Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-06-11
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 11 juin 1903 11 juin 1903
Description : 1903/06/11 (N12144). 1903/06/11 (N12144).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
CINQ CENTIMES le 3\T\xin.ér*Oi PARIS & DÉPARTEMENTS
XJÔ Numéro CIN^-^B3^T13VIEQ
—— - - r 1
ABONN.El'I XT9
Paris Trois mois 6 f. st * 1 11 ï. Da ID 20f.
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1 tffes
Ll-1 AUX DIJjJ JOURNAI,
«lu Itftul, Paris.
fit chez MM. LAGRANGE, CERF Se C*
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RÉDACTION : 14, rue du Mail, Paris
De - 4 à 8 heures du - soir -- et - de - 10 - heures du soir à --- 1 -- heure - du -- matin --
No 1214*1. — Jeudi 11 Juin 1903
23 PRAIRIAL AN 111
ADMINISTRATION ; 14, rue du Mail
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leton de la 40 page
LA DAME DE CANNY
GRAND ROMAN HISTORIQUE INÉDIT
par BERNARD DE LINCUEIL
Nos lecteurs connaissent déjà de Ber-
nard de Lincueil une œuvre à la -fois émou-
vante et instructive, à la fois médiévale et
moderne ; ils savent que cet écrivain excelle
à prendre dans le moyen âge les événements
qui peuvent servir de leçon à notre temps.
C'est aujourd'hui une grande action his-
torique, empruntée au règne de Charles VI,
le roi fou. que Bernard de Lincueil a écrite
spécialement pour nons.
LA DAME DE CANNY
donne l'impression forte et dramatique de
scènes du XV* siècle p'rises,semble-t-il, par un
contemporain, tant elles sont exactes et vi-
vantes.
C'est une lecture attachante et passion-
nante.
NOS LEADERS
Au Comité Je la Fédération
RADICALE ET RADICALE-SOCIALISTE
L'élection de Forcalquier, idimanche
dernier s'est terminée, comme on le
prévoyait, par une éclatante victoire
républicaine. Les 4.573 voix obtenues
par les divers candidats qui avaient
brigué les suffrages des républicains
avancés, au premier tour de scrutin,
ne laissaient aucun doute sur le
résultat du scrutin de ballotage. Le
candidat des modérés et des nationa-
listes n'ayant réuni que 2.778 suffrages
il n'espérait pas, j'imagine, battre sn
concurrent. Il ne pouvait avoiJ\ en
effet, quelque chance de succès, que
si la division se mettait dans les rangs
des républicains.
Fort heureusement, il n'en a rien
été, et le triomphe du citoyen Isoard a
été complet. Il prouve une fois de plus
ce qu'on est en droit d'attendre de la
discipline et de l'union. Mais c'est là
une vérité banale. Et quelque intérêt
qu'il y ait à la rappeler sans cesse,
nous ne nous y serions peut-être pas
arrêté, si l'élection de Forcalquier ne
présentait certaines particularités qu'il
nous paraît utile de mettre en lumière.
Nous disions tout à l'heure qu'au
premier tour de scrutin les candidats
avancés avaient obtenu en tout 4.573
suffrages. Ces suffrages se répartis-
saient ainsi : Isoard, socialiste collec-
tiviste, 1.202 voix; Esmieu, Martinez,
Arnaud, Pélissier, André, radicaux-
socialistes ou simplement radicaux,
3.371 voix, se décomposant de la façon
suivante : Esmieu, 1.160 v.; Martinez,
900 v.; Arnaud, 625 v.; Pélissier, 462
voix; André, 215 v. Conformément aux
engagements pris pendant la tournée
électorale, les cinq candidats radicaux
ou radicaux-socialistes mis en mino-
rité au premier tour se sont, le jour
même, non pas retirés de la lutte,
mais désistés en faveur de leur con-
current plus favorisé. Et la spontanéité
de ces divers désistements, suivie
d'ailleurs d'une belle et ardente cam-
pagne menée par les vaincus de. la
veille, n'a pas peu contribué à la vic-
toire républicaine que nous sommes
heureux d'enregistrer.
N'empêche que l'issue de la lutte
mérite de retenir l'attention. Les ob-
, servations que je vais brièvement pré-
senter n'ont certes rien de personnel.
Le docteur Isoard, qui est un vieil ami
et du triomphe duquel je me réjouis
plus que quiconque, ne s'y méprendra
certainement pas. Mais une chose me
frappe dans cette élection, c'est que les
candidats radicaux et radicaux-socia-
listes ont réuni 3.371 suffrages, tandis
que le candidat collectiviste n'en ob-
tient que 1.202. Voilà le fait matériel
contre lequel il n'est pas possible de
s'inscrire en faux. Et cependant c'est
le candidat collectiviste qui a été élu,
et — j'ai hâte de le dire —ce n'est que
justice, si l'on songe aux conditions
dans lesquelles la bataille s'était en-
gagée..
Les citoyens Esmieu, Martinez, Ar-
naud, Pélissier, André, pouvaient-ils
sn effet, rester candidats au second
tour de scrutin ? Evidemment non.
C'eût été violer de la façon la plus fla-
grante et la plus odieuse les engage-
ments pris. Aucun d'eux n'en était ca-
pable, ils l'ont bien prouvé. De pareilles
vilenies sont indignes d'un honnête
homme, et celui-là ne mérite pas la
confiance du suffrage universel qui ne
sait pas rester fidèle à la parole donnée.
Les candidats radicaux et radicaux-
socialistes, Esmieu, Martinez, Arilaud,
Pélissier et André n'ont donc fait que
leur devoir en se désistant en faveur
du citoyen Isoard.
Le fait brutal n'en subsiste pas
moins : 3.371 voix radicales ou radi-
cales-socialistes formantr appoint. à
1.202 voix socialistes - collectivistes,
c'est là le côté à la fois piquant et
anormal de la situation. Et remarquez
que cette situation peut se présenter
demain en sens inverse. A Paris, par
exemple, où :;;; ëuis Jes socialistes
sont malheureusement trop divisés,
trois ou quatre candidats collectivistes
peuvent réunir dans le même arron-
dissement deux ou trois fois plus de
suffrages qu'un candidat radical ou
radical-socialiste, sans qu'aucun d'eux
obtienne un nombre de voix supérieur
ou égal à celui du radical ou radical-
socialiste. La question intéresse donc
au même degré le parti socialiste-col-
lectiviste, le parti radical-socialiste et
le parti radical. « Hodie. mihi, cras
tibi », comme disaient les anciens.
« Aujourd'hui pour nous, demain pour
vous. »
Quel remède à cette situation? J'en
vois deux. Le premier consisterait à ne
pas trop multiplier les candidatures de
nuances voisines. Il est, je le dis fran-
chement, d'une application difficile.
Les électeurs doivent avoir le droit de
manifester librement au premier tour
leurs préférences.De là le principe de la
candidature multiple, avec raison cher
aux républicains avancés. Le second
me parait d'un emploi plus aisé. Ne
serait-il pas possible en effet de prati -
quer ce qu'un de nos confrères du Midi,
le Petit Méridional, appelait fort juste-
ment, aux élections de 1902, la « disci-
pline des programmes » ? Elle com-
pléterait la discipline des personnes.
Le bloc de forces avancées,indispensa-
ble, à mon sens, à la marche en avant
de la République, n'en serait nullement
entamé. Et l'on ne verrait plus ce spec-
tacle étrange de trois à quatre mille
voix socialistes formant l'appoint de
douze ou quinze cents voix radicales ou
radicales-socialistes, et vice versa.
Que faudrait-il pour cela? Peu de
chose. Il sufffirait, avant l'élection, de
faire prendre aux candidats qui ont le
même programme ou les programmes
les plus voisins, l'engagement de se
désister en faveur de celui qui aurait
obtenu le plus de voix au premier tour
de scrutin.
Qui peut faire prendre cet engage-
ment? Les comités locaux d'abord et
les électeurs eux-mêmes. Mais à leur
défaut, les comités des fédérations qui
ont leur siège à Paris et dont l'action
s'étend dans toute la France, ont le
devoir d'intervenir. Qu'en pense le co-
mité de la fédération radicale et radica-
le-socialiste, auquel je dédie ces lignes?
Cela dit à propos de l'élection de For-
calquier, passons, et soyons tout à la
joie de la victoire.
Henri Michel.
QUE VA-T-ON FAIRE 1
Elle est épouvantable, cette
catastrophe de Marseille. Aucune
excuse. Mer calme et belle, le
plein jour par un soleil de midi.
Mais on dit que les deux capi-
taines étaient tranquillement en
train de manger, alors que leurs bateaux
naviguaient encore dans la rade. L'abor-
dage a eu lieu sans que personne ait fait
quoi que ce soit pour l'éviter. Résultat
effroyable : cent cinquante victimes.
Dans le cas d'éventrement d'un navire,
on trouve habituellement une circonstance
qui l'explique : le brouillard, la tempête,
les hélices faussées. Ici, rien autre chose"
qu'une négligence coupable, un laisser
aller extraordinaire. On ne se gêne guère
dans ces sociétés de transports maritimes.
Lisez les rapports des deux capitaines. Ils
sont naturellement contradictoires. Mutuel-
lement ils s'accusent pour s'excuser. Le
vrai est que tous deux ont commis des
fautes.
Mais lisez surtout les déclarations de cer-
taines des victimes qui fort heureusement
ont échappé à la mort et le réquisitoire
serré du syndicat des inscrits. Vous y ver-
rez ceci : D'abord, c'est qu'une embarca-
tion sur six à bord du Liban était en état
de navigabilité ; les autres étaient pourries,
servaient de garde-manger, leurs poulies
ne fonctionnaient pas. Ensuite, pas d'ins-
truments de sauvetage, les bouées fermées
dans des coffres, les équipages réduits au
delà de toute expression par mesure d'éco-
nomie. L'esprit d'économie est toujours
louable sauf quand la vie de centaines de
personnes en dépend. Enfin, vous consta-
terez qu'au moment où l'abordage était en-
core possible à éviter, des passagers furieux
de l'indolence des capitaines les objur-
guaient de faire quelque chose pour empê-
cher la catastrophe.
Rien. Ils n'ont rien fait l'un et l'autre.
Par suite de leur incapacité ou de leur
manquede sang-froid, cent cinquante êtres
humains, hommes, femmes, enfants, des
bébés de trois et de six mois, ont été rou-
lés dans la vague, pris par le remous, ont
subi une mort affreuse. Et les deux hom-
mes qui supportent cette terrible respon-
sabilité mentent à qui mieux mieux, plai-
dent non coupables, n'ont pas une seule
parole de regret.
Que va-t-on faire ? Un conseil de guerre
sera réuni qui les jugera, les démontera de
leur commandement. Après 7 Est-ce suffi-
sant ? Est-ce là une répression efficace ? Et
que fera-t-on contre cette Compagnie qui
lésine sur les câbles, les poulies, les em-
barcations, lè rôle de l'équipage pour
gagner plus d'argent, au mépris de tous
les règlements et de toutes les lois ? N'y
a-t-il pas là une responsabilité d'un ordre
particulier, qu'il faut saisir et punir d'une
façon exemplaire ?
Que l'on ait à déplorer de pareils dé-
sastres dans certaines circonstances, c'est
déjà beaucoup, mais c'est excusable. Les
hommes ne peuvent pas toujours lutter
contre les éléments. Mais par une mer
calme, en plein midi, à deux pas de Mar-
seille, sur une côte française, deux navires
s'abordant et manquant d'embarcations,
pour sauver leurs passagers, en vérité,
c'est inouï disons mieux, c'est criminel.—
Ch. p.
LA CATASTROPHE
DU LIBAN
Deux rapports importants. — Les
commandants Lacotte et Arnaud.
- Devant le tribunal maritime
- Nouveaux cadavres re-
connus. — Ce que dit l'in-
génieur. — A l'agence
Fraissinet de Pa-
ris-L'autre
catastro-
phe.
, Marseille, 9 juin.
Les commandants du Liban et de l'Insulaire
ont affirmé leurs rapports de mer ce matin, à
11 h., autribunal de commerce, par devant le
président Boyer. Voici le rapport du comman-
dant Lacotte. affirmé en présence de son équi-
page et sous la foi du serment :
Le rapport du commandant au
« Liban »
Le 7 juin, à H h. tl2 du matin, j'étais parti de
Marseille pour Bastia et Livourne. Beau temps,
mer calme. A peine avais-je doublé l'île Maire que
j'aperçus le vapeur Insulaire qui passait au large
des Farillons et de l'île Maire. Je mis le cap au Sud
et, pour préciser ma manœuvre, je prévins, par un
coup de sifflet bref, que j'allais à tribord. Tout en
répétant le même coup de sifflet, je m'aperçus que
l'Insulaire maintenait toujours sa manœuvre bâ-
bord malgré ses coups de sifflets brefs en réponse
à ceux du Liban, lui disant qu'il allait sur tribord.
Ce voyant, pour ne pas aller lui croiser sa route,
le Liban fit bâbord et se tint près de terre afin de
laisser l'Insulairelibre de sa manœuvre et de pren-
dre place dans l'alignement de Maire aux Farillons.
Le Liban avait déjà franchi le travers du petit
passage entre l'ile Tiboulcn et Maire, à faible dis-
tance toujours de terre, et il était à peine à cent
mètres de distance des Farillons, ce qui l'aurait
amené à passer à moins de deux cents mètres de
ces îlots, lorsque tout à coup le commandant La-
cotte aperçut l'Insulaire qui faisait bâbord.
Je crus voir, dit-il, dans cette manœuvre, l'in-
tention de vouloir se rapprocher de moi et je n'eus
aucune crainte de continuer ma route. Mais, lors-
que je vis que l'Insulaire continuait son abattée
tribord et que je constatai avec terreur cette fausse
manœuvre, il n'était plus possible au Liban de
l'éviter. J'étais près de terre et je n'avais pas l'es-
pace nécessaire pour lui donner passage en venant
tribord.
Lui-même, s'il avait passé l'avant du Liban se-
rait allé inévitablement aborder l'ile Maire. Le
terrible choc se produisit. Je donnai l'ordre à la
machine de stopper, et aussitôt l'Insulaire
se dégage avec le haut de son avant démoli,
sans que sa flottaison ait paru en ce moment en-
dommagée.
Je donnai l'ordre de remettre en route et je
m'aperçus aussitôt que mon navire se remplissait
par l'avant. Je commandai à l'équipage de mettre
six embarcations dehors tout en faisant avant pour
mener le bateau entre les deux Farillons.
Mon idée était arrêtée, et si le bateau avait pu
atteindre le passage des deux Farillons, il se serait
reposé sur le plateau qui sépare ces deux îlots, ce
qui l'aurait empêché de couler et aurait permis
d'attendre les secours de Marseille, et, dans cet in-
tervalle, on aurait pu mettre les passagers en sû-
reté.
J'arrivai à parer le premier Farillon et je crus
que j'allais enfiler le passage. En ce moment, le
Liban n'obéissait plus et l'hélice était hors de l'eau.
L'abattée s'est prononcée davantage. Le Liban tou-
cha l'11ot et s'arrêta un instant.
Je crus un moment que l'avant était échoué ;
mais, tout-à-coup, le navire glissa et on le vit plon-
ger très rapidement. Je priai tout le monde, dit le
commandant Lacotte, de monter dans la mâture,
tandis que le personnel entouré par les passagers
manœuvrait les embarcations. Le mécanicien, en-
tre temps, soulage les soupapes, le bateau se dresse
debout par l'arrière. Les palans des embarcations
sont décrochés afin d'éviter qu'elles puissent être
entraînées par le remous. Dès que le bateau coule,
toutes les embarcations sont prêtes à faire le sau-
vetage.
Lorsque l'eau arriva à la passerelle, je criai à
toutes les femmes qui étaient montées sur le cof-
fre de la machine de se cramponner aux hau-
bans afin de ne pas être entraînées par le re-
mous; Lorsque je fus chassé de la passerelle, le
refoulement de l'eau m'envoya contre les haubans
du grand mât, et j'eus la chance de parer la che-
minée et de m'accrocher aux galhaubans de flèche.
Je fis embarquer deux femmes, que j'avais fait
maintenir dans les enfléchures, dans la baleinière
qui était montée par le second maître et quatre
matelots, et restant accroché aux galhaubans de
flèche, je donnai l'ordre au second maître, après
que le gros flot d'eau fut arrivé, de s'écarter du
remous et d'aller à l'arrière. Je montai au fur et
à mesure dans la mâture, et je criai à tous ceux
qui étaient à l'arrière de ne pas se décourager,
que les embarcations allaient les sauver. Tout à
coup, le bateau plongea de l'arrière.
Je fus entraîné dans l'eau et ne vis plus rien.
En remontant sur l'eau, je nageai de toutes mes
forces pouFmY;carter du remous ; mais, étant tout
habille je fus entraîné plusieurs fois. le parvins en-
fin à trouver une vieille malle qui me servit de
bouée ; peu après j'aperçus un canot monté par un
officier du Balkan, et c'est avec cette embarcation
que l'on m'a embarqué à bord de ce bateau, qui m'a
ramené à Marseille.
Le Balkan, avec ses embarcations, a recueilli
beaucoup de personnes noyées et il est rentré à Mar-
seille.
Le Planier, venant de Gênes, a complété le sau-
vetage. On a exploré les lieux du naufrage et n'ayant
trouvé personne, on a rallié le Planier, qui a pris
les embarcations montées par l'équipage du Liban
en remorque et qui a ramené tout le monde à Mar-
seille.
Je regrette que l'Insul aire, qui n'avait en appa-
rence aucune avarie sérieuse sous l'eau,n'ait pas
accosté le Liban bord à bord. Il n'y aurait pas JÎU
tant de victimes.
Le capitaine du Liban, affirmant avoir manœuvré
comme il devait le faire, proteste énergiquement,
en raison des événements doulour traîné la perte du navire et de la cargaison, contre
le capitaine de l'Insulaire, qui, par ses fautes, a
causé la catastrophe dont la responsabilité ne sau-
rait peser sur lai, et il fait toutes réserves que de
droit après cette déclaration.
Après cette déclaration du commandant La-
cotte, les hommes de l'équipage ont comparu
et signé le rapport avec lui. Cependant trois
marins, les nommés Paul Morazani, 18 ans,
Martin Gombert, 17 ans, et Antoine Fran-
cheschi, 19 ans, ont refusé de signer, préten-
dant que le rapport du commandant Lacotte
n'était pas exact.
Le rapport du capitaine Arnaud
Voici maintenant, résumé, dans le rapport
du capitaine Arnaud, commandant l'Insulaire,
ce qui a trait à sa collision avec le Liban :
A midi, il s'est trouvé dans le passage,par le tra-
vers de Jarre, dont il tient le milieu, et il range les
Farrillons ; lorsque la pointe de Maire est à décou -
vert, il aperçoit par tribord le Liban doubler Maire.
L'Insulaire continue sa route, et, lorsque le Liban
a contourné, ce dernier lui donne un coup de sifflet
bref auquel il répond par un coup de sifflet bref.
L'Insulaire se dirige sur la pointe Maire, laissant
le Liban par bâbord. La position des navires sem-
ble à ce moment très normale, et le Liban lui pré-
sente son bâbord par bâbord à l'Insulaire.
Un autre coup de sifflet bref se fait entendre.
L'Insulaire répond par un autre coup de sifflet et
infléchit un peu sur tribord. Son abattée se trou-
vait absolument limitée par le voisinage de
Maire.
Tout allait bien jusque là, lorsqu'en contradic-
tion avec son coup de sifflet, il voit le Liban venir
en grand sur bâbord, lui coûpant la route, et lui
présentant en grand son côté tribord par bâbord à
V Insulaire.
Voyant que l'abordage est inévitable, l'Insulaire
stoppe et fait machine en arrière en route, mais
les distances étaient tellement rapprochées qu'il
aborde le Liban par le côté tribord, à la hauteur
du mât de misai no.
La collision a été violente. L'avant de ce vapeur
s'est brisé contre le Libalh Il était midi dix au mo-
ment de l'abordage.
Le navire se trouvait par le travers de l'île Maire.
Cette collision a étalé l'Insulaire qui marchait en
arrière, a laissé au Liban l'espace nécessaire pour
faire tribord, et longeant ce bateau par tribord, s'est
dirigé pour s'échouer aussitôt après l'abordage.
Le capitaine fit visiter l'avant de son navire, et
constata que tout l'avant était démoli, même au des-
sous de la ligne de flottaison, et que l'eau envahis-
sait le navire. Il s'empressa de faire tout ce qui était
possible pour aveugler la voie d'eau en mettant des
matelas, toiles, etc. Le navire donna de suite une
forte gîte sur tribord.
Voyant que son navire menace de couler, et
apercevant le vapeur Balkan, on appela l'attention
du capitaine par des coups de sifflet prolongés.
Le Balkan s'approcha pour lui porter secours. On
dit alors au capitaine du Balkan par la voix et
par signes, de se rendre sur les lieux du sinistre
pour por:er secours au Liban.
Ayant la certitude que ce navire arriverait à
temps pour lui porter secours, pensant que le
Liban devait être échoué, l'état de l'Insulaire don-
nant de fortes craintes pour la sécurité de l'équi-
page et des passagers, il résolut de se diriger sur
la plage lie Montredon, en marchant très lente-
ment, et prêt à s'échouer si besoin était. Il ren-
contra le Provençal remorquant un chaland, qui
lui a offert ses services, et l'a escorté jusqu'à l'île
des Pendus.
C'est pour éviter un deuxième malheur que le ca-
pitaine a pris cette résolution, et c'est en marchant
très lentement et en longeant la côte qu'il a pu ar-
river à Marseille à 2 h. 30 du soir, ayant une grande
quantité d'eau dans la cale avant, malgré le bon
fonctionnement des pompes.
Dans cette circonstance, le capitaine ne peut s'ex-
pliquer comment le Liban, ayant toute la faculté
d'agir pour continuer sa route et venir sur tribord,
conformément aux règlements et à son signal, est
venu en grand sur bâbord.
Signé: ARNAUD.
L'enquête
Le tribunal maritime commercial devant le-
quel seront déférés les commandants du Liban
et de l'Insulaire se trouve composé comme
suit, en vertu de la loi du 10 mars 1891 : un
capitaine de vaisseau ou de frégate, président ;
un lieutenant de vaisseau; un juge du tribunal
de commerce; deux capitaines au long cours,
comme juges ; un officier de marine en acti-
vité ou en retraite pour remplir les fonctions
de juge d'instruction et deux commissaires du
gouvernement nommés par le ministre de la
marine.
M. Leflambe a entendu les deux comman-
dants. Chacun d'eux rejette sur l'autre les res-
ponsabilités ; mais il est évident qu'ils ont l'un
et l'autre des torts graves. ,..
M. Lacotte, commandant du Liban, est né à
Bastia. Il fut d'abord au service de l'ancienne
compagnie Valéry. Puis il prit le commande-
ment du Cymos, qui faisait les voyages en
Corse pour la compagnie Fraissinet, et enfin
le commandement du Liban. Agé de 55 ans, il
allait bientôt quitter la Compagnie, atteint par
la limite d'âge.
M. Auguste Arnaud, commandant de l'Insu-
laire, est né à Bandol, il a 45 ans. Marin depuis
l'âge de 11 ans, il était entré, il y a 25 ans,
comme officier au service de la Compagnie
Fraissinet.
A la Morgue
Ce matin 5 nouveaux cadavres ont été re-
connus à la Morgue de l'Hôtel-Dieu : ce sont
ceux de Mme Nicolini Marie, 30 ans, femme
d'un sous-brigadier de police du 14e arrondis-
sement demeurant à Paris, rue du Château;
Vico Dominique, 8 mois, des Martigues ; Fag-
gianelli Paul, 4 ans, de Marseille ; Agostini Ma-
thilde, 3 mois, de La Ciotat; Gesi Sabatino,
ce qui porte à 30 le chiffre des corps jusqu'à
présent connus. Des équipages de scaphandriers
venus de Toulon, de concert avec ceux de Mar-
seille, travaillent sur les lieux du sinistre à re-
cueillir les cadavres qui sont dans le flanc du
Liban.
Détails rétrospectifs
Un passager du Liban, M. Luigi, président
honoraire du tribunal de Bastia, sauvé du
naufrage, a perdu un portefeuille contenant
2.200 fr. en billets de banque et 60.000 fr. de
titres au porteur.
On signale le cas d'une femme de 29 ans,
Mme Pieri, née Ghilardi, mère de trois en-
fants qui, au moment de s'embarquer sur une
chaloupe de sauvetage, tomba à la mer. Elle
s'accrocha à uno épave et, maintenue sur l'eau
par ses jupes flottantes, put ainsi attendre
qu'une barque vînt la recueillir. -
Sur le lieu de la catastrophe
L'ingénieur de la Compagnie Fraissinet s'est
rendu sur le lieu de la catastrophe. Il a cons-
taté que le Liban était couché sur bâbord, sur
fond de sable, en formant un angle de 35°, par
un fond variant de 23 m. à l'avant à 33 m. à'
l'arrière. Il n'est pas possible de dire si le ren-
flouement pourra être tenté. Dans tous les cas
il offrira de grandes difficultés et entraînera de
très gros frais. Quant aux dépêches, il paraît
impossible de tenter lear sauvetage, car elles
sonl placées dans une soute de l'arrière du na-
vire, à l'endroit où il a le plus de fond. Les
eaux ne sont pas très claires et la mer est quel-
que peu houleuse, en sorte qu'on a pu faire de
plus amples observations. Tout le personnel
composant l'équipage du Liban a répondu à
l'appel, à la Compagnie, à l'exception de deux
soutiers ; Lota Joseph et Rossi Ange et de l'aide-
cuisinier Besançon Octave.
A L'AGENCE PARISIENNE
DE LA COMPAGNIE
L'agent général de la Compagnie Fraissinet
à Paris, M. Neton, a reçu de Marseille la dé-
pêche suivante :
Les passagers sauvés ne s'étant pas présentés au
bureau, nous sommes dans l'impossibilité d'en
donner une liste exacte, pas plus que nous ne pou-
vons, pour le moment,donner le nombre des victi-
mes. L'équipage est sauvé, sauf trois douteux.
Nous vous donnerons les renseignements au fur et
mesure que nous les connaîtrons.
FRAISSINET.
L' « Antoine-Praissinet »
Nous avons dit que le navire Antoine-Fraissi-
net delà Compagnie Fraissinet,s'était perdu sur
la côte occidentale d'Afrique.
Voici de nouveaux détails sur cette catas-
trophe :
Marseille, 9 juin.
C'est sur les côtes du Congo que s'est pro-
duite la perte de ce navire. Voici en quels ter-
mes M. Fraissinet est venu annoncer le nou-
veau sinistre à M. Penissat, commissaire en
chef de l'inscription maritime :
— Mon commandant, un malheur n'arrive jamais
seul. Après la terrible catastrophe d'hier, j'ai la
douleur de vous faire part de la perte de notre nou-
veau navire l'Antoine-Fraissinet qui effectuait son
premier voyage.
Ce vapeur, nouvellement construit, en effet,
sur les chantiers de Provence, avait été affecté
à la ligne de la côte occidentale d'Afrique.
C'est par une dépêche du capitaine Etienne
Maigre, commandant Y Antoine-Fraissinet, que
la Compagnie a appris le naufrage de ce navire.
La dépêche du capitaine confirme que l'équi-
page a été sauvé, mais ajoute qu'il est dans
une situation des plus critiques. On ne croit
pas qu'il puisse être renfloué.
Le sinistre s'est produit exactement à Garra-
way au cap des Palmes (Congo). Ce sinistre,
survenu après la première catastrophe et affec-
tant la même Compagnie, a causé aujourd'hui,
à la Bourse de Marseille et dans la ville, une
grosse émotion. Les bureaux de la Compagnie
ont été littéralement assiégés tout le jour par
une foule anxieuse.
(Voir la suite dans notre DEUXIEMEEDITION,
LA MORT DE Mlle BOURGEOIS
Un silence ému s'est fait hier à la Chambre,
quand M. Lockroy a fait part aux députés de la
douloureuse nouvelle qu'il venait d'apprendre :
la mort de Mlle Bourgeois.
Le parti républicain prend sa part dans le
deuil cruel qui atteint le président delà Chambre.
Tous, nous savons quelles longues angoisses a
traversées M. Léon Bourgeois, et quelle lutte il
a livrée pour essayer d'arracher sa fille au
mal qui 1 étreignait.
C'est parce que les démocrates connaissaient
le drame intime qui se déroulait chez l'ancien
président du conseil qu'ils s'étaient résignés à
la demi-retraite de l'un de leurs chefs les plus
aimés.
Il ne fallait pas une raison moins grave pour
que nous pussions renoncer, au cours de la
période électorale de 1902, à la force que de-
vait normalement prêter à nos candidats la
parole de M. Léon Bourgeois.
Notre éminent ami put apprécier en pareille
circonstance l'affection de ses électeurs de la
Marne qui lui renouvelèrent son mandat sans
exiger de lui les combats de réunions publi-
ques que sa douleur n'aurait pas permis.
M. Léon Bourgeois a donné, de son côté, une
preuve singulière de son dévouement à la Ré-
publique en acceptant, malgré les inquiétudes
justifiées qui l'obsédaient, la lourde charge de
la présidence de la Chambre.
Laissons aujourd'hui le père tout entier à sa
douleur. Ce n'est pas à un homme de sa
trempe que nous avons besoin de rappeler que
seuls le travail, l'activité de la vie publique
et l'exercice de la solidarité sociale apaisent,
avec le temps, les nobles coeurs, pour dure-
ment qu'ils aient été frappés.
Mlle Hélène Bourgeois a succombé à 5 h. de
l'après-midi. Elle était âgée de 24 ans,
Elle avait été atteinte pour la première fois il
y a quinze mois du mal auquel elle a succombé
hier.
A la suite d'une grippe infectieuse, une con-
gestion pulmonaire s'était déclarée,
Il y a quelques mois, Mlle Bourgeois avait
été conduite par son père à Cannes, et, après
diverses alternatives de rechute et d'améliora-
tion, on l'avait ramenée à Paris, le 25 avril der-
nier, au palais de la présidence de la Chambre.
C'est là qu'elle est décédée.
Mlle Bourgeois avait fait au lycée Molière
des études très complètes ; c'était une jeune
fille accomplie et instruite.
Voir en 2e page
Le Congrès radical-socialiste de Mar-
seille. — Le réglement.
Les tribunaux reposas indigènes
Comme on le verra plus loin, le premier acte
de la commission instituée au ministère de la
justice pour étudier les modificatiôns à intro-
duire dans l'organisation des tribunaux répres-
sifs indigènes en Algérie, a été d'écarter la
proposition de constituer le tribunal par le
juge de paix siégeant comme juge unique.
Cette proposition était, croyons-nous, de M.
Viviani, qui connaît bien la question. Nous
avons peur que'la commission ait d'avance
stérilisé son travail en le repoussant.
Et d'abord, cette espèce cie rejet a priori,
d'une combinaison qui est en quelque sorte
toute la question, est déjà singulière ; c'est le
juge unique qui était probablement la solution
vraie.
Dans tous les cas, c'est la solution que n'eus-
sent pas repoussée les indigènes. L'Arabe croit,
]Lii,au juge unique; il ne repousse que les juges
assesseurs; c'est l'adjonction au juge de deux
assesseurs qu'il considère l'un comme le délé-
gué de l'administration, l'autre comme le délé-
gué des colons qui cause ses inquiétudes et ses
méfiances.
De tout temps, l'Arabe a été jugé par le ma-
gistrat unique; il est habitué à ce régime ; il est
disposé à accepter sans discussion la sentence
du juge professionnel ; quand il voit ce juge
conferer avec ses deux assesseurs, il pense que
ceux-ci, représentants d'intérêts extérieurs à la
justice même, tentent de peser sur la conscience
du magistrat ; et il s'en va persuadé que les in-
térêts ont été plus puissants que la Justice.
Répétons-le, la commission a commencé par
rerust-i d'examiner lA vrai pnint HA rl«part Hfl
la question qui se dressait devant elle ; elle a
eu tort, et nous craignons que la suite de son
travail s'en ressente.
Nous publierons demain LE RAPPEL ARTISTIQUE
ET LITTÉRAIRE de notre ami et collaborateur
Léon RIOTOR.
EXPÉRIENCES DE PHOTOTÉLÉGBAPHIE MILITAIRE
(De notre correspondant particulierf
Turin, 9 juin.
Dans les environs d'Ivrea, M. Morsaletto,
lieutenant de génie, a fait devant une commis-
sion militaire des expériences de phototélégra-
phie avec un appareil inventé par l'ingénieur
Faini.On se sert de la lumière oxy-acétylinique,
dont la force est 25 fois plus grande que celle
de l'acétylène.
L'appareil peut se porter "en ceinture, et ce
serait un instrument admirable pour certaines
explorations en temps de paix.
LE TRUST DES ÉGLISES
(De notre correspondant particulier)
New-York, 9 juin.
Le révérend Newell Dwight Hillis, pasteur
de l'église Plymouth, à Broocklyn, a produit
une vive sensatio, par son dernier sermon de
dimanche. Il y a exposé le projet de réunir les
Eglises de tous les cultes chrétiens en un formi-
dable trust. Nous devrions, dit-il, faire une coo-
pération à l'instar du syndicat de l'acier présidé
par Morgan. Autrement nous continuerons à
éparpiller nos forces et à gaspiller notre temps.
Le pasteur entreprenant se propose de con-
voquer le clergé des diverses religions à une
conférence où l'on s'occupera du projet du nou-
veau trust. Les juifs, les musulmans et les fidè-
les de Confucius sont exclus. Quant à l'admis-
sion des bouddhistes, la question reste toujours
ouverte.
40 -
MANŒUVRES DE SAUVETAGE
DANS LA MARINÉ ALLEMANDE
{De notre correspondant particufierJ
Berlin, 9 juin.
Depuis quelque temps l'Amirauté fait procé-
der à des manoeuvres de sauvetage dans la ma-
rine. Au milieu des exercices on entend subite-
ment l'avis : Un homme à la mer ! Une ceinture
de sauvetage jetée par dessus bord indique
l'homme tombé à l'eau. Les hommes qui se si-
gnalent dans ce genre de manœuvre reçoivent
des gratifications spéciales.
i.
LE GAZ A TROIS SOU
Le rapport de MM. Chassaigne-Goyoi
et Chautard. — Examen des projets.
— Les variations de la Compagnie
parisienne. — Ce qu'il en coûte- :
rait aux Parisiens de traiter
avec la Compagnie, — Une
étude impartiale. — La fin
d'un monopole.Une biblio-
graphie intéressante.
C'est une œuvre considérable que le rapport
de MM. Chassaigne-Goyon et Chautard sur le
régime futur du gaz, dont les épreuves ont étf
distribuées hier soir aux conseillers munici-
paux.
Ce rapport, avec ses annexes, ne comprend
pas moins de deux cents pages.
Les deux-rapporteurs passent en revue les
travaux du Conseil, de la commission et de la
sous-commission. Ils examinent en détail le
traité, le cahier des charges ; traitent les ques
tions importantes de l'actif de l'industrie dr
gaz, de l'abaissement anticipé, du prix futur du
gaz, de la redevance, du personnel. Ils s'occu-
pent de la constitution de la future Société
des garanties qu'elle présente. Ils scrutent lei
prévisions de consommation et condensent
les divers projets, notamment tous les projets
présentés par la Compagnie parisienne depuis
1880. N
Enfin, ils étudient les propositions de l'Admi
nistration, comparent les projets, traitent
question de l'adjudication et concluent en oi
frant au conseil municipal de doter les Pari-
siens du gaz à trois sous, tout en assurant - ar
budget municipal une redevance annuelle.!*;-
nima de 17 millions.
Un seul projet de délibération et deux artick
solutionnent cette importante question écooo
mique.
L'article 1" décide que rexploitation de l'in-
dustrie du gaz, à dater du 1" janvier 1906, aoil
donnée à bail à une société fermière.
L'article 2 invite le préfet de la Seine, agis-
sant au nom de la Ville, à traiter avec MM. Dé-
valuez et Duchanoy sur les bases du projet de
traité et du cahier des charges annexés au
rapport.
Nous avons publié ces pièces. Nous ne re-
viendrons pas sur le détail. Nous ne suivrons
pas les rapporteurs dans leur critique docu-
mentée, nous ne reprendrons pas avec eux
l'historique de la question. Nous chercherons
seulement à dégager les raisons qui ont poussé
la commission au nom de laquelle ils parlent
à écarter les autres projets,et notamment celui
de la Compagnie parisienne, au profit de
MM. Dévaluez et Duchanoy, les inventeurs du
gaz à trois sous.
C'est sur les bases du traité voté le 20 mars
dernier par le conseil municipal, que la com-
mission a négocié avec les divers soumission-
naires.
La Compagnie refuse
Alors que MM. Dévaluez et Duchanoy, d'une
part et le consortium de MM. Damour, Dehay-
nin et de Sinçay, d autre part,formulaient leurs
propositions, conformes pour les premiers, en
partie seulement pour les seconds, à la délibé-
ration du conseil, la Compagnie parisienne re-
fusait :
1° La transmission à la Ville de la propriété inté-
grale de l'actif au 1" janvier 1908 ;
2° La fixation d'un minimum de redevance;
3° La limitation à 3 lj2 0[0 de la charge d'intérêts
des obligations à porter au compte d'exploitation ;
4" la limitation du bénéfice de l'exploitant ;
Enfin, elle prétendait que les travaux de premier
établissement qui paraîtraient nécessaires par la
suite devraient être exécutés à frais communs par
la Ville et par la Compagnie.
Mais si MM. Dévaluez et Duchanoy accep-
taient de donner la garantie de 17 millions de
redevance minima, et fournissaient à la Ville
le moyen d'en percevoir le montant, le consor-
tium déclinait toute responsabilité en cas d'in-
suffisance. Sur de nouvelles négociations le
consortium, apporta à son projet une modifica-
tion aux termes dé laquelle il s'engageait à
abandonner sur ses ressources de toute nature
les sommes nécessaires, à parfaire éventuelle-
ment l'insuffisance de fa redevance, mais seu-
lement jusqu'à concurrence d'un sacrifice de
cinq millions. C'était encore insuffisant, puis-
qu'on avait mieux.
Voilà pourquoi la commission a retenu ie
projet Dévaluez.
Les garanties
Mais ce projet Dévaluez qui accepte tout c&
qu'ont demandé le Conseil et la commission,
qui donne le gaz à trois sous, qui améliore le
sort du personnel, qui offre au budget munici-
pal'17 millions au minimum par an, offre-t-il
les garanties nécessaires, en un mot, est-il sé-
rieux?
Toute la question est là. S'il s'agit d'une su-
renchère folle, s'il s'agit d'une spéculation vul-
gaire, il doit être abandonné.
Tout d'abord, remarquons que les auteurs de
ce projet n'ont nullement surenchéri sur d'au-
tres propositions. Ce sont leurs propositions
initiales que le conseil s'est approprié et dont
il a fait un projet-type. C'est un point impor-
tant déjà et qui montre que ce sont les autre?
soumissionnaires qui sont des surenchéris-
seurs.
Mais cette constatation ne suffit pas à démon-
trer que MM. dévaluez Bt Duchanoy peuvcm
normalement exploiter dans les conditions
présentes.
Les concurrents de MM. Dévaluez et Ducha-
noy, ceux-là mêmes qui prétendaient que leur
projet n'était pas sérieux, se sont chargés de
prouver le contraire.
Ecoutons les rapporteurs :
Il n'y a pas bien longtemps encore qu'on nous di-
sait : « Le gaz à 15 centimes, c'est un bluff ! l'exploi-
tation serait impossible ! ce n'est l'affaire que de
spéculateurs et non d'industriels ! » Il ne s'agissait
à ce moment que de MM. Dévaluez et Duchanoy.
Peu après, le consortium acceptait de traiter sur
les mêmes bases, sans garantir absolument la rede-
vance. toutefois, mais dans certaines limites seule-
ment,et en apportant des tableaux desquels il résul-
tait que sur ces bases, si improbables, si inaccepta-
bles peu de jours avant, la redevance de 17 millions
était acquise par te seul jeu du contrat au bout da
quelques années.
Mais la compagnie restait inaccessible, isolée,
considérant qu'il y avait deux groupes d'imprudents
au lieu d'un.
Cela n'a pas duré ; elle a trouvé, elle aussi, son
chemin de Damas, et son dernier projet comporte
sur les consommateurs les mêmes recettes que la
projet initial de MM. Dévaluez et Duchanoy ; il com-
porte aussi les mêmes bénéfices, et il produira la
même redevance : 16.300.000 francs la première an-
née, 18 millions la dernière, en moyenne 17 mil-
lions.
Et la Compagnie parisienne du gaz est une Com-
pagnie avisée, bien administrée ; elle est sage, elle
est prudente, elle ne dédaigne pas les bénéfices ;
son acquiescement à un système jusque-là considéré
comme téméraire a démontré aux plus réfractalres
que ce système avait du bon, qu'il était applicable
et qu'il n'était pas incompatible avec l'exploitation
industrielle la plus sérieuse.
Mais la Compagnie Parisienne du Gaz, pas plus
qu'elle n'accepte certaines autres clauses de votre
délibération, ne garantit pas le minimum de 17
millions.
Et l'administration de faire ses réserves et du
dire que peut-être MM. Dévaluez et Duchanoy se-
ront en perte pendant les premières années — elle
sait d'ailleurs qu'ils se rattraperont ensuite — et
elle craint que j,cyploitation ne leur produise pas
ces 17 millions qu'ils garantissent à la Ville.
Les rapporteurs démontrent que cette crainf
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Ll-1 AUX DIJjJ JOURNAI,
«lu Itftul, Paris.
fit chez MM. LAGRANGE, CERF Se C*
S, place de la Bourse, 6
Adresse Télétraphique : XIX* SlÈCLI- PAlUS
RÉDACTION : 14, rue du Mail, Paris
De - 4 à 8 heures du - soir -- et - de - 10 - heures du soir à --- 1 -- heure - du -- matin --
No 1214*1. — Jeudi 11 Juin 1903
23 PRAIRIAL AN 111
ADMINISTRATION ; 14, rue du Mail
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
Nous publierons prochainement en feuil-
leton de la 40 page
LA DAME DE CANNY
GRAND ROMAN HISTORIQUE INÉDIT
par BERNARD DE LINCUEIL
Nos lecteurs connaissent déjà de Ber-
nard de Lincueil une œuvre à la -fois émou-
vante et instructive, à la fois médiévale et
moderne ; ils savent que cet écrivain excelle
à prendre dans le moyen âge les événements
qui peuvent servir de leçon à notre temps.
C'est aujourd'hui une grande action his-
torique, empruntée au règne de Charles VI,
le roi fou. que Bernard de Lincueil a écrite
spécialement pour nons.
LA DAME DE CANNY
donne l'impression forte et dramatique de
scènes du XV* siècle p'rises,semble-t-il, par un
contemporain, tant elles sont exactes et vi-
vantes.
C'est une lecture attachante et passion-
nante.
NOS LEADERS
Au Comité Je la Fédération
RADICALE ET RADICALE-SOCIALISTE
L'élection de Forcalquier, idimanche
dernier s'est terminée, comme on le
prévoyait, par une éclatante victoire
républicaine. Les 4.573 voix obtenues
par les divers candidats qui avaient
brigué les suffrages des républicains
avancés, au premier tour de scrutin,
ne laissaient aucun doute sur le
résultat du scrutin de ballotage. Le
candidat des modérés et des nationa-
listes n'ayant réuni que 2.778 suffrages
il n'espérait pas, j'imagine, battre sn
concurrent. Il ne pouvait avoiJ\ en
effet, quelque chance de succès, que
si la division se mettait dans les rangs
des républicains.
Fort heureusement, il n'en a rien
été, et le triomphe du citoyen Isoard a
été complet. Il prouve une fois de plus
ce qu'on est en droit d'attendre de la
discipline et de l'union. Mais c'est là
une vérité banale. Et quelque intérêt
qu'il y ait à la rappeler sans cesse,
nous ne nous y serions peut-être pas
arrêté, si l'élection de Forcalquier ne
présentait certaines particularités qu'il
nous paraît utile de mettre en lumière.
Nous disions tout à l'heure qu'au
premier tour de scrutin les candidats
avancés avaient obtenu en tout 4.573
suffrages. Ces suffrages se répartis-
saient ainsi : Isoard, socialiste collec-
tiviste, 1.202 voix; Esmieu, Martinez,
Arnaud, Pélissier, André, radicaux-
socialistes ou simplement radicaux,
3.371 voix, se décomposant de la façon
suivante : Esmieu, 1.160 v.; Martinez,
900 v.; Arnaud, 625 v.; Pélissier, 462
voix; André, 215 v. Conformément aux
engagements pris pendant la tournée
électorale, les cinq candidats radicaux
ou radicaux-socialistes mis en mino-
rité au premier tour se sont, le jour
même, non pas retirés de la lutte,
mais désistés en faveur de leur con-
current plus favorisé. Et la spontanéité
de ces divers désistements, suivie
d'ailleurs d'une belle et ardente cam-
pagne menée par les vaincus de. la
veille, n'a pas peu contribué à la vic-
toire républicaine que nous sommes
heureux d'enregistrer.
N'empêche que l'issue de la lutte
mérite de retenir l'attention. Les ob-
, servations que je vais brièvement pré-
senter n'ont certes rien de personnel.
Le docteur Isoard, qui est un vieil ami
et du triomphe duquel je me réjouis
plus que quiconque, ne s'y méprendra
certainement pas. Mais une chose me
frappe dans cette élection, c'est que les
candidats radicaux et radicaux-socia-
listes ont réuni 3.371 suffrages, tandis
que le candidat collectiviste n'en ob-
tient que 1.202. Voilà le fait matériel
contre lequel il n'est pas possible de
s'inscrire en faux. Et cependant c'est
le candidat collectiviste qui a été élu,
et — j'ai hâte de le dire —ce n'est que
justice, si l'on songe aux conditions
dans lesquelles la bataille s'était en-
gagée..
Les citoyens Esmieu, Martinez, Ar-
naud, Pélissier, André, pouvaient-ils
sn effet, rester candidats au second
tour de scrutin ? Evidemment non.
C'eût été violer de la façon la plus fla-
grante et la plus odieuse les engage-
ments pris. Aucun d'eux n'en était ca-
pable, ils l'ont bien prouvé. De pareilles
vilenies sont indignes d'un honnête
homme, et celui-là ne mérite pas la
confiance du suffrage universel qui ne
sait pas rester fidèle à la parole donnée.
Les candidats radicaux et radicaux-
socialistes, Esmieu, Martinez, Arilaud,
Pélissier et André n'ont donc fait que
leur devoir en se désistant en faveur
du citoyen Isoard.
Le fait brutal n'en subsiste pas
moins : 3.371 voix radicales ou radi-
cales-socialistes formantr appoint. à
1.202 voix socialistes - collectivistes,
c'est là le côté à la fois piquant et
anormal de la situation. Et remarquez
que cette situation peut se présenter
demain en sens inverse. A Paris, par
exemple, où :;;; ëuis Jes socialistes
sont malheureusement trop divisés,
trois ou quatre candidats collectivistes
peuvent réunir dans le même arron-
dissement deux ou trois fois plus de
suffrages qu'un candidat radical ou
radical-socialiste, sans qu'aucun d'eux
obtienne un nombre de voix supérieur
ou égal à celui du radical ou radical-
socialiste. La question intéresse donc
au même degré le parti socialiste-col-
lectiviste, le parti radical-socialiste et
le parti radical. « Hodie. mihi, cras
tibi », comme disaient les anciens.
« Aujourd'hui pour nous, demain pour
vous. »
Quel remède à cette situation? J'en
vois deux. Le premier consisterait à ne
pas trop multiplier les candidatures de
nuances voisines. Il est, je le dis fran-
chement, d'une application difficile.
Les électeurs doivent avoir le droit de
manifester librement au premier tour
leurs préférences.De là le principe de la
candidature multiple, avec raison cher
aux républicains avancés. Le second
me parait d'un emploi plus aisé. Ne
serait-il pas possible en effet de prati -
quer ce qu'un de nos confrères du Midi,
le Petit Méridional, appelait fort juste-
ment, aux élections de 1902, la « disci-
pline des programmes » ? Elle com-
pléterait la discipline des personnes.
Le bloc de forces avancées,indispensa-
ble, à mon sens, à la marche en avant
de la République, n'en serait nullement
entamé. Et l'on ne verrait plus ce spec-
tacle étrange de trois à quatre mille
voix socialistes formant l'appoint de
douze ou quinze cents voix radicales ou
radicales-socialistes, et vice versa.
Que faudrait-il pour cela? Peu de
chose. Il sufffirait, avant l'élection, de
faire prendre aux candidats qui ont le
même programme ou les programmes
les plus voisins, l'engagement de se
désister en faveur de celui qui aurait
obtenu le plus de voix au premier tour
de scrutin.
Qui peut faire prendre cet engage-
ment? Les comités locaux d'abord et
les électeurs eux-mêmes. Mais à leur
défaut, les comités des fédérations qui
ont leur siège à Paris et dont l'action
s'étend dans toute la France, ont le
devoir d'intervenir. Qu'en pense le co-
mité de la fédération radicale et radica-
le-socialiste, auquel je dédie ces lignes?
Cela dit à propos de l'élection de For-
calquier, passons, et soyons tout à la
joie de la victoire.
Henri Michel.
QUE VA-T-ON FAIRE 1
Elle est épouvantable, cette
catastrophe de Marseille. Aucune
excuse. Mer calme et belle, le
plein jour par un soleil de midi.
Mais on dit que les deux capi-
taines étaient tranquillement en
train de manger, alors que leurs bateaux
naviguaient encore dans la rade. L'abor-
dage a eu lieu sans que personne ait fait
quoi que ce soit pour l'éviter. Résultat
effroyable : cent cinquante victimes.
Dans le cas d'éventrement d'un navire,
on trouve habituellement une circonstance
qui l'explique : le brouillard, la tempête,
les hélices faussées. Ici, rien autre chose"
qu'une négligence coupable, un laisser
aller extraordinaire. On ne se gêne guère
dans ces sociétés de transports maritimes.
Lisez les rapports des deux capitaines. Ils
sont naturellement contradictoires. Mutuel-
lement ils s'accusent pour s'excuser. Le
vrai est que tous deux ont commis des
fautes.
Mais lisez surtout les déclarations de cer-
taines des victimes qui fort heureusement
ont échappé à la mort et le réquisitoire
serré du syndicat des inscrits. Vous y ver-
rez ceci : D'abord, c'est qu'une embarca-
tion sur six à bord du Liban était en état
de navigabilité ; les autres étaient pourries,
servaient de garde-manger, leurs poulies
ne fonctionnaient pas. Ensuite, pas d'ins-
truments de sauvetage, les bouées fermées
dans des coffres, les équipages réduits au
delà de toute expression par mesure d'éco-
nomie. L'esprit d'économie est toujours
louable sauf quand la vie de centaines de
personnes en dépend. Enfin, vous consta-
terez qu'au moment où l'abordage était en-
core possible à éviter, des passagers furieux
de l'indolence des capitaines les objur-
guaient de faire quelque chose pour empê-
cher la catastrophe.
Rien. Ils n'ont rien fait l'un et l'autre.
Par suite de leur incapacité ou de leur
manquede sang-froid, cent cinquante êtres
humains, hommes, femmes, enfants, des
bébés de trois et de six mois, ont été rou-
lés dans la vague, pris par le remous, ont
subi une mort affreuse. Et les deux hom-
mes qui supportent cette terrible respon-
sabilité mentent à qui mieux mieux, plai-
dent non coupables, n'ont pas une seule
parole de regret.
Que va-t-on faire ? Un conseil de guerre
sera réuni qui les jugera, les démontera de
leur commandement. Après 7 Est-ce suffi-
sant ? Est-ce là une répression efficace ? Et
que fera-t-on contre cette Compagnie qui
lésine sur les câbles, les poulies, les em-
barcations, lè rôle de l'équipage pour
gagner plus d'argent, au mépris de tous
les règlements et de toutes les lois ? N'y
a-t-il pas là une responsabilité d'un ordre
particulier, qu'il faut saisir et punir d'une
façon exemplaire ?
Que l'on ait à déplorer de pareils dé-
sastres dans certaines circonstances, c'est
déjà beaucoup, mais c'est excusable. Les
hommes ne peuvent pas toujours lutter
contre les éléments. Mais par une mer
calme, en plein midi, à deux pas de Mar-
seille, sur une côte française, deux navires
s'abordant et manquant d'embarcations,
pour sauver leurs passagers, en vérité,
c'est inouï disons mieux, c'est criminel.—
Ch. p.
LA CATASTROPHE
DU LIBAN
Deux rapports importants. — Les
commandants Lacotte et Arnaud.
- Devant le tribunal maritime
- Nouveaux cadavres re-
connus. — Ce que dit l'in-
génieur. — A l'agence
Fraissinet de Pa-
ris-L'autre
catastro-
phe.
, Marseille, 9 juin.
Les commandants du Liban et de l'Insulaire
ont affirmé leurs rapports de mer ce matin, à
11 h., autribunal de commerce, par devant le
président Boyer. Voici le rapport du comman-
dant Lacotte. affirmé en présence de son équi-
page et sous la foi du serment :
Le rapport du commandant au
« Liban »
Le 7 juin, à H h. tl2 du matin, j'étais parti de
Marseille pour Bastia et Livourne. Beau temps,
mer calme. A peine avais-je doublé l'île Maire que
j'aperçus le vapeur Insulaire qui passait au large
des Farillons et de l'île Maire. Je mis le cap au Sud
et, pour préciser ma manœuvre, je prévins, par un
coup de sifflet bref, que j'allais à tribord. Tout en
répétant le même coup de sifflet, je m'aperçus que
l'Insulaire maintenait toujours sa manœuvre bâ-
bord malgré ses coups de sifflets brefs en réponse
à ceux du Liban, lui disant qu'il allait sur tribord.
Ce voyant, pour ne pas aller lui croiser sa route,
le Liban fit bâbord et se tint près de terre afin de
laisser l'Insulairelibre de sa manœuvre et de pren-
dre place dans l'alignement de Maire aux Farillons.
Le Liban avait déjà franchi le travers du petit
passage entre l'ile Tiboulcn et Maire, à faible dis-
tance toujours de terre, et il était à peine à cent
mètres de distance des Farillons, ce qui l'aurait
amené à passer à moins de deux cents mètres de
ces îlots, lorsque tout à coup le commandant La-
cotte aperçut l'Insulaire qui faisait bâbord.
Je crus voir, dit-il, dans cette manœuvre, l'in-
tention de vouloir se rapprocher de moi et je n'eus
aucune crainte de continuer ma route. Mais, lors-
que je vis que l'Insulaire continuait son abattée
tribord et que je constatai avec terreur cette fausse
manœuvre, il n'était plus possible au Liban de
l'éviter. J'étais près de terre et je n'avais pas l'es-
pace nécessaire pour lui donner passage en venant
tribord.
Lui-même, s'il avait passé l'avant du Liban se-
rait allé inévitablement aborder l'ile Maire. Le
terrible choc se produisit. Je donnai l'ordre à la
machine de stopper, et aussitôt l'Insulaire
se dégage avec le haut de son avant démoli,
sans que sa flottaison ait paru en ce moment en-
dommagée.
Je donnai l'ordre de remettre en route et je
m'aperçus aussitôt que mon navire se remplissait
par l'avant. Je commandai à l'équipage de mettre
six embarcations dehors tout en faisant avant pour
mener le bateau entre les deux Farillons.
Mon idée était arrêtée, et si le bateau avait pu
atteindre le passage des deux Farillons, il se serait
reposé sur le plateau qui sépare ces deux îlots, ce
qui l'aurait empêché de couler et aurait permis
d'attendre les secours de Marseille, et, dans cet in-
tervalle, on aurait pu mettre les passagers en sû-
reté.
J'arrivai à parer le premier Farillon et je crus
que j'allais enfiler le passage. En ce moment, le
Liban n'obéissait plus et l'hélice était hors de l'eau.
L'abattée s'est prononcée davantage. Le Liban tou-
cha l'11ot et s'arrêta un instant.
Je crus un moment que l'avant était échoué ;
mais, tout-à-coup, le navire glissa et on le vit plon-
ger très rapidement. Je priai tout le monde, dit le
commandant Lacotte, de monter dans la mâture,
tandis que le personnel entouré par les passagers
manœuvrait les embarcations. Le mécanicien, en-
tre temps, soulage les soupapes, le bateau se dresse
debout par l'arrière. Les palans des embarcations
sont décrochés afin d'éviter qu'elles puissent être
entraînées par le remous. Dès que le bateau coule,
toutes les embarcations sont prêtes à faire le sau-
vetage.
Lorsque l'eau arriva à la passerelle, je criai à
toutes les femmes qui étaient montées sur le cof-
fre de la machine de se cramponner aux hau-
bans afin de ne pas être entraînées par le re-
mous; Lorsque je fus chassé de la passerelle, le
refoulement de l'eau m'envoya contre les haubans
du grand mât, et j'eus la chance de parer la che-
minée et de m'accrocher aux galhaubans de flèche.
Je fis embarquer deux femmes, que j'avais fait
maintenir dans les enfléchures, dans la baleinière
qui était montée par le second maître et quatre
matelots, et restant accroché aux galhaubans de
flèche, je donnai l'ordre au second maître, après
que le gros flot d'eau fut arrivé, de s'écarter du
remous et d'aller à l'arrière. Je montai au fur et
à mesure dans la mâture, et je criai à tous ceux
qui étaient à l'arrière de ne pas se décourager,
que les embarcations allaient les sauver. Tout à
coup, le bateau plongea de l'arrière.
Je fus entraîné dans l'eau et ne vis plus rien.
En remontant sur l'eau, je nageai de toutes mes
forces pouFmY;carter du remous ; mais, étant tout
habille je fus entraîné plusieurs fois. le parvins en-
fin à trouver une vieille malle qui me servit de
bouée ; peu après j'aperçus un canot monté par un
officier du Balkan, et c'est avec cette embarcation
que l'on m'a embarqué à bord de ce bateau, qui m'a
ramené à Marseille.
Le Balkan, avec ses embarcations, a recueilli
beaucoup de personnes noyées et il est rentré à Mar-
seille.
Le Planier, venant de Gênes, a complété le sau-
vetage. On a exploré les lieux du naufrage et n'ayant
trouvé personne, on a rallié le Planier, qui a pris
les embarcations montées par l'équipage du Liban
en remorque et qui a ramené tout le monde à Mar-
seille.
Je regrette que l'Insul aire, qui n'avait en appa-
rence aucune avarie sérieuse sous l'eau,n'ait pas
accosté le Liban bord à bord. Il n'y aurait pas JÎU
tant de victimes.
Le capitaine du Liban, affirmant avoir manœuvré
comme il devait le faire, proteste énergiquement,
en raison des événements doulour
le capitaine de l'Insulaire, qui, par ses fautes, a
causé la catastrophe dont la responsabilité ne sau-
rait peser sur lai, et il fait toutes réserves que de
droit après cette déclaration.
Après cette déclaration du commandant La-
cotte, les hommes de l'équipage ont comparu
et signé le rapport avec lui. Cependant trois
marins, les nommés Paul Morazani, 18 ans,
Martin Gombert, 17 ans, et Antoine Fran-
cheschi, 19 ans, ont refusé de signer, préten-
dant que le rapport du commandant Lacotte
n'était pas exact.
Le rapport du capitaine Arnaud
Voici maintenant, résumé, dans le rapport
du capitaine Arnaud, commandant l'Insulaire,
ce qui a trait à sa collision avec le Liban :
A midi, il s'est trouvé dans le passage,par le tra-
vers de Jarre, dont il tient le milieu, et il range les
Farrillons ; lorsque la pointe de Maire est à décou -
vert, il aperçoit par tribord le Liban doubler Maire.
L'Insulaire continue sa route, et, lorsque le Liban
a contourné, ce dernier lui donne un coup de sifflet
bref auquel il répond par un coup de sifflet bref.
L'Insulaire se dirige sur la pointe Maire, laissant
le Liban par bâbord. La position des navires sem-
ble à ce moment très normale, et le Liban lui pré-
sente son bâbord par bâbord à l'Insulaire.
Un autre coup de sifflet bref se fait entendre.
L'Insulaire répond par un autre coup de sifflet et
infléchit un peu sur tribord. Son abattée se trou-
vait absolument limitée par le voisinage de
Maire.
Tout allait bien jusque là, lorsqu'en contradic-
tion avec son coup de sifflet, il voit le Liban venir
en grand sur bâbord, lui coûpant la route, et lui
présentant en grand son côté tribord par bâbord à
V Insulaire.
Voyant que l'abordage est inévitable, l'Insulaire
stoppe et fait machine en arrière en route, mais
les distances étaient tellement rapprochées qu'il
aborde le Liban par le côté tribord, à la hauteur
du mât de misai no.
La collision a été violente. L'avant de ce vapeur
s'est brisé contre le Libalh Il était midi dix au mo-
ment de l'abordage.
Le navire se trouvait par le travers de l'île Maire.
Cette collision a étalé l'Insulaire qui marchait en
arrière, a laissé au Liban l'espace nécessaire pour
faire tribord, et longeant ce bateau par tribord, s'est
dirigé pour s'échouer aussitôt après l'abordage.
Le capitaine fit visiter l'avant de son navire, et
constata que tout l'avant était démoli, même au des-
sous de la ligne de flottaison, et que l'eau envahis-
sait le navire. Il s'empressa de faire tout ce qui était
possible pour aveugler la voie d'eau en mettant des
matelas, toiles, etc. Le navire donna de suite une
forte gîte sur tribord.
Voyant que son navire menace de couler, et
apercevant le vapeur Balkan, on appela l'attention
du capitaine par des coups de sifflet prolongés.
Le Balkan s'approcha pour lui porter secours. On
dit alors au capitaine du Balkan par la voix et
par signes, de se rendre sur les lieux du sinistre
pour por:er secours au Liban.
Ayant la certitude que ce navire arriverait à
temps pour lui porter secours, pensant que le
Liban devait être échoué, l'état de l'Insulaire don-
nant de fortes craintes pour la sécurité de l'équi-
page et des passagers, il résolut de se diriger sur
la plage lie Montredon, en marchant très lente-
ment, et prêt à s'échouer si besoin était. Il ren-
contra le Provençal remorquant un chaland, qui
lui a offert ses services, et l'a escorté jusqu'à l'île
des Pendus.
C'est pour éviter un deuxième malheur que le ca-
pitaine a pris cette résolution, et c'est en marchant
très lentement et en longeant la côte qu'il a pu ar-
river à Marseille à 2 h. 30 du soir, ayant une grande
quantité d'eau dans la cale avant, malgré le bon
fonctionnement des pompes.
Dans cette circonstance, le capitaine ne peut s'ex-
pliquer comment le Liban, ayant toute la faculté
d'agir pour continuer sa route et venir sur tribord,
conformément aux règlements et à son signal, est
venu en grand sur bâbord.
Signé: ARNAUD.
L'enquête
Le tribunal maritime commercial devant le-
quel seront déférés les commandants du Liban
et de l'Insulaire se trouve composé comme
suit, en vertu de la loi du 10 mars 1891 : un
capitaine de vaisseau ou de frégate, président ;
un lieutenant de vaisseau; un juge du tribunal
de commerce; deux capitaines au long cours,
comme juges ; un officier de marine en acti-
vité ou en retraite pour remplir les fonctions
de juge d'instruction et deux commissaires du
gouvernement nommés par le ministre de la
marine.
M. Leflambe a entendu les deux comman-
dants. Chacun d'eux rejette sur l'autre les res-
ponsabilités ; mais il est évident qu'ils ont l'un
et l'autre des torts graves. ,..
M. Lacotte, commandant du Liban, est né à
Bastia. Il fut d'abord au service de l'ancienne
compagnie Valéry. Puis il prit le commande-
ment du Cymos, qui faisait les voyages en
Corse pour la compagnie Fraissinet, et enfin
le commandement du Liban. Agé de 55 ans, il
allait bientôt quitter la Compagnie, atteint par
la limite d'âge.
M. Auguste Arnaud, commandant de l'Insu-
laire, est né à Bandol, il a 45 ans. Marin depuis
l'âge de 11 ans, il était entré, il y a 25 ans,
comme officier au service de la Compagnie
Fraissinet.
A la Morgue
Ce matin 5 nouveaux cadavres ont été re-
connus à la Morgue de l'Hôtel-Dieu : ce sont
ceux de Mme Nicolini Marie, 30 ans, femme
d'un sous-brigadier de police du 14e arrondis-
sement demeurant à Paris, rue du Château;
Vico Dominique, 8 mois, des Martigues ; Fag-
gianelli Paul, 4 ans, de Marseille ; Agostini Ma-
thilde, 3 mois, de La Ciotat; Gesi Sabatino,
ce qui porte à 30 le chiffre des corps jusqu'à
présent connus. Des équipages de scaphandriers
venus de Toulon, de concert avec ceux de Mar-
seille, travaillent sur les lieux du sinistre à re-
cueillir les cadavres qui sont dans le flanc du
Liban.
Détails rétrospectifs
Un passager du Liban, M. Luigi, président
honoraire du tribunal de Bastia, sauvé du
naufrage, a perdu un portefeuille contenant
2.200 fr. en billets de banque et 60.000 fr. de
titres au porteur.
On signale le cas d'une femme de 29 ans,
Mme Pieri, née Ghilardi, mère de trois en-
fants qui, au moment de s'embarquer sur une
chaloupe de sauvetage, tomba à la mer. Elle
s'accrocha à uno épave et, maintenue sur l'eau
par ses jupes flottantes, put ainsi attendre
qu'une barque vînt la recueillir. -
Sur le lieu de la catastrophe
L'ingénieur de la Compagnie Fraissinet s'est
rendu sur le lieu de la catastrophe. Il a cons-
taté que le Liban était couché sur bâbord, sur
fond de sable, en formant un angle de 35°, par
un fond variant de 23 m. à l'avant à 33 m. à'
l'arrière. Il n'est pas possible de dire si le ren-
flouement pourra être tenté. Dans tous les cas
il offrira de grandes difficultés et entraînera de
très gros frais. Quant aux dépêches, il paraît
impossible de tenter lear sauvetage, car elles
sonl placées dans une soute de l'arrière du na-
vire, à l'endroit où il a le plus de fond. Les
eaux ne sont pas très claires et la mer est quel-
que peu houleuse, en sorte qu'on a pu faire de
plus amples observations. Tout le personnel
composant l'équipage du Liban a répondu à
l'appel, à la Compagnie, à l'exception de deux
soutiers ; Lota Joseph et Rossi Ange et de l'aide-
cuisinier Besançon Octave.
A L'AGENCE PARISIENNE
DE LA COMPAGNIE
L'agent général de la Compagnie Fraissinet
à Paris, M. Neton, a reçu de Marseille la dé-
pêche suivante :
Les passagers sauvés ne s'étant pas présentés au
bureau, nous sommes dans l'impossibilité d'en
donner une liste exacte, pas plus que nous ne pou-
vons, pour le moment,donner le nombre des victi-
mes. L'équipage est sauvé, sauf trois douteux.
Nous vous donnerons les renseignements au fur et
mesure que nous les connaîtrons.
FRAISSINET.
L' « Antoine-Praissinet »
Nous avons dit que le navire Antoine-Fraissi-
net delà Compagnie Fraissinet,s'était perdu sur
la côte occidentale d'Afrique.
Voici de nouveaux détails sur cette catas-
trophe :
Marseille, 9 juin.
C'est sur les côtes du Congo que s'est pro-
duite la perte de ce navire. Voici en quels ter-
mes M. Fraissinet est venu annoncer le nou-
veau sinistre à M. Penissat, commissaire en
chef de l'inscription maritime :
— Mon commandant, un malheur n'arrive jamais
seul. Après la terrible catastrophe d'hier, j'ai la
douleur de vous faire part de la perte de notre nou-
veau navire l'Antoine-Fraissinet qui effectuait son
premier voyage.
Ce vapeur, nouvellement construit, en effet,
sur les chantiers de Provence, avait été affecté
à la ligne de la côte occidentale d'Afrique.
C'est par une dépêche du capitaine Etienne
Maigre, commandant Y Antoine-Fraissinet, que
la Compagnie a appris le naufrage de ce navire.
La dépêche du capitaine confirme que l'équi-
page a été sauvé, mais ajoute qu'il est dans
une situation des plus critiques. On ne croit
pas qu'il puisse être renfloué.
Le sinistre s'est produit exactement à Garra-
way au cap des Palmes (Congo). Ce sinistre,
survenu après la première catastrophe et affec-
tant la même Compagnie, a causé aujourd'hui,
à la Bourse de Marseille et dans la ville, une
grosse émotion. Les bureaux de la Compagnie
ont été littéralement assiégés tout le jour par
une foule anxieuse.
(Voir la suite dans notre DEUXIEMEEDITION,
LA MORT DE Mlle BOURGEOIS
Un silence ému s'est fait hier à la Chambre,
quand M. Lockroy a fait part aux députés de la
douloureuse nouvelle qu'il venait d'apprendre :
la mort de Mlle Bourgeois.
Le parti républicain prend sa part dans le
deuil cruel qui atteint le président delà Chambre.
Tous, nous savons quelles longues angoisses a
traversées M. Léon Bourgeois, et quelle lutte il
a livrée pour essayer d'arracher sa fille au
mal qui 1 étreignait.
C'est parce que les démocrates connaissaient
le drame intime qui se déroulait chez l'ancien
président du conseil qu'ils s'étaient résignés à
la demi-retraite de l'un de leurs chefs les plus
aimés.
Il ne fallait pas une raison moins grave pour
que nous pussions renoncer, au cours de la
période électorale de 1902, à la force que de-
vait normalement prêter à nos candidats la
parole de M. Léon Bourgeois.
Notre éminent ami put apprécier en pareille
circonstance l'affection de ses électeurs de la
Marne qui lui renouvelèrent son mandat sans
exiger de lui les combats de réunions publi-
ques que sa douleur n'aurait pas permis.
M. Léon Bourgeois a donné, de son côté, une
preuve singulière de son dévouement à la Ré-
publique en acceptant, malgré les inquiétudes
justifiées qui l'obsédaient, la lourde charge de
la présidence de la Chambre.
Laissons aujourd'hui le père tout entier à sa
douleur. Ce n'est pas à un homme de sa
trempe que nous avons besoin de rappeler que
seuls le travail, l'activité de la vie publique
et l'exercice de la solidarité sociale apaisent,
avec le temps, les nobles coeurs, pour dure-
ment qu'ils aient été frappés.
Mlle Hélène Bourgeois a succombé à 5 h. de
l'après-midi. Elle était âgée de 24 ans,
Elle avait été atteinte pour la première fois il
y a quinze mois du mal auquel elle a succombé
hier.
A la suite d'une grippe infectieuse, une con-
gestion pulmonaire s'était déclarée,
Il y a quelques mois, Mlle Bourgeois avait
été conduite par son père à Cannes, et, après
diverses alternatives de rechute et d'améliora-
tion, on l'avait ramenée à Paris, le 25 avril der-
nier, au palais de la présidence de la Chambre.
C'est là qu'elle est décédée.
Mlle Bourgeois avait fait au lycée Molière
des études très complètes ; c'était une jeune
fille accomplie et instruite.
Voir en 2e page
Le Congrès radical-socialiste de Mar-
seille. — Le réglement.
Les tribunaux reposas indigènes
Comme on le verra plus loin, le premier acte
de la commission instituée au ministère de la
justice pour étudier les modificatiôns à intro-
duire dans l'organisation des tribunaux répres-
sifs indigènes en Algérie, a été d'écarter la
proposition de constituer le tribunal par le
juge de paix siégeant comme juge unique.
Cette proposition était, croyons-nous, de M.
Viviani, qui connaît bien la question. Nous
avons peur que'la commission ait d'avance
stérilisé son travail en le repoussant.
Et d'abord, cette espèce cie rejet a priori,
d'une combinaison qui est en quelque sorte
toute la question, est déjà singulière ; c'est le
juge unique qui était probablement la solution
vraie.
Dans tous les cas, c'est la solution que n'eus-
sent pas repoussée les indigènes. L'Arabe croit,
]Lii,au juge unique; il ne repousse que les juges
assesseurs; c'est l'adjonction au juge de deux
assesseurs qu'il considère l'un comme le délé-
gué de l'administration, l'autre comme le délé-
gué des colons qui cause ses inquiétudes et ses
méfiances.
De tout temps, l'Arabe a été jugé par le ma-
gistrat unique; il est habitué à ce régime ; il est
disposé à accepter sans discussion la sentence
du juge professionnel ; quand il voit ce juge
conferer avec ses deux assesseurs, il pense que
ceux-ci, représentants d'intérêts extérieurs à la
justice même, tentent de peser sur la conscience
du magistrat ; et il s'en va persuadé que les in-
térêts ont été plus puissants que la Justice.
Répétons-le, la commission a commencé par
rerust-i d'examiner lA vrai pnint HA rl«part Hfl
la question qui se dressait devant elle ; elle a
eu tort, et nous craignons que la suite de son
travail s'en ressente.
Nous publierons demain LE RAPPEL ARTISTIQUE
ET LITTÉRAIRE de notre ami et collaborateur
Léon RIOTOR.
EXPÉRIENCES DE PHOTOTÉLÉGBAPHIE MILITAIRE
(De notre correspondant particulierf
Turin, 9 juin.
Dans les environs d'Ivrea, M. Morsaletto,
lieutenant de génie, a fait devant une commis-
sion militaire des expériences de phototélégra-
phie avec un appareil inventé par l'ingénieur
Faini.On se sert de la lumière oxy-acétylinique,
dont la force est 25 fois plus grande que celle
de l'acétylène.
L'appareil peut se porter "en ceinture, et ce
serait un instrument admirable pour certaines
explorations en temps de paix.
LE TRUST DES ÉGLISES
(De notre correspondant particulier)
New-York, 9 juin.
Le révérend Newell Dwight Hillis, pasteur
de l'église Plymouth, à Broocklyn, a produit
une vive sensatio, par son dernier sermon de
dimanche. Il y a exposé le projet de réunir les
Eglises de tous les cultes chrétiens en un formi-
dable trust. Nous devrions, dit-il, faire une coo-
pération à l'instar du syndicat de l'acier présidé
par Morgan. Autrement nous continuerons à
éparpiller nos forces et à gaspiller notre temps.
Le pasteur entreprenant se propose de con-
voquer le clergé des diverses religions à une
conférence où l'on s'occupera du projet du nou-
veau trust. Les juifs, les musulmans et les fidè-
les de Confucius sont exclus. Quant à l'admis-
sion des bouddhistes, la question reste toujours
ouverte.
40 -
MANŒUVRES DE SAUVETAGE
DANS LA MARINÉ ALLEMANDE
{De notre correspondant particufierJ
Berlin, 9 juin.
Depuis quelque temps l'Amirauté fait procé-
der à des manoeuvres de sauvetage dans la ma-
rine. Au milieu des exercices on entend subite-
ment l'avis : Un homme à la mer ! Une ceinture
de sauvetage jetée par dessus bord indique
l'homme tombé à l'eau. Les hommes qui se si-
gnalent dans ce genre de manœuvre reçoivent
des gratifications spéciales.
i.
LE GAZ A TROIS SOU
Le rapport de MM. Chassaigne-Goyoi
et Chautard. — Examen des projets.
— Les variations de la Compagnie
parisienne. — Ce qu'il en coûte- :
rait aux Parisiens de traiter
avec la Compagnie, — Une
étude impartiale. — La fin
d'un monopole.Une biblio-
graphie intéressante.
C'est une œuvre considérable que le rapport
de MM. Chassaigne-Goyon et Chautard sur le
régime futur du gaz, dont les épreuves ont étf
distribuées hier soir aux conseillers munici-
paux.
Ce rapport, avec ses annexes, ne comprend
pas moins de deux cents pages.
Les deux-rapporteurs passent en revue les
travaux du Conseil, de la commission et de la
sous-commission. Ils examinent en détail le
traité, le cahier des charges ; traitent les ques
tions importantes de l'actif de l'industrie dr
gaz, de l'abaissement anticipé, du prix futur du
gaz, de la redevance, du personnel. Ils s'occu-
pent de la constitution de la future Société
des garanties qu'elle présente. Ils scrutent lei
prévisions de consommation et condensent
les divers projets, notamment tous les projets
présentés par la Compagnie parisienne depuis
1880. N
Enfin, ils étudient les propositions de l'Admi
nistration, comparent les projets, traitent
question de l'adjudication et concluent en oi
frant au conseil municipal de doter les Pari-
siens du gaz à trois sous, tout en assurant - ar
budget municipal une redevance annuelle.!*;-
nima de 17 millions.
Un seul projet de délibération et deux artick
solutionnent cette importante question écooo
mique.
L'article 1" décide que rexploitation de l'in-
dustrie du gaz, à dater du 1" janvier 1906, aoil
donnée à bail à une société fermière.
L'article 2 invite le préfet de la Seine, agis-
sant au nom de la Ville, à traiter avec MM. Dé-
valuez et Duchanoy sur les bases du projet de
traité et du cahier des charges annexés au
rapport.
Nous avons publié ces pièces. Nous ne re-
viendrons pas sur le détail. Nous ne suivrons
pas les rapporteurs dans leur critique docu-
mentée, nous ne reprendrons pas avec eux
l'historique de la question. Nous chercherons
seulement à dégager les raisons qui ont poussé
la commission au nom de laquelle ils parlent
à écarter les autres projets,et notamment celui
de la Compagnie parisienne, au profit de
MM. Dévaluez et Duchanoy, les inventeurs du
gaz à trois sous.
C'est sur les bases du traité voté le 20 mars
dernier par le conseil municipal, que la com-
mission a négocié avec les divers soumission-
naires.
La Compagnie refuse
Alors que MM. Dévaluez et Duchanoy, d'une
part et le consortium de MM. Damour, Dehay-
nin et de Sinçay, d autre part,formulaient leurs
propositions, conformes pour les premiers, en
partie seulement pour les seconds, à la délibé-
ration du conseil, la Compagnie parisienne re-
fusait :
1° La transmission à la Ville de la propriété inté-
grale de l'actif au 1" janvier 1908 ;
2° La fixation d'un minimum de redevance;
3° La limitation à 3 lj2 0[0 de la charge d'intérêts
des obligations à porter au compte d'exploitation ;
4" la limitation du bénéfice de l'exploitant ;
Enfin, elle prétendait que les travaux de premier
établissement qui paraîtraient nécessaires par la
suite devraient être exécutés à frais communs par
la Ville et par la Compagnie.
Mais si MM. Dévaluez et Duchanoy accep-
taient de donner la garantie de 17 millions de
redevance minima, et fournissaient à la Ville
le moyen d'en percevoir le montant, le consor-
tium déclinait toute responsabilité en cas d'in-
suffisance. Sur de nouvelles négociations le
consortium, apporta à son projet une modifica-
tion aux termes dé laquelle il s'engageait à
abandonner sur ses ressources de toute nature
les sommes nécessaires, à parfaire éventuelle-
ment l'insuffisance de fa redevance, mais seu-
lement jusqu'à concurrence d'un sacrifice de
cinq millions. C'était encore insuffisant, puis-
qu'on avait mieux.
Voilà pourquoi la commission a retenu ie
projet Dévaluez.
Les garanties
Mais ce projet Dévaluez qui accepte tout c&
qu'ont demandé le Conseil et la commission,
qui donne le gaz à trois sous, qui améliore le
sort du personnel, qui offre au budget munici-
pal'17 millions au minimum par an, offre-t-il
les garanties nécessaires, en un mot, est-il sé-
rieux?
Toute la question est là. S'il s'agit d'une su-
renchère folle, s'il s'agit d'une spéculation vul-
gaire, il doit être abandonné.
Tout d'abord, remarquons que les auteurs de
ce projet n'ont nullement surenchéri sur d'au-
tres propositions. Ce sont leurs propositions
initiales que le conseil s'est approprié et dont
il a fait un projet-type. C'est un point impor-
tant déjà et qui montre que ce sont les autre?
soumissionnaires qui sont des surenchéris-
seurs.
Mais cette constatation ne suffit pas à démon-
trer que MM. dévaluez Bt Duchanoy peuvcm
normalement exploiter dans les conditions
présentes.
Les concurrents de MM. Dévaluez et Ducha-
noy, ceux-là mêmes qui prétendaient que leur
projet n'était pas sérieux, se sont chargés de
prouver le contraire.
Ecoutons les rapporteurs :
Il n'y a pas bien longtemps encore qu'on nous di-
sait : « Le gaz à 15 centimes, c'est un bluff ! l'exploi-
tation serait impossible ! ce n'est l'affaire que de
spéculateurs et non d'industriels ! » Il ne s'agissait
à ce moment que de MM. Dévaluez et Duchanoy.
Peu après, le consortium acceptait de traiter sur
les mêmes bases, sans garantir absolument la rede-
vance. toutefois, mais dans certaines limites seule-
ment,et en apportant des tableaux desquels il résul-
tait que sur ces bases, si improbables, si inaccepta-
bles peu de jours avant, la redevance de 17 millions
était acquise par te seul jeu du contrat au bout da
quelques années.
Mais la compagnie restait inaccessible, isolée,
considérant qu'il y avait deux groupes d'imprudents
au lieu d'un.
Cela n'a pas duré ; elle a trouvé, elle aussi, son
chemin de Damas, et son dernier projet comporte
sur les consommateurs les mêmes recettes que la
projet initial de MM. Dévaluez et Duchanoy ; il com-
porte aussi les mêmes bénéfices, et il produira la
même redevance : 16.300.000 francs la première an-
née, 18 millions la dernière, en moyenne 17 mil-
lions.
Et la Compagnie parisienne du gaz est une Com-
pagnie avisée, bien administrée ; elle est sage, elle
est prudente, elle ne dédaigne pas les bénéfices ;
son acquiescement à un système jusque-là considéré
comme téméraire a démontré aux plus réfractalres
que ce système avait du bon, qu'il était applicable
et qu'il n'était pas incompatible avec l'exploitation
industrielle la plus sérieuse.
Mais la Compagnie Parisienne du Gaz, pas plus
qu'elle n'accepte certaines autres clauses de votre
délibération, ne garantit pas le minimum de 17
millions.
Et l'administration de faire ses réserves et du
dire que peut-être MM. Dévaluez et Duchanoy se-
ront en perte pendant les premières années — elle
sait d'ailleurs qu'ils se rattraperont ensuite — et
elle craint que j,cyploitation ne leur produise pas
ces 17 millions qu'ils garantissent à la Ville.
Les rapporteurs démontrent que cette crainf
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