Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-08-08
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 08 août 1903 08 août 1903
Description : 1903/08/08 (N12202). 1903/08/08 (N12202).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
CINQ CENTIMES le' 3NTiim<&r'o.
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Le Numéro CINQ CENTIMES
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No 12202. — Samedi 8 Août 1903
21 THERMIDOR AN 111
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NOS LEA DERS
'--
EN PTË
Qui, je le demande, n'admirerait
l'inielligente prudence dont vient de
faire preuve le prince Ferdinand de
Bulgarie ? Ce souverain avisé a quitté
Sofia, sa capitale, subrepticement, avec
sa famille, et ne s'est arrêté que quand
il s'est senti en sûreté, c'est-à-dire :
hors de chez lui. Quel soupir de sou-
lagement a dû s'exhaler de son sein
lorsqu'il a pu se dire qu'il était hors
de l'atteinte de ses sujets. Touchantes
relations, vraiment, entre roi et peu-
ple!
Quant à ceux qui se sont étonnés
de ce départ précipité que nul danger
imminent ne semblait motiver, le prin-
ce Ferdinand doit penser qu'ils en
parlent bien à leur aise. Mais s'il avait
attendu que le danger fùt imminent,
il n'aurait sans doute plus eu le temps
de s'y soustraire.
L'exemple trop récent de la tragédie
de Belgrade était là pour lui appren-
dre ce qu'il en coûte de trop attendre.
Les Bulgares ne sont pas plus com-
modes que les Serbes. Vous vous rap-
pelez la belle façon dont ils ont ar-
rangé StanlboulofI. A ce moment cri-
tique, déjà, par prudence, Ferdinand
s'était « éloigné »; il ne revint, ne ren-
tra dans son palais que lorsque le ciel
fut redevenu à peu près serein. Et
puis il y a des souvenirs inquiétants.
Le prédécesseur de ce Ferdinand, le
prince de Battenberg fut, une fois, en-
levé — conspiration d'officiers — et
n'eut la vie sauve que par miracle
Tout cela n'était pas très rassurant,
vous en conviendrez.
Or rien n'est contagieux comme le
meurtre, rien ne grise les hommes
comme l'odeur du sang versé, Ferdi-
nand pouvait craindre avec assez de
raison que, par esprit d'imitation, ja-
loux de s'égaler aux auteurs de la
boucherie de Belgrade, certains de ses
sujets n'nefonçassent, une nuit ou
l'autre, les portes de la résidence
royale de Sofia,et n'ouvrissent, à coups
de sabre et de revolver, fa succession
au trône de Bulgarie.
Il s'est vu, en rêve, égorgé, précipité,
cadavre percé de coups, par une fe-
nêtre ; peut-être aussi a-t-il songé au
sort de ses belles-sœurs, s'il en a, ce
que j'ignore, qui seraient condamnées
par la suite, comme les sœurs de la
reine Draga, à demander au café-con-
cert des ressources alimentaires. Il a
préféré décamper. Encore une fois qui
le blâmerait?
*
Mais je pense avec une sorte de pi-
tié à ces pauvres rois dont l'existence
est une angoisse perpétuelle, qui vivent
au milieu d'une atmosphère de ter-
reur ; terreur qu'ils inspirent à leurs
sujets tenus sous le joug, terreur
que, par répercussion, leur infligent
ces sujets toujours capables dans un
accès de révolte de briser leurs entra-
ves. C'est un peu la situation du domp-
teur dans la cage. :
Les lions l'entourent, abrutis de ser-
vitude, si accoutumés à obéir qu'ils ne
se souviennent même presque plus
d'avoir été libres, autrefois. Il les fait
passer de droite à gauche, se dresser
tout debout, passer par-dessus une
barre de bois, prendre sur des demi-
tonneaux renversés des attitudes plus
au moins plastiques ; il leur parle avec
J'udesse, frappe du pied, les cingle de
son fouet, les refoule avec le manche
de sa fourche, et, troupeau docile, ils
s'effacent, tête basse, devant son geste
dominateur.
Mais il doit demeurer sans cesse sur
le qui-vive ; il ne faut pas qu'il s'en-
dorme, pas qu'il détourne son regard
un instant Les belluaires finissent mal,
d'habitude, c'est connu. Le nombre est
restreint de ceux qui meurent dansleur
lit. La plupart succombent, un jour ou
l'autre, sous l'étreinte sanglante du
fauve illuminé tout à coup par un éclair
de liberté.
Vous imaginez-vous ce Ferdinand
en son palais, tressaillant au bruit de
toute porte qui s'ouvre, soupçonnant
un traître dans tout serviteur qui le
frôle en passant, n'approchant pas un
verre d'eau de ses lèvres sans avoir la
crainte d'y trouver au fond un arrière-
goût de poison. Comment pourrait-il
dormir ? Des soldats, des officiers l'en-
tourent, niais qui sait si ces soldats,
ces officiers ne conspirent pas, si leurs
armes qui ont pour missiun de le dé-
fendre ne vont pas se tourner contre
lui? Est-il protégé par eux, ou déjà
leur prisonnier? Vous le voyez faisant
sa ronde avant de se mettre au lit, s'as-
surant que toutes les fenêtres et toutes
les portes sont bien closes, palpant
d'un geste inquiet les tentures, s'age-
nouillant pour regarder si personne
n'est caché sous son lit. Enfin le voilà
sous les couvertures. Mais la peur le
tient éveillé; malgré lui, il tend l'oreille,
il tressaille ; n'a-t-on pas marché dans
-le corridor? n'a-t-en pas parlé sous
Tes fenêtres fl est debout, pieds nus,
hne arme à la main, courbé en avant,
prêt à essayer de se défendre, car il
sait que la ïmie serait impossible; et
bien qn soit en cbeittise, il sue, d'an-
goisse. Tel il vous apparait, fantôme
d'épouvante, autour duquel chucho-
tent; avec le bruit que fait le vent dans
'les feuilles des peupliers, les voix con-
ffuses des assassinés. Ah 1 le pauvre
iliomme ! ah ! le malheureux !
.**'
Ce qui m'étonne, c'est que l'on trouve
encore des gens pour faire ce périlleux
métier de roi ou de prince. Oh ! il a,
je le sais, des avantages; on est bien
payé. ^'importe !. On me dira que
ces peuplades des Balkans sont à demi-
sauvages encore; je n'en disconviens
-pas ; mais est-ce que dans les pays
civilisés, la sécurité des rois est beau-
coup plus assurée? On vient de com-
mémorer le premier anniversaire de
'l'assassinat du roi d'Italie. Je concède
volontiers, toutefois, qu'il ne s'agit ici
.que d'actes isolés, tandis que dans les
Balkans la terreur règne en perma-
nence. A demi-sauvages, oui, ces peu-
ples dont une sorte de légende mysté-
rieuse entoure les montagnes ; mais
'leurs rois se tromperaient s'ils ne;
:croyaient pas faire eux-mêmes partie
: intégrante de cette barbarie dont ils
sont si souvent les victimes. Lorsque
Karageorgewitch a pris possession du
trône de Serbie, un brigand fameux
de la région, un nommé Hia, qui s'in-
titule « roi des forêts » lui a écrit pour
le féliciter. Ce sont même, je crois
bien, les premières félicitations que
Pierre Ier ait reçues. Et à mon sens, il
n'y a pas à s'étonner d'entendre un
-chef de bandits appeler son frère un
roi de Serbie. Des bandits., mais.
comment appelez-vous ceux qui ont
; égorgé Alexandre et ceux devant les-
quels Ferdinand vient de fuir ?
Lucien Victor-Meunier
LA GRÈVE D'HENNEBONT
Les événements tout à fait dé-
plorables @ qui, à propos de la
grève d'Hennebont, viennent!
d'ensanglanter Loribnt, fournis-
sent aux réactionnaires une nou-
velle occasion de s'en prendre à
la loi qui reconnaît le droit de grève, et a
la République.
Ils oublient de remarquer qu'il n'est pas
de pays au monde où les grèves, somme
toute, soient moins violentes qu'en France,
précisément parce que les travailleurs, ar-
més d'un texte de loi, n'ont pas besoin de
se concerter dans l'ombre et de préparer
une cessation de travail comme on écha-
faude un complot. En se concertant pour
défendre leurs salaires, les ouvriers fran-
çais usent d'un drfiit que la loi leur recon-
naît formellement ; et, quoiqu'on prétende,
ceux que gène l'exercice de ce droit com-
mencent du moins à ne plus le nier,
et c'est ce qui, dans les trois quarts
des cas, empêche les différends sur les
questions de salaire de tourner au
conflit violent. A ce point de vue, que l'on
étudie ce qui se passe, en Espagne, en
Russie, dans les pays Où le droit de grève
n'est pas formellement reconnu, et l'on re-
connaîtra que les dissentiments entre em-
ployés et employeurs amènent, en général,
des incidents d'une nature beaucoup plus
grave que ehez nous.
En ce qui concerne les faits de Lorient,
il faut bien reconnaître que l'administra-
tion paraît avoir par trop rapidement fait
appel à la troupe. Que disent, en effet, les
dépêches de l'agence Havas sur le début
des troubles ? Citons :
- Hier soir, à g heures, une bande de 60 à 80
gamins, âgés de 12 à 18 ans, qui voulaient ma-
nifester contre les arrestations de grévistes
d'Hennebont, et contre les condamnations pro-
noncées par le tribunal, se mit il chantr j'ln-
temationale devant la caserne Bisson, et sous
les fenêtres de la prison.
Les chasseurs sortent aussitôt de la caserne,
et chargent au galop dans les rues Ducouedic,
Fénelon et Victor-Massé.
La place d'Al sacc-j-orra ine,, qui était remplie
de promeneurs, est balayée par les charges, etc.
Tel est le début, et c'est un récit officieux
qui nous renseigne; à qui fera-t-on croire
qu'il était utile de faire sortir les chasseurs
de la caserne pour repousser « 60 à 80 ga-
mins âgés de j2 à 18 ans )) et pour charger
[et balayer les « promeneurs )) de la plaee
d'Alsace-Lorraine ? Il y a eu là un excès de
,zèle. tout à fait fâcheux et condamnable Qui
est responsable de cet excès de zèle ? Qui a'
adonne de tels ordres? Nous finirons bien
par le savoir.
LE PALUDISME EN ALGÉRIE
M. Jonnart a eu un long entretien avec le
[docteur Roux, de l'Institut Pasteur, pour arrè-
ter avec lui les bases de l'organisation d'un,
,service destiné à combattre, en Algérie, le pa-
; ludisme qui, chaque année, y fait dé nombreu-
ses victimes.
Il semble acquis, aujourd'hui, que la fièvre
paludéenne est principalement propagée par
les moustiques dit « anophelès ». Il est relati-
'vement aisé de les détruire en recherchant les
mares d'eau stagnante où il naissent et se dé-
veloppent, et en desséchant ces mares. On sait
, quels résultats des plus encourageants ont été
obtenus, par l'application do cette méthode, en
Italie, en Egypte et surtout à la Havane.
Le gouverneur général de l'Algérie se pro-
pose donc de faire établir, tout d'abord, une
carte du paludisme dans les trois départements
.algériens, et de porter immédiatement ses ef-
forts sur les points où la fièvre paludéenne
exerce actuellement le plus de ravages.
—— ; ——•
L'INSURRECTION EH MACEoOINE
Constantinople, 6 août.
On signale une recrudescence du mouvement
insurrectionnel en Macédoine.
Dans le vilayet de Monastir, un pont a été
détruit, des villages ont été incendiés, le télé-
graphe coupé.
Le conseil des ministres s'est réuni hier en
séance extraordinaire au palais pour prendre
les mesures quo réclame la situation.
On signale l'exode vers la frontière russe de
plusieurs centaines d'Arméniens. La Russie les
repousse, tandis que les soldats turcs les pour-
suivent.
LA VILLÉGIATURE
L'arrivée des vacances. — Pourquoi les
touristes se portent de plus en plus
vers la Suisse. — Les hôtels de ce
pays : leur confortable, leur bon
marché. — Une société d'orga-
nisation et de propagande. -
Les syndicats d'initiative. —
La nécessité de rendre nos
hôtels plus confortables.
- L'initiative du Tou-
ring Club.
Le temps des vacances est arrivé. Les lycées
et écoles sont fermés, et les élèves prennent un
repos bien gagné; après dix mois d'une réclu
sion qu'on adoucit de jour en jour, mais qui
ne leur en parait pas moins longue et ennuyeu-
se ; ils ne sont pas, d'ailleurs, les seuls à quit-
ter pendant quelques semaines leurs occupa-
tions pour goûter le plaisir d'un doux « far-
niente » ; tous ceux qui peuvent délaisser mo-
mentanément leurs travaux quotidiens s'em-
pressent de fuir à la campagne, ou dans une:
istation thermale, ou encore dans quelqae loca-
tlité perdue des Alpes ou des Pyrénées, pour
respirer un air sain et pur, pour trouver un
peu de fraîcheur pendant la période des cha-
leurs.
Les hôtels suisses
Le fait est que, d'année en année, le nombre
des touristes augmente; je lisais justement, ces
derniers jours, dans le Temps, une statistique
:intértssante sur la Suisse et ses hôtels ; il faut
idire que ce pays n'attire pas seulement les
:voyageurs par la beauté de ses sites et la tem-
¡pératuro supportable qu'on est heureux d'y
,constater en plein mois d'août; ce qui y attire
iaœ:si les personnes désireuses de passer un été'
'agréable, c'est le bon marché do ses hôtels : en
1899, on en comptait 1.896 ouverts toute l'an-
inée et 945 seulement pendant la saison. Ces
ihôtels -- dont la grande majorité comptait de
[20 à 100 lits — disposaient ensemble-do 104.876
Ilits de voyageurs, plus 12.279 lits de réserve,
:et 37.299 lits pour les familles et le pprsonnel;
soit un total général de 154.454 lits. Générale-
;ment l'ameublement est sommaire, mais con-
fortable et hygiénique, le linge abondant et
:irréprochable; presque partout il y a des lava-
bos où l'on a l'eau à discrétion. Enfin — ce
qui est le plus appréciable — après le départ
:de chaque voyageur, non seulement la literie
'.est complètement renouvelée, mais les plan-
rchers et les boiseries sont lessivés soigneuse-
ment : voilà une habitude excellente que nos
hôteliers français ne feraient pas mal d'adop-
ter.
D'autre part, la nourriture — qui est mé-
diocre comme finesse — est toujours saine et
abondante.
Quant aux prix, ils sont bien moins élevés
que dans les stations balnéaires do Franco : à
Aix-les-Bains comme à Biarritz, à Trouville
comme à Luchon; on ne peut trouver un hôtel
'de second ordre où l'on paie moins de 7 ou
8 fr. par jour. Je ne parle pas bien entendu
:des établissements de premier ordre qui dé-
mandent 20 à 25 fr. par jour, et qui sont aussi
.chers à Genève ou à Berne qu'en France ; mais
les prix des hôtels moyens de Suisse varient
entre 6, 5 et même 4 francs par jour. Et, avec
!les combinaisons de billets circulaires qui ré-
duisent sensiblement les frais de parcours, les
familles nombreuses peuvent aller passer quel-
ques semaines à Fribourg, à Zurich, voire à
Vevey, sans que la dépense totale du voyage
,et du séjour « écorne » par trop un modeste
budget.
La Société suisse des hôteliers
D'ailleurs, les Suisses cherchent à attirer la
clientèle par des progrès incessants dans l'or-
ganisation de leurs hôtels et la publicité : Ils
ont formée une « Société suisse des hôteliers)
qui, en 1900, comprenait 800 membres repré-
sentant 65,000 lits et un capital de 80 millions;
elle a publié un livret-guide tiré à 1,500,000;
exemplaires avec la liste des hôtels et l'indica-
tion détaillée des prix ; elle a édité une carte
de la Suisse donnant la figure du terrain ; elle
a fondé une école professionnelle qui comprend
dos cours de langues étrangères, de calcul, de:
calligraphie, de géographie, etc., et où on
donne sur l'organisation des hôtels et les de-
voirs professionnels, des leçons qui sont accom-
pagnées d'exercices pratiques très utiles.
Ce que l'on fait en France
Voilà un exemple que nous ne ferions pas.
mal de suivre; on crée en ce moment dans les;
diverses parties de la France des syndicats!
d'initiative destinés à faire connaitre davantage;
les merveilleux sites du Dauphiné, de l'Auver'*
gne, des Pyrénées, ainsi que certaines de nos:
plages peu fréquentées et qui sont cependant";
parmi les plus pittoresques. L'œuvre de ces
nouveaux comités est excellente, mais elle de-
vrait bien être complétée par une réforma qui
viserait à augmenter le confortable de nos hô-
tels, surtout des hôtels moyens; en effet, les
voyageurs de commerce — qui constituent leur
principale clientèle — sont exigeants pour la,
nourriture, mais se soucient très peu de la pro-
preté et du service. Il n'en est pas do même des:
touristes qui hésitent encore trop souvent à soi
mettre en route, parce qu'ils craignent do ne':
pas retrouver dans les hôtels le confortable de:
lour chez soi.
Pour que cette mentalité change, il faut que
les propriétaires d'hôtels n'hésitent pas à faire
les modifications nécessaires, à installer par
exemple dans les salles à manger des tables.
séparées au lieu de la traditionnelle table
d'hôteet surtout à prendre !e° mesures hygié-
niques qu'entrainent forcément les progrès de
la scieuee médicale ; une propreté méticuleuse
non seulement des chambres, mais encore de
toutes les parties de l'hôtel attirera davantage
les touristes que les réclames les plus tapa-
geuses.
Uae excellente initiative
C'est ce qu'a très bien compris M. Ballif, le
président du Touring-Club ; il a dressé à cet
effet un plan de chambres confortables qu'il -'
a soumis aux hôteliers : ceux-ci sont invités à
s'y conformer, moyennant quoi on inscrira
leur maison sur la liste de celles que le Tou-
ricg-Club recommande.
Cette décision est excellente, mais elle ne doit
pas rester bolée. Notre cuisine et nos vins ont
une réputation univcrselie; il serait insensé de
rester en arrière pour nos chambres ; nos hôte-
liers — surtout ceux des villes d'eaux — ont
le plus grand intérêt à ne pas se laisser distan-
cer à ce point de vue par leurs collègues étran-
gers : s'ils veulent que non seulement les Fran-
çais, mais aussi les Anglais et les Allemands
n'abandonnent pas nos stations pour celles de
la Suisse ou d'autres pays, ils feront les réfor-
mes nécessaires et ils se décideront à abaisser
leurs prix, qui sont souvent quelque peu exa-
gérés.
FRANÇOIS VIEL.
La résolution aux Philippines
(De notre correspondant particulier}
Chicago, 6 août.
M. Decring,notablo commerçant de Chicago,
qui vient d'arriver dés Philippines, confirme
qu'une nouvelle insurrection y a éclaté. Les
habitante introduisent clandestinement des ar-
mes ; ont-ils formé des pelotons qui apprennent
l'exercice sous le commandement des déser-
teurs de l'armée américaine.
Ces déserteurs sont presque tous nègres. Ils
veulent se venger des lynchages dont leurs
congénères sont si fréquemment victimes.
Voir à la 3° page
les Dernières Dépêches
de la nuit
et la Revue des Journaux
du matin
LA GRACE DE LOIZEMANT
On annonce que M. Loubet vient de commuer
la peine do mort prononcée par la cour d'assi-
ses de l'Aisne contre Loizemant, le commis des
contributions indirectes condamné pour assas-
sinat, en celle des travaux forcés à perpétuité.
C'est déjà un pas de fait en avant vers la
réhabilitation de ce malheureux, dont la culpa-
bilité est loin d'être établie. L'honneur en re-
vient en partie à l'Union générale des contri-
butions indirectes, qui recueillit parmi les col-
lègues de Loizemant cinq mille signatures de
pétitionnaires demandant à M. le Président de
la République d'user de son pouvoir souverain
et de faire un acte de générosité.
On sait que Loizemant n'a échappé à la guil-
lotine que pour tomber dans la folie. Il est
maintenant privé do raison, Que va-t-on en
faire ? Je ne pense pas qu'on puisse l'envoyer
au bagne, ce serait l'achever. Le cabanon l'at-
tend.
Mais ceux qui se sont intéressés à lui ne sont
pas las. Il s'agit maintenant d'arriver à la ré-
vision de ce procès, de trouver le fait nouveau
qui la rendra possible. Les bonnes volontés ne
manqueront point, et le courage ne fera pas
défaut aux amis du condamné. Souhaitons que
leurs efforts ne soient pas inutiles et qu'ils par-
viennent à obtenir bientôt la réparation de l'in-
justice. — A.
--
DANS LE 19° ARRONDISSEMENT
Après-demain dimanche, aura lieu, sur le
bassin de la Villette, une grande fête nautique.
Cette fête sera donnée sous la présidence
d'honneur de MM. Ch. Bos, Clovis Hugues,
députés ; Rozier Lajarrige, conseillers muni-
cipaux ; Mathurin Moreau, maire du 19e ; Gar-
cin, Vivent, G. Mosnier, Buisson, adjoints, et
sous la présidence effective du citoyen Paris,,
conseiller municipal.
Le programme comprend des exercices du
sous-marin démontable Thuau, puis une grande
représentation acrobatique, donnée sous la di-
rection de M. Magron. Enfin, les joutes à la
lance auront lieu sous la direction do M.
Berry. sera annoncée par des salves; à 1 b.,
La fête sera annoncée par des salves ; à 1 h.,
les musiques et les jouteurs défileront, et à 6
h. aura lieu la distribution des récompenses.
Chaque efttrée donne droit à un numéro de
tombola, participant au tirage d'un quart d'o-
bligation de la Ville de Paris. La tombola sera
tirée à l'issue de la fête.
———————————— -
UN NOUVEAU CANON ESPAGNOL
(De notre correspondant particulier)
Madrid, 6 août.
Le général Ordonez a inventé un nouveau
canon qui, au dire des hommes compétents,
serait l'engin de guerre le plus puissant du
monde. Il lance un projectile de 250 kilogram-
mes à une distance d'ènviron douze kilomètres.
A un kilomètre l'obus transperce une plaque
blindée do 45 centimètres d'épaisseur.
:—: « ♦ ——
La aanifesiaiioa Siordaaa Sruao
(De notre correspondant particulier)
Rome, 6 août.
La préfecture de police a fait savoir aux so-
ciétés de Libre Pensée et aux groupes républi-
cains qu'elle ne permettra aucun pèlerinageau
monument de Giordano Bruno. Cette interdic-
tion a été prononcée, en égard au couronne-
ment du nouveau pape, mais elle en est pas
moins critiquée par l'opinion publique.
———————————— ———————————.
LA VEUVE D'UN CHEF D'ETAT
(De notre correspondant particulier)
New-York, 6 août.
La veuve du général Barrio, ancien prési-
dent de la République de Guatemala, a été ar-
rêtée pour ivresse manifeste. La pauvre femme
est arrivée à cet état de dégradation par suite
de la misère.
■ ■»—— ii i i
DON CARLOS S'AGITE
(De notre correspondant particulier)
Venise, 6 août.
Le prétendant don Carlos, avec toute sa
suite, a quitté Venise et est allé sur le terri-
toire suisse où il doit se rencontrer avec plu-
sieurs chefs de son parti et quelques monar-
chistes français.
Don Carlos, qui n'était pas très bien vu au
Saint-Siège du vivant de Léon XIII, espère
rentrer en grâce avec l'avènement du nouveau
pape, dont il a fait la connaissance à Venise.
Il attend, dit-on, un messager spécial qu'il
avait envoyé au Vatican.
«*»
LE NOUVEAU PAPE
Avant le couronnement
, Rome, 6 août.
Ainsi que je vous l'ai télégraphié hier, le
couronnement aura lieu dimanche matin à
Saint-Pierre. On a voulu attribuer une signifi-
cation politique à co changement dans le cé-
rémonial. lo couronnement do Léon XllI,
ayant eu lieu dans la chapelle Sixtine. Il n'en
est rien : la chaleur est forte, la Sixtine est
petite et ne contient que peu de fidèles, voilà
-la raison principale de cette décision. D'ail-
leurs, dans la cérémonie à Saint-Pierre, ory ne
sera admis que sur invitation. Co sera donc
absolument une cérémonie privée, comme si
elle avait eu lieu à la Sixtine.
La réception du corps diplomatique
Le corps diplomatique, cti grand uniforme,
a été reçu ce matin par Pio-X, en audience of-
ftcielle,*dans l'appartement qu'occupait le car-
dinal Hampolla.
L'ambassadeur de Portugal, M. Marlins
d'Antas, prononça en français un discours
dans lequel il présenta au Saint-Père les
vœux du corps diplomatique.
Pie X, lo geste sobre et la voix claire, ré-
pondit en italien.
Le maître de chambre, Mgr Bisleti, pré-
senta alors séparément chaque ambassadeur,
par rang d'anciennoté. Tous les membres du
corps diplomatique baisèrent la mulo du
pape.
fVeir ia suite dans Mire DEUXIEME EfilTlQNi
L'AFFAIRE HUMBERT
AVANT L'AUDIENCE
Présidés par M. Bonnet. l'un des plus habiles
conseillers à la Cour de Paris, les débats dé
l'affaire Humbert, que M' Waldeck-Rousseau a
appelée la « plus grande escroquerie du sièc:e)),
commenceront demain samedi devant le jury
et la Cour d'assises de la Seine, à moins cepen-
dant — il faut tout prévoir — quo l'indisposi-
tion dont on parle depuis quelque temps vienne
s'abattre sur Mme Thérèse Humbert, auquel
cas, les juges seraient bien obligés de renvoyer
l'affaire à une autre session, ce qui, entre pa-
renthèses, comblerait d'aise jurés, magis-,
;trats et journalistes, le président ayant l'inten-
tion féroce de faire durer les audiences de midi
à sept heures, par une température tropicale.
Quoiqu'il en soit, pour que nos lecteurs puis-
sent suivre facilement les débats, nous allons
exposer les grandes lignes de l'affaire Humbert;
sans avoir la prétention d'imiter ceux qui se
livrent à une étude de haute psychologie sur la ;
femme rusée, habile et intelligente qu'on a
surnommée la « grande Thérèse ». Faire inter-i
venir dans l'occurrence la science obscure -et;
ennuyeuse chère à M. Brunetière ou à M.
Bourget, me parait excessif.
Cette affaire serait restée ce qu'elle est en
réalité, une affaire d'escroquerie, la plus grande
du siècle, soit, mais une affaire d'escroquerie
comme nous en voyons, on raccourci, tous les
jours, en police correctionnelle, si l'héroïne
n'avait pas été la bello-fille d'un ancien garde i
des sceaux très en vue dans lo parti républi-:
cain, et si les aigrefins du nationalisme n'a-
vaient saisi cette nouvelle occasion pour se li-
vrer à leurs exercices naturels. Nous doutons
fort que les débats étanchent leur soif de scan-
dale, et nous serions surpris si 1 intérêt était
aussi vif qu'on le croit. Des débats où il serai
remué tant de chiffras, tant de comptes, tant
d'incidents de procédure et tant de procès ne!
semblent pas devoir être profondément sensa-
lionnels, et les usuriers, les gogos éternels qui
se sont laissés prendre aux filets de Mme Thé-
rèse Humbert pourraient bien occuper le pre-,
mier plan de la comédie ourdie de main de
maître par la petite paysanne d'Aussonne.
Le quatuor Humbert-Daurignac
Quatre accusés, pardon, trois accusés, seront
assis sur le banc d'infamie, puisque Mme
Humbert, avec permission spéciale du prési-
dent et vu son état de santé, prondra place d. ns
un confortable fauteuil.
Mme Humbert, née Thtb'èse Danrignac, est
née le 10 septembre 1855 à Aussonne (Haute--
Garonne). De bonne heure elle s'annonça com-
me une fille de tête, orgueilleuse, intrigante,:
prêlo à quitter ses champs pour briller et par-,
venir dans le monde.
Elle a trois frères et deux sœurs. Deux de ses-
frères, Romain et Emilejouent à côté d'elle un
rôle dans l'histoire du fameux testament:
Crawford, puis après dans la création de la:
Rente viagère.
M. Gustave Humbert, sénateur de la Haute-
Garonne, possédait une propriété à Vauzelle, ;
:non loin de la commune d'Aussonne, où de-
meuraient les Daurignac. Des relations de bon
voisinage s'établirent entre les deux familles
et Thérèso Daurignac ayant vu dans le fils du
sénateur, M. Frédéric Humbert, jeune étudiant
alors, le marche-pied de sa fortune future, elle
manœuvra vers le conjungo et réussit.
Le mariage eut lieu lo 7 septembre 1878, et
fut suivi do deux autres mariages dans les'
deux familles. En 1880, Emile Daurignacépou--
sait Mlle Alice Humbert, sœur de Frédéric,
et en 1881 Mlle Marie-Louise Daurignac de:
venait la femme de M. Joseph Humbert, frère
de Frédéric, mort depuis.
Seules restaient jeunes filles, dans les deux,
familles, Mlle Eve Humbert et Mlle Maria:
'Daurignac. Cette dernière, dans l'intrigue du,.
testament, joue le rôle curieux de l'« éternelle:
-fiancée ». -
Lorsqu'elle épousa le fils du futur ministre
et président de la cour demptes, Mlle Thé- ;
:rèse Daurignac était sans fortune. Elle avait
vingt trois ans et son mari vingt et un an.
M. Frédéric Humbert est né à Paris, le 19
juillet 1837. Lorsqu'il faisait sa cour à Aus1
sonne, il s'occupait déjà do littérature et son- :
geait à devenir artiste peintre* Avant d'être ;
nommé député de Seine-et-Marne, brasseur
d'affaires financières, il publia un volume de
vers et étudia la peinture chez le maître Roy-
bet, qui devait être un jour une de ses victi-.
mes et prononcer le mot connu à propos des
tableaux de son élèves reçus au Salon : (1 Le
malheureux ne savait même pas tenir un
crayon I »
Le frère cadet de Mme Thérèse Humbert,
Romain Daurignac, est né à Aussone, le 25 no-
vembre 1857, c'est lui qui a fondé et adminis-
tré la Rente Viagèi-ç de Paris que dirigeait M.
Frédéric Humbert. Il a beaucoup voyagé no-
tamment en Amérique oùil luiserait arrivé des
aventures fantastiques qu'il a racontées dans
jun livre.
: Quant au frère ainô de la grande Thérèse,
Emile Daurignac, il est né également à Aus-
sonne, le 2 février 1854. Il a administré la
Rente viagère et a géré à Mograne, près do
Zaghouan, une propriété de sa sœur.
Dans le système de l'accusation, Romain et
Emile Daurignac ne seraient autres que Ro-
bert et Henry Crawford, les prétendus neveux
de l'Anglais Crawford qui aurait laissé à Thé-
rèse Daurignac en mourant une fortune de 100
millions.
- Le testament de R.-H. Crawford
Après leur mariage, M. et Mme Frédéric
Humbort vinrent s'installer à Paris, pour la
réalisation du plan absolument génial composé
par Mme Humbert pour arriver à faire rapide-
ment fortune.
> Toute la famille Daurignac les suivit et peu
après circula l'histoiiredu testament de l'Anglais
;Crawford. Cette histoire n'eut tout d'abord au-
cun succès à Aussonne. Elle en eut davantage à
Paris.
Mme Thérèse Humbert raconta et fit raconter
qu'avant son premier mariage elle avait failli
se marier avec un riche étranger — ce fut d'a-
bord un Portugais, puis un Américain, enfin un
Anglais - qu'elle avait eu l'occasion de soi-
gner d'une grave maladie et qui en mouranl,
s'était souvenu d'elle, et lui avait légué par tes-
tament une somme de cent millions.
Après avoir cité Toulouse, Mme Thérèse Hum-
bert Onit par dire que c'était à Nice que le mil-
lionnaire Crawford l'avait instituée sa léga-
taire universelle. Elle ne montrait pas d'ail-
leurs l'original du testament, daté d'après elle
du 6 septembre 1877,sous prétexte que le tes-
tatairo avait écrit ses dernières volontés sur le
mur de l'hôtel où il expira, hôtel dont elle tai-
sait le nom. Elle ne produisait que la copie de
ce testament mural, et cependant elle trouva
des imbéciles pour y croire puisque des capita-
listes lui apportèrent des fonds à l'aide des-
quels elle acheta le château des Eaux-Vives, la
propriété de Celeyran et l'hôtel historique de
l'avenue do la Grande Armée.
Apparition des frères Crawford
BrÚsquèment, au milieu de son luxe, de, son
triomphe, de son rêve de paysanne réalisé, elle
rcçùt un beau malin, en mars 1883, la visite
de deux intrus disant se nommer Robert e),
Henry Crawford et porteurs du testament sol-
vant :
-
Ceci est mon testament.
Je veux qu'après ma mort tout ce que je possède
soit partagé en trois : un tiors à Marie Daurignac.,
un tiers à mon neveu Henri Crawford, un tiers à
mon neveu Robert Crawford, à charge par ces
derniers do pîacor en France un capital p.-élevé sur
leur part, suffisant pour servir à Thérèse Daurignac
une pension viagère de 30.000 fr. par mois.
Nice, 6 septembre 1877.
- H. R.CaAwFo!'D.
Comme on le voit, la comédie se corsait. *
Mme Humbert change de rôle
Après avoir pris connaissance de ce testa-
ment, daté, comme le testament de Nice, du -6
septembre 1877, Mme Humbert aurait poussé
un cri de détresse. Au lieu de 100 millions, elle
n'avait plus que 360.000 francs de rente via-
gère. Elle protesta, cria, fulmina.
L'aîné des frères Crawford calma sa colèra
on lui proposant de l'épouser; puis, apprenant
qu'elle était mariée, il demanda la main de sa
sœur Maria Daurignac.
— Mais, monsieur, lui dit Mme Humbert,
cette enfant est mineure.
— Eh bien, nous attendrons, objecta galam-
ment le prétendant.
Et, pour sauvegarder l'intérêt de tous, ou
rédigea l'acte que voici :
Entre les soussignés,
Monsieur et Madame Humbert,
Messieurs Henry Crawford et Robert Crawford,
Il a été convenu ce qui suit :
Toutes les valeurs et tous les titres constituant
l'actif de la succession de M. Crawford sont mis
sous séquestre et confiés à là garde de M. et de
Mme Humbert, sous leur responsabilité, jusqu'à ce
que, par suite de-la majorité de Mlle d'Aurignac
tous les héritiers, sans exception, institués dans
l'un ou l'autre testament, puissent s'entendre amia-
blement pour une transaction équitable, ou qu'à
défaut de transaction les tribunaux aient statué
sur les droits de chacun par jugement définitif ;
Jusqu'à ce que l'une ou l'autre de ces solutions
soit intervenue, M. et Mme Humbert s'engagent à
conserver fidèlement dans leur nature tous les
tftres qui leur sont confiés en dépôt ; ils ne pour-
ront, sous aucun prétexte, aliéner aucune de ces
valeurs ni les engager pour un emprunt, ni chan-
ger le mode de placement d'aucune des sommes
qu'elles représentent ; ils toucheront les arrérages
à charge d'en faire, dans les trois jours du paie-
ment) le placement en rentes sur l'Etat français
au porteur, à moins que les autres parties jugent
mepnot, rteur, de différer momentanément' co place-
opportun de dUJércl' momentanément' 00 place-
ment.
Ils devront représenter la totalité des valeurs
à toute réquisition de MM. Crawford ou de leurs
mandataires et justifier du placement régulier -des
arrérages.
M. et Mme Humbert s'engagent sur leur parole
d'honneur, à ne rien changer sous aucun prétexte
aux conventions qui précôdént sans le consente-
ment de. M. Crawford.
Fait à Paris, le 14 mars 1883, en autant d'origi-
naux que de parties intéressées.
, Approuvé l'écriture ci-dessus et autorisant lI0
femme.
ROBERT CRAWFORD. FRÉDÉRIC HUMBERT.
IIE;\IRI CRAWFORD. THÉRÈSE HUMBERT.
'Rian de plus formel.Sous peine d'irrémédia-
ble déchéance, l'héritière des cent millions n'en
était plus que la scrupuleuse gardienne. Mme
Thérèse Humhert changeait de rôle, et elle fai-
sant entrer en scène sa sœur.
Mlle Maria Daurignac
Mlle Maria Daurignac commençait à * cotte
époque sa vingtième année, étant née le 3 dé-
cembrel863. C'est cette jeune fille qui va dé-
sormais, à son insu, jouer dans la comédie la
rôle muet de l'éternelle fiancée, sous l'adroite
direction de Mme Humbert.
Ori se souvient qu'impliquée à l'origine dans
les poursuites, Mlle Maria Daurignac bénéfi
cia d'un non-lieu après le procès Cattauï, oi
elle figura si pauvrement et si douloureuse"
ment à la fois. - '-
Par le fait de la transaction du 14 mars 1882
les cent millions dormirent dans le coffre-fort
dont" Mme Humbert était le séquestre. Si Mllf
Maria Daurignac sa mariait, c'était la ruine
générale. Il importait donc r qu'elle fût fiancée
éternellement pour qu'on puisse emprunter sui
l'héritage de l'Anglais Crawford.
Bien mieux, les deux frèrea Crawford; las de *
ne pouvoir décider Mlle Maria Daurignac à st
marier, se montrèrent, six. jours après qu elle
eût atteint sa majorité, absolument chevaleres-
ques et grands seigneurs.
Ils écrivirent aux époux Humbert le biUet
suggestif que voici : »
Paris, 9 décembre 1881.
A Monsieur et Madame Humbert,
Nous nous engageons solidairement à reeonoal-
tre nul le testament de notre oncle, où nous so
mes nommés et à ne plus rien réclamer jamais de
son héritage, si vous vous engagez, de votre CÓtè,
envers nous, à remettre à chacun de noustroisr
millions de francs comme transaction.
Recevez, etc.
H. CRAWFORD. R. CRAWFORD.
Deux jours après les deux frères recevaient
la réponse suivante :
Paris, le Il décembre 1884.
A Messieurs H. et R. Crawford, hôtel Westminster,
rue de la Paix, Paris.
En réponse à votre lettre du 9 courant, par la-
quelle vous vous proposez de renoncer à tous les
droits que vous pourriez avoir sur la succession de
votre oncle moyennant Ja somme de trois millions
de francs à remettre à hacun de vous deux à titre
de transaction, nous avons l'honneur de vous fairo
connaître que nous acceptons cette proposition.
Recelez nos salutations.
T. HUMBERT. F. HUMBERT.
Le maquis de la procédure
Celle transaction du 11 décembre 1884, li-
brement offerte et librement acceptée devrait.
ce semble, tout terminer, les parties n'ayant
plus qu'à s'embrasser. Vous croyez ? C'est que
vous ne connaissez pas les ressources prodi-
gieuses de l'habileté de Mme Thérèse Hum-
bert, qui, désormais, va s'incarner comme une
procédurière émérite.
On a prétendu que cette femme supérieure
avait été conduite dans le maquis de la procès
dure par des mains expertes. On a cité beau-
coup de noms, on n'a jamais apporté aucune
preuve. Peut-être les débats feront-ils la lu-
mière sur ce point spécial. On peut en douter.
Dans tous les cas on comprendra que je me
hâte sur ce terrain broussailleux en diable, au
milieu de l'incessant chassé-croisé de manœu-
vres juridiques, lesquelles commenceront dès
ce moment et ne se termineront qu'au jour Je
l'effondrement final grâce au flair du premier
président Forichoa.
Tout d'abord, les frères Crawford refusent
— d'après Mme Humbert — d'exécuter la con-
vention du 9 décembre 1884. Les époux Hum-
bert les assignent et ils sont condamnés par
défaut par le tribunal de la Seine le 21 octobre
1885 à exécuter la dite convention.
Vous avez bien lu, par défaut. C'est que le?
frères Grawford sont invisibles. Personne neles
a jamais vus, ne les connait, ai leur conseils,
ce qui est stupéfiant, ni les invités du dîner de
fiançailles qui eut lieu avenue de la Grande-
Armée et qui avait pour but de stimuler le zèle
des prêteurs en donnant une preuve do 1 exis-
tence des deux frères et l'explication ues procès
engagés..
C'est à la fin de cet intermède de la comedie
- que les débats élucideront peut-etro — que
le personnage qui jouait le rôle du fiancé vou-
lut passer un anneau d'or au doigt de Mlle Ma-
ria Daurignac laquelle,rouge d'indignation, fou
dit en larmes et se sauva à la grande siupéfa*
üt Mme HumberL
;;. - z
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Le Numéro CINQ CENTIMES
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No 12202. — Samedi 8 Août 1903
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NOS LEA DERS
'--
EN PTË
Qui, je le demande, n'admirerait
l'inielligente prudence dont vient de
faire preuve le prince Ferdinand de
Bulgarie ? Ce souverain avisé a quitté
Sofia, sa capitale, subrepticement, avec
sa famille, et ne s'est arrêté que quand
il s'est senti en sûreté, c'est-à-dire :
hors de chez lui. Quel soupir de sou-
lagement a dû s'exhaler de son sein
lorsqu'il a pu se dire qu'il était hors
de l'atteinte de ses sujets. Touchantes
relations, vraiment, entre roi et peu-
ple!
Quant à ceux qui se sont étonnés
de ce départ précipité que nul danger
imminent ne semblait motiver, le prin-
ce Ferdinand doit penser qu'ils en
parlent bien à leur aise. Mais s'il avait
attendu que le danger fùt imminent,
il n'aurait sans doute plus eu le temps
de s'y soustraire.
L'exemple trop récent de la tragédie
de Belgrade était là pour lui appren-
dre ce qu'il en coûte de trop attendre.
Les Bulgares ne sont pas plus com-
modes que les Serbes. Vous vous rap-
pelez la belle façon dont ils ont ar-
rangé StanlboulofI. A ce moment cri-
tique, déjà, par prudence, Ferdinand
s'était « éloigné »; il ne revint, ne ren-
tra dans son palais que lorsque le ciel
fut redevenu à peu près serein. Et
puis il y a des souvenirs inquiétants.
Le prédécesseur de ce Ferdinand, le
prince de Battenberg fut, une fois, en-
levé — conspiration d'officiers — et
n'eut la vie sauve que par miracle
Tout cela n'était pas très rassurant,
vous en conviendrez.
Or rien n'est contagieux comme le
meurtre, rien ne grise les hommes
comme l'odeur du sang versé, Ferdi-
nand pouvait craindre avec assez de
raison que, par esprit d'imitation, ja-
loux de s'égaler aux auteurs de la
boucherie de Belgrade, certains de ses
sujets n'nefonçassent, une nuit ou
l'autre, les portes de la résidence
royale de Sofia,et n'ouvrissent, à coups
de sabre et de revolver, fa succession
au trône de Bulgarie.
Il s'est vu, en rêve, égorgé, précipité,
cadavre percé de coups, par une fe-
nêtre ; peut-être aussi a-t-il songé au
sort de ses belles-sœurs, s'il en a, ce
que j'ignore, qui seraient condamnées
par la suite, comme les sœurs de la
reine Draga, à demander au café-con-
cert des ressources alimentaires. Il a
préféré décamper. Encore une fois qui
le blâmerait?
*
Mais je pense avec une sorte de pi-
tié à ces pauvres rois dont l'existence
est une angoisse perpétuelle, qui vivent
au milieu d'une atmosphère de ter-
reur ; terreur qu'ils inspirent à leurs
sujets tenus sous le joug, terreur
que, par répercussion, leur infligent
ces sujets toujours capables dans un
accès de révolte de briser leurs entra-
ves. C'est un peu la situation du domp-
teur dans la cage. :
Les lions l'entourent, abrutis de ser-
vitude, si accoutumés à obéir qu'ils ne
se souviennent même presque plus
d'avoir été libres, autrefois. Il les fait
passer de droite à gauche, se dresser
tout debout, passer par-dessus une
barre de bois, prendre sur des demi-
tonneaux renversés des attitudes plus
au moins plastiques ; il leur parle avec
J'udesse, frappe du pied, les cingle de
son fouet, les refoule avec le manche
de sa fourche, et, troupeau docile, ils
s'effacent, tête basse, devant son geste
dominateur.
Mais il doit demeurer sans cesse sur
le qui-vive ; il ne faut pas qu'il s'en-
dorme, pas qu'il détourne son regard
un instant Les belluaires finissent mal,
d'habitude, c'est connu. Le nombre est
restreint de ceux qui meurent dansleur
lit. La plupart succombent, un jour ou
l'autre, sous l'étreinte sanglante du
fauve illuminé tout à coup par un éclair
de liberté.
Vous imaginez-vous ce Ferdinand
en son palais, tressaillant au bruit de
toute porte qui s'ouvre, soupçonnant
un traître dans tout serviteur qui le
frôle en passant, n'approchant pas un
verre d'eau de ses lèvres sans avoir la
crainte d'y trouver au fond un arrière-
goût de poison. Comment pourrait-il
dormir ? Des soldats, des officiers l'en-
tourent, niais qui sait si ces soldats,
ces officiers ne conspirent pas, si leurs
armes qui ont pour missiun de le dé-
fendre ne vont pas se tourner contre
lui? Est-il protégé par eux, ou déjà
leur prisonnier? Vous le voyez faisant
sa ronde avant de se mettre au lit, s'as-
surant que toutes les fenêtres et toutes
les portes sont bien closes, palpant
d'un geste inquiet les tentures, s'age-
nouillant pour regarder si personne
n'est caché sous son lit. Enfin le voilà
sous les couvertures. Mais la peur le
tient éveillé; malgré lui, il tend l'oreille,
il tressaille ; n'a-t-on pas marché dans
-le corridor? n'a-t-en pas parlé sous
Tes fenêtres fl est debout, pieds nus,
hne arme à la main, courbé en avant,
prêt à essayer de se défendre, car il
sait que la ïmie serait impossible; et
bien qn soit en cbeittise, il sue, d'an-
goisse. Tel il vous apparait, fantôme
d'épouvante, autour duquel chucho-
tent; avec le bruit que fait le vent dans
'les feuilles des peupliers, les voix con-
ffuses des assassinés. Ah 1 le pauvre
iliomme ! ah ! le malheureux !
.**'
Ce qui m'étonne, c'est que l'on trouve
encore des gens pour faire ce périlleux
métier de roi ou de prince. Oh ! il a,
je le sais, des avantages; on est bien
payé. ^'importe !. On me dira que
ces peuplades des Balkans sont à demi-
sauvages encore; je n'en disconviens
-pas ; mais est-ce que dans les pays
civilisés, la sécurité des rois est beau-
coup plus assurée? On vient de com-
mémorer le premier anniversaire de
'l'assassinat du roi d'Italie. Je concède
volontiers, toutefois, qu'il ne s'agit ici
.que d'actes isolés, tandis que dans les
Balkans la terreur règne en perma-
nence. A demi-sauvages, oui, ces peu-
ples dont une sorte de légende mysté-
rieuse entoure les montagnes ; mais
'leurs rois se tromperaient s'ils ne;
:croyaient pas faire eux-mêmes partie
: intégrante de cette barbarie dont ils
sont si souvent les victimes. Lorsque
Karageorgewitch a pris possession du
trône de Serbie, un brigand fameux
de la région, un nommé Hia, qui s'in-
titule « roi des forêts » lui a écrit pour
le féliciter. Ce sont même, je crois
bien, les premières félicitations que
Pierre Ier ait reçues. Et à mon sens, il
n'y a pas à s'étonner d'entendre un
-chef de bandits appeler son frère un
roi de Serbie. Des bandits., mais.
comment appelez-vous ceux qui ont
; égorgé Alexandre et ceux devant les-
quels Ferdinand vient de fuir ?
Lucien Victor-Meunier
LA GRÈVE D'HENNEBONT
Les événements tout à fait dé-
plorables @ qui, à propos de la
grève d'Hennebont, viennent!
d'ensanglanter Loribnt, fournis-
sent aux réactionnaires une nou-
velle occasion de s'en prendre à
la loi qui reconnaît le droit de grève, et a
la République.
Ils oublient de remarquer qu'il n'est pas
de pays au monde où les grèves, somme
toute, soient moins violentes qu'en France,
précisément parce que les travailleurs, ar-
més d'un texte de loi, n'ont pas besoin de
se concerter dans l'ombre et de préparer
une cessation de travail comme on écha-
faude un complot. En se concertant pour
défendre leurs salaires, les ouvriers fran-
çais usent d'un drfiit que la loi leur recon-
naît formellement ; et, quoiqu'on prétende,
ceux que gène l'exercice de ce droit com-
mencent du moins à ne plus le nier,
et c'est ce qui, dans les trois quarts
des cas, empêche les différends sur les
questions de salaire de tourner au
conflit violent. A ce point de vue, que l'on
étudie ce qui se passe, en Espagne, en
Russie, dans les pays Où le droit de grève
n'est pas formellement reconnu, et l'on re-
connaîtra que les dissentiments entre em-
ployés et employeurs amènent, en général,
des incidents d'une nature beaucoup plus
grave que ehez nous.
En ce qui concerne les faits de Lorient,
il faut bien reconnaître que l'administra-
tion paraît avoir par trop rapidement fait
appel à la troupe. Que disent, en effet, les
dépêches de l'agence Havas sur le début
des troubles ? Citons :
- Hier soir, à g heures, une bande de 60 à 80
gamins, âgés de 12 à 18 ans, qui voulaient ma-
nifester contre les arrestations de grévistes
d'Hennebont, et contre les condamnations pro-
noncées par le tribunal, se mit il chantr j'ln-
temationale devant la caserne Bisson, et sous
les fenêtres de la prison.
Les chasseurs sortent aussitôt de la caserne,
et chargent au galop dans les rues Ducouedic,
Fénelon et Victor-Massé.
La place d'Al sacc-j-orra ine,, qui était remplie
de promeneurs, est balayée par les charges, etc.
Tel est le début, et c'est un récit officieux
qui nous renseigne; à qui fera-t-on croire
qu'il était utile de faire sortir les chasseurs
de la caserne pour repousser « 60 à 80 ga-
mins âgés de j2 à 18 ans )) et pour charger
[et balayer les « promeneurs )) de la plaee
d'Alsace-Lorraine ? Il y a eu là un excès de
,zèle. tout à fait fâcheux et condamnable Qui
est responsable de cet excès de zèle ? Qui a'
adonne de tels ordres? Nous finirons bien
par le savoir.
LE PALUDISME EN ALGÉRIE
M. Jonnart a eu un long entretien avec le
[docteur Roux, de l'Institut Pasteur, pour arrè-
ter avec lui les bases de l'organisation d'un,
,service destiné à combattre, en Algérie, le pa-
; ludisme qui, chaque année, y fait dé nombreu-
ses victimes.
Il semble acquis, aujourd'hui, que la fièvre
paludéenne est principalement propagée par
les moustiques dit « anophelès ». Il est relati-
'vement aisé de les détruire en recherchant les
mares d'eau stagnante où il naissent et se dé-
veloppent, et en desséchant ces mares. On sait
, quels résultats des plus encourageants ont été
obtenus, par l'application do cette méthode, en
Italie, en Egypte et surtout à la Havane.
Le gouverneur général de l'Algérie se pro-
pose donc de faire établir, tout d'abord, une
carte du paludisme dans les trois départements
.algériens, et de porter immédiatement ses ef-
forts sur les points où la fièvre paludéenne
exerce actuellement le plus de ravages.
—— ; ——•
L'INSURRECTION EH MACEoOINE
Constantinople, 6 août.
On signale une recrudescence du mouvement
insurrectionnel en Macédoine.
Dans le vilayet de Monastir, un pont a été
détruit, des villages ont été incendiés, le télé-
graphe coupé.
Le conseil des ministres s'est réuni hier en
séance extraordinaire au palais pour prendre
les mesures quo réclame la situation.
On signale l'exode vers la frontière russe de
plusieurs centaines d'Arméniens. La Russie les
repousse, tandis que les soldats turcs les pour-
suivent.
LA VILLÉGIATURE
L'arrivée des vacances. — Pourquoi les
touristes se portent de plus en plus
vers la Suisse. — Les hôtels de ce
pays : leur confortable, leur bon
marché. — Une société d'orga-
nisation et de propagande. -
Les syndicats d'initiative. —
La nécessité de rendre nos
hôtels plus confortables.
- L'initiative du Tou-
ring Club.
Le temps des vacances est arrivé. Les lycées
et écoles sont fermés, et les élèves prennent un
repos bien gagné; après dix mois d'une réclu
sion qu'on adoucit de jour en jour, mais qui
ne leur en parait pas moins longue et ennuyeu-
se ; ils ne sont pas, d'ailleurs, les seuls à quit-
ter pendant quelques semaines leurs occupa-
tions pour goûter le plaisir d'un doux « far-
niente » ; tous ceux qui peuvent délaisser mo-
mentanément leurs travaux quotidiens s'em-
pressent de fuir à la campagne, ou dans une:
istation thermale, ou encore dans quelqae loca-
tlité perdue des Alpes ou des Pyrénées, pour
respirer un air sain et pur, pour trouver un
peu de fraîcheur pendant la période des cha-
leurs.
Les hôtels suisses
Le fait est que, d'année en année, le nombre
des touristes augmente; je lisais justement, ces
derniers jours, dans le Temps, une statistique
:intértssante sur la Suisse et ses hôtels ; il faut
idire que ce pays n'attire pas seulement les
:voyageurs par la beauté de ses sites et la tem-
¡pératuro supportable qu'on est heureux d'y
,constater en plein mois d'août; ce qui y attire
iaœ:si les personnes désireuses de passer un été'
'agréable, c'est le bon marché do ses hôtels : en
1899, on en comptait 1.896 ouverts toute l'an-
inée et 945 seulement pendant la saison. Ces
ihôtels -- dont la grande majorité comptait de
[20 à 100 lits — disposaient ensemble-do 104.876
Ilits de voyageurs, plus 12.279 lits de réserve,
:et 37.299 lits pour les familles et le pprsonnel;
soit un total général de 154.454 lits. Générale-
;ment l'ameublement est sommaire, mais con-
fortable et hygiénique, le linge abondant et
:irréprochable; presque partout il y a des lava-
bos où l'on a l'eau à discrétion. Enfin — ce
qui est le plus appréciable — après le départ
:de chaque voyageur, non seulement la literie
'.est complètement renouvelée, mais les plan-
rchers et les boiseries sont lessivés soigneuse-
ment : voilà une habitude excellente que nos
hôteliers français ne feraient pas mal d'adop-
ter.
D'autre part, la nourriture — qui est mé-
diocre comme finesse — est toujours saine et
abondante.
Quant aux prix, ils sont bien moins élevés
que dans les stations balnéaires do Franco : à
Aix-les-Bains comme à Biarritz, à Trouville
comme à Luchon; on ne peut trouver un hôtel
'de second ordre où l'on paie moins de 7 ou
8 fr. par jour. Je ne parle pas bien entendu
:des établissements de premier ordre qui dé-
mandent 20 à 25 fr. par jour, et qui sont aussi
.chers à Genève ou à Berne qu'en France ; mais
les prix des hôtels moyens de Suisse varient
entre 6, 5 et même 4 francs par jour. Et, avec
!les combinaisons de billets circulaires qui ré-
duisent sensiblement les frais de parcours, les
familles nombreuses peuvent aller passer quel-
ques semaines à Fribourg, à Zurich, voire à
Vevey, sans que la dépense totale du voyage
,et du séjour « écorne » par trop un modeste
budget.
La Société suisse des hôteliers
D'ailleurs, les Suisses cherchent à attirer la
clientèle par des progrès incessants dans l'or-
ganisation de leurs hôtels et la publicité : Ils
ont formée une « Société suisse des hôteliers)
qui, en 1900, comprenait 800 membres repré-
sentant 65,000 lits et un capital de 80 millions;
elle a publié un livret-guide tiré à 1,500,000;
exemplaires avec la liste des hôtels et l'indica-
tion détaillée des prix ; elle a édité une carte
de la Suisse donnant la figure du terrain ; elle
a fondé une école professionnelle qui comprend
dos cours de langues étrangères, de calcul, de:
calligraphie, de géographie, etc., et où on
donne sur l'organisation des hôtels et les de-
voirs professionnels, des leçons qui sont accom-
pagnées d'exercices pratiques très utiles.
Ce que l'on fait en France
Voilà un exemple que nous ne ferions pas.
mal de suivre; on crée en ce moment dans les;
diverses parties de la France des syndicats!
d'initiative destinés à faire connaitre davantage;
les merveilleux sites du Dauphiné, de l'Auver'*
gne, des Pyrénées, ainsi que certaines de nos:
plages peu fréquentées et qui sont cependant";
parmi les plus pittoresques. L'œuvre de ces
nouveaux comités est excellente, mais elle de-
vrait bien être complétée par une réforma qui
viserait à augmenter le confortable de nos hô-
tels, surtout des hôtels moyens; en effet, les
voyageurs de commerce — qui constituent leur
principale clientèle — sont exigeants pour la,
nourriture, mais se soucient très peu de la pro-
preté et du service. Il n'en est pas do même des:
touristes qui hésitent encore trop souvent à soi
mettre en route, parce qu'ils craignent do ne':
pas retrouver dans les hôtels le confortable de:
lour chez soi.
Pour que cette mentalité change, il faut que
les propriétaires d'hôtels n'hésitent pas à faire
les modifications nécessaires, à installer par
exemple dans les salles à manger des tables.
séparées au lieu de la traditionnelle table
d'hôteet surtout à prendre !e° mesures hygié-
niques qu'entrainent forcément les progrès de
la scieuee médicale ; une propreté méticuleuse
non seulement des chambres, mais encore de
toutes les parties de l'hôtel attirera davantage
les touristes que les réclames les plus tapa-
geuses.
Uae excellente initiative
C'est ce qu'a très bien compris M. Ballif, le
président du Touring-Club ; il a dressé à cet
effet un plan de chambres confortables qu'il -'
a soumis aux hôteliers : ceux-ci sont invités à
s'y conformer, moyennant quoi on inscrira
leur maison sur la liste de celles que le Tou-
ricg-Club recommande.
Cette décision est excellente, mais elle ne doit
pas rester bolée. Notre cuisine et nos vins ont
une réputation univcrselie; il serait insensé de
rester en arrière pour nos chambres ; nos hôte-
liers — surtout ceux des villes d'eaux — ont
le plus grand intérêt à ne pas se laisser distan-
cer à ce point de vue par leurs collègues étran-
gers : s'ils veulent que non seulement les Fran-
çais, mais aussi les Anglais et les Allemands
n'abandonnent pas nos stations pour celles de
la Suisse ou d'autres pays, ils feront les réfor-
mes nécessaires et ils se décideront à abaisser
leurs prix, qui sont souvent quelque peu exa-
gérés.
FRANÇOIS VIEL.
La résolution aux Philippines
(De notre correspondant particulier}
Chicago, 6 août.
M. Decring,notablo commerçant de Chicago,
qui vient d'arriver dés Philippines, confirme
qu'une nouvelle insurrection y a éclaté. Les
habitante introduisent clandestinement des ar-
mes ; ont-ils formé des pelotons qui apprennent
l'exercice sous le commandement des déser-
teurs de l'armée américaine.
Ces déserteurs sont presque tous nègres. Ils
veulent se venger des lynchages dont leurs
congénères sont si fréquemment victimes.
Voir à la 3° page
les Dernières Dépêches
de la nuit
et la Revue des Journaux
du matin
LA GRACE DE LOIZEMANT
On annonce que M. Loubet vient de commuer
la peine do mort prononcée par la cour d'assi-
ses de l'Aisne contre Loizemant, le commis des
contributions indirectes condamné pour assas-
sinat, en celle des travaux forcés à perpétuité.
C'est déjà un pas de fait en avant vers la
réhabilitation de ce malheureux, dont la culpa-
bilité est loin d'être établie. L'honneur en re-
vient en partie à l'Union générale des contri-
butions indirectes, qui recueillit parmi les col-
lègues de Loizemant cinq mille signatures de
pétitionnaires demandant à M. le Président de
la République d'user de son pouvoir souverain
et de faire un acte de générosité.
On sait que Loizemant n'a échappé à la guil-
lotine que pour tomber dans la folie. Il est
maintenant privé do raison, Que va-t-on en
faire ? Je ne pense pas qu'on puisse l'envoyer
au bagne, ce serait l'achever. Le cabanon l'at-
tend.
Mais ceux qui se sont intéressés à lui ne sont
pas las. Il s'agit maintenant d'arriver à la ré-
vision de ce procès, de trouver le fait nouveau
qui la rendra possible. Les bonnes volontés ne
manqueront point, et le courage ne fera pas
défaut aux amis du condamné. Souhaitons que
leurs efforts ne soient pas inutiles et qu'ils par-
viennent à obtenir bientôt la réparation de l'in-
justice. — A.
--
DANS LE 19° ARRONDISSEMENT
Après-demain dimanche, aura lieu, sur le
bassin de la Villette, une grande fête nautique.
Cette fête sera donnée sous la présidence
d'honneur de MM. Ch. Bos, Clovis Hugues,
députés ; Rozier Lajarrige, conseillers muni-
cipaux ; Mathurin Moreau, maire du 19e ; Gar-
cin, Vivent, G. Mosnier, Buisson, adjoints, et
sous la présidence effective du citoyen Paris,,
conseiller municipal.
Le programme comprend des exercices du
sous-marin démontable Thuau, puis une grande
représentation acrobatique, donnée sous la di-
rection de M. Magron. Enfin, les joutes à la
lance auront lieu sous la direction do M.
Berry. sera annoncée par des salves; à 1 b.,
La fête sera annoncée par des salves ; à 1 h.,
les musiques et les jouteurs défileront, et à 6
h. aura lieu la distribution des récompenses.
Chaque efttrée donne droit à un numéro de
tombola, participant au tirage d'un quart d'o-
bligation de la Ville de Paris. La tombola sera
tirée à l'issue de la fête.
———————————— -
UN NOUVEAU CANON ESPAGNOL
(De notre correspondant particulier)
Madrid, 6 août.
Le général Ordonez a inventé un nouveau
canon qui, au dire des hommes compétents,
serait l'engin de guerre le plus puissant du
monde. Il lance un projectile de 250 kilogram-
mes à une distance d'ènviron douze kilomètres.
A un kilomètre l'obus transperce une plaque
blindée do 45 centimètres d'épaisseur.
:—: « ♦ ——
La aanifesiaiioa Siordaaa Sruao
(De notre correspondant particulier)
Rome, 6 août.
La préfecture de police a fait savoir aux so-
ciétés de Libre Pensée et aux groupes républi-
cains qu'elle ne permettra aucun pèlerinageau
monument de Giordano Bruno. Cette interdic-
tion a été prononcée, en égard au couronne-
ment du nouveau pape, mais elle en est pas
moins critiquée par l'opinion publique.
———————————— ———————————.
LA VEUVE D'UN CHEF D'ETAT
(De notre correspondant particulier)
New-York, 6 août.
La veuve du général Barrio, ancien prési-
dent de la République de Guatemala, a été ar-
rêtée pour ivresse manifeste. La pauvre femme
est arrivée à cet état de dégradation par suite
de la misère.
■ ■»—— ii i i
DON CARLOS S'AGITE
(De notre correspondant particulier)
Venise, 6 août.
Le prétendant don Carlos, avec toute sa
suite, a quitté Venise et est allé sur le terri-
toire suisse où il doit se rencontrer avec plu-
sieurs chefs de son parti et quelques monar-
chistes français.
Don Carlos, qui n'était pas très bien vu au
Saint-Siège du vivant de Léon XIII, espère
rentrer en grâce avec l'avènement du nouveau
pape, dont il a fait la connaissance à Venise.
Il attend, dit-on, un messager spécial qu'il
avait envoyé au Vatican.
«*»
LE NOUVEAU PAPE
Avant le couronnement
, Rome, 6 août.
Ainsi que je vous l'ai télégraphié hier, le
couronnement aura lieu dimanche matin à
Saint-Pierre. On a voulu attribuer une signifi-
cation politique à co changement dans le cé-
rémonial. lo couronnement do Léon XllI,
ayant eu lieu dans la chapelle Sixtine. Il n'en
est rien : la chaleur est forte, la Sixtine est
petite et ne contient que peu de fidèles, voilà
-la raison principale de cette décision. D'ail-
leurs, dans la cérémonie à Saint-Pierre, ory ne
sera admis que sur invitation. Co sera donc
absolument une cérémonie privée, comme si
elle avait eu lieu à la Sixtine.
La réception du corps diplomatique
Le corps diplomatique, cti grand uniforme,
a été reçu ce matin par Pio-X, en audience of-
ftcielle,*dans l'appartement qu'occupait le car-
dinal Hampolla.
L'ambassadeur de Portugal, M. Marlins
d'Antas, prononça en français un discours
dans lequel il présenta au Saint-Père les
vœux du corps diplomatique.
Pie X, lo geste sobre et la voix claire, ré-
pondit en italien.
Le maître de chambre, Mgr Bisleti, pré-
senta alors séparément chaque ambassadeur,
par rang d'anciennoté. Tous les membres du
corps diplomatique baisèrent la mulo du
pape.
fVeir ia suite dans Mire DEUXIEME EfilTlQNi
L'AFFAIRE HUMBERT
AVANT L'AUDIENCE
Présidés par M. Bonnet. l'un des plus habiles
conseillers à la Cour de Paris, les débats dé
l'affaire Humbert, que M' Waldeck-Rousseau a
appelée la « plus grande escroquerie du sièc:e)),
commenceront demain samedi devant le jury
et la Cour d'assises de la Seine, à moins cepen-
dant — il faut tout prévoir — quo l'indisposi-
tion dont on parle depuis quelque temps vienne
s'abattre sur Mme Thérèse Humbert, auquel
cas, les juges seraient bien obligés de renvoyer
l'affaire à une autre session, ce qui, entre pa-
renthèses, comblerait d'aise jurés, magis-,
;trats et journalistes, le président ayant l'inten-
tion féroce de faire durer les audiences de midi
à sept heures, par une température tropicale.
Quoiqu'il en soit, pour que nos lecteurs puis-
sent suivre facilement les débats, nous allons
exposer les grandes lignes de l'affaire Humbert;
sans avoir la prétention d'imiter ceux qui se
livrent à une étude de haute psychologie sur la ;
femme rusée, habile et intelligente qu'on a
surnommée la « grande Thérèse ». Faire inter-i
venir dans l'occurrence la science obscure -et;
ennuyeuse chère à M. Brunetière ou à M.
Bourget, me parait excessif.
Cette affaire serait restée ce qu'elle est en
réalité, une affaire d'escroquerie, la plus grande
du siècle, soit, mais une affaire d'escroquerie
comme nous en voyons, on raccourci, tous les
jours, en police correctionnelle, si l'héroïne
n'avait pas été la bello-fille d'un ancien garde i
des sceaux très en vue dans lo parti républi-:
cain, et si les aigrefins du nationalisme n'a-
vaient saisi cette nouvelle occasion pour se li-
vrer à leurs exercices naturels. Nous doutons
fort que les débats étanchent leur soif de scan-
dale, et nous serions surpris si 1 intérêt était
aussi vif qu'on le croit. Des débats où il serai
remué tant de chiffras, tant de comptes, tant
d'incidents de procédure et tant de procès ne!
semblent pas devoir être profondément sensa-
lionnels, et les usuriers, les gogos éternels qui
se sont laissés prendre aux filets de Mme Thé-
rèse Humbert pourraient bien occuper le pre-,
mier plan de la comédie ourdie de main de
maître par la petite paysanne d'Aussonne.
Le quatuor Humbert-Daurignac
Quatre accusés, pardon, trois accusés, seront
assis sur le banc d'infamie, puisque Mme
Humbert, avec permission spéciale du prési-
dent et vu son état de santé, prondra place d. ns
un confortable fauteuil.
Mme Humbert, née Thtb'èse Danrignac, est
née le 10 septembre 1855 à Aussonne (Haute--
Garonne). De bonne heure elle s'annonça com-
me une fille de tête, orgueilleuse, intrigante,:
prêlo à quitter ses champs pour briller et par-,
venir dans le monde.
Elle a trois frères et deux sœurs. Deux de ses-
frères, Romain et Emilejouent à côté d'elle un
rôle dans l'histoire du fameux testament:
Crawford, puis après dans la création de la:
Rente viagère.
M. Gustave Humbert, sénateur de la Haute-
Garonne, possédait une propriété à Vauzelle, ;
:non loin de la commune d'Aussonne, où de-
meuraient les Daurignac. Des relations de bon
voisinage s'établirent entre les deux familles
et Thérèso Daurignac ayant vu dans le fils du
sénateur, M. Frédéric Humbert, jeune étudiant
alors, le marche-pied de sa fortune future, elle
manœuvra vers le conjungo et réussit.
Le mariage eut lieu lo 7 septembre 1878, et
fut suivi do deux autres mariages dans les'
deux familles. En 1880, Emile Daurignacépou--
sait Mlle Alice Humbert, sœur de Frédéric,
et en 1881 Mlle Marie-Louise Daurignac de:
venait la femme de M. Joseph Humbert, frère
de Frédéric, mort depuis.
Seules restaient jeunes filles, dans les deux,
familles, Mlle Eve Humbert et Mlle Maria:
'Daurignac. Cette dernière, dans l'intrigue du,.
testament, joue le rôle curieux de l'« éternelle:
-fiancée ». -
Lorsqu'elle épousa le fils du futur ministre
et président de la cour demptes, Mlle Thé- ;
:rèse Daurignac était sans fortune. Elle avait
vingt trois ans et son mari vingt et un an.
M. Frédéric Humbert est né à Paris, le 19
juillet 1837. Lorsqu'il faisait sa cour à Aus1
sonne, il s'occupait déjà do littérature et son- :
geait à devenir artiste peintre* Avant d'être ;
nommé député de Seine-et-Marne, brasseur
d'affaires financières, il publia un volume de
vers et étudia la peinture chez le maître Roy-
bet, qui devait être un jour une de ses victi-.
mes et prononcer le mot connu à propos des
tableaux de son élèves reçus au Salon : (1 Le
malheureux ne savait même pas tenir un
crayon I »
Le frère cadet de Mme Thérèse Humbert,
Romain Daurignac, est né à Aussone, le 25 no-
vembre 1857, c'est lui qui a fondé et adminis-
tré la Rente Viagèi-ç de Paris que dirigeait M.
Frédéric Humbert. Il a beaucoup voyagé no-
tamment en Amérique oùil luiserait arrivé des
aventures fantastiques qu'il a racontées dans
jun livre.
: Quant au frère ainô de la grande Thérèse,
Emile Daurignac, il est né également à Aus-
sonne, le 2 février 1854. Il a administré la
Rente viagère et a géré à Mograne, près do
Zaghouan, une propriété de sa sœur.
Dans le système de l'accusation, Romain et
Emile Daurignac ne seraient autres que Ro-
bert et Henry Crawford, les prétendus neveux
de l'Anglais Crawford qui aurait laissé à Thé-
rèse Daurignac en mourant une fortune de 100
millions.
- Le testament de R.-H. Crawford
Après leur mariage, M. et Mme Frédéric
Humbort vinrent s'installer à Paris, pour la
réalisation du plan absolument génial composé
par Mme Humbert pour arriver à faire rapide-
ment fortune.
> Toute la famille Daurignac les suivit et peu
après circula l'histoiiredu testament de l'Anglais
;Crawford. Cette histoire n'eut tout d'abord au-
cun succès à Aussonne. Elle en eut davantage à
Paris.
Mme Thérèse Humbert raconta et fit raconter
qu'avant son premier mariage elle avait failli
se marier avec un riche étranger — ce fut d'a-
bord un Portugais, puis un Américain, enfin un
Anglais - qu'elle avait eu l'occasion de soi-
gner d'une grave maladie et qui en mouranl,
s'était souvenu d'elle, et lui avait légué par tes-
tament une somme de cent millions.
Après avoir cité Toulouse, Mme Thérèse Hum-
bert Onit par dire que c'était à Nice que le mil-
lionnaire Crawford l'avait instituée sa léga-
taire universelle. Elle ne montrait pas d'ail-
leurs l'original du testament, daté d'après elle
du 6 septembre 1877,sous prétexte que le tes-
tatairo avait écrit ses dernières volontés sur le
mur de l'hôtel où il expira, hôtel dont elle tai-
sait le nom. Elle ne produisait que la copie de
ce testament mural, et cependant elle trouva
des imbéciles pour y croire puisque des capita-
listes lui apportèrent des fonds à l'aide des-
quels elle acheta le château des Eaux-Vives, la
propriété de Celeyran et l'hôtel historique de
l'avenue do la Grande Armée.
Apparition des frères Crawford
BrÚsquèment, au milieu de son luxe, de, son
triomphe, de son rêve de paysanne réalisé, elle
rcçùt un beau malin, en mars 1883, la visite
de deux intrus disant se nommer Robert e),
Henry Crawford et porteurs du testament sol-
vant :
-
Ceci est mon testament.
Je veux qu'après ma mort tout ce que je possède
soit partagé en trois : un tiors à Marie Daurignac.,
un tiers à mon neveu Henri Crawford, un tiers à
mon neveu Robert Crawford, à charge par ces
derniers do pîacor en France un capital p.-élevé sur
leur part, suffisant pour servir à Thérèse Daurignac
une pension viagère de 30.000 fr. par mois.
Nice, 6 septembre 1877.
- H. R.CaAwFo!'D.
Comme on le voit, la comédie se corsait. *
Mme Humbert change de rôle
Après avoir pris connaissance de ce testa-
ment, daté, comme le testament de Nice, du -6
septembre 1877, Mme Humbert aurait poussé
un cri de détresse. Au lieu de 100 millions, elle
n'avait plus que 360.000 francs de rente via-
gère. Elle protesta, cria, fulmina.
L'aîné des frères Crawford calma sa colèra
on lui proposant de l'épouser; puis, apprenant
qu'elle était mariée, il demanda la main de sa
sœur Maria Daurignac.
— Mais, monsieur, lui dit Mme Humbert,
cette enfant est mineure.
— Eh bien, nous attendrons, objecta galam-
ment le prétendant.
Et, pour sauvegarder l'intérêt de tous, ou
rédigea l'acte que voici :
Entre les soussignés,
Monsieur et Madame Humbert,
Messieurs Henry Crawford et Robert Crawford,
Il a été convenu ce qui suit :
Toutes les valeurs et tous les titres constituant
l'actif de la succession de M. Crawford sont mis
sous séquestre et confiés à là garde de M. et de
Mme Humbert, sous leur responsabilité, jusqu'à ce
que, par suite de-la majorité de Mlle d'Aurignac
tous les héritiers, sans exception, institués dans
l'un ou l'autre testament, puissent s'entendre amia-
blement pour une transaction équitable, ou qu'à
défaut de transaction les tribunaux aient statué
sur les droits de chacun par jugement définitif ;
Jusqu'à ce que l'une ou l'autre de ces solutions
soit intervenue, M. et Mme Humbert s'engagent à
conserver fidèlement dans leur nature tous les
tftres qui leur sont confiés en dépôt ; ils ne pour-
ront, sous aucun prétexte, aliéner aucune de ces
valeurs ni les engager pour un emprunt, ni chan-
ger le mode de placement d'aucune des sommes
qu'elles représentent ; ils toucheront les arrérages
à charge d'en faire, dans les trois jours du paie-
ment) le placement en rentes sur l'Etat français
au porteur, à moins que les autres parties jugent
mepnot, rteur, de différer momentanément' co place-
opportun de dUJércl' momentanément' 00 place-
ment.
Ils devront représenter la totalité des valeurs
à toute réquisition de MM. Crawford ou de leurs
mandataires et justifier du placement régulier -des
arrérages.
M. et Mme Humbert s'engagent sur leur parole
d'honneur, à ne rien changer sous aucun prétexte
aux conventions qui précôdént sans le consente-
ment de. M. Crawford.
Fait à Paris, le 14 mars 1883, en autant d'origi-
naux que de parties intéressées.
, Approuvé l'écriture ci-dessus et autorisant lI0
femme.
ROBERT CRAWFORD. FRÉDÉRIC HUMBERT.
IIE;\IRI CRAWFORD. THÉRÈSE HUMBERT.
'Rian de plus formel.Sous peine d'irrémédia-
ble déchéance, l'héritière des cent millions n'en
était plus que la scrupuleuse gardienne. Mme
Thérèse Humhert changeait de rôle, et elle fai-
sant entrer en scène sa sœur.
Mlle Maria Daurignac
Mlle Maria Daurignac commençait à * cotte
époque sa vingtième année, étant née le 3 dé-
cembrel863. C'est cette jeune fille qui va dé-
sormais, à son insu, jouer dans la comédie la
rôle muet de l'éternelle fiancée, sous l'adroite
direction de Mme Humbert.
Ori se souvient qu'impliquée à l'origine dans
les poursuites, Mlle Maria Daurignac bénéfi
cia d'un non-lieu après le procès Cattauï, oi
elle figura si pauvrement et si douloureuse"
ment à la fois. - '-
Par le fait de la transaction du 14 mars 1882
les cent millions dormirent dans le coffre-fort
dont" Mme Humbert était le séquestre. Si Mllf
Maria Daurignac sa mariait, c'était la ruine
générale. Il importait donc r qu'elle fût fiancée
éternellement pour qu'on puisse emprunter sui
l'héritage de l'Anglais Crawford.
Bien mieux, les deux frèrea Crawford; las de *
ne pouvoir décider Mlle Maria Daurignac à st
marier, se montrèrent, six. jours après qu elle
eût atteint sa majorité, absolument chevaleres-
ques et grands seigneurs.
Ils écrivirent aux époux Humbert le biUet
suggestif que voici : »
Paris, 9 décembre 1881.
A Monsieur et Madame Humbert,
Nous nous engageons solidairement à reeonoal-
tre nul le testament de notre oncle, où nous so
mes nommés et à ne plus rien réclamer jamais de
son héritage, si vous vous engagez, de votre CÓtè,
envers nous, à remettre à chacun de noustroisr
millions de francs comme transaction.
Recevez, etc.
H. CRAWFORD. R. CRAWFORD.
Deux jours après les deux frères recevaient
la réponse suivante :
Paris, le Il décembre 1884.
A Messieurs H. et R. Crawford, hôtel Westminster,
rue de la Paix, Paris.
En réponse à votre lettre du 9 courant, par la-
quelle vous vous proposez de renoncer à tous les
droits que vous pourriez avoir sur la succession de
votre oncle moyennant Ja somme de trois millions
de francs à remettre à hacun de vous deux à titre
de transaction, nous avons l'honneur de vous fairo
connaître que nous acceptons cette proposition.
Recelez nos salutations.
T. HUMBERT. F. HUMBERT.
Le maquis de la procédure
Celle transaction du 11 décembre 1884, li-
brement offerte et librement acceptée devrait.
ce semble, tout terminer, les parties n'ayant
plus qu'à s'embrasser. Vous croyez ? C'est que
vous ne connaissez pas les ressources prodi-
gieuses de l'habileté de Mme Thérèse Hum-
bert, qui, désormais, va s'incarner comme une
procédurière émérite.
On a prétendu que cette femme supérieure
avait été conduite dans le maquis de la procès
dure par des mains expertes. On a cité beau-
coup de noms, on n'a jamais apporté aucune
preuve. Peut-être les débats feront-ils la lu-
mière sur ce point spécial. On peut en douter.
Dans tous les cas on comprendra que je me
hâte sur ce terrain broussailleux en diable, au
milieu de l'incessant chassé-croisé de manœu-
vres juridiques, lesquelles commenceront dès
ce moment et ne se termineront qu'au jour Je
l'effondrement final grâce au flair du premier
président Forichoa.
Tout d'abord, les frères Crawford refusent
— d'après Mme Humbert — d'exécuter la con-
vention du 9 décembre 1884. Les époux Hum-
bert les assignent et ils sont condamnés par
défaut par le tribunal de la Seine le 21 octobre
1885 à exécuter la dite convention.
Vous avez bien lu, par défaut. C'est que le?
frères Grawford sont invisibles. Personne neles
a jamais vus, ne les connait, ai leur conseils,
ce qui est stupéfiant, ni les invités du dîner de
fiançailles qui eut lieu avenue de la Grande-
Armée et qui avait pour but de stimuler le zèle
des prêteurs en donnant une preuve do 1 exis-
tence des deux frères et l'explication ues procès
engagés..
C'est à la fin de cet intermède de la comedie
- que les débats élucideront peut-etro — que
le personnage qui jouait le rôle du fiancé vou-
lut passer un anneau d'or au doigt de Mlle Ma-
ria Daurignac laquelle,rouge d'indignation, fou
dit en larmes et se sauva à la grande siupéfa*
üt Mme HumberL
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