son oeuvre !
Ici une description du Morvan qui fait songer
aux peintures du Berry par George Saud, là
une méditation pénétrante sur son passé, sur
son présent ; ailleurs l'ironie ardente, le mot
qui marque au fer rouge, la comparaison qui
est un flot de lumière projeté sur l'idée; enfin
dans son chef-d'œuvre, ce délicieux Oncle
[Benjamin, qu'une fois lu on n'oublie plus,
l'émotion, la bonne humeur, le bon sens, la
raillerie, dans une langue nerveuse et cin-
glante comme ira jonc. Partout la couleur, le
mouvement, la vie.
Qui lit Claude Tillier est conquis. Mais ra-
res sont ses lecteurs, car on trouve difficile-
ment ses livres. Il serait donc à propos d'en
donner une nouvelle édition. C'est un soin
qui revient à M. Marius Gerin. Il a prouvé
que cette œuvre mérite de ne pas rester
ignorée. Qu'il fournisse maintenant au public
français les moyens de la connaître et de ne
pas laisser aux Allemands le privilège d'être
presque seuls à apprécier Claude Tillier.
Jacques SERMOISE.
LE MOUVEMENT PRÉFEC fORAl
On le trouvera plus loin, il porte sur trois
préfectures, treize sous-préfectures et trois
postes de secrétaires généraux. Il se borne à
placer ici celui qui était là; les seuls fonction-
naires qui disparaissent sont un préfet décédé,
et un sous-préfet mis en disponibilité sur sa
demande.
C'est la plaisanterie de l'autre jour qui con-
tinue; l'administration préfectorale laissée par
M. Méline reste intangible.
PARTI RADICAL-SOCIALISTE
Les élections municipales de Florensac
Nous recevons du Comité républicain radical-so-
cialiste et socialiste de Florensac (Hérault), la com-
munication suivante :
t La prime-fleur de la presse nationaliste pari-
sienne a daigné s'occuper des dernières élec-
tions municipales de Florensac, nous espérons
que les journaux républicains voudront bien
accueillir notre réponse à des feuilles comme
le Gaulois, le Soleil, l'Intransigeant, la Croix,
la Patrie, et nous permettre de rectifier les
inexactitudes commises à plaisir. Depuis huit
ans, c'est, non pas une municipalité républi-
caine, mais des édiles réactionnaires qui nous
gouvernaient. -
L'enquête qui va s'ouvrir dira quelle fut leur
gestion. Les chefs qui conduisirent les bandes
nationalistes font tous partie de la Jeunesse !
royaliste et des cercles catholiques; Ceci établi,
il est plaisant que des Méridionaux du midi et
demi aient à remettre au point les assertions
des Roumestans du Nord.
Les journalistes qui ont accueilli la commu-!
nication de nos adversaires auraient dû se;
souvenir qu'il y a peu de temps M. Rouvier
mettait en garde nos honorables contre le cœf-
ficient méridional. La liste républicaine adonne
la moitié des places du bureau électoral à ses
adversaires, commissaires spéciaux et candi-
dats réactionnaires n'ont pas quitté la salle de
vote, et à aucun moment nul n'a pu faire de
fraude.
La grande colère des nationalistes vient de ce
qu'au dépouillement, ils n'ont plus retrouvé,
sortant de l'urne, le nombre de bulletins qu'ils
avaient distribués.
Chaque ouvrier était tenu de prendre son
bulletin de vote au bureau patronal et de don-
ner sa signature (sic) mais comme le Gouver-
nement de la République avait tenu à avoir un
âcrutin loyal et qu'on votait individuellement
en pleine liberté, bien des ouvriers se sont
affranchis du joug qu'on faisait peser sur eux
en menaçant d& les affamer.
Depuis l'ouverture de la période électorale,'
quantité d'entr'eux furent renvoyés parce que
leurs opinions libérales étaient trop connues
ou dénoncées. Les autres n'ont pas oublié :
voilà toute l'explication d'un vote qui ne mé- ;
rite pas d'occuper la France, et si les réaction-j
naires ayant foulé aux pieds deux cents bulle-
tins environ qui restaient à dépouiller, alors
qu'ils - avaient près de cent voix de minorité, j
prétendent rouvrir l'ère des agitations, ils se ;
trompent. Il y a deux ans, nous avons fait ici
la grève des Ecoles pour chasser les délégués
cantonaux, qui faisaient élever leurs enfants
par les congréganistes ; en y réussissant, nous
avons prouvé que nous étions les seuls défen-
seurs de l'enseignement laïque.
C'est pourquoi nous disons qu'on a très jus-
tement et très sagement agi, en proclamant la
liste républicaine élue. D'ailleurs si certaine
presse nous vilipende, elle n'a eu à enregis-
trer, malgré tant de battage, ni morts ni bles-
sés par les fourches cléricales ou les baïonnet-
tes républicaines. La morale de cette histoire,
Musset nous l'a fournie en écrivant Beaucoup
de b¥v& pQ&r rien. L'amnésique marquis de
Rochefort, qui nous a honorés de ses attaques
dan-s l'Intransigeant a oublié le titre de cette
étincelante fantaisie ; s'il continue, il va perdre
ses dernières fidèles, les incurables des Quinze-
Vingts.
Le 30 août, le bloc républicain a triomphé à
Florensac : nous sommes fiers de cette œuvre
si loyale, et heureux de terminer co trop long
article au cri de : « Vive la République radi-
cale-socialiste et socialiste !
Pour le comité : Le président, A. CANTO.
- »
PROCEDÉS CLÉRICAUX
Tulle, 7 septembre.
Voici quelques détails au sujet des troubles
dont nous avons parlé et qui se sont produits
à Lamazière-Basse (Corrèze) le jour de l'inau-
guration, par les libres-penseurs, d'un modeste
monument élevé dans le cimetière de cette
commune à la mémoire du citoyen Paupard :
pendant une de ces dernières nuits, des in-
conuus ont pénétré dans le cimetière, ont dé-
chiré les bouquets qui se trouvaient sur le mo-
nument Paupard et, après avoir brisé à coups
,de marteau la plaque de marbre sur laquelle
étaient gravées les inscriptions commémora -
tives, ont enduit le monument d'ordures.
Voir à la 30 page
les Dernières Dépêches
de la nuit
et la Rovu© des J ournsux
du matin
La laïcisation de Chargea
Nationalistes et cléricaux, tous les bons réac-
tionnaires me semblent avoir été touchés au
bon endroit par les articles parus ici.
Le Gaulois, le Soleil, l'Eclair m'ont prouvé,
en m'attaquant, combien mes arguments étaient
excellents.
Mais je crois qu'il est temps de les avertir
qu'ils dépensent leur encre en pure perte, tout
ce qu'ils écrivent ne fera qu'avancer le départ
des « chères victimes».
L'exode a déjà commencé, l'une des religieu-
ses a quitté la maison.
Il est, d'ailleurs, grand temps qu'elles s'en
aillent toutes.
L'Eclair dit que des deux médecins l'un est
contre la laïcisation, c'est M. le D" Christian ;
le second est pour qu'elle ait lieu : C'est M.
Ritti. Quel meilleur argument ! M. Christian
qui n'emploie pas de religieuses dans son ser-,
-vice doit se moquer agréablement de ce que
l'on mette ou que l'on ne mette pas de laïques
dans le service de son voisin, et voilà que ce
voisin, M. le Dr Ritti, qui est le principal in-
téressé à cette laïcisation, s'en déclare en-
chanté, car il va enfin être débarrassé de cette
gent encornettée.
Et ces propos que l'Eclair en question met
dans la bouche d'un certain X. Voyez-vous
ice directeur « nerveux » qui se plaint de ce
que « trois poulets avaient été cuits à part».
Au surplus, je conseille au rédacteur in-
connu de se documenter plus sévèrement ; il
verra dans le livre de M. Strauss par exemple
que la sœur Prudence s'appelle Providence.
En résumé, pourquoi faire tant de bruit
[pour une chose si simple : un changement de
personnel ?
Que les Messieurs X. renoncent à essayer
de bluffer avec leur fameuse pétition, car il
serait peut-être curieux de connaître où ils
ont pu se procurer les adresses des familles;
uflfe petite enquête s'imposerait et je me per-
mettrai de leur citer ce petit article du Code
qui leur donnera certainement à réfléchir, à
eux e4 à ceux ou celles qui les auront trop
bien renseignés.
Article 378. Les médecins, chirurgiens et au-
itres officiers de santé, ainsi que les pharma-
ciens, les sages-femmes et toutes autres person-
'nes dépositaires par état ou profession des se-
crets qu'on leur confie, qui, hors les cas où la
loi les oblige à se porter dénonciateurs, auront
révélé ces secrets, seront punis d'un emprison-
nement d'un mois à six mois et d'une amende
de 100 à 500 fr. (Code pénal, liv. III, tit. 11.)
Or, l'Ectair nous apprend que « les familles
des malades en traitement se connaissent peu ».
Alors, pour que ces familles si peu connues
reçoivent cette fameuse pétition et la signent,
S il faut bien que quelqu'un divulgue leurs
adresses. — E. M.
LA JUSTICE MILITAIRE ALLEMANDE
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 7 septembre.
A maintes reprises, le ministre de la guerre
La reproché aux députés socialistes du Reichstag
de ne révéler à la tribune les cas de mauvais
itraitements dans l'armée que pour faire du
scandale. « Si, disait le ministre ou son repré-
sentant, les socialistes voulaient réellement re-
médier aux abus, ils les signaleraient à qui de
droit et le ministre se chargerait d'y porter re-
mède. »
Un rédacteur du Vorwacrts, M. Rehbein, a
eu la naïveté de prendre au sérieux ces décla-
rations. Il a reçu, il y a quelquo temps, une
lettre d'un soldat qui lui racontait qu'un cama-
rade est devenu invalide par suite de mauvais
traitements. Mi Rehbein dénonça le fait aux
autorités militaires qui se convainquirent bien-
tôt de l'exactitude de l'assertion. Et alors qu'ar-
riva-t-il ? On n'ouvrit pas une enquête judi-
ciaire contre l'officier coupable mais on fit ar-
rêter M. Rehbein, parce qu'il ne voulait pas
révéler le nom de son correspondant.
Bruit de la mort de Boris Sarafow
(De notre correspondant particulier)
Sofia, 7 septembre.
Le bruit eourt que Boris Sarafow, le vrai
chef de l'insurrection macédonienne, aurait
été tué dans un combat qui a eu lieu près de
Deyran.
Les Turcs auraient enlevé son cadavre. La
nouvelle paraît fort invraisemblable. Il est pos-
sible que les insurgés tiennent secrète la mort
de leur chef.
LES TROUBLES EN SERBIE
(De notre correspondant particulier)
Zimony (frontière serbe), 7 septembre.
Toute la garnison de Belgrade se trouve de-
puis deux jours sous les armes. La population
montre des velléités de révolte.
Le bruit court que des conflits sanglants en-
tre officiers ont eu lieu dans les garnisons de
Kragouyevacz et de Negotine.
Le général Yankovitsch, commandant de la
place de Nisch, qu'on a relevé de ses fonctions,
a refusé de quitter son poste.
La nouvelle de la mise en liberté des offi-
ciers hostiles au régicide ne se confirme pas.
Tous seront traduits en conseil de guerre,
le commandant Schouchkalovitsch - a été
chargé de l'instruction.
MASSAGE
ET MAGNETISME"
——— r
Magnétisme et hypnotisme. — Possible,
lités sociales et utopies. — Une
science froide. — Les dangers
de l'hypnotisme. — Le fluide
universel. — Où est la sa-
gesse ?
Au début de cette courtoise polémique scien<
tiRque, qu'il me soitpermisde remercier le Rap-
pel pour la bonne grâce exquise qu'il met à' ,
nous ouvrir sescolonnes. Le journal des Vac,.!
querie et des Victor-Meunier reste toujours le:.
même, à la tête de toutes les avant-gardes etds
tous les progrès. Il ne considère pas que rien
doive être étranger à ses lecteurs de ce qui;
préoccupe les penseurs et il veut bien se faire
l'écho de toutes les possibilités sociales ou scient
tifiques, ces possibilités fussent-elles dénom-,
mées utopies par certains.
Utopistes, nous ne le sommes pourtant.
point, bien que magnétistes. Et, malgré la fâ-
cheuse opinion que M. Tabary semble avoir
du magnétisme — opinion, hâtons-nous de le,
dire, qui paraît reposer sur une vaste érudition
historique — nous devons à la vérité de dira
que le magnétisme est bien,en effet, une scienèô1
ifroide et positive. Mais, lorsque nous disons
magnétisme, nous n'entendons point du tout
l'hypnotisme, comme le pense apparemment
notre honorable contradicteur. Nous n'avons
pas attendu son cri d'alarme pour parler desr
dangers de l'hypnotisme : dangers physiologi-
ques d'une part, grâce aux congestions ner-
veuses et sanguines que sa brutalité provoqua'
— dangers mentaux d'autre part, grâce aux
déséquilibres qu'il produit dans le cerveau,—
et enfin, dangers moraux, de par l'absolu;
abandon que fait le sujet de sa volonté à son
hypnotiseur. Mais l'hypnotisme n'est que le;
fils bâtard du magnétisme, la science estropiée
incomplète et débaptisée des Braid et de leurs
successeurs.
Un mot d'histoire
Le magnétisme est -très vieux, infiniment
antérieur à Paracelse et à Van Helmont. Ficin,
avei sa théorie du fluide universel, en paraît
poser les bases, mais la réalité des faits ncusi
pousse bien plus loin, vers les temps mys'.é-
rieux de la tradition orale. Pour quiconque en
connaît la clef, la lecture du Zohar et des Sé-
phers hébreux est, à ce sujet, fort instructive.
Et, si l'on veut bien se dire que ces livres, dus
à la tradition occidentale, sont des milliers
d'années postérieures à ceux de la tradi-
tion orientale — en tous points analogue
à la première — on conviendra qu'il est"
juste de dire que le magnétisme est une i
science vieille comme les hommes. Elle n'a pas{
attendu les Ficin, Paracelse, Van Helmont et:
Tritheins pour exister et se manifester. Mais,r
tout au contraire, ce sont ces savants de haute-
envergure, tous profondément initiés à ces tex-i
tes antiques qui ont, les uns après les. autres^
appliqué à leur époque la science prodigieusêi
des anciens. Ce sont des révélateurs au sens lit-;
téralement étymologique du mot re-velare, re- ;
voiler, présenter sous de nouveaux voiles, daî
nouvelles formes ;
En passant, et puisque nous sommes ame-
nés à parler d'histoire, qu'il nous soit permist
de relever une légère inexactitude dans I'arti--i
cle de M. Tabary. Il écrit: « Depuis cette'
« époque de Puységur, Faria, du Potot, etc.
« firent des expériences officielles dans divers j
« hôpitaux, sans succès. » Or ce sans snccès est
loin d'être exact. Du Potet, pour ne citer qu
lui, fit en effet, en 1820, des expériences a
l'Hôtel-Dieu devant Husson, médecin en chef-
de cet hôpital. La première porta sur une ma-
lade réduite au dernier état de marasme par
suite de vomissements ql'f! rien n'arrêtait. Elle
fut apportée sur un brancard. En 20 minutes,1
Du Potet, flt cesser les vomissements et en 27 :
jours il avait guéri la malade. Et ce n'est pa!$
la seule expérience qu'il accomplit avec suc<. s
en cet établissement. (Voir les archives de FRo-
tel-Dieu.)
Des prétendus dangers du magnétisme
Qu'il nous soit permis de revenir sur ce su- ;
jet. En qualité de professionnel on compren
dra qu'il nous tienne un peu à cœur et que:
nous désirions l'élucider complètement. En
principe, on pourrait dire, tout d'abord, qu'on
ne soigne jamais de malades sans que la chose !
apparaisse comme dangereuse. Quel médecin,
peut affirmer n'avoir point fait d'erreur de
diagnostic? 'Qnel chirurgien peut dire que
jamais son bistouri n'a été trop loin ? et nouff
pouvons ajouter, - sans craindre que M. Ta-
bary lui-même nous démente — quel masseur,
peut dire qu'il n'a jamais porté une main
peut-être un peu hardie sur des lésions encore
enflammées.7
Il y a eu, il y a, il y aura des ignorants, des
imprudents, et des téméraires, partout où des
soins sont à donner. Tout ce qui a rapport de
près ou de loin à l'art de guérir comporte cet
aléa. Et ce n'est pas à dire pourtant que cet art
soit mauvais en soi. Or, même en convenant
qu'une magnétisation ne soit pas toujours
exempte d'inconvénients — nous ne voulons
pas dire de dangers, le mot étant trop fort —
si elle est pratiquée par des mains inhabiles,
on voudra bien nous accorder qu'il ne s'en
suit pas que ce genre de soins soit forcément
plus mauvais que n'importe quel autre quand
il est appliqué avec science.
Est-il donc possible que le magnétisme soit
une science, et non pas « cet agent mystérieux
« des sympathies et des antipathies qui ne
« peut être enseigné et pratiqué que d'une ma-
« nière hypothétique » ? N'en déplaise à M.
Tabary, la vérité nous force à répondre par
l'affirmative. Cet «agent mystérieux » ne l'est
plus que pour la quantité - toujours trop
grande — de ceux qui, ne le connaissant pas,
;le décrètent absurde et décident de ne le point
étudier. La sagesse n'est pas toujours du côté
du plus grand nombre.
Le magnétisme est une science
Le magnétisme est une science, disons-nous.
Il touche autant à la physique qu'à la physio-
logie. Des connaissaroes étendues dans ces
deux branches spéciales sont nécessaires pour
en aborder, avec fruit, l'étude aride. Les ana-
logies de l'onde magnétique physiologique —
improprement dénommée fluide - avec la lu-o
mière, l'électricité, le magnétisme (propre à
l'aimant) et lesondes de Hertz, sont nombreux
;ses. Le magnétisme n'est rien de tout cela, el
; pourtant y touche dp bien près. C'est une del
; multiples manifestations de la force. Nous di-
sons de la force et non de la vie, car on le ren-
contre dans des objets inanimés, particulière-'
ment dans l'aimant et dans les cristaux et
même dans des débris animaux et végétaux
(os et plantes sèches). C'est une ferce qui est bi-
polaire comme l'électricité, qui possède un
: spectre comme la lumière, qui se réfléchit et se
réfracte comme elle, qui traverse les corps;
opaques comme les rayons X, qui détermine,
ides phénomènes d'induction comme les ai-
mants et les solenoïdes -=- et enfin qui s enrs-
: gistre, non seulement sur des sensitifs — on
(1) Voir les numéros des 7, Il, 31 août et S wjç
jtembre. - .,' ,---
CINQ CENTIMES. le Numéro) PARIS & DÉPARTEMENTS
te Numéro CINQ CENTIMES.
ANNONCES
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REDACTION s 14, rue du Mail, Paris
Iltoi à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
Il We 12234. — Mercredi 9 Septembre 1903
j 23 FRUCTIDOR AN 111
ADHlNlSTRA TI ON ; 14, rue (tu UaU
f Adresser lettres et mandais à l' Ai m UslrjUeur
NOS LEADERS
Les insolations
aux manœuvres
On ne se plaindra pas que l'été de
1903 ait été trop chaud, ni trop sec. Il
a suffi, cependant, que le soleil se
r-iOTiîràt perdant quelques jours pour
Mre des victimes parmi les soldats en
j-, --£-alloeuvres. On a compté de nombreux
cas d'insolation, le plus souvent gra-
ves, quelques-uns mortels. Le minis-
tre de la guerre aurait tort de passer
Ces accidents à profits et pertes,comme
tm l'a fait jusqu'à présent. Il faut faire
Je nécessaire pour qu'à l'avenir on
n'ait plus à déplorer ces hécatombes
périodiques: de citoyens armés.
*** -
D'abord, dans la généralité des cas,
; l'insolation atteint surtout des sujets
mal disposés. Cette mauvaise disposi-
tion provient de causes connues, aux-
quelles il n'est pas impossible de remé-
dier.
Le mal le plus facile à diagnostiquer
rcst encore celui dont on se préoccupe
quand on demande aux conseils de
revision de prendre au sérieux l'exa-
men d'aptitude physique dont ils sont
chargés. Il y a trop de malingres dans
l'armée active ; il y en a davantage
dans la réserve et dans la territoriale.
Les maladies déjà existantes à l'époque,
de la conscription s'accentuent avec
l'âge ; d'autres maladies se déclarent
parmi les hommes renvoyés dans leurs
loyers. Les majors sont très gênés pour
opérer l'épuration utile ; le motif de
leurs hésitations est celui que j'avais à
jsignaler dans un dernier article : on
craint d'appauvrir les effectifs.
¡ J'ai vu, une fois, un malheureux ré-
serviste, atteint d'une hernie très vo-
lumineuse et très gênante, contraint
de suivre les marches du corps au-
quel il était affecté. On lui avait retiré
son sac, ce qui était le. reconnaître in-
capable de remplir sa tâche de défen-
seur du sol national. Ce pauvre diable
prenait place chaque matin à la queue
de la colonne. Au bout d'un kilomètre,
il avait cent pas de retard ; une heure
après, les hommes en route avaient
,peine, en se retournant, à apercevoir
sa silhouette. Le soir, il arrivait au
cantonnement longtemps après la
soupe, mangeait mal et froid. Il re-
commençait son ingrat exercice le len-
demain. En temps de guerre, un tel
infirme n'aurait été évidemment qu'un
embarras pour ses camarades. Comme
réserviste, il faisait nombre, avec d'au-
tres de son acabit, sur les registres.
Non moins que les malingres, les
êtres trop jeunes ressentent vivement
les souffrances de la fatigue et de la'
chaleur. C'est un des inconvénients
des engagements volontaires à 18 ans;
et je reconnais que l'administration
militaire ne tient pas à recruter en
grand nombre les engagés. Elle sera:
iorcée pourtant de favoriser les enga-
gements pour constituer les cadres
d'instructeurs nécessités par le ser-
vice de deux ans. Il sera toujours pé-
nible de voir des adolescents de dix-
huit ans parcourir une quarantaine de.
kilomètres sous le poids écrasant du
sac, an soleil pernicieux d'automne, à
travers les terres labourées et les
chaufaies. Pourquoi ne pas prendre le
parti de laisser à la caserne les trou-
pier? âgés de moins de vingt ans?
Cette année, les accidents les plus
graves se sont produits dans nos dé-
partements du Midi. Voilà où nous
apercevons le tort de fixer des dates
uniformes pour les manœuvres. En
Provence et dans les régions limitro-
phes, où ont été constatées des insola-
tions mortelles, les longues mar-
ches en plein été ou au commen-
cement de l'automne sont dangereuses
à l'excès. Il conviendrait de rechercher
le moyen d'accomplir les exercices ju-
gés nécessaires plus tôt ou plus tard
qu'on ne le fait actuellement.
***
D'une façon générale, nous verrions
avec plaisir qu'on renonçât à deman-
der aux soldats des efforts excessifs.
N'oublions pas que la progression nor-
male d'une armée est calculée sur un
maximum de vingt à vingt-cinq kilo-
mètres par jour. Cela étonnera peut-
être des gens qui se souviennent d'a-
voir accompli des marches forcées de
douze ou quinze lieues. En pareil cas,
il y a toujours à relever une faute du
-eommandement. Ou les cantonnements
ont été mal choisis, ou l'itinéraire a été
mal fixé, ou les ordres de l'état-major
-. Dnt été mal interprétés.
On n'aperçoit pas pourquoi, en temps
tIe paix au moins, les soldats porte-
raient la peine des erreurs commises
gar.leurs chefs. C'est de l'instruction
Me ces derniers principalement qu'il
s'agit. Il n'y a pas besoin, ponr que
es arbitres et le général. en chef dis-
tinguent la faute de tactique d'un offi-
cier, que celui-ci ait imposé une fati-
ue inutile à ses troupes. Il suffit que
officier en question ait mis les hom-
mes placés sous ses ordres dam le cas
de se surmener. Pourquoi poursuivre
jusqu'au bout une opération mal com-
mencée? Cet entêtement ne diminue
en rien la responsabilité du chef, er
cause des accidents sans aucune uii-'
lité.
- Mais, s'écrient ceux qu'anime
F « esprit militaire » mal compris, en
temps de guerre, il faudrait bien ache-
ver les manœuvres même mal enta-
mées 1
Sans doute. En temps de guerre,
d'ailleurs, il y aurait des balles dans
les fusils. Serait-ce une raison pour
engager nos divers corps de troupes à
échanger des coups de flingots à l'épo-
que des manœuvres ?
Il est absurde de confondre la pré-
paration de la guerre avec la guerre
elle-même. Ne laissons pas de cadavres
sur les champs de bataille pour rire de
nos manœuvres. Autrement, nous se-
rions de sinistres Gribouilles, assidus
à tuer les soldats pour leur apprendre
à se battre.
Hugues Destrem.
LES ÉVÊQUES EN RÉVOLTE
Quant au fougueux M. Turi-
naz, de Nancy, il était aPé,
l'autre jour faire une visite à
son collègue de Marseille, avec
lequel il partage la singu-
larité de ne plus toucher de
traitement ; — ces messieurs préparent
de leur mieux, comme on voit, le ré-
gime de la séparation, et nous ne pou-
vons que nous déclarer très satisfait de
leurs allures. — Il est actuellement à Lour-
des.
A Lourdes, M. Turinaz comptait, paraît-
il, prononcer, à la grotte aux scrofules, un
discours dont les cléricaux se régalaient
d'avance. Une dépêche d'un correspondant
du Temps dit, en effet, que ce discours « était,
annoncé par avance comme une véhémente
diatribe contre le gouvernement et sa poli-
tique ».
Or, voici que M. Turinaz renonce à faire
retentir de ses accents belliqueux la grotte
à la répugnante piscine. Pourquoi cette sa-
gesse ?
C'est que l'évêque de Nancy a trouvé,
dans celui de Tarbes, un collègue peu dis-
posé à faire eourtr des rratjtrea èr l'entre-
prise de la grotte. Tout le monde sait le,
mal que l'on s'est donné dans la région
,pour sauver la basilique aux miracles de
l'application des lois sur la Congrégation.
Elle est aujourd'hui laïcisée, la piscine, des
« séculiers » y convoquent les fidèles ma-
lades, comme autrefois les réguliers ; et
cet arrangement, soyons exact, ne tient
qu'à un fil. On s'est accroché aux basques,
des élus du pays, on leur a fait remarquer
que la grotte, à elle seule, valait une ville
d'eaux de premier ordre, qu'il ne fallait
.pas ruiner la contrée en la privant de son
bain froid, qui ne va pas sans une vente
importante de chapelets et d'images ; on a
'circonvenu M. Combes ; on a fait fléchir
cette barre d'acier ; on a obtenu de lui ce
que les petits sanctuaires de rien du tout
n'avaient pu obtenir ; la grotte vit et pros-
père, au mépris de la circulaire sur les:
chapelles non concordataires, mais elle'
prospère.
C'est pourquoi M. Turinaz a recueilli de'
son collègue de Tarbes la « prière )) de :
« vouloir bien ne créer à Lourdes aucun'
'incident )). Et M. Turinaz n'a point parlé.;
Ce silence est prudent; il est adroit ; mais!
l'établissement de Lourdes n'en est pas
moins illicite. Nous ne cesserons d'en ré-
clamer la fermeture.
HYGIÈNE INDUSTRIELLE
C'est le 22 octobre prochain que deviendra
exécutoire la loi récemment votée par la
Chambre en modification de la loi du 12 juin
1893 sur l'hygiène et la sécurité dans les éta-
blissements industriels.
La loi nouvelle étend les bénéfices du ré-
gime antérieur à une immense catégorie de
travailleurs qui n'avait pas été jusqu'à présent
protégée. Sous l'empire de la loi du 12 '- juin
1893 étaient seuls soumis à des prescriptions
légales de sécurité et d'hygièno, les manufac-
tures, les usines, les chantiers et ateliers de
tous genres et leurs dépendances et ce, sous
la surveillance des inspecteurs du travail et
sous peine de sanctions judiciaires en cas
d'infractions.
La loi de 1903 a ajouté les laboratoires, les
cuisines, caves et chais, magasins, boutiques,
bureaux, entreprises de chargement et de dé-
chargement quel que soit leur caractère, pu-
blics ou privés, laïques ou religieux, commer-
ciaux ou charitables.
Ainsi c'est toute l'industrie de l'alimentation,
non pas seulement les ateliers de fabrication
ou de transformation, mais encore les bureaux
de vente, les théâtres, les cirques, les music
hall où il est employé des engins mécaniques,
qui vont tomber sous la surveillance étroits
des inspecteurs du travail qui devront se ren-
dre compte des conditions d'hygiène et de
sécurité où se trouve le personnel.
Et, ce qui n'est point sans utilité pratique,
les refuges, les ouvroirs religieux qui jusqu'à
présent tenaient leurs portes hermétiquement
closes vont les ouvrir toutes grandes devant
les représentants de l'Etat. Ainsi pourront
cesser les abus, les scandales et les mauvais
traitements qui ont rendu si tristement célè-
bres le Bon-Pasteur de Nancy et le Bon-Refuge
de Tours.
Les inspecteurs auront la charge d'exiger
partout l'exécution des mesures générales de
protection et de salubrité applicables aux éta-
blissements assujettis, notamment en ce qui
concerne l'éclairage, l'aération ou la ventila-
tion, les eaux potables, les fosses d'aisances,
1 évacuation des poussières et vapeur, les pré-
cautions à prendre contre les incendies, le
- couchage du personnel, etc.
On peut espérer que la nouvelle loi aura
les effets les plus salutaires et que grâce à
elle, s'amélioreront de la façon la plus satis-
faisante les conditions de travail dans tous
les établissements industriels et commerciaux.
— Charles Darcy, :,
CLAUDE TILLIER
« Mon oncle Benjamin ». — Nul n'est
prophète en son pays. — La tyran-
nie de Paris. — Un bon institu-
teur. — Les pamphlets de
Timon. — Vivre, lutter,
souffrir. — Le style de
Claude Tillier.
Si jamais vous allez à Nevers, vous verrez,
devant le Palais de Justice, au milieu du gazon
et des fleurs, deux bustes. L'un représente un
poète nivernais dont je ne me rappelle plus le
nom ; l'autre, c'est Claude Tillier.
— Claude Tillier?. Connais pas.
- Ah, voilà 1. Personne, hors de sa pro-
vince, ne le connaît, en France.
Mais demandez à un Allemand ayant de la'
lecture s'il connait Claude Tillier. Il vous ré-
pondra sans hésitation : « Oui, c'est l'auteur de
Mon oncle Benjamin. »
Ouvrez une « histoire de la littérature fran-
çaise » faite en Allemagne, et vous avez chance
d'y trouver le nom de Claude Tillier. Enfin
quiconque est versé dans la littérature alle-
mande de ces trente dernières années vous dira
la faveur dont jouit au delà du Rhin cet au-
teur français inconnu en France. C'est ainsi
que dans la Revue des Deux-Mondes du 15 jan-
vier 1903, dans un article de M. T. de Wy -
zewa, on pouvait lire cette phrase : « Il y a
;un roman français de Claude Tillier, Mon on-
; cle Benjamin, qui non seulement est resté jus-"
qu'à présent une œuvre des plus aimées du
public allemand, mais qui, de l'aveu de tous:
les historiens, a été un des facteurs principaux
de l'évolution du roman en Allemagne ».
Ce sont les Allemands qui ont raison. Quant
à nous, Français, notre ignorance est vraiment-
inexcusable. N'est-il pas scandaleux qu'un,
homme comme Claude Tillier, qui a consa-
cré et même sacrifié sa vie à la défense des
idées d'égalité, de justice, de liberté, devenues
.depuis le mot d'ordre universel, qui savait-
unir une ironie rappelant Voltaire à une élo<
quence que Rousseau n'eût pas dédaignée, le
public français l'ignore, et qu'il nous faille,
entendre louer ce nom chez nos voisins pour
nous aviser que celui qui le portait est un des
.nôtres?
Et quelle est la raison de cette ignorance si
étrange? Un mal bien difficile à guérir et qui
est en train d'anémier la France : la tyrannie
de Paris.
Si Claude Tillier eût vécu à Paris, écrit à
Paris, si ses ouvrages eussent été édités à Pa-
ris, la célébrité lui était assurée et la Renom-
mée aurait pris des trompettes de renfort pour
sonner sa louange à tous les coins de la
France.
Mais il habitait une ville de province, il
écrivait en province et c'est un éditeur de pro-
vince qui le premier a publié ses œuvres. N'é-
tait-ce pas là un vice rédhibitoire ? Paris, mal-
gré les efforts de quelques hommes d'esprit et
de cœur pour attirer son attention sur elles,
ne se devait-il pas à lui-même de ne point les:
-co n'naît re -? Dès lors, la province moutonnière
ne pouvait non DIUS en soupçonner l'existence.
Et voilà comment, en France, un écrivain de
mérite peut rester inconnu des Français.
Mais voici que des lueurs traversent la nuit
qui environne l'auteur nivernais. Elles pro-
viennent, d'un livre récent publié par M. Ma-
rius Gerin, professeur au lycée de Nevers (1).
Il semble que Tillier va sortir de l'ombre et
une longue injustice être réparée.
Nous voulons essayer — à la suite de M.,
Marius Gerin, et en nous aidant de son livre:
— de contribuer à cette réparation.
La vie de Claude Tillier
Claude Tillier naquit le 10 avril 1801 à Cla-
mecy (Nièvre).
Ses études finies, il se destinait à l'enseigne-
ment universitaire, puis, pour des raisons mal;
connues — parmi lesquelles on peut sans,
doute mettre au premier rang une indépen-
dance de caractère qui s'était révélée dès le
jeune âge. Tillier renonce à l'enseignement'
secondaire pour devenir instituteur libre dans
sa ville natale.
C'est là qu'en 1822 vint le trouver le recru-
tement militaire. Il servit cinq ans et fit la
guerre d'Espagne (1823); il avait même com-
mencé un journal de l'expédition, œuvre in-
téressante comme début d'un grand talent, la-
quelle a été retrouvée et publiée par M. Marius
Gerin. Bon service flni,il revient à Clamecy et
ouvre une école privée. Il semble qu'alors il
n'eût d'autre rêve que d'être un bon institu-
teur. « Cïétait, dit son biographe, un stimula-
teur, un éveilleur d'idées. Il avait au plus haut
point le don d'instruire. »
Mais en ce temps-là un instituteur était sou-,
'mis à l'ombrb 'euse surveillance d'un comité
'cantonal où siégeaient de droit avant tout au-
tre le juge de paix et le curé. Ces gros per-
sonnages n'auraient pas été des hommes s'ils
n'avaient cédé à la iention de faire sentir leur
■ autorité, et Tillier n'amalt pas été Tillier s'il
:ne leur eût laissé cnioncll'o que la haute opi-"
nin qu'il avaient •'Veux-mômes ne lui -en im-
'posait nullemeiit.
Et ce n'est pas tout. Lui, maître d'école, il
;no craignait p:>;> de juger avec liberté le dé-
'pn!:\ !o maire, le" conseillers mnni'ipauxtous'
lej potentats de ia ville et de la contrée. Il
,o;;ait avoir une opinion sur les affaires, de la
cilé. ::;:1,' le gouvenement, et la dire tout
haut, bien pis encore : l'écrire. Quel scan-
dale!
Enfin, quand j'aurai a joute que ce malheu-
reux Tillier, qui déciJémerçt savait bien mal
conduire ses affaires,était assez hardi pour ne
point voir dans la Société de 1835 la perfection
inlangjhJc, qu'il avait la singulière manie de,
prendre toujours le parti des pauvres contre
les riches et de se ranger lui-même avec prédi-
lection parmi les pauvres, vous comprendrez
sans peine pourquoi il fut bientôt la bête noire
de tout le monde « bien pensant », ou plutôt
un affreux « rouge » dont il fallait fuir comme
un fléau la personne et l'école.
« Chaque jour il perdait — comme il le dit
lui-même — quelqu'un de ses écoliers; les
bourgeois s en allèrent les premIers, puis les
marchands en gros et en détail, puis enfin le
peuple. Enfin, le pauvre homme ne pouvant
plus être maître d'école, fut obligé de se faire:
feuilletoniste, ce dont il garde à ses bons en-
nemis la plus vive reconnaissance. »
C'était là la vraie vocation de Tillier. Il était
né polémiste.
Littérature et polémique!
Déjà, avant de renoncer à son école, il avait
publié une série de pamphlets politiques. Son
coup de maitre, ce fut les Lettres ou Système
:électoral sur la Réforme. Elles parurent dans
une feuille démocratique de Nevers, l'Associa-
tion, avec un succès tel que le grand journal
libéral do l'époque, le National, les reproduisit,
et que Cormenin, qui signait du pseudonyme
de Timon. des pamphlets si virulents, adressa
à Tillier une lettre des plus élogieuses. L'an-
cien instituteur passait du coup journaliste.
Quelques semaines après, en juillet 1841, il
est appelé à Nevers comme rédacteur en chef
(1) Etudes sur Claude Tillier, première série,
par Marius Gerin. Garnier frères, éditeurs, Pa-
ris, im
de l'ssociation. Sa vie, déjà mouvementée, de-
vient alors orageuse, mais aussi plus active
que jamais. Il traite d'une plume infatigable
toutes les questions politiques, sociales, litté-
raires, qui agitaient ce temps ; il compose ses
romans, Belle-Plante et Cornelius, et surtout
Mon Oncle Benjamin qui semble être son meil-
leur titre à la notoriété ; enfin, dans des pam-
phlets où abondent les pages d'un intérêt tou-
jours actuel, il s'en prend à des adversaires
que l'on ne pouvait alors attaquer sans cou-
rage, au premier rang desquels il faut citer
comme l'un des plus fougueux M. Dufêtre,
évêque de Nevers.
On croira sans peine qu'en un temps où la
bourgeoisie était toute puissante, où l'immense
majorité du peuple n'avait d'opinions que cel-
les qui lui étaient suggérées par le clergé,
Claude Tillier aux prises avec de tels antago-
nistes n'était pas précisément sur un lit de ro-
ses. Les trois ans qu'il passa à Nevers furent
une lutte de tous les jours. Il y usa sa vie
Epuisé par le travail, aigri par les malheurs,
miné par une maladie de poitrine, il mourut à
la peine, en 1844, à quarante-trois ans.
L'écrivain
Telle fut la vie de Claude Tillier. Les anna-
les de la politique pourraient révéler sans doute
plus d'une existence aussi batailleuse et mainte
polémique aussi convaincue, aussi passionnée,
sans qu'elle mérite pour cela d'être exhumée
des vieux journaux enfouis dans les archives.
Si Claude Tillier n'avait d'autre mérite que
d'avoir vécu, d'avoir lutté, d'avoir souffert
pour ses opinions, nous estimerions qu'il par-
tage le sort de bien d'autres en France, et
nous n'essayerions pas d'aviver la vague au-
réole qui attire encore sur son nom le souvenir
de sa province.
Mais il y a autre chose. Ce feuilletoniste, cet!
agité à qui ses adversaires jetaient comme une
injure le titre de pamphlétaire et qui le bran-
dissait avec orgueil, n'avait pas seulement la
verve qui entraîne, la pensée clairvoyante qui
fait réfléchir; il était doué de la qualité qui
assure à une œuvre la d'urée : le style.
C'est un écrivain.
Son expression est toujours empreinte de ce
pittoresque populaire qui vous met l'objet;
même sous les yeux. Il sait voir, il sait sentir
et il sait rendre en artiste ce qu'il a vu et
'senti. L'image n'est chez lui que l'écho direct
de la sensation, le reflet même du sentiment.
Aussi que de jolis coins dans son oeuvre !
Ici une description du Morvan qui fait songer
aux peintures du Berry par George Saud, là
une méditation pénétrante sur son passé, sur
son présent ; ailleurs l'ironie ardente, le mot
qui marque au fer rouge, la comparaison qui
est un flot de lumière projeté sur l'idée; enfin
dans son chef-d'œuvre, ce délicieux Oncle
[Benjamin, qu'une fois lu on n'oublie plus,
l'émotion, la bonne humeur, le bon sens, la
raillerie, dans une langue nerveuse et cin-
glante comme ira jonc. Partout la couleur, le
mouvement, la vie.
Qui lit Claude Tillier est conquis. Mais ra-
res sont ses lecteurs, car on trouve difficile-
ment ses livres. Il serait donc à propos d'en
donner une nouvelle édition. C'est un soin
qui revient à M. Marius Gerin. Il a prouvé
que cette œuvre mérite de ne pas rester
ignorée. Qu'il fournisse maintenant au public
français les moyens de la connaître et de ne
pas laisser aux Allemands le privilège d'être
presque seuls à apprécier Claude Tillier.
Jacques SERMOISE.
LE MOUVEMENT PRÉFEC fORAl
On le trouvera plus loin, il porte sur trois
préfectures, treize sous-préfectures et trois
postes de secrétaires généraux. Il se borne à
placer ici celui qui était là; les seuls fonction-
naires qui disparaissent sont un préfet décédé,
et un sous-préfet mis en disponibilité sur sa
demande.
C'est la plaisanterie de l'autre jour qui con-
tinue; l'administration préfectorale laissée par
M. Méline reste intangible.
PARTI RADICAL-SOCIALISTE
Les élections municipales de Florensac
Nous recevons du Comité républicain radical-so-
cialiste et socialiste de Florensac (Hérault), la com-
munication suivante :
t La prime-fleur de la presse nationaliste pari-
sienne a daigné s'occuper des dernières élec-
tions municipales de Florensac, nous espérons
que les journaux républicains voudront bien
accueillir notre réponse à des feuilles comme
le Gaulois, le Soleil, l'Intransigeant, la Croix,
la Patrie, et nous permettre de rectifier les
inexactitudes commises à plaisir. Depuis huit
ans, c'est, non pas une municipalité républi-
caine, mais des édiles réactionnaires qui nous
gouvernaient. -
L'enquête qui va s'ouvrir dira quelle fut leur
gestion. Les chefs qui conduisirent les bandes
nationalistes font tous partie de la Jeunesse !
royaliste et des cercles catholiques; Ceci établi,
il est plaisant que des Méridionaux du midi et
demi aient à remettre au point les assertions
des Roumestans du Nord.
Les journalistes qui ont accueilli la commu-!
nication de nos adversaires auraient dû se;
souvenir qu'il y a peu de temps M. Rouvier
mettait en garde nos honorables contre le cœf-
ficient méridional. La liste républicaine adonne
la moitié des places du bureau électoral à ses
adversaires, commissaires spéciaux et candi-
dats réactionnaires n'ont pas quitté la salle de
vote, et à aucun moment nul n'a pu faire de
fraude.
La grande colère des nationalistes vient de ce
qu'au dépouillement, ils n'ont plus retrouvé,
sortant de l'urne, le nombre de bulletins qu'ils
avaient distribués.
Chaque ouvrier était tenu de prendre son
bulletin de vote au bureau patronal et de don-
ner sa signature (sic) mais comme le Gouver-
nement de la République avait tenu à avoir un
âcrutin loyal et qu'on votait individuellement
en pleine liberté, bien des ouvriers se sont
affranchis du joug qu'on faisait peser sur eux
en menaçant d& les affamer.
Depuis l'ouverture de la période électorale,'
quantité d'entr'eux furent renvoyés parce que
leurs opinions libérales étaient trop connues
ou dénoncées. Les autres n'ont pas oublié :
voilà toute l'explication d'un vote qui ne mé- ;
rite pas d'occuper la France, et si les réaction-j
naires ayant foulé aux pieds deux cents bulle-
tins environ qui restaient à dépouiller, alors
qu'ils - avaient près de cent voix de minorité, j
prétendent rouvrir l'ère des agitations, ils se ;
trompent. Il y a deux ans, nous avons fait ici
la grève des Ecoles pour chasser les délégués
cantonaux, qui faisaient élever leurs enfants
par les congréganistes ; en y réussissant, nous
avons prouvé que nous étions les seuls défen-
seurs de l'enseignement laïque.
C'est pourquoi nous disons qu'on a très jus-
tement et très sagement agi, en proclamant la
liste républicaine élue. D'ailleurs si certaine
presse nous vilipende, elle n'a eu à enregis-
trer, malgré tant de battage, ni morts ni bles-
sés par les fourches cléricales ou les baïonnet-
tes républicaines. La morale de cette histoire,
Musset nous l'a fournie en écrivant Beaucoup
de b¥v& pQ&r rien. L'amnésique marquis de
Rochefort, qui nous a honorés de ses attaques
dan-s l'Intransigeant a oublié le titre de cette
étincelante fantaisie ; s'il continue, il va perdre
ses dernières fidèles, les incurables des Quinze-
Vingts.
Le 30 août, le bloc républicain a triomphé à
Florensac : nous sommes fiers de cette œuvre
si loyale, et heureux de terminer co trop long
article au cri de : « Vive la République radi-
cale-socialiste et socialiste !
Pour le comité : Le président, A. CANTO.
- »
PROCEDÉS CLÉRICAUX
Tulle, 7 septembre.
Voici quelques détails au sujet des troubles
dont nous avons parlé et qui se sont produits
à Lamazière-Basse (Corrèze) le jour de l'inau-
guration, par les libres-penseurs, d'un modeste
monument élevé dans le cimetière de cette
commune à la mémoire du citoyen Paupard :
pendant une de ces dernières nuits, des in-
conuus ont pénétré dans le cimetière, ont dé-
chiré les bouquets qui se trouvaient sur le mo-
nument Paupard et, après avoir brisé à coups
,de marteau la plaque de marbre sur laquelle
étaient gravées les inscriptions commémora -
tives, ont enduit le monument d'ordures.
Voir à la 30 page
les Dernières Dépêches
de la nuit
et la Rovu© des J ournsux
du matin
La laïcisation de Chargea
Nationalistes et cléricaux, tous les bons réac-
tionnaires me semblent avoir été touchés au
bon endroit par les articles parus ici.
Le Gaulois, le Soleil, l'Eclair m'ont prouvé,
en m'attaquant, combien mes arguments étaient
excellents.
Mais je crois qu'il est temps de les avertir
qu'ils dépensent leur encre en pure perte, tout
ce qu'ils écrivent ne fera qu'avancer le départ
des « chères victimes».
L'exode a déjà commencé, l'une des religieu-
ses a quitté la maison.
Il est, d'ailleurs, grand temps qu'elles s'en
aillent toutes.
L'Eclair dit que des deux médecins l'un est
contre la laïcisation, c'est M. le D" Christian ;
le second est pour qu'elle ait lieu : C'est M.
Ritti. Quel meilleur argument ! M. Christian
qui n'emploie pas de religieuses dans son ser-,
-vice doit se moquer agréablement de ce que
l'on mette ou que l'on ne mette pas de laïques
dans le service de son voisin, et voilà que ce
voisin, M. le Dr Ritti, qui est le principal in-
téressé à cette laïcisation, s'en déclare en-
chanté, car il va enfin être débarrassé de cette
gent encornettée.
Et ces propos que l'Eclair en question met
dans la bouche d'un certain X. Voyez-vous
ice directeur « nerveux » qui se plaint de ce
que « trois poulets avaient été cuits à part».
Au surplus, je conseille au rédacteur in-
connu de se documenter plus sévèrement ; il
verra dans le livre de M. Strauss par exemple
que la sœur Prudence s'appelle Providence.
En résumé, pourquoi faire tant de bruit
[pour une chose si simple : un changement de
personnel ?
Que les Messieurs X. renoncent à essayer
de bluffer avec leur fameuse pétition, car il
serait peut-être curieux de connaître où ils
ont pu se procurer les adresses des familles;
uflfe petite enquête s'imposerait et je me per-
mettrai de leur citer ce petit article du Code
qui leur donnera certainement à réfléchir, à
eux e4 à ceux ou celles qui les auront trop
bien renseignés.
Article 378. Les médecins, chirurgiens et au-
itres officiers de santé, ainsi que les pharma-
ciens, les sages-femmes et toutes autres person-
'nes dépositaires par état ou profession des se-
crets qu'on leur confie, qui, hors les cas où la
loi les oblige à se porter dénonciateurs, auront
révélé ces secrets, seront punis d'un emprison-
nement d'un mois à six mois et d'une amende
de 100 à 500 fr. (Code pénal, liv. III, tit. 11.)
Or, l'Ectair nous apprend que « les familles
des malades en traitement se connaissent peu ».
Alors, pour que ces familles si peu connues
reçoivent cette fameuse pétition et la signent,
S il faut bien que quelqu'un divulgue leurs
adresses. — E. M.
LA JUSTICE MILITAIRE ALLEMANDE
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 7 septembre.
A maintes reprises, le ministre de la guerre
La reproché aux députés socialistes du Reichstag
de ne révéler à la tribune les cas de mauvais
itraitements dans l'armée que pour faire du
scandale. « Si, disait le ministre ou son repré-
sentant, les socialistes voulaient réellement re-
médier aux abus, ils les signaleraient à qui de
droit et le ministre se chargerait d'y porter re-
mède. »
Un rédacteur du Vorwacrts, M. Rehbein, a
eu la naïveté de prendre au sérieux ces décla-
rations. Il a reçu, il y a quelquo temps, une
lettre d'un soldat qui lui racontait qu'un cama-
rade est devenu invalide par suite de mauvais
traitements. Mi Rehbein dénonça le fait aux
autorités militaires qui se convainquirent bien-
tôt de l'exactitude de l'assertion. Et alors qu'ar-
riva-t-il ? On n'ouvrit pas une enquête judi-
ciaire contre l'officier coupable mais on fit ar-
rêter M. Rehbein, parce qu'il ne voulait pas
révéler le nom de son correspondant.
Bruit de la mort de Boris Sarafow
(De notre correspondant particulier)
Sofia, 7 septembre.
Le bruit eourt que Boris Sarafow, le vrai
chef de l'insurrection macédonienne, aurait
été tué dans un combat qui a eu lieu près de
Deyran.
Les Turcs auraient enlevé son cadavre. La
nouvelle paraît fort invraisemblable. Il est pos-
sible que les insurgés tiennent secrète la mort
de leur chef.
LES TROUBLES EN SERBIE
(De notre correspondant particulier)
Zimony (frontière serbe), 7 septembre.
Toute la garnison de Belgrade se trouve de-
puis deux jours sous les armes. La population
montre des velléités de révolte.
Le bruit court que des conflits sanglants en-
tre officiers ont eu lieu dans les garnisons de
Kragouyevacz et de Negotine.
Le général Yankovitsch, commandant de la
place de Nisch, qu'on a relevé de ses fonctions,
a refusé de quitter son poste.
La nouvelle de la mise en liberté des offi-
ciers hostiles au régicide ne se confirme pas.
Tous seront traduits en conseil de guerre,
le commandant Schouchkalovitsch - a été
chargé de l'instruction.
MASSAGE
ET MAGNETISME"
——— r
Magnétisme et hypnotisme. — Possible,
lités sociales et utopies. — Une
science froide. — Les dangers
de l'hypnotisme. — Le fluide
universel. — Où est la sa-
gesse ?
Au début de cette courtoise polémique scien<
tiRque, qu'il me soitpermisde remercier le Rap-
pel pour la bonne grâce exquise qu'il met à' ,
nous ouvrir sescolonnes. Le journal des Vac,.!
querie et des Victor-Meunier reste toujours le:.
même, à la tête de toutes les avant-gardes etds
tous les progrès. Il ne considère pas que rien
doive être étranger à ses lecteurs de ce qui;
préoccupe les penseurs et il veut bien se faire
l'écho de toutes les possibilités sociales ou scient
tifiques, ces possibilités fussent-elles dénom-,
mées utopies par certains.
Utopistes, nous ne le sommes pourtant.
point, bien que magnétistes. Et, malgré la fâ-
cheuse opinion que M. Tabary semble avoir
du magnétisme — opinion, hâtons-nous de le,
dire, qui paraît reposer sur une vaste érudition
historique — nous devons à la vérité de dira
que le magnétisme est bien,en effet, une scienèô1
ifroide et positive. Mais, lorsque nous disons
magnétisme, nous n'entendons point du tout
l'hypnotisme, comme le pense apparemment
notre honorable contradicteur. Nous n'avons
pas attendu son cri d'alarme pour parler desr
dangers de l'hypnotisme : dangers physiologi-
ques d'une part, grâce aux congestions ner-
veuses et sanguines que sa brutalité provoqua'
— dangers mentaux d'autre part, grâce aux
déséquilibres qu'il produit dans le cerveau,—
et enfin, dangers moraux, de par l'absolu;
abandon que fait le sujet de sa volonté à son
hypnotiseur. Mais l'hypnotisme n'est que le;
fils bâtard du magnétisme, la science estropiée
incomplète et débaptisée des Braid et de leurs
successeurs.
Un mot d'histoire
Le magnétisme est -très vieux, infiniment
antérieur à Paracelse et à Van Helmont. Ficin,
avei sa théorie du fluide universel, en paraît
poser les bases, mais la réalité des faits ncusi
pousse bien plus loin, vers les temps mys'.é-
rieux de la tradition orale. Pour quiconque en
connaît la clef, la lecture du Zohar et des Sé-
phers hébreux est, à ce sujet, fort instructive.
Et, si l'on veut bien se dire que ces livres, dus
à la tradition occidentale, sont des milliers
d'années postérieures à ceux de la tradi-
tion orientale — en tous points analogue
à la première — on conviendra qu'il est"
juste de dire que le magnétisme est une i
science vieille comme les hommes. Elle n'a pas{
attendu les Ficin, Paracelse, Van Helmont et:
Tritheins pour exister et se manifester. Mais,r
tout au contraire, ce sont ces savants de haute-
envergure, tous profondément initiés à ces tex-i
tes antiques qui ont, les uns après les. autres^
appliqué à leur époque la science prodigieusêi
des anciens. Ce sont des révélateurs au sens lit-;
téralement étymologique du mot re-velare, re- ;
voiler, présenter sous de nouveaux voiles, daî
nouvelles formes ;
En passant, et puisque nous sommes ame-
nés à parler d'histoire, qu'il nous soit permist
de relever une légère inexactitude dans I'arti--i
cle de M. Tabary. Il écrit: « Depuis cette'
« époque de Puységur, Faria, du Potot, etc.
« firent des expériences officielles dans divers j
« hôpitaux, sans succès. » Or ce sans snccès est
loin d'être exact. Du Potet, pour ne citer qu
lui, fit en effet, en 1820, des expériences a
l'Hôtel-Dieu devant Husson, médecin en chef-
de cet hôpital. La première porta sur une ma-
lade réduite au dernier état de marasme par
suite de vomissements ql'f! rien n'arrêtait. Elle
fut apportée sur un brancard. En 20 minutes,1
Du Potet, flt cesser les vomissements et en 27 :
jours il avait guéri la malade. Et ce n'est pa!$
la seule expérience qu'il accomplit avec suc<. s
en cet établissement. (Voir les archives de FRo-
tel-Dieu.)
Des prétendus dangers du magnétisme
Qu'il nous soit permis de revenir sur ce su- ;
jet. En qualité de professionnel on compren
dra qu'il nous tienne un peu à cœur et que:
nous désirions l'élucider complètement. En
principe, on pourrait dire, tout d'abord, qu'on
ne soigne jamais de malades sans que la chose !
apparaisse comme dangereuse. Quel médecin,
peut affirmer n'avoir point fait d'erreur de
diagnostic? 'Qnel chirurgien peut dire que
jamais son bistouri n'a été trop loin ? et nouff
pouvons ajouter, - sans craindre que M. Ta-
bary lui-même nous démente — quel masseur,
peut dire qu'il n'a jamais porté une main
peut-être un peu hardie sur des lésions encore
enflammées.7
Il y a eu, il y a, il y aura des ignorants, des
imprudents, et des téméraires, partout où des
soins sont à donner. Tout ce qui a rapport de
près ou de loin à l'art de guérir comporte cet
aléa. Et ce n'est pas à dire pourtant que cet art
soit mauvais en soi. Or, même en convenant
qu'une magnétisation ne soit pas toujours
exempte d'inconvénients — nous ne voulons
pas dire de dangers, le mot étant trop fort —
si elle est pratiquée par des mains inhabiles,
on voudra bien nous accorder qu'il ne s'en
suit pas que ce genre de soins soit forcément
plus mauvais que n'importe quel autre quand
il est appliqué avec science.
Est-il donc possible que le magnétisme soit
une science, et non pas « cet agent mystérieux
« des sympathies et des antipathies qui ne
« peut être enseigné et pratiqué que d'une ma-
« nière hypothétique » ? N'en déplaise à M.
Tabary, la vérité nous force à répondre par
l'affirmative. Cet «agent mystérieux » ne l'est
plus que pour la quantité - toujours trop
grande — de ceux qui, ne le connaissant pas,
;le décrètent absurde et décident de ne le point
étudier. La sagesse n'est pas toujours du côté
du plus grand nombre.
Le magnétisme est une science
Le magnétisme est une science, disons-nous.
Il touche autant à la physique qu'à la physio-
logie. Des connaissaroes étendues dans ces
deux branches spéciales sont nécessaires pour
en aborder, avec fruit, l'étude aride. Les ana-
logies de l'onde magnétique physiologique —
improprement dénommée fluide - avec la lu-o
mière, l'électricité, le magnétisme (propre à
l'aimant) et lesondes de Hertz, sont nombreux
;ses. Le magnétisme n'est rien de tout cela, el
; pourtant y touche dp bien près. C'est une del
; multiples manifestations de la force. Nous di-
sons de la force et non de la vie, car on le ren-
contre dans des objets inanimés, particulière-'
ment dans l'aimant et dans les cristaux et
même dans des débris animaux et végétaux
(os et plantes sèches). C'est une ferce qui est bi-
polaire comme l'électricité, qui possède un
: spectre comme la lumière, qui se réfléchit et se
réfracte comme elle, qui traverse les corps;
opaques comme les rayons X, qui détermine,
ides phénomènes d'induction comme les ai-
mants et les solenoïdes -=- et enfin qui s enrs-
: gistre, non seulement sur des sensitifs — on
(1) Voir les numéros des 7, Il, 31 août et S wjç
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