Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-07-02
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 02 juillet 1903 02 juillet 1903
Description : 1903/07/02 (N12165). 1903/07/02 (N12165).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
CINO CE-NTIMES le Numéro* PARIS & DÉPARTEMENTS- Xj6 Numéro CINQ CENTIMES
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deix centimes.
NOS, LEADEllS
Bravo, èp Isoar !
A la bonne heure ! Le citoyen docteur
député Isoard n'a pas mis longtemps à
briser les liens de reconnaissance qui,
vraisemblablement, devaient s'être for-
mes entre les radicaux-socialistes des,
Basses-Alpes et lui. On sait dans quelles
conditions M. Isoard fut élu, il y a quel-
ques jours, à Forcalquier. Il était seul
candidat collectiviste, en concurrent
avec un candidat modéré et sept ou
huit candidats radicaux et radicaux-
socialistes. Il arriva second sur la liste
au premier tour de scrutin. Il obtenait
4.200 voix et nos amis réunissaient
près de 4.000 suffrages. Les radicaux
juraient pu faire passer au ballottage
un des leurs. Ils préférèrent affirmer
jusqu'à l'absurde leur esprit de disci-
pline et se désistèrent pour M. Isoard.
Celui-ci fut nommé et se trouva l'élu,
bien plus des radicaux-socialistes que
des collectivistes de Forcalquier.
Aujourd'hui, M. Isoard fait ou laisse
annoncer que les radicaux-socialis-
tes, dont il a réclamé et obtenu les
suffrages, sont des cléricaux et des
réactionnaires.
Le trait est délicat, il mérite de frap-
per notre attention et notre mémoire.
Indiquons notre source de rensei-
gnements : c'est une information de
Forcalquier, publiée dans le Petit Pro--
vençal, sous le titre : Notre député.
JBien des détails de ce « papier »
sont ravissants. Il convient que nous
n'en laissions rien perdre.
Pour commencer, on nous apprend
qne « le citoyen docteur Isoard s'est
immédiatement fait inscrire au groupe
républicain-socialiste ». C'est probable-
ment un groupe parlementaire que
M. Isoard a fondé en entrant au Palais-
Bourbon. Nous ne connaissons pas à
la Chambre de groupe républicainso-
cialiste. Il y a les groupes radical-so-
cialiste, socialiste, et socialiste-révolu-
tionaire. L'intransigeant M. Isoard au-
rait bien fait de choisir. Dans la pra-
tique, le terme « républicain-socialis-
te» désigne les radicaux-socialistes;
les plus avancés. Mais ils ne for-
ment pas un groupe séparé à la Cham-
bre. Ils adhèrent au parti radical-so-
cialiste. Que M. Isoard les imite; ou
bien qu'il s'en aille au groupe socia-
liste, tout court : il s'affirmera ainsi
collectiviste, révolutionnaire, inter-
nationaliste. Je pense que M. Isoard
n'a pas peur des trois mots qui résu-
ment la doctrine dont il se recom-
mande?
Je suppose que M. Isoard a dû lui-
même sourire en lisant, dans le Petit
Provençal, les compliments qui lui sont
adressés pour « sa rude campagne ».
Cette rude campagne m'a surtout l'air
d'avoir été menée par les radicaux-so-
cialistes, et le nouveau député paraît
n'avoir eu qu'à croquer les marrons
tirés du feu par ses concurrents.
On chercherait en vain dans ce qui
précède, une excuse aux quelques li-
gnes suivantes, que M. Isoard fera bien
de désavouer s'il ne veut que, plus
tard, elles lui soient justement repro-
chées
Si notre député Isoard n'avait pas été pré-
sent à la séance de jeudi et n'avait pas voté la,
proposition Massé, notre département pourrait
être considéré comme un département clérical
et réactionnaire, puisque sa représentation à la
Chambre, ce jour-là, à voté (a l'exception du
citoyen Isoard) en faveur de la réaction et du
cléricalisme. Bravo, citoyen, Isoard !
Ailleurs,Hubbard est accusé d'«aber-
ration d'esprit » pour avoir protesté -
comme Georges Clemenceau, comme
F. Buisson, comme Charles Bos et
d'autres excellents républicains —con-
tre le texte de M. Massé, aujourd'hui
en panne au Sénat.
Les démocrates des Basses-Alpes
jugeront les attaques dirigées par les
amis du député-collectiviste de For-
calquier contre le député radical-so-
cialiste de Sisteron; Si M. Isoard .en-
tend se classer parmi les partisans du
« bloc » à Paris, il est visible que son
influence désagrégerait vite l'entente
des républicains dans les Basses-
Alpes. l'information dont j'ai cité pltl7
Dans l'information dont j'ai cité plu-
sieurs passages, M. Delombre, lui
aussi, est attaqué.
Il est permis de reprocher à M. De
lombre ses tendances un peu oppor-
tunistes. Il est peut-être dangereux
d'oublier que son concours n'a pa:\
été inutile pour assurer aux élections
Sénatoriales l'écrajernenl de la list
! nationaliste de M. Ândrieux.
- Nous, ne demandons pas à M. Isoard
d'abandonner son programme; nous
Í lui conseillons au contraire de le dé-
.}oyer. afin de bien, renseigner sur ses
opinions les électeurs de Forcalquier.
Mais nous avons le droit d'être surpris
quand, élu grâce au concours sans
réserve des amis de G. Hubbard, il
laisse entendre que le député de Siste-
ron n'est plus, comme « jusqu'ici, fa-
rouche anticlérical» ; quand il paraît
insinuer que Hubbard ne veut pas
« mettre un terme aux abus que com-
mettent lescongréganistesenseignants)
| quand, en son nom, on prétend que
Hubbard, dans son superbe discours
tsur le purgatoire de laïcisation, a été
applaudi par le centre et la droite, in-
vectivé par la gauche entière.
La politique des attaques personnelles
et de la division républicaine n'a ja-
mais profité à personne. Souhaitons à
M Isoard et àses amis de se borner* à la
discussion des actes et des doctrines.
Souhaitans-leur surtout d'apporter à
se documenter plus de soin qu'on n'en
voit paraitre dans la note du Petit Pro-
vençal.
Hugues Destrem.
<&>
LA , MOTION KLOTZ
-
..Nous sommes dans la maison
Nicollet. Toujours de plus fort
en plus fort. Avec M. Combes il
faut s'attendre à tout. A ceci,
par exemple, que ses fidèles col-
portaient hier dans les couloirs :
c'est que la proposition Massé est tout à
;fait inutile. En étudiant plus à fond la loi
;de 1901V NL Combes a trouvé qu'elle se suf-
fit.à elle-même et que,notammcnt,il peut se
servir de l'article 13 contre les congréga-
tions autorisées. Il est vraiment dommage
que M. Combes n'aitpas fait cette double
découverte plus tôt, Nous nous étions pro-
mis de la lui faciliter, à la commission des
congrégations d'abord, ici même ensuite.
Mais M. Combes se couvrait les yeux et se:
-bouchait les oreilles. Il lui fallait un autre
texte. ,":
La Chambre le lui a donné, malgré elle,:
après quinze jours de laborieuses négocia- :
tions et de luttes mémorables. M. Combes.
's'était fait fort d'en enlever le vote au Sé-
nat. « Ce petit projet )) devait, au Luxem-
bourg, passer comme une lettre à la poste.
On n'avait oublié qu'une chose, c'est que
Clemenceau tenait la clef de la boîte aux
lettres. Il a donc arrêté la proposition
'Massé, inefficace, inopérante, arbitraire,
et il en a changé le contenu. M. Combes a
d'abord très bien accepté cette substitution.
Puis, le Sénat, en verve de bouleverse-
ments ou d'insurrection,a paru décidé à pro-
céder à une cérémonie qui lui est familière,
l'enterrement d'un vote de la Chambre qui
lui semble mal venu, insolite d'ailleurs. A
ce moment, on a vu - des gens bien in-
formés, du moins, le prétendent — l'hono-
rable président du Conseil se précipiter vers
le Luxembourg et déclarer qu'il serait heu-
reux que la commission des congrégations
fît mariner, sans le rapporter, le « petit pro-
jet » en question. Dans l'intervalle, des en-
trevues ont eu lieu pour masquer la ma-
nœuvre.
Et hier, à la Chambre, il y avait de l'é-
lectricité dans l'air. Notre ami Klotz, fu-
rieux— avec deux cents autres qui votèrent
la mort dans l'âme - qu'on Ijui ait imposé
une loi inutile etinopérarite maisque- le gou-
vernement avait proclamée tellement indis-
pensable qu'il s'en allait si on ne la lui ac-
cordait pas, Klotz,pour obtenir des explica-
tions du président du Conseil, a eu l'ingé-
nieuse idée, qu'il réalisera demain, de prier
la Chambre de surseoir au vote des quatre
contributions jusqu'au jour où le Sénat
nous aura renvoi le projet de loi des
sécularisations.
Ce n'est pas, ainsi qu'ont feint de le
croire quelques-uns, une mise en demeure
adressée au Sénat, mais un moyen de
prier le président du Conseil de nous ap-
prendre pourquoi il ne veut pas faire voter
par le Sénat un texte qu'il a arraché à la
Chambie, contre l'aveu même de chacun
de ceux qui le lui ont donné. Je me hâte de
dire que M. Combes n'a pas l'air d'être dis-
posé à répondre franchement. Je l'entends
déjà déclarer qu'il a fait ceci et cela, qu'il
fera ceci et cela, que d'autres. à sa place
n'auraient pas fait ceci et cela, etc. Il est
certain, en effet, que personne à sa place
n'aurait réclamé de sa majorité un effort
inutile et n'aurait osé la traiter comme il l'a
fait..
Pauvre Klotz ! Je le plains. Encore un
qui va être arrangé aujourd'hui. Un cléri-.
cal de plus parce qu'il ne veut pas obéir à
la cravache. Ce qu'il en a subi des assauts !
Mais je suis de ceux qui pensent qu'il ne
capitulera pas. -
Il faut, en effet, que nous sachions pour-
quoi M: Combes a fait voter en divisant sa
majorité; un texte qui ne lui est plus né-
cessaire, pourquoi il renonce tout d'un
coup à un arbitraire qui lui paraissait in-
dispensable, pourquoi il déclare- mainte-
nant que la loi de 1901 lui suffit. Nous
avions raison quand il avait tort. Nous ne
voulons pas avoir tort maintenant qu'il
nous donne raison. C'est une singulière po-
litique que celle qui consiste à combattre
aujourd'hui les résolutions acceptées la
veille et à défendre celles qu'on avait re-
poussées auparavant. C'est aussi' d'une
.singulière mentalité que de reprocher X
Klotz d'avoir des relations cordiales avec
M. Renault-Morlière, président du groupe
des progressistes, et de voir un complot
dans ce fait qu'un membre du bloc parle
dans les couloirs à un membre de l'opposi-
tion. — Ch. B.
-——————————— ♦ —
LA NOUVELLE TENUE DE L'INFANTERIE ITALIENNE
(De notre corresponaant particulier)
Rome, 30 juin.
Aux prochaines grandes manœuvres, les
troupes des 13e. 26\ 66\ 29f et 14* régiments
d'infanterie seront revêtues, à titre d'essai, de
la nouvelle tenue proposée par le ministre de
la guerre.
Les modifications de rêquipèftiônt portent
surtout sur la répartition de la charge. Les
cartouches seront portées à la ceinture, le sac"
sera simplifié. Les escarpins seront remplacés
par des bottes montantes enserrant le pantalon
[ £ u-dcssus de la cheville.
LE MUSÉE VICTOR-HUGO
Place des Vosges. — La maison du
poète. — L'inauguration, — Les dis-
cours. — Glorieux souvenirs. — Le
géant du XIX' siècle. — A travers
le musée.
C'est hier matin qu'a été inauguré le musée
établi dans la maison où habita Victor Hugo,
6j place des Vosges. Le poète n'occupa que le
second étage ; néanmoins l'immeuble, tout en-
tier est consacré à sa gloire. Il ne fallait pas
moins pour contenir les monuments réunis là
; par l'admirable piété de M. Paul Meurice.
Une école publique était logée dans cette
maison; M. Paul Meurice obtint de. la Ville
qu'elle mit ailleurs son école et confiât aux pe-
tits-enfants de Hugo et à lui-même le soin de
constituer un musée réunissant les souvenirs
les plus précieux de l'illustre disparu.
La cérémonie d'hier matin ne réunissait que
de 500 à 600 personnes.
Dans la grande salle du premier étage,
parmi des fleurs et doouronnes, était dressé
le buste tffn poète. Dô« «tèges étaient disposés
tout autour pour la famille et les personnages
; officiels.
l La réception des invités
Des gardes municipaux faisaient la baie de-
i vant la maison,décorée de drapeaux,et le long
de l'escalier orné de plantes vertes. Un peu
lavant 10 h. Ij2, MM. Paul Meurice et Georges
, Hugo ont reçu, en bas, les invités les plus
marqualÚs,
La cérémonie proprement dite a commencé à
* 10 h. 3i4.
Devant le buste de Hugo, par David d'An-
gers, avaient pris place :
Jeanne Hugo (Mme Jean Charcot) et Georges
Hugo, M. Paul Meurice, M. et Mme Edouard Loc-
kroy, les familles de -M. Paul Meurice et de M.
Lockroy, les cinq académiciens délégués : MM. Ju-
les Clnretie, de Vogûé, de Hérédia, Boissier et Cop-
pée ; M. de Selves, M. lApine; M. Deville, prési-
dent du-Conseil municipal.
-Puis, MM. Bellan, Dausset, Galli, Sauton, Fro-
ment-Meurice, Quentin-Bauchart, représentant le
Conseil municipal ; M. Bouvard, Mme et M. Au-
trand, secrétaire général, et M. Armand Bernard,
chef de cabinet du préfet de la Seine; MM. Marcel
Prévost, Léonce de Lormandie et quelques mem-
bres du comité de la Société des gens de lettres ;
M. Alfred Cap us et les délégués des auteurs dra-
matiques; M. Lucien Pallez, la plupart des artistes
de la Comédie-Française avec,à leur tête, M. Mou-
; net-Sully, leur doyen ; les peintres dont, les œuvres
figurent dans ce musée ; des écrivains, MM. Catulle
Mendès, Mirbeau, Pierre Wolff, etc.
Discours de M. Paul Meurice
M. Paul Meurice se lève et prend le premier
la parole ces termes :
A la fin de l'année 1901, j'adressais au Conseil
municipal de Paris une lettre, où je disais: « L'An-
gleterre a la Maison de Shakespeare à Stratford-
sur-Avon, l'Allemagne a la Maison de Goethe à
Francfort. Au nom des petits-enfants de Victor
Hugo et au mien, je viens offrir à Paris de donner
à la France la Maison de Victor Hugo. »
Paris a généreusement répondu à cet appel. Les
petits-enfants de Victor Hugo et moi, nous offrions
les collections, les œuvres variées de Victor Hugo
et sur Victor Hugo Paris a donné le cadre, cet his-
torique et vivant hôtel.
Et aujourd'hui, monsieur le président, après
vingt mois d'un effort - qui m'a été plutôt doux
.— j'ai riionnour et la joie de" remettre la Maison
de Victor Hugo, à vous qui représentez Paris, à
Paris qui représente la France.
Ces paroles sont accueillies par de chaleu-
reux applaudissements, qui témoignent de la
gratitude des assistants pour celui à qui la
Ville et la France doivent le musée Vielor
Hugo. M. Paul Meurice doit à plusieurs re-
prises remercier le publie qui l'acclame. M.
Edouard Locbroy va lui serrer la main en lui
exprimant toute sa reconnaissance £ t celle des
siens.
M. Deville, président du Conseil municipal,
parle ensuite :
, .\i l'honneur de prendre possession, au nom de
la ViHe de Paris, de la Maison de Victor Hugo et de
la déclarer ouverte au publie.
=,11 s'exprime ainsi au sujet du musée :
Rien ne peut former un plus magnifique monu-
ment de gloire, èt nous n'avons qu'à remercier
ceux qui en ont réuni et assemblé les matériaux,
au grand profit de la Ville et du peuple de Paris.
Parlant de M. Paul Meurice et de ses colla-
borateurs, il dit:
Nous serons heureux qu'ils gardent et embellis-
sent avec Lui) ce monument, et leur joie comme
leur récompense, sera de voir longtémps les amis
des lettres et des arts, le peuple surtout, de France.
et de tous pays)s'empresscr à venir pour s'instruire
et pour admirer dans la Maison désormais muni-,
cipale de Victor Hugo.
Ces paroles, qu'on applaudit vivement, sont
l'occasion de nouvelles acclamations en l'hon-
neur de M. Paul Meurice. Puis M. de Selves
prend la parole :
Le musée du poète, dit-il, est réalisé, nous le li-
vrons à la respectueuse curiosité de ses innombra-
bles admirateurs.
Merci à M. Paul Meurice, l'âme de cette créatioQ,
à Mme Lockroy, à tous ceux qui, pour une part
quelconque, ont contribué à sa fondation.
Nous le recevons de leurs mains.
11 constitue désormais, pour notre grande cité,
un précieux dépôt ; Paris, en veillant sur lui, n'ho-
norera pas seulement la mémoire du grand homme,
mais s'honorera aussi lui-même aux jeux du monde
civilisé.
Discoure de M. Jules Claretie
M. Jules Claretie donne ensuite lecture d'un
discours remarquable dont voici les principàux;
passages : - •
Visiter le salon de la place Royale,passer sous les
fenêtres de' la place Royale,voir de près cette Mecque
de la poésie qui attirait, il y a soixante ans, tant
de fervents et d'enthousiastes, c'était alors un rêve,
et lorsque Alexandre Dumas venait ici pour sui-
vre le char, funèbre de Raehel — voisine, elle, ia
prêtresse de là tragédie, du poète du drame, — il
se découvrait en passant devant le logis abandonné
du poète proscrit. Aujourd'hui, cette demeure est
la maison de tous. Le toit où passa Victor Hugo
appartient à Paris. Je dirai, messieurs, ce logis
appartient au monde.
Désormais, comme à Francfort, il y a la maison
de Goethe, comme en Angleterre il y a la maison
(le Shakespeare, il y aura en France la maison de
"ictor Hugo. Une maison où il est chez lui et où
F est tout lui." Une demeure où, dans une admi-
ration stupéfaite, la foule se demandera quel fut
cet homme qui ciselait des vers et qui taHlait des
lambris de chêne, ce poète qui fut architecte, qui
fijt décorateur, qui se délassait de ses chefs-
d'œuvre en faisant du bout du pinceau ou
du bout du doigt d'autres chefs-d'œuvre d'un
ordre différent, des paysages, des marines, des.
songes — ce dramaturge qui se vengeait d'une
critique stupide par une caricature spirituelle
— ce frère du Dante qui se faisait le frère de
Rembrandt, de Gallot ou de Goya — ce vision-
naire qui chaulait les Burgraves et immor-
talisait des burgs fantastiques — et les passants
se demanderont, étonnés, comment, puisqu'il était
écrivain, il avait le temps d'être peintre, d'être des-
isinalour, d-'être constructeur de meubles, inven-
teur d'une flore étrange ou d'architectures singu-
lières — ou, puisqu'il était architecte, peintre et
dessinateur,comment il avait le temps d'être écri-
vain.
UN PRODIGIEUX TRAVAILLEUR
C'est que nul ne fut un plus grand travailleur
du cerveau, c'est que l'oi-^ur, le causeur, le ri-
meur, le dramatur^ 1 ie penseur — tous ces hom-
mes qui éta)Jt en lui - so délassaient d'un labeur
par un liseur et formaient cet homme prodigieux,
"JJrie de géant de l'idée qui, après avoir jeté aux
hommes des cris do triomphe, d'amour, de douleur
ou de pitié qui étonneront les siècles, se reposait,
pariant do çç bon sourire des forts, en contant à
ses enfants des contes, de merveilleuses histoires
qui s'envolaient comme de la fumée d'un volcan.
Messieurs, c'est dans la maison où nous sommes
que Victor Hugo, payant un loyer de 1,500 francs,
vint s'établir lé 1" janvier 1833, attiré peut-être
par le fantôme de Marion de Lorme. pour écrire
des drames et élever ses petits. Il avait 31 ans, ses
enfants en avaient 5 ou 6. L'aîné, Charles, en
1 avait 7. Toute la nichée grandit ici sous l'œil de
j l'aigle et aussi sous l'aile de la mère quo j'ai eu
l'honneur de voir éclairée par la lampe du foyer à
Bruxelles, place des Barricades, quand ceux qui
sont ici n'étaient pas encore. Et l'auteur d'Her-
nànij de Notre-Dame de Paris et des Feuilles
d'automne, qui quittait la rue Jean-Goujon, où il
avait pour propriétaire le futur général Cavai-
gnac, se mit à travailler dans la maison de Ma-
rion Delorme. Il en fit la maison du labeur, la.
maison de la famille. Halte de 15 années fameuses!
C'est ici, messieurs, la maison du bonheur, c'est
la maison de la gloire, c'est la maison de la dou-
leur aussi —r et il y a là-haut un morceau, de la
petite robe de celle qui mourut noyée avec son
mari ; ailleurs est la maison de l'exil, toute pleine
aussi de sa grande ombre. Mais c'est ici qu'il passa
la partie de sa vie la plus féconde et la plus rayon
nante. C'est de ce logis qu'il partait pour se rendra
chez Nodier, tout près, à l'Arsenal, puis pour aller
à la Comédie-Française surveiller les répétitions
d'Angelo ou des Burgraves- à la Porte-Saint Mat-
tin, celles de Lucrèce Borgia ou de Marie Tudor..
C'est ici qu'il a écrit les Chants du crépuscule,
les Voix intérieures, les Rayons et les ombras,
les plus belles pièces, les plus poignantes, les plus
profondes des Contemplations. C'est ici qu'il a
conçu Claude Gueux, qu'il a commencé ce roman
de la pitié, intitulé d'abord le Manuscrit de l'évê-
'q:'Ki!, qui devait s'appeler les Misères et qui est de-
Vtnu les Misérables. C'est d'ici qu'il est parti pour
prononcer à l'Académie française l'éloge de Népo-
mno Lemercier, pour réclamer, îiu Luxem-
barrg, lui, le futur exilé de Décembre, l'abrogation
des lois d'exil. C'est d'ici que,de l'Opéra,il se rendit
aux Tuileries pour demander au roi la grâco de
Barbes. C'est do cette demeure que, nommé repré-
sentant du peuple de Paris, le septième sur la liste,
entre Pierre Leroux et Louis NRDolÓon. il Drit le
chemin de l'Bssembléé nationale, qui devait être
celui tle la proscription. C'est de ce logis, envahi
par les insurgés de Juin et respecté par eux, qu'il
sortit, l'écharpe de représentant à la ceinture, pour
affronter le feu des barricades. C'est de cette mai-
-son enfin qu'il partit pour aller voir expirer son
frère et entendre dire au mourant,poète aussi : «Je
meurs consolé. Je te laisse 1 »
LES HOTES DE -VICTOR HUCO
Je n'ai pu m'empêclier d'être ému, la première
fois que j'ai posé la pied sur les marches de pierre
de cet escalier à rampe de fer que, le cœur battant
bien fort, tant de débutants, d'admirateurs, de fa-
miliers, tant de glorieux amta ont gravi autre-
fois! Tout un vivant Panthéon a passé, messieurs,
par où vous venez de passer. Sur ces marches que
les enfants de Victor Hugo montaient en riant, en
chantant, des hommes qui furent l'éclat dé tout
un siècle ont posé le pied, "Toute une génération
d'immortels ! Quels noms, quelles renommées,
quelles statues, quels fantôme! ! C'est Lamartine,
c'est Michelet, c'est Alexandre Dumas, c'est Gérard
de Nerval, c'est Alphonse Karr, c'est Pétrus Borel,
c est Méry, c'est Célestin Nanteuil, c'est Frédéric
Soulié, c'est Louis Boulanger, le peintre aimé du
poète, c'est David d'Angers, dont le marbre cou-
ronné de lauriers devance alors la postérité, c'est
— ne l'oublions pas, Victor Hugo l'aimait — le
baron Taylor, qui ouvrait avec Hernani, au poète
de combat, les portes de la Comédie-Française,
c'est Emile et Antony Deschamps, celui do la' Di.
vine Comédie et celui du Romancero, c'est Arsène
Houssaye tout jeune,, c'est Alexandre Dumas fi!!.
tout petit, c'est, là, au même étage, dans la mai -
son qui fait l'angle, Théophile Gautier, le disciple
logé auprès du maître, ouvrant chaque matin si
fenêtre pour voir lever Victor Hugo comme il ver-
rait lever le soleil.
George Sand est-elle venue ? Alfred de Vigny
s'était éloigné; Musset oubliait. D'autres aussi.
Mais une génération nouvelle, celle de 1840, suc-
cède aux vaillants de 1830; bientôt Banville, Bau-
.delaire, Léconto de Lisle viendront frapper à la
porte hospitalière ; et déjà deux jeunes gens .élèves
du collège Charlemagne, où Charles et François-
Victor étudient, ont apporté à Victor Hugo leur
premier hommage, leurs premiers vers.
Ceux-là,, vous les avez nommés, messieurs, Ce
sont les fidèles serviteurs de la gloire du Maître,
les amis de toutes les heures, les combattants de
l'Evénement et du Rappel, les dramaturges et poè-
tes qui ont fait de toute leur existence le piédestal
solide de la statue de Victor Hugo, c'est l'auteur
des Funémilles de l'honneur, Auguste Vacquerie;
c'est le vieux maître qui fut indulgent à mes pre-
miers pas, l'auteur d'Antigone et de Bènvenuto
Cellini, lé traducteur d'Hamlet, Paul Meurice.
Ceux-là furent, après les fils de Victor Hugo, les
plus dévoués à sa mémoire, - et il faut bien, encore
.remercier M. Paul Meurice. dè s'être noblement
f dessaisi de tant de souvenirs précieux, de tant
d'œuvres d'art, de ces dessins,-de ces autographes,
de ces livres qui faisaient partie de sa vie et qu'il
a apportés au musée, à la maison de Victor Hugo.
M. Jules Claretie termine ainsi 1 <
Sous ce toit où grandirent ses enfants, il sem-
ble que Victor Hugo dans l'intimité de sa vie soit
'plus présent que dans son cercueil même, sous la
voûte où il repose. Là-haut, à côté du bureau où,
debout, le poète écrivait chaque jour une page
nouvelle, on peut revoir le lit où nous l'avons
contemplé étendu, il y a 18 ans dans sa blancheur
de marbre, tel que le peignit alors Bonnat. Les
foules qui viendront pourront admirer à la fois le
travailleur de tous les jours et le classiqne de tou-
jours. Là-haut est le lit de mort. Ici - dans ce
coin de Paris, dans ce coin de France comme dans
le monde entier, — palpite encore son esprit et
rayonne son immortalité 1
La famille de Hugo remercie M. Jules Clare-
tie, qui est l'objet de nombreuses manifesta-
tions sympathiques ;puis communication est
donnée ensuite d'une lettre chaleureuse quo la
Maison de Shakespeare adresse à la Maison
de Hugo.
La visite du musée
Puis on commence à visiter le musée. La
visite se poursuit à travers les trois étages de
l'immeuble, la bibliothèque, les salles de des-
sins et de meubles sculptés, la chambre à cou-
cher du poète, etc. L'impression générale est
que le musée ne pouvait être organisé avec
plus de goût ni de judicieuse sollicitude.
A midi seùlement,les invités quittent la mai-
son de Victor Hugo. L'après-midi d'autres y
sont venus. Aujourd'hui le public sera admis à
la visiter librement. Tout Paris voudra rendre
cet hommage à la mémoire de celui dont le
nom et le souvenir dominent le siècle qui vient
de se terminer.
TOMBES PROFANÉES
(De notre correspondant particulier)
Capetown, 30 juin.
- Les autorités ont ouvert une enquête sur les'
nombreuses profanations dont les tombes des
soldats, boers et anglais, morts à Ladysmith
ont été l'objet depuis quelque temps. Des tou-
ristes anglais ont défiguré les pierres tomba-
les, beaucoup y ont inscrit leur nom et leur
adresse, d'autres y ont tracé de mauvais vers
ou des plaisanteries d'un goût douteux. La
population est indignée,
Il y aura probablement des poursuites judi-
ciaires.
LA CHANCELLERIE D'EMPIRE EN RUSSIE
(De notre correspondant particulierl
Saint-Pétersbourg, 30 juin.
Depuis la mort du prince Gortschakoff, au-
cun des ministres russes des affaires étrangères
n'a porté le titre de chancelier d'empire. Or, il
est question de nommer M. dé Wilte chance-
lier d'empire, et, par ce fait même, de le placer
à la direction des affaires étrangères. M. le
comte Lamsdorff quitterait son portefeuille et
entrerait au conseil d'empire. Le successeur de
M. de Witte au ministère des finances serait,
dit-on, M. Soukhomiloff, maréchal de la no-
blesse de Kherson et ancien procureur impérial
à Odessa. Ces ebasgemente amââe*&ieai^tussi
d'importantes modifications dans lo personnel
du corps diplomatique. Certains ambassadeurs,
qui sont sortis de leur réserve pour faire de la
politique réaçtionnaire militante contre les gou-
vernemenls auprès desquels ils sont accrédités,,
seront remplacés par des diplomates ayant desi
notions plus justes de leur mission.
- Nous publierons demain : T.
LE RAPPEL ARTISTIQUE ET LITTÉRAIRE
de notre ami et collaborateur Léon - JIJOTÔ. B,.
RUE DES HALLES
Ah ! les gens qui ont, comme ils disent, le
culte du passé, la religion des souvenirs histo-
riques, comme je voudrais les voir à tous les
diables î Voilà qu'ils vont s'aviser — le Rappel
a raconté cela, hier — d'incruster dans le sol,
rue des Halles, entré la rue de la Ferronnerie
et la rue des Déchargeurs, une plaque commé-
morative de l'assassinat du roi Henri IV. Je
vous demande un peu à quoi rime cela.
Incontestablement, ledit roi Henri IV fut un
des plus vils égoïstes, un des hommes les plus
méprisables, qui aient jamais existé. Sa vie ne
fut qu'une longue suite de trahisons..
Pendant la nuit tragique de la Saint-Barthé-
lémy, alors que ses soldats mouraient autour
de lui, il n'hésita pas une seconde à abjurer la
religion réformée, pour sauver sa peau. Quel-
ques mois plus tard, revenu en France; il se
refit huguenot, comptant bien se servir doses
coreligionnaires et parfaitemént résolu à les
abandonner de nouveau, le jour où il y trou-
verait son avantage. Ce jour vint, comme on
sait. Dès 1587, le soir de Coutrasy au lieu de
profiter de la victoire, il retournait en arrière,
sous prétexte de porter à sa maîtresse d'alors
les drapeauxpris, en trophées. C'était qu'il ne
voulait nullement anéantir les catholiques, ne
se souciant pas du triomphe des protestants,
voulant seulement que les deux partis sientre-
dévorassent à moitié, pour pouvoir, lui, ré-
gner sur les ruines. En 1593, co saltimbanque
fit, selon sa propre exp."t;¡sion, « le saut péril-
leux », rentra pour la deuxième fois « dans le
giron de l'Eglise catholique s. C'était sa troi-
sième apostasie. Il changeait do conviction
comme certains politiciens modernes changent
leur fusil d'épaule.
Et son règne ne fulque dilapidations cl scan-
dales. Au moment où la France était en proie,
à la plus profonde misère, il trouvait moyende
perdre sur une carte 50.000 pistoles et d'offrir
à Gabrielle d'Estrées des mouchoirs de 2,000
écus. Au moment où llavaillac l'assassina, il
allait déchaîner la guerre, mettre toute l'Eu-
rope à feu et à sang pour tenter de reconquérir
une femme — la princesse de Condé — que la
jalousie d'un mari avait ravie à ses passions
séniles, La mort de Henri IV sauva lo monde
des horreurs de celle guerre ; elle épargna des
milliers de vies humaines: elle doit être consi-
dérée comme un événement heureux. ,
Mais cet heureux événement n'en fut pas
moins l'œuvre ignobledes jésuites qui fanatisè-
rent Ravaillac. Vraiment, on se demande ce
qu'il y a lieu de commémorer dans tout cela,
et si c'est vraiment bien la peine de déplacer
quatre pavés de la rue des Halles. Mais il y a
une commission du Vieux-Paris, il faut bien
qu'elle manifeste son existence.
Pourquoiy a-t-il une commission du Vieux-
Paris? A quoi bon entretenir avec un soin si
jaloux ces souvenirs d'oil s'exhale une àcre
odeur de fange et de sang? Ne vaudrait il pas
mieux sur ce passé plein do honte et d'hor-
reurs jeter; le voile de roubli ? Je suis de ceux
qui crient : Mort au passé ! - L. Victor-Meu-
MW.
, LES SUPPLÉANTS
La loi qui étend la compétence dos juges de
paix va faire éclater à tous les yeux la néces-
sité d'exiger un peu plus do garanties de ceux
qui sont appelés à les suppléer.
Il y a,en effet, à éôté de chaque juge de paix
un ou plusieurs suppléants. Dans les grandes
villes ces fonctions accessoires sont occupées
par des avoués, des notaires, des avocats, d'an-
ciens magistrats, d'anciensofficiers ministériels,
hommes qui, par leur profession, par leurs étu-
des, par leur expérience, sont à mmo de con-
naître les affaires et de rendre la justice.
Malheureusement il n'en est pas ainsi dans
le plus grand nombre des chefs-lieux de can-
ton, où le titre de suppléant de juge de paix
est donné un peu à l'aveuglette, et où les re-
commandations. influentes ont plus de poids
que le savoir personnel.
Il y a donc — et j'en connais quelques uns
— des suppléants do juges de paix qui ne sa-
vent pas un mot de droit et qui no sont pas
capables de rédiger un jugement. Ils sont pour-
tant des arbitres dont,dans la plupart des cas,
les décisions sont souveraines.
Il n'est pas étonnant" dès lors qu'ils commet-
tent parfois de véritables hérésies juridiques,
et qu'ils statuent en dépit du bon sens et,de la
loi. Il en est qui essaient de remédier à leur
ignorance en recourant à des juriconsultes
fpour la rédaction de leurs jugements. Il y a
à une situation qui est tout au moins bizarre
et qui présente de sérieux dangers.
La loi votée par la Chambre va en accentuer
encore les inconvénients et les périls. Pour y
remédier, il faut demander à ceux qui postu-
lènt le titre de suppléant de juge de paix de
justifier de certaines connaissances élémentai-
res. Je ne vais noint jusqu'à prétendre qu'il
faille leur imposer la production du diplôme
de licencié en droit, mais tout au moins pour-
rait-on exiger d'eux l'examen de capacité dit
capax, ou un stago plus ou moins long
dans les études de notaire, d'huissier ou d'a-
voué.
Ce n'est pas tout d'avoir des juges ; il faut
avoir des juges intelligents, capables, et qui
ne soient point, en matière de droit, aussi
! ignorants que ceux qui viennent devant eux
pour leur demander leur avis, — L. Arm-
: brus ter
VOi1" à la 3' page
les Dernières Dépêches
cie la nuit
et la Revue des Journaux
du naat-irx
Congrégations contre Congrégations
(De'notre correspondant particulierf
Naples, 30 juin.
Une vive agitation règne parmi les prêtres de
(la péninsule sôrrentine et surtout ceux de Vico
Equense,à cause de l'émigration des congréga-
nistes français.
Les jésuites et les franciscains font déjà une
concurrence terrible au clergé séculier du pays.
Maintenant qu'ils ont appris que des congréga-
nistes français vont s'installer à la paroisse de
Santa-Maria del Toro, les prêtres sont furieux
-et sur le point de se révolter. L'archevêque de
(Sorrente, M. Giustiniani, favorise les immi-
igrés qui suivront la règle de l'ordre des pré-
tres pauvres.
i\ Un conflit très grave a éclaté entre le clergé
Subalterne et l'archevêque.
LA JOURNEE
., PARLEMENTAIRE
A LA CHAMBRE-,
LE VOYAGE DE M. LOUBET
M. Delcassé, ministre des affaires étranj
gères, a déposé hier un projet tendant i
l'ouverture d'un crédit extraordinaire de
600,000 francs sur le budget de 1903 pour
couvrir les dépenses qui seront occasion-
nées parle voyage du Président de la Ré-,
publique à Londres, ainsi que par la pro,
chaîne visite dii roi d'Italie à Paris.
Voici le texte dé ce projet de loi :
Messieurs,
M. le Président de la République se propost
de rendre, dans les premiers jours du moh
proéhain, la visite que lui a faite S. M. le roi
Edouard, contribuant ainsi, selon l'expression
même du roi, au rapprochement de deux grande
'pays qui ont tant d'intérêts communs.
Dès son retour, M. le Président de la Répu-
blique doit recevoir la visite de S. M. le roi
Victor-Emmanuel dont la présence à Paris mar-
quera combien est devenue étroite l'entente si
heureusement rétablie entre l'Italie et la
France.
Après les imposantes démonstrations nava-
les d'Alger et de Marseille, ces manifestations
permettront à la représentation nationale d'ap-
précier la place que, fidèle à une alliance ci-
mentée par le temps et par les résultats, la'
France a su conquérir dans l'estime et dans les
sympathies du monde.
La représentation nationale aura sans doute'
à cœur de s'y associer et d'accorder au gouver-
nement les moyens de remplir dignement tous
ses devoirs.
Nous soumettons donc avec confiance à votre
approbation le projet suivant :
Article unique. — Il est ouvert au ministère
des affaires étrangères, sur l'exercice 1903, un
crédit extraordinaire de 600,000 francs pour les
frais de voyage à Londres du Président de la
République et les frais de la réception de S. M.
le roi d'Angleterre et de S. M. le roi d'Italie.
(Applaudissements unanimes.) -
Le projet de loi est adopté à l'unanimité
des 6 votants. -
Le président. — Je constate l'unanimité
de la Chambre à adopter le projet de loi. (Ap-
plaudissements unanimes.)
Une interpellation de M. Congy sur le
renvoi d'ouvriers de l'Etat estrenvoyésà la
suite des autres.
M. Laffère dépose une proposition ten-
dant à assimiler les professeurs des collè-
ges communaux aux professeurs des IJ i
au point de vue de l'avancement. L'urgence;
est déclarée et la proposition est renvoyée.
à la commission du budget.
M. Pucch,rapporteur, demande l'urgence
en faveur du projet de loi tendant à auto-
riser le département de la Seine à contrac-
ter un emprunt de 200,000,000 de francs
et à s'imposer extraordinairement dans la-
limite de 4 c. 25,
L'urgence est déclarée.
M. Gervais demande que la subvention:
de 20,000,000 de francs affectée à la Ville de
Paris pour l'assistance publique, soit ap-
pliquée à des services du département de
la Seine, notamment à l'établissement
d'annexes pour les enfants abandonnés du
départements
M. Puech dit qu'il appartiendra au pré-
fet de mettre la Villtf et la bicue d'ac-
cord. •
Le projet est adopte.
Par 422 voix contre 22 est également
adopte, après urgence déclarée, le projet
de loi portant ouverture et annulation de
Crédits sur l'exercice 1902.
LES DROITS SUR LES VIANDES
On poursuit, après, la discussion de* la
proposition de loi de M. Debussy, concer-
nant les droits d'entrée sur les viandes.
Les numéros 5 à 8 sont adoptés.
M. Debussy propose de modifier les chif-
fres indiqués au no 9 (béliers, brebis et
moutons). Ces chiffres seraient 40 et 25 ft.
La commission propose de supprimer
l'article 2 permettant au gouvernement de
suspendre les effets de la loi.
M. Colliard accepte la détaxe sur le mou-
ton. Mais pourquoi, dit-il, a-t-on refusé
cette détaxe sur le bœuf ? Qu'on diminue
au moins de 5 fr. le droit qui frappe le
porc.
Les nos 9, 10, 11 sont adoptés.
M. Noël, président de la commission
accepte l'amendement Colliard sur le no 12.
(porcs).
Le n° 12 ainsi modifi, les nos 13, 16, 17
sont adoptés, ainsi que l'article 1er.
M. Colliard combat la suppression de
l'article 2.
M. Mougeot, ministre de l'agriculture,
est partisan au contraire de la suppression.
M. Vaillant est pour le rétablissement de
l'article 2, en vue des temps possibles de
chute de la viande.
Par 390 voix contre 176, les articles 2 et
3 sont supprimés.
M. Vaillant. — Nous volerons contre la
loi. Nous désirons que. la viande, si nécessaire
pour le peuple, entre librement pourvu qu'elle
soit saine. Nous n'admettons pas que, pour dé-
fendre les gros propriétaires, on rcnchérise la
vie. (Applaudissements.)
Par 408 voix contre 156, l'ensemble du
proiet est adopté.
- M. Vaillant a déposé un projet de réso-
lution invitant le gouvernement et la com-
mission d'hygiène à élaborer un projet de
loi pour déterminer les conditions d'exer-
cice d'une inspection efficace à l'entrée des
viandes abattues.
M. Mougeot, ministre de l'agriculture. —
11 y a déjà des lois et des règlements permet-
tant la surveillance à l'entrée des viandes
abattues ; le gouvernement ne s'oppose pas à
ce qu'on recherche des voies et moyens plu.
efficaces encore. (Très bien.)
Le projet de résolution est adopté.
LE BLANC DE CÉRUSE
L'ordre du jour appelle la première déli-
bération sur le projet de loi relatif à l'em-
ploi des composés de plomb dans les tra-
vaux de la peinture en bâtiments.
MM. de Gailliard-Bancel et de Castelnayt
ont déposé une motion préjudicielle invi-
tant le gouvernement à consulter les syn-
dicats professionnels patronaux et ou*
vriers.
M. de Gailliard-Bancel dsi«(ld çgl&Jgt
on..
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAb
14, rue du Mail, Paris.
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De 4 à 8 heures du soir et de 40 heures du soir à 1 heure du matin
fi. 12165.. — Jeudi a Juillet. 1903
14 MESSIDOR AN 111
ADMINISTRATION ; 14, rue du Slail
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
On nous demande en ce moment de nom-
breux changements d'adresses. Nous rappe-
lais à nos abonnés qu'ils doivent joindre
0 fr. 60 à leur demande pour l'impression de.
nomelles bandes.
Nous rappelons également à nos abonnés
parisiens qui s'en vont en province qu'ils ont,
en nous envoyant leur changement d'adresse,
à tous faire parvenir autant de fois UN
CENTIME qu'ils seront de jours absents de
Pai'is, le port pour la provitm étant de
deix centimes.
NOS, LEADEllS
Bravo, èp Isoar !
A la bonne heure ! Le citoyen docteur
député Isoard n'a pas mis longtemps à
briser les liens de reconnaissance qui,
vraisemblablement, devaient s'être for-
mes entre les radicaux-socialistes des,
Basses-Alpes et lui. On sait dans quelles
conditions M. Isoard fut élu, il y a quel-
ques jours, à Forcalquier. Il était seul
candidat collectiviste, en concurrent
avec un candidat modéré et sept ou
huit candidats radicaux et radicaux-
socialistes. Il arriva second sur la liste
au premier tour de scrutin. Il obtenait
4.200 voix et nos amis réunissaient
près de 4.000 suffrages. Les radicaux
juraient pu faire passer au ballottage
un des leurs. Ils préférèrent affirmer
jusqu'à l'absurde leur esprit de disci-
pline et se désistèrent pour M. Isoard.
Celui-ci fut nommé et se trouva l'élu,
bien plus des radicaux-socialistes que
des collectivistes de Forcalquier.
Aujourd'hui, M. Isoard fait ou laisse
annoncer que les radicaux-socialis-
tes, dont il a réclamé et obtenu les
suffrages, sont des cléricaux et des
réactionnaires.
Le trait est délicat, il mérite de frap-
per notre attention et notre mémoire.
Indiquons notre source de rensei-
gnements : c'est une information de
Forcalquier, publiée dans le Petit Pro--
vençal, sous le titre : Notre député.
JBien des détails de ce « papier »
sont ravissants. Il convient que nous
n'en laissions rien perdre.
Pour commencer, on nous apprend
qne « le citoyen docteur Isoard s'est
immédiatement fait inscrire au groupe
républicain-socialiste ». C'est probable-
ment un groupe parlementaire que
M. Isoard a fondé en entrant au Palais-
Bourbon. Nous ne connaissons pas à
la Chambre de groupe républicainso-
cialiste. Il y a les groupes radical-so-
cialiste, socialiste, et socialiste-révolu-
tionaire. L'intransigeant M. Isoard au-
rait bien fait de choisir. Dans la pra-
tique, le terme « républicain-socialis-
te» désigne les radicaux-socialistes;
les plus avancés. Mais ils ne for-
ment pas un groupe séparé à la Cham-
bre. Ils adhèrent au parti radical-so-
cialiste. Que M. Isoard les imite; ou
bien qu'il s'en aille au groupe socia-
liste, tout court : il s'affirmera ainsi
collectiviste, révolutionnaire, inter-
nationaliste. Je pense que M. Isoard
n'a pas peur des trois mots qui résu-
ment la doctrine dont il se recom-
mande?
Je suppose que M. Isoard a dû lui-
même sourire en lisant, dans le Petit
Provençal, les compliments qui lui sont
adressés pour « sa rude campagne ».
Cette rude campagne m'a surtout l'air
d'avoir été menée par les radicaux-so-
cialistes, et le nouveau député paraît
n'avoir eu qu'à croquer les marrons
tirés du feu par ses concurrents.
On chercherait en vain dans ce qui
précède, une excuse aux quelques li-
gnes suivantes, que M. Isoard fera bien
de désavouer s'il ne veut que, plus
tard, elles lui soient justement repro-
chées
Si notre député Isoard n'avait pas été pré-
sent à la séance de jeudi et n'avait pas voté la,
proposition Massé, notre département pourrait
être considéré comme un département clérical
et réactionnaire, puisque sa représentation à la
Chambre, ce jour-là, à voté (a l'exception du
citoyen Isoard) en faveur de la réaction et du
cléricalisme. Bravo, citoyen, Isoard !
Ailleurs,Hubbard est accusé d'«aber-
ration d'esprit » pour avoir protesté -
comme Georges Clemenceau, comme
F. Buisson, comme Charles Bos et
d'autres excellents républicains —con-
tre le texte de M. Massé, aujourd'hui
en panne au Sénat.
Les démocrates des Basses-Alpes
jugeront les attaques dirigées par les
amis du député-collectiviste de For-
calquier contre le député radical-so-
cialiste de Sisteron; Si M. Isoard .en-
tend se classer parmi les partisans du
« bloc » à Paris, il est visible que son
influence désagrégerait vite l'entente
des républicains dans les Basses-
Alpes. l'information dont j'ai cité pltl7
Dans l'information dont j'ai cité plu-
sieurs passages, M. Delombre, lui
aussi, est attaqué.
Il est permis de reprocher à M. De
lombre ses tendances un peu oppor-
tunistes. Il est peut-être dangereux
d'oublier que son concours n'a pa:\
été inutile pour assurer aux élections
Sénatoriales l'écrajernenl de la list
! nationaliste de M. Ândrieux.
- Nous, ne demandons pas à M. Isoard
d'abandonner son programme; nous
Í lui conseillons au contraire de le dé-
.}oyer. afin de bien, renseigner sur ses
opinions les électeurs de Forcalquier.
Mais nous avons le droit d'être surpris
quand, élu grâce au concours sans
réserve des amis de G. Hubbard, il
laisse entendre que le député de Siste-
ron n'est plus, comme « jusqu'ici, fa-
rouche anticlérical» ; quand il paraît
insinuer que Hubbard ne veut pas
« mettre un terme aux abus que com-
mettent lescongréganistesenseignants)
| quand, en son nom, on prétend que
Hubbard, dans son superbe discours
tsur le purgatoire de laïcisation, a été
applaudi par le centre et la droite, in-
vectivé par la gauche entière.
La politique des attaques personnelles
et de la division républicaine n'a ja-
mais profité à personne. Souhaitons à
M Isoard et àses amis de se borner* à la
discussion des actes et des doctrines.
Souhaitans-leur surtout d'apporter à
se documenter plus de soin qu'on n'en
voit paraitre dans la note du Petit Pro-
vençal.
Hugues Destrem.
<&>
LA , MOTION KLOTZ
-
..Nous sommes dans la maison
Nicollet. Toujours de plus fort
en plus fort. Avec M. Combes il
faut s'attendre à tout. A ceci,
par exemple, que ses fidèles col-
portaient hier dans les couloirs :
c'est que la proposition Massé est tout à
;fait inutile. En étudiant plus à fond la loi
;de 1901V NL Combes a trouvé qu'elle se suf-
fit.à elle-même et que,notammcnt,il peut se
servir de l'article 13 contre les congréga-
tions autorisées. Il est vraiment dommage
que M. Combes n'aitpas fait cette double
découverte plus tôt, Nous nous étions pro-
mis de la lui faciliter, à la commission des
congrégations d'abord, ici même ensuite.
Mais M. Combes se couvrait les yeux et se:
-bouchait les oreilles. Il lui fallait un autre
texte. ,":
La Chambre le lui a donné, malgré elle,:
après quinze jours de laborieuses négocia- :
tions et de luttes mémorables. M. Combes.
's'était fait fort d'en enlever le vote au Sé-
nat. « Ce petit projet )) devait, au Luxem-
bourg, passer comme une lettre à la poste.
On n'avait oublié qu'une chose, c'est que
Clemenceau tenait la clef de la boîte aux
lettres. Il a donc arrêté la proposition
'Massé, inefficace, inopérante, arbitraire,
et il en a changé le contenu. M. Combes a
d'abord très bien accepté cette substitution.
Puis, le Sénat, en verve de bouleverse-
ments ou d'insurrection,a paru décidé à pro-
céder à une cérémonie qui lui est familière,
l'enterrement d'un vote de la Chambre qui
lui semble mal venu, insolite d'ailleurs. A
ce moment, on a vu - des gens bien in-
formés, du moins, le prétendent — l'hono-
rable président du Conseil se précipiter vers
le Luxembourg et déclarer qu'il serait heu-
reux que la commission des congrégations
fît mariner, sans le rapporter, le « petit pro-
jet » en question. Dans l'intervalle, des en-
trevues ont eu lieu pour masquer la ma-
nœuvre.
Et hier, à la Chambre, il y avait de l'é-
lectricité dans l'air. Notre ami Klotz, fu-
rieux— avec deux cents autres qui votèrent
la mort dans l'âme - qu'on Ijui ait imposé
une loi inutile etinopérarite maisque- le gou-
vernement avait proclamée tellement indis-
pensable qu'il s'en allait si on ne la lui ac-
cordait pas, Klotz,pour obtenir des explica-
tions du président du Conseil, a eu l'ingé-
nieuse idée, qu'il réalisera demain, de prier
la Chambre de surseoir au vote des quatre
contributions jusqu'au jour où le Sénat
nous aura renvoi le projet de loi des
sécularisations.
Ce n'est pas, ainsi qu'ont feint de le
croire quelques-uns, une mise en demeure
adressée au Sénat, mais un moyen de
prier le président du Conseil de nous ap-
prendre pourquoi il ne veut pas faire voter
par le Sénat un texte qu'il a arraché à la
Chambie, contre l'aveu même de chacun
de ceux qui le lui ont donné. Je me hâte de
dire que M. Combes n'a pas l'air d'être dis-
posé à répondre franchement. Je l'entends
déjà déclarer qu'il a fait ceci et cela, qu'il
fera ceci et cela, que d'autres. à sa place
n'auraient pas fait ceci et cela, etc. Il est
certain, en effet, que personne à sa place
n'aurait réclamé de sa majorité un effort
inutile et n'aurait osé la traiter comme il l'a
fait..
Pauvre Klotz ! Je le plains. Encore un
qui va être arrangé aujourd'hui. Un cléri-.
cal de plus parce qu'il ne veut pas obéir à
la cravache. Ce qu'il en a subi des assauts !
Mais je suis de ceux qui pensent qu'il ne
capitulera pas. -
Il faut, en effet, que nous sachions pour-
quoi M: Combes a fait voter en divisant sa
majorité; un texte qui ne lui est plus né-
cessaire, pourquoi il renonce tout d'un
coup à un arbitraire qui lui paraissait in-
dispensable, pourquoi il déclare- mainte-
nant que la loi de 1901 lui suffit. Nous
avions raison quand il avait tort. Nous ne
voulons pas avoir tort maintenant qu'il
nous donne raison. C'est une singulière po-
litique que celle qui consiste à combattre
aujourd'hui les résolutions acceptées la
veille et à défendre celles qu'on avait re-
poussées auparavant. C'est aussi' d'une
.singulière mentalité que de reprocher X
Klotz d'avoir des relations cordiales avec
M. Renault-Morlière, président du groupe
des progressistes, et de voir un complot
dans ce fait qu'un membre du bloc parle
dans les couloirs à un membre de l'opposi-
tion. — Ch. B.
-——————————— ♦ —
LA NOUVELLE TENUE DE L'INFANTERIE ITALIENNE
(De notre corresponaant particulier)
Rome, 30 juin.
Aux prochaines grandes manœuvres, les
troupes des 13e. 26\ 66\ 29f et 14* régiments
d'infanterie seront revêtues, à titre d'essai, de
la nouvelle tenue proposée par le ministre de
la guerre.
Les modifications de rêquipèftiônt portent
surtout sur la répartition de la charge. Les
cartouches seront portées à la ceinture, le sac"
sera simplifié. Les escarpins seront remplacés
par des bottes montantes enserrant le pantalon
[ £ u-dcssus de la cheville.
LE MUSÉE VICTOR-HUGO
Place des Vosges. — La maison du
poète. — L'inauguration, — Les dis-
cours. — Glorieux souvenirs. — Le
géant du XIX' siècle. — A travers
le musée.
C'est hier matin qu'a été inauguré le musée
établi dans la maison où habita Victor Hugo,
6j place des Vosges. Le poète n'occupa que le
second étage ; néanmoins l'immeuble, tout en-
tier est consacré à sa gloire. Il ne fallait pas
moins pour contenir les monuments réunis là
; par l'admirable piété de M. Paul Meurice.
Une école publique était logée dans cette
maison; M. Paul Meurice obtint de. la Ville
qu'elle mit ailleurs son école et confiât aux pe-
tits-enfants de Hugo et à lui-même le soin de
constituer un musée réunissant les souvenirs
les plus précieux de l'illustre disparu.
La cérémonie d'hier matin ne réunissait que
de 500 à 600 personnes.
Dans la grande salle du premier étage,
parmi des fleurs et doouronnes, était dressé
le buste tffn poète. Dô« «tèges étaient disposés
tout autour pour la famille et les personnages
; officiels.
l La réception des invités
Des gardes municipaux faisaient la baie de-
i vant la maison,décorée de drapeaux,et le long
de l'escalier orné de plantes vertes. Un peu
lavant 10 h. Ij2, MM. Paul Meurice et Georges
, Hugo ont reçu, en bas, les invités les plus
marqualÚs,
La cérémonie proprement dite a commencé à
* 10 h. 3i4.
Devant le buste de Hugo, par David d'An-
gers, avaient pris place :
Jeanne Hugo (Mme Jean Charcot) et Georges
Hugo, M. Paul Meurice, M. et Mme Edouard Loc-
kroy, les familles de -M. Paul Meurice et de M.
Lockroy, les cinq académiciens délégués : MM. Ju-
les Clnretie, de Vogûé, de Hérédia, Boissier et Cop-
pée ; M. de Selves, M. lApine; M. Deville, prési-
dent du-Conseil municipal.
-Puis, MM. Bellan, Dausset, Galli, Sauton, Fro-
ment-Meurice, Quentin-Bauchart, représentant le
Conseil municipal ; M. Bouvard, Mme et M. Au-
trand, secrétaire général, et M. Armand Bernard,
chef de cabinet du préfet de la Seine; MM. Marcel
Prévost, Léonce de Lormandie et quelques mem-
bres du comité de la Société des gens de lettres ;
M. Alfred Cap us et les délégués des auteurs dra-
matiques; M. Lucien Pallez, la plupart des artistes
de la Comédie-Française avec,à leur tête, M. Mou-
; net-Sully, leur doyen ; les peintres dont, les œuvres
figurent dans ce musée ; des écrivains, MM. Catulle
Mendès, Mirbeau, Pierre Wolff, etc.
Discours de M. Paul Meurice
M. Paul Meurice se lève et prend le premier
la parole ces termes :
A la fin de l'année 1901, j'adressais au Conseil
municipal de Paris une lettre, où je disais: « L'An-
gleterre a la Maison de Shakespeare à Stratford-
sur-Avon, l'Allemagne a la Maison de Goethe à
Francfort. Au nom des petits-enfants de Victor
Hugo et au mien, je viens offrir à Paris de donner
à la France la Maison de Victor Hugo. »
Paris a généreusement répondu à cet appel. Les
petits-enfants de Victor Hugo et moi, nous offrions
les collections, les œuvres variées de Victor Hugo
et sur Victor Hugo Paris a donné le cadre, cet his-
torique et vivant hôtel.
Et aujourd'hui, monsieur le président, après
vingt mois d'un effort - qui m'a été plutôt doux
.— j'ai riionnour et la joie de" remettre la Maison
de Victor Hugo, à vous qui représentez Paris, à
Paris qui représente la France.
Ces paroles sont accueillies par de chaleu-
reux applaudissements, qui témoignent de la
gratitude des assistants pour celui à qui la
Ville et la France doivent le musée Vielor
Hugo. M. Paul Meurice doit à plusieurs re-
prises remercier le publie qui l'acclame. M.
Edouard Locbroy va lui serrer la main en lui
exprimant toute sa reconnaissance £ t celle des
siens.
M. Deville, président du Conseil municipal,
parle ensuite :
, .\i l'honneur de prendre possession, au nom de
la ViHe de Paris, de la Maison de Victor Hugo et de
la déclarer ouverte au publie.
=,11 s'exprime ainsi au sujet du musée :
Rien ne peut former un plus magnifique monu-
ment de gloire, èt nous n'avons qu'à remercier
ceux qui en ont réuni et assemblé les matériaux,
au grand profit de la Ville et du peuple de Paris.
Parlant de M. Paul Meurice et de ses colla-
borateurs, il dit:
Nous serons heureux qu'ils gardent et embellis-
sent avec Lui) ce monument, et leur joie comme
leur récompense, sera de voir longtémps les amis
des lettres et des arts, le peuple surtout, de France.
et de tous pays)s'empresscr à venir pour s'instruire
et pour admirer dans la Maison désormais muni-,
cipale de Victor Hugo.
Ces paroles, qu'on applaudit vivement, sont
l'occasion de nouvelles acclamations en l'hon-
neur de M. Paul Meurice. Puis M. de Selves
prend la parole :
Le musée du poète, dit-il, est réalisé, nous le li-
vrons à la respectueuse curiosité de ses innombra-
bles admirateurs.
Merci à M. Paul Meurice, l'âme de cette créatioQ,
à Mme Lockroy, à tous ceux qui, pour une part
quelconque, ont contribué à sa fondation.
Nous le recevons de leurs mains.
11 constitue désormais, pour notre grande cité,
un précieux dépôt ; Paris, en veillant sur lui, n'ho-
norera pas seulement la mémoire du grand homme,
mais s'honorera aussi lui-même aux jeux du monde
civilisé.
Discoure de M. Jules Claretie
M. Jules Claretie donne ensuite lecture d'un
discours remarquable dont voici les principàux;
passages : - •
Visiter le salon de la place Royale,passer sous les
fenêtres de' la place Royale,voir de près cette Mecque
de la poésie qui attirait, il y a soixante ans, tant
de fervents et d'enthousiastes, c'était alors un rêve,
et lorsque Alexandre Dumas venait ici pour sui-
vre le char, funèbre de Raehel — voisine, elle, ia
prêtresse de là tragédie, du poète du drame, — il
se découvrait en passant devant le logis abandonné
du poète proscrit. Aujourd'hui, cette demeure est
la maison de tous. Le toit où passa Victor Hugo
appartient à Paris. Je dirai, messieurs, ce logis
appartient au monde.
Désormais, comme à Francfort, il y a la maison
de Goethe, comme en Angleterre il y a la maison
(le Shakespeare, il y aura en France la maison de
"ictor Hugo. Une maison où il est chez lui et où
F est tout lui." Une demeure où, dans une admi-
ration stupéfaite, la foule se demandera quel fut
cet homme qui ciselait des vers et qui taHlait des
lambris de chêne, ce poète qui fut architecte, qui
fijt décorateur, qui se délassait de ses chefs-
d'œuvre en faisant du bout du pinceau ou
du bout du doigt d'autres chefs-d'œuvre d'un
ordre différent, des paysages, des marines, des.
songes — ce dramaturge qui se vengeait d'une
critique stupide par une caricature spirituelle
— ce frère du Dante qui se faisait le frère de
Rembrandt, de Gallot ou de Goya — ce vision-
naire qui chaulait les Burgraves et immor-
talisait des burgs fantastiques — et les passants
se demanderont, étonnés, comment, puisqu'il était
écrivain, il avait le temps d'être peintre, d'être des-
isinalour, d-'être constructeur de meubles, inven-
teur d'une flore étrange ou d'architectures singu-
lières — ou, puisqu'il était architecte, peintre et
dessinateur,comment il avait le temps d'être écri-
vain.
UN PRODIGIEUX TRAVAILLEUR
C'est que nul ne fut un plus grand travailleur
du cerveau, c'est que l'oi-^ur, le causeur, le ri-
meur, le dramatur^ 1 ie penseur — tous ces hom-
mes qui éta)Jt en lui - so délassaient d'un labeur
par un liseur et formaient cet homme prodigieux,
"JJrie de géant de l'idée qui, après avoir jeté aux
hommes des cris do triomphe, d'amour, de douleur
ou de pitié qui étonneront les siècles, se reposait,
pariant do çç bon sourire des forts, en contant à
ses enfants des contes, de merveilleuses histoires
qui s'envolaient comme de la fumée d'un volcan.
Messieurs, c'est dans la maison où nous sommes
que Victor Hugo, payant un loyer de 1,500 francs,
vint s'établir lé 1" janvier 1833, attiré peut-être
par le fantôme de Marion de Lorme. pour écrire
des drames et élever ses petits. Il avait 31 ans, ses
enfants en avaient 5 ou 6. L'aîné, Charles, en
1 avait 7. Toute la nichée grandit ici sous l'œil de
j l'aigle et aussi sous l'aile de la mère quo j'ai eu
l'honneur de voir éclairée par la lampe du foyer à
Bruxelles, place des Barricades, quand ceux qui
sont ici n'étaient pas encore. Et l'auteur d'Her-
nànij de Notre-Dame de Paris et des Feuilles
d'automne, qui quittait la rue Jean-Goujon, où il
avait pour propriétaire le futur général Cavai-
gnac, se mit à travailler dans la maison de Ma-
rion Delorme. Il en fit la maison du labeur, la.
maison de la famille. Halte de 15 années fameuses!
C'est ici, messieurs, la maison du bonheur, c'est
la maison de la gloire, c'est la maison de la dou-
leur aussi —r et il y a là-haut un morceau, de la
petite robe de celle qui mourut noyée avec son
mari ; ailleurs est la maison de l'exil, toute pleine
aussi de sa grande ombre. Mais c'est ici qu'il passa
la partie de sa vie la plus féconde et la plus rayon
nante. C'est de ce logis qu'il partait pour se rendra
chez Nodier, tout près, à l'Arsenal, puis pour aller
à la Comédie-Française surveiller les répétitions
d'Angelo ou des Burgraves- à la Porte-Saint Mat-
tin, celles de Lucrèce Borgia ou de Marie Tudor..
C'est ici qu'il a écrit les Chants du crépuscule,
les Voix intérieures, les Rayons et les ombras,
les plus belles pièces, les plus poignantes, les plus
profondes des Contemplations. C'est ici qu'il a
conçu Claude Gueux, qu'il a commencé ce roman
de la pitié, intitulé d'abord le Manuscrit de l'évê-
'q:'Ki!, qui devait s'appeler les Misères et qui est de-
Vtnu les Misérables. C'est d'ici qu'il est parti pour
prononcer à l'Académie française l'éloge de Népo-
mno Lemercier, pour réclamer, îiu Luxem-
barrg, lui, le futur exilé de Décembre, l'abrogation
des lois d'exil. C'est d'ici que,de l'Opéra,il se rendit
aux Tuileries pour demander au roi la grâco de
Barbes. C'est do cette demeure que, nommé repré-
sentant du peuple de Paris, le septième sur la liste,
entre Pierre Leroux et Louis NRDolÓon. il Drit le
chemin de l'Bssembléé nationale, qui devait être
celui tle la proscription. C'est de ce logis, envahi
par les insurgés de Juin et respecté par eux, qu'il
sortit, l'écharpe de représentant à la ceinture, pour
affronter le feu des barricades. C'est de cette mai-
-son enfin qu'il partit pour aller voir expirer son
frère et entendre dire au mourant,poète aussi : «Je
meurs consolé. Je te laisse 1 »
LES HOTES DE -VICTOR HUCO
Je n'ai pu m'empêclier d'être ému, la première
fois que j'ai posé la pied sur les marches de pierre
de cet escalier à rampe de fer que, le cœur battant
bien fort, tant de débutants, d'admirateurs, de fa-
miliers, tant de glorieux amta ont gravi autre-
fois! Tout un vivant Panthéon a passé, messieurs,
par où vous venez de passer. Sur ces marches que
les enfants de Victor Hugo montaient en riant, en
chantant, des hommes qui furent l'éclat dé tout
un siècle ont posé le pied, "Toute une génération
d'immortels ! Quels noms, quelles renommées,
quelles statues, quels fantôme! ! C'est Lamartine,
c'est Michelet, c'est Alexandre Dumas, c'est Gérard
de Nerval, c'est Alphonse Karr, c'est Pétrus Borel,
c est Méry, c'est Célestin Nanteuil, c'est Frédéric
Soulié, c'est Louis Boulanger, le peintre aimé du
poète, c'est David d'Angers, dont le marbre cou-
ronné de lauriers devance alors la postérité, c'est
— ne l'oublions pas, Victor Hugo l'aimait — le
baron Taylor, qui ouvrait avec Hernani, au poète
de combat, les portes de la Comédie-Française,
c'est Emile et Antony Deschamps, celui do la' Di.
vine Comédie et celui du Romancero, c'est Arsène
Houssaye tout jeune,, c'est Alexandre Dumas fi!!.
tout petit, c'est, là, au même étage, dans la mai -
son qui fait l'angle, Théophile Gautier, le disciple
logé auprès du maître, ouvrant chaque matin si
fenêtre pour voir lever Victor Hugo comme il ver-
rait lever le soleil.
George Sand est-elle venue ? Alfred de Vigny
s'était éloigné; Musset oubliait. D'autres aussi.
Mais une génération nouvelle, celle de 1840, suc-
cède aux vaillants de 1830; bientôt Banville, Bau-
.delaire, Léconto de Lisle viendront frapper à la
porte hospitalière ; et déjà deux jeunes gens .élèves
du collège Charlemagne, où Charles et François-
Victor étudient, ont apporté à Victor Hugo leur
premier hommage, leurs premiers vers.
Ceux-là,, vous les avez nommés, messieurs, Ce
sont les fidèles serviteurs de la gloire du Maître,
les amis de toutes les heures, les combattants de
l'Evénement et du Rappel, les dramaturges et poè-
tes qui ont fait de toute leur existence le piédestal
solide de la statue de Victor Hugo, c'est l'auteur
des Funémilles de l'honneur, Auguste Vacquerie;
c'est le vieux maître qui fut indulgent à mes pre-
miers pas, l'auteur d'Antigone et de Bènvenuto
Cellini, lé traducteur d'Hamlet, Paul Meurice.
Ceux-là furent, après les fils de Victor Hugo, les
plus dévoués à sa mémoire, - et il faut bien, encore
.remercier M. Paul Meurice. dè s'être noblement
f dessaisi de tant de souvenirs précieux, de tant
d'œuvres d'art, de ces dessins,-de ces autographes,
de ces livres qui faisaient partie de sa vie et qu'il
a apportés au musée, à la maison de Victor Hugo.
M. Jules Claretie termine ainsi 1 <
Sous ce toit où grandirent ses enfants, il sem-
ble que Victor Hugo dans l'intimité de sa vie soit
'plus présent que dans son cercueil même, sous la
voûte où il repose. Là-haut, à côté du bureau où,
debout, le poète écrivait chaque jour une page
nouvelle, on peut revoir le lit où nous l'avons
contemplé étendu, il y a 18 ans dans sa blancheur
de marbre, tel que le peignit alors Bonnat. Les
foules qui viendront pourront admirer à la fois le
travailleur de tous les jours et le classiqne de tou-
jours. Là-haut est le lit de mort. Ici - dans ce
coin de Paris, dans ce coin de France comme dans
le monde entier, — palpite encore son esprit et
rayonne son immortalité 1
La famille de Hugo remercie M. Jules Clare-
tie, qui est l'objet de nombreuses manifesta-
tions sympathiques ;puis communication est
donnée ensuite d'une lettre chaleureuse quo la
Maison de Shakespeare adresse à la Maison
de Hugo.
La visite du musée
Puis on commence à visiter le musée. La
visite se poursuit à travers les trois étages de
l'immeuble, la bibliothèque, les salles de des-
sins et de meubles sculptés, la chambre à cou-
cher du poète, etc. L'impression générale est
que le musée ne pouvait être organisé avec
plus de goût ni de judicieuse sollicitude.
A midi seùlement,les invités quittent la mai-
son de Victor Hugo. L'après-midi d'autres y
sont venus. Aujourd'hui le public sera admis à
la visiter librement. Tout Paris voudra rendre
cet hommage à la mémoire de celui dont le
nom et le souvenir dominent le siècle qui vient
de se terminer.
TOMBES PROFANÉES
(De notre correspondant particulier)
Capetown, 30 juin.
- Les autorités ont ouvert une enquête sur les'
nombreuses profanations dont les tombes des
soldats, boers et anglais, morts à Ladysmith
ont été l'objet depuis quelque temps. Des tou-
ristes anglais ont défiguré les pierres tomba-
les, beaucoup y ont inscrit leur nom et leur
adresse, d'autres y ont tracé de mauvais vers
ou des plaisanteries d'un goût douteux. La
population est indignée,
Il y aura probablement des poursuites judi-
ciaires.
LA CHANCELLERIE D'EMPIRE EN RUSSIE
(De notre correspondant particulierl
Saint-Pétersbourg, 30 juin.
Depuis la mort du prince Gortschakoff, au-
cun des ministres russes des affaires étrangères
n'a porté le titre de chancelier d'empire. Or, il
est question de nommer M. dé Wilte chance-
lier d'empire, et, par ce fait même, de le placer
à la direction des affaires étrangères. M. le
comte Lamsdorff quitterait son portefeuille et
entrerait au conseil d'empire. Le successeur de
M. de Witte au ministère des finances serait,
dit-on, M. Soukhomiloff, maréchal de la no-
blesse de Kherson et ancien procureur impérial
à Odessa. Ces ebasgemente amââe*&ieai^tussi
d'importantes modifications dans lo personnel
du corps diplomatique. Certains ambassadeurs,
qui sont sortis de leur réserve pour faire de la
politique réaçtionnaire militante contre les gou-
vernemenls auprès desquels ils sont accrédités,,
seront remplacés par des diplomates ayant desi
notions plus justes de leur mission.
- Nous publierons demain : T.
LE RAPPEL ARTISTIQUE ET LITTÉRAIRE
de notre ami et collaborateur Léon - JIJOTÔ. B,.
RUE DES HALLES
Ah ! les gens qui ont, comme ils disent, le
culte du passé, la religion des souvenirs histo-
riques, comme je voudrais les voir à tous les
diables î Voilà qu'ils vont s'aviser — le Rappel
a raconté cela, hier — d'incruster dans le sol,
rue des Halles, entré la rue de la Ferronnerie
et la rue des Déchargeurs, une plaque commé-
morative de l'assassinat du roi Henri IV. Je
vous demande un peu à quoi rime cela.
Incontestablement, ledit roi Henri IV fut un
des plus vils égoïstes, un des hommes les plus
méprisables, qui aient jamais existé. Sa vie ne
fut qu'une longue suite de trahisons..
Pendant la nuit tragique de la Saint-Barthé-
lémy, alors que ses soldats mouraient autour
de lui, il n'hésita pas une seconde à abjurer la
religion réformée, pour sauver sa peau. Quel-
ques mois plus tard, revenu en France; il se
refit huguenot, comptant bien se servir doses
coreligionnaires et parfaitemént résolu à les
abandonner de nouveau, le jour où il y trou-
verait son avantage. Ce jour vint, comme on
sait. Dès 1587, le soir de Coutrasy au lieu de
profiter de la victoire, il retournait en arrière,
sous prétexte de porter à sa maîtresse d'alors
les drapeauxpris, en trophées. C'était qu'il ne
voulait nullement anéantir les catholiques, ne
se souciant pas du triomphe des protestants,
voulant seulement que les deux partis sientre-
dévorassent à moitié, pour pouvoir, lui, ré-
gner sur les ruines. En 1593, co saltimbanque
fit, selon sa propre exp."t;¡sion, « le saut péril-
leux », rentra pour la deuxième fois « dans le
giron de l'Eglise catholique s. C'était sa troi-
sième apostasie. Il changeait do conviction
comme certains politiciens modernes changent
leur fusil d'épaule.
Et son règne ne fulque dilapidations cl scan-
dales. Au moment où la France était en proie,
à la plus profonde misère, il trouvait moyende
perdre sur une carte 50.000 pistoles et d'offrir
à Gabrielle d'Estrées des mouchoirs de 2,000
écus. Au moment où llavaillac l'assassina, il
allait déchaîner la guerre, mettre toute l'Eu-
rope à feu et à sang pour tenter de reconquérir
une femme — la princesse de Condé — que la
jalousie d'un mari avait ravie à ses passions
séniles, La mort de Henri IV sauva lo monde
des horreurs de celle guerre ; elle épargna des
milliers de vies humaines: elle doit être consi-
dérée comme un événement heureux. ,
Mais cet heureux événement n'en fut pas
moins l'œuvre ignobledes jésuites qui fanatisè-
rent Ravaillac. Vraiment, on se demande ce
qu'il y a lieu de commémorer dans tout cela,
et si c'est vraiment bien la peine de déplacer
quatre pavés de la rue des Halles. Mais il y a
une commission du Vieux-Paris, il faut bien
qu'elle manifeste son existence.
Pourquoiy a-t-il une commission du Vieux-
Paris? A quoi bon entretenir avec un soin si
jaloux ces souvenirs d'oil s'exhale une àcre
odeur de fange et de sang? Ne vaudrait il pas
mieux sur ce passé plein do honte et d'hor-
reurs jeter; le voile de roubli ? Je suis de ceux
qui crient : Mort au passé ! - L. Victor-Meu-
MW.
, LES SUPPLÉANTS
La loi qui étend la compétence dos juges de
paix va faire éclater à tous les yeux la néces-
sité d'exiger un peu plus do garanties de ceux
qui sont appelés à les suppléer.
Il y a,en effet, à éôté de chaque juge de paix
un ou plusieurs suppléants. Dans les grandes
villes ces fonctions accessoires sont occupées
par des avoués, des notaires, des avocats, d'an-
ciens magistrats, d'anciensofficiers ministériels,
hommes qui, par leur profession, par leurs étu-
des, par leur expérience, sont à mmo de con-
naître les affaires et de rendre la justice.
Malheureusement il n'en est pas ainsi dans
le plus grand nombre des chefs-lieux de can-
ton, où le titre de suppléant de juge de paix
est donné un peu à l'aveuglette, et où les re-
commandations. influentes ont plus de poids
que le savoir personnel.
Il y a donc — et j'en connais quelques uns
— des suppléants do juges de paix qui ne sa-
vent pas un mot de droit et qui no sont pas
capables de rédiger un jugement. Ils sont pour-
tant des arbitres dont,dans la plupart des cas,
les décisions sont souveraines.
Il n'est pas étonnant" dès lors qu'ils commet-
tent parfois de véritables hérésies juridiques,
et qu'ils statuent en dépit du bon sens et,de la
loi. Il en est qui essaient de remédier à leur
ignorance en recourant à des juriconsultes
fpour la rédaction de leurs jugements. Il y a
à une situation qui est tout au moins bizarre
et qui présente de sérieux dangers.
La loi votée par la Chambre va en accentuer
encore les inconvénients et les périls. Pour y
remédier, il faut demander à ceux qui postu-
lènt le titre de suppléant de juge de paix de
justifier de certaines connaissances élémentai-
res. Je ne vais noint jusqu'à prétendre qu'il
faille leur imposer la production du diplôme
de licencié en droit, mais tout au moins pour-
rait-on exiger d'eux l'examen de capacité dit
capax, ou un stago plus ou moins long
dans les études de notaire, d'huissier ou d'a-
voué.
Ce n'est pas tout d'avoir des juges ; il faut
avoir des juges intelligents, capables, et qui
ne soient point, en matière de droit, aussi
! ignorants que ceux qui viennent devant eux
pour leur demander leur avis, — L. Arm-
: brus ter
VOi1" à la 3' page
les Dernières Dépêches
cie la nuit
et la Revue des Journaux
du naat-irx
Congrégations contre Congrégations
(De'notre correspondant particulierf
Naples, 30 juin.
Une vive agitation règne parmi les prêtres de
(la péninsule sôrrentine et surtout ceux de Vico
Equense,à cause de l'émigration des congréga-
nistes français.
Les jésuites et les franciscains font déjà une
concurrence terrible au clergé séculier du pays.
Maintenant qu'ils ont appris que des congréga-
nistes français vont s'installer à la paroisse de
Santa-Maria del Toro, les prêtres sont furieux
-et sur le point de se révolter. L'archevêque de
(Sorrente, M. Giustiniani, favorise les immi-
igrés qui suivront la règle de l'ordre des pré-
tres pauvres.
i\ Un conflit très grave a éclaté entre le clergé
Subalterne et l'archevêque.
LA JOURNEE
., PARLEMENTAIRE
A LA CHAMBRE-,
LE VOYAGE DE M. LOUBET
M. Delcassé, ministre des affaires étranj
gères, a déposé hier un projet tendant i
l'ouverture d'un crédit extraordinaire de
600,000 francs sur le budget de 1903 pour
couvrir les dépenses qui seront occasion-
nées parle voyage du Président de la Ré-,
publique à Londres, ainsi que par la pro,
chaîne visite dii roi d'Italie à Paris.
Voici le texte dé ce projet de loi :
Messieurs,
M. le Président de la République se propost
de rendre, dans les premiers jours du moh
proéhain, la visite que lui a faite S. M. le roi
Edouard, contribuant ainsi, selon l'expression
même du roi, au rapprochement de deux grande
'pays qui ont tant d'intérêts communs.
Dès son retour, M. le Président de la Répu-
blique doit recevoir la visite de S. M. le roi
Victor-Emmanuel dont la présence à Paris mar-
quera combien est devenue étroite l'entente si
heureusement rétablie entre l'Italie et la
France.
Après les imposantes démonstrations nava-
les d'Alger et de Marseille, ces manifestations
permettront à la représentation nationale d'ap-
précier la place que, fidèle à une alliance ci-
mentée par le temps et par les résultats, la'
France a su conquérir dans l'estime et dans les
sympathies du monde.
La représentation nationale aura sans doute'
à cœur de s'y associer et d'accorder au gouver-
nement les moyens de remplir dignement tous
ses devoirs.
Nous soumettons donc avec confiance à votre
approbation le projet suivant :
Article unique. — Il est ouvert au ministère
des affaires étrangères, sur l'exercice 1903, un
crédit extraordinaire de 600,000 francs pour les
frais de voyage à Londres du Président de la
République et les frais de la réception de S. M.
le roi d'Angleterre et de S. M. le roi d'Italie.
(Applaudissements unanimes.) -
Le projet de loi est adopté à l'unanimité
des 6 votants. -
Le président. — Je constate l'unanimité
de la Chambre à adopter le projet de loi. (Ap-
plaudissements unanimes.)
Une interpellation de M. Congy sur le
renvoi d'ouvriers de l'Etat estrenvoyésà la
suite des autres.
M. Laffère dépose une proposition ten-
dant à assimiler les professeurs des collè-
ges communaux aux professeurs des IJ i
au point de vue de l'avancement. L'urgence;
est déclarée et la proposition est renvoyée.
à la commission du budget.
M. Pucch,rapporteur, demande l'urgence
en faveur du projet de loi tendant à auto-
riser le département de la Seine à contrac-
ter un emprunt de 200,000,000 de francs
et à s'imposer extraordinairement dans la-
limite de 4 c. 25,
L'urgence est déclarée.
M. Gervais demande que la subvention:
de 20,000,000 de francs affectée à la Ville de
Paris pour l'assistance publique, soit ap-
pliquée à des services du département de
la Seine, notamment à l'établissement
d'annexes pour les enfants abandonnés du
départements
M. Puech dit qu'il appartiendra au pré-
fet de mettre la Villtf et la bicue d'ac-
cord. •
Le projet est adopte.
Par 422 voix contre 22 est également
adopte, après urgence déclarée, le projet
de loi portant ouverture et annulation de
Crédits sur l'exercice 1902.
LES DROITS SUR LES VIANDES
On poursuit, après, la discussion de* la
proposition de loi de M. Debussy, concer-
nant les droits d'entrée sur les viandes.
Les numéros 5 à 8 sont adoptés.
M. Debussy propose de modifier les chif-
fres indiqués au no 9 (béliers, brebis et
moutons). Ces chiffres seraient 40 et 25 ft.
La commission propose de supprimer
l'article 2 permettant au gouvernement de
suspendre les effets de la loi.
M. Colliard accepte la détaxe sur le mou-
ton. Mais pourquoi, dit-il, a-t-on refusé
cette détaxe sur le bœuf ? Qu'on diminue
au moins de 5 fr. le droit qui frappe le
porc.
Les nos 9, 10, 11 sont adoptés.
M. Noël, président de la commission
accepte l'amendement Colliard sur le no 12.
(porcs).
Le n° 12 ainsi modifi, les nos 13, 16, 17
sont adoptés, ainsi que l'article 1er.
M. Colliard combat la suppression de
l'article 2.
M. Mougeot, ministre de l'agriculture,
est partisan au contraire de la suppression.
M. Vaillant est pour le rétablissement de
l'article 2, en vue des temps possibles de
chute de la viande.
Par 390 voix contre 176, les articles 2 et
3 sont supprimés.
M. Vaillant. — Nous volerons contre la
loi. Nous désirons que. la viande, si nécessaire
pour le peuple, entre librement pourvu qu'elle
soit saine. Nous n'admettons pas que, pour dé-
fendre les gros propriétaires, on rcnchérise la
vie. (Applaudissements.)
Par 408 voix contre 156, l'ensemble du
proiet est adopté.
- M. Vaillant a déposé un projet de réso-
lution invitant le gouvernement et la com-
mission d'hygiène à élaborer un projet de
loi pour déterminer les conditions d'exer-
cice d'une inspection efficace à l'entrée des
viandes abattues.
M. Mougeot, ministre de l'agriculture. —
11 y a déjà des lois et des règlements permet-
tant la surveillance à l'entrée des viandes
abattues ; le gouvernement ne s'oppose pas à
ce qu'on recherche des voies et moyens plu.
efficaces encore. (Très bien.)
Le projet de résolution est adopté.
LE BLANC DE CÉRUSE
L'ordre du jour appelle la première déli-
bération sur le projet de loi relatif à l'em-
ploi des composés de plomb dans les tra-
vaux de la peinture en bâtiments.
MM. de Gailliard-Bancel et de Castelnayt
ont déposé une motion préjudicielle invi-
tant le gouvernement à consulter les syn-
dicats professionnels patronaux et ou*
vriers.
M. de Gailliard-Bancel dsi«(ld çgl&Jgt
on..
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