Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-06-12
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 12 juin 1903 12 juin 1903
Description : 1903/06/12 (N12145). 1903/06/12 (N12145).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
CINQ CENTIMES le Ntiméro.
ARIS & DÉPARTEMENTS ,_,'. ::,.-,- "':'_J'-"-- Le Numéro CINQ CENTIMES
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No 12145. — Vendredi 12 Juin 1903
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leton de la 4q page i
LA DAME DE GANNY
Grand roman historique inédit
par BERNARD DE LSNCUEIL
Nos lecteurs connaissent déjà de Ber-
nard de Lincueil une œuvre à la fois émou-
vante et instructive, à la fois médiévale %t
moderne ; ils savent que cet écrivain excelle
à prendre dans le moyen âge les événements
qui peuvent servir de leçon à notre temps.
C'est aujourd'hui une grande action his-
torique, empruntée au règne de Charles VI,
le roi fou. que Bernard de Lincueil a écrite
spécialement pour nons.
M DAME DE ffllï
donne l'impression forte et dramatique de
scènes du X Ve siècle prises, semble- t- il, par un
contemporain, tant elles sont exactes et vi-
vantes.
C'est une lecture attachante et passion-
nante.
NOS LEADERS
La révision de la loi
de divorce
21 n'y a pas de petite réforme. A plus
forte raison serait-il injuste de considé-
rer comme insignifiante cette réforme
qui, sans soulever de graves objections,
touche au fond même de la vie so-
ciale.
Nous l'avons dit, nous le redisons et
nous le répéterons encore mille fois,
certain d'avance d'être approuvé de
nos lecteurs, quelque importante que
soit l'œuvre politique accomplie par
la Chambre, elle ne saurait suffire au
pays. En acclamant la République, en
fimposant à ses premiers gouvernants,
le pays a voulu créer un profond chan-
gement dans les institutions et dans
les lois. Il sait bien que toutes les mo-
difications ne se font pas d'un seul
coup et toutes ensemble. Il est prêt à
prolonger le crédit qu'il accorde depuis
longtemps à ses mandataires, mais il
souhaite qu'en échange ceux-ci s'effor-
cent de réaliser dans notre législation
la plus grande somme possible d'amé-
liorations et de progrès.
Quand fut votée, grâce à l'énergique
persévérance de M. Naquet, la loi si
nécessaire du divorce, il y eut des ré-
sistances nombreuses. Le projet primi-
tivement élaboré était beaucoup plus
ample, beaucoup plus complet que la
loi qui fut ensuite adoptée. M. Naquet,
si nous ne nous trompons, avait ins-
crit dans sa proposition le divorce par
consentement mutuel et le divorce par
la volonté persévérante et réitérée d'un
seul des époux. Ces deux causes dis-
parurent au cours du débat. L'auteur
du projet dut les sacrifier pour sauver
le reste. Ce fut la part du feu.
„ Du divorce par unique volonté, ou,
tranchons le mot, de la répudiation,
nous n'avons pas à nous occuper pour
l'instant. Nous reconnaissons qu'il
soulève de graves objections dont quel-
ques-unes nous paraissent bien diffi-
ciles à réfuter. ,'
Mais nous avouons ne pas compren-
dre, nous nous expliquons malaisé-
ment la répugnance du législateur à
inscrire le consentement mutuel parmi
les causes de divorce.
Le divorce par consentement mutuel
avait existé dans le passé. Nous n'avons
jamais appris qu'il eût donné lieu à de
graves abus. On a paru craindre, en
1884, que son rétablissement ne rendît
les mariages trop précaires, trop expo-
sés aux divers caprices.
On a eu tort, au contraire, de ne pas
se rendre suffisamment compte que,
dans bien des cas, le divorce par con-
sentement mutuel aurait couvert d'au-
tres griefs très sérieux, d'autres causes
très réelles, très légales, très légitimes,
dont les époux se seraient volontiers
dispensés d'entretenir les tribunaux,
si la loi leur avait fourni un autre
moyen d'arriver au divorce, sans scan-
dale et sans bruit.
L'on aurait pu remarquer aussi que
lorsque deux époux sont d'accord pour
divorcer, si leur consentement mutuel
ne peut suffire, il ne leur est pas ma-
laisé, de s'entendre, pour se mettre, au
moins en apparence, dans un des cas
prévus par la loi,
On pourrait citer une foule d'exem-
ples. L'inetrdiction du législateur
n'a pas rendu- le divorce moins
fréquent, il a rendu simplement les
époux et leurs conseils plus ingénieux,
La loi existe, on la respecte, mais
comme disait ce personnage, on la res-
pecte en la tournant. Fâcheuse chose !
Le législateur est donc allé directe-
ment à rencontre de son but. La prohi-
bition du divorce par consentement
mutuel n'a pas assuré plus de stabilité
- aux unions mal assorties. Elle oblige
uniquement les époux à plus de frais
et plus de scandales, au grand détri-
ment de la considération de la famille,
de l'avenir des enfants et de leur res-
pect pour leurs parents. -,
Nous comprenons, à la rigueur, ceux
gui ont lutté jusqu'au bout pour que
$divorce ne fut pas inscrit clâns la loi.
Cette thèse n'était pas la nôtre ; mais
elle pouvait se soutenir. Tout dépen-
dait du point de vue.
Mais ce qu'il est plus difficile d'ad-
mettre, ce qui est incompréhensible
à la raison, c'est que le divorce étant
accepté, elle ait refusé comme une de
ses causes déterminantes le consen-
tement mutuel, exprimé en une cer-
taine forme.
Plusieurs tentatives ont été faites
pour réformer cette. disposition. MM.
Paul et Victor Margueritte, avec l'ar-
deur et le talent qu'on leur connaît, ont
dernièrement sonné le branle. Au lé-
gistateur nouveau de faire, à son tour,
son devoir. La question est de sa com-
pétence.
Louis Martin.
LE CONTRE-BLOC
On vieillit vite chez les réac-
tionnaires. Est-elle assez usée
cette pauvre Ligue de la Patrie
française qui compte si peu d'an-
nées d'existence! Elle vient de se
livrer à une de ces manifesta-
tions par lesquelles les associations d'une
certaine importance démontrent d'ordinaire
qu'elles vivent et qu'elles sont prêtes à l'ac-
tion. Je constate que l'émotion, dans le pu-
blic, et même dans le monde politique, plus
facile à impressionner, a été nulle.
Quelques personnes, pourtant, ont eu un
geste d'étonnement:
La « Patrie française ? ont-elles dit. La
« Patrie française » ? Je croyais que cette
Ligue était morte depuis longtemps.
Et il est de fait que la fameuse organisa-
tion nationaliste avait l'air de sortir du
tombeau. Elle y rentiera demain, et jamais
nous n'aurons connu si piètre ni si courte
résurrection politique.
Le nationalisme, d'ailleurs, bien qu'il
essaie de jeter quelques dernières flammes
dans le 2e arrondissement, est en train de
s'éteindre.
Mais ne croyons pas qu'avec lui se con-
sument les derniers engins de guerre ima-
ginés pour combattre la République. La
démocratie menace trop d'intérêts de castes
pour n'avoir pas beaucoup d'adversaires.
Le grand patronat, l'état-major, les hauts
fonctionnaires, les hobereaux, l'Eglise, ne
sont pas à la veille de désarmer. Cette coa-
lition se défendra jusqu'au bout et par tous
les moyens. -
Il y aura donc, longtemps encore, une
opposition réactionnaire. M.« Jules Lemaî-
tre, qui voudrait en devenir le chef, a
tâché, du moins, d'en être le parrain. Il lui
a donné un nom. Que dis-je ? Deux noms :
le Contrc-bloc et l'Anti-bloc,mots éloquents.
S'il y a un contre-bloc — ou, un anti-bloc
- il faut, nécessairement qu'il y ait un
bloc. L'heure où les républicains auront le
droit de se diviser n'est pas près de sonner.
Et M. Jules Lemaître n'a pas tort de nous
le rappeler. — Ch. B.
-
M. CHAMBERLAIN
ET LE PRQTECTIOHSISME
-
Le protectionnisme, dit un journal anglais
« porte M. Chamberlain et sa fortune »),' Si le
protectionnisme sombrait, M. Chamberlain
serait donc en grand danger d'être personnel-
lement «coule ». Il faut dire que l'opposition li-
bérale fait son possible pour amener une ca-
tastrophe toute politique, dont les suites se-
raient si heureuses pour l'Angleterre, d'une
part, et pour la démocratie internationale,
d'autre part.
M. Chamberlain a pris l'offensive, en défen-
dant avec fureur, à la Chambre des communes
un impôt qui frappe les denrées alimentaires.
Le gouvernement a refusé de se solidariser
avec M. Chamberlain.
Les libéraux essaient d'isoler M. Chamber-
lain, et de le forcer, avant la fin des débats ac-
tuellement engagés, à poser, sous une forme
quelconque, la question de confiance.
M. Chamberlain ne peut guère reculer; d'au-
tant plus que sa seule force est l'audace de son
offensive. Et s'il va de l'avant, il a beaucoup de
chances de se faire battre.
Heureuse l'Angleterre si elle pouvait se gué-
rir de l'impérialisme avant qu'il se soit compli-
qué du protectionnisme.
Lord Kitchener et les garaiscns des fades
IDe notre correspondant particulieri
Bombay, 10 juin.
Lord Ritchener a décidé de changer de fond
en comble la répartition des garnisons dans les
Indes. Les troupes anglaises, à l'exception de
celles qui sont destinées à la garde des arse-
naux principaux, seront placées dans des
camps établis sur des plateaux ou .dés collines
où l'air est frais et sain. Elles y passeront- l'été
et rentreront l'hiver dans les plaines -de l'Inde
supérieure où elles feront une période de ma-
nœuvres.
ENCORE UN NOUVEL AÉRONEF
[De notre correspondant particulier)
New-York, 10 juin.
M. James Holland, l'inventeur des sous-ma-
rins qui -portent son nom, s'occupe de con-
struction d'un aéronef nouveau genre, qui, d
son avis,est appelé à révolutionner tout le sys-
tème de navigation aérienne.
Sa machine se lève et se meut uniquement
sous l'action d'ailes mises en mouvement pàf,
des pédales. Toute la machine peut être portée
par un homme seul. C'est plutôt une sorte de
vélocipède aérien.
LA NOBLESSE DANS L'ARMÉE BAVAROISE
IDe noire correspondant particulier)
Munich, 10 juin.
Le ministère de la guerre vient de publier
l'Annuaire de l'armée bavaroise, il en résulte
que qaw les grades subalternes la proportion
entre nobles et roturiers est à peu près gardée.
Ainsi, 17 pour cent des lieutenants appartien-
nent à la noblesse. Le-pourcentage cuange à
partir du grade de colonel.
Sur 33 généraux de brigade, 13 nobles ; sur
11 généraux de division, cinq seulement sont
d'origine bourgeoise. Enfin, aucun roturier
n'est atlmis au grade de général de corps d'ar-
mée, Encore faut-il ajouter que les belles gar-
nisons sont pour les nobles et les « trous de
province » pour le#officiers roturiers.
Dans l'armée bavaroise il n'y a pas moins
de neuf princes royaux munis d'un commande
ment supérieur.
LE RAPPEL
ARTISTIQUE ET LITTÉRAIRE
Alphonse Osbert. — Un peintre idéa-
liste. — Les étapes d'un artiste. —
* Harmonies des matins et des
soirs. — Appréciations cri-
tiques.
Vous connaissez Alphonse Osbert? Avec ce
peintre l'expression « le paysage est un état
d'âme » devient vraie. Il a su copier fidèlement
la nature, puis ensuite l'interpréter, selon ses
théories. Aujourd'hui il s'applique à rendre, le
long des minutes fugitives, la communion qui
lie le rêveur à son décor immortel. Mettez-vous,
solitaire, en face de la terre et du ciel, écoutez
le cœur du monde, sombre ou radieux, battre
en harmonie avec votre cœur joyeux ou mélan-
colique, transportez-vous par la pensée sur les
confins de la vie, en cette amosphère infini-
ment douce où les songes prennent corps, et
vous comprendrez ces pages où la lumière est
une caressante amie.
Le noir et le bleu
Osbert, au sortir de l'Ecole, suivit les con-
seils des professeurs avec science. C'est un des-
sinateur impeccable, un coloriste expert. L'Es-
pagne l'envahit de ses tragiques conceptions,
il aspire à l'ardeur implacable des Maures, il
s'en imprègne, il cotoie les sentiers de Ribera.
Mais après des années où le bitume le dispute
aux grisailles, sa vision s'élargit, la Muse
rayonnante le saisit et l'arrache aux tradition-
nelles compositions. Puvis de Chavannesachève
de l'éclairer. Il sera ce que voulait son cœur :
un poète autant qu'un peintre. C'est l'instant
où l'archet vibrant des novateurs fait danser
les sylphes sous les futuaies bleues, où l'or du
Rhin ruisselle entre nos mains frémissantes,
où Siegfried se perd dans la forêt à la recher-
che de l'anneau nuptial.
Dès qu'il quitte la manière espagnole, où il
s'est trop longtemps complu, il est cité parmi
les précurseurs. Et on le raille, comme tous
ceux qui se sont mis dans ce cas. C'est l'éter-
nel Osbert, avec son éternel. clair de lune, son
éternel lac, son éternelle femme, son éternelle
forêt lointaine. Peintre du songe et du silence,
il oublie de mettre la foule dans ses toiles.
L'émotion ingénue de ces paysages laiteux,
« cette solitude dès étangs, au bord desquels
méditent les vierges symboliques » (Alcanter
de Brahm), où il essaie « la réalisation la plus
absolue possible de la lumière » (Rambosson),
amuse les écolâtres, et M. Jean Schmitt remar-
que qu'Osbert dérobe à ses blanchisseuses tout
leur bleu pour en exprimer son rêve.
Ces narquoises attaques n'égratignent guère.
Georges Brandès exprimait, dans un récent
banquet, une vérité dont il faut convenir tout
bas : « La critique n'a jamais tué personne ».
Et Osbert, avisé, ne s'y attarda pas. Lui-même
avait su changer de chemin et passer du noir
au bleu à son heure.
Les travaux d'Alphonse Osbert
Son œuvre est déjà considérable. De souche
normande, Alphonse Osbert est né en 1857 à
Paris. Elève de Lehmann, il expose aux Artis-
tes Français de 1880 à 1890, d'abord trois -por-
trai's, puis une suite de grandes toiles, La der-
nière autopsie d'André Vémle (1883), La mort
du moine (1884), La Frileuse (1885), retour
d'Espagne, qui se resssent de Velasquez ; Saint-
Paul l'Ermite (1886), figure, violon, vieux
livres, extraordinairement traités. Fraîcheur
matinale et Mystère du soir (1888), pas décisif
vers ce qu'il appellera 1' « ambiance lumi-
neuse » , Feuilles d'Automne (1889), enfin un
Martyre du Christ (1890) qui se trouve aujour-
d'hui dans l'église de Mobeeq (Manche) et dont
Dalligny disait, dans le Journal des Arts, « le
corps rayonne d'une lumière étrange qui pro-
jette sa clarté sur les ténèbres environnantes ».
La première étape est franchie. Sa palette à
la Zurbàran s'éclaire peu à peu sous l'étude de
la .nature, ses paysages gris, déjà si différents
de tons, aspirent à plus de lumière, il recher-
che l'impression changeante des heures, cul-
tive la fleur transparente des couleurs. 11 en-
voie au Champ de Mars (Société Nationale), La
Tombée du soir (1891), «délicieus6 poésie » (Ch.
Fuinel), Vision (1892), Adieu au soleil (1893),
Harihonie virginale (1894), « procession lente
de vierges sous un ciel argenté d'aurore, dans
un champ où croissent des lis », selon M. Gus-
tave Soulier dans Y Art et aVie (app. à M.
Georges Petit), Haute futaie le soir (1895), les
Chants de la nuit (1896), Chants du crépuscule
(1897, app. àM. Fè-re). En 1898, Sapho, la poé-
tesse déclame au bord des flots, Lyrisme du soir
(app. à M. Fonsegrive), Poème du soir (méd.de
bronze à l'Exposition de 1900, acheté par l'E-
tat, se trouve à l'Ambassade ;de France à Lon-
dres}. En 1899, Enigme des. soirs, Invocation de
l'aurore, Douceur du soir, Crépuscule d'or. En
1901, Sérénité, toile de 5 m. 50 sur 2 m. 50
pour la décoration d'une galerie chez le consul
de Russie à Vichy, où Osbert dessina en outre
les meubles et la cheminée.
A la date de 1902, il expose La chute des
feuilles, Harmonie dû matin (app. à M. Mahot)
Chant de l'Aurore (app. à M. Dreyfus), et un
pastel, Invocation du soir, acquis par l'Etat.
Enfin je vous ai signalé ses envois au dernier
Salon de la Société nationale des beaux-arts,
l'Heure grise, Harmonie de la Brume et Soli-
tude « autant de poèmes pensifs, de colorations
qui disent toute la grâce des aurores et des
crépuscules ».
Sa palette féconde se manifeste en même
temps aux- « Indépendants » où il a conservé
de ferventes amitiés. Dans les champs de Die-
letle; Brouillards du'îtitilin, Le matin sur l'Oise
et Urte mare dans les dunes, y sont acquis par
la Ville de Paris en 1890 pour être placés dans
les mairies.
On y admire ensuite Harmonie d'Automne
« J'àme de ces bois meurt avec la nature qui
agôùise » P. de Lano) et Brume sur la rner
(1891), Hymne a la mer, Lever de luné et Le Ma-
tin 1892), une Nature morte (1893), L'Adieu au
Soleil (1894), Harmonie du soir, où s'élèvent le
sommeil et le songe, Nocturne, La rivière d'Or,
coulant dans les bois jaunissant de l'automne,
L'aurore, Méditation, J;es Mages retrouvant l'é-
toile et Coucher de soleil en 1895.
On put le voir chez Georges Petit cette même
année, avec 30 tableaux et 16 dessins, à la
Phme, au Salon des Cent, de 1894 à 1896, aux
Salons de la Rose-Croix, organisés par Péladaç
et dont le poète Léonce de Larmandie s'est fait
ïè savait historiographe, de 1892 à 1897, puis
à la galerie Chaîné et Simonson de la rué Cau-
martin en 1899.
Le peintre et l'opinion
Chacune de ces apparitions avait soulevé-de
longs commentaires dont je vous ai déjà cité
quelques fragments..
Les jeunes révues discutent le peintre At même
les vieilles. La Plume de mars 1896 lui est con-
sacrée.
«En des paysages que son rêve a doués d'une
magie harmonieuse. M. Osbert est un poète :
il chante son âme comme Verlaine en ses vers »
(Albert Charpentier) « il a la hantise chaste de
la femme » (P. de Lano) « ses convictions idéa-
listes égalent son mérile » (André Marty) M.
Marcel Fouquier y trouve des songes et de la
férié, du recueillement lyrique, M. Baude de
Maurceley goûte:'la douce sérénité de tous ces
soirs, embellis de vierges rêveuses, et la paix
tombant du ciel, coulant autour d'elles dans
tes bois, « leur voix discrète et solitaire nç se
mêle pas à celle de la foule» (Henri Degron),
M. Hoffmann l'érigé en grand traducteur de
l'émotion intime et silencieuse, M. Jules Mazé
affirme que c'est tout à la fois de la poésie et
de la peinture, et M. Gustave Soulier, qui dans
L'Art et la Vie avait précédemment qualifié Os-
bert d' « artiste de l'âme » se résume en disant
que son œuvre se compose de variations sur le
matin et sur le soir, et que tout le matin et tout
le soir s'y trouvent bien contenus.
La magie des heures, les jeux de la lumière,
n'est-ce pas là tout le mystère du génie ! Une
intime parenté lie les arts et les lettres, ce pein-
tre, c'est Lamartino tenant une palette. Hors
des jardins publics il cueille une fleur nou-
velle. Son allégorie simpliste n'exige aucun ef-
fort de compréhension.On peut affirmer que sa
facture s'adapte surtout à l'ornementation des
monuments. Ses travaux actuels sont deux
fresques pour la décoration du nouvel établis-
sement thermal de Vichy. D'un côté les Sour-
ces, de l'autre les Bains. D'abord le lieu, la na-
ture, silencieuse et paisible, le paysage clair,
puis un défilé de femmes venant puiser la
santé, d'adolescentes au front pur, rafraîchis-
sant leurs lèvres aux ondes salutaires. Pas de
trompe-l'œil, pas de lacune dans l'ordonnance-
ment général, une auguste simplicité, cela ne
suffit-il pas ?
Il faudrait des volumes pour étudier comme
il le mérite cet homme qui a tenté d'enclore
en teintes chastes lès harmonies des soirs et
des matins, les rêves crépusculaires, les joies
de l'aube, les musiques de la nature. Je n'ai pu
le faire que très sobrement, selon mon cadre.
Assez cependant, je l'espère, pour que désor-
mais, vous le rencontriez avec ivresse, et pour
que vous goûtiez à sa mystérieuse saveur.
- LÉON RIOTOR.
MEMENTO. — Les beaux livres d'art continuents
Séville, par Ch.-Eug. Schmidt, dans la collection de
Villes d'art célèbres (H. Laurens) est une monogra
phie parfaite, déroulant sous nos yeux les charmes
de la reine andalouse, vestiges romains et maures,
la Giralda, San Marcos, la Tour de l'or, l'Alcazar, la
maison de Pilate, l'Université, et cent autres mer-
veilles. — M. Gabriel Séailles étudie Léonard de
Vinci, l'illustre maître dont le génie règne encore
sur nous. Il le fait avec une science critique et un
luxe de documentation parfaits. M. Henry Marcel
présente le rustique Jean-François Millet « qui in-
nova l'association de l'homme et de la terre,telle que
nous la montre la réalité de chaque jour».
L'Art décoratif de juin est tout entier consacré
aux Salons. A lire, les articles de MM. Gustave
Soulier, Frantz Jourdain, Albert Thomas, Voir
un bois original do P.-L. Vibert, Faune fleuril et
de belles reproductions des Salons. Dans la Chro-
nique des Arts et de la Cisriosité une savante re-
vue des expositions, par Roger Marx.
Dans La Crise de Mme Dudragon, M. Maurice
Beaubourg, humoriste avisé, se conduit bien plus
en philosophe qu'en romancier. Cette femme qui
court après tous les hommes pour leur demander
chastement, l'idéal qui lut manque, ce mari dont
l'imbécilité frise le génie, sont des caricatures ty-
pes, des perles du plus bel orient. Cette crise de
Mme Dudragon est, en outre, amusante.
Voix* à la 3° page
les Dernières Dépêches
de la nuit et
la Fie vue des Journaux
du matin
PATRIOTES ET NATIONALISTE
Je crois utile de revenir en quelques mots
sur l'incident que nous avons brièvement re-
laté, au cours de notre compte rendu de la
cérémonie organisée par l'Union démocratique
des anciens défenseurs de la patrie, en commé-
moration de la mort d'Anatole de La Forge.
- Mais le mot : incident, n'est-il pas bien gros ?
En fait, que s'est-il passé ?
Simplement ceci : au moment où, drapeaux
déployés, les délégations des vieux combat-
tants de 70 prenaient, place devapt le monument
érigé à la gloire de l'héroïque, défenseur de
Saint-Quentiri, M. Tournade, député nationa-
liste du 10° arrondissement, s'est présenté, a
émis le désir de prendre la parole.On lui a fait
comprendre, courtoisement, que la place d'un
député nationaliste n'était pas au milieu de pa-
triotes, que sa présence causerait une sensation
pénible. Il a compris. Il s'est retiré. Voilà
tout.
A-ceux qui devaient avoir le grand honneur
de monter à la tribune dressée en face du mo-
nument, Mlle Marie Anatole de la Forge avait
demandé, pour que la cérémonie eût, comme
il séyait, un caractère d'absolue sérénité, d'évi-
ter toutes allusions trop directes aux luttes po-
litiques du moment présent. Ils s'étaient incli-
nés avec déférence devant ce vœu.
Mais si un des chefs du parti nationaliste eût
paru, eussions-nous pu, devant cette provoca-
tion, ce défi, contenir notre indignation? Eus-
sions-nous pu nous empêcher de dire, à voix
très haute, avec quel horreur,avec quel dégoût,
Anatole de la Forge, ce grand Français qui
combattit si vigoureusement le boulangisme,
eût repoussé ce nationalisme qui n'est autre
chose que le boulangisme ressemelé? Je ne le
pense pas. -'
M. Tournade a donc bien fait de se retirer.
Selon un mot très juste qui a été dit, nous
sommes restés entre nous, entre amis, en fa-
mille, comme il le fallait.
Il ne manque pas de champs de bataille où
républicains et nationalistes peuvent et doi-
vent se rencontrer; ce n'est pas devant les
tombes qu'il convient d'instituer des réunions
contradictoires, Nous nous félicitons que l'in-
cident à propos duquel j'écris ces lignes n'ait
pas pris de plus grandes proportions.
11 en reste ceci seulement : que là où les
patriotes sont rassemblés pour honorer les
plus vaillants serviteurs de la démocratie et de
la France, il n'y a point de place pour les re-
eprésentants de cette coalition réactionnaire et
léricale qui s'appelle le parti nationaliste. —
L. Victor-Meunier.
10
IE MONTENEGRO ET LA PORTE
Cettigné, 10 juin.
Des Albanais des clans catholiques de Hotti
et Gruda ont attaqué un blockhaus situé près
de la frontière et gardé par un poste mili-
taire.
Après avoir tué plusieurs soldats et mis le
feu au blockûaus, ils se sont enfuis avec leurs
familles et leur bétail vers le Monténégro. Les
fugitifs sont nombreux. Le gouvernement
monténégrin a demandé à la Porte de faire
grâce aux fugitifs et de les rapatriera
LA GARDE NAflONALE JUIVE
(De noTre correspondant particulier7
Saint-Pétersbourg, 10 juin.
A Kiew, où l'on craignait des troubles anti-
sémites, les ouvriers et les étudiants juifs se
sont organisés en garde nationale. Les serru-
riers et les menuisiers de race juive ont tra-
vaillé nuit et jour à la fabrication des armes.
La nouvelle garde est divisée en pelotons de 20
hommes. Chaque section est en communication
téléphonique avec le comité central.
On a fait des expériences de mobilisation.
Quinze minutes après la première alerte, la
concentration est complète.
Les miliciens juifs ont fait leur premier es-
sai il y a quelques jours en réprimant une ten-
tative de désordres antisémites
L'ACTION
DEVANT FIGUIG
La soumission des Figuigiens
Beni-Ounif, 10 juin.
Dès la première heure du jour, suivant les
conditions imposées par le général O'Bonnor,
les représentants des djemmaa des sept ksour
de Figuig se rendent sur le territoire français
pour faire leur soumission.
Ils s'arrêtent au marabout de Sidi Sliman
bou Smaha, situé dans le ksour de Beni-Ounif,
à 2,500 mètres du col de Zenaga. C'est l'agha
Si Moulay, du cercle d'Aïn-Sefra, en résidence
à Tiout, qui ménage l'entrevue qui doit avoir
lieu à dix heures du matin entre les djemmaa
et le général O'Connor. Une tente appartenant
à l'agha Si Moulay est dressée près du mara-
bout; des chaises et une table sont installées
sous cette tente. C'est là que les conditions de
soumission vont être imposées aux Figuigiens.
Les djemmaa des deux ksours d'Oudhghir et
d'Oulah-Sliman, qui n'ont jamais participé aux
attaques dirigées contre nous, se tiennent à
part, voulant montrer qu'elles ne se solidari-
sent pas avec les cinq autres ksours.
En attendant l'arrivée du général O'Connor,
les membres des djemmaa sont assis sur le
petit mur en pierre qui borde le marabout de
Sidi-Sliman ; un'groupe de maghzani et de
goumiers en armes forme le cercle autour
d'eux. 1
Les membres des djemmaa entrent ensuite
dans le marabout où ils restent en prière pen-
dant près d'une heure.
Ils en ressortent sans parler, avec cette
impassibilité des musulmans qui fait que
tout ce qui les entoure semble les laisser indif-
férents.
A dix heures moins un quart arrive à la re-
doute de Beni-Ounif, distante de 800 mètres en-
viron, une compagnie de tirailleurs, clairons
sonnants, tambours battants. La compagnie se
partage en deux, formant, à droité et à gauche
de la tente, une haie d'honneur.
A dix heures précises, le général O'Connor,
à cheval, arrive à son tour, en grand uniforme.
Il est escorté de tous ses officiers d'ornonnance
et des officiersdes affaires indigènes. Au mi-
lieu du peloton se détache un spahi qui porte
le fanion de la division, rayé blanc et rouge.
Le général salue militairement, pendant que
les clairons et les tambours des tirailleurs son-
nent et battent aux champs. Devant la tente où
le général va avoir une entrevue avec les re-
présentants des ksour de Figuig se tiennent
rangés à l'alignement, nos troupes et tous les
membres des djemmaa qui viennent de sortir
du marabout pour faire leur soumission.
Derrière, sur uno seconde ligne, sont rangés
les cavaliers du Maghzen, superbement drapés
dans leurs manteaux bleus, et de nombreux
goumiers de la région. -
Le général O'Connor met pied à terre et ren-
tre sous la tente avec l'agha Si Moulay, auquel
il serre la main.
Les officiers d'ordonnance du général et les
membres de la presse rentrent à leur tour sous
la tente.
L'interprète militaire de 1" classe Hamet de
la division d'Oran, dit alors aux représentants
des djemmaa de s'avancer. Ceux-ci, toujours
impassibles, se rangent en cercle sur le bord
de la tente. A peine, distingue-t-on sur leur
visage bronzé une involontaire pâleur qui tra-
hit leur émotion.
Un membre de la djemmaa de Zenaga dit
alors :
Nous désirons vivre en bonne intelligence et en
bon voisinage avec les Français.
Le général O'Connor l'arrête, et devant les
représentants du Figuig, prononce l'allocu-
tion suivante :
La France est patiente, parce qu'elle est juste
et parce qu'elle est forte. Mais elle entend rester
toujours la maîtresse de l'heure. Depuis plus de
vingt ans, les Algériens s'efforcent de vivre avec
vous en bons voisins. Vous, vous n'avez employé
a leur égard que des procédés mauvais et injus-
tes : vol, pillage, assassinat. Le Figuig est devenu
-depuis deux ans surtout un véritable repaire de
bandits. Il faut que cela cesse, et cela cessera, je
vous l'affirme.
Avant-hier, j'ai infligé comme premier avertisse-
ment pour tous les ksour un commencement de
châtiment au ksar de Zenaga, et suis prêt à conti-
nuer s'il est nécessaire.
, Des gens mal intentionnés xous ont dit que la
France vous punissait parce que beaucoup d'entre
vous s'étaient déclarés pour le prétendant et contre
le sultan Abdul-Aziz. C'est faux ; ils vous ont trom-
pés.
Jamais la France ne fait acte de parti en inter-
venant chez ses voisins ; de même les djemmaa
de vos ksour conservent toutes leurs libertés et
toute leur autorité.
Mais qui dit autorité dit responsabilité. Elles
supporteront donc toute la responsabilité des actes
répréhensibles commis par les leurs ou par ceux
qu'elles reçoivent. Lorsqu'Allah veut châtier ses
serviteurs qui sont sortis du droit chemin, il
donne pour les punir la force à qui il veut, et
vous savez qu'il vous est ordonné de vous incliner
devant sa volonté.
Non seulement la Franco ne désire pas l'abaisse-
ment ni la ruine de Figuig, mais tout au contraire
sa prospérité. SI vous savez comprendre et faire le
nécessaire, grâce au chemin de fer que nous venons
de Dousser à vos Dortes. le Ficnier doit devenir le
grand entrepôt du Sud-Ouest, et arriver à une pros-
périté qu'il n'a jamais connue jusqu'à ce jour; mais
la première condition est la sécurité. Je suis venu
pour l'assurer, et je l'assurerai sans reculer devant
aucun moyen, s'il est nécessaire.
Mon mandataire va vous donner connaissance des
conditions jquo j'exigo de vous, comme réparation
d'abord, puis surtout comme garantie pour l'ave-
nir. Je n'admets pas qu'elles soient discutées.
Ce discours est traduit en arabe phrase par
phrase par l'interprète militaire. Il produit une
profonde impression sur les assistants. Pendant
le temps que dure l'allocution du général
O'Connor et la traduction de l'interprète, les
Figuiguiens restent silencieux. -
Le général ajoute : « Maintenant, je vais vous
laisser avec mes mandataires qui vous feront
connaître quelles sont mes conditions. »
A ce moment, un représentant de Zenaga
avance la main pour la tendre au général ; ce-
lui-ci la repousse d'un geste et sort de la tente
sans saluer. Tous les Figuiguiens s'inclinent et
portent la main à la hauteur de leur front, en
faisant le salut militaire.. ,
Le général, escorté de ses officiers d'ordon-
nance, remonte à cheval, se dirigeant au trot
vers la redoute de Beni-Ounif, pendant que les
clairons et les tambours sonnent et battent aux
champs.
Les Figuiguiens entrent alors sous la tente et
le capitaine Fariau, chef des affaires indigènes
de la division d'Oran, transmet aux Figui-
guiens les conditions imposées par la France
Les conditions acceptées
Alger, 10 juin.
Un télégramme de Beni-Ountf énonce que
les djemmaa do Figuig ont fait leur soumis-
sion complète.
Ou espère que, sauf événement imprévu,
les conditions de la pacification seront réglées
d'ici un ou deux jours,
(Voir la suite dans notre DEUXIEME EDITION)
LES TROUBLES EN CROATIE
Agram, 10 juin.
Do grandes démonstrations ont eu lieu à Va-
rasdin, à l'occasion de la célébration d'un JRe-
quiem pour les deux paysans croates tués ai
cours des derniers troubles.
Après le Requiem, la foule se réunit sur h
place, devant l'église, pour entonner des chante
nationaux et se livrer à toutes sortes de mani1
festations contre les Hongrois et le ban dt
Croatie. Elle se porta ensuite vers la gare, dant -
l'intention d'y arracher les écriteaux en langue
hongroise, mais elle trouva la route barrée par
un escadron de uhlans. Tous les magasins et
cafés avaient été fermés en signe de deuil.
L'Obzor affirme que des troubles se produi
sent journclbment en Slavonie. Il y a quelque?
jours, 400 paysans de la commune de Vinica
ont essayé, sans y réussir, de prendre d'assaut
le château du comte Bombelles.
LE GAZ A TROIS SOUS
La commission .du gaz s'est réunie hier poui
prendre connaissance du rapport de MM. Chau-
tard et Chassaigne-Goyon.
M. Alpy a fait un long discours pour démons
trer la nécessité de la mise en adjudication,.
Mais, malgré toute son éloquence, il n'a pu per-
suader ses collègues.
La commission a adopté les conclusions du.
rapport décidant que l'industrie du gaz serait
exploitée par une société fermière et invitant la
préfet de la Seine à traiter avec MM. Dévaluez
et Duchanoy sur les bases du traité et du cahier
des charges que nous avons analysées et dont,
les principaux articles accordent aux Parisiens
le gaz à trois sous, une redevance de 17 millions
à la Ville et admettant que le personnel employé
et ouvrier sera assimilé au personnel muni"
eipal. :
———————————— ————————
QUO VADIS?
Le roi d'Italie n'est pas encore venu à Parif
que déjà l'on parle du prochain voyage à Rome
e M. Emile Loubet.
Que M. Loubet aille à Rome rendre au roi
d'Italie une visite faite précédemment par ce
dernier, je n'y vois point d'inconvénient. Mais
je trouverais étrange que le Président de la
République française profitât de son séjour
dans la ville des Césars pour consentir à cette
démarche.
C'est pourtant ce que l'on raconte. Il parait
même que la chancellerie, du Vatican a lon-
guement cherché et a fini par trouver un
moyen de recevoir M. Loubet a sans créer de
précédent pour les autres chefs d'Etat catholi-
ques ». - -
Ecoutez un peu l'histoire : en recevant M.
Loubet, le pape pouvait craindre de voir aus-
sitôt l'empereur d'Autriche et le roi de Portu-
gal lui reprocher de ne leur avoir point fait
autrefois une concession analogue et de les
avoir ainsi forcés à observer vis-à-vis du Qui-
rinal une attitude peu correcte, puisque ces
souverains doivent toujours au roi d'Italie ac-
tuel des visites qu'ils n'ont pas rendues à son
père, par égard pour le pape.
Pour éviter de créer un précédent, on a, dit-
on, eu recours à un subterfuge : M. Loubet
n'est revêtu, en tant que Président de la Répu-
blique, d'aucun caractère religieux. C'est un
chef d Etat qui pourrait être protestant. Au con-
traire, l'empereur d'Autriche et le roi de Por-
tugal ont un caractère religieux qui leur a été
conféré par le sacre obligatoire auquel ils ont
été .soumis.
Cette distinction suffirait pour rendre possi-
ble la visite de M. Loubet à Léon XIII. Bien en-
tendu, pour aller au Vatican, M. Loubet par-
tirait de l'ambassade de France auprès du St-
rSoièi ge, après avoir fictivement pris congé du
roi d'Italie.
Voilà bien des manières, n'est-ce-pas? Alors
qu'il serait si facile de résoudre toutes difficul..
tés en supprimant une entrevue qui ne s'im-
pose ni ne s'explique.
Que les chefs d'Etats monarchiques, très ca-
tholiques, très soumis au Saint-Siège aillent,
rendre visite au pape, c'est tout naturel. Ils i
agissent à leur guise, leurs sujets n'exercent
sur leurs actes qu'un contrôle très limité. :
M. Loubet, au contraire, est le chef constitu-,
tionnel d'un Etat républicain. Il est sans doute,
irresponsable, mais il a à côté de lui des minis-
tres responsables.
Il fera donc, en allant saluer Léon XIII, un
acte de gouvernement -dont le président du
conseil devra compte à la Chambre et au pays.
Or, je ne pense pas que le chef de l'Etat aillé
à Rome chercher la bénédiction papale, pour,
lui-même et pour la République. Alors quoi ?
Ira-t-il dire au pape : « Nous en avons
assez, en France, avec les menées et les révol-
tes de vos représentants et de vos délégués êvê,-'
ques et archevêques, prêtres et archiprêtrés.'
Nous voulons être les maîtres chez nous. Nous
voulons être débarrassés d'une armée de moi-
nes et de jésuites qui, ayant pris ici même, au-
près d'un chef étranger,leur mot d'ordre, vten-*
nent dans notre pays jeter le trouble dans lés
consciences et semer des germes de guerre
civile. Et puis nous sommes las de supporter
un traité qui nous lie, nous dupe et nous pa-
ralyse. Je viens vous avertir qu'à dater d'au-
j jourd'hui nous dénonçons lo Concordat. et'
sur ce, bonsoir monsieur ! »
Ce n'est malheureusement pas un tel lan-
gage que tiendrait au pape, M. Emile Loubet.
Aussi est-il à souhaiter qu'avant de s'engager
dans une aventure dont on ne peut, dès à pré-
sent, prévoir toutes les conséquences, le gou-
vernement prendra le temps de réfléchir.
Il est impossible que le chef de l'Etat, de par
la volonté d'un cabinet qui par son programme
et par ses actes est foncièrement démocrate et
anticlérical, ne recule point devant une plati-
tude qui humilierait tous les libres-pénseurs et
toute la France républicaine.
Cela ne doit pas être, Cela ne sera pas. M.
Loubet ira peut-être au Quirinal, mais il p'ira
certainement pas au Yatican. - L. Armbruster.
Les grandes manœuvres es Me
(De notre corresponaant particulier)
Rome, 10 juin..
Aux grandes manœuvres de cette année le
chef du grand état-ma.jor appliquera pour la
première fois un nouveau système de service
d'informations et de concentration de troupes.
La grande revue finale sera supprimée.
<»
Les Coulisses - des Chambres
Le bloc
Les délégués des groupes de gaufche, dans
leur réunion d'hier, ont décidé de convoquer
les républicains pour aujourd'hui, afin que,
dans tous les bureaux, ne soient élus que des
membres appartenant à la majorité.
Les délégués ont ensuite décidé de demander
aux divers-groupas de la "majorité d^envoyer à ;
Montbrison des orateurs pour soutenir li.can-
didature de M. Jean Lépine contre celle du
modéré M. Ory.
Au groupe radical-socialiste
Le groupe radical-socialiste a décidé, dans
sa réunion d'hier, de ne voter aujourd'hui,
dans les bureaux, que pour des candidats par-
tisans de la séparation des églises et de » l'Etat.
Quelques membres du gfoilfiô ont "proe
que la commission du budget soit élu& y*
ARIS & DÉPARTEMENTS ,_,'. ::,.-,- "':'_J'-"-- Le Numéro CINQ CENTIMES
ï "P VïlF QlPPTt W
i dl £ iuJLiI!i
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL
14, rue du Mail, Paris.
Et chez MM. LAGRANGE, CERF et G"
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RÉDACTION: 14, rue du MaD, Paris
De 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
No 12145. — Vendredi 12 Juin 1903
24 PRAIRIAL AN 111
ADMINISTRATION ; 14, rue du Mail
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
Nous publierons prochainement en feuil-
leton de la 4q page i
LA DAME DE GANNY
Grand roman historique inédit
par BERNARD DE LSNCUEIL
Nos lecteurs connaissent déjà de Ber-
nard de Lincueil une œuvre à la fois émou-
vante et instructive, à la fois médiévale %t
moderne ; ils savent que cet écrivain excelle
à prendre dans le moyen âge les événements
qui peuvent servir de leçon à notre temps.
C'est aujourd'hui une grande action his-
torique, empruntée au règne de Charles VI,
le roi fou. que Bernard de Lincueil a écrite
spécialement pour nons.
M DAME DE ffllï
donne l'impression forte et dramatique de
scènes du X Ve siècle prises, semble- t- il, par un
contemporain, tant elles sont exactes et vi-
vantes.
C'est une lecture attachante et passion-
nante.
NOS LEADERS
La révision de la loi
de divorce
21 n'y a pas de petite réforme. A plus
forte raison serait-il injuste de considé-
rer comme insignifiante cette réforme
qui, sans soulever de graves objections,
touche au fond même de la vie so-
ciale.
Nous l'avons dit, nous le redisons et
nous le répéterons encore mille fois,
certain d'avance d'être approuvé de
nos lecteurs, quelque importante que
soit l'œuvre politique accomplie par
la Chambre, elle ne saurait suffire au
pays. En acclamant la République, en
fimposant à ses premiers gouvernants,
le pays a voulu créer un profond chan-
gement dans les institutions et dans
les lois. Il sait bien que toutes les mo-
difications ne se font pas d'un seul
coup et toutes ensemble. Il est prêt à
prolonger le crédit qu'il accorde depuis
longtemps à ses mandataires, mais il
souhaite qu'en échange ceux-ci s'effor-
cent de réaliser dans notre législation
la plus grande somme possible d'amé-
liorations et de progrès.
Quand fut votée, grâce à l'énergique
persévérance de M. Naquet, la loi si
nécessaire du divorce, il y eut des ré-
sistances nombreuses. Le projet primi-
tivement élaboré était beaucoup plus
ample, beaucoup plus complet que la
loi qui fut ensuite adoptée. M. Naquet,
si nous ne nous trompons, avait ins-
crit dans sa proposition le divorce par
consentement mutuel et le divorce par
la volonté persévérante et réitérée d'un
seul des époux. Ces deux causes dis-
parurent au cours du débat. L'auteur
du projet dut les sacrifier pour sauver
le reste. Ce fut la part du feu.
„ Du divorce par unique volonté, ou,
tranchons le mot, de la répudiation,
nous n'avons pas à nous occuper pour
l'instant. Nous reconnaissons qu'il
soulève de graves objections dont quel-
ques-unes nous paraissent bien diffi-
ciles à réfuter. ,'
Mais nous avouons ne pas compren-
dre, nous nous expliquons malaisé-
ment la répugnance du législateur à
inscrire le consentement mutuel parmi
les causes de divorce.
Le divorce par consentement mutuel
avait existé dans le passé. Nous n'avons
jamais appris qu'il eût donné lieu à de
graves abus. On a paru craindre, en
1884, que son rétablissement ne rendît
les mariages trop précaires, trop expo-
sés aux divers caprices.
On a eu tort, au contraire, de ne pas
se rendre suffisamment compte que,
dans bien des cas, le divorce par con-
sentement mutuel aurait couvert d'au-
tres griefs très sérieux, d'autres causes
très réelles, très légales, très légitimes,
dont les époux se seraient volontiers
dispensés d'entretenir les tribunaux,
si la loi leur avait fourni un autre
moyen d'arriver au divorce, sans scan-
dale et sans bruit.
L'on aurait pu remarquer aussi que
lorsque deux époux sont d'accord pour
divorcer, si leur consentement mutuel
ne peut suffire, il ne leur est pas ma-
laisé, de s'entendre, pour se mettre, au
moins en apparence, dans un des cas
prévus par la loi,
On pourrait citer une foule d'exem-
ples. L'inetrdiction du législateur
n'a pas rendu- le divorce moins
fréquent, il a rendu simplement les
époux et leurs conseils plus ingénieux,
La loi existe, on la respecte, mais
comme disait ce personnage, on la res-
pecte en la tournant. Fâcheuse chose !
Le législateur est donc allé directe-
ment à rencontre de son but. La prohi-
bition du divorce par consentement
mutuel n'a pas assuré plus de stabilité
- aux unions mal assorties. Elle oblige
uniquement les époux à plus de frais
et plus de scandales, au grand détri-
ment de la considération de la famille,
de l'avenir des enfants et de leur res-
pect pour leurs parents. -,
Nous comprenons, à la rigueur, ceux
gui ont lutté jusqu'au bout pour que
$divorce ne fut pas inscrit clâns la loi.
Cette thèse n'était pas la nôtre ; mais
elle pouvait se soutenir. Tout dépen-
dait du point de vue.
Mais ce qu'il est plus difficile d'ad-
mettre, ce qui est incompréhensible
à la raison, c'est que le divorce étant
accepté, elle ait refusé comme une de
ses causes déterminantes le consen-
tement mutuel, exprimé en une cer-
taine forme.
Plusieurs tentatives ont été faites
pour réformer cette. disposition. MM.
Paul et Victor Margueritte, avec l'ar-
deur et le talent qu'on leur connaît, ont
dernièrement sonné le branle. Au lé-
gistateur nouveau de faire, à son tour,
son devoir. La question est de sa com-
pétence.
Louis Martin.
LE CONTRE-BLOC
On vieillit vite chez les réac-
tionnaires. Est-elle assez usée
cette pauvre Ligue de la Patrie
française qui compte si peu d'an-
nées d'existence! Elle vient de se
livrer à une de ces manifesta-
tions par lesquelles les associations d'une
certaine importance démontrent d'ordinaire
qu'elles vivent et qu'elles sont prêtes à l'ac-
tion. Je constate que l'émotion, dans le pu-
blic, et même dans le monde politique, plus
facile à impressionner, a été nulle.
Quelques personnes, pourtant, ont eu un
geste d'étonnement:
La « Patrie française ? ont-elles dit. La
« Patrie française » ? Je croyais que cette
Ligue était morte depuis longtemps.
Et il est de fait que la fameuse organisa-
tion nationaliste avait l'air de sortir du
tombeau. Elle y rentiera demain, et jamais
nous n'aurons connu si piètre ni si courte
résurrection politique.
Le nationalisme, d'ailleurs, bien qu'il
essaie de jeter quelques dernières flammes
dans le 2e arrondissement, est en train de
s'éteindre.
Mais ne croyons pas qu'avec lui se con-
sument les derniers engins de guerre ima-
ginés pour combattre la République. La
démocratie menace trop d'intérêts de castes
pour n'avoir pas beaucoup d'adversaires.
Le grand patronat, l'état-major, les hauts
fonctionnaires, les hobereaux, l'Eglise, ne
sont pas à la veille de désarmer. Cette coa-
lition se défendra jusqu'au bout et par tous
les moyens. -
Il y aura donc, longtemps encore, une
opposition réactionnaire. M.« Jules Lemaî-
tre, qui voudrait en devenir le chef, a
tâché, du moins, d'en être le parrain. Il lui
a donné un nom. Que dis-je ? Deux noms :
le Contrc-bloc et l'Anti-bloc,mots éloquents.
S'il y a un contre-bloc — ou, un anti-bloc
- il faut, nécessairement qu'il y ait un
bloc. L'heure où les républicains auront le
droit de se diviser n'est pas près de sonner.
Et M. Jules Lemaître n'a pas tort de nous
le rappeler. — Ch. B.
-
M. CHAMBERLAIN
ET LE PRQTECTIOHSISME
-
Le protectionnisme, dit un journal anglais
« porte M. Chamberlain et sa fortune »),' Si le
protectionnisme sombrait, M. Chamberlain
serait donc en grand danger d'être personnel-
lement «coule ». Il faut dire que l'opposition li-
bérale fait son possible pour amener une ca-
tastrophe toute politique, dont les suites se-
raient si heureuses pour l'Angleterre, d'une
part, et pour la démocratie internationale,
d'autre part.
M. Chamberlain a pris l'offensive, en défen-
dant avec fureur, à la Chambre des communes
un impôt qui frappe les denrées alimentaires.
Le gouvernement a refusé de se solidariser
avec M. Chamberlain.
Les libéraux essaient d'isoler M. Chamber-
lain, et de le forcer, avant la fin des débats ac-
tuellement engagés, à poser, sous une forme
quelconque, la question de confiance.
M. Chamberlain ne peut guère reculer; d'au-
tant plus que sa seule force est l'audace de son
offensive. Et s'il va de l'avant, il a beaucoup de
chances de se faire battre.
Heureuse l'Angleterre si elle pouvait se gué-
rir de l'impérialisme avant qu'il se soit compli-
qué du protectionnisme.
Lord Kitchener et les garaiscns des fades
IDe notre correspondant particulieri
Bombay, 10 juin.
Lord Ritchener a décidé de changer de fond
en comble la répartition des garnisons dans les
Indes. Les troupes anglaises, à l'exception de
celles qui sont destinées à la garde des arse-
naux principaux, seront placées dans des
camps établis sur des plateaux ou .dés collines
où l'air est frais et sain. Elles y passeront- l'été
et rentreront l'hiver dans les plaines -de l'Inde
supérieure où elles feront une période de ma-
nœuvres.
ENCORE UN NOUVEL AÉRONEF
[De notre correspondant particulier)
New-York, 10 juin.
M. James Holland, l'inventeur des sous-ma-
rins qui -portent son nom, s'occupe de con-
struction d'un aéronef nouveau genre, qui, d
son avis,est appelé à révolutionner tout le sys-
tème de navigation aérienne.
Sa machine se lève et se meut uniquement
sous l'action d'ailes mises en mouvement pàf,
des pédales. Toute la machine peut être portée
par un homme seul. C'est plutôt une sorte de
vélocipède aérien.
LA NOBLESSE DANS L'ARMÉE BAVAROISE
IDe noire correspondant particulier)
Munich, 10 juin.
Le ministère de la guerre vient de publier
l'Annuaire de l'armée bavaroise, il en résulte
que qaw les grades subalternes la proportion
entre nobles et roturiers est à peu près gardée.
Ainsi, 17 pour cent des lieutenants appartien-
nent à la noblesse. Le-pourcentage cuange à
partir du grade de colonel.
Sur 33 généraux de brigade, 13 nobles ; sur
11 généraux de division, cinq seulement sont
d'origine bourgeoise. Enfin, aucun roturier
n'est atlmis au grade de général de corps d'ar-
mée, Encore faut-il ajouter que les belles gar-
nisons sont pour les nobles et les « trous de
province » pour le#officiers roturiers.
Dans l'armée bavaroise il n'y a pas moins
de neuf princes royaux munis d'un commande
ment supérieur.
LE RAPPEL
ARTISTIQUE ET LITTÉRAIRE
Alphonse Osbert. — Un peintre idéa-
liste. — Les étapes d'un artiste. —
* Harmonies des matins et des
soirs. — Appréciations cri-
tiques.
Vous connaissez Alphonse Osbert? Avec ce
peintre l'expression « le paysage est un état
d'âme » devient vraie. Il a su copier fidèlement
la nature, puis ensuite l'interpréter, selon ses
théories. Aujourd'hui il s'applique à rendre, le
long des minutes fugitives, la communion qui
lie le rêveur à son décor immortel. Mettez-vous,
solitaire, en face de la terre et du ciel, écoutez
le cœur du monde, sombre ou radieux, battre
en harmonie avec votre cœur joyeux ou mélan-
colique, transportez-vous par la pensée sur les
confins de la vie, en cette amosphère infini-
ment douce où les songes prennent corps, et
vous comprendrez ces pages où la lumière est
une caressante amie.
Le noir et le bleu
Osbert, au sortir de l'Ecole, suivit les con-
seils des professeurs avec science. C'est un des-
sinateur impeccable, un coloriste expert. L'Es-
pagne l'envahit de ses tragiques conceptions,
il aspire à l'ardeur implacable des Maures, il
s'en imprègne, il cotoie les sentiers de Ribera.
Mais après des années où le bitume le dispute
aux grisailles, sa vision s'élargit, la Muse
rayonnante le saisit et l'arrache aux tradition-
nelles compositions. Puvis de Chavannesachève
de l'éclairer. Il sera ce que voulait son cœur :
un poète autant qu'un peintre. C'est l'instant
où l'archet vibrant des novateurs fait danser
les sylphes sous les futuaies bleues, où l'or du
Rhin ruisselle entre nos mains frémissantes,
où Siegfried se perd dans la forêt à la recher-
che de l'anneau nuptial.
Dès qu'il quitte la manière espagnole, où il
s'est trop longtemps complu, il est cité parmi
les précurseurs. Et on le raille, comme tous
ceux qui se sont mis dans ce cas. C'est l'éter-
nel Osbert, avec son éternel. clair de lune, son
éternel lac, son éternelle femme, son éternelle
forêt lointaine. Peintre du songe et du silence,
il oublie de mettre la foule dans ses toiles.
L'émotion ingénue de ces paysages laiteux,
« cette solitude dès étangs, au bord desquels
méditent les vierges symboliques » (Alcanter
de Brahm), où il essaie « la réalisation la plus
absolue possible de la lumière » (Rambosson),
amuse les écolâtres, et M. Jean Schmitt remar-
que qu'Osbert dérobe à ses blanchisseuses tout
leur bleu pour en exprimer son rêve.
Ces narquoises attaques n'égratignent guère.
Georges Brandès exprimait, dans un récent
banquet, une vérité dont il faut convenir tout
bas : « La critique n'a jamais tué personne ».
Et Osbert, avisé, ne s'y attarda pas. Lui-même
avait su changer de chemin et passer du noir
au bleu à son heure.
Les travaux d'Alphonse Osbert
Son œuvre est déjà considérable. De souche
normande, Alphonse Osbert est né en 1857 à
Paris. Elève de Lehmann, il expose aux Artis-
tes Français de 1880 à 1890, d'abord trois -por-
trai's, puis une suite de grandes toiles, La der-
nière autopsie d'André Vémle (1883), La mort
du moine (1884), La Frileuse (1885), retour
d'Espagne, qui se resssent de Velasquez ; Saint-
Paul l'Ermite (1886), figure, violon, vieux
livres, extraordinairement traités. Fraîcheur
matinale et Mystère du soir (1888), pas décisif
vers ce qu'il appellera 1' « ambiance lumi-
neuse » , Feuilles d'Automne (1889), enfin un
Martyre du Christ (1890) qui se trouve aujour-
d'hui dans l'église de Mobeeq (Manche) et dont
Dalligny disait, dans le Journal des Arts, « le
corps rayonne d'une lumière étrange qui pro-
jette sa clarté sur les ténèbres environnantes ».
La première étape est franchie. Sa palette à
la Zurbàran s'éclaire peu à peu sous l'étude de
la .nature, ses paysages gris, déjà si différents
de tons, aspirent à plus de lumière, il recher-
che l'impression changeante des heures, cul-
tive la fleur transparente des couleurs. 11 en-
voie au Champ de Mars (Société Nationale), La
Tombée du soir (1891), «délicieus6 poésie » (Ch.
Fuinel), Vision (1892), Adieu au soleil (1893),
Harihonie virginale (1894), « procession lente
de vierges sous un ciel argenté d'aurore, dans
un champ où croissent des lis », selon M. Gus-
tave Soulier dans Y Art et aVie (app. à M.
Georges Petit), Haute futaie le soir (1895), les
Chants de la nuit (1896), Chants du crépuscule
(1897, app. àM. Fè-re). En 1898, Sapho, la poé-
tesse déclame au bord des flots, Lyrisme du soir
(app. à M. Fonsegrive), Poème du soir (méd.de
bronze à l'Exposition de 1900, acheté par l'E-
tat, se trouve à l'Ambassade ;de France à Lon-
dres}. En 1899, Enigme des. soirs, Invocation de
l'aurore, Douceur du soir, Crépuscule d'or. En
1901, Sérénité, toile de 5 m. 50 sur 2 m. 50
pour la décoration d'une galerie chez le consul
de Russie à Vichy, où Osbert dessina en outre
les meubles et la cheminée.
A la date de 1902, il expose La chute des
feuilles, Harmonie dû matin (app. à M. Mahot)
Chant de l'Aurore (app. à M. Dreyfus), et un
pastel, Invocation du soir, acquis par l'Etat.
Enfin je vous ai signalé ses envois au dernier
Salon de la Société nationale des beaux-arts,
l'Heure grise, Harmonie de la Brume et Soli-
tude « autant de poèmes pensifs, de colorations
qui disent toute la grâce des aurores et des
crépuscules ».
Sa palette féconde se manifeste en même
temps aux- « Indépendants » où il a conservé
de ferventes amitiés. Dans les champs de Die-
letle; Brouillards du'îtitilin, Le matin sur l'Oise
et Urte mare dans les dunes, y sont acquis par
la Ville de Paris en 1890 pour être placés dans
les mairies.
On y admire ensuite Harmonie d'Automne
« J'àme de ces bois meurt avec la nature qui
agôùise » P. de Lano) et Brume sur la rner
(1891), Hymne a la mer, Lever de luné et Le Ma-
tin 1892), une Nature morte (1893), L'Adieu au
Soleil (1894), Harmonie du soir, où s'élèvent le
sommeil et le songe, Nocturne, La rivière d'Or,
coulant dans les bois jaunissant de l'automne,
L'aurore, Méditation, J;es Mages retrouvant l'é-
toile et Coucher de soleil en 1895.
On put le voir chez Georges Petit cette même
année, avec 30 tableaux et 16 dessins, à la
Phme, au Salon des Cent, de 1894 à 1896, aux
Salons de la Rose-Croix, organisés par Péladaç
et dont le poète Léonce de Larmandie s'est fait
ïè savait historiographe, de 1892 à 1897, puis
à la galerie Chaîné et Simonson de la rué Cau-
martin en 1899.
Le peintre et l'opinion
Chacune de ces apparitions avait soulevé-de
longs commentaires dont je vous ai déjà cité
quelques fragments..
Les jeunes révues discutent le peintre At même
les vieilles. La Plume de mars 1896 lui est con-
sacrée.
«En des paysages que son rêve a doués d'une
magie harmonieuse. M. Osbert est un poète :
il chante son âme comme Verlaine en ses vers »
(Albert Charpentier) « il a la hantise chaste de
la femme » (P. de Lano) « ses convictions idéa-
listes égalent son mérile » (André Marty) M.
Marcel Fouquier y trouve des songes et de la
férié, du recueillement lyrique, M. Baude de
Maurceley goûte:'la douce sérénité de tous ces
soirs, embellis de vierges rêveuses, et la paix
tombant du ciel, coulant autour d'elles dans
tes bois, « leur voix discrète et solitaire nç se
mêle pas à celle de la foule» (Henri Degron),
M. Hoffmann l'érigé en grand traducteur de
l'émotion intime et silencieuse, M. Jules Mazé
affirme que c'est tout à la fois de la poésie et
de la peinture, et M. Gustave Soulier, qui dans
L'Art et la Vie avait précédemment qualifié Os-
bert d' « artiste de l'âme » se résume en disant
que son œuvre se compose de variations sur le
matin et sur le soir, et que tout le matin et tout
le soir s'y trouvent bien contenus.
La magie des heures, les jeux de la lumière,
n'est-ce pas là tout le mystère du génie ! Une
intime parenté lie les arts et les lettres, ce pein-
tre, c'est Lamartino tenant une palette. Hors
des jardins publics il cueille une fleur nou-
velle. Son allégorie simpliste n'exige aucun ef-
fort de compréhension.On peut affirmer que sa
facture s'adapte surtout à l'ornementation des
monuments. Ses travaux actuels sont deux
fresques pour la décoration du nouvel établis-
sement thermal de Vichy. D'un côté les Sour-
ces, de l'autre les Bains. D'abord le lieu, la na-
ture, silencieuse et paisible, le paysage clair,
puis un défilé de femmes venant puiser la
santé, d'adolescentes au front pur, rafraîchis-
sant leurs lèvres aux ondes salutaires. Pas de
trompe-l'œil, pas de lacune dans l'ordonnance-
ment général, une auguste simplicité, cela ne
suffit-il pas ?
Il faudrait des volumes pour étudier comme
il le mérite cet homme qui a tenté d'enclore
en teintes chastes lès harmonies des soirs et
des matins, les rêves crépusculaires, les joies
de l'aube, les musiques de la nature. Je n'ai pu
le faire que très sobrement, selon mon cadre.
Assez cependant, je l'espère, pour que désor-
mais, vous le rencontriez avec ivresse, et pour
que vous goûtiez à sa mystérieuse saveur.
- LÉON RIOTOR.
MEMENTO. — Les beaux livres d'art continuents
Séville, par Ch.-Eug. Schmidt, dans la collection de
Villes d'art célèbres (H. Laurens) est une monogra
phie parfaite, déroulant sous nos yeux les charmes
de la reine andalouse, vestiges romains et maures,
la Giralda, San Marcos, la Tour de l'or, l'Alcazar, la
maison de Pilate, l'Université, et cent autres mer-
veilles. — M. Gabriel Séailles étudie Léonard de
Vinci, l'illustre maître dont le génie règne encore
sur nous. Il le fait avec une science critique et un
luxe de documentation parfaits. M. Henry Marcel
présente le rustique Jean-François Millet « qui in-
nova l'association de l'homme et de la terre,telle que
nous la montre la réalité de chaque jour».
L'Art décoratif de juin est tout entier consacré
aux Salons. A lire, les articles de MM. Gustave
Soulier, Frantz Jourdain, Albert Thomas, Voir
un bois original do P.-L. Vibert, Faune fleuril et
de belles reproductions des Salons. Dans la Chro-
nique des Arts et de la Cisriosité une savante re-
vue des expositions, par Roger Marx.
Dans La Crise de Mme Dudragon, M. Maurice
Beaubourg, humoriste avisé, se conduit bien plus
en philosophe qu'en romancier. Cette femme qui
court après tous les hommes pour leur demander
chastement, l'idéal qui lut manque, ce mari dont
l'imbécilité frise le génie, sont des caricatures ty-
pes, des perles du plus bel orient. Cette crise de
Mme Dudragon est, en outre, amusante.
Voix* à la 3° page
les Dernières Dépêches
de la nuit et
la Fie vue des Journaux
du matin
PATRIOTES ET NATIONALISTE
Je crois utile de revenir en quelques mots
sur l'incident que nous avons brièvement re-
laté, au cours de notre compte rendu de la
cérémonie organisée par l'Union démocratique
des anciens défenseurs de la patrie, en commé-
moration de la mort d'Anatole de La Forge.
- Mais le mot : incident, n'est-il pas bien gros ?
En fait, que s'est-il passé ?
Simplement ceci : au moment où, drapeaux
déployés, les délégations des vieux combat-
tants de 70 prenaient, place devapt le monument
érigé à la gloire de l'héroïque, défenseur de
Saint-Quentiri, M. Tournade, député nationa-
liste du 10° arrondissement, s'est présenté, a
émis le désir de prendre la parole.On lui a fait
comprendre, courtoisement, que la place d'un
député nationaliste n'était pas au milieu de pa-
triotes, que sa présence causerait une sensation
pénible. Il a compris. Il s'est retiré. Voilà
tout.
A-ceux qui devaient avoir le grand honneur
de monter à la tribune dressée en face du mo-
nument, Mlle Marie Anatole de la Forge avait
demandé, pour que la cérémonie eût, comme
il séyait, un caractère d'absolue sérénité, d'évi-
ter toutes allusions trop directes aux luttes po-
litiques du moment présent. Ils s'étaient incli-
nés avec déférence devant ce vœu.
Mais si un des chefs du parti nationaliste eût
paru, eussions-nous pu, devant cette provoca-
tion, ce défi, contenir notre indignation? Eus-
sions-nous pu nous empêcher de dire, à voix
très haute, avec quel horreur,avec quel dégoût,
Anatole de la Forge, ce grand Français qui
combattit si vigoureusement le boulangisme,
eût repoussé ce nationalisme qui n'est autre
chose que le boulangisme ressemelé? Je ne le
pense pas. -'
M. Tournade a donc bien fait de se retirer.
Selon un mot très juste qui a été dit, nous
sommes restés entre nous, entre amis, en fa-
mille, comme il le fallait.
Il ne manque pas de champs de bataille où
républicains et nationalistes peuvent et doi-
vent se rencontrer; ce n'est pas devant les
tombes qu'il convient d'instituer des réunions
contradictoires, Nous nous félicitons que l'in-
cident à propos duquel j'écris ces lignes n'ait
pas pris de plus grandes proportions.
11 en reste ceci seulement : que là où les
patriotes sont rassemblés pour honorer les
plus vaillants serviteurs de la démocratie et de
la France, il n'y a point de place pour les re-
eprésentants de cette coalition réactionnaire et
léricale qui s'appelle le parti nationaliste. —
L. Victor-Meunier.
10
IE MONTENEGRO ET LA PORTE
Cettigné, 10 juin.
Des Albanais des clans catholiques de Hotti
et Gruda ont attaqué un blockhaus situé près
de la frontière et gardé par un poste mili-
taire.
Après avoir tué plusieurs soldats et mis le
feu au blockûaus, ils se sont enfuis avec leurs
familles et leur bétail vers le Monténégro. Les
fugitifs sont nombreux. Le gouvernement
monténégrin a demandé à la Porte de faire
grâce aux fugitifs et de les rapatriera
LA GARDE NAflONALE JUIVE
(De noTre correspondant particulier7
Saint-Pétersbourg, 10 juin.
A Kiew, où l'on craignait des troubles anti-
sémites, les ouvriers et les étudiants juifs se
sont organisés en garde nationale. Les serru-
riers et les menuisiers de race juive ont tra-
vaillé nuit et jour à la fabrication des armes.
La nouvelle garde est divisée en pelotons de 20
hommes. Chaque section est en communication
téléphonique avec le comité central.
On a fait des expériences de mobilisation.
Quinze minutes après la première alerte, la
concentration est complète.
Les miliciens juifs ont fait leur premier es-
sai il y a quelques jours en réprimant une ten-
tative de désordres antisémites
L'ACTION
DEVANT FIGUIG
La soumission des Figuigiens
Beni-Ounif, 10 juin.
Dès la première heure du jour, suivant les
conditions imposées par le général O'Bonnor,
les représentants des djemmaa des sept ksour
de Figuig se rendent sur le territoire français
pour faire leur soumission.
Ils s'arrêtent au marabout de Sidi Sliman
bou Smaha, situé dans le ksour de Beni-Ounif,
à 2,500 mètres du col de Zenaga. C'est l'agha
Si Moulay, du cercle d'Aïn-Sefra, en résidence
à Tiout, qui ménage l'entrevue qui doit avoir
lieu à dix heures du matin entre les djemmaa
et le général O'Connor. Une tente appartenant
à l'agha Si Moulay est dressée près du mara-
bout; des chaises et une table sont installées
sous cette tente. C'est là que les conditions de
soumission vont être imposées aux Figuigiens.
Les djemmaa des deux ksours d'Oudhghir et
d'Oulah-Sliman, qui n'ont jamais participé aux
attaques dirigées contre nous, se tiennent à
part, voulant montrer qu'elles ne se solidari-
sent pas avec les cinq autres ksours.
En attendant l'arrivée du général O'Connor,
les membres des djemmaa sont assis sur le
petit mur en pierre qui borde le marabout de
Sidi-Sliman ; un'groupe de maghzani et de
goumiers en armes forme le cercle autour
d'eux. 1
Les membres des djemmaa entrent ensuite
dans le marabout où ils restent en prière pen-
dant près d'une heure.
Ils en ressortent sans parler, avec cette
impassibilité des musulmans qui fait que
tout ce qui les entoure semble les laisser indif-
férents.
A dix heures moins un quart arrive à la re-
doute de Beni-Ounif, distante de 800 mètres en-
viron, une compagnie de tirailleurs, clairons
sonnants, tambours battants. La compagnie se
partage en deux, formant, à droité et à gauche
de la tente, une haie d'honneur.
A dix heures précises, le général O'Connor,
à cheval, arrive à son tour, en grand uniforme.
Il est escorté de tous ses officiers d'ornonnance
et des officiersdes affaires indigènes. Au mi-
lieu du peloton se détache un spahi qui porte
le fanion de la division, rayé blanc et rouge.
Le général salue militairement, pendant que
les clairons et les tambours des tirailleurs son-
nent et battent aux champs. Devant la tente où
le général va avoir une entrevue avec les re-
présentants des ksour de Figuig se tiennent
rangés à l'alignement, nos troupes et tous les
membres des djemmaa qui viennent de sortir
du marabout pour faire leur soumission.
Derrière, sur uno seconde ligne, sont rangés
les cavaliers du Maghzen, superbement drapés
dans leurs manteaux bleus, et de nombreux
goumiers de la région. -
Le général O'Connor met pied à terre et ren-
tre sous la tente avec l'agha Si Moulay, auquel
il serre la main.
Les officiers d'ordonnance du général et les
membres de la presse rentrent à leur tour sous
la tente.
L'interprète militaire de 1" classe Hamet de
la division d'Oran, dit alors aux représentants
des djemmaa de s'avancer. Ceux-ci, toujours
impassibles, se rangent en cercle sur le bord
de la tente. A peine, distingue-t-on sur leur
visage bronzé une involontaire pâleur qui tra-
hit leur émotion.
Un membre de la djemmaa de Zenaga dit
alors :
Nous désirons vivre en bonne intelligence et en
bon voisinage avec les Français.
Le général O'Connor l'arrête, et devant les
représentants du Figuig, prononce l'allocu-
tion suivante :
La France est patiente, parce qu'elle est juste
et parce qu'elle est forte. Mais elle entend rester
toujours la maîtresse de l'heure. Depuis plus de
vingt ans, les Algériens s'efforcent de vivre avec
vous en bons voisins. Vous, vous n'avez employé
a leur égard que des procédés mauvais et injus-
tes : vol, pillage, assassinat. Le Figuig est devenu
-depuis deux ans surtout un véritable repaire de
bandits. Il faut que cela cesse, et cela cessera, je
vous l'affirme.
Avant-hier, j'ai infligé comme premier avertisse-
ment pour tous les ksour un commencement de
châtiment au ksar de Zenaga, et suis prêt à conti-
nuer s'il est nécessaire.
, Des gens mal intentionnés xous ont dit que la
France vous punissait parce que beaucoup d'entre
vous s'étaient déclarés pour le prétendant et contre
le sultan Abdul-Aziz. C'est faux ; ils vous ont trom-
pés.
Jamais la France ne fait acte de parti en inter-
venant chez ses voisins ; de même les djemmaa
de vos ksour conservent toutes leurs libertés et
toute leur autorité.
Mais qui dit autorité dit responsabilité. Elles
supporteront donc toute la responsabilité des actes
répréhensibles commis par les leurs ou par ceux
qu'elles reçoivent. Lorsqu'Allah veut châtier ses
serviteurs qui sont sortis du droit chemin, il
donne pour les punir la force à qui il veut, et
vous savez qu'il vous est ordonné de vous incliner
devant sa volonté.
Non seulement la Franco ne désire pas l'abaisse-
ment ni la ruine de Figuig, mais tout au contraire
sa prospérité. SI vous savez comprendre et faire le
nécessaire, grâce au chemin de fer que nous venons
de Dousser à vos Dortes. le Ficnier doit devenir le
grand entrepôt du Sud-Ouest, et arriver à une pros-
périté qu'il n'a jamais connue jusqu'à ce jour; mais
la première condition est la sécurité. Je suis venu
pour l'assurer, et je l'assurerai sans reculer devant
aucun moyen, s'il est nécessaire.
Mon mandataire va vous donner connaissance des
conditions jquo j'exigo de vous, comme réparation
d'abord, puis surtout comme garantie pour l'ave-
nir. Je n'admets pas qu'elles soient discutées.
Ce discours est traduit en arabe phrase par
phrase par l'interprète militaire. Il produit une
profonde impression sur les assistants. Pendant
le temps que dure l'allocution du général
O'Connor et la traduction de l'interprète, les
Figuiguiens restent silencieux. -
Le général ajoute : « Maintenant, je vais vous
laisser avec mes mandataires qui vous feront
connaître quelles sont mes conditions. »
A ce moment, un représentant de Zenaga
avance la main pour la tendre au général ; ce-
lui-ci la repousse d'un geste et sort de la tente
sans saluer. Tous les Figuiguiens s'inclinent et
portent la main à la hauteur de leur front, en
faisant le salut militaire.. ,
Le général, escorté de ses officiers d'ordon-
nance, remonte à cheval, se dirigeant au trot
vers la redoute de Beni-Ounif, pendant que les
clairons et les tambours sonnent et battent aux
champs.
Les Figuiguiens entrent alors sous la tente et
le capitaine Fariau, chef des affaires indigènes
de la division d'Oran, transmet aux Figui-
guiens les conditions imposées par la France
Les conditions acceptées
Alger, 10 juin.
Un télégramme de Beni-Ountf énonce que
les djemmaa do Figuig ont fait leur soumis-
sion complète.
Ou espère que, sauf événement imprévu,
les conditions de la pacification seront réglées
d'ici un ou deux jours,
(Voir la suite dans notre DEUXIEME EDITION)
LES TROUBLES EN CROATIE
Agram, 10 juin.
Do grandes démonstrations ont eu lieu à Va-
rasdin, à l'occasion de la célébration d'un JRe-
quiem pour les deux paysans croates tués ai
cours des derniers troubles.
Après le Requiem, la foule se réunit sur h
place, devant l'église, pour entonner des chante
nationaux et se livrer à toutes sortes de mani1
festations contre les Hongrois et le ban dt
Croatie. Elle se porta ensuite vers la gare, dant -
l'intention d'y arracher les écriteaux en langue
hongroise, mais elle trouva la route barrée par
un escadron de uhlans. Tous les magasins et
cafés avaient été fermés en signe de deuil.
L'Obzor affirme que des troubles se produi
sent journclbment en Slavonie. Il y a quelque?
jours, 400 paysans de la commune de Vinica
ont essayé, sans y réussir, de prendre d'assaut
le château du comte Bombelles.
LE GAZ A TROIS SOUS
La commission .du gaz s'est réunie hier poui
prendre connaissance du rapport de MM. Chau-
tard et Chassaigne-Goyon.
M. Alpy a fait un long discours pour démons
trer la nécessité de la mise en adjudication,.
Mais, malgré toute son éloquence, il n'a pu per-
suader ses collègues.
La commission a adopté les conclusions du.
rapport décidant que l'industrie du gaz serait
exploitée par une société fermière et invitant la
préfet de la Seine à traiter avec MM. Dévaluez
et Duchanoy sur les bases du traité et du cahier
des charges que nous avons analysées et dont,
les principaux articles accordent aux Parisiens
le gaz à trois sous, une redevance de 17 millions
à la Ville et admettant que le personnel employé
et ouvrier sera assimilé au personnel muni"
eipal. :
———————————— ————————
QUO VADIS?
Le roi d'Italie n'est pas encore venu à Parif
que déjà l'on parle du prochain voyage à Rome
e M. Emile Loubet.
Que M. Loubet aille à Rome rendre au roi
d'Italie une visite faite précédemment par ce
dernier, je n'y vois point d'inconvénient. Mais
je trouverais étrange que le Président de la
République française profitât de son séjour
dans la ville des Césars pour consentir à cette
démarche.
C'est pourtant ce que l'on raconte. Il parait
même que la chancellerie, du Vatican a lon-
guement cherché et a fini par trouver un
moyen de recevoir M. Loubet a sans créer de
précédent pour les autres chefs d'Etat catholi-
ques ». - -
Ecoutez un peu l'histoire : en recevant M.
Loubet, le pape pouvait craindre de voir aus-
sitôt l'empereur d'Autriche et le roi de Portu-
gal lui reprocher de ne leur avoir point fait
autrefois une concession analogue et de les
avoir ainsi forcés à observer vis-à-vis du Qui-
rinal une attitude peu correcte, puisque ces
souverains doivent toujours au roi d'Italie ac-
tuel des visites qu'ils n'ont pas rendues à son
père, par égard pour le pape.
Pour éviter de créer un précédent, on a, dit-
on, eu recours à un subterfuge : M. Loubet
n'est revêtu, en tant que Président de la Répu-
blique, d'aucun caractère religieux. C'est un
chef d Etat qui pourrait être protestant. Au con-
traire, l'empereur d'Autriche et le roi de Por-
tugal ont un caractère religieux qui leur a été
conféré par le sacre obligatoire auquel ils ont
été .soumis.
Cette distinction suffirait pour rendre possi-
ble la visite de M. Loubet à Léon XIII. Bien en-
tendu, pour aller au Vatican, M. Loubet par-
tirait de l'ambassade de France auprès du St-
rSoièi ge, après avoir fictivement pris congé du
roi d'Italie.
Voilà bien des manières, n'est-ce-pas? Alors
qu'il serait si facile de résoudre toutes difficul..
tés en supprimant une entrevue qui ne s'im-
pose ni ne s'explique.
Que les chefs d'Etats monarchiques, très ca-
tholiques, très soumis au Saint-Siège aillent,
rendre visite au pape, c'est tout naturel. Ils i
agissent à leur guise, leurs sujets n'exercent
sur leurs actes qu'un contrôle très limité. :
M. Loubet, au contraire, est le chef constitu-,
tionnel d'un Etat républicain. Il est sans doute,
irresponsable, mais il a à côté de lui des minis-
tres responsables.
Il fera donc, en allant saluer Léon XIII, un
acte de gouvernement -dont le président du
conseil devra compte à la Chambre et au pays.
Or, je ne pense pas que le chef de l'Etat aillé
à Rome chercher la bénédiction papale, pour,
lui-même et pour la République. Alors quoi ?
Ira-t-il dire au pape : « Nous en avons
assez, en France, avec les menées et les révol-
tes de vos représentants et de vos délégués êvê,-'
ques et archevêques, prêtres et archiprêtrés.'
Nous voulons être les maîtres chez nous. Nous
voulons être débarrassés d'une armée de moi-
nes et de jésuites qui, ayant pris ici même, au-
près d'un chef étranger,leur mot d'ordre, vten-*
nent dans notre pays jeter le trouble dans lés
consciences et semer des germes de guerre
civile. Et puis nous sommes las de supporter
un traité qui nous lie, nous dupe et nous pa-
ralyse. Je viens vous avertir qu'à dater d'au-
j jourd'hui nous dénonçons lo Concordat. et'
sur ce, bonsoir monsieur ! »
Ce n'est malheureusement pas un tel lan-
gage que tiendrait au pape, M. Emile Loubet.
Aussi est-il à souhaiter qu'avant de s'engager
dans une aventure dont on ne peut, dès à pré-
sent, prévoir toutes les conséquences, le gou-
vernement prendra le temps de réfléchir.
Il est impossible que le chef de l'Etat, de par
la volonté d'un cabinet qui par son programme
et par ses actes est foncièrement démocrate et
anticlérical, ne recule point devant une plati-
tude qui humilierait tous les libres-pénseurs et
toute la France républicaine.
Cela ne doit pas être, Cela ne sera pas. M.
Loubet ira peut-être au Quirinal, mais il p'ira
certainement pas au Yatican. - L. Armbruster.
Les grandes manœuvres es Me
(De notre corresponaant particulier)
Rome, 10 juin..
Aux grandes manœuvres de cette année le
chef du grand état-ma.jor appliquera pour la
première fois un nouveau système de service
d'informations et de concentration de troupes.
La grande revue finale sera supprimée.
<»
Les Coulisses - des Chambres
Le bloc
Les délégués des groupes de gaufche, dans
leur réunion d'hier, ont décidé de convoquer
les républicains pour aujourd'hui, afin que,
dans tous les bureaux, ne soient élus que des
membres appartenant à la majorité.
Les délégués ont ensuite décidé de demander
aux divers-groupas de la "majorité d^envoyer à ;
Montbrison des orateurs pour soutenir li.can-
didature de M. Jean Lépine contre celle du
modéré M. Ory.
Au groupe radical-socialiste
Le groupe radical-socialiste a décidé, dans
sa réunion d'hier, de ne voter aujourd'hui,
dans les bureaux, que pour des candidats par-
tisans de la séparation des églises et de » l'Etat.
Quelques membres du gfoilfiô ont "proe
que la commission du budget soit élu& y*
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- Auteurs similaires Huygens Christiaan Huygens Christiaan /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Huygens Christiaan" or dc.contributor adj "Huygens Christiaan")Relation d'une observation faite a la Bibliotheque du Roy, à Paris, le 12. may 1667. sur les neuf heures du matin, d'un halo ou couronne à l'entour du Soleil ; avec un discours de la cause de ces meteores, & de celle des parelies /ark:/12148/bd6t5775982s.highres Divers ouvrages de mathématiques et de physique , par Messieurs de l'Académie royale des sciences /ark:/12148/bpt6k8702251x.highresKoninklijke Hollandsche maatschappij der wetenschappen Koninklijke Hollandsche maatschappij der wetenschappen /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Koninklijke Hollandsche maatschappij der wetenschappen" or dc.contributor adj "Koninklijke Hollandsche maatschappij der wetenschappen")
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