Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-08-09
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 09 août 1903 09 août 1903
Description : 1903/08/09 (N12203). 1903/08/09 (N12203).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
CINQ CENTIMES le Numéro.
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Le Numéro CINQ CENTIMES
Umar
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— 20 - lfr. »»
- 30 - t. fr. 50
NOS LEADERS
les mktk Loiient
Les bonnes âmes cléricales obser-
vaient de loin les incidents de Lorient,
avec le vague espoir d'assister à une
catastrophe. La catastrophe, heureuse-
ment, ne s'est pas produite et la haine
du peuple, qui ronge les réactionnaires,
n'est pas complètement satisfaite.
On ne parlait hier que de batailles
dans les rues, aujourd'hui, il n'est
question que d'arbitrage. Nous conseil-
lons aux ouvriers de faire toutes les
tentatives possibles de conciliation ;
nous croyons que les patrons seront
bien inspirés en ne se montrant pas
irréductibles, et nous comptons sur le
gouvernement pour favoriser l'entente.
; Il y a eu, ces dernières années, quel-
ques exemples trop encourageants
d'arbitrages entre patrons et grévistes,
pour que des ministres qui se targuent
d'être animés de l'esprit démocratique
hésitent à intervenir dans un différend
que leur influence peut terminer d'une
manière satisfaisante.
La grande majorité des républicains
a enfin rompu avec la doctrine qui fai-
sait de l'inaction, en matière économi-
que, le devoir des pouvoirs publics.
Quand il s'agit du pain de plusieurs
milliers de citoyens, de l'avenir d'une
cité industrielle, de la destinée d'un
grand port, et. de l'ordre dans les rues
d'une ville déjà importante comme
Lorient, quel paradoxe de dire :
— C'est une querelle privée.
C'est une question d'intérêt général,
au contraire.
D'ailleurs, l'opinion ne s'y trompe
pas, elle a une tendance à engager la
responsabilité du gouvernement dans
des troubles pareils à ceux que nous
commentons.
Les réactionnaires profitent de cette
disposition de la foule, pour essayer de
rendre impopulaire le gouvernement
de la République.
-., La République a beau jeu. Elle n'a
", qu'à répondre : - - -
- Ah! je suis responsable de la
grève d'Hennebont? Il n'y a pas de
responsabilité qui ne corresponde au
moins à un droit de contrôle. J'exerce
ce droit. Dans l'intérêt général, j'in-
terviens auprès des patrons et auprès
des ouvriers pour donner au conflit
une solution conforme aux intérêts des
travailleurs, des capitalistes, et de
l'Etat.
Les pouvoirs publics ont mille faci-
lités pour donner à leur intervention
une forme prudente et respectueusedes
droits individuels.
Dans l'état actuel de notre législa-
tion, l'arbitrage de l'Etat, en ce qui
concerne les grèves, n'a guère qu'une
sanction morale. Ne suffit-elle pas ?
Croit-on que des industriels puissent
longtemps résister aux revendications
de leurs ouvriers, quand l'opinion a
reconnu la justesse de ces revendica-
tions? Croit-on que des ouvriers pour-
raient — le voulussent-ils — entrete-
nir une agitation sérieuse, si le public
cessait de croire au bien fondé deJeurs
demandes?
Donc, les pouvoirs officiels sont ar-
més suffisamment pour mettre un ter-
me à la plupart des conflits entre em-
ployeurs et employés. Les démocrates
comptent, je le répète, sur le gouver-
nement, pour favoriser, aussi souvent
que possible, des transactions propres
à éviter des incidents douloureux.
Il est naturel que, par esprit de soli-
darité sociale, les républicains s'affec-
tent des violences où les travailleurs
ont plus à perdre qu'à gagner. Mais les
cléricaux ne manquent pas d'une cer-
taine audace quand ils jugent que l'a-
gitation subsiste trop longtemps dans
la rue, et quand ils réclamentque force
reste à la loi, à la police, à l'armée.
Ah ! l'année dernière, à pareille épo-
que, dans la même Bretagne, pas très
loin d'Hennebont, elles étaient joli-
ment respectées, la loi, la police et
l'armée !
La loi? On sonnait le glas de la Ré-
publique, ou le tocsin, pour réveiller
les rebelles. La police? Rappelez-vous
comment on traitait les agents de l'ad-
ministration. L'armée ? Souvenez-vous
des fossés d'immondices dans lesquels
on essayait de faire choir nos soldats,
et des aux d'ordures vidés sur les
tètes detf officiers ; remettez-vous en
mémoire tes outrages que subissaient,
sans broncher, nos malheureux piou-
pious.
Les républicains, à ce moment ont
prévenu les réactionnaires; ils leur ont
dit : « Si vous, les conservateurs, vous
les riches, vous pour la protectio'n de
qui les Codes ont été rédigés, vous
bafouez la légalité, comment oserez-
vous en appeler à cette légalité, le jour
où des ouvriers, exaspérés par la mi-
sère, essayeront d'obtenir justice au
moyen de la force? »
Les cléricaux n'en sont pas à une
contradiction près. Ils comptent sur
les tribunaux qui ont excusé les re-
belles du Finistère pour accabler les
ouvriers du Morbihan.
Il sera curieux de savoir si les tribu-
naux bretons avoueront qu'il y a deux
justices : la première, toute d'indul-
gence, pour les rebelles de l'Eglise,
l'autre, toute de sévérité, pour les ré-
voltés du peuple.
-- Hugues Destrem. ----
L'EMPEREUR DU SAHARA
M. Cloarec, député, vient d'a-
dresser au ministre des affaires
étrangères et à celui de la marine
des lettres que l'on trouvera plus
loin, et par lesquelles il de-
mande que le gouvernement
prenne des mesures d'urgence pour sauver
les quatre matelots français engagés par
M. Lebaudy, empereur du Sahara, et faits
prisonniers par les Maures marocains.
Nous ne doutons pas que les ministres
n'agissent énergiquement, adroitement et
promptement, M. Delcassé par des démar-
ches auprès du sultan du Maroc, M. Pelle-
tan par les forces de la marine, pour que
les quatre malheureux marins soient rendus
à leur famille et à la France.
Mais il y a nécessité de procéder avant
que les tribus qui ont capturé nos compa-
triotes aient eu le temps soit de s'éloigner
des parages du Cap juby,soit —ayant perdu
l'espoir de toucher une rançon — de se
porter à quelque violence sur leurs prison-
niers. Ce serait, en effet, une erreur de se
figurer que toute tentative pour les rendre
à la liberté est inutile : les Maures sont des
barbares, mais ce ne sont pas des sauva-
ges imbéciles ; si on leur donne à croire
que la rançon qu'ils réclament est en route,
ils se garderont bien de la compromettre
par quelques inutiles sévices. Récemment
un journaliste anglais s'est laissé prendre
par eux; on a eu tout le loisir de transiger
avec ses ravisseurs et de le tirer de leurs
griffes. ,.
Il est vrai que ce n'était pas au cap Juby,
mais dans la partie du Maroc plus immé-
diatement gouvernée par les fonctionnaires
du sultan. Mais le fait que les Maures ont
réclamé une rançon à M. Lebaudy — et
une rançon peu élevée: mille francs par
homme - indique que ces gens savent
fort bien ce qu'ils font. Nous croyons que
nos concitoyens sont en sûreté, à la condi-
tion que l'on voudra bien faire tout de suite
la dépense nécessaire, dépense qu'il sera
ensuite loisible de se faire rembourser par
l'auteur responsable de cette équipée.
1. Voix* à. la 30 page
les Dernières Dépôohes
de la nuit
et la Fie vue des Journaux
du matin
PAPE PACIFIQUE
Interwievé, le cardinal-archevêque de Paris
aurait déclaré ingénuement que ce n'est pas le
nouveau pape qui prendra l'initiative d'une
dénonciation du Concordat. Nous le croyons
sans peine, et cette déclaration a de quoi nous
faire sourire.
Mais quel qu'eût été le résultat des délibé-
rations du conclave, et le successeur de Léon
XIII eùt-il été le sombre Gotti ou le farouche
Oreglia lui-même, le résultat eût été identique
quant aux rapports du Vatican avec la France.
Pas de danger que l'Eglise se brouille avec
sa « fille ainée ». Le Saint-Siège filera doux,
nous pouvons en être bien persuadés.
Simple question de gros sous, vous com-
prenez bien.
La dénonciation du Concordat, la séparation
des Eglises et de la France, ce serait, n'en
doutez point, un coup terrible, mortel pour le
çatholicisme en France. On dit, nous no l'igno-
rons point, que les fidèles, par dons et sous-
criptions volontaires, s'empresseraient de com-
bler le trou énorme fait par la suppression du
budget des cultes, tiendraient à honneur de con-
tribuer chacun pour sa quote-part à l'entretien
des évêques, curés et vicaires ; mais c'est du
;« bluff ». Ceux qui le disent ne le croient point.
Et aux catholiques qui s'en vont criant qu'ils
préféreraient de beaucoup être libres, privés de
ce budget qui est, pour eux, une chaîne, nous
pouvons répondre qu'ils sont d'aimables far-
ceurs. Là chaîne dont ils se plaignent est
'd'or.
Certes, durant la période qui suivrait immé-
diatement la dénonciation du Concordat, l'ar-
gent affluerait; les personnes bien pensantes
feraient un effort; les vieilles dames riches du
parti seraient laidement « tapées »; mais il est
certain que cette période serait de bien courte
durée. On se lasserait yite; la source se tarirait
rapidement. Quarante millions; c'est Une som-
me; la trouver tous les ans, c'est dur. Bientôt,
croyez-le; on verrait les églises, surtout les
églises de campagne, se fermer une à une, et
les desservants se trouveraient obligés, ou de
s'expatrier, ou de gagner leur vie en embras-
sant une profession quelconque A Rome, on le
sait bien, et c'est pour cela que l'on peut être
tranquille sur l'aménité des relations entre
ia France et le Vatican, quel que soit lè
pape.
L'église tient à son budget; elle est accrou-
pie dessus, comme chien sur l'os qu'il ronge
et que l'on doit chasser à coups de pied pour
lui faire lâcher prise. Ello s'y cramponnera
tant qu'elle pourra; et, hypocrite, no cessera,
pour le garder, de faire les doux yeux à la Ré-
publique qu'elle déteste, dont elle souhaite la
1 mort, qu'elle combat nar en dessous, traîtreu-
sement.
C'est à la République de prendre l'initiative
de la dénonciation du Concordat. Quand le
fera-t elle ? Quand se-trouvera-t-il un homme
pour oser cet acte nécessaire de vigueur ? Le
fruit n'est-il pas mûr? Et ne savons nous pas
que, si pacifique et conciliant que se montre
le pape, il n'est et ne peut être pour nous que
l, l'ennemi ? J.. VlctQr-McUtuer.
CHEZ LES
SOURDS-MUETS
Le prolongement de la rue Nicole. —
La fin d'un géant. — Lees sourds-muets
autrefois et aujourd'hui.— L'œuvre
de l'abbé de l'Epée. — Lès métho-
des française et allemande. —
L'Institution nationale de Pa-
ris. — Les muets qui cau-
sent. — La mutité guérie.
- Les classes, le réfec-
;, toire et le musée de
l'Institution des
i sourds-muets.
La petite rue Nicole qui, partant du boule-
vard de Port-Royal aboutit rue du Val-de-
Gràce et qui doit son nom au théologien Pierre
Nicole, doit être prolongée jusqu'à la rue
i Saint-Jacques.
Cette voie fut ouverte en 186i en exécution
d'une clause domaniale grevant les terrains
provenant de l'ancien couvent dos Carmélites.
Une maison de cet ordre, vide depuis l'exode
des congrégations, existe encore à l'angle des
rues Denfert-Rochereau et du Val-de-Gràce,une
partie des jardins du couvent sera affectée au
solde la voie future. Au surplus, tout ceci
n'est pas nouveau, des travaux préparatoires.
1 ont déjà été faits en vue du dégagement de la
rue Saint-Jacques, rue excessivement pas-
sante, artère faubourienne qui conduit tout
droit de la Seine à la place Saint-Jacques où
se dressait autrefois le funèbre portique repo-
sant sur son aire pavée qui, malgré les boule-
versements du sol, subsiste encore. Des tra-
vaux préparatoires ont déjà été faits dis-je.
L'école Lavoisier, reconstruite récemment,pas-
sède une façade toute prête en bordure de la
nouvelle voie, de même que l'immeuble mi-
toyen de l'Institution des sourds et muets qui,
aligné rue Saint-Jacques a une façade du côté
pile toute préparée pour l'éclosion de la rue
Nicole prolongée.
L'arbre de Sully
Est-ce un avant-coureur de la démolition ?
Est-ce le prologue du prolongement tant at-
tendu de la rue Nicole, tant désiré par les ha-
bitants du quartier de Val-de Grâce ? J'oserai
dire peut-être, pour ne pas répondre oui. De-
puis plusieurs jours des ouvriers spéciaux, des
bûcherons attaquent l'arbre séculaire,l'orme lé-
gendaire planté, dit-on, par Sully, qui ornait
la cour d'honneur de l'Institution des sourds-
muets, et qui, dépourvu de feuilles, n'ayant
plus de sève pour entretenir sa puissante sta-
ture, menaçait ruine. Aujourd'hui ce géant
haut de 30 mètres est par terre, séparé en 3 ou
4 tronçons. L'énorme raie d'ombre que proje-
tait son squelette sur la statue de l'abbé de
l'Epée, C9 bienfaiteur des sourds-muets, n'est
plus, la cour d'honneur est vide d'ombre, à la
place du tronc, une vaste pelouse s'offre aux
regards.
Le sourd-muet dans la société
Les lois romaines plaçaient les sourds-muets
au même rang que les fous ou les idiots, ils
étaient privés de tous droits. Jene voudrais pas.
m'arrêter, en ce moment, sur la situation des
sourds-muets dans la société. Cependant je ne
puis m'empêcher de rappeler les difficultés que
ces malheureux rencontraient et rencontrent
encore à chaque pas dans la vie.
Pendant bien des siècles, une barrière infran-
chissable s'élevait entre le sourd-muet et le
restant des mortels. Placé au milieu de la so-
ciété, il y vivait comme ne lui appartenant pas.
L'absence de culture intellectuelle lui fermait
toutes les carrières et par suite, toute profes-
sion, tout emploi lui était interdit. De nos jours,
bien qu'il arrive à parler et à lire couramment
la parole sur les lèvres, il continue à se tenir à
l'écart, le vide se fait autour de lui, son infir-
mité le tient isolé du reste de la société.
Actuellement, le sourd-muet n'est plus ce
paria que la philosophie païenne, par la bou-
che d'Aristote, déclarait être au-dessous de
l'homme, il n'est plus l'objet d'une pitié cruelle
ou d'une curiosité déplacée, humiliante et
malsaine. Rien n'était donc plus noble, plus
grand, plus généreux, quo de se consacrer à
rendre au sourd-muet sa place et son rang
dans la société, en lui ouvrant les diverses
branches de l'industrie.
Les aveugles, en France, ont eu Braille, les
enfants abandonnés ont eu saint Vincent de
Paul, les sourds et muets ont eu l'abbé de l'E-
pée, dont la statue s'élève dans la cour d'hon-
neur de l'établissement de la rue Saint-Jac-
ques, statue due au talent d'un artiste sourd-
muet, Félix Martin.
L'œuvre de l'abbé de l'Ëpée
Tous les peuples, sans exception, ont eu des
grands hommes, des savants, des docteurs, des
-écrivains, des philanthropes. Tous se sont ap-
pliqués à chercher le moyen de rendre aux
sourds-muets leur vie intellectuelle et leur di-
gnité humaine. L'Italie a eu Gérôme Cardan;
l'Espagne, Pierre Ponco ; l'Angleterre, Wallès;
la Hollande, Van Helmont ; l'Allemagne,
Schulze et Buchner. La France est, de toutes
les nations, celle qui s'en occupa le plus tardi
vement ; mais elle a produit 1 immortel abbé
de l'Epée. C'est la vieille péninsule espagnole
qui, la première, produisit de véritables insti-
tuteurs de sourds-muets ; ce fut Pierre de Pon-
ce, bénédictin du monastère d'Ona, qui, en
li>84, se mit à enseigner avec un tel succès que
ses élèves purent arriver à soutenir des discus-
sions en public.
L'abbé de l'Epée comprit que le sens de
l'ouïe étant absent chez le muet, il n'était
pas logique de songer à lui faire traduire di-
rectement la parole, il imagina alors de faire
traduire la parole par un langage spécial, un
langage imagé au moyen de certains signes,
..au moyen de la mimique. Depuis l'abbé de
l'Epee, une révolution s'est accomplie dans le
monde des sourds et muets, sa méthode a été
accueillie avee enthousiasme par les autres
Etats. Son système repose sur 5 procédés : les
signes mimiques, l'écriture, la mimophonie, la
dactyologie et le dessin. On les emploie indif-
féremment dans le nouveau continent comme
dans l'ancien, et la manière dont on s'en sert
peut se résumer en deux grandes méthodes :
française et allemande.
Les méthodes rivales d'enseignement
La méthode française appliquée à Paris est
caractérisée par l'emploi simultané des moyens
que nous venons d'énoncer, mais avec une
tendance de plus en plus marquée à laisser de
côté le langage mimique qui est bon à établir
une communication dès les premiers mois
entre le professeur et lo sourd-muet. Par con-
tre on s'attache à donner une importance à
l'enseignement de l'articulation de la parole.
Il existe à Bordeaux une institution où l'on
tend au contraire à reprendre le langage mi-
mique, une autre école existe à Nancy, des
sœurs en dirigent une autre à Montpellier; tou-
tes ces écoles ne sont que des rameaux de la
puissante œuvre de l'abbé do l'Epée. La mé-
thode française est appliquée en France, ea
Belgique, on Amériqua, en Italie, en Espagne
et en Angleterre.
La méthode allemande qu'on a l'habitude de
personnifier dans Heinecke repose sur l'ensei-
gnement de la parole qu'elle regarde comme
l'instrument indispensable du développement
de la pensée. La lecture, l'écriture, le dessin,
ue sont que des auxiliaires qui viennent en
second plan. Cetie méthode n'est employée
qu'en Allemagne et dans un établissement de
Londres-
L'Institution nationale des sourds-
muets
L'emplacement occupé par l'Institution na-
tionale des sourds-muets sur le plateau de la
montagne Sainte-Geneviève occupe une super-
ficie de 19.345 mètres carrés. Les constructions
sont groupées au nord de cet emplacement.
Quatre préaux bien ombragés de platanes et
; de tilleuls sont destinés aux récréations des
i élèves. La valeur du terrain peutêtré estimée à
15 millions et celle des constructions à 2 mil-
lions.
f Ce fut l'abbé de l'Epée qui, le premier,ouvrit
Lun collège gratuit et consacraaux sourds muets
i sa vie, son intelligence etsonpatrimoine,il reçut
.des encouragements des principaux monarques,
jde la grande Catherine et de Joseph II.
i Le décret de la Convention nationale autorisa
les sourds-muets à s établir dans le séminaire
ide Saiat-Magloire qu'ils occupent encore ac-
tuellement. L'installation eut lieu le 1" avril
1794. Cette propriété magnifique appartenait,
nous dit le chroniqueur Piganiol de la Force,
aux Pères de l'Oratoire qui y avaient fait élever
un beau bâtiment avec un escalier monumen-
tal.
Ce bâtiment, profondément modifié, exhaus-
sé, est resté le corps de logis central de l'Ins-
'titution.
Conduit par Uaimable censeurde l'institution
je visite au rez-de-chaussée le réfectoire des
moines qui sert maintenant de cuisine, le jar-
din qui est plutôt un potager où les sourds-
muets apprennent la métier de jardinier en cul-
tivant eux-mêmes detimmensecarré de terrain.
En bordure de la rue Denfert-Rochereau est
installé le gymnase où les élèves font chaque
jour des exercices de gymnastique. Tous les
"exercices sont faits en comptant à haute voix en
cadence, ce qui ajoute à la gymnastique du
corps une gymnastique pulmonaire des plus
utiles aux muets.
Nous visitons les divers ateliers où les élèves
travaillent pendant 1 heure et demie chaque
jour. Il y a les tailleurs, les dessinateurs, les
sculpteurs, les imprimeurs, les compositeurs,
les menuisiers, les cordonniers, les cordiers et
les jardiniers.
Mais le, plus intéressant est sans contredit la
visite des classes qui toutes donnent au-dessus
du cloître, dans de vastes galeries vitrées pa-
rallèles à la rue Saint-Jacques.
Les muets qui parlent
Nous entrons dans différentes classes où tour
à tour les professeurs me montrent, me nom-
ment et interrogent les élèves. Tous sont
sourds-muets et tous ont été démutisés.Ce tra-
vail est très aride et les instituteurs spéciaux
chargés de cette tâche arrivent à accomplir de
véritables tours de force, sans profit pour les
élèves, et sans utilité malheureusement pour
leurs relations futures.
L'enfant parle, il est vrai,mais un peu dure-
ment, désagréablement même, mais il parle
distinctement et les sons qu'il fait entendre
sont parfois barbares.
Il faut 3 ans de soins constants, 3 ans d'étude
et d'attention pour apprendre à ces infortunés
la gymnastique vocale et buccale, à lire sur
les lèvres du professeur, à inspirer et à expirer
les sons, à apprendre son nom, le nom de son
professeur et ceux de ses camarades et des mots
,usuels tels que : assis, debout, viens, lis, cours,
répète, mal, sage, etc. Aussi rien n'est plus
assourdissant qu'uno lecture au tableau noir
faite par des muets.
Le professeur demande à un élève sans par-
ler en faisant seulement marcher les lèvres :
« Dis moi,où iras-tu en vacances?» et l'élève do
s'écrier: «J'irai à Marseille chez ma tante ». Le
professeur reprend: « Iras tu à la pèche attra-
per des sardines -?)) et le muet hurle: « Oui,mon-
sieur, mais je ne prendrai pas de poissons parce
qu'ils sont très majins». Le censeur interroge
deux élèves dont l'un a été démutisé par les
sœurs de Montpellier et l'autre par les frères
'de Saint Gabriel. Tous deux ont lo parler rau-
que, empâté, gonflent les joues en causant et
ont l'intelligence beaucoup plus obtuse que ceux
qui reçoivent le merveilleux enseignement de
la rue Saint-Jacques. Et ceci démontre la su-
périorité de notre institution nationale. Paul
Strauss dans son livre Pa.ris ignoré nous ra-
conte le dialogue qui eut lieu entre un sourd-
muet et le président d'un conseil de revision.
« Monsieur, dit l(infirme, je ne puis être soldat
'car je suis sourd-muet. » Il fut clairement éla-
bli que ce malheureux disait vrai et il fut do
droit dispensé.
Les réfectoires et le musée
Au moyen de cet enseignement, les sourds-
muets qui peuvent entrer à l'Institution dès
l'âge de 8 ans sont à même, à 16 ans, de pas-
ser avec succès leur certificat d'études et de
pourvoir à leur subsistance, connaissant par-
faitement un ou plusieurs métiers.
Terminant notre visite, nous passons dans
les réfectoires où tous les exercices ont lieu au
roulement du tambour, non pas que le bruit
de la peau d'âne frappo leurs oreilles, mais il
produit, disent les docteurs, des vibrations sur
l'épigastreel le diaphragme qui les avertissent
et règlent leurs heures de travail.
Redescendant au rez-de-chaussée, j'admire
le magnifique musée de l'institution, où toutes
les œuvres d'art qui y sont enfermées, tableaux,
bustes, bronzes, lithographies, sont l'oeuvre
d'anciens élèves. Un magnifique tableau repré-
sente Félix Faure visitant l'institution et in-
terrogeant des enfants, et je sors ravi de ma
visite, pourtant rapide et si intéressante.
De tout ce qui précède, il n'est pas exagéré
de conclure que tous les établissements do
sourds-muets du monde entier se rattachent à
la modeste maison do la rue des Moulins, pro-
pre maison de l'abbé do l'Epée, où il fonda
son premier collège et dont on rechercherait
vainement la trace aujourd'hui. Institution qui
fut jadis si puissamment animée par le génie et
l'ardente charité d'un des plus grands bien-
faiteurs de l'humanité qui fit des disciples dans
l'Ancien et le Nouveau-Monde.
PAUL GOGUET. -
LA COMÉDIE DE KISCHENEW
(De noire correspondant particulier)
Eydtkuhnen (frontière russe), 7 août.
Les prétendues poursuites au sujet des as-
sassinats do Kischenew se révèlent de plus en
plus comme une farce judiciaire du plus pro-
fond cynisme.
D'abord, le tribunal a prononcé le huis-clos
pour toutes les séances, afin d'échapper au
contrôle de l'opinion publique.
Le chef de la gendarmerie, le bàron Lewen-
dhall, a fait appeler dans son bureau toutes les
personnes qui pouvaient témoigner do la par-
ticipation de la police aux massacres et les a
menacées de sa vengeancesi elles osaient révéler
quoi que ce soit. Le même baron a fait enfer-
mer des agents dans les cellules des accusés afin
de leur faire la Içcn. des interro o a-
Les questions et réponses des interroga-
toires sont préparées d'avance.
Au notaire Pizarzewski, qui était gravement
compromis, on a fait le coup de Lemercier-
Picard. Il a été trouvé étranglé, accroché à une
espagnolette On craignait, puisque son arres-
tation était inévitable, qu'il ne fasse des révéla-
tions compromettantes pour des personnages
très haut placég.
i.
L'AFFAIRE HUMBERT
AVANT L'AUDIENCE
(Slti clfin)1
Plus on approche de l'ouverture des débats
de l'affaire Hum* 1 it plus l'émoi croit au
Palais de Justico. pourrait môme dire l'af-
folement. - L'honorable président Bonnet est
littéralement épuisé par les audiences que par:
courtoisie il a dû accorder aux quémandeurs;
rde cartes dont le nombre est fantastique. Aussi
ra-t-il pris une résolution héroïque, pour con
tenir le flot qui l'envahissait,cn faisant revivre
une vieille circulaire de l'aucièn garde des
^sceaux en 1892, M. Fallières, aujourd'hui pré-
sident du Sénat, ot qui prohibo formellement;
.la distribution de cartes de faveur aux audiences:
-de la Cour d'assises. Seuls, en vertu de cette
circulaire,ne peuvent être admis dans la salle,
en dehors de l'enceinte réservée an public dc-
: bout, que les femmes, les jurés qui siègent,
les avocats en robe et les chroniqueurs judi-
ciaires,
Si l'on songe qu'il y aura près de 80 journa-
listes dans la salle, dont 40 appartiennent à la
presse de province ou de l'étranger, et qu'il;
n'y a pas moins de 98 témoins, on se demande
ce qu'il restera de places pour caser les habiles:
et les intrigants qui auront réussi à tourner la
circulaire Fallières.
On aura une idée de la situation du prési-
dent des assises, de ses ennuis, de ses angois-
ses même, lorsqu'on saura que les jurés de
session qui ont droit d'auislu aux audiences,
et qui ont même des'bancs à leur disposition,
ont été sacrifiés sans pitié. Le malheureux M.
:Bonnet n'avait que quatorze places à leur dis-
tribuer, et il a fallu, pour ne pas faire de ja-
loux, les tirer au sort.
A l'heure actuelle, la moitié de la salle res-
semble à une classe d'école. Pour caser les
journalistes de province et de l'étranger, on a
du, sur les premiers bancs, élever des pupi-
tres. Les témoins se caseront comme ils le
pourront. Mais où placera-t-on les belles da-
mes habiiuée3 des procès sensationnels, si,
comme c'est probable, elles parviennent à se
faufiler dans la salle ? Mystère !
La cohue qu'il s'agissait d'éviter par l'appli-
cation de la circulaire Fallières se trouvera-
là, j'en ai grand peur, et le pis est qu'il y fera
une chaleur sénégalienne dont Mme Thérèse
Humbert, souffrante, ne se trouvera certaine-
ment pas bieii. Heureusement pour l'accusée
que le président a commis le docteur Floquet,
médecin du Palais, pour l'assister pendant
toute la durée des débats.
Un incident avant la lettre
Ces débats ne sont pas ouverts que déjà il a
surgi un incident qui a causé une vive émotion
hier dans les couloirs du Palais et qui fait
présager,lorsque l'affaire sera engagée, des
scandales à l'audience.
Au mépris de la loi de 1881 sur la presse qui
défend formellement de publier par anticipa-
tion les pièces de la procédure criminelle, un;
de nos confrères a publié hier des documents
saisis, avenue de la Grande-Armée» documents
« soigneusement fermés, ficelés, cadenassés »
et qui mettent en cause un député nationaliste
de Paris!
Quand je dis en cause j'entends qu'il s'agit
uniquement des relations de ce député avec
Mme Humbort.
On s'est demandé d'olt pouvait provenir ce
premier « petit papier » d'avant-garde, quel
pouvait être l'auteur de la communication ?
Naturellement on a pensé aux avocats des ac-
cusés qui seuls ont eu communication du dos-
sier de l'affaire Humbert.
Mais alors on a fait cette objection : les trois
.défenseurs ayant été appelés au début par le
président Bonnet qui leur a fait jurer de ne
communiquer à personne, surtout aux journa-
listes, aucune pièce de la volumineuse procé-
dure et les trois défenseurs ayant prêté ce sér-
f ment, on ne pouvait admettre que l'un d'eux
ait ainsi manqué à sa parole d'avocat.
Et dans les groupes on s'ingéniait à trouver
le coupable. Il est peu probable qu'on y arri-
vera.
Les chefs d'accusation
Etant donné le silence observé par ceux qui
détiennent .le dossier, il ne faut donc qu'admet-
tre sous bénéfice d'inventaire les racontars
qui circulaient sur les changes qu'on aurait re-
levées contre les quatre accusés.
D'après ces on dit, Romain et Emile Dauri-
gnac seraient accusés de faux pour avoir signé
des faux noms de Honri et Robert Crawford les
actes et pièces de procédure par lesquels ils ont
constitué avoués pour les divers procès que
nous avons fait connaître dans notre exposé
d'hier et les époux Humbert seraient accusés
d'avoir fait usage de ces faux.
Quant aux époux Humbert, ils seraient en
outre inculpés d'escroquerie, les sommes consi-
dérables qu'ils ont encaissées ne leur ayant été
prêtées et consenties que sous l'empire de ma-
nœuvres délictueuses.
On assurait, d'autre part, que les experts
ont reconnu que les pièces de la procilure si-
gnées Henri et Robert Crawford étaient de
l'écriture des deux frères Romain et Emile
Daurignac et que ce dernier, dans telle pièce,
ne s'était même pas donné la peine de déguiser
son écriture.
Enfin, on disait que d'autres personnes, en
dehors des deux frères Daurignac,auraienl éga-
lement joué le rôle des frères Crawford, no-
tamment la personnage d'ailleurs introuvable et
introuvé qui, au diner des fiançailles de l'ave-
nue de la Grande-Armée, fut présenté aux con-
vives par Mme Humbert. comme Henri Craw-
ford, fiancé de sa sœur Maria.
Bref,.d'après tous ces bruits — j'oubliais un
comparse inédit qui aurait joué 1e rôle du fils
d'Henri Crawford — les débats qui vont s'en-
gager dans quelques haures seront fertiles en
incidents de toutes sortes, et certaines scènes
de la comédie, absolument ignorées jusqu'à ce
jour/seront mises en pleine et amusante lu-
mière.
Et maintenant : Au rideau !
Amédée Blondeau.
LA MAISON DE TOURGUENEFF
(De nclre correspondant particulier)
Saint-Pétersbourg, 7 août.
A Orel, la maison dans laquelle est né Tour-
guenoff, le célèbre romancier russe, doit être
prochainement vendue aux enchères.
Le conseil municipal de cette ville n'a rien
fait pour empêcher cette vente et l'on se de-
mande si dans le monde des classes instruites
en Russie il y aura encore assez de piété pour
racheter cette maison historique.
M. IL6 QUITTE L'ABYSSINIE
(De notre correspondant particulier)
Zurich, 7 août.
L'arrivée inattendue de M. Ilg, venant d'A-
byssinie, a causé une vive surprise. On disait
même que le conseiller intime de Menelik
était tombé en disgrâce. La chose est inexacte.
M. Ilq est chargé de faire des commandes de
machines électriques pou? la traction et l'ô-
clairage. Il rentrera ensuite avec Mme Hg ea
Abyssinie, mais laissera à Zurich sas- enfants,
parmi lesquels se trouve le petit Menolik, fil-,
leul du Négus.
M. Ilg, aussitôt que le nouveau chemin da
fer sera inauguré, prendra sa retraite et vien-
dra s'installer à Zurich.
A COUPS DE BAMBOUS
l -
Nous avons annoncé que Chen-Tchien, ua
des journalistes réformateurs chinois, a été cas
/àMÇtort 1è 30 juillet par ordre spécial de l'impé-
ratrice douairière. On a tué de malheureux à
coups de bâton, et l'agonie fut longue, puis-
qu'on a frappé .&»z heures durant, avec des
bambous, le pauvre diable.
Ce supplice barbare est sans doute réservé
aussi aux deux journalistes chinois dont M.
Dubail, ministre de la République Française,
continue d'exigdT la remise aux autorités chi-
noises. Et on leur accordera, à eux ussi, la
.faveur toute spéciale de ne pas être écorchés
préalablement à la bastonnade.
Le Rappel l'a déjà déclaré. Il est indigne d'ua
représentant de la France de se faire le. pour-
voyeur des bourreaux et d'accepter une part de
responsabilité dans l'assassinat.
Est-ce que l'on ne va pas se décider à don-
ner bientôt des ordres pour qu'un tel scandale
iîe se produise pas ? C'est trop déjà qu'on
puisse le craindre. Le nom de la République
ne peut pas être associé à une action aussi lâ-
che, à une violation aussi grave des droits da
i homme.
M. Combes devrait avoir un peu -plus' de
!ouci de notre honneur national. Si un malheur
arrive, la responsabilité atteindra la personne
même du président du conseil. et celui-ci
apprendra à ses dépens. s'il a oublié ses étu-
des favorites d'autrefois, qu'il n'y a pas de rôle
plus odieux que celui de Ponce Pilate.- Char-
les Darcy.
L'ARBITRAGE INTERNATIONAL.
Londres, 7 août. 1
Dans un article, le Daily Graphie demanda
que l'Angleterre, la France et la Russie pren-
nent l'initiative de réunir une nouvelle coafg
rence de La Haye, dans le but d'examiner la
quesvion de la limitation et de la diminution
éventuelle des armements navals.
L'INSURRECTION EN MACÉDOINE
Sofia, 7 août.
L'Autonomia, journal de l'organisation inté-
rieure, publie une proclamation annonçant
que la rébellion est générale dans les districts
de Salonique et de Monastir.
Toutes les communications télégraphiques
avec Salonique et Monastir auraient été cou-
pées.
Boris Sarafow est considéré comme l'insti-
gateur de la rébellion.
Salonique, 7 août.
Le vilayet de Monastir est en pleine insur-
rection. Les insurgés incendient les fermes et
les récoltes. Plusieurs rencontres meurtrières
sont signaléeg.
A Kruchevo, des attentats à la dynamite ont
été commis. Le Konak a été détruit. Trenta
fonctionnaires auraient été tués. Des familles
turques auraient été massacrées. Plusieurs ba-
taillons sont dirigés sur Monastir. Les com-
munications sont difCciles. Le chemin de fer
est fortement endommagé. La télégraphe est
détruit sur plusieurs points.
Le vilayet de Salonique est tranquille ; mai.
on craint que l'insurrection ne s'y propagJ.
COMBAT A LA F80NTIË8E MAROC/UNE
:.; Madrid, 7 août.
L'Imparcial publie une dépèche da Melilla
suivant laquelle les troupes impériales, qui
poursuivaient la tribu kabylp des Béni-Falt
passèrent la frontière, et pénétrèrent sur le ter-
ritoire français par Àtia. Un poste français
voulut faire respecter la neutralité du ; terri-
toire, mais les soldats impériaux ne tinrent
pas compte de leur notification. Une lutte s'en-
gagea entre les deux troupes ; trois Français e «
deux impériaux furent tués.
On assure que des chefs marocains se trou-
vent sur le territoire français. Les Français ont
établi un service de surveillance.
(Voir la suite dans notre DEUXIEME EDITIONt
TOUT COMME EN FRANCE
IDe notre correspondant particulier)
Palerme, 7 août.
Les élèves de l'orphelinat des filles tenu par
des nonnes françaises àCataniese sont révoltées.
Elles se plaignent d'avoir été martyrisées et
demandent le renvoi des religieuses françaises.
Six Camps Militaires on Angletarra -
(De notre correspondant particulier)
Londres, 7 août.
En vue de la réorganisation radicale de l':tt"
mée anglaise le War office a créé six camp-
militaires permanents :
Un à Alaershot pour le leT corps d'armée, ut
à Salisbury-Plain pour le 2*,un en Islande peut
le 381 un à Colchester pour le 4% un à ûerby-
shire Peak-District pour le 5* et un à Stobs pour
le 68.
LE NOUVEAU PAPE
Premier conflit. — Réceptions officiel-
les et officieuses. — Pour le couron-
nement. - Premiers actes
1 (De notre correspondant particulier
Rome, 7 août.
Un conflit — le premier souWe pontificat d(
Pie X — est imminent entre la curie et la gou.
vernëment italien, au sujet de la nominatifs
du nouveau patriarche de Venise qui doit rem.
placer le cardinal Sarto, devenu pape. On sait
que le roi d'Italie s'attribue, en sa qualité d'hé-
ritier de la République de Venise, le droit d.
nommer le patriarche.
La question a déjà donné lieu à des contro-
verses lors de la nomination du cardinal Sarto.
Crispi, qui était au pouvoir, est arrivé à una
transaction, mais, aux archives de l'Etat ita
lien, on conserve toujours une lettre que: te
pape actuel avait adressée, à cette époque, au
garde des sceaux Santamaria-Niccolini et daa1
laquelle il reconnaissait implicitement que
l'Etat avait le droit de nommer le patriar,:hC
de Venise.
Le pape et la langue française
Rome, 7 août.
Le pape a recu, ce matin à 11 h., les car-Il-
naux français avec une grande bonté. Pia X
s'est entretenu avec eux en latin, parce quJil
ne s'exprime que difficilement en français.
Le pape a reçu également une délégation fOI'
mée d'une quinzaine de ses compatriotes, avec
lesquels il a conversé fort longtemps en patoit
vénitien.
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Le Numéro CINQ CENTIMES
Umar
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nal dans les localités où ils vont, nou-
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— 20 - lfr. »»
- 30 - t. fr. 50
NOS LEADERS
les mktk Loiient
Les bonnes âmes cléricales obser-
vaient de loin les incidents de Lorient,
avec le vague espoir d'assister à une
catastrophe. La catastrophe, heureuse-
ment, ne s'est pas produite et la haine
du peuple, qui ronge les réactionnaires,
n'est pas complètement satisfaite.
On ne parlait hier que de batailles
dans les rues, aujourd'hui, il n'est
question que d'arbitrage. Nous conseil-
lons aux ouvriers de faire toutes les
tentatives possibles de conciliation ;
nous croyons que les patrons seront
bien inspirés en ne se montrant pas
irréductibles, et nous comptons sur le
gouvernement pour favoriser l'entente.
; Il y a eu, ces dernières années, quel-
ques exemples trop encourageants
d'arbitrages entre patrons et grévistes,
pour que des ministres qui se targuent
d'être animés de l'esprit démocratique
hésitent à intervenir dans un différend
que leur influence peut terminer d'une
manière satisfaisante.
La grande majorité des républicains
a enfin rompu avec la doctrine qui fai-
sait de l'inaction, en matière économi-
que, le devoir des pouvoirs publics.
Quand il s'agit du pain de plusieurs
milliers de citoyens, de l'avenir d'une
cité industrielle, de la destinée d'un
grand port, et. de l'ordre dans les rues
d'une ville déjà importante comme
Lorient, quel paradoxe de dire :
— C'est une querelle privée.
C'est une question d'intérêt général,
au contraire.
D'ailleurs, l'opinion ne s'y trompe
pas, elle a une tendance à engager la
responsabilité du gouvernement dans
des troubles pareils à ceux que nous
commentons.
Les réactionnaires profitent de cette
disposition de la foule, pour essayer de
rendre impopulaire le gouvernement
de la République.
-., La République a beau jeu. Elle n'a
", qu'à répondre : - - -
- Ah! je suis responsable de la
grève d'Hennebont? Il n'y a pas de
responsabilité qui ne corresponde au
moins à un droit de contrôle. J'exerce
ce droit. Dans l'intérêt général, j'in-
terviens auprès des patrons et auprès
des ouvriers pour donner au conflit
une solution conforme aux intérêts des
travailleurs, des capitalistes, et de
l'Etat.
Les pouvoirs publics ont mille faci-
lités pour donner à leur intervention
une forme prudente et respectueusedes
droits individuels.
Dans l'état actuel de notre législa-
tion, l'arbitrage de l'Etat, en ce qui
concerne les grèves, n'a guère qu'une
sanction morale. Ne suffit-elle pas ?
Croit-on que des industriels puissent
longtemps résister aux revendications
de leurs ouvriers, quand l'opinion a
reconnu la justesse de ces revendica-
tions? Croit-on que des ouvriers pour-
raient — le voulussent-ils — entrete-
nir une agitation sérieuse, si le public
cessait de croire au bien fondé deJeurs
demandes?
Donc, les pouvoirs officiels sont ar-
més suffisamment pour mettre un ter-
me à la plupart des conflits entre em-
ployeurs et employés. Les démocrates
comptent, je le répète, sur le gouver-
nement, pour favoriser, aussi souvent
que possible, des transactions propres
à éviter des incidents douloureux.
Il est naturel que, par esprit de soli-
darité sociale, les républicains s'affec-
tent des violences où les travailleurs
ont plus à perdre qu'à gagner. Mais les
cléricaux ne manquent pas d'une cer-
taine audace quand ils jugent que l'a-
gitation subsiste trop longtemps dans
la rue, et quand ils réclamentque force
reste à la loi, à la police, à l'armée.
Ah ! l'année dernière, à pareille épo-
que, dans la même Bretagne, pas très
loin d'Hennebont, elles étaient joli-
ment respectées, la loi, la police et
l'armée !
La loi? On sonnait le glas de la Ré-
publique, ou le tocsin, pour réveiller
les rebelles. La police? Rappelez-vous
comment on traitait les agents de l'ad-
ministration. L'armée ? Souvenez-vous
des fossés d'immondices dans lesquels
on essayait de faire choir nos soldats,
et des aux d'ordures vidés sur les
tètes detf officiers ; remettez-vous en
mémoire tes outrages que subissaient,
sans broncher, nos malheureux piou-
pious.
Les républicains, à ce moment ont
prévenu les réactionnaires; ils leur ont
dit : « Si vous, les conservateurs, vous
les riches, vous pour la protectio'n de
qui les Codes ont été rédigés, vous
bafouez la légalité, comment oserez-
vous en appeler à cette légalité, le jour
où des ouvriers, exaspérés par la mi-
sère, essayeront d'obtenir justice au
moyen de la force? »
Les cléricaux n'en sont pas à une
contradiction près. Ils comptent sur
les tribunaux qui ont excusé les re-
belles du Finistère pour accabler les
ouvriers du Morbihan.
Il sera curieux de savoir si les tribu-
naux bretons avoueront qu'il y a deux
justices : la première, toute d'indul-
gence, pour les rebelles de l'Eglise,
l'autre, toute de sévérité, pour les ré-
voltés du peuple.
-- Hugues Destrem. ----
L'EMPEREUR DU SAHARA
M. Cloarec, député, vient d'a-
dresser au ministre des affaires
étrangères et à celui de la marine
des lettres que l'on trouvera plus
loin, et par lesquelles il de-
mande que le gouvernement
prenne des mesures d'urgence pour sauver
les quatre matelots français engagés par
M. Lebaudy, empereur du Sahara, et faits
prisonniers par les Maures marocains.
Nous ne doutons pas que les ministres
n'agissent énergiquement, adroitement et
promptement, M. Delcassé par des démar-
ches auprès du sultan du Maroc, M. Pelle-
tan par les forces de la marine, pour que
les quatre malheureux marins soient rendus
à leur famille et à la France.
Mais il y a nécessité de procéder avant
que les tribus qui ont capturé nos compa-
triotes aient eu le temps soit de s'éloigner
des parages du Cap juby,soit —ayant perdu
l'espoir de toucher une rançon — de se
porter à quelque violence sur leurs prison-
niers. Ce serait, en effet, une erreur de se
figurer que toute tentative pour les rendre
à la liberté est inutile : les Maures sont des
barbares, mais ce ne sont pas des sauva-
ges imbéciles ; si on leur donne à croire
que la rançon qu'ils réclament est en route,
ils se garderont bien de la compromettre
par quelques inutiles sévices. Récemment
un journaliste anglais s'est laissé prendre
par eux; on a eu tout le loisir de transiger
avec ses ravisseurs et de le tirer de leurs
griffes. ,.
Il est vrai que ce n'était pas au cap Juby,
mais dans la partie du Maroc plus immé-
diatement gouvernée par les fonctionnaires
du sultan. Mais le fait que les Maures ont
réclamé une rançon à M. Lebaudy — et
une rançon peu élevée: mille francs par
homme - indique que ces gens savent
fort bien ce qu'ils font. Nous croyons que
nos concitoyens sont en sûreté, à la condi-
tion que l'on voudra bien faire tout de suite
la dépense nécessaire, dépense qu'il sera
ensuite loisible de se faire rembourser par
l'auteur responsable de cette équipée.
1. Voix* à. la 30 page
les Dernières Dépôohes
de la nuit
et la Fie vue des Journaux
du matin
PAPE PACIFIQUE
Interwievé, le cardinal-archevêque de Paris
aurait déclaré ingénuement que ce n'est pas le
nouveau pape qui prendra l'initiative d'une
dénonciation du Concordat. Nous le croyons
sans peine, et cette déclaration a de quoi nous
faire sourire.
Mais quel qu'eût été le résultat des délibé-
rations du conclave, et le successeur de Léon
XIII eùt-il été le sombre Gotti ou le farouche
Oreglia lui-même, le résultat eût été identique
quant aux rapports du Vatican avec la France.
Pas de danger que l'Eglise se brouille avec
sa « fille ainée ». Le Saint-Siège filera doux,
nous pouvons en être bien persuadés.
Simple question de gros sous, vous com-
prenez bien.
La dénonciation du Concordat, la séparation
des Eglises et de la France, ce serait, n'en
doutez point, un coup terrible, mortel pour le
çatholicisme en France. On dit, nous no l'igno-
rons point, que les fidèles, par dons et sous-
criptions volontaires, s'empresseraient de com-
bler le trou énorme fait par la suppression du
budget des cultes, tiendraient à honneur de con-
tribuer chacun pour sa quote-part à l'entretien
des évêques, curés et vicaires ; mais c'est du
;« bluff ». Ceux qui le disent ne le croient point.
Et aux catholiques qui s'en vont criant qu'ils
préféreraient de beaucoup être libres, privés de
ce budget qui est, pour eux, une chaîne, nous
pouvons répondre qu'ils sont d'aimables far-
ceurs. Là chaîne dont ils se plaignent est
'd'or.
Certes, durant la période qui suivrait immé-
diatement la dénonciation du Concordat, l'ar-
gent affluerait; les personnes bien pensantes
feraient un effort; les vieilles dames riches du
parti seraient laidement « tapées »; mais il est
certain que cette période serait de bien courte
durée. On se lasserait yite; la source se tarirait
rapidement. Quarante millions; c'est Une som-
me; la trouver tous les ans, c'est dur. Bientôt,
croyez-le; on verrait les églises, surtout les
églises de campagne, se fermer une à une, et
les desservants se trouveraient obligés, ou de
s'expatrier, ou de gagner leur vie en embras-
sant une profession quelconque A Rome, on le
sait bien, et c'est pour cela que l'on peut être
tranquille sur l'aménité des relations entre
ia France et le Vatican, quel que soit lè
pape.
L'église tient à son budget; elle est accrou-
pie dessus, comme chien sur l'os qu'il ronge
et que l'on doit chasser à coups de pied pour
lui faire lâcher prise. Ello s'y cramponnera
tant qu'elle pourra; et, hypocrite, no cessera,
pour le garder, de faire les doux yeux à la Ré-
publique qu'elle déteste, dont elle souhaite la
1 mort, qu'elle combat nar en dessous, traîtreu-
sement.
C'est à la République de prendre l'initiative
de la dénonciation du Concordat. Quand le
fera-t elle ? Quand se-trouvera-t-il un homme
pour oser cet acte nécessaire de vigueur ? Le
fruit n'est-il pas mûr? Et ne savons nous pas
que, si pacifique et conciliant que se montre
le pape, il n'est et ne peut être pour nous que
l, l'ennemi ? J.. VlctQr-McUtuer.
CHEZ LES
SOURDS-MUETS
Le prolongement de la rue Nicole. —
La fin d'un géant. — Lees sourds-muets
autrefois et aujourd'hui.— L'œuvre
de l'abbé de l'Epée. — Lès métho-
des française et allemande. —
L'Institution nationale de Pa-
ris. — Les muets qui cau-
sent. — La mutité guérie.
- Les classes, le réfec-
;, toire et le musée de
l'Institution des
i sourds-muets.
La petite rue Nicole qui, partant du boule-
vard de Port-Royal aboutit rue du Val-de-
Gràce et qui doit son nom au théologien Pierre
Nicole, doit être prolongée jusqu'à la rue
i Saint-Jacques.
Cette voie fut ouverte en 186i en exécution
d'une clause domaniale grevant les terrains
provenant de l'ancien couvent dos Carmélites.
Une maison de cet ordre, vide depuis l'exode
des congrégations, existe encore à l'angle des
rues Denfert-Rochereau et du Val-de-Gràce,une
partie des jardins du couvent sera affectée au
solde la voie future. Au surplus, tout ceci
n'est pas nouveau, des travaux préparatoires.
1 ont déjà été faits en vue du dégagement de la
rue Saint-Jacques, rue excessivement pas-
sante, artère faubourienne qui conduit tout
droit de la Seine à la place Saint-Jacques où
se dressait autrefois le funèbre portique repo-
sant sur son aire pavée qui, malgré les boule-
versements du sol, subsiste encore. Des tra-
vaux préparatoires ont déjà été faits dis-je.
L'école Lavoisier, reconstruite récemment,pas-
sède une façade toute prête en bordure de la
nouvelle voie, de même que l'immeuble mi-
toyen de l'Institution des sourds et muets qui,
aligné rue Saint-Jacques a une façade du côté
pile toute préparée pour l'éclosion de la rue
Nicole prolongée.
L'arbre de Sully
Est-ce un avant-coureur de la démolition ?
Est-ce le prologue du prolongement tant at-
tendu de la rue Nicole, tant désiré par les ha-
bitants du quartier de Val-de Grâce ? J'oserai
dire peut-être, pour ne pas répondre oui. De-
puis plusieurs jours des ouvriers spéciaux, des
bûcherons attaquent l'arbre séculaire,l'orme lé-
gendaire planté, dit-on, par Sully, qui ornait
la cour d'honneur de l'Institution des sourds-
muets, et qui, dépourvu de feuilles, n'ayant
plus de sève pour entretenir sa puissante sta-
ture, menaçait ruine. Aujourd'hui ce géant
haut de 30 mètres est par terre, séparé en 3 ou
4 tronçons. L'énorme raie d'ombre que proje-
tait son squelette sur la statue de l'abbé de
l'Epée, C9 bienfaiteur des sourds-muets, n'est
plus, la cour d'honneur est vide d'ombre, à la
place du tronc, une vaste pelouse s'offre aux
regards.
Le sourd-muet dans la société
Les lois romaines plaçaient les sourds-muets
au même rang que les fous ou les idiots, ils
étaient privés de tous droits. Jene voudrais pas.
m'arrêter, en ce moment, sur la situation des
sourds-muets dans la société. Cependant je ne
puis m'empêcher de rappeler les difficultés que
ces malheureux rencontraient et rencontrent
encore à chaque pas dans la vie.
Pendant bien des siècles, une barrière infran-
chissable s'élevait entre le sourd-muet et le
restant des mortels. Placé au milieu de la so-
ciété, il y vivait comme ne lui appartenant pas.
L'absence de culture intellectuelle lui fermait
toutes les carrières et par suite, toute profes-
sion, tout emploi lui était interdit. De nos jours,
bien qu'il arrive à parler et à lire couramment
la parole sur les lèvres, il continue à se tenir à
l'écart, le vide se fait autour de lui, son infir-
mité le tient isolé du reste de la société.
Actuellement, le sourd-muet n'est plus ce
paria que la philosophie païenne, par la bou-
che d'Aristote, déclarait être au-dessous de
l'homme, il n'est plus l'objet d'une pitié cruelle
ou d'une curiosité déplacée, humiliante et
malsaine. Rien n'était donc plus noble, plus
grand, plus généreux, quo de se consacrer à
rendre au sourd-muet sa place et son rang
dans la société, en lui ouvrant les diverses
branches de l'industrie.
Les aveugles, en France, ont eu Braille, les
enfants abandonnés ont eu saint Vincent de
Paul, les sourds et muets ont eu l'abbé de l'E-
pée, dont la statue s'élève dans la cour d'hon-
neur de l'établissement de la rue Saint-Jac-
ques, statue due au talent d'un artiste sourd-
muet, Félix Martin.
L'œuvre de l'abbé de l'Ëpée
Tous les peuples, sans exception, ont eu des
grands hommes, des savants, des docteurs, des
-écrivains, des philanthropes. Tous se sont ap-
pliqués à chercher le moyen de rendre aux
sourds-muets leur vie intellectuelle et leur di-
gnité humaine. L'Italie a eu Gérôme Cardan;
l'Espagne, Pierre Ponco ; l'Angleterre, Wallès;
la Hollande, Van Helmont ; l'Allemagne,
Schulze et Buchner. La France est, de toutes
les nations, celle qui s'en occupa le plus tardi
vement ; mais elle a produit 1 immortel abbé
de l'Epée. C'est la vieille péninsule espagnole
qui, la première, produisit de véritables insti-
tuteurs de sourds-muets ; ce fut Pierre de Pon-
ce, bénédictin du monastère d'Ona, qui, en
li>84, se mit à enseigner avec un tel succès que
ses élèves purent arriver à soutenir des discus-
sions en public.
L'abbé de l'Epée comprit que le sens de
l'ouïe étant absent chez le muet, il n'était
pas logique de songer à lui faire traduire di-
rectement la parole, il imagina alors de faire
traduire la parole par un langage spécial, un
langage imagé au moyen de certains signes,
..au moyen de la mimique. Depuis l'abbé de
l'Epee, une révolution s'est accomplie dans le
monde des sourds et muets, sa méthode a été
accueillie avee enthousiasme par les autres
Etats. Son système repose sur 5 procédés : les
signes mimiques, l'écriture, la mimophonie, la
dactyologie et le dessin. On les emploie indif-
féremment dans le nouveau continent comme
dans l'ancien, et la manière dont on s'en sert
peut se résumer en deux grandes méthodes :
française et allemande.
Les méthodes rivales d'enseignement
La méthode française appliquée à Paris est
caractérisée par l'emploi simultané des moyens
que nous venons d'énoncer, mais avec une
tendance de plus en plus marquée à laisser de
côté le langage mimique qui est bon à établir
une communication dès les premiers mois
entre le professeur et lo sourd-muet. Par con-
tre on s'attache à donner une importance à
l'enseignement de l'articulation de la parole.
Il existe à Bordeaux une institution où l'on
tend au contraire à reprendre le langage mi-
mique, une autre école existe à Nancy, des
sœurs en dirigent une autre à Montpellier; tou-
tes ces écoles ne sont que des rameaux de la
puissante œuvre de l'abbé do l'Epée. La mé-
thode française est appliquée en France, ea
Belgique, on Amériqua, en Italie, en Espagne
et en Angleterre.
La méthode allemande qu'on a l'habitude de
personnifier dans Heinecke repose sur l'ensei-
gnement de la parole qu'elle regarde comme
l'instrument indispensable du développement
de la pensée. La lecture, l'écriture, le dessin,
ue sont que des auxiliaires qui viennent en
second plan. Cetie méthode n'est employée
qu'en Allemagne et dans un établissement de
Londres-
L'Institution nationale des sourds-
muets
L'emplacement occupé par l'Institution na-
tionale des sourds-muets sur le plateau de la
montagne Sainte-Geneviève occupe une super-
ficie de 19.345 mètres carrés. Les constructions
sont groupées au nord de cet emplacement.
Quatre préaux bien ombragés de platanes et
; de tilleuls sont destinés aux récréations des
i élèves. La valeur du terrain peutêtré estimée à
15 millions et celle des constructions à 2 mil-
lions.
f Ce fut l'abbé de l'Epée qui, le premier,ouvrit
Lun collège gratuit et consacraaux sourds muets
i sa vie, son intelligence etsonpatrimoine,il reçut
.des encouragements des principaux monarques,
jde la grande Catherine et de Joseph II.
i Le décret de la Convention nationale autorisa
les sourds-muets à s établir dans le séminaire
ide Saiat-Magloire qu'ils occupent encore ac-
tuellement. L'installation eut lieu le 1" avril
1794. Cette propriété magnifique appartenait,
nous dit le chroniqueur Piganiol de la Force,
aux Pères de l'Oratoire qui y avaient fait élever
un beau bâtiment avec un escalier monumen-
tal.
Ce bâtiment, profondément modifié, exhaus-
sé, est resté le corps de logis central de l'Ins-
'titution.
Conduit par Uaimable censeurde l'institution
je visite au rez-de-chaussée le réfectoire des
moines qui sert maintenant de cuisine, le jar-
din qui est plutôt un potager où les sourds-
muets apprennent la métier de jardinier en cul-
tivant eux-mêmes detimmensecarré de terrain.
En bordure de la rue Denfert-Rochereau est
installé le gymnase où les élèves font chaque
jour des exercices de gymnastique. Tous les
"exercices sont faits en comptant à haute voix en
cadence, ce qui ajoute à la gymnastique du
corps une gymnastique pulmonaire des plus
utiles aux muets.
Nous visitons les divers ateliers où les élèves
travaillent pendant 1 heure et demie chaque
jour. Il y a les tailleurs, les dessinateurs, les
sculpteurs, les imprimeurs, les compositeurs,
les menuisiers, les cordonniers, les cordiers et
les jardiniers.
Mais le, plus intéressant est sans contredit la
visite des classes qui toutes donnent au-dessus
du cloître, dans de vastes galeries vitrées pa-
rallèles à la rue Saint-Jacques.
Les muets qui parlent
Nous entrons dans différentes classes où tour
à tour les professeurs me montrent, me nom-
ment et interrogent les élèves. Tous sont
sourds-muets et tous ont été démutisés.Ce tra-
vail est très aride et les instituteurs spéciaux
chargés de cette tâche arrivent à accomplir de
véritables tours de force, sans profit pour les
élèves, et sans utilité malheureusement pour
leurs relations futures.
L'enfant parle, il est vrai,mais un peu dure-
ment, désagréablement même, mais il parle
distinctement et les sons qu'il fait entendre
sont parfois barbares.
Il faut 3 ans de soins constants, 3 ans d'étude
et d'attention pour apprendre à ces infortunés
la gymnastique vocale et buccale, à lire sur
les lèvres du professeur, à inspirer et à expirer
les sons, à apprendre son nom, le nom de son
professeur et ceux de ses camarades et des mots
,usuels tels que : assis, debout, viens, lis, cours,
répète, mal, sage, etc. Aussi rien n'est plus
assourdissant qu'uno lecture au tableau noir
faite par des muets.
Le professeur demande à un élève sans par-
ler en faisant seulement marcher les lèvres :
« Dis moi,où iras-tu en vacances?» et l'élève do
s'écrier: «J'irai à Marseille chez ma tante ». Le
professeur reprend: « Iras tu à la pèche attra-
per des sardines -?)) et le muet hurle: « Oui,mon-
sieur, mais je ne prendrai pas de poissons parce
qu'ils sont très majins». Le censeur interroge
deux élèves dont l'un a été démutisé par les
sœurs de Montpellier et l'autre par les frères
'de Saint Gabriel. Tous deux ont lo parler rau-
que, empâté, gonflent les joues en causant et
ont l'intelligence beaucoup plus obtuse que ceux
qui reçoivent le merveilleux enseignement de
la rue Saint-Jacques. Et ceci démontre la su-
périorité de notre institution nationale. Paul
Strauss dans son livre Pa.ris ignoré nous ra-
conte le dialogue qui eut lieu entre un sourd-
muet et le président d'un conseil de revision.
« Monsieur, dit l(infirme, je ne puis être soldat
'car je suis sourd-muet. » Il fut clairement éla-
bli que ce malheureux disait vrai et il fut do
droit dispensé.
Les réfectoires et le musée
Au moyen de cet enseignement, les sourds-
muets qui peuvent entrer à l'Institution dès
l'âge de 8 ans sont à même, à 16 ans, de pas-
ser avec succès leur certificat d'études et de
pourvoir à leur subsistance, connaissant par-
faitement un ou plusieurs métiers.
Terminant notre visite, nous passons dans
les réfectoires où tous les exercices ont lieu au
roulement du tambour, non pas que le bruit
de la peau d'âne frappo leurs oreilles, mais il
produit, disent les docteurs, des vibrations sur
l'épigastreel le diaphragme qui les avertissent
et règlent leurs heures de travail.
Redescendant au rez-de-chaussée, j'admire
le magnifique musée de l'institution, où toutes
les œuvres d'art qui y sont enfermées, tableaux,
bustes, bronzes, lithographies, sont l'oeuvre
d'anciens élèves. Un magnifique tableau repré-
sente Félix Faure visitant l'institution et in-
terrogeant des enfants, et je sors ravi de ma
visite, pourtant rapide et si intéressante.
De tout ce qui précède, il n'est pas exagéré
de conclure que tous les établissements do
sourds-muets du monde entier se rattachent à
la modeste maison do la rue des Moulins, pro-
pre maison de l'abbé do l'Epée, où il fonda
son premier collège et dont on rechercherait
vainement la trace aujourd'hui. Institution qui
fut jadis si puissamment animée par le génie et
l'ardente charité d'un des plus grands bien-
faiteurs de l'humanité qui fit des disciples dans
l'Ancien et le Nouveau-Monde.
PAUL GOGUET. -
LA COMÉDIE DE KISCHENEW
(De noire correspondant particulier)
Eydtkuhnen (frontière russe), 7 août.
Les prétendues poursuites au sujet des as-
sassinats do Kischenew se révèlent de plus en
plus comme une farce judiciaire du plus pro-
fond cynisme.
D'abord, le tribunal a prononcé le huis-clos
pour toutes les séances, afin d'échapper au
contrôle de l'opinion publique.
Le chef de la gendarmerie, le bàron Lewen-
dhall, a fait appeler dans son bureau toutes les
personnes qui pouvaient témoigner do la par-
ticipation de la police aux massacres et les a
menacées de sa vengeancesi elles osaient révéler
quoi que ce soit. Le même baron a fait enfer-
mer des agents dans les cellules des accusés afin
de leur faire la Içcn. des interro o a-
Les questions et réponses des interroga-
toires sont préparées d'avance.
Au notaire Pizarzewski, qui était gravement
compromis, on a fait le coup de Lemercier-
Picard. Il a été trouvé étranglé, accroché à une
espagnolette On craignait, puisque son arres-
tation était inévitable, qu'il ne fasse des révéla-
tions compromettantes pour des personnages
très haut placég.
i.
L'AFFAIRE HUMBERT
AVANT L'AUDIENCE
(Slti clfin)1
Plus on approche de l'ouverture des débats
de l'affaire Hum* 1 it plus l'émoi croit au
Palais de Justico. pourrait môme dire l'af-
folement. - L'honorable président Bonnet est
littéralement épuisé par les audiences que par:
courtoisie il a dû accorder aux quémandeurs;
rde cartes dont le nombre est fantastique. Aussi
ra-t-il pris une résolution héroïque, pour con
tenir le flot qui l'envahissait,cn faisant revivre
une vieille circulaire de l'aucièn garde des
^sceaux en 1892, M. Fallières, aujourd'hui pré-
sident du Sénat, ot qui prohibo formellement;
.la distribution de cartes de faveur aux audiences:
-de la Cour d'assises. Seuls, en vertu de cette
circulaire,ne peuvent être admis dans la salle,
en dehors de l'enceinte réservée an public dc-
: bout, que les femmes, les jurés qui siègent,
les avocats en robe et les chroniqueurs judi-
ciaires,
Si l'on songe qu'il y aura près de 80 journa-
listes dans la salle, dont 40 appartiennent à la
presse de province ou de l'étranger, et qu'il;
n'y a pas moins de 98 témoins, on se demande
ce qu'il restera de places pour caser les habiles:
et les intrigants qui auront réussi à tourner la
circulaire Fallières.
On aura une idée de la situation du prési-
dent des assises, de ses ennuis, de ses angois-
ses même, lorsqu'on saura que les jurés de
session qui ont droit d'auislu aux audiences,
et qui ont même des'bancs à leur disposition,
ont été sacrifiés sans pitié. Le malheureux M.
:Bonnet n'avait que quatorze places à leur dis-
tribuer, et il a fallu, pour ne pas faire de ja-
loux, les tirer au sort.
A l'heure actuelle, la moitié de la salle res-
semble à une classe d'école. Pour caser les
journalistes de province et de l'étranger, on a
du, sur les premiers bancs, élever des pupi-
tres. Les témoins se caseront comme ils le
pourront. Mais où placera-t-on les belles da-
mes habiiuée3 des procès sensationnels, si,
comme c'est probable, elles parviennent à se
faufiler dans la salle ? Mystère !
La cohue qu'il s'agissait d'éviter par l'appli-
cation de la circulaire Fallières se trouvera-
là, j'en ai grand peur, et le pis est qu'il y fera
une chaleur sénégalienne dont Mme Thérèse
Humbert, souffrante, ne se trouvera certaine-
ment pas bieii. Heureusement pour l'accusée
que le président a commis le docteur Floquet,
médecin du Palais, pour l'assister pendant
toute la durée des débats.
Un incident avant la lettre
Ces débats ne sont pas ouverts que déjà il a
surgi un incident qui a causé une vive émotion
hier dans les couloirs du Palais et qui fait
présager,lorsque l'affaire sera engagée, des
scandales à l'audience.
Au mépris de la loi de 1881 sur la presse qui
défend formellement de publier par anticipa-
tion les pièces de la procédure criminelle, un;
de nos confrères a publié hier des documents
saisis, avenue de la Grande-Armée» documents
« soigneusement fermés, ficelés, cadenassés »
et qui mettent en cause un député nationaliste
de Paris!
Quand je dis en cause j'entends qu'il s'agit
uniquement des relations de ce député avec
Mme Humbort.
On s'est demandé d'olt pouvait provenir ce
premier « petit papier » d'avant-garde, quel
pouvait être l'auteur de la communication ?
Naturellement on a pensé aux avocats des ac-
cusés qui seuls ont eu communication du dos-
sier de l'affaire Humbert.
Mais alors on a fait cette objection : les trois
.défenseurs ayant été appelés au début par le
président Bonnet qui leur a fait jurer de ne
communiquer à personne, surtout aux journa-
listes, aucune pièce de la volumineuse procé-
dure et les trois défenseurs ayant prêté ce sér-
f ment, on ne pouvait admettre que l'un d'eux
ait ainsi manqué à sa parole d'avocat.
Et dans les groupes on s'ingéniait à trouver
le coupable. Il est peu probable qu'on y arri-
vera.
Les chefs d'accusation
Etant donné le silence observé par ceux qui
détiennent .le dossier, il ne faut donc qu'admet-
tre sous bénéfice d'inventaire les racontars
qui circulaient sur les changes qu'on aurait re-
levées contre les quatre accusés.
D'après ces on dit, Romain et Emile Dauri-
gnac seraient accusés de faux pour avoir signé
des faux noms de Honri et Robert Crawford les
actes et pièces de procédure par lesquels ils ont
constitué avoués pour les divers procès que
nous avons fait connaître dans notre exposé
d'hier et les époux Humbert seraient accusés
d'avoir fait usage de ces faux.
Quant aux époux Humbert, ils seraient en
outre inculpés d'escroquerie, les sommes consi-
dérables qu'ils ont encaissées ne leur ayant été
prêtées et consenties que sous l'empire de ma-
nœuvres délictueuses.
On assurait, d'autre part, que les experts
ont reconnu que les pièces de la procilure si-
gnées Henri et Robert Crawford étaient de
l'écriture des deux frères Romain et Emile
Daurignac et que ce dernier, dans telle pièce,
ne s'était même pas donné la peine de déguiser
son écriture.
Enfin, on disait que d'autres personnes, en
dehors des deux frères Daurignac,auraienl éga-
lement joué le rôle des frères Crawford, no-
tamment la personnage d'ailleurs introuvable et
introuvé qui, au diner des fiançailles de l'ave-
nue de la Grande-Armée, fut présenté aux con-
vives par Mme Humbert. comme Henri Craw-
ford, fiancé de sa sœur Maria.
Bref,.d'après tous ces bruits — j'oubliais un
comparse inédit qui aurait joué 1e rôle du fils
d'Henri Crawford — les débats qui vont s'en-
gager dans quelques haures seront fertiles en
incidents de toutes sortes, et certaines scènes
de la comédie, absolument ignorées jusqu'à ce
jour/seront mises en pleine et amusante lu-
mière.
Et maintenant : Au rideau !
Amédée Blondeau.
LA MAISON DE TOURGUENEFF
(De nclre correspondant particulier)
Saint-Pétersbourg, 7 août.
A Orel, la maison dans laquelle est né Tour-
guenoff, le célèbre romancier russe, doit être
prochainement vendue aux enchères.
Le conseil municipal de cette ville n'a rien
fait pour empêcher cette vente et l'on se de-
mande si dans le monde des classes instruites
en Russie il y aura encore assez de piété pour
racheter cette maison historique.
M. IL6 QUITTE L'ABYSSINIE
(De notre correspondant particulier)
Zurich, 7 août.
L'arrivée inattendue de M. Ilg, venant d'A-
byssinie, a causé une vive surprise. On disait
même que le conseiller intime de Menelik
était tombé en disgrâce. La chose est inexacte.
M. Ilq est chargé de faire des commandes de
machines électriques pou? la traction et l'ô-
clairage. Il rentrera ensuite avec Mme Hg ea
Abyssinie, mais laissera à Zurich sas- enfants,
parmi lesquels se trouve le petit Menolik, fil-,
leul du Négus.
M. Ilg, aussitôt que le nouveau chemin da
fer sera inauguré, prendra sa retraite et vien-
dra s'installer à Zurich.
A COUPS DE BAMBOUS
l -
Nous avons annoncé que Chen-Tchien, ua
des journalistes réformateurs chinois, a été cas
/àMÇtort 1è 30 juillet par ordre spécial de l'impé-
ratrice douairière. On a tué de malheureux à
coups de bâton, et l'agonie fut longue, puis-
qu'on a frappé .&»z heures durant, avec des
bambous, le pauvre diable.
Ce supplice barbare est sans doute réservé
aussi aux deux journalistes chinois dont M.
Dubail, ministre de la République Française,
continue d'exigdT la remise aux autorités chi-
noises. Et on leur accordera, à eux ussi, la
.faveur toute spéciale de ne pas être écorchés
préalablement à la bastonnade.
Le Rappel l'a déjà déclaré. Il est indigne d'ua
représentant de la France de se faire le. pour-
voyeur des bourreaux et d'accepter une part de
responsabilité dans l'assassinat.
Est-ce que l'on ne va pas se décider à don-
ner bientôt des ordres pour qu'un tel scandale
iîe se produise pas ? C'est trop déjà qu'on
puisse le craindre. Le nom de la République
ne peut pas être associé à une action aussi lâ-
che, à une violation aussi grave des droits da
i homme.
M. Combes devrait avoir un peu -plus' de
!ouci de notre honneur national. Si un malheur
arrive, la responsabilité atteindra la personne
même du président du conseil. et celui-ci
apprendra à ses dépens. s'il a oublié ses étu-
des favorites d'autrefois, qu'il n'y a pas de rôle
plus odieux que celui de Ponce Pilate.- Char-
les Darcy.
L'ARBITRAGE INTERNATIONAL.
Londres, 7 août. 1
Dans un article, le Daily Graphie demanda
que l'Angleterre, la France et la Russie pren-
nent l'initiative de réunir une nouvelle coafg
rence de La Haye, dans le but d'examiner la
quesvion de la limitation et de la diminution
éventuelle des armements navals.
L'INSURRECTION EN MACÉDOINE
Sofia, 7 août.
L'Autonomia, journal de l'organisation inté-
rieure, publie une proclamation annonçant
que la rébellion est générale dans les districts
de Salonique et de Monastir.
Toutes les communications télégraphiques
avec Salonique et Monastir auraient été cou-
pées.
Boris Sarafow est considéré comme l'insti-
gateur de la rébellion.
Salonique, 7 août.
Le vilayet de Monastir est en pleine insur-
rection. Les insurgés incendient les fermes et
les récoltes. Plusieurs rencontres meurtrières
sont signaléeg.
A Kruchevo, des attentats à la dynamite ont
été commis. Le Konak a été détruit. Trenta
fonctionnaires auraient été tués. Des familles
turques auraient été massacrées. Plusieurs ba-
taillons sont dirigés sur Monastir. Les com-
munications sont difCciles. Le chemin de fer
est fortement endommagé. La télégraphe est
détruit sur plusieurs points.
Le vilayet de Salonique est tranquille ; mai.
on craint que l'insurrection ne s'y propagJ.
COMBAT A LA F80NTIË8E MAROC/UNE
:.; Madrid, 7 août.
L'Imparcial publie une dépèche da Melilla
suivant laquelle les troupes impériales, qui
poursuivaient la tribu kabylp des Béni-Falt
passèrent la frontière, et pénétrèrent sur le ter-
ritoire français par Àtia. Un poste français
voulut faire respecter la neutralité du ; terri-
toire, mais les soldats impériaux ne tinrent
pas compte de leur notification. Une lutte s'en-
gagea entre les deux troupes ; trois Français e «
deux impériaux furent tués.
On assure que des chefs marocains se trou-
vent sur le territoire français. Les Français ont
établi un service de surveillance.
(Voir la suite dans notre DEUXIEME EDITIONt
TOUT COMME EN FRANCE
IDe notre correspondant particulier)
Palerme, 7 août.
Les élèves de l'orphelinat des filles tenu par
des nonnes françaises àCataniese sont révoltées.
Elles se plaignent d'avoir été martyrisées et
demandent le renvoi des religieuses françaises.
Six Camps Militaires on Angletarra -
(De notre correspondant particulier)
Londres, 7 août.
En vue de la réorganisation radicale de l':tt"
mée anglaise le War office a créé six camp-
militaires permanents :
Un à Alaershot pour le leT corps d'armée, ut
à Salisbury-Plain pour le 2*,un en Islande peut
le 381 un à Colchester pour le 4% un à ûerby-
shire Peak-District pour le 5* et un à Stobs pour
le 68.
LE NOUVEAU PAPE
Premier conflit. — Réceptions officiel-
les et officieuses. — Pour le couron-
nement. - Premiers actes
1 (De notre correspondant particulier
Rome, 7 août.
Un conflit — le premier souWe pontificat d(
Pie X — est imminent entre la curie et la gou.
vernëment italien, au sujet de la nominatifs
du nouveau patriarche de Venise qui doit rem.
placer le cardinal Sarto, devenu pape. On sait
que le roi d'Italie s'attribue, en sa qualité d'hé-
ritier de la République de Venise, le droit d.
nommer le patriarche.
La question a déjà donné lieu à des contro-
verses lors de la nomination du cardinal Sarto.
Crispi, qui était au pouvoir, est arrivé à una
transaction, mais, aux archives de l'Etat ita
lien, on conserve toujours une lettre que: te
pape actuel avait adressée, à cette époque, au
garde des sceaux Santamaria-Niccolini et daa1
laquelle il reconnaissait implicitement que
l'Etat avait le droit de nommer le patriar,:hC
de Venise.
Le pape et la langue française
Rome, 7 août.
Le pape a recu, ce matin à 11 h., les car-Il-
naux français avec une grande bonté. Pia X
s'est entretenu avec eux en latin, parce quJil
ne s'exprime que difficilement en français.
Le pape a reçu également une délégation fOI'
mée d'une quinzaine de ses compatriotes, avec
lesquels il a conversé fort longtemps en patoit
vénitien.
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