Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-08-06
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 06 août 1903 06 août 1903
Description : 1903/08/06 (N12200). 1903/08/06 (N12200).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75754615
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
- ,-
CINQ CENTES le Numéro.
;.. 1
PARIS & DEPARTEMENTS
Le Numéro CINQ CENTIMES
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Ne 12200. — Jeudi 6 Août 1903
19 THERMIDOR AN 111
ADMINISTRATION ; 14, rue du Mali
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
NOS LEADERS ,
TouU joursIesHiêmesprocédéSi
A
M. Combes ne pouvait démentir le;
récit que j'ai fait d'après ses propres:
déclarations, voici quelques jours déjà.
Je répète que, devant plusieurs dépu-
tés dont j'étais, il a annoncé son in-
tention formelle de se retirer au mois
d'octobre. M. Combes, cette fois, ne nie
pas. et pour cause, mais il a recours à
un de ses procédés habituels dont j'ai
aussi parlé : son journal officieux dé-,
verse sur nous - ceux qui avec moi
sont simplement coupables de ne pas,
admirer la fermeté du président du
conseil — des bordées d'injures et de
menaces.
Que M. Combes ait changé d'avis, je
n'en suis pas outre mesure étonné.
C'est le contraire qui aurait été surpre-
nant. Qu'au lieu de s'en aller proprio
molu, il attende un vote hostile de la
Chambre, peu nous importe. Il est libre,
après tout, de choisir une façon ou unei
autre de quitter le pouvoir auquel il
tient beaucoup plus qu'on ne le croit,,
car c'est encore une chose discutablei
que le désintéressement politique duj
chef du cabinet.
Mais que M. Combes se permette de;
nous faire donner des leçons de répu-
blicanisme et d'anticléricalisme, c'est
ice que dans ce journal nous n'accep-
tons ni de lui, ni de quiconque. Chez:
nous, dans cette feuille qui a un passé
républicain de 34 ans, qui n'a jamais
changé d'opinion, qui a toujours dé-
fendu les mêmes idées et les mêmes
programmes, qui a combattu l'Empire,
.te 24 Mai, le Seize-Mai, le boulangismé,
le nationalisme et l'antisémitisme, per-
sonne n'a reçu les ordres mineurs, n'a
écrit le panégyrique de Saint-Thomas-
d'Aquin et n'a essayé d'entrer de forcei
dans le conseil d'administration des
chemins de fer de l'Etat.
Je ne reproche pas à M. Combes d'ê-
tre venu sur le tard à la République
et surtout à la République anticléri-
cale. Mais il voudra bien -convenir
qu'il n'est guère qualifié pour rappeler
d'autres personnes au respect des prin-
cipes républicains et anticléricaux.
Ses journalistes officieux, pas da-
vantage. Ou en vérité ils sont par trop:
jeunes, ou bien, déjà vieillis sous le
harnais, ils ont cultivé trop d'opi-
nions diverses pour critiquer les au-
tres avec autorité.
Leur journal, où ils censurent tout
le monde, sur un ton inacceptable
,d'ailleurs, — car ce n'est pas là de la
polémique — où ils menacent, où ils
essayent d'influer par des intimida-
tions grossières sur les consciences ti-
morées, a eu trop d'avatars politi-
ques pour que j'insiste davantage. Ce
Serait par trop cruel. Je me borne à
noter qu'il y a à peine six ou sept
mois, il faisait une campagne des plus
vives contre M. Combes qu'il défend
aujourd'hui.
Nous disons ici ce que nous pensons
des personnes comme des événements
et nous le disons très nettement mais
en des termes courtois, qui ne peuvent
être critiqués par les personnes de,
bonne foi. N'est-ce pas, au surplus, le
devOirdu journaliste et celui des hom-
mes politiques qui ont l'honneur de
tenir une plume, que de s'expliquer
sur tout avec une compiète indépen-
dance ?
Nous n'acceptons donc ni dogmes,
ni, par suite, d'arguments politiques
sans les avoir assouplis à notre propre
raison. Des honimes -et c'est le prin-
cipe même de la République qui le
proclame avec nous — peuvent être
utiles, avoir rendu des services écla-
tants, sans que pour cela, nous les don-
nions comme indispensables. C'est en
atiquant le système contraire qu-e
les démocraties finissent par la dic-
ature.
Ceci, bien entendu, ne s'applique
pas à M. Combes bien que ses thurifé-
raires s'acharnent à vouloir démon-
trer que lui seul a su faire de la politi-
que républicaine. Nous verrons plus
tard. Dans quelques mois, nous pour-
rons mieux juger encore du passage
de M. Combes aux affaires. Il y aura,
à mon. sens, beaucoup plus de décep-
tions et de colères que de témoignages
-de remerciements et de félicitations.
Mais, je passe. Je veux, pour finir,
tenter de démontrer à M. Combes, qui
n'en croira rien, je le sais, que ce
n'est pas le meilleur moyen de cimen-
ter sa majorité que de faire injurier
par des publicistes ceux qui ne l'ap-
prouvent pas sans réserves. En ce qui
me concerne, je n'ai jamais eu l'habi-
tude de céder aux injures et aux me-
naces. J'en pourrais citer d'autres que
les moindres allusions faites à leur
nom et à leurs opinions politiques ont
rendu irréconciliables. Les républi-
cains n'ont jamais accepté jusqu'ici de
semblables procédés qui sentent d'une:
lieue l'éducation cléricale. Pour notre-
part, nous les flétrirons jusqu'au bout.
i. Avant de faire juger les autres avec
autant de sévérité intransigeante, il
faut regarder derrière soi, autour de soi
én même temps. Celui qui a la probité;
"de faire ainsi son propre çxameu de
conscience se garde bien alors de culti-
ver la surenchère de la critique. Après
tout, l'audace ne suffit pas à rempla-
cer les doctrines, les programmes et
surtout les convictions sincères.
Charles Bos.
ii —■ »
ROME DEVANT LE MONDE
Vous ne vous doutiez peut-
être pas que la France venait de
remporter, à Rome, une grande
victoire. Et contre qui donc se
battait la France ? Contre l'Alle-
magne, l'Autriche, l'Angleterre
et l'Amérique. (Quelle gioire poui notre
pays! Il nous a suffi de faire entrer quelques
évêques en ligne pour mettre en déroute
la coalition des races anglo-saxonnes et
germaniques.
Les cléricaux et leurs alliés les modérés
nous expliquent très bien l'affaire : Si l'A-
mérique, l'Angleterre, l'Autriche et l'Alle-
magne avaient un pape dévoué à leurs in-
térêts, la France eût cessé d'être « la fille
,aînée de l'Eglise », et nous eussions été
forcés de penser à la dénonciation du Con-
cordat : malheur terrible, dont on ose à
peine envisager l'éventualité'.
Le danger est écarté et il paraît que le
règne de Pie X ne sera qu'une suite de con-
gratulations entre le Saint-Père et la Ré-
publique française. Nous verrons si la pré-
diction se réalisera et si Marianne, chan-
geant de goût, brusquement, aura pour
« béguin ». la calotte.
En attendant, puisque l'union des races
anglo-saxonnes et germaniques s'est affir-
mée par la candidature d'un « papable »,
aujourd'hui évincé, on devrait nous donner
des renseignements sur cette union que la
diplomatie internationale a eu tort d'igno-
rer jusqu'à ce jour.
L'industrie américaine ne rêve plus d'en-
lever à l'industrie britannique le marché
mondial? M. Chamberlain renonce à son
idée d'une vaste ligue douanière entre
l'Angleterre et ses colonies, ligue destinée
à combattre l'invasion des produits des
Etats-Unis ? L'Allemagne abandonne les
ambitions coloniales et commerciales qui
ont menacé un moment l'hégémonie anglo-
'saxonne ?
Vraiment, s'il suffit de s'entendre sur le
choix d'un pape pour que toutes les gràn-
des questions économiques et sociales soient
résolues, notre indifférence à l'égard de ce
qui vient de se passer à Rome est crimi-
nelle ; et on a raison de nous faire des re-
proches.
Mais peut-être l'Univers ne prête-t-il
qu'une attention distraite aux fumées du
conclave ? Pctlt-être l'Amérique songe-t-
i elle plutôt à la crise de ses « trusts » ;
l'Angleterre au problème du travail indien
au Transvaal ; l'Allemagne au mécontente-
ment croissant de son prolétariat,et la Rus-
sie aux ports de la Mandchourie ?
Les cléricaux auront de la peine à nous
persuader qu'au 20e siècle, les questions
économiques sont subordonnées aux ques-
tions religieuses.
——.——————————— -
BAISERS
Baisers sur les pieds, sur les mains, Sur les
joues et sur la bouche, baisers sur la robe et
sur lés mules, baisers de cardinaux, d'évêques,
d'abbés, de valets, de majordomes et de sou-
dards. il a plu hier des baisers.
Baisers de cardinaux : baisers de lèvres
molles et pâteuses et de bouches édentées, bai-'
sers de bouches sensuelles et passionnées, bai-
sers île lèvres gourmandes, baisers de lèvres
douces, fines, minces et roses, baisers baveux
de vieillards menacés de gâtisme, baisers de
lèvres énormes,baisers de bouches admiratives,
plats et calculés, baisers désireux de faveurs,
d'honneurs ; baisers envieux do candidats
évincés, baisers sincères et baisers hypocrites,
baisers joyeux et baisers furieux, baisers in-
différents et baisers jaloux, tout cela s'est
abattu, dans la splendeur du Vatican sur le
scrgneur Sarto, devenu, depuis 24 heures, sou-
verain infaillible, ponlifo et roi do l'Eglise apos-
tolique et romaine.
Chacun des soixante cardinaux est allé se
placer devant l'Elu, lui a baisé la main, le pied,
après cela l'a embrassé sur les deux joues, ce
qui fait quatre baisers par personne et 240
'pour tout le Sacré-Collège. Le pape, lui, n'a
"donné [l chaque cardinal qu'un reui baiser de
paix — mais cela fait tout de même monter à
.300 le nombre des baisers.
Ajoutez à cela les baisers des conclavistes, de
tout le personnel attaché au Sacré-Collège, ce-
;lul plus important du maréchal admis suivant
: la coutume à baiser pour la première fois le
'pied du nouveau pape. et vous aurez un joli
: total.
Mais jepense surtout aux baisersdcspapabili,
de ceux qui ont eu un moment l'espoir de ré-
; gner., qui, eux aussi, avaient faitchôix-du nom
.de Pontife, et .qui, la mort dans l'âme, — car
'ils sont des hommes, après tout, ils l'ont mon-
rtré par leurs intrigues de boutique, par leurs
'basses calomnies contre leurs rivaux — ont dû
aller porter leurs hommages à celui qui usurpa
"leur place.
Et je me dis que parmi tous ces baisers de
: gens d'Eglise il en fut peut-être un seul qui
:fut désintéressé, innocent et sans aucune ar-
rière pensée. celui du cardinal tombé- en en-
lfance qui, lors de la fermeture des portes —
: c'est le très catholique et très digne de foi Jean
de Bonnefon qui nous l'a raconté - parcourait
les couloirs du Vatican, en trottant comme un
:gosse, et demandant de la terre glaiso pour
:faire des petits pâtés. — Charles Darcy.
EN CHINE
¡ - Pékin, 4 août.
Les Chinois exigent qu'on leur remette les
journalistes indigènes de Shanghaï inculpés de
sédition. -
: Les ministres étrangers discutent la question
de savoir si Shanghaï est sous leur juridiction.
-Les ministres de France, de Russie et des
Etats-Unis estiment que l'extradition doit être
: accordée. Le ministre d'Angreterre n'est pas de
leur avis. Il attend les instructions de son gou-
vernement.
:■ ■»
LE TSAR EN ANGLETERRE
tDe notre correspondant particulier}
Londres, 4 août.
Dans le monde diplomatique, on croit pou-
voir affirmer que le tsar Nicolas II viendra, à
l'automne prochain, en Angleterre, faire une
visite au roi Edouard. L'entrevue des deux
souverains aura lieu dans le château de Bal-
ol'a -
LE RAPPEL
ARTISTIQUE ET LITTERAIRE
L'adoration des grands hommes. — Un
livre sur Alexandre Dumas. - Les
origines de Monte-Cristo. - Ni
académicien ni député. — Les ca-
ricatures de Victor Hugo.
La trace des hommes qui nous séduisirent
par leur talent ou leur action a le don de nous
émouvoir. Les menus faits de leur existence ne
sont pas indifférents, il semble que notre vie
s'assimile à la leur, nous retrouvons leur pas
et cherchons l'étreinte de leur main. J'ai suivi,
palpitant au bruit des feuilles, la promenade:
de Voltaire à, travers le parc seigneurial de
Ferney, et, le soir, quelle douloureuse tendresse
emplissait mon cœur lorsque je me retrouvai
dans cette petite maison qui domine Cham-
bér-7, reine sur l'alpestre vallée, cette maison.
désormais historique, où Jean-Jacques but;
aux lèvres de madame de Warens les baisers
d'une amie qu'il devait trahir.
Le lit vieillot et la courtepointe de soie jaune,
les meubles passés, le minuscule autel couvert:
de porcelaines devant lequel les amants firent:
leurs dévotions, quelques livres et des por-
traits, tout était-il ainsi lorsqu'y vécut le phi-i
losophe naissant, ces choses qui prennent le-
parfum et l'empreinte des mains chères vi-.
brent elles encore à son contact ? Je l'ai cru. et
des larmes vinrent h mes yeux. Le crépuscule
tombait sur t'ahime, couvram les montagnes
prochaines de sou manteau soI-.:-nneJ d'ombre
et de silence, et je communiai, dau^ son uuiour.
de la nature et de l'humanité, avec le. poète
vagabond qui s'arrêta là.
Alexandre Dumas
Un homme de lettres, M. Henry Lecomte, a]
voulu ressusciter devant nous un autre dis-
paru, Alexandre Dumas. Et il a entrepris de
le faire aussi impartialement que possible, de
ne nous rien cacher, d'apporter, non une œu-
vre de passion et de critique, mais un appoint'
a l'histoire littéraire du siècle qui vient de s'é-
teindre.
Il a compris qu'il importait surtout d'en tra-
cer un portrait fidèle, avec ses tares et ses ver-
rues.
, Voici Dumas petit clerc à Villers-Cotterets,
où son père, le général républicain, s'était re-
tiré, et nous le voyons entraîné, à écrire, par
son ami A. de Leuven. Le jeune homme ne
i devait pas tarder à distancer son inspirateur
et son émule, et délaisser les vaudevilles du
début pour le drame où il triompha. Ces ori-
gines prouvent une fois de plus que nous som-
mes surtout le jouet de nos entraînements.
Le livre de M. Henry Lecomte est desplusdo-j
icumentés, mais, précisément à cause de son in-
térêt très réel, il importe d'en signaler l'inter-:
'version des tableaux : Dumas raconté, Dumas
dramaturge, Dumas romancier, Dumas candi-'
dat, Dumas et les femmes. Ces parties se che-
vauchent et cà et là font double emploi. Les
cent premières pages mènent l'enfant de Villers-
Cotterets de la naissance à la mort.
Brusquement, nous le voyons riche, pau-
vre, nous lui découvrons des enfants sans que
la moindre femme ait apparu dans sa vie. Il
est question de son fils, d'où sort-il ? Ce n'est
qu'à la fin que nous l'apprendrons. J'aurais
souhaité un Dumas plus intime, plus étudié
dans son tempérament et son caractère en mê-
me temps que dans l'éclosion et les diverses
phases de son talent, véritable monographie
d'un écrivain aussi touffu.
Les origines de « Monte-Cristo «
Mais je félicite M. Lecomte d'avoir minuté
sans restrictions la besogne de l'infatigable'pro-
ducteur. On doit l'entière vérité quand il s'agit
'd'histoire. Or tout le monde sait que Dumas
n'a pas écrit à lui seul les cinq cents volumes
et les cent drames qu'il signa. Il eut des col
Jaborateur sans nombre, les uns ignorés, les
autres qu'il dut avouer, après les avoir long-
; temp-Iliés. Les origines du célèbre Monte-Cristo
(1841-1845) dont ne parle pas M. Lecomte, ont
été maintes fois divulguées. Les voici. C'est le
sommaire d'un fait-divers parisien : -
En 1807, un ouvrier cordonnier, François
Picaud, est sur le point de se marier avec Thé-;
rèse Vigouroux, fortunée et jolie. Le cafetier,
Mathieu Loupian, place Sainte-Opportune,
chez qui il annonce la chose, croit lui jouer un
,bon tour en le signalant comme un gentil-
homme déguisé, espion des Anglais, au com-
missaire de police qui vient boire sa demi-
tasse. Trois amis, Antoine Allut, Gervais Chau-
bard et Guilhem Solari, se mêlent à la plai-
santerie. Le rapport de police brochant sur le
rtout, à cette époque de trouble et de conspira-
tions, le malheureux Picaud est arrêté la nuit,
avec tant de mystère que nul ne sait ce qu'il
est devenu. Jeté au château de Fénestrelle, il y
,est oublié pendant sept ans. Dans cette prison,
il a servi de domestique et de secrétaire à un
riche ecclésiastique milanais qui, en mourant,
lui révèle le secret d'un trésor caché et le fait
son héritier.
Sous le nom de Joseph Lucher, l'ancien cor-
donnier se rend maître du trésor. Méconnais-
sable, puissamment riche, il ne songe dès lors
:qu:à la vengeance. Le cafetier Loupian, princi-
pal artisan de son malheur, a épousé Thérèse
Vigouroux dont la fidélité a tenu deux ans. Il
a prospéré, tout lui sourit. On devine que c'est
contre lui que se tournera avec le plus de fu-
'reur la rage de Picaud. Il se présente en abbé
italien évadé du château d'OEuf, près de Na-
ples. Et chacun des coups qu'il porte à ceux qui
l'ont fait incarcérer est une avalanche d'hor-
reur. Mais Allut, qui n'a pas succombé dans
cette horrible lutte, rêve à son tour de revan-
che. Il parvient à s'emparer de Picaud, l'en-
chaîne dans une cave isolée et le fait mourir
ide faim et de soif en lui vendant chaque bou-
chée de pain et chaque gorgée d'eau un million
et plus.
Le sujet est là dans ses moindres détails. Voir
Bibliothèque des Feuilletons, n° 1,Janvier 1843.
On assiste auxamoursdeMercédèset de Edmond
Dantès, à la terriblo scène d'affamement de
Danglars prisonnier, on retrouve l'abbé Faria,
le comte de Morcerf, mais ce n'est pas Dumas
:qui alla les y chercher, car il n'avait pas le
temps de fouiller. Dumas se tuait au travail,
mais c'était un labeur besoigneux. avide de
:luxe, d'ambitions, de renommée, d'honneurs.
Il détaillait la contribution d'autrui comme
comme une galette rémunérée dont il était dé-:
sormais le propriétaire.
Et, sans accepter tout entier le pamphlet
d'Eugène de Mirecourt, Fabrique de-romans,
Alexandre Dumas et Cie, il faut convenir de
certaines exactitudes. L'habitude n'on est pas
perdue. La plupart des feuilletonnistes actuels
dirigent des « usines » de copie, où chacun tra-
vaille, hommes et femmes, et personne ne
songe à s'en offusquer. J'ai moi-même écrit
des romans qui m'ont été payés au poids du
papier, quand j'avais besoin d'argent, et qui
ont paru sous des étiquettes honorées. Il en
était ainsi déjà, et l'œuvre du collaborateur
,d'Auguste Maquet n'en subsiste pas moins. Il
faut y retrouver le coloris étincelant d'un es-
prit qui ne se lassa jamais, et cette faconde
demeure inimitable.
Ni académicien ni député
Parmi les caricatures qu'a laissées Victor
Hugo et qu'il me fut permis d'apercevoir der-
nièrement encore à la - maison de la place des
Vosges, il en est une qui représente l'auteur
des Trois Mousquetaires. Les cheveux? Un
fouillis crépu. Les membres? Des gestes ex-
traordinaires de vivacité et de joie, une joie
prenante, les bras qui se lèvent pour tout em-
brasser, tout étreindre et emporter, les- jambés
qui cabriolent d'exubérance et courent jus-
qu'au prochain théâtre. Et au-dessous, le poète
de Marion Delorme et d'Hernani a écrit : « Le
voilà donc, ce cher ami. »
Il faut y reconnaître non seulementune bou-
tade, peut-être une épigramme, mais encore
l'expression du sentiment général de la littéra-
ture d'alors pour le monstrueux producteur,
mêlé à tout, se mêlant à tout, traitant de tout.
Le petit-fils de la négresse Cézette Dumas, ce
mulâtre encombrant, crispa plus d'un contem-
porain. Une autre de ces caricatures de Hugo,
où il est possible de reconnaître encore Dumas,
porte en légende : « Je viens poser macandida-
ture. »
On sait que l'auteur d'Antony ne fut jamais
ni dé l'Académie française ni représentant du
peuple. Sa candidature à la première demeura
toujours hésitante et comme expectante, il est
vrai, mais celle à l'écharpe tricolore motiva
des campagnes retentissantes et des program-
mes électoraux qu'on a souvent cités. M. Henry
Lecomte les rappelle sans essayer de cacher ce
qu'ils ont d'inconsistant et de flou. L'esprit po-
litique en est déplorable.
Co démocrate, protégé ouvertement des prin-
ces, se recommandait du républicanisme de
Louis Napoléon Bonaparte, et apparaissait au
milieu de la foule conviée à ses réunions, la
poitrine chamarrée de croix et de rubam,
,CÙPl're s'ilalla: tra-ter de i.i v.sùe (Inn roman'
à un éditeur. N'importe, il mourut inerte,
aphone, insensible, en 1870, alors qu'on ne
songeaii guère h la littérature. Mais son pas-,
sage parmi nous ne s effacera pas de long-
temps, et longtemps encore la jeunesse, le lec-
teur simple, le cœur las des transcendantes psy-
chologies, s'élanceront à la suite de sa féconde
imagination.
LÉON RIOTOR.
MEMENTO. — Un poète ardent et savant, M. Louis
Lautrcy, qui a publié déjà divers recueils, fait
Lautrey, d'une réolle connaissance du drame anti-
montre
que avec Polycrate, tyran de Samos. Le tyran est
écorché vif par Oertés, qui se venge de l'affront
fait à son ambassadeur Mirsos, et c'est l'occasion
des supplications pathétiques de la fille de Poly-
crate.
Voix* à la 3® page
les Dernières Dépêches
de la nuit
et la Revue des Journaux
du matin
LE PRÉFET DE L'ORNE
Nous recevons de l'Orne l'intéressante communi-
cation qui suit :
C'est à l'occasion du conseil de revision que
notre nouveau préfet a visité le département.
Dans presque tous les cantons les maires et
les fonctionnaires l'ont invité, suivant l'usage,
à un banquet ; il n'a accepté qu'à la condition
qu'aucun discours ne serait prononcé. C'est
avec le plus grand étonnement que l'on a vu,
à ces banquets, un préfet ne portant pas un
toast au président de la République ; c'est la
première fois que pareil fait se produit dans le
département.
Les adversaires du gouvernement se sont
,empressés d'interpréter ce silence à leur profit;
isi M. Moussard n'a pas parlé, disent-ils, c'est
parce qu'il est l'adversaire du gouvernement
actuel, qu'il croit que le ministère ne durera
pas longtemps, etc.
Aux courses et dans les autres réunions pu-
bliques, où il a été invité; notamment à Fiers,
il a eu soin de s'entourer des personnages les
plus réactionnaires, faisant une réclame élec-
torale en leur faveur.
Si M.le préfet est resté muet aux banquets,il
s't est entretenu en particulier avec les fonetion-
inaires qu'il a fait appeler aux mairies. S'adres-
sant aux instituteurs et, faisant allusion aux
lois scolaires et à leur exécution, il leur a dit :
« J'espère, messieurs, que vous ne prêterez pas
« l'oreille à des balivernes qui n'auront qu'un
« temps. »
C'est principalement dans l'arrondissement
de Domfront, le plus clérical de tous, que M.
Moussard a tenu ce langage, là où il y a en-
core un grand nombre de congréganistes com-
munales (huit dans le seul canton d'Athis), là
où les instituteurs devraient être encouragés à
-lutter contre le cléricalisme. Je citerai les vil-
les de la Ferté-Macé, Domfront, Juvigny, etc.
Si M. le ministre veut bien faire interroger les
instituteurs-adjoints de ces communes, il aura
la preuve de l'exactitude des faits que je cite.
T. HUSNOT.
NOUVEAU COMPLOT CONTRE LE ROI DE SERBIE
(De notre correspondant particulieri
Bucarest, 4 août.
Le ministère des affaires étrangères roumain
a reçu de Belgrade une dépêche ehiffrée,annon-
çant qu'un nouveau complot militaire contre le
roi de Serbie a été découvert à Nisch. Huit'of-
ficiers subalternes et un colonel de cette garni-
son ont disparu subitement. Trois auraient pu
rejoindre Turne-Severine sur le territoire rou-
main et trois se seraient réfugiés à Budapest.
Le président du conseil roumain a demandé
: un rapport détaillé au préfet de Mehedinzi.
----.-;.
UNE JEANNE D'ARC AMÉRICAINE
(De notre correspondant particulier)
New-York,.4 août.
On annonce de Deadwood au Dakota la mort
de Mme Jane Burke, connue sous 13 nom de
Calamity Jane. Il y a environ 35 ans, quand la
grande insurrection des Peaux-Rouges trou-
blàit la paix intérieure des Etats Unis, Mme
Jane Burke, habillée en homme, montait à
cheval et se faisait une spécialité d'explorer Io
terrain et de découvrir les camps indiens.Elle a
pris part à un grand nombre de combats
contre les Peaux-Rouges.
En 1878 elle s'est retirée, a acheté une ferme
et s'est mariée.
Calamity Jane laisse une fille qui n'a pas
hérité des qualités belliqueuses de la mère.
LES MICROBES ET LES ELECTIONS
(De notre correspondant particulier}
New-York, 4 août,
On se rappelle que le Dr Stiles a annoncé il
y a un an la découverte du microbe de la pa-
resse. Il aurait fait depuis des expériences avec
son microorganisme et obtenu des résultats
étonnants d'après ce qu'on se raconte dans le
public.
Dans l'Etat de Florida, les chefs du parti
démocrate esclavagiste ont même conçu le pro-
jet d'utiliser la découverte du docteur Stiles
dans la prochaine campagne électorale. Leur
plan est d'inculquer à la masse des électeurs
républicains le microbe de la paresse, de sorte
que de ce côté, il y aura de nombreuses abs-
tentions. Car ils ne comptent pas pouvoir agir
parles moyens usuels de la persuasion.
LE NOUVEAU PAPE
L'A VÈNEMENT W PIE X
La 7' « sfumata H. — Un « petit pro-
phète ». - La foule à Saint-Pierre.
; - Dans la Loggia. — Le baise-pied.
— L'investiture. — Le premier
acte de Pie X. — La vie du car-
dinal Sarto. — Sa personnalité,
son caractère, sa politique.
IDe notre correspondant particulier)
Rome, 4 août, 11 h. 25.
La 7* « sfumata » a été positive : le pape
est élu. C'est le cardinal Giuseppe Sarto, pa-
triarche devènise. Il est âgé de 68 ans. 11 a pris'
le nom de Pie X.
Une fois de plus le conclave a le même dé- :
nouement que nombre de conclaves précédents.
Ce n'est pas un des « papabili » de 1er plan qui
a été élevé au trône pontifical, c'est un « petit;
prophète », un cardinal chef de diocèse, un de.
ceux dont on connaît le moins la personne, le
caractère et la politique.
La proclamation
Rome, 4 août.
Plus de 7.000 personnes sont massées sur la
place Saint-Pierre dès 11 b. du matin. Tout à,
coup, un grand mouvement se produit au Va-
tican. Les personnes qui se trouvent dans la rue
qui conduit à la chapelle Sixtine déclarent
avoir entendu des applaudissements. En effet,
lorsque le pape est élu, les cardinaux qui sont
rél1I; 1;, en conclave applaudissent.
Peu do temps après, le bruii commence à se
répandre que ie nouvel élu est le cardinal
Sarto, patriarche de Venise.
La foule commence à se diriger veM Saint-.
Pierre ; les persûrje qui sont sur la place se
rendent à l'intérieur de ta basilique. On aper-
çoit alors les troupes pontificales en çrand uni-
forme, ce qui est la confirmation officielle de
l'élection du pape.
Tout le monde manifeste la plus vive curio-
sité. A 11 h. 45, la fenètre de la grande loggia,
dite de la Bénédiction, située au-dessus de la
porte principale de la basilique, est ouverte, et
on voit apparaître dans la loggia le cardinal
Macchi, premier de l'ordre des cardinaux dia-
cres, qui est précédé d'un porte-croix et accom-.
pagné du préfet des cérémonieset de quelques
porteurs de chaises. Les troupes rangées sur la
place présentent les armes.
La foule se porte vers la basilique et se
masse sur l'esplanade du grand escalier pour
mieux entendre annoncer l'élection du nouveau
pape ; mais, vu les rumeurs de la foule qui
accourt, peu de personnes peuvent entendre les
paroles traditionnelles prononcées par le cardi-
nal Macchi:
Annuntio vobis gaudium maff-num ; habemus ■,
papam, eminenlissimum et revendissinmm domi- l
num cardinalem Josephum Sarto, qui sibi nomen
imposuit Pins Decimus.
Le cardinal Macchi se retire, et la fenêtre de
la loggia est fermée.
Les cloches de la basilique commencent à
sonner à toute volée.
L'animation est très grande aux alentouis;
du Vatican. La foule continue à augmenter ;
les voitures et les tramways qui arrivent sont
bondés do voyageurs qui se rendent à la basi- i
lique pour voir le pape donner la bénédiction
au peuple du haut de la loggia.
Au Vatican
Dès qu'on a eu annoncé au peuple que le
nouveau pape était élu, le maréchal du con-
clave, prince Chigi, le gouverneur et tous les
.prélats chargés de la garde du conclave se,
sont rendus aux tours pour recevoir la confir-
mation officielle de l'élection et les ordres
idonnés par le pape pour l'ouverture des portes
du conclave, suivant le cérémonial.
Le secrétaire du conclave a fait communi-
quer par le tour de la Horeria au maréchal du
conclave l'annonce officielle de l'élection du,
pape, en l'avertissant que le conclave serait
ouvert à 4-h., que le maréchal serait, selon la !
coutume, admis le premier à baiser le pied du
:nouveau pape.
Les entrées sont toujours gardées avec soin
personne n'a été admis à l'intérieur du Vati- ;
can, excepté les gardes-nobles et les membres
du corps diplomatique qui, aussitôt après avoir
Rappris l'élection du pape, annoncée à beaucoup
d'entre eux par le téléphone, sont accourus au
Vatican.
L'élection
L'élection du pape a été le résultat du scru-
tin qui a eu lieu aujourd'hui. On a vérifié le
Scrutin et l'on a constaté que le cardinal Sarto'
était élu pape canoniquement. Le doyen du
Sacré-Collège a alors ordonné aux maîtres des
cérémonies de faire exécuter toutes les cérémo-
nies prescrites pour investir immédiatement lo
pape de sa dignité, et les trois cardinaux chefs.
d'ordre se sont présentés devant le trône du
nouveau pape, qni était visiblement ému. Le
doyen lui a adressé la question suivante :
Acceptasne eteclionem in summum pontificem?
Le nouvel élu a répondu qu'il était indigne
d'une aussi haute dignité, mais que, puisqu'il
avait plu au Seigneur de réunir sur sa tête les
votes du Sacré-Collège, il se soumettait à sa
volonté en avant confiance dans son aide.
Le doyen lui a alors demande :
Quomodo vis vocari ?
Le nouvel élu a répondu :
Plus decimus.
On a abaissé immédiatement tous les balda-
quins surmontant les trônes des cardinaux .et.
ion n'a laissé en place que celui du trône du nou-,
veau pape. Toutes les personnes présentes se
sont agenouillées en se tournant vers le trône
pontifical, et Pie X a béni pour la première fois
.les assistants.
; Un protonotaire apostolique a rédigé l'acte
d'acceptation de la dignité papale par le nou-
ivel élu.
L'acte d'obédience du Sacré-Collège:
Puis le nouveau pape, au milieu des félicita-
tions des cardinaux, qui se sont approchés de:
lui et lui ont baisé la main, s'est levé de son
trône et, accompagné de deux cardinaux dia-i
:cres, des maîtres des cérémonies, des secrétai-
res du Conclave et des conclavistes et servi-
teurs, s'est rendu dans la petite sacristie de la;
chapelle où, après avoir enlevé ses vêtements
cardinalices, il a endossé les vêtements pontifi-
caux.
Rentrant ensuite dans la chapelle, il s'est as-.
sis dans la sedia gestatoria déjà préparée de-
vant l'autel, et il a reçu là la première adora-
tion qui est le premier acte d'obédience du Sa-
cré-Collège. Chaque cardinal est allé se placer
-devant le pape, s'est agenouillé, et a baisé le
pied et la main du nouyeau pontife, et, après
s'être relevé, a embrassé le pape sur les deux
joues, et a reçu finalement de lui l'accolade et
le baiser de paix.
Le pape, après l'acte d'obédience du Sacré-
Collège, a admis au baise-pieds tous les con-
clavistes, au milieu des applaudissements et des
acclamations de toutes les personnes qui étaient
enfermées dans le Conclave ; il a passé par la
salle royale et la salle ducale et s'est rendu im-
médiatement à la loggia intérieure de la Basi-
lique pour bénir le peuple.
La bénédiction pontificale
Vers midi, quelques serviteurs de la cour
pontificale, sous la dfrection d'un maître des
cérémonies, éteudent sur la loggia un drap de
damas rouge. Peu de temps après, le pape, vêtw
d'uss blanche, d'un camail rouge e.
d une étole. apparaît dans la loggia, précéd«,;- -
d un porte-croix et accompagné du Sacré-Col-'
lége, des maîtres des cérémonies et des autres
dignitaires du Conclave, et après les prièregl
rituelles, il donne la bénédiction solennelle. Il
est midi cinq.
Le pape se retire immédiatement et la loggia
est fermée, tandis que la foule, sortant de la
basilique, s'écoule lentement sur la place.
Le premier acte *
Le premier acte du nouveau pape a été de
Confirmer le cardinal Oreglia dans ses fonc-
tions de camerlingue et ensuite de donner sa
Galotte rouge de cardinal à Mgr Merry dei Val»
secrétaire du Conclave, ce qui indique que Mgr- -
Merry sera compris dans la prochaine promo-
tion cardinalice. ,-
L'ouverture du conclave f,
A 4 h. 30, en présence du maréchal du Con-
clave, de ses capitaines, du gouverneur du
Conclave et des autres prélats chargés de la
surveillance du Conclave, on a procédé à la
réouverture des portes pirncipales du Conclave.
Le maréchal s'est rendu d'abord à la porte
principale et, après avoir constaté la fermeture
régulière, il a procédé à la réouverture de la
porte, pendant que les trois cardinaux chefsf
d'ordres en ont fait autant à l'intérieur.
Le protonotaire apostolique a rédigé l'acte
concernant la réouverture du Conclave. Le
maréchal, suivi de sa cour, s'est rendu aus-
sitôt après dans la salle ducale où le pape,
assis sur son trône, entouré du Sacré-Collège,
l'a reçu.
Le maréchal a exprimé au pape ses senti-
jnents.de fidélité et lui a ensuite bai^é.ie pied.
Le pape s'est alors ievé et s'est dirigé vois la
chapelle Sixti l'V'. et, quand il a paé par la
salle royale, le? gardes-nobles et les gardes-
suisses, qui y étaient rangés, lui ont présenté
les armes
Dans la chapelle Sixtine, le pape a endossé
les vêtements pontificaux avec la'mifre d'or et
s'est assis sur le grand autel, où il a reçu la
seconde adoration du Sacré-Collège, pendant
que les chantres pontificaux entonnaient l'Ecce
sacerdos rnagnus..
Après l'acte d'obédience, le pape a béni les
assistants, a quitté ses habits pontificaux et a
reçu en audience les principaux digaitairt--q de ,
la cour.
A 6 h., le pape s'est retiré dans sa résidence
provisoire, en attendant l'enlèvement des scel-
lés de l'appartement pontifical occupé précé-
demment par Léon XIII.
A 5 h. 30 a eu lieu la cérémonie dite de
« l'obédience ». Les cardinaux et tous les
officiers des corps armés du Vatican y sont
présents.
Les troupes ont rendu les honneurs militaires
au nouveau pape.
Après la bénédiction, le pape, accompagné
des cardinaux Satolli et Sanminiatelli et de.
Monsignor Riggi, est allé visiter le cardinal
espagnol Espinosa, malade.
LE CARDINAL SARTO
La carrière du nouveau pape
Giuseppe Sarto a une physionomie à la foi?
fine et robuste, l'œil est vif, le regard spiri-
tuel.
Né à Riesi, diocèse de Trévise, le 2 juin 1838,
Giuseppe Sarto est de très humble origine. Il
a rencontré dans sa vie et sa carrière des pro-
tecteurs : le cardinal Parocchi, d'abord, Ram-
polla ensuite.
Il fit ses premières études dans son pays
natal, puis au collège ecclésiastique de Castel-
franco. De là il passa au séminaire de Padoue
où il fit ses humanités et sa théologie. Tout
jeune prêtre, il fut nommé à la cure de Tom-
bolo, puis à celle de Salzano. L'évêque de Tré-
vise lui conféra le canonicat et l'appela près
pe lui ; il devint primicier du chapitre et de la
cathédrale.
De celte .charge, il passa à celles de chance-
lier épiscopal, puis ♦ de vicaire général ; ces
postes mettaient Sarto en vue pour l'épisco-
pat. En 1884, l'évéché de Mantoue était vacant,
le choix tomba sur lui.
Il s'appliqua dans son diocèse à rétablir une
exacte discipline et à élever à un niveau su-
périeur les études dans le clergé.Neuf ans seu-
lement après, quand le siège de Venise devint
vacant, Mgr Sarto fut désigné par la curie ro-
maine, alors que le gouvernement avait déjà
refusé Vcxequatur à deux candidats.
Le Quirinal et le Vatican
II y eut opposition du gouvernement royal,-
non pas à cause de la personne de Giuseppe
Sarto, mais pour une question de principe.
Le siège patriarcal de Venise était sans titu-
laire depuis plus de deux ans. Le roi d'Italie se
prétendait l'héritier de droits de l'ancienne Ré-
publique de Venise touchant le droit de patro-
nat sur le patriarcat de Venise. Le Vatican
exposait des documents démontrant que le pa-
tronat de la République était une concession
gracieuse du Saint-Siège et accordée sans que
ladite République eût poupvu à la fondation et
à la dotation du siège ; que ce privilège fut re-
nouvelé en faveur de l'empereur d'Autriche:
mais toujours comme acte gracieux pouvant
être annulé selon le bon plaisir du pape, au-
quel il ne convenait pas de le renouveler en fa-
veur de la maison do Savoie.
La polémique menaçait de s'éterniser ; Léor
XIII y coupa court par la nomination de Sarto
au poste de patriarche. II le créa cardinal at
Consistoire du 12 juin 1893, et trois jours après
le préconisa patriarche de Venise. De son côté:
lé gouvernement italien laissa tomba la dis-
cussion de principe et ne refusa pas l'exe-
quatur.
Le cardinal-arche de Venise profita de
la première occastou pour voir le roi Humhcr'.
et ensuite, quand fi reçut à Venise successive
ment et Humbert 1" et, tout récemment, Vic-
tor-Emmanuel III, le cardinal Sarto rendit au
roi d'Italie tous les honneurs dus au souverain.
On sait, d'ailleurs, que le Saint-Siège considère
le roi d'Italie comme souverain légitime el
donne instruction de le traiter comme tel dans
toute l'Italie qui n'a pas fait partie des ancien?
États de l'Eglise. -
Politique et religion
Le cardinal Sarto a la réputation d'un hom-
me extrêmement habile et de manières fermes,
répondant aux principes que les cardinaux
voulaient faire prévaloir, c'est-à-dire au choix
d'un pape capable de maintenir la discipline
dans le clergé.
Le cardinal Sarto prit une part active à la
vie de Venise et à celle de la province. Soui
ses auspices une alliance se forma entre le
parti modéré de la ville et de la province et le
parti clérical. Cette coalition réussit à gagner
la majorité et se rendit maîtresse de la muni-
cipalité et du conseil Drovincial.
L'année dernière, la même coalition eut en-
core la victoire et ses partisans se porterenl
devant le patriarcat et se livrèrent à une ma-
nifestation en faveur du cardinal Sarto. Celui-
ci fut également, de la part de la foule, l'objet
d'acclamations lors de son départ pour Rome
Il disait, cependant, qu'il ne comptait pas être
élu et qu'il avait pris un billet d'aller et retoui
'Venise-Rome.
Le cardinal Sarto a l'habitude de jouer i
Ja tresette, un jeu caractéristique eii Vénétie
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CINQ CENTES le Numéro.
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dans tous les Boréaux de Poste
REDACTION: 14, rue du Mail, Paris
De 1 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
Ne 12200. — Jeudi 6 Août 1903
19 THERMIDOR AN 111
ADMINISTRATION ; 14, rue du Mali
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
NOS LEADERS ,
TouU joursIesHiêmesprocédéSi
A
M. Combes ne pouvait démentir le;
récit que j'ai fait d'après ses propres:
déclarations, voici quelques jours déjà.
Je répète que, devant plusieurs dépu-
tés dont j'étais, il a annoncé son in-
tention formelle de se retirer au mois
d'octobre. M. Combes, cette fois, ne nie
pas. et pour cause, mais il a recours à
un de ses procédés habituels dont j'ai
aussi parlé : son journal officieux dé-,
verse sur nous - ceux qui avec moi
sont simplement coupables de ne pas,
admirer la fermeté du président du
conseil — des bordées d'injures et de
menaces.
Que M. Combes ait changé d'avis, je
n'en suis pas outre mesure étonné.
C'est le contraire qui aurait été surpre-
nant. Qu'au lieu de s'en aller proprio
molu, il attende un vote hostile de la
Chambre, peu nous importe. Il est libre,
après tout, de choisir une façon ou unei
autre de quitter le pouvoir auquel il
tient beaucoup plus qu'on ne le croit,,
car c'est encore une chose discutablei
que le désintéressement politique duj
chef du cabinet.
Mais que M. Combes se permette de;
nous faire donner des leçons de répu-
blicanisme et d'anticléricalisme, c'est
ice que dans ce journal nous n'accep-
tons ni de lui, ni de quiconque. Chez:
nous, dans cette feuille qui a un passé
républicain de 34 ans, qui n'a jamais
changé d'opinion, qui a toujours dé-
fendu les mêmes idées et les mêmes
programmes, qui a combattu l'Empire,
.te 24 Mai, le Seize-Mai, le boulangismé,
le nationalisme et l'antisémitisme, per-
sonne n'a reçu les ordres mineurs, n'a
écrit le panégyrique de Saint-Thomas-
d'Aquin et n'a essayé d'entrer de forcei
dans le conseil d'administration des
chemins de fer de l'Etat.
Je ne reproche pas à M. Combes d'ê-
tre venu sur le tard à la République
et surtout à la République anticléri-
cale. Mais il voudra bien -convenir
qu'il n'est guère qualifié pour rappeler
d'autres personnes au respect des prin-
cipes républicains et anticléricaux.
Ses journalistes officieux, pas da-
vantage. Ou en vérité ils sont par trop:
jeunes, ou bien, déjà vieillis sous le
harnais, ils ont cultivé trop d'opi-
nions diverses pour critiquer les au-
tres avec autorité.
Leur journal, où ils censurent tout
le monde, sur un ton inacceptable
,d'ailleurs, — car ce n'est pas là de la
polémique — où ils menacent, où ils
essayent d'influer par des intimida-
tions grossières sur les consciences ti-
morées, a eu trop d'avatars politi-
ques pour que j'insiste davantage. Ce
Serait par trop cruel. Je me borne à
noter qu'il y a à peine six ou sept
mois, il faisait une campagne des plus
vives contre M. Combes qu'il défend
aujourd'hui.
Nous disons ici ce que nous pensons
des personnes comme des événements
et nous le disons très nettement mais
en des termes courtois, qui ne peuvent
être critiqués par les personnes de,
bonne foi. N'est-ce pas, au surplus, le
devOirdu journaliste et celui des hom-
mes politiques qui ont l'honneur de
tenir une plume, que de s'expliquer
sur tout avec une compiète indépen-
dance ?
Nous n'acceptons donc ni dogmes,
ni, par suite, d'arguments politiques
sans les avoir assouplis à notre propre
raison. Des honimes -et c'est le prin-
cipe même de la République qui le
proclame avec nous — peuvent être
utiles, avoir rendu des services écla-
tants, sans que pour cela, nous les don-
nions comme indispensables. C'est en
atiquant le système contraire qu-e
les démocraties finissent par la dic-
ature.
Ceci, bien entendu, ne s'applique
pas à M. Combes bien que ses thurifé-
raires s'acharnent à vouloir démon-
trer que lui seul a su faire de la politi-
que républicaine. Nous verrons plus
tard. Dans quelques mois, nous pour-
rons mieux juger encore du passage
de M. Combes aux affaires. Il y aura,
à mon. sens, beaucoup plus de décep-
tions et de colères que de témoignages
-de remerciements et de félicitations.
Mais, je passe. Je veux, pour finir,
tenter de démontrer à M. Combes, qui
n'en croira rien, je le sais, que ce
n'est pas le meilleur moyen de cimen-
ter sa majorité que de faire injurier
par des publicistes ceux qui ne l'ap-
prouvent pas sans réserves. En ce qui
me concerne, je n'ai jamais eu l'habi-
tude de céder aux injures et aux me-
naces. J'en pourrais citer d'autres que
les moindres allusions faites à leur
nom et à leurs opinions politiques ont
rendu irréconciliables. Les républi-
cains n'ont jamais accepté jusqu'ici de
semblables procédés qui sentent d'une:
lieue l'éducation cléricale. Pour notre-
part, nous les flétrirons jusqu'au bout.
i. Avant de faire juger les autres avec
autant de sévérité intransigeante, il
faut regarder derrière soi, autour de soi
én même temps. Celui qui a la probité;
"de faire ainsi son propre çxameu de
conscience se garde bien alors de culti-
ver la surenchère de la critique. Après
tout, l'audace ne suffit pas à rempla-
cer les doctrines, les programmes et
surtout les convictions sincères.
Charles Bos.
ii —■ »
ROME DEVANT LE MONDE
Vous ne vous doutiez peut-
être pas que la France venait de
remporter, à Rome, une grande
victoire. Et contre qui donc se
battait la France ? Contre l'Alle-
magne, l'Autriche, l'Angleterre
et l'Amérique. (Quelle gioire poui notre
pays! Il nous a suffi de faire entrer quelques
évêques en ligne pour mettre en déroute
la coalition des races anglo-saxonnes et
germaniques.
Les cléricaux et leurs alliés les modérés
nous expliquent très bien l'affaire : Si l'A-
mérique, l'Angleterre, l'Autriche et l'Alle-
magne avaient un pape dévoué à leurs in-
térêts, la France eût cessé d'être « la fille
,aînée de l'Eglise », et nous eussions été
forcés de penser à la dénonciation du Con-
cordat : malheur terrible, dont on ose à
peine envisager l'éventualité'.
Le danger est écarté et il paraît que le
règne de Pie X ne sera qu'une suite de con-
gratulations entre le Saint-Père et la Ré-
publique française. Nous verrons si la pré-
diction se réalisera et si Marianne, chan-
geant de goût, brusquement, aura pour
« béguin ». la calotte.
En attendant, puisque l'union des races
anglo-saxonnes et germaniques s'est affir-
mée par la candidature d'un « papable »,
aujourd'hui évincé, on devrait nous donner
des renseignements sur cette union que la
diplomatie internationale a eu tort d'igno-
rer jusqu'à ce jour.
L'industrie américaine ne rêve plus d'en-
lever à l'industrie britannique le marché
mondial? M. Chamberlain renonce à son
idée d'une vaste ligue douanière entre
l'Angleterre et ses colonies, ligue destinée
à combattre l'invasion des produits des
Etats-Unis ? L'Allemagne abandonne les
ambitions coloniales et commerciales qui
ont menacé un moment l'hégémonie anglo-
'saxonne ?
Vraiment, s'il suffit de s'entendre sur le
choix d'un pape pour que toutes les gràn-
des questions économiques et sociales soient
résolues, notre indifférence à l'égard de ce
qui vient de se passer à Rome est crimi-
nelle ; et on a raison de nous faire des re-
proches.
Mais peut-être l'Univers ne prête-t-il
qu'une attention distraite aux fumées du
conclave ? Pctlt-être l'Amérique songe-t-
i elle plutôt à la crise de ses « trusts » ;
l'Angleterre au problème du travail indien
au Transvaal ; l'Allemagne au mécontente-
ment croissant de son prolétariat,et la Rus-
sie aux ports de la Mandchourie ?
Les cléricaux auront de la peine à nous
persuader qu'au 20e siècle, les questions
économiques sont subordonnées aux ques-
tions religieuses.
——.——————————— -
BAISERS
Baisers sur les pieds, sur les mains, Sur les
joues et sur la bouche, baisers sur la robe et
sur lés mules, baisers de cardinaux, d'évêques,
d'abbés, de valets, de majordomes et de sou-
dards. il a plu hier des baisers.
Baisers de cardinaux : baisers de lèvres
molles et pâteuses et de bouches édentées, bai-'
sers de bouches sensuelles et passionnées, bai-
sers île lèvres gourmandes, baisers de lèvres
douces, fines, minces et roses, baisers baveux
de vieillards menacés de gâtisme, baisers de
lèvres énormes,baisers de bouches admiratives,
plats et calculés, baisers désireux de faveurs,
d'honneurs ; baisers envieux do candidats
évincés, baisers sincères et baisers hypocrites,
baisers joyeux et baisers furieux, baisers in-
différents et baisers jaloux, tout cela s'est
abattu, dans la splendeur du Vatican sur le
scrgneur Sarto, devenu, depuis 24 heures, sou-
verain infaillible, ponlifo et roi do l'Eglise apos-
tolique et romaine.
Chacun des soixante cardinaux est allé se
placer devant l'Elu, lui a baisé la main, le pied,
après cela l'a embrassé sur les deux joues, ce
qui fait quatre baisers par personne et 240
'pour tout le Sacré-Collège. Le pape, lui, n'a
"donné [l chaque cardinal qu'un reui baiser de
paix — mais cela fait tout de même monter à
.300 le nombre des baisers.
Ajoutez à cela les baisers des conclavistes, de
tout le personnel attaché au Sacré-Collège, ce-
;lul plus important du maréchal admis suivant
: la coutume à baiser pour la première fois le
'pied du nouveau pape. et vous aurez un joli
: total.
Mais jepense surtout aux baisersdcspapabili,
de ceux qui ont eu un moment l'espoir de ré-
; gner., qui, eux aussi, avaient faitchôix-du nom
.de Pontife, et .qui, la mort dans l'âme, — car
'ils sont des hommes, après tout, ils l'ont mon-
rtré par leurs intrigues de boutique, par leurs
'basses calomnies contre leurs rivaux — ont dû
aller porter leurs hommages à celui qui usurpa
"leur place.
Et je me dis que parmi tous ces baisers de
: gens d'Eglise il en fut peut-être un seul qui
:fut désintéressé, innocent et sans aucune ar-
rière pensée. celui du cardinal tombé- en en-
lfance qui, lors de la fermeture des portes —
: c'est le très catholique et très digne de foi Jean
de Bonnefon qui nous l'a raconté - parcourait
les couloirs du Vatican, en trottant comme un
:gosse, et demandant de la terre glaiso pour
:faire des petits pâtés. — Charles Darcy.
EN CHINE
¡ - Pékin, 4 août.
Les Chinois exigent qu'on leur remette les
journalistes indigènes de Shanghaï inculpés de
sédition. -
: Les ministres étrangers discutent la question
de savoir si Shanghaï est sous leur juridiction.
-Les ministres de France, de Russie et des
Etats-Unis estiment que l'extradition doit être
: accordée. Le ministre d'Angreterre n'est pas de
leur avis. Il attend les instructions de son gou-
vernement.
:■ ■»
LE TSAR EN ANGLETERRE
tDe notre correspondant particulier}
Londres, 4 août.
Dans le monde diplomatique, on croit pou-
voir affirmer que le tsar Nicolas II viendra, à
l'automne prochain, en Angleterre, faire une
visite au roi Edouard. L'entrevue des deux
souverains aura lieu dans le château de Bal-
ol'a -
LE RAPPEL
ARTISTIQUE ET LITTERAIRE
L'adoration des grands hommes. — Un
livre sur Alexandre Dumas. - Les
origines de Monte-Cristo. - Ni
académicien ni député. — Les ca-
ricatures de Victor Hugo.
La trace des hommes qui nous séduisirent
par leur talent ou leur action a le don de nous
émouvoir. Les menus faits de leur existence ne
sont pas indifférents, il semble que notre vie
s'assimile à la leur, nous retrouvons leur pas
et cherchons l'étreinte de leur main. J'ai suivi,
palpitant au bruit des feuilles, la promenade:
de Voltaire à, travers le parc seigneurial de
Ferney, et, le soir, quelle douloureuse tendresse
emplissait mon cœur lorsque je me retrouvai
dans cette petite maison qui domine Cham-
bér-7, reine sur l'alpestre vallée, cette maison.
désormais historique, où Jean-Jacques but;
aux lèvres de madame de Warens les baisers
d'une amie qu'il devait trahir.
Le lit vieillot et la courtepointe de soie jaune,
les meubles passés, le minuscule autel couvert:
de porcelaines devant lequel les amants firent:
leurs dévotions, quelques livres et des por-
traits, tout était-il ainsi lorsqu'y vécut le phi-i
losophe naissant, ces choses qui prennent le-
parfum et l'empreinte des mains chères vi-.
brent elles encore à son contact ? Je l'ai cru. et
des larmes vinrent h mes yeux. Le crépuscule
tombait sur t'ahime, couvram les montagnes
prochaines de sou manteau soI-.:-nneJ d'ombre
et de silence, et je communiai, dau^ son uuiour.
de la nature et de l'humanité, avec le. poète
vagabond qui s'arrêta là.
Alexandre Dumas
Un homme de lettres, M. Henry Lecomte, a]
voulu ressusciter devant nous un autre dis-
paru, Alexandre Dumas. Et il a entrepris de
le faire aussi impartialement que possible, de
ne nous rien cacher, d'apporter, non une œu-
vre de passion et de critique, mais un appoint'
a l'histoire littéraire du siècle qui vient de s'é-
teindre.
Il a compris qu'il importait surtout d'en tra-
cer un portrait fidèle, avec ses tares et ses ver-
rues.
, Voici Dumas petit clerc à Villers-Cotterets,
où son père, le général républicain, s'était re-
tiré, et nous le voyons entraîné, à écrire, par
son ami A. de Leuven. Le jeune homme ne
i devait pas tarder à distancer son inspirateur
et son émule, et délaisser les vaudevilles du
début pour le drame où il triompha. Ces ori-
gines prouvent une fois de plus que nous som-
mes surtout le jouet de nos entraînements.
Le livre de M. Henry Lecomte est desplusdo-j
icumentés, mais, précisément à cause de son in-
térêt très réel, il importe d'en signaler l'inter-:
'version des tableaux : Dumas raconté, Dumas
dramaturge, Dumas romancier, Dumas candi-'
dat, Dumas et les femmes. Ces parties se che-
vauchent et cà et là font double emploi. Les
cent premières pages mènent l'enfant de Villers-
Cotterets de la naissance à la mort.
Brusquement, nous le voyons riche, pau-
vre, nous lui découvrons des enfants sans que
la moindre femme ait apparu dans sa vie. Il
est question de son fils, d'où sort-il ? Ce n'est
qu'à la fin que nous l'apprendrons. J'aurais
souhaité un Dumas plus intime, plus étudié
dans son tempérament et son caractère en mê-
me temps que dans l'éclosion et les diverses
phases de son talent, véritable monographie
d'un écrivain aussi touffu.
Les origines de « Monte-Cristo «
Mais je félicite M. Lecomte d'avoir minuté
sans restrictions la besogne de l'infatigable'pro-
ducteur. On doit l'entière vérité quand il s'agit
'd'histoire. Or tout le monde sait que Dumas
n'a pas écrit à lui seul les cinq cents volumes
et les cent drames qu'il signa. Il eut des col
Jaborateur sans nombre, les uns ignorés, les
autres qu'il dut avouer, après les avoir long-
; temp-Iliés. Les origines du célèbre Monte-Cristo
(1841-1845) dont ne parle pas M. Lecomte, ont
été maintes fois divulguées. Les voici. C'est le
sommaire d'un fait-divers parisien : -
En 1807, un ouvrier cordonnier, François
Picaud, est sur le point de se marier avec Thé-;
rèse Vigouroux, fortunée et jolie. Le cafetier,
Mathieu Loupian, place Sainte-Opportune,
chez qui il annonce la chose, croit lui jouer un
,bon tour en le signalant comme un gentil-
homme déguisé, espion des Anglais, au com-
missaire de police qui vient boire sa demi-
tasse. Trois amis, Antoine Allut, Gervais Chau-
bard et Guilhem Solari, se mêlent à la plai-
santerie. Le rapport de police brochant sur le
rtout, à cette époque de trouble et de conspira-
tions, le malheureux Picaud est arrêté la nuit,
avec tant de mystère que nul ne sait ce qu'il
est devenu. Jeté au château de Fénestrelle, il y
,est oublié pendant sept ans. Dans cette prison,
il a servi de domestique et de secrétaire à un
riche ecclésiastique milanais qui, en mourant,
lui révèle le secret d'un trésor caché et le fait
son héritier.
Sous le nom de Joseph Lucher, l'ancien cor-
donnier se rend maître du trésor. Méconnais-
sable, puissamment riche, il ne songe dès lors
:qu:à la vengeance. Le cafetier Loupian, princi-
pal artisan de son malheur, a épousé Thérèse
Vigouroux dont la fidélité a tenu deux ans. Il
a prospéré, tout lui sourit. On devine que c'est
contre lui que se tournera avec le plus de fu-
'reur la rage de Picaud. Il se présente en abbé
italien évadé du château d'OEuf, près de Na-
ples. Et chacun des coups qu'il porte à ceux qui
l'ont fait incarcérer est une avalanche d'hor-
reur. Mais Allut, qui n'a pas succombé dans
cette horrible lutte, rêve à son tour de revan-
che. Il parvient à s'emparer de Picaud, l'en-
chaîne dans une cave isolée et le fait mourir
ide faim et de soif en lui vendant chaque bou-
chée de pain et chaque gorgée d'eau un million
et plus.
Le sujet est là dans ses moindres détails. Voir
Bibliothèque des Feuilletons, n° 1,Janvier 1843.
On assiste auxamoursdeMercédèset de Edmond
Dantès, à la terriblo scène d'affamement de
Danglars prisonnier, on retrouve l'abbé Faria,
le comte de Morcerf, mais ce n'est pas Dumas
:qui alla les y chercher, car il n'avait pas le
temps de fouiller. Dumas se tuait au travail,
mais c'était un labeur besoigneux. avide de
:luxe, d'ambitions, de renommée, d'honneurs.
Il détaillait la contribution d'autrui comme
comme une galette rémunérée dont il était dé-:
sormais le propriétaire.
Et, sans accepter tout entier le pamphlet
d'Eugène de Mirecourt, Fabrique de-romans,
Alexandre Dumas et Cie, il faut convenir de
certaines exactitudes. L'habitude n'on est pas
perdue. La plupart des feuilletonnistes actuels
dirigent des « usines » de copie, où chacun tra-
vaille, hommes et femmes, et personne ne
songe à s'en offusquer. J'ai moi-même écrit
des romans qui m'ont été payés au poids du
papier, quand j'avais besoin d'argent, et qui
ont paru sous des étiquettes honorées. Il en
était ainsi déjà, et l'œuvre du collaborateur
,d'Auguste Maquet n'en subsiste pas moins. Il
faut y retrouver le coloris étincelant d'un es-
prit qui ne se lassa jamais, et cette faconde
demeure inimitable.
Ni académicien ni député
Parmi les caricatures qu'a laissées Victor
Hugo et qu'il me fut permis d'apercevoir der-
nièrement encore à la - maison de la place des
Vosges, il en est une qui représente l'auteur
des Trois Mousquetaires. Les cheveux? Un
fouillis crépu. Les membres? Des gestes ex-
traordinaires de vivacité et de joie, une joie
prenante, les bras qui se lèvent pour tout em-
brasser, tout étreindre et emporter, les- jambés
qui cabriolent d'exubérance et courent jus-
qu'au prochain théâtre. Et au-dessous, le poète
de Marion Delorme et d'Hernani a écrit : « Le
voilà donc, ce cher ami. »
Il faut y reconnaître non seulementune bou-
tade, peut-être une épigramme, mais encore
l'expression du sentiment général de la littéra-
ture d'alors pour le monstrueux producteur,
mêlé à tout, se mêlant à tout, traitant de tout.
Le petit-fils de la négresse Cézette Dumas, ce
mulâtre encombrant, crispa plus d'un contem-
porain. Une autre de ces caricatures de Hugo,
où il est possible de reconnaître encore Dumas,
porte en légende : « Je viens poser macandida-
ture. »
On sait que l'auteur d'Antony ne fut jamais
ni dé l'Académie française ni représentant du
peuple. Sa candidature à la première demeura
toujours hésitante et comme expectante, il est
vrai, mais celle à l'écharpe tricolore motiva
des campagnes retentissantes et des program-
mes électoraux qu'on a souvent cités. M. Henry
Lecomte les rappelle sans essayer de cacher ce
qu'ils ont d'inconsistant et de flou. L'esprit po-
litique en est déplorable.
Co démocrate, protégé ouvertement des prin-
ces, se recommandait du républicanisme de
Louis Napoléon Bonaparte, et apparaissait au
milieu de la foule conviée à ses réunions, la
poitrine chamarrée de croix et de rubam,
,CÙPl're s'ilalla: tra-ter de i.i v.sùe (Inn roman'
à un éditeur. N'importe, il mourut inerte,
aphone, insensible, en 1870, alors qu'on ne
songeaii guère h la littérature. Mais son pas-,
sage parmi nous ne s effacera pas de long-
temps, et longtemps encore la jeunesse, le lec-
teur simple, le cœur las des transcendantes psy-
chologies, s'élanceront à la suite de sa féconde
imagination.
LÉON RIOTOR.
MEMENTO. — Un poète ardent et savant, M. Louis
Lautrcy, qui a publié déjà divers recueils, fait
Lautrey, d'une réolle connaissance du drame anti-
montre
que avec Polycrate, tyran de Samos. Le tyran est
écorché vif par Oertés, qui se venge de l'affront
fait à son ambassadeur Mirsos, et c'est l'occasion
des supplications pathétiques de la fille de Poly-
crate.
Voix* à la 3® page
les Dernières Dépêches
de la nuit
et la Revue des Journaux
du matin
LE PRÉFET DE L'ORNE
Nous recevons de l'Orne l'intéressante communi-
cation qui suit :
C'est à l'occasion du conseil de revision que
notre nouveau préfet a visité le département.
Dans presque tous les cantons les maires et
les fonctionnaires l'ont invité, suivant l'usage,
à un banquet ; il n'a accepté qu'à la condition
qu'aucun discours ne serait prononcé. C'est
avec le plus grand étonnement que l'on a vu,
à ces banquets, un préfet ne portant pas un
toast au président de la République ; c'est la
première fois que pareil fait se produit dans le
département.
Les adversaires du gouvernement se sont
,empressés d'interpréter ce silence à leur profit;
isi M. Moussard n'a pas parlé, disent-ils, c'est
parce qu'il est l'adversaire du gouvernement
actuel, qu'il croit que le ministère ne durera
pas longtemps, etc.
Aux courses et dans les autres réunions pu-
bliques, où il a été invité; notamment à Fiers,
il a eu soin de s'entourer des personnages les
plus réactionnaires, faisant une réclame élec-
torale en leur faveur.
Si M.le préfet est resté muet aux banquets,il
s't est entretenu en particulier avec les fonetion-
inaires qu'il a fait appeler aux mairies. S'adres-
sant aux instituteurs et, faisant allusion aux
lois scolaires et à leur exécution, il leur a dit :
« J'espère, messieurs, que vous ne prêterez pas
« l'oreille à des balivernes qui n'auront qu'un
« temps. »
C'est principalement dans l'arrondissement
de Domfront, le plus clérical de tous, que M.
Moussard a tenu ce langage, là où il y a en-
core un grand nombre de congréganistes com-
munales (huit dans le seul canton d'Athis), là
où les instituteurs devraient être encouragés à
-lutter contre le cléricalisme. Je citerai les vil-
les de la Ferté-Macé, Domfront, Juvigny, etc.
Si M. le ministre veut bien faire interroger les
instituteurs-adjoints de ces communes, il aura
la preuve de l'exactitude des faits que je cite.
T. HUSNOT.
NOUVEAU COMPLOT CONTRE LE ROI DE SERBIE
(De notre correspondant particulieri
Bucarest, 4 août.
Le ministère des affaires étrangères roumain
a reçu de Belgrade une dépêche ehiffrée,annon-
çant qu'un nouveau complot militaire contre le
roi de Serbie a été découvert à Nisch. Huit'of-
ficiers subalternes et un colonel de cette garni-
son ont disparu subitement. Trois auraient pu
rejoindre Turne-Severine sur le territoire rou-
main et trois se seraient réfugiés à Budapest.
Le président du conseil roumain a demandé
: un rapport détaillé au préfet de Mehedinzi.
----.-;.
UNE JEANNE D'ARC AMÉRICAINE
(De notre correspondant particulier)
New-York,.4 août.
On annonce de Deadwood au Dakota la mort
de Mme Jane Burke, connue sous 13 nom de
Calamity Jane. Il y a environ 35 ans, quand la
grande insurrection des Peaux-Rouges trou-
blàit la paix intérieure des Etats Unis, Mme
Jane Burke, habillée en homme, montait à
cheval et se faisait une spécialité d'explorer Io
terrain et de découvrir les camps indiens.Elle a
pris part à un grand nombre de combats
contre les Peaux-Rouges.
En 1878 elle s'est retirée, a acheté une ferme
et s'est mariée.
Calamity Jane laisse une fille qui n'a pas
hérité des qualités belliqueuses de la mère.
LES MICROBES ET LES ELECTIONS
(De notre correspondant particulier}
New-York, 4 août,
On se rappelle que le Dr Stiles a annoncé il
y a un an la découverte du microbe de la pa-
resse. Il aurait fait depuis des expériences avec
son microorganisme et obtenu des résultats
étonnants d'après ce qu'on se raconte dans le
public.
Dans l'Etat de Florida, les chefs du parti
démocrate esclavagiste ont même conçu le pro-
jet d'utiliser la découverte du docteur Stiles
dans la prochaine campagne électorale. Leur
plan est d'inculquer à la masse des électeurs
républicains le microbe de la paresse, de sorte
que de ce côté, il y aura de nombreuses abs-
tentions. Car ils ne comptent pas pouvoir agir
parles moyens usuels de la persuasion.
LE NOUVEAU PAPE
L'A VÈNEMENT W PIE X
La 7' « sfumata H. — Un « petit pro-
phète ». - La foule à Saint-Pierre.
; - Dans la Loggia. — Le baise-pied.
— L'investiture. — Le premier
acte de Pie X. — La vie du car-
dinal Sarto. — Sa personnalité,
son caractère, sa politique.
IDe notre correspondant particulier)
Rome, 4 août, 11 h. 25.
La 7* « sfumata » a été positive : le pape
est élu. C'est le cardinal Giuseppe Sarto, pa-
triarche devènise. Il est âgé de 68 ans. 11 a pris'
le nom de Pie X.
Une fois de plus le conclave a le même dé- :
nouement que nombre de conclaves précédents.
Ce n'est pas un des « papabili » de 1er plan qui
a été élevé au trône pontifical, c'est un « petit;
prophète », un cardinal chef de diocèse, un de.
ceux dont on connaît le moins la personne, le
caractère et la politique.
La proclamation
Rome, 4 août.
Plus de 7.000 personnes sont massées sur la
place Saint-Pierre dès 11 b. du matin. Tout à,
coup, un grand mouvement se produit au Va-
tican. Les personnes qui se trouvent dans la rue
qui conduit à la chapelle Sixtine déclarent
avoir entendu des applaudissements. En effet,
lorsque le pape est élu, les cardinaux qui sont
rél1I; 1;, en conclave applaudissent.
Peu do temps après, le bruii commence à se
répandre que ie nouvel élu est le cardinal
Sarto, patriarche de Venise.
La foule commence à se diriger veM Saint-.
Pierre ; les persûrje qui sont sur la place se
rendent à l'intérieur de ta basilique. On aper-
çoit alors les troupes pontificales en çrand uni-
forme, ce qui est la confirmation officielle de
l'élection du pape.
Tout le monde manifeste la plus vive curio-
sité. A 11 h. 45, la fenètre de la grande loggia,
dite de la Bénédiction, située au-dessus de la
porte principale de la basilique, est ouverte, et
on voit apparaître dans la loggia le cardinal
Macchi, premier de l'ordre des cardinaux dia-
cres, qui est précédé d'un porte-croix et accom-.
pagné du préfet des cérémonieset de quelques
porteurs de chaises. Les troupes rangées sur la
place présentent les armes.
La foule se porte vers la basilique et se
masse sur l'esplanade du grand escalier pour
mieux entendre annoncer l'élection du nouveau
pape ; mais, vu les rumeurs de la foule qui
accourt, peu de personnes peuvent entendre les
paroles traditionnelles prononcées par le cardi-
nal Macchi:
Annuntio vobis gaudium maff-num ; habemus ■,
papam, eminenlissimum et revendissinmm domi- l
num cardinalem Josephum Sarto, qui sibi nomen
imposuit Pins Decimus.
Le cardinal Macchi se retire, et la fenêtre de
la loggia est fermée.
Les cloches de la basilique commencent à
sonner à toute volée.
L'animation est très grande aux alentouis;
du Vatican. La foule continue à augmenter ;
les voitures et les tramways qui arrivent sont
bondés do voyageurs qui se rendent à la basi- i
lique pour voir le pape donner la bénédiction
au peuple du haut de la loggia.
Au Vatican
Dès qu'on a eu annoncé au peuple que le
nouveau pape était élu, le maréchal du con-
clave, prince Chigi, le gouverneur et tous les
.prélats chargés de la garde du conclave se,
sont rendus aux tours pour recevoir la confir-
mation officielle de l'élection et les ordres
idonnés par le pape pour l'ouverture des portes
du conclave, suivant le cérémonial.
Le secrétaire du conclave a fait communi-
quer par le tour de la Horeria au maréchal du
conclave l'annonce officielle de l'élection du,
pape, en l'avertissant que le conclave serait
ouvert à 4-h., que le maréchal serait, selon la !
coutume, admis le premier à baiser le pied du
:nouveau pape.
Les entrées sont toujours gardées avec soin
personne n'a été admis à l'intérieur du Vati- ;
can, excepté les gardes-nobles et les membres
du corps diplomatique qui, aussitôt après avoir
Rappris l'élection du pape, annoncée à beaucoup
d'entre eux par le téléphone, sont accourus au
Vatican.
L'élection
L'élection du pape a été le résultat du scru-
tin qui a eu lieu aujourd'hui. On a vérifié le
Scrutin et l'on a constaté que le cardinal Sarto'
était élu pape canoniquement. Le doyen du
Sacré-Collège a alors ordonné aux maîtres des
cérémonies de faire exécuter toutes les cérémo-
nies prescrites pour investir immédiatement lo
pape de sa dignité, et les trois cardinaux chefs.
d'ordre se sont présentés devant le trône du
nouveau pape, qni était visiblement ému. Le
doyen lui a adressé la question suivante :
Acceptasne eteclionem in summum pontificem?
Le nouvel élu a répondu qu'il était indigne
d'une aussi haute dignité, mais que, puisqu'il
avait plu au Seigneur de réunir sur sa tête les
votes du Sacré-Collège, il se soumettait à sa
volonté en avant confiance dans son aide.
Le doyen lui a alors demande :
Quomodo vis vocari ?
Le nouvel élu a répondu :
Plus decimus.
On a abaissé immédiatement tous les balda-
quins surmontant les trônes des cardinaux .et.
ion n'a laissé en place que celui du trône du nou-,
veau pape. Toutes les personnes présentes se
sont agenouillées en se tournant vers le trône
pontifical, et Pie X a béni pour la première fois
.les assistants.
; Un protonotaire apostolique a rédigé l'acte
d'acceptation de la dignité papale par le nou-
ivel élu.
L'acte d'obédience du Sacré-Collège:
Puis le nouveau pape, au milieu des félicita-
tions des cardinaux, qui se sont approchés de:
lui et lui ont baisé la main, s'est levé de son
trône et, accompagné de deux cardinaux dia-i
:cres, des maîtres des cérémonies, des secrétai-
res du Conclave et des conclavistes et servi-
teurs, s'est rendu dans la petite sacristie de la;
chapelle où, après avoir enlevé ses vêtements
cardinalices, il a endossé les vêtements pontifi-
caux.
Rentrant ensuite dans la chapelle, il s'est as-.
sis dans la sedia gestatoria déjà préparée de-
vant l'autel, et il a reçu là la première adora-
tion qui est le premier acte d'obédience du Sa-
cré-Collège. Chaque cardinal est allé se placer
-devant le pape, s'est agenouillé, et a baisé le
pied et la main du nouyeau pontife, et, après
s'être relevé, a embrassé le pape sur les deux
joues, et a reçu finalement de lui l'accolade et
le baiser de paix.
Le pape, après l'acte d'obédience du Sacré-
Collège, a admis au baise-pieds tous les con-
clavistes, au milieu des applaudissements et des
acclamations de toutes les personnes qui étaient
enfermées dans le Conclave ; il a passé par la
salle royale et la salle ducale et s'est rendu im-
médiatement à la loggia intérieure de la Basi-
lique pour bénir le peuple.
La bénédiction pontificale
Vers midi, quelques serviteurs de la cour
pontificale, sous la dfrection d'un maître des
cérémonies, éteudent sur la loggia un drap de
damas rouge. Peu de temps après, le pape, vêtw
d'uss blanche, d'un camail rouge e.
d une étole. apparaît dans la loggia, précéd«,;- -
d un porte-croix et accompagné du Sacré-Col-'
lége, des maîtres des cérémonies et des autres
dignitaires du Conclave, et après les prièregl
rituelles, il donne la bénédiction solennelle. Il
est midi cinq.
Le pape se retire immédiatement et la loggia
est fermée, tandis que la foule, sortant de la
basilique, s'écoule lentement sur la place.
Le premier acte *
Le premier acte du nouveau pape a été de
Confirmer le cardinal Oreglia dans ses fonc-
tions de camerlingue et ensuite de donner sa
Galotte rouge de cardinal à Mgr Merry dei Val»
secrétaire du Conclave, ce qui indique que Mgr- -
Merry sera compris dans la prochaine promo-
tion cardinalice. ,-
L'ouverture du conclave f,
A 4 h. 30, en présence du maréchal du Con-
clave, de ses capitaines, du gouverneur du
Conclave et des autres prélats chargés de la
surveillance du Conclave, on a procédé à la
réouverture des portes pirncipales du Conclave.
Le maréchal s'est rendu d'abord à la porte
principale et, après avoir constaté la fermeture
régulière, il a procédé à la réouverture de la
porte, pendant que les trois cardinaux chefsf
d'ordres en ont fait autant à l'intérieur.
Le protonotaire apostolique a rédigé l'acte
concernant la réouverture du Conclave. Le
maréchal, suivi de sa cour, s'est rendu aus-
sitôt après dans la salle ducale où le pape,
assis sur son trône, entouré du Sacré-Collège,
l'a reçu.
Le maréchal a exprimé au pape ses senti-
jnents.de fidélité et lui a ensuite bai^é.ie pied.
Le pape s'est alors ievé et s'est dirigé vois la
chapelle Sixti l'V'. et, quand il a paé par la
salle royale, le? gardes-nobles et les gardes-
suisses, qui y étaient rangés, lui ont présenté
les armes
Dans la chapelle Sixtine, le pape a endossé
les vêtements pontificaux avec la'mifre d'or et
s'est assis sur le grand autel, où il a reçu la
seconde adoration du Sacré-Collège, pendant
que les chantres pontificaux entonnaient l'Ecce
sacerdos rnagnus..
Après l'acte d'obédience, le pape a béni les
assistants, a quitté ses habits pontificaux et a
reçu en audience les principaux digaitairt--q de ,
la cour.
A 6 h., le pape s'est retiré dans sa résidence
provisoire, en attendant l'enlèvement des scel-
lés de l'appartement pontifical occupé précé-
demment par Léon XIII.
A 5 h. 30 a eu lieu la cérémonie dite de
« l'obédience ». Les cardinaux et tous les
officiers des corps armés du Vatican y sont
présents.
Les troupes ont rendu les honneurs militaires
au nouveau pape.
Après la bénédiction, le pape, accompagné
des cardinaux Satolli et Sanminiatelli et de.
Monsignor Riggi, est allé visiter le cardinal
espagnol Espinosa, malade.
LE CARDINAL SARTO
La carrière du nouveau pape
Giuseppe Sarto a une physionomie à la foi?
fine et robuste, l'œil est vif, le regard spiri-
tuel.
Né à Riesi, diocèse de Trévise, le 2 juin 1838,
Giuseppe Sarto est de très humble origine. Il
a rencontré dans sa vie et sa carrière des pro-
tecteurs : le cardinal Parocchi, d'abord, Ram-
polla ensuite.
Il fit ses premières études dans son pays
natal, puis au collège ecclésiastique de Castel-
franco. De là il passa au séminaire de Padoue
où il fit ses humanités et sa théologie. Tout
jeune prêtre, il fut nommé à la cure de Tom-
bolo, puis à celle de Salzano. L'évêque de Tré-
vise lui conféra le canonicat et l'appela près
pe lui ; il devint primicier du chapitre et de la
cathédrale.
De celte .charge, il passa à celles de chance-
lier épiscopal, puis ♦ de vicaire général ; ces
postes mettaient Sarto en vue pour l'épisco-
pat. En 1884, l'évéché de Mantoue était vacant,
le choix tomba sur lui.
Il s'appliqua dans son diocèse à rétablir une
exacte discipline et à élever à un niveau su-
périeur les études dans le clergé.Neuf ans seu-
lement après, quand le siège de Venise devint
vacant, Mgr Sarto fut désigné par la curie ro-
maine, alors que le gouvernement avait déjà
refusé Vcxequatur à deux candidats.
Le Quirinal et le Vatican
II y eut opposition du gouvernement royal,-
non pas à cause de la personne de Giuseppe
Sarto, mais pour une question de principe.
Le siège patriarcal de Venise était sans titu-
laire depuis plus de deux ans. Le roi d'Italie se
prétendait l'héritier de droits de l'ancienne Ré-
publique de Venise touchant le droit de patro-
nat sur le patriarcat de Venise. Le Vatican
exposait des documents démontrant que le pa-
tronat de la République était une concession
gracieuse du Saint-Siège et accordée sans que
ladite République eût poupvu à la fondation et
à la dotation du siège ; que ce privilège fut re-
nouvelé en faveur de l'empereur d'Autriche:
mais toujours comme acte gracieux pouvant
être annulé selon le bon plaisir du pape, au-
quel il ne convenait pas de le renouveler en fa-
veur de la maison do Savoie.
La polémique menaçait de s'éterniser ; Léor
XIII y coupa court par la nomination de Sarto
au poste de patriarche. II le créa cardinal at
Consistoire du 12 juin 1893, et trois jours après
le préconisa patriarche de Venise. De son côté:
lé gouvernement italien laissa tomba la dis-
cussion de principe et ne refusa pas l'exe-
quatur.
Le cardinal-arche de Venise profita de
la première occastou pour voir le roi Humhcr'.
et ensuite, quand fi reçut à Venise successive
ment et Humbert 1" et, tout récemment, Vic-
tor-Emmanuel III, le cardinal Sarto rendit au
roi d'Italie tous les honneurs dus au souverain.
On sait, d'ailleurs, que le Saint-Siège considère
le roi d'Italie comme souverain légitime el
donne instruction de le traiter comme tel dans
toute l'Italie qui n'a pas fait partie des ancien?
États de l'Eglise. -
Politique et religion
Le cardinal Sarto a la réputation d'un hom-
me extrêmement habile et de manières fermes,
répondant aux principes que les cardinaux
voulaient faire prévaloir, c'est-à-dire au choix
d'un pape capable de maintenir la discipline
dans le clergé.
Le cardinal Sarto prit une part active à la
vie de Venise et à celle de la province. Soui
ses auspices une alliance se forma entre le
parti modéré de la ville et de la province et le
parti clérical. Cette coalition réussit à gagner
la majorité et se rendit maîtresse de la muni-
cipalité et du conseil Drovincial.
L'année dernière, la même coalition eut en-
core la victoire et ses partisans se porterenl
devant le patriarcat et se livrèrent à une ma-
nifestation en faveur du cardinal Sarto. Celui-
ci fut également, de la part de la foule, l'objet
d'acclamations lors de son départ pour Rome
Il disait, cependant, qu'il ne comptait pas être
élu et qu'il avait pris un billet d'aller et retoui
'Venise-Rome.
Le cardinal Sarto a l'habitude de jouer i
Ja tresette, un jeu caractéristique eii Vénétie
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