Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-08-15
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 15 août 1903 15 août 1903
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
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Le Wuméro CIIVQ CENTIMES
LE m SIECLE
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No 12209. — Samedi f5 Août 1903
28 THERMIDOR <4N lli
ADMINISTRATION • 14, rue du Mail
Adresser lettres et mandais à l'Ad ministrateur
Nous commençons aujourd'hui dans notre
feuilleton de la b page
Les Robins sous l'Empire
PAR Victor CONTENT
C'est une œuvre spirituelle et humoristique,
une peinture du monde officiel de province à
l'époque du dernier empire.
LES ROBINS SOUS L'EMPIRE
seront lus avec le plus vif intérêt non seule-
ment pour les qualités d'écrivain de l'auteur,
mais aussi pour la force toujours dramatique
du récit.
NOS LEADERS
La Lin ianl
En ma qualité, dont je ne suis point
médiocrement fier, de membre d'hon-
neur de la Société protectrice des ani-
maux, je me crois tenu de signaler à
ceux, surtout à celles qui me font l'hon-
neur de me lire, la Ligue féminine qui
s'est fondée récemment à Genève
« contre l'usage de porter des oiseaux
comme parure ».
Qu'est-ce qu'une ligue? C'est une
personne qui groupe des bonnes vo-
lontés autour d'une idée. Je crois que
l'on chercherait en vain une définition
plus exacte. La Ligue en question, c'est
une demoiselle P. Lagier, qui me pa-
raît, si j'en juge d'après les extraits
que j'ai sous les yeux d'une conférence
quelle vient de faire à Genève, une
femme d'intelligence et de cœur.
Je lui suis reconnaissant, d'abord,
de m'avoir appris quelque chose. Je
n'avais aucune idée, je l'avoue, du car-
nage d'oiseaux qui se fait dans le seul
but de garnir les coiffures féminines.
Les chiffres donnés par Mlie Lagier
sont surprenants.
Croiriez-vous, par exemple, qu'en
1898, dans le seul Venezuela, on ait tué
1,500,000 hérons, pour les dépouiller
de leurs aigrettes ? Une maison de mo-
des de Paris a passé un contrat pour la
fourniture de 40,000 oiseaux, de sorte
que le soumissionnaire a embauché
une véritable armée de massacreurs.
Une maison de Londres a reçu, il y a
trois ans, en une seule fois, 32,000 oi-
seaux-mouches, 80,000 oiseaux aqua-
tiques et 800,000 paires d'ailes. A Lon-
dres, également, en une seule en-
chère, 404,389 plumages d'oiseaux des
Indes orientales ont été adjugés. Dans
cette même capitale, on a vendu der-
nièrement 5,672 peaux d'oiseaux de
paradis. Rien que de Long-lsland, en
une seule saison, 40,000 hirondelles de
mer ont été expédiées. Cela assuré-
ment passe l'imagination.
Comme le fait très justement remar-
ijuer Mlle Lagier, la plupart des belles
madames qui arborent des chapeaux
Empanachés ne feraient pas, selon
l'expression consacrée, «de mal à une
mouche ». — « Cependant, dit la con-
férencière, elles portent un chapeau
accusateur de leur complicité du meur-
tre des pauvres oiseaux dont il est af-
fublé. » — Ajoutons qu'elles le font le
plus innocemment du monde, sans se
douter de la complicité qu'elles assu-
ment, sans y avoir jamais pensé.
C'est précisément pour les y faire
penser que je joins mes modestes ef-
forts à ceux de Mlle Lagier.
***
Celle-ci va, dans son ardeur à dé-
fendre la cause qu'elle a embrassée,
jusqu'à réclamer une entente interna-
tionale des gouvernements pour la
protection des oiseaux. Ne sourions
pas, je vous prie. Il est certain que les
oiseaux, étant insectivores, rendent à
l'humanité de considérables services
et qu'ainsi ils ont le droit d'être dé-
fendus; Je citerai encore ce passage,
parce qu'il est éloquent, de la confé-
rence de Mlle Lagier :
— « Aux désastres dont la fré-
quence résulte pour une grande part
du déboisement, de la destruction des
forêts, comme les orages de grêle, les-
gelées printanières, etc., qui sont la
ruine de l'agriculture, s'ajoute de plus
en plus le fléau des insectes dévasta-
leurs des cultures maraîchères, des
arbustes, des vergers : pucerons, che-
nilles, vers blancs se multiplient de
façon inquiétante. De nouveaux insecr
les apparaissent, qui s'attaquent à des
arbustes et grands arbres jusqu'ici
épargnés, ainsi le galéruque de l'orme.
Dans les bois, les forêts, partout, l'en-
nemi travaille à son œuvre de mort. ;
C'est la splendide parure de nos mon-
tagnes qui, à son tour, est menacée par
le bostriche ; après avoir dévasté d'in-
nombrables forêts dans le Tyrol, il a
gagné la Suisse où, en certains en-
droit, on mit le feu aux arbres, pour
empêcher la propagation du fléau.
Ainsi dans le Jura neufchâtelois, dans
le Jura bernois.»
Il est bien évident que seul l'oiseau
peut lutter efficacement contre ces ter-
ribles petits ennemis. « Seul, l'oiseau
est merveilleusement outillé pour la
recherche minutieuse des insectes
fresque imperceptibles à nos yeux et
es larves cachées dans les replis des
écorcesdes arbres. Nul autre moyen de
nettoyage ne peut être comparé à celui
qu'opère l'oiseau avec son bec aigu ca-
pable de fouiller au fond dès petites re- i
traites les mieux dissimulées. »
Quant à savoir, comme l'affirme un
peu témérairement peut-être Mlle La-
gier, si, en se livrant ainsi à la recher-
che des vers et chenilles qui consti- ;
tuent le fond de son alimentation, roi-;
seau « accomplit la mission qui lui a
été dévolue par le Créateur », c'est là
une question que je n'examinerai point.
En effet, si l'on admettait que l'oiseau
ait été créé et mis au monde pour dé-
truire les insectes, il faudrait admettre ]
parallèlement que les insectes ont!
« reçu la mission » de ravager plantes
et arbres ce qui donnerai dudit créa-
teur une assez fâcheuse idée, le ferait
apparaître comme un monsieur ayant
à cœur de réparer les boulettes qu'il a
commises.
C'est la religion du Grantaire des
Misérables : — « Qu'est-ce que le chat?
'L'erratum de la souris. Dieu, ayant
créé la souris, s'est dit : Tiens ! j'ai fait
une bêtise. Alors il a fait le chat. »
C'est bon, en blague, mais je m'étonne
toujours de voir des gens d'esprit re-
ligieux faire intervenir irrespectueu-
sement le bon Dieu à tout bout de
phrases. Voyons, en conscience, est-il
besoin d'invoquer l'Etre suprême pour
plaider une cause aussi juste que celle
de la protection des oiseaux ?
***
Je reviens à la Ligue féminine. Ses
membres « s'engagent à s'abstenir de
porter des oiseaux montés ou des par-
ties d'oiseaux tués exprès, telles que
plumes, ailes, aigrettes. (Hérons, coli-
bris, oiseaux de paradis, oiseaux-mou-
ches, perruches, perroquets, hirondel-
les, mouettes, etc.) Et le paragraphe
IV des statuts apporte ce correctif con-
ciliant : « Pourront être portées les
plumes d'oiseaux que ceux-ci perdent :
pendant la mue et celles des oiseanx
qui servent à l'alimentation : plumes
d'autruche, de paon, de coqs, d'oies,
de faisans et de perdreaux. » On voit
qu'il y a encore du choix.
Maintenant, si on me demandait mon
opinion sur le succès possible de cette
ligue, je serais bien forcé de confesser
mon incrédulité. Je ne vois pas beau-
coup une femme appartenant à l'espèce
haïssable qu'on appelle : les mondai-
nes, renonçant à se parer de plumes
d'oiseaux-mouches par pitié pour les
victimes immolées à sa coquetterie ou
par considération pour les services
rendus à l'agriculture par les oiseaux
en général ; ces pauvres mondaines
n'ont, d'ordinaire, rien dans le cerveau
ni rien dans le cœur ; il n'y a guère à
espérer les émouvoir en faveur de
quelque idée généreuse. La, plupart
feront ce raisonnement : Puisqu'on a
tué ces oiseaux, autant que ce soit moi
qu'une autre qui les porte. Peu seront
capables de cette réflexion, pourtant
simple, que, si les femmes ne voulaient
plus porter de plumes, on ne tuerait
plus d'oiseaux.
Ce n'est pas une raison, au contraire,
pour ne pas encourager la Ligue de
Mlle Lagier. Ajoutons que la cotisation
annuelle est de 1 franc au minimum,
et que, moyennant un louis, on acquiert
le titre de membre à vie ; s'adresser
au bureau de la Ligue, à l'Ami des Ani-
maux, 4, rue du Vieux-Collège, à Ge-
nève. — Cela, pour adhésion person-
nelle.
1 nelle. Lucien Victor-Meunier.
4>
PLUS CONCORDATAIRE
QUE LES CARDINAUX
Le cardinal Langénieux s'est
laissé interviewer par un jour-
nal de Lucerne ; il a commencé
par attester-- c'est,croyons'-nous,
la première attestation officielle
> de ce double fait — oue les car-
dinaux français ont, sur le désir du gou-
vernement, voté pour le cardinal Rampolla ;
et que s'ils n'ont pu faire un pape de ce car-
dinal, c'est que l'Autriche a formellement
opposé son veto à cette élection.
L'Autriche ayant opposé son veto , le
Saint-Esprit se trouvait désarmé de ce côté,
et l'oiseau sacré s'est vu réduit à se poser
au-dessus de la tête peu illustre du cardinal
Sarto.
Ce qui précède est intéressant, mais
moins que ce qui suit.
Le cardinal Langénieux a donné son opi-
nion sur la dénonciation du Concordat ; il
prévoit que le Concordat. sera, en effet,
dénoncé par la France ; il a ajouté : « Ce
sera une vraie catastrophe, mais cela aura
aussi avec le temps de bons effets. ))
Et nous nous demandons, nous, ce qui
retient le cabinet français de se prêtel à
cette dénonciation : elle est réclamée, par
les libres-penseurs républicains, et le
clergé se résigne à la mesure; bien mieux,
nos cardinaux pensent que «cela aura, avec
le temps, de bons effets ».
Alors, tout le monde est d'accord ; et la
majorité du bloc est toute décidée ; il n'y
a plus que M. Combes qui s'efforce de là
retenir.
UN NOUVEAU MÉTAL
(De notre correspondant particulier)
New-York, 13 août.
Un rapport spécial a été adressé au Départe-
ment de la marine à Washington sur la nou-
veau métal appelé selium quo M. Edouard
Mollard a récemment découvert. Le nouveau
métal est plus léger, plus solide ot meilleur
marché que l'aluminium. Il est question de
l'employer dans les constructions navales.
QUESTIONS
D'ASSISTANCE
La colonie des vieillards de la Seine
Le vote du Conseil général. — Une vi-j
site à Saint-Florent. — Pas encore
de colons. — Un cadeau à l'assis-
tance publique de Paris. —
Direction lointaine. —
Economie mal en -
tendue.
A la fin de l'année dernière, le Conseil géné-
ral de la Seine vota une somme de 30.000 fr.
destinée à créer une colonie familiale pour
hospitaliser ses vieillards comme sont déjà,
hospitalisés à Dun-sur-Auron et à Auray, ses ;
aliénés.
Aujourd'hui, que la loi d'assistance aux;
vieillards, votée par la Chambre, n'attend'plus ;
que la sanction du Sénat pour être organisée;
par toute la France, la création de cette colO- ;
nie était d'autant plus intéressante à suivre;
que ce mode d'assistance, s'il est bien com-:
pris, peut rendre les plus signalés services;
tant par ses côtés moraux que par les inté-
rêts financiers qui s'y rattachent.
Le législateur a si bien escompté les multi-
ples bienfaits de cette assistance familiale qu'il
s'est attaché à en recommander l'application
dans cette nouvelle loi, soit qu'elle doive avoir
son effet dans la famille même de l'assisté, soif
qu'elle permette le placement des vieillards
dans les familles étrangères qui le voudront
bien accueillir moyennant rémunération. --0
C'est donc de la réussite de l'essai tenté par
le Conseil général de la Seine que dépend en
quelque sorte l'avenir de ces colonies familia-
les, sur lesquelles, nous avons fondé, depuis
rlongtemps.de grandes espérances, et nous avons
le regret d'exprimer la crainte, dès maintenant,
de voir le succès de cette nouvelle colonisation;
très compromis.
C'est à Saint-Florent-sur-Cher que doit être
le siège delà nouvellecolonie,et j'ai cetavantage
de le connaître sous tous ses aspects : moraux,
matériels, politiques, financiers, industriels ;;
c'étaiént de vieux amis que j'allais visiter en allant:
me rendre compte des résultats déjà obtenus, ;
et je connaissais à l'avance les difficultés que!
pouvait rencontrer la nouvelle organisation.
Saint-Florent est, je le crois, des plus mau-
vais comme colonie proprement dite ; par con-
tre, comme centre administratif destiné à relier
entre elles toutes les annexes de la future colo-
nie, l'on ne saurait trouver situation meil-
leure.
C'est une charmante petite ville, sur le Cher,
sur la ligne de Bourges à Montluçon, aujour-
d'hui tête de la ligne Saint-Florent-Issoudun,
demain point terminus du chemin de fer éco-
nomique Mareuil-Saint-Florent. C'est une pe-
tite cité industrielle toute nouvelle, dans la-
quelle les usines se fondent tous les jours et;
où le paysan proprement dit tend à se muer en
ouvrier. :
Une richesse relative, qui ne fera que s aug-,
menter, fait donc qu'ici il sera difficile, sinon!
impossible, de trouver des familles disposées à
prendre des vieillards en pension : l'ouvrier qui:
reçoit chaque semaine ou tous les quinze jours j
une somme d'argent n'en apprécie pas la va-:
leur autant que le paysan, qui n'en reçoit quel
de loin en loin, à la vente de ses récoltes ; dei
plus, la cherté de la vie et des loyers rendrai
encore plus laborieux le recrutement des nour- :
riciers.
Mais si la fortune naissante de Saint-Florent:
est un obstacle quasi insurmontable pour en
faire le centre nourricier, sa position au mi-
lieu d'un groupe assez considérable de villages
aptes à hospitaliser nos vieillards, fait de cette
jolie petite ville le siège rêvé au point de vue
fadministratif.
Non seulement, Saint-Florent dessert actuel-
lement Civray, Charost et Issoudun — les deux
premiers destinés à recevoir de nombreux pen-
sionnaires, et Issoudun tout désigné à recevoir
dans son hôpital les malades de la colonie;
mais en 1900, le chemin de fer économique
dont Saint-Florent sera le point terminus des-
servira : La Chaise, Massœuvre, Rozières, l'E-
ichalusse, Primelles et Mareuil ; d'autre part,
le peu de distance qui le sépare de Villeneuve
(6 kil.), Morthomiers (6 kil.), Le Subdray (4
kil.), et Saint-Caprais (4 kil.), fait que ces com-
munes, importantes au point de vue de la colo-
nisation à venir, pourraient être facilement et
régulièrement visitées en voiture.
Rien n'est donc si facile, pourrait-on croire,
de créer la colonie modèle, et tout me faisait
penser, lorsque je me rendais ces jours der-
niers à Saint-Florent pour voir où l'installa-
ition en était, que j'allais trouver tout au moins
un embryon de colonie.
Je fus donc tout à fait étonné d'apprendre
ique rien n'était commencé, seules quelques pu-
blications à son de caisse venaient d'être faites
là Saint-Florent, et n'avaient, d'ailleurs, donné
aucun résultat.
De cela il n'y a guère lieu de s'étonner; càr
ce n'est point en se reposant sur le bon vouloir
de quelques-uns, si dévoués soient-ils à nos
idées, que l'on parviendra au but, lorsque ce
but ne peut être atteint que par un labeur de
tous les instante.
C'est le Dr Marie, le fondateur de la colonie
d'aliénées de Dun (1), qui est chargé de la
création de la nouvelle colonie de Saint-Flo-
rent ; nul choix ne pouvait être plus heureux
si le Dr Marie avait pu, comme il l'a fait pour
Dun, suivre jour par jour, heure par heure,
les progrès de son œuvre ; être là pour soute-
nir les hésitants, convaincre les incrédules,
visiter les municipalités, les maires, les nota-
bles, faire des conférences pour rallier à sa
cause les détracteurs de l'assistance familiale,
enfin être toujours sur la brèche de façon à
pouvoir répondre à tout instant aux objections
qui peuvent être faites.
Bien loin de cela, cet essai, sur la réussite
duquel l'administration semble n'avoir pas une
grande confiance, sera fait par un employé
subalterne qui recevra ses instructions de
Paris et qui aura à trouver, sur les indications
,qui lui seront données, les nourriciers néces-
saires pour placer quelques vieillards ; si ces-
sai réussit, c'est à l'assistance publique de
Paris qu'incomberait la charge de l'organisa-
tion et la directiou définitive.
Je me permettrai do marquer ici mon éton-
;nement car si lo conseil général de la Seine a
voté un crédit dont le montant sera pris sur les
fonds départementaux pour créer une colonie
familiale, je ne comprends pas très bien pour-
quoi l'administration préfectorale en abandon-
nerait l'administration et la direction à l'assis-
tance publique de Paris, administration auto-
nome vivant de ses revenus propres et de sub-
ventions accordées par le Conseil municipal de
Paris.
Il arrivera alors ceci, c'est que les commu-
nes de la banlieue de Paris qui auront parti-
cipé pécuniairement à l'organisation de la co-
:Ioniè devront, si cette colonie passe sous la
lonie devront, l'Assistance publique de Paris,
direction de l'Assistance publique de Paris,
payer un prix d'abonnement pour y placer
(1) Je suis heureux de profiter do l'occasion qui
m'est offerte ici de féliciter chaleureusement le
fondateur, en France, des colonies familiales d'a-
liénés, de sa nomination au grade de chevalier de
la Légion d'honnau — E, U.
leuif vieillards, et on assistera à cette anoma-
lie , quelqu'un ayant bâti une maison el
l'ayant donnéer payant^oûF~î*îrabt*terf — Il
faut donc que la colonie de vieillards de Satnt-
Florent conserve là caractère départemental
que le vote du conseil général lui a donné et
que l'on considère cette création non comme un
essai, mais comme une création (ce qui n'est
:pas la même chose) qui devra se développer
normalement, d'une façon continue, comme
cela a lieu pour les colonies d'aliénés de Dun
et d'Auray.
Ce n'est donc pas à un employé subalterne
que doit être confiée cette organisation, mais
bien à celui qui devra dans l'avenir en pren-
dre la direction et la surveillance définitives.,
C'est sur les lieux mêmes qu'il faut être pour
faire œuvre qui dure, s'inspirer des circons-
tances et des caractères : l'organisation à dis-
tance, faite par les gens les plus compétents
et les plus dévoués ne peut donner que de mau-
vais résultats.
Il ne faut pas oublier que ie paysan est ré-
fractaire aux innovations ; il lui faut longtemps
pour se rendre aux bonnes raisons et il n'est
pas toujours très facile de lui faire comprendre
ce qui serait son intérêt : Ce qui est nouveau
lui donne instinctivement une prudence exagé-
rée et le Dr Marie qui a créé Dun, doit en sa-
voir quelque chose.
Je sais l'objection que l'on va me faire : à
Dun, c'étaient des aliénés, ici ce sont des vieil-
lards, sains de corps et d'esprit, et, par consé-
quent, faciles à placer. Ne croyez pas cela. De
l'enquête à laquelle je me suis livré, il résulte,
tout au contraire, que le paysan n'est pas en-
thousiaste du tout et qu'il y aura lieu, pour
arriver à la réussite finale, d'user de toute la
persuasion que l'on peut tirer d'une foi absolue
dans la bonté de l'œuvre poursuivie. Il faut
aussi connaître les ressources du pays et il est
très certain, par exemple, que si à Saint-Flo
rent même il est presque impossible de placer
vingt vieillards, il y aura tout près, à Mor-
thomiers, l'Echalusse, Primelles, Mareuil, par
exemple, les éléments nécessaires à l'établisse-
ment de quatre groupes nombreux. Ces com-
munes, aujourd'hui pauvres, ont connu des
jours prospères, les maisons y sont plus gran-
des que dans la moyenne des autres villages
et ce sera pour elles une précieuse ressource
que de prendre en pension les vieillards de la
Seine.
Mais, je le répète, il faut que la création de
cette colonie, sur laquelle nous fondons tant
d'espérances, réunisse tous les éléments possi-
bles de réussite et surtout l'unité de direction,
direction qui doit s'exercer sur les lieux mêmes
par une personne ayant suffisamment d'auto-
rité et les pouvoirs nécessaires pour traiter de
puissance à puissance avec les maires et les
municipalités.
A ce prix nous croyons à la réussite, mais à
ce prix seul : il faut savoir faire les sacrifices
indispensables et bien se pénétrer qu'une éco-
nomie mal entendue ruine les meilleures com-
binaisons.
, EMILE MAHE
Voir eu page
L'AFFAIRE HUMBERT
.: SOUSCRIPTIONS
La Croix a organisé en l'honneur du nou-
veau pape une pieuse souscription. Elle a in-
vité les fidèles à verser entre ses mains leurs
très catholiques oboles, et elle les transmettra
à Pie X, comme don de joyeux avènement.
Aussitôt, tous ceux qui ne sont pas encore
las des quêtes faites pour le denier de saint
Pierre, pour secourir les congrégations, pour
subvenir aux besoins des comités électoraux
royalistes et cléricaux, ont envoyé leurs of-
- frandes.
Si de pareils procédés sont employés sur
tous les points du monde, on peut supposer
qu'une jolie somme sera drainée par les cour-
tiers du Saint-Siège, et que le pape deviendra
riche, à peine monté sur le trône. 1
Pour s'attirer des souscriptions importantes
les collecteurs ont décidé d'offrir à tous ceux
qui donneront plus d'un franc le portrait du
successeur de Léon XIII. Ceux qui ne se fen-
dront que d'un franc n'auront rien du tout, il
suffira de donner 21 sous pour jouir de l'inef-
fable honneur de posséder chez soi la photo-
graphie du souverain que le conclave a donné:
à l'Eglise.
Avis aux amateurs I
Pour moi, je ne puis m'empêcher de penser
qu'il serait plus naturel quo les sommes re-
cueillies par la Croix soient attribuées aux vic-
times de l'effroyable accident du Métropolitain.
Cela me paraîtrait à la fois plus humain et;
plus conforme aux principes de la charité:
chrétienne. Mais ce serait vraiment trop de-
mander aux assomptionnistes de la Croix.
— A.
Voir à la a0 page
les Dernières Dépêches
de la. nuit
et la Revue des Journaux ;
du matin
La langue boire au Tranmal
(De notre correspondant particulier)
Amsterdam, 13 août.
M. ViIjoen, professeur du collège de Stellen-i
bosch dans la Transvaal, est venu en Hol-
lande pour une mission des plus importantes.
Il a voulu s'assurer le concours des Hollan-
dais dans la lutte que les Boërs soutiennent
pour là défense de leur langue. Le projet de
faire entrer des jeunes gens de race boère;
dans les Universités hollandaises a dû être
abandonné, les règlements de ces Universités
bien antiques s'y opposent.
Mais les Facultés de Gand offrent une large
hospitalité aux jeunes Africains. On a même:
créé des bourses pour les étudiants venus du i
Transvaal et de l'Orange.
M. Viljoen raconte que dans les deux ancien-
nes Républiques les jeunes Boërs ont fondé des.
fanfares, dos sociétés chorales et des sociétés i
de tir dans* un but do propagande patriotique.
--' ;
■U SÉCURITÉ
SUR LE MÉTROPOLITAIN DE LONDRES
(De notre correspondant particulier)
Londres, 13 août.
M. Cunnington, administrateur général du
Métropolitain de Londres (Central London Rail-
way) a déclaré à un interviewer que, sur le
chemin de fer souterrain de Londres, une ca-
tastrophe comme celle de Paris serait impos-
sible.
On a pris les mesures de précaution suivan-
tes : les voitures sont construites en acier et
ont la couverture munie d'asbeste; dans cha-
que wagon se trouve un extincteur chimique;
en prévision d'un incendie causé par le MU-
rant électrique, le conducteur peut immédiate-
ment interrompre le courant : le train s'ar-
rête et on a toute facilité pour faire fonction-
ner les extincteurs.
De plus, à chaque station, il y a un réser-
voir d'eau çt une pompe à incendie.
APRÈS LA CATASTROPHE
LES OBSÈQUES DES VICTIMES
A la Cité. — Imposant spectacle., - La cérémonie officielle. * -
Les discours. — A Notre-Dame. - Les obsèques du
docteur Apt. — Témoignages de sympathie. -
Les responsabilités. — Y a-t-il encore des
cadavres 9 - L'enquête. -
A Londres. ---
Les victimes dont les familles avaient ac-
cepté l'offre de la Ville de se charger de leurs
obsèques ont été inhumées hier après-midi,
après une cérémonie civile qui a eu lieu à 2 h.
dans la caserne de la Cité. Ces victimes étaient
au nombre de 19, à savoir : MM. Guibaudet,
Délavai, Pierre Gallina, Ernest Guesde, Beau,
père, Bouvrande, Delizer, Didon, Henri Bar-
thélemy, Mme veuve Thierry, Mme DelavaI,
Mlle Gabrielle Délavai, Mme Delizer, Mlle
Delizer, Marie Haudoux, Mme Didon, ses deux
filles et sa sœur, Mme Aubertin.
A 1 h., la foule commence à affluer sur le
quai du Marché-Neuf et sur le parvis Notre-
Dame, où s'élève la caserne de la Cité. Elle est
maintenue par des cordons d'agents et de gar-
des municipaux. Le portail qui ouvre sur le
quai du Marché-Neuf est tendu de hautes dra-
peries noires lamées d'argent et le fronton est
décoré de l'écusson de la ville de Paris. La
voûte est également tendue de deuil ainsi que
le portique qui ouvre sur la cour. Les becs de
gaz sont allumés et voilés de crêpe.
Les cercueils, alignés sous la première gale-
rie parallèle au quai, dite galerie du Marché-
Neuf, sont disposés sur des tréteaux et recou-
verts de draperies noires. Au dessus, sur la
paroi tenduo de deuil, sont fixées des pancar-
tes avec les noms des défunts.
Une gerbe de fleurs naturelles a été posée,
par les soins de la préfecture de la Seine, sur
chacun des cercueils, au pied desquels veillent
des municipaux en armes. Des couronnes funé-
raires, offertes par les familles, sont déposées
dans la galerie.
En face du portail a été dressée une petite
: tribune du haut de laquelle seront prononcés
; les discours.
'Au fond de la cour prend place la musique'
de la Garde républicaine, et des soldats de ce;
[corps forment la haie le long des bâtiments,
; Dans le milieu se massent une délégation des:
sapeurs-pompiers avec fusils, leurs officiers et!
l'état-major de la garde.
Bientôt arrivent tous les hauts fonctionnai-
! res de la préfecture de police et de la préfec-
ture de la Seine. MM. Lépine, préfet de police ;
'Laurent, secrétaire général de la préfecture de:
police, et Autrand, secrétaire général de la:
préfecture de la Seine, représentant M. de Sel-
¡vas, qui est en villégiature, reçoivent les invi-
'tés. Tous les commissaires de police des quar-
tiers éprouvés par la catastrophe sont présents.
A 2 h., arrive, préçédé de deux huissiers de
la Ville, M. Deville, président du Conseil mu-
1 nicipal. Il est bientôt suivi du général André,
; ministre de la guerre, en grande tenue, puis
(du général Faure-Biguet, gouverneur militaire,
du colonel Meaux-Saint-Marc, représentant le
Président de la République, et de M. Trouillot,
; ministre du commerce.
Tous les autres ministres se sont fait repré-
senter par des attachés de leurs cabinets.
A 2 h. 10, M. Combes, accompagné de M.
i Edgar Combes, pénètre dans la cour de la
1 Cité. Il est précédé de deux huissiers du minis-
jtère. Les ministres, le préfet de police, M. Au-
;trand, le reçoivent.
Tout le monde se découvrent la musique de
lia garde joue une marche funèbre,
j - La cérémonie est impressionnante, et, par
i instant, les cris, les sanglots étouffés des pa-
irents des victimes viennent accroître l'émo-
tion.
Un maître des cérémonies annonce d'une
Voix solennelle : « Monsieur le président du!
Conseil des ministres. a
Au grand étonnement de la foule, ce n'est
point M. Emile Combes qui apparaît dans la;
tribune étoilée d'argent, mais son fils, M. Ed-
gar Combes, qui déclare : « M. le président
du Conseil est fort enroué et m'a prié de vous
lire son discours. »
Puis, d'une voix claire, il donne lecture du
discours suivant :
Discours de M. Combes
Messieurs,
Le gouvernement,en apportant ici l'hommage su-
prême qu'il doit aux morts, vient associer la.
France entière au deuil si cruel qui frappe la popu-
lation de Paris.
S'il était besoin de chercher de nouvelles justifi-
cations ou des preuves positives à la réalité du
sentiment instinctif qui nous révèle dans chaque
être humain un membre de notre famille, nous
les trouverions dans les regrets unanimes et la
profonde tristesse qui s'attachent à la catastrophe
de ces derniers jours. Quel est le cœur qui n'a pas
été secoué jusque dans ses fibres les plus intimes ?
Quel est l'esprit qui s'est avisé de distinguer entre
les victimes de ce lamentable événement? Un
même élan de l'âme les a confondues dans la même
[émotion de douleur, et l'unité de notre nature, que:
,tant de conventions sociales tendent à voiler, s'est
[fait jour par une explosion spontanée qui n'a laissé
'place à aucune distinction.
Messieurs, il n'est pas de théorie, quelque ingé-
i nieusement construite qu'elle soit, qui atteste, au
même degré que ce deuil commun à la France en-
tière, l'étroite solidarité. qui unit l'homme à
l'homme es dépit des différences factices des clas- i
ses et des inégalités des conditions. On peut, et
sans doute on doit regretter, que ce lien se mani-
feste dans le malheur avec plus de force et d'éclat
que dans les temps ordinaires. Mais c'est un de-
voir pour nous, et c'est un besoin particulièrement
senti par un régime démocratique, de le signaler,
en toute occasion, comme un enseignement dont il
importe de profiter pour l'orientation des réformes
à venir.
Il est d'autant plus opportun d'insister à ce su-
ijet que, généralement, les catastrophes semblables
à celle que nous déplorons frappent sur la por-
tion de l'humanité qui a dans son lot le plus de
privations et de misères. Aux difficultés de la vie'
de chaque jour se joignent pour elle les dangers:
inhérents aux professions. Pour quelques terribles'
iaccidents comme les incendies de l'Opéra-Comique;
et du Bazar de la Charité, qui atteignent les heu-
reux de ce monde pêle-mêle avec quelques déshé- j
rités, que de sinistres aussi épouvantables ou plus
épouvantables encore s'abattent sur ces derniers, à,
la surface ou dans les entrailles de la terre. Cette
observation, qui n'a d'ailleurs rien de blessant:
pour personne, m'autorise à conclure que nous
devons redoubler d'attentions et de soins pour at-:
ténuer et, s'il se peut, pour faire disparaître les
périls dont je parlais à l'instant.
Je me garderai bien de faire en ce moment le
procès de qui que ce soit ou de devancer l'enquête.
qui s'impose. Mais, sans élever même l'ombre'
d'une accusation, il me sera permis de regretter
que des précautions, qui nous paraissent élémen-,
taires, vues à la lueur de la catastrophe, n'aient'
pas été prises dès le début pour prévenir des acci-
dents qu'il était possible de prévoir.
Messieurs, d'oruiuairt, quand de tels malheurs
sè produisent, on a la consolation, une triste et
chétive consolation, de mettre le dévouement des;
vivants en regard du sort des victimes. Involon-
tairement le chagrin se tempère à ce spectacle.
Plus la mort a été brutale, plus nous éprouvons
de satisfaction et de fierté à penser que l'homme
n'a pas craint dG-hasarder sa vie pour disputer son
semblable à sa brutalité.
Ici ce dédommagement moral nous fait défaut
La mort n'a pas été ssulement brutale, elle a étA
foudroyante. Elle n'a épargné aucun de ceux quI
faisaient ensemble le même trajet. L'obscurité et
un affolement inévitable les avaient réunis sur un
même point. C'est là qu'ils sont tombés, tués par
un gaz toxique comme par un coup de massue. Les
secours, pour si empressés qu'ils fussent, devaient
arriver trop tard. Ce que l'électricité avait com-
mencé, le poison l'a fini sans donner aux victimes
le temps de fuir ou de résister.
Messieurs, cette page lugubre continue dans
1 histoire de 1 humanité d'autres pages également
lugubres. Elle pourrait passer aux yeux des pessi-
rnistes pour une condamnation de. la science car
c'est la science qui l'a rendu" possible par les pro-
grès mêmes qu'elle accomplit en vertu d'une loi qui
la pousse toujours plus avant à la recherche da
1 inconnu. La vie de l'homme en est t'enjeu.Le pro-
grès eu est le résultat. Il serait aussi vain que dom-
mageable à l'humanité d'en entraver la marcha.
Une force mystérieuse conduit nos destinées, au-
cun do nous ne peut se soustraire à son action.
Tout ce que nous pouvons et devons faire, c'est
d estimer la vie de l'homme mille fois plus benéneo matériel qui nait de la science en progrès
et de ne reculer, pour la protéger, devant aucun
sacrifice. Ce devoir, je n'hésite pas à le dire, la so-
ciété ne 1 a pas toujours suffisamment observé. Elle
a semblé parfois faire trop bon marché de la vie
humaine mise en balance avec le lucre, malgré les
leçons retentissantes qui lui venaient de catastro-
phes successives. Ce sont surtout les vies des hum-
bles qui ont été sacrifiées à la perspective du ffàin.
Espérons que la leçon nouvelle portera ses fruits. II
appartiendra aux pouvoirs publics de faire qu'il en
soit ainsi, dans la mesure où ils peuvent interve-
nir pour garantir la vie humaine contre les ris-
ques professionnels. Ainsi l'honneur rendu aux
morts se tournera en salut pour les vivants.
Discours de M. Deville
M Deville, président du Conseil municipal,
prononce le discours suivant :
Messieurs,
Malgré les difficultés du moment, malgré la
hâte impatiente que la mort mettait à parfaire son
œuvre de destruction, les représentants de la mu-
nicipalité ont voulu qu'une cérémonie, si simple
qu'elle dût être, permît de manifester la douleur
que cause une terrible catastrophe et d'adresser un
hommage à ses victimes 1
Les malheurs éclatent souvent dans des temps
de réjouissance ou de repos, comme pour rappeler
a 1 humanité combien elle est peu de chose
Paris, plusieurs fois frappé cruellement, qui
connaît la vanité des calculs et des espérances,
semble n'avoir pas besoin de ces rudes leçons.
La population laborieuse, active, réfléchie, vit la
vie qui lui est faite, non pour en jouir, mais pour
y accomplir avec âpreté, presque avec fièvre, sa
tâche, qui est de concourir à la marche en avant
de la grande cité. Elle no s'affole pas quand un
accident la frappe, car, intelligente et souple, elle
sait que tous les progrès qui viennent satisfaire
plus de besoins et procurer plus de bien-être, ap-
portent avec eux de redoutables incertitudes et des
dangers impossibles à prévoir. Mais elle s'émeut'
d'abord, - se réveille aussitôt pour s'affirmer dans sa
force virile.
Et des événements comme celui-ci font mieux
■apparaître, et sa vigoureuse vaillance, et son ingé-
nieux esprit de solidarité.
Si nous sommes touchés des témoignages de
sympathio qui nous sont venus de haut et de loin,
de partoutoù l'on aime Paris,c'est-à-dire du monde
entier; si nous avons la satisfaction de voir le res-
pecté chef de l'Etat, le gouvernement, les pouvoirs
publics, s'associer à notre tristesse avec un empres-
sement dont nous les remercions profondémen
nous nous sentons surtout fiers de Paris,
Tous ceux qui veillent à sa sécurité étaient de-
bout et à l'oéuvre, dès la première heure ; les ad-:
mirables soldats du régiment des sapeurs-pompiers
et du corps des gardiens de la paix, les plus modes-.
tes auxiliaires des services de sauvetage ou d'as..--,
sistance se sont trouvés immédiatement prêts atac
plus difficiles besognes.
Il s'est produit, comme dans toutes les occasions
semblables, de remarquables actes de courage, da,
dévouement, dont les auteurs connus ou inconnus'
ont droit à la reconnaissance publique.
Mais ce qui domine tout, ce qui impressionne le
,Plus vivement, c'est le deuil collectif, l'unanimité
des sentiments qu'a suscités la catastrophe.
Et la cause qui s'en révèle ici, d'une façon aussi
ihonorable qu'éclatante, c'est que cette catastrophe
a frappé particulièrement des humbles, des tra-
vailleurs qui rentraient au foyer, après la dure
journée, et disparaissent en laissant d'angoissantes
nécessités, do noires misères, que ne sauraient at-
ténuer aucun chant de regret, aucune cérémonie
d'apparat !
On sent un souffle plus chaud de fraternité allett
vers ces enfants de Paris, de naissance ou d'adop-
tion, et vers leurs familles, d'autant plus malhen-i
reuses qu'elles sont plus isolées, d'autant plus ai-f
mées qu'elles sont plus pauvres.
C'est l'âme même de Paris qui vibre.
Aussi faut-il nous taire, écouter et laisser monter
vers les morts cette douce et profonde vibration
qui vous apporie, modestes victimes, simples et
braves gens, le triste et suprême salut.
La cérémonie civile officielle prend fin après
les discours.
A la demande des familles, quinze cercueils
ont été transportés à Notre-Dame pour la.
cérémonie religieuse et quatre à Saint-Ger-
vais.
A Notre-Dame
Le parvis a été évacué ; il est entoura d'unet
haie de gardes municipaux derrière lesquels se
tient une foule énorme.
Les cercueils sont groupés dans la croix dot
transept de l'église. L'assistance est très nom-
breuse. On remarque la présence du président
du Conseil-municipal et de conseillers munici-
paux.
Le curé archiprêtre de Notre-Dame officie,
entouré du clergé paroissial et de tout le cha-
pitrs métropolitain. La cérémonie dure une?
heure environ.
Le cercueil de M. Beau père a été transportei
à la Morgue ; il sera dirigé sur Limoges.
On a dû transporter hors de l'église deux
dames en deuil qui s'étaient trouvées mal pen-
dant l'absoute.
Grâce aux mesures d'ordre prises par les
commissaires divisionnaires et les officiers de
paix, la sortie de l'église s'est effectuée rapide-,
ment : les familles ont pu se placer sans diffi-
cultés derrière les corbillards qui transport
itaient leurs parents défunts.
Les corps de MM. Gallina, Guesde, Léon
.Bouvrande, de Mme Haudoux, des trois do-
moiselles Delisère et des cinq membres de lat-
famille Didon; victimes de la catastrophe, ont?
été inhumés au cimetière de Pantin. :
Au cimetière de Bagneux, on a conduit et!
enseveli M. Abel Guibaudet, M. et Mme Delà-.
valle et leurs deux enfants. ,
Mme veuve Thierry a été inhumée an cime-i
tière d'Ivry.
Les obsèques du docteur Apt
Les obsèques du docteur Apt ont eu lieu.
hier. èb .tté 1
Le cortège funèbre a quitté la maison mor-
tuaire, 14, rue des Tournelles, pour se rendrai
directement au cimetière de Bagneux, où a eaj
Le Wuméro CIIVQ CENTIMES
LE m SIECLE
ANNONCES .,
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De 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à i heure du malin
No 12209. — Samedi f5 Août 1903
28 THERMIDOR <4N lli
ADMINISTRATION • 14, rue du Mail
Adresser lettres et mandais à l'Ad ministrateur
Nous commençons aujourd'hui dans notre
feuilleton de la b page
Les Robins sous l'Empire
PAR Victor CONTENT
C'est une œuvre spirituelle et humoristique,
une peinture du monde officiel de province à
l'époque du dernier empire.
LES ROBINS SOUS L'EMPIRE
seront lus avec le plus vif intérêt non seule-
ment pour les qualités d'écrivain de l'auteur,
mais aussi pour la force toujours dramatique
du récit.
NOS LEADERS
La Lin ianl
En ma qualité, dont je ne suis point
médiocrement fier, de membre d'hon-
neur de la Société protectrice des ani-
maux, je me crois tenu de signaler à
ceux, surtout à celles qui me font l'hon-
neur de me lire, la Ligue féminine qui
s'est fondée récemment à Genève
« contre l'usage de porter des oiseaux
comme parure ».
Qu'est-ce qu'une ligue? C'est une
personne qui groupe des bonnes vo-
lontés autour d'une idée. Je crois que
l'on chercherait en vain une définition
plus exacte. La Ligue en question, c'est
une demoiselle P. Lagier, qui me pa-
raît, si j'en juge d'après les extraits
que j'ai sous les yeux d'une conférence
quelle vient de faire à Genève, une
femme d'intelligence et de cœur.
Je lui suis reconnaissant, d'abord,
de m'avoir appris quelque chose. Je
n'avais aucune idée, je l'avoue, du car-
nage d'oiseaux qui se fait dans le seul
but de garnir les coiffures féminines.
Les chiffres donnés par Mlie Lagier
sont surprenants.
Croiriez-vous, par exemple, qu'en
1898, dans le seul Venezuela, on ait tué
1,500,000 hérons, pour les dépouiller
de leurs aigrettes ? Une maison de mo-
des de Paris a passé un contrat pour la
fourniture de 40,000 oiseaux, de sorte
que le soumissionnaire a embauché
une véritable armée de massacreurs.
Une maison de Londres a reçu, il y a
trois ans, en une seule fois, 32,000 oi-
seaux-mouches, 80,000 oiseaux aqua-
tiques et 800,000 paires d'ailes. A Lon-
dres, également, en une seule en-
chère, 404,389 plumages d'oiseaux des
Indes orientales ont été adjugés. Dans
cette même capitale, on a vendu der-
nièrement 5,672 peaux d'oiseaux de
paradis. Rien que de Long-lsland, en
une seule saison, 40,000 hirondelles de
mer ont été expédiées. Cela assuré-
ment passe l'imagination.
Comme le fait très justement remar-
ijuer Mlle Lagier, la plupart des belles
madames qui arborent des chapeaux
Empanachés ne feraient pas, selon
l'expression consacrée, «de mal à une
mouche ». — « Cependant, dit la con-
férencière, elles portent un chapeau
accusateur de leur complicité du meur-
tre des pauvres oiseaux dont il est af-
fublé. » — Ajoutons qu'elles le font le
plus innocemment du monde, sans se
douter de la complicité qu'elles assu-
ment, sans y avoir jamais pensé.
C'est précisément pour les y faire
penser que je joins mes modestes ef-
forts à ceux de Mlle Lagier.
***
Celle-ci va, dans son ardeur à dé-
fendre la cause qu'elle a embrassée,
jusqu'à réclamer une entente interna-
tionale des gouvernements pour la
protection des oiseaux. Ne sourions
pas, je vous prie. Il est certain que les
oiseaux, étant insectivores, rendent à
l'humanité de considérables services
et qu'ainsi ils ont le droit d'être dé-
fendus; Je citerai encore ce passage,
parce qu'il est éloquent, de la confé-
rence de Mlle Lagier :
— « Aux désastres dont la fré-
quence résulte pour une grande part
du déboisement, de la destruction des
forêts, comme les orages de grêle, les-
gelées printanières, etc., qui sont la
ruine de l'agriculture, s'ajoute de plus
en plus le fléau des insectes dévasta-
leurs des cultures maraîchères, des
arbustes, des vergers : pucerons, che-
nilles, vers blancs se multiplient de
façon inquiétante. De nouveaux insecr
les apparaissent, qui s'attaquent à des
arbustes et grands arbres jusqu'ici
épargnés, ainsi le galéruque de l'orme.
Dans les bois, les forêts, partout, l'en-
nemi travaille à son œuvre de mort. ;
C'est la splendide parure de nos mon-
tagnes qui, à son tour, est menacée par
le bostriche ; après avoir dévasté d'in-
nombrables forêts dans le Tyrol, il a
gagné la Suisse où, en certains en-
droit, on mit le feu aux arbres, pour
empêcher la propagation du fléau.
Ainsi dans le Jura neufchâtelois, dans
le Jura bernois.»
Il est bien évident que seul l'oiseau
peut lutter efficacement contre ces ter-
ribles petits ennemis. « Seul, l'oiseau
est merveilleusement outillé pour la
recherche minutieuse des insectes
fresque imperceptibles à nos yeux et
es larves cachées dans les replis des
écorcesdes arbres. Nul autre moyen de
nettoyage ne peut être comparé à celui
qu'opère l'oiseau avec son bec aigu ca-
pable de fouiller au fond dès petites re- i
traites les mieux dissimulées. »
Quant à savoir, comme l'affirme un
peu témérairement peut-être Mlle La-
gier, si, en se livrant ainsi à la recher-
che des vers et chenilles qui consti- ;
tuent le fond de son alimentation, roi-;
seau « accomplit la mission qui lui a
été dévolue par le Créateur », c'est là
une question que je n'examinerai point.
En effet, si l'on admettait que l'oiseau
ait été créé et mis au monde pour dé-
truire les insectes, il faudrait admettre ]
parallèlement que les insectes ont!
« reçu la mission » de ravager plantes
et arbres ce qui donnerai dudit créa-
teur une assez fâcheuse idée, le ferait
apparaître comme un monsieur ayant
à cœur de réparer les boulettes qu'il a
commises.
C'est la religion du Grantaire des
Misérables : — « Qu'est-ce que le chat?
'L'erratum de la souris. Dieu, ayant
créé la souris, s'est dit : Tiens ! j'ai fait
une bêtise. Alors il a fait le chat. »
C'est bon, en blague, mais je m'étonne
toujours de voir des gens d'esprit re-
ligieux faire intervenir irrespectueu-
sement le bon Dieu à tout bout de
phrases. Voyons, en conscience, est-il
besoin d'invoquer l'Etre suprême pour
plaider une cause aussi juste que celle
de la protection des oiseaux ?
***
Je reviens à la Ligue féminine. Ses
membres « s'engagent à s'abstenir de
porter des oiseaux montés ou des par-
ties d'oiseaux tués exprès, telles que
plumes, ailes, aigrettes. (Hérons, coli-
bris, oiseaux de paradis, oiseaux-mou-
ches, perruches, perroquets, hirondel-
les, mouettes, etc.) Et le paragraphe
IV des statuts apporte ce correctif con-
ciliant : « Pourront être portées les
plumes d'oiseaux que ceux-ci perdent :
pendant la mue et celles des oiseanx
qui servent à l'alimentation : plumes
d'autruche, de paon, de coqs, d'oies,
de faisans et de perdreaux. » On voit
qu'il y a encore du choix.
Maintenant, si on me demandait mon
opinion sur le succès possible de cette
ligue, je serais bien forcé de confesser
mon incrédulité. Je ne vois pas beau-
coup une femme appartenant à l'espèce
haïssable qu'on appelle : les mondai-
nes, renonçant à se parer de plumes
d'oiseaux-mouches par pitié pour les
victimes immolées à sa coquetterie ou
par considération pour les services
rendus à l'agriculture par les oiseaux
en général ; ces pauvres mondaines
n'ont, d'ordinaire, rien dans le cerveau
ni rien dans le cœur ; il n'y a guère à
espérer les émouvoir en faveur de
quelque idée généreuse. La, plupart
feront ce raisonnement : Puisqu'on a
tué ces oiseaux, autant que ce soit moi
qu'une autre qui les porte. Peu seront
capables de cette réflexion, pourtant
simple, que, si les femmes ne voulaient
plus porter de plumes, on ne tuerait
plus d'oiseaux.
Ce n'est pas une raison, au contraire,
pour ne pas encourager la Ligue de
Mlle Lagier. Ajoutons que la cotisation
annuelle est de 1 franc au minimum,
et que, moyennant un louis, on acquiert
le titre de membre à vie ; s'adresser
au bureau de la Ligue, à l'Ami des Ani-
maux, 4, rue du Vieux-Collège, à Ge-
nève. — Cela, pour adhésion person-
nelle.
1 nelle. Lucien Victor-Meunier.
4>
PLUS CONCORDATAIRE
QUE LES CARDINAUX
Le cardinal Langénieux s'est
laissé interviewer par un jour-
nal de Lucerne ; il a commencé
par attester-- c'est,croyons'-nous,
la première attestation officielle
> de ce double fait — oue les car-
dinaux français ont, sur le désir du gou-
vernement, voté pour le cardinal Rampolla ;
et que s'ils n'ont pu faire un pape de ce car-
dinal, c'est que l'Autriche a formellement
opposé son veto à cette élection.
L'Autriche ayant opposé son veto , le
Saint-Esprit se trouvait désarmé de ce côté,
et l'oiseau sacré s'est vu réduit à se poser
au-dessus de la tête peu illustre du cardinal
Sarto.
Ce qui précède est intéressant, mais
moins que ce qui suit.
Le cardinal Langénieux a donné son opi-
nion sur la dénonciation du Concordat ; il
prévoit que le Concordat. sera, en effet,
dénoncé par la France ; il a ajouté : « Ce
sera une vraie catastrophe, mais cela aura
aussi avec le temps de bons effets. ))
Et nous nous demandons, nous, ce qui
retient le cabinet français de se prêtel à
cette dénonciation : elle est réclamée, par
les libres-penseurs républicains, et le
clergé se résigne à la mesure; bien mieux,
nos cardinaux pensent que «cela aura, avec
le temps, de bons effets ».
Alors, tout le monde est d'accord ; et la
majorité du bloc est toute décidée ; il n'y
a plus que M. Combes qui s'efforce de là
retenir.
UN NOUVEAU MÉTAL
(De notre correspondant particulier)
New-York, 13 août.
Un rapport spécial a été adressé au Départe-
ment de la marine à Washington sur la nou-
veau métal appelé selium quo M. Edouard
Mollard a récemment découvert. Le nouveau
métal est plus léger, plus solide ot meilleur
marché que l'aluminium. Il est question de
l'employer dans les constructions navales.
QUESTIONS
D'ASSISTANCE
La colonie des vieillards de la Seine
Le vote du Conseil général. — Une vi-j
site à Saint-Florent. — Pas encore
de colons. — Un cadeau à l'assis-
tance publique de Paris. —
Direction lointaine. —
Economie mal en -
tendue.
A la fin de l'année dernière, le Conseil géné-
ral de la Seine vota une somme de 30.000 fr.
destinée à créer une colonie familiale pour
hospitaliser ses vieillards comme sont déjà,
hospitalisés à Dun-sur-Auron et à Auray, ses ;
aliénés.
Aujourd'hui, que la loi d'assistance aux;
vieillards, votée par la Chambre, n'attend'plus ;
que la sanction du Sénat pour être organisée;
par toute la France, la création de cette colO- ;
nie était d'autant plus intéressante à suivre;
que ce mode d'assistance, s'il est bien com-:
pris, peut rendre les plus signalés services;
tant par ses côtés moraux que par les inté-
rêts financiers qui s'y rattachent.
Le législateur a si bien escompté les multi-
ples bienfaits de cette assistance familiale qu'il
s'est attaché à en recommander l'application
dans cette nouvelle loi, soit qu'elle doive avoir
son effet dans la famille même de l'assisté, soif
qu'elle permette le placement des vieillards
dans les familles étrangères qui le voudront
bien accueillir moyennant rémunération. --0
C'est donc de la réussite de l'essai tenté par
le Conseil général de la Seine que dépend en
quelque sorte l'avenir de ces colonies familia-
les, sur lesquelles, nous avons fondé, depuis
rlongtemps.de grandes espérances, et nous avons
le regret d'exprimer la crainte, dès maintenant,
de voir le succès de cette nouvelle colonisation;
très compromis.
C'est à Saint-Florent-sur-Cher que doit être
le siège delà nouvellecolonie,et j'ai cetavantage
de le connaître sous tous ses aspects : moraux,
matériels, politiques, financiers, industriels ;;
c'étaiént de vieux amis que j'allais visiter en allant:
me rendre compte des résultats déjà obtenus, ;
et je connaissais à l'avance les difficultés que!
pouvait rencontrer la nouvelle organisation.
Saint-Florent est, je le crois, des plus mau-
vais comme colonie proprement dite ; par con-
tre, comme centre administratif destiné à relier
entre elles toutes les annexes de la future colo-
nie, l'on ne saurait trouver situation meil-
leure.
C'est une charmante petite ville, sur le Cher,
sur la ligne de Bourges à Montluçon, aujour-
d'hui tête de la ligne Saint-Florent-Issoudun,
demain point terminus du chemin de fer éco-
nomique Mareuil-Saint-Florent. C'est une pe-
tite cité industrielle toute nouvelle, dans la-
quelle les usines se fondent tous les jours et;
où le paysan proprement dit tend à se muer en
ouvrier. :
Une richesse relative, qui ne fera que s aug-,
menter, fait donc qu'ici il sera difficile, sinon!
impossible, de trouver des familles disposées à
prendre des vieillards en pension : l'ouvrier qui:
reçoit chaque semaine ou tous les quinze jours j
une somme d'argent n'en apprécie pas la va-:
leur autant que le paysan, qui n'en reçoit quel
de loin en loin, à la vente de ses récoltes ; dei
plus, la cherté de la vie et des loyers rendrai
encore plus laborieux le recrutement des nour- :
riciers.
Mais si la fortune naissante de Saint-Florent:
est un obstacle quasi insurmontable pour en
faire le centre nourricier, sa position au mi-
lieu d'un groupe assez considérable de villages
aptes à hospitaliser nos vieillards, fait de cette
jolie petite ville le siège rêvé au point de vue
fadministratif.
Non seulement, Saint-Florent dessert actuel-
lement Civray, Charost et Issoudun — les deux
premiers destinés à recevoir de nombreux pen-
sionnaires, et Issoudun tout désigné à recevoir
dans son hôpital les malades de la colonie;
mais en 1900, le chemin de fer économique
dont Saint-Florent sera le point terminus des-
servira : La Chaise, Massœuvre, Rozières, l'E-
ichalusse, Primelles et Mareuil ; d'autre part,
le peu de distance qui le sépare de Villeneuve
(6 kil.), Morthomiers (6 kil.), Le Subdray (4
kil.), et Saint-Caprais (4 kil.), fait que ces com-
munes, importantes au point de vue de la colo-
nisation à venir, pourraient être facilement et
régulièrement visitées en voiture.
Rien n'est donc si facile, pourrait-on croire,
de créer la colonie modèle, et tout me faisait
penser, lorsque je me rendais ces jours der-
niers à Saint-Florent pour voir où l'installa-
ition en était, que j'allais trouver tout au moins
un embryon de colonie.
Je fus donc tout à fait étonné d'apprendre
ique rien n'était commencé, seules quelques pu-
blications à son de caisse venaient d'être faites
là Saint-Florent, et n'avaient, d'ailleurs, donné
aucun résultat.
De cela il n'y a guère lieu de s'étonner; càr
ce n'est point en se reposant sur le bon vouloir
de quelques-uns, si dévoués soient-ils à nos
idées, que l'on parviendra au but, lorsque ce
but ne peut être atteint que par un labeur de
tous les instante.
C'est le Dr Marie, le fondateur de la colonie
d'aliénées de Dun (1), qui est chargé de la
création de la nouvelle colonie de Saint-Flo-
rent ; nul choix ne pouvait être plus heureux
si le Dr Marie avait pu, comme il l'a fait pour
Dun, suivre jour par jour, heure par heure,
les progrès de son œuvre ; être là pour soute-
nir les hésitants, convaincre les incrédules,
visiter les municipalités, les maires, les nota-
bles, faire des conférences pour rallier à sa
cause les détracteurs de l'assistance familiale,
enfin être toujours sur la brèche de façon à
pouvoir répondre à tout instant aux objections
qui peuvent être faites.
Bien loin de cela, cet essai, sur la réussite
duquel l'administration semble n'avoir pas une
grande confiance, sera fait par un employé
subalterne qui recevra ses instructions de
Paris et qui aura à trouver, sur les indications
,qui lui seront données, les nourriciers néces-
saires pour placer quelques vieillards ; si ces-
sai réussit, c'est à l'assistance publique de
Paris qu'incomberait la charge de l'organisa-
tion et la directiou définitive.
Je me permettrai do marquer ici mon éton-
;nement car si lo conseil général de la Seine a
voté un crédit dont le montant sera pris sur les
fonds départementaux pour créer une colonie
familiale, je ne comprends pas très bien pour-
quoi l'administration préfectorale en abandon-
nerait l'administration et la direction à l'assis-
tance publique de Paris, administration auto-
nome vivant de ses revenus propres et de sub-
ventions accordées par le Conseil municipal de
Paris.
Il arrivera alors ceci, c'est que les commu-
nes de la banlieue de Paris qui auront parti-
cipé pécuniairement à l'organisation de la co-
:Ioniè devront, si cette colonie passe sous la
lonie devront, l'Assistance publique de Paris,
direction de l'Assistance publique de Paris,
payer un prix d'abonnement pour y placer
(1) Je suis heureux de profiter do l'occasion qui
m'est offerte ici de féliciter chaleureusement le
fondateur, en France, des colonies familiales d'a-
liénés, de sa nomination au grade de chevalier de
la Légion d'honnau — E, U.
leuif vieillards, et on assistera à cette anoma-
lie , quelqu'un ayant bâti une maison el
l'ayant donnéer payant^oûF~î*îrabt*terf — Il
faut donc que la colonie de vieillards de Satnt-
Florent conserve là caractère départemental
que le vote du conseil général lui a donné et
que l'on considère cette création non comme un
essai, mais comme une création (ce qui n'est
:pas la même chose) qui devra se développer
normalement, d'une façon continue, comme
cela a lieu pour les colonies d'aliénés de Dun
et d'Auray.
Ce n'est donc pas à un employé subalterne
que doit être confiée cette organisation, mais
bien à celui qui devra dans l'avenir en pren-
dre la direction et la surveillance définitives.,
C'est sur les lieux mêmes qu'il faut être pour
faire œuvre qui dure, s'inspirer des circons-
tances et des caractères : l'organisation à dis-
tance, faite par les gens les plus compétents
et les plus dévoués ne peut donner que de mau-
vais résultats.
Il ne faut pas oublier que ie paysan est ré-
fractaire aux innovations ; il lui faut longtemps
pour se rendre aux bonnes raisons et il n'est
pas toujours très facile de lui faire comprendre
ce qui serait son intérêt : Ce qui est nouveau
lui donne instinctivement une prudence exagé-
rée et le Dr Marie qui a créé Dun, doit en sa-
voir quelque chose.
Je sais l'objection que l'on va me faire : à
Dun, c'étaient des aliénés, ici ce sont des vieil-
lards, sains de corps et d'esprit, et, par consé-
quent, faciles à placer. Ne croyez pas cela. De
l'enquête à laquelle je me suis livré, il résulte,
tout au contraire, que le paysan n'est pas en-
thousiaste du tout et qu'il y aura lieu, pour
arriver à la réussite finale, d'user de toute la
persuasion que l'on peut tirer d'une foi absolue
dans la bonté de l'œuvre poursuivie. Il faut
aussi connaître les ressources du pays et il est
très certain, par exemple, que si à Saint-Flo
rent même il est presque impossible de placer
vingt vieillards, il y aura tout près, à Mor-
thomiers, l'Echalusse, Primelles, Mareuil, par
exemple, les éléments nécessaires à l'établisse-
ment de quatre groupes nombreux. Ces com-
munes, aujourd'hui pauvres, ont connu des
jours prospères, les maisons y sont plus gran-
des que dans la moyenne des autres villages
et ce sera pour elles une précieuse ressource
que de prendre en pension les vieillards de la
Seine.
Mais, je le répète, il faut que la création de
cette colonie, sur laquelle nous fondons tant
d'espérances, réunisse tous les éléments possi-
bles de réussite et surtout l'unité de direction,
direction qui doit s'exercer sur les lieux mêmes
par une personne ayant suffisamment d'auto-
rité et les pouvoirs nécessaires pour traiter de
puissance à puissance avec les maires et les
municipalités.
A ce prix nous croyons à la réussite, mais à
ce prix seul : il faut savoir faire les sacrifices
indispensables et bien se pénétrer qu'une éco-
nomie mal entendue ruine les meilleures com-
binaisons.
, EMILE MAHE
Voir eu page
L'AFFAIRE HUMBERT
.: SOUSCRIPTIONS
La Croix a organisé en l'honneur du nou-
veau pape une pieuse souscription. Elle a in-
vité les fidèles à verser entre ses mains leurs
très catholiques oboles, et elle les transmettra
à Pie X, comme don de joyeux avènement.
Aussitôt, tous ceux qui ne sont pas encore
las des quêtes faites pour le denier de saint
Pierre, pour secourir les congrégations, pour
subvenir aux besoins des comités électoraux
royalistes et cléricaux, ont envoyé leurs of-
- frandes.
Si de pareils procédés sont employés sur
tous les points du monde, on peut supposer
qu'une jolie somme sera drainée par les cour-
tiers du Saint-Siège, et que le pape deviendra
riche, à peine monté sur le trône. 1
Pour s'attirer des souscriptions importantes
les collecteurs ont décidé d'offrir à tous ceux
qui donneront plus d'un franc le portrait du
successeur de Léon XIII. Ceux qui ne se fen-
dront que d'un franc n'auront rien du tout, il
suffira de donner 21 sous pour jouir de l'inef-
fable honneur de posséder chez soi la photo-
graphie du souverain que le conclave a donné:
à l'Eglise.
Avis aux amateurs I
Pour moi, je ne puis m'empêcher de penser
qu'il serait plus naturel quo les sommes re-
cueillies par la Croix soient attribuées aux vic-
times de l'effroyable accident du Métropolitain.
Cela me paraîtrait à la fois plus humain et;
plus conforme aux principes de la charité:
chrétienne. Mais ce serait vraiment trop de-
mander aux assomptionnistes de la Croix.
— A.
Voir à la a0 page
les Dernières Dépêches
de la. nuit
et la Revue des Journaux ;
du matin
La langue boire au Tranmal
(De notre correspondant particulier)
Amsterdam, 13 août.
M. ViIjoen, professeur du collège de Stellen-i
bosch dans la Transvaal, est venu en Hol-
lande pour une mission des plus importantes.
Il a voulu s'assurer le concours des Hollan-
dais dans la lutte que les Boërs soutiennent
pour là défense de leur langue. Le projet de
faire entrer des jeunes gens de race boère;
dans les Universités hollandaises a dû être
abandonné, les règlements de ces Universités
bien antiques s'y opposent.
Mais les Facultés de Gand offrent une large
hospitalité aux jeunes Africains. On a même:
créé des bourses pour les étudiants venus du i
Transvaal et de l'Orange.
M. Viljoen raconte que dans les deux ancien-
nes Républiques les jeunes Boërs ont fondé des.
fanfares, dos sociétés chorales et des sociétés i
de tir dans* un but do propagande patriotique.
--' ;
■U SÉCURITÉ
SUR LE MÉTROPOLITAIN DE LONDRES
(De notre correspondant particulier)
Londres, 13 août.
M. Cunnington, administrateur général du
Métropolitain de Londres (Central London Rail-
way) a déclaré à un interviewer que, sur le
chemin de fer souterrain de Londres, une ca-
tastrophe comme celle de Paris serait impos-
sible.
On a pris les mesures de précaution suivan-
tes : les voitures sont construites en acier et
ont la couverture munie d'asbeste; dans cha-
que wagon se trouve un extincteur chimique;
en prévision d'un incendie causé par le MU-
rant électrique, le conducteur peut immédiate-
ment interrompre le courant : le train s'ar-
rête et on a toute facilité pour faire fonction-
ner les extincteurs.
De plus, à chaque station, il y a un réser-
voir d'eau çt une pompe à incendie.
APRÈS LA CATASTROPHE
LES OBSÈQUES DES VICTIMES
A la Cité. — Imposant spectacle., - La cérémonie officielle. * -
Les discours. — A Notre-Dame. - Les obsèques du
docteur Apt. — Témoignages de sympathie. -
Les responsabilités. — Y a-t-il encore des
cadavres 9 - L'enquête. -
A Londres. ---
Les victimes dont les familles avaient ac-
cepté l'offre de la Ville de se charger de leurs
obsèques ont été inhumées hier après-midi,
après une cérémonie civile qui a eu lieu à 2 h.
dans la caserne de la Cité. Ces victimes étaient
au nombre de 19, à savoir : MM. Guibaudet,
Délavai, Pierre Gallina, Ernest Guesde, Beau,
père, Bouvrande, Delizer, Didon, Henri Bar-
thélemy, Mme veuve Thierry, Mme DelavaI,
Mlle Gabrielle Délavai, Mme Delizer, Mlle
Delizer, Marie Haudoux, Mme Didon, ses deux
filles et sa sœur, Mme Aubertin.
A 1 h., la foule commence à affluer sur le
quai du Marché-Neuf et sur le parvis Notre-
Dame, où s'élève la caserne de la Cité. Elle est
maintenue par des cordons d'agents et de gar-
des municipaux. Le portail qui ouvre sur le
quai du Marché-Neuf est tendu de hautes dra-
peries noires lamées d'argent et le fronton est
décoré de l'écusson de la ville de Paris. La
voûte est également tendue de deuil ainsi que
le portique qui ouvre sur la cour. Les becs de
gaz sont allumés et voilés de crêpe.
Les cercueils, alignés sous la première gale-
rie parallèle au quai, dite galerie du Marché-
Neuf, sont disposés sur des tréteaux et recou-
verts de draperies noires. Au dessus, sur la
paroi tenduo de deuil, sont fixées des pancar-
tes avec les noms des défunts.
Une gerbe de fleurs naturelles a été posée,
par les soins de la préfecture de la Seine, sur
chacun des cercueils, au pied desquels veillent
des municipaux en armes. Des couronnes funé-
raires, offertes par les familles, sont déposées
dans la galerie.
En face du portail a été dressée une petite
: tribune du haut de laquelle seront prononcés
; les discours.
'Au fond de la cour prend place la musique'
de la Garde républicaine, et des soldats de ce;
[corps forment la haie le long des bâtiments,
; Dans le milieu se massent une délégation des:
sapeurs-pompiers avec fusils, leurs officiers et!
l'état-major de la garde.
Bientôt arrivent tous les hauts fonctionnai-
! res de la préfecture de police et de la préfec-
ture de la Seine. MM. Lépine, préfet de police ;
'Laurent, secrétaire général de la préfecture de:
police, et Autrand, secrétaire général de la:
préfecture de la Seine, représentant M. de Sel-
¡vas, qui est en villégiature, reçoivent les invi-
'tés. Tous les commissaires de police des quar-
tiers éprouvés par la catastrophe sont présents.
A 2 h., arrive, préçédé de deux huissiers de
la Ville, M. Deville, président du Conseil mu-
1 nicipal. Il est bientôt suivi du général André,
; ministre de la guerre, en grande tenue, puis
(du général Faure-Biguet, gouverneur militaire,
du colonel Meaux-Saint-Marc, représentant le
Président de la République, et de M. Trouillot,
; ministre du commerce.
Tous les autres ministres se sont fait repré-
senter par des attachés de leurs cabinets.
A 2 h. 10, M. Combes, accompagné de M.
i Edgar Combes, pénètre dans la cour de la
1 Cité. Il est précédé de deux huissiers du minis-
jtère. Les ministres, le préfet de police, M. Au-
;trand, le reçoivent.
Tout le monde se découvrent la musique de
lia garde joue une marche funèbre,
j - La cérémonie est impressionnante, et, par
i instant, les cris, les sanglots étouffés des pa-
irents des victimes viennent accroître l'émo-
tion.
Un maître des cérémonies annonce d'une
Voix solennelle : « Monsieur le président du!
Conseil des ministres. a
Au grand étonnement de la foule, ce n'est
point M. Emile Combes qui apparaît dans la;
tribune étoilée d'argent, mais son fils, M. Ed-
gar Combes, qui déclare : « M. le président
du Conseil est fort enroué et m'a prié de vous
lire son discours. »
Puis, d'une voix claire, il donne lecture du
discours suivant :
Discours de M. Combes
Messieurs,
Le gouvernement,en apportant ici l'hommage su-
prême qu'il doit aux morts, vient associer la.
France entière au deuil si cruel qui frappe la popu-
lation de Paris.
S'il était besoin de chercher de nouvelles justifi-
cations ou des preuves positives à la réalité du
sentiment instinctif qui nous révèle dans chaque
être humain un membre de notre famille, nous
les trouverions dans les regrets unanimes et la
profonde tristesse qui s'attachent à la catastrophe
de ces derniers jours. Quel est le cœur qui n'a pas
été secoué jusque dans ses fibres les plus intimes ?
Quel est l'esprit qui s'est avisé de distinguer entre
les victimes de ce lamentable événement? Un
même élan de l'âme les a confondues dans la même
[émotion de douleur, et l'unité de notre nature, que:
,tant de conventions sociales tendent à voiler, s'est
[fait jour par une explosion spontanée qui n'a laissé
'place à aucune distinction.
Messieurs, il n'est pas de théorie, quelque ingé-
i nieusement construite qu'elle soit, qui atteste, au
même degré que ce deuil commun à la France en-
tière, l'étroite solidarité. qui unit l'homme à
l'homme es dépit des différences factices des clas- i
ses et des inégalités des conditions. On peut, et
sans doute on doit regretter, que ce lien se mani-
feste dans le malheur avec plus de force et d'éclat
que dans les temps ordinaires. Mais c'est un de-
voir pour nous, et c'est un besoin particulièrement
senti par un régime démocratique, de le signaler,
en toute occasion, comme un enseignement dont il
importe de profiter pour l'orientation des réformes
à venir.
Il est d'autant plus opportun d'insister à ce su-
ijet que, généralement, les catastrophes semblables
à celle que nous déplorons frappent sur la por-
tion de l'humanité qui a dans son lot le plus de
privations et de misères. Aux difficultés de la vie'
de chaque jour se joignent pour elle les dangers:
inhérents aux professions. Pour quelques terribles'
iaccidents comme les incendies de l'Opéra-Comique;
et du Bazar de la Charité, qui atteignent les heu-
reux de ce monde pêle-mêle avec quelques déshé- j
rités, que de sinistres aussi épouvantables ou plus
épouvantables encore s'abattent sur ces derniers, à,
la surface ou dans les entrailles de la terre. Cette
observation, qui n'a d'ailleurs rien de blessant:
pour personne, m'autorise à conclure que nous
devons redoubler d'attentions et de soins pour at-:
ténuer et, s'il se peut, pour faire disparaître les
périls dont je parlais à l'instant.
Je me garderai bien de faire en ce moment le
procès de qui que ce soit ou de devancer l'enquête.
qui s'impose. Mais, sans élever même l'ombre'
d'une accusation, il me sera permis de regretter
que des précautions, qui nous paraissent élémen-,
taires, vues à la lueur de la catastrophe, n'aient'
pas été prises dès le début pour prévenir des acci-
dents qu'il était possible de prévoir.
Messieurs, d'oruiuairt, quand de tels malheurs
sè produisent, on a la consolation, une triste et
chétive consolation, de mettre le dévouement des;
vivants en regard du sort des victimes. Involon-
tairement le chagrin se tempère à ce spectacle.
Plus la mort a été brutale, plus nous éprouvons
de satisfaction et de fierté à penser que l'homme
n'a pas craint dG-hasarder sa vie pour disputer son
semblable à sa brutalité.
Ici ce dédommagement moral nous fait défaut
La mort n'a pas été ssulement brutale, elle a étA
foudroyante. Elle n'a épargné aucun de ceux quI
faisaient ensemble le même trajet. L'obscurité et
un affolement inévitable les avaient réunis sur un
même point. C'est là qu'ils sont tombés, tués par
un gaz toxique comme par un coup de massue. Les
secours, pour si empressés qu'ils fussent, devaient
arriver trop tard. Ce que l'électricité avait com-
mencé, le poison l'a fini sans donner aux victimes
le temps de fuir ou de résister.
Messieurs, cette page lugubre continue dans
1 histoire de 1 humanité d'autres pages également
lugubres. Elle pourrait passer aux yeux des pessi-
rnistes pour une condamnation de. la science car
c'est la science qui l'a rendu" possible par les pro-
grès mêmes qu'elle accomplit en vertu d'une loi qui
la pousse toujours plus avant à la recherche da
1 inconnu. La vie de l'homme en est t'enjeu.Le pro-
grès eu est le résultat. Il serait aussi vain que dom-
mageable à l'humanité d'en entraver la marcha.
Une force mystérieuse conduit nos destinées, au-
cun do nous ne peut se soustraire à son action.
Tout ce que nous pouvons et devons faire, c'est
d estimer la vie de l'homme mille fois plus
et de ne reculer, pour la protéger, devant aucun
sacrifice. Ce devoir, je n'hésite pas à le dire, la so-
ciété ne 1 a pas toujours suffisamment observé. Elle
a semblé parfois faire trop bon marché de la vie
humaine mise en balance avec le lucre, malgré les
leçons retentissantes qui lui venaient de catastro-
phes successives. Ce sont surtout les vies des hum-
bles qui ont été sacrifiées à la perspective du ffàin.
Espérons que la leçon nouvelle portera ses fruits. II
appartiendra aux pouvoirs publics de faire qu'il en
soit ainsi, dans la mesure où ils peuvent interve-
nir pour garantir la vie humaine contre les ris-
ques professionnels. Ainsi l'honneur rendu aux
morts se tournera en salut pour les vivants.
Discours de M. Deville
M Deville, président du Conseil municipal,
prononce le discours suivant :
Messieurs,
Malgré les difficultés du moment, malgré la
hâte impatiente que la mort mettait à parfaire son
œuvre de destruction, les représentants de la mu-
nicipalité ont voulu qu'une cérémonie, si simple
qu'elle dût être, permît de manifester la douleur
que cause une terrible catastrophe et d'adresser un
hommage à ses victimes 1
Les malheurs éclatent souvent dans des temps
de réjouissance ou de repos, comme pour rappeler
a 1 humanité combien elle est peu de chose
Paris, plusieurs fois frappé cruellement, qui
connaît la vanité des calculs et des espérances,
semble n'avoir pas besoin de ces rudes leçons.
La population laborieuse, active, réfléchie, vit la
vie qui lui est faite, non pour en jouir, mais pour
y accomplir avec âpreté, presque avec fièvre, sa
tâche, qui est de concourir à la marche en avant
de la grande cité. Elle no s'affole pas quand un
accident la frappe, car, intelligente et souple, elle
sait que tous les progrès qui viennent satisfaire
plus de besoins et procurer plus de bien-être, ap-
portent avec eux de redoutables incertitudes et des
dangers impossibles à prévoir. Mais elle s'émeut'
d'abord, - se réveille aussitôt pour s'affirmer dans sa
force virile.
Et des événements comme celui-ci font mieux
■apparaître, et sa vigoureuse vaillance, et son ingé-
nieux esprit de solidarité.
Si nous sommes touchés des témoignages de
sympathio qui nous sont venus de haut et de loin,
de partoutoù l'on aime Paris,c'est-à-dire du monde
entier; si nous avons la satisfaction de voir le res-
pecté chef de l'Etat, le gouvernement, les pouvoirs
publics, s'associer à notre tristesse avec un empres-
sement dont nous les remercions profondémen
nous nous sentons surtout fiers de Paris,
Tous ceux qui veillent à sa sécurité étaient de-
bout et à l'oéuvre, dès la première heure ; les ad-:
mirables soldats du régiment des sapeurs-pompiers
et du corps des gardiens de la paix, les plus modes-.
tes auxiliaires des services de sauvetage ou d'as..--,
sistance se sont trouvés immédiatement prêts atac
plus difficiles besognes.
Il s'est produit, comme dans toutes les occasions
semblables, de remarquables actes de courage, da,
dévouement, dont les auteurs connus ou inconnus'
ont droit à la reconnaissance publique.
Mais ce qui domine tout, ce qui impressionne le
,Plus vivement, c'est le deuil collectif, l'unanimité
des sentiments qu'a suscités la catastrophe.
Et la cause qui s'en révèle ici, d'une façon aussi
ihonorable qu'éclatante, c'est que cette catastrophe
a frappé particulièrement des humbles, des tra-
vailleurs qui rentraient au foyer, après la dure
journée, et disparaissent en laissant d'angoissantes
nécessités, do noires misères, que ne sauraient at-
ténuer aucun chant de regret, aucune cérémonie
d'apparat !
On sent un souffle plus chaud de fraternité allett
vers ces enfants de Paris, de naissance ou d'adop-
tion, et vers leurs familles, d'autant plus malhen-i
reuses qu'elles sont plus isolées, d'autant plus ai-f
mées qu'elles sont plus pauvres.
C'est l'âme même de Paris qui vibre.
Aussi faut-il nous taire, écouter et laisser monter
vers les morts cette douce et profonde vibration
qui vous apporie, modestes victimes, simples et
braves gens, le triste et suprême salut.
La cérémonie civile officielle prend fin après
les discours.
A la demande des familles, quinze cercueils
ont été transportés à Notre-Dame pour la.
cérémonie religieuse et quatre à Saint-Ger-
vais.
A Notre-Dame
Le parvis a été évacué ; il est entoura d'unet
haie de gardes municipaux derrière lesquels se
tient une foule énorme.
Les cercueils sont groupés dans la croix dot
transept de l'église. L'assistance est très nom-
breuse. On remarque la présence du président
du Conseil-municipal et de conseillers munici-
paux.
Le curé archiprêtre de Notre-Dame officie,
entouré du clergé paroissial et de tout le cha-
pitrs métropolitain. La cérémonie dure une?
heure environ.
Le cercueil de M. Beau père a été transportei
à la Morgue ; il sera dirigé sur Limoges.
On a dû transporter hors de l'église deux
dames en deuil qui s'étaient trouvées mal pen-
dant l'absoute.
Grâce aux mesures d'ordre prises par les
commissaires divisionnaires et les officiers de
paix, la sortie de l'église s'est effectuée rapide-,
ment : les familles ont pu se placer sans diffi-
cultés derrière les corbillards qui transport
itaient leurs parents défunts.
Les corps de MM. Gallina, Guesde, Léon
.Bouvrande, de Mme Haudoux, des trois do-
moiselles Delisère et des cinq membres de lat-
famille Didon; victimes de la catastrophe, ont?
été inhumés au cimetière de Pantin. :
Au cimetière de Bagneux, on a conduit et!
enseveli M. Abel Guibaudet, M. et Mme Delà-.
valle et leurs deux enfants. ,
Mme veuve Thierry a été inhumée an cime-i
tière d'Ivry.
Les obsèques du docteur Apt
Les obsèques du docteur Apt ont eu lieu.
hier. èb .tté 1
Le cortège funèbre a quitté la maison mor-
tuaire, 14, rue des Tournelles, pour se rendrai
directement au cimetière de Bagneux, où a eaj
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