Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-06-10
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 10 juin 1903 10 juin 1903
Description : 1903/06/10 (N12143). 1903/06/10 (N12143).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7572494m
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
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No 12143. — Mercredi 10 Juin 1903
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Adresser lettres et. mandats à l'Administrateur
Nous publierons prochainement en feuil-
leton de la 4e page :
LA DAME DE CANNY
GRAND ROMAN HISTORIQUE INÉDIT
par BERNARD DE LINCUEIL
Nos lecteurs connaissent déjà de Ber-
nard de Lincueil une œuvre à la fois émott-
vante et instructive, à la fois médiévale et
moderne ; ils savent que cet écrivain excelle
à prendre dans le moyen âge les événements
qui peuvent servir de leçon à notre temps.
C'est aujourd'hui une grande action his-
torique, empruntée au règne de Charles VI,
le roi fou. que Bernard de Lincueil a écrite
spécialement pour nous.
LA DAME DE fJANNY
donne l'impression forte et dramatique de
scènes du X Va siècle prises,semble-t-il, par un
contemporain, tant elles sont exactes et vi-
vantes.
C'est une lecture attachante et passion-
nante.
NOS LEADERS
Sine lis mu
Les élections se succèdent et se res-
semblent. La marche en avant du
suffrage universel est constante. C'est
bien aux idées de sécularisation, aux
revendications de justice sociale qu'il
va résolument. Plus de doute. Il veut
la soumission absolue du clergé aux
justes exigences de la société civile. Il
veut une plus équitable répartition des
charges publiques. Or pour y arriver,
c'est bien sur les hommes qui repré-
sentent le bloc républicain qu'il compte.
Les radicaux et les radicaux-socialistes
ne sont-ils pas, d'ailleurs, les seuls qui
lui ont de tout temps représenté ces
réformes comme possibles? Ne sont ils
pasles seuls aujourd'hui qui se décla-
rent prêts à les réaliser ?
Parmi les élections d'hier une sur-
tout est significative. Celle du Cantal.
Il y avait là un candidat dont le nom
est justement aimé de tout le parti
républicain. C'était le frère du député
décédé M. Bastid. Dès que la candida-
ture de M. Bastid a été connue, pas un
de ceux qui connaissent l'arrondisse.
ment d'Aurillac n'a douté de son
succès. L'échec ne pouvait même pas
être prévu par un homme raisonnable.
M. Bastid a pourtant échoué.
Pourquoi ?
M. Bastid tablant sur sa situation de
conseiller général sur les fonctions
importantes qu'il occupe à Paris,
sur le prestige de sa famille et de son
nom, a cru pouvoir tenir la dra-
gée haute au parti radical. Il a eu
des réticences et des allusions qui lais-
saient planer un doute sérieux sur la
réalité de sés sentiments républicains.
Qu'il eût blâmé, dans la politique du
jour, quelques mesures de détail, quel-
ques procédés d'exécution, on le lui eût
peut-être pardonné. Mais il ne s'est pas
contenté de légères critiques. C'est la
direction générale, c'est l'ensemble de
la politique du gouvernement dont il a
fait le procès. Il a été plus loin. Il est
devenu l'homme et le candidat de l'op-
position. C'a été là le vice irrémédiable.
Le suffrage universel s'est immédiate-
ment retourné. C'est à une forte majo-
rité qu'il a été battu.
Ce pays ne veut plus entendre parler
de cette opposition incohérente, sans
programme, sans sincérité, qui ne vit
que d'exagérations et de calomnies.
Et comment pourrait-il en être au-
trement? Est-ce que des hommes rai-
sonnables, réfléchis peuvent s'arrêter
un instant aux reproches extravagants
que l'opposition adresse à la majorité?
La majorité comprend plus de trois
cents membres dont la plupart sont
connus dn pays pour la modération de
leur caractère. Or, cette majorité est
traitée tous les jours de sectaire, d'in-
tolérante, de persécutrice. On l'accuse
de violer les droits. et les libertés les
plus sacrés. On affirme qu'elle orga-
nise et conduit contre la religion catho-
lique une guerre méthodique, qu'elle
vise à la destruction de. toutes les
croyances.. On ne se contente pas de
s'en prendre aux votes et aux discours.
On s'en prend aux hommes eux-mê-
mes, à leur honorabilité, à leur pro-
bité. Si on s'en rapportait aux journaux
de l'opposition, il n'y aurait plus au
Parlement que des tarés, des concus-'
sionnaires et des vendus.
En vérité je ne crois pas qu'en de-
hors des périodes de trouble qui ont
précédé les coups d'Etat du 18 bru-
maire et du deux décembre et où
l'opposition s'attachait à déshonorer
les élus du suffrage universel pour
duvrir plus facilement le chemin à la
dictature, on se soit jamais porté à de
pareils excès.
De tels procédés déshonorent un
parti et le compromettent d'une ma-
nière définitive.
Est-ce qu'il est un seul acte du gou-
vernement actuel qui porte atteinte au
droit sacré de penser et de croire ?
Pourquoi le g ou ver lie iiv; ut actuel .-\
il soulevé cette tempête de haines et de
colères ? Simplement parce qu'il a
assuré, envers et contre tous, l'applica-
tion d'une loi régulièrementvotée par
les deux Chambres. En agissant ainsi
a-t-il fait autre chose que son devoir
Et quand on prétend que la loi sur
les associations est elle-même tyran-
nique et exhorbitante du droit commun
n'est-ce pas encore une pure extrava-
gance ? La loi sur les associations, on
ne saurait trop le répéter, consacre, au
contraire, pour tous les citoyens fran-
çais vivant de la vie ordinaire, de la vie
normale, le droit absolu de s'associer.
Elle accorde ce droit à tous sans distinc-
tion de cultes ou de croyances. Elle ne
s'occupe pas de savoir quel est le but
de l'association, s'il est religieux ou
profane. Il lui importe peu que les
associés soient des prêtres ou des
laïques. Elle ne fait aucune distinction.
Sans doute elle exige des congréga-
tions,c'est-à-dire des groupements dont
les membres vivent en commun, sous
le même toit, avec des règlements
particuliers, formant en quelque sorte
une petite république à part dans la
grande République, un'eautorfsation
préalable.Mais étaitilpossible de ne pas
soumettre les congrégations à des condi-
tions spéciales ? Est-ce qu'aucun gou-
vernement leur a jamais permis de se
former et de vivre à leur guise ? Est-
ce que les monarchies elles-mêmes,
depuis Saint-Louis,n'ont pas pris contre
elles des mesures, notamment celle de
l'autorisation préalable ? Que vient-on
nous parler de persécution ? Faut-il
donc laisser se développer et s'étendre,
comme les mailles d'un immense filet,
le réseau sans cesse accru des congré-
gations ? Faut il donc leur laisser
grossir de plus en plus cet immense
patrimoine qui dévorerait vite,comnie
il a failli le faire, à d'autres époques,
la substance même de la fortune
publique, et dont elles se servent
d'ailleurs comme d'un trésor de guerre
contre la République et contre l'esprit
moderne ?
C'est pour avoir méconnu ces vérités
élémentaires que M. Bastid, malgré les
chances exceptionnelles que présentait
d'abord sa candidature, s'est vu distan,
cer par notre ami Rigal.
Le pays républicain en a assez de ces
exagérations et de ces mensonges.
Désormais les hommes modérés et sages
dans le genre de M. Bastid feront bien
de veiller sur eux. Que ce soit à la
Chambre, que ce soit devant le suffrage
universel, qu'ils prennent bien garde!
Il leur suffira désormais de se solidariser
même d'une façon purement apparente
avec les partis du passé pour être irré-
médiablement perdus.
C'est en avant que va la France. C'est
une oeuvre de progrès et de justice
sociale qu'elle veut et qu'elle poursuit.
Elle écartera sans pitié de sa route tous
ceux qui de près ou de loin seront
suspects de complaisance pour les en-
nemis de la République.
Louis Puech.
LA PROPOSITION DUBIEF
On a distribué hier, à la
Chambre, l'excellent rapport que
notre amI Fernand Dubief a
rédigé sur le régime des alié-
nés. La proposition de loi elle-
même est de M. Dubief ; et la
commission nommée pour l'étude de ce
projet a voulu que son auteur fût chargé
du rapport ; ce qui indique assez, pour le
dire en passant, qu'elle avait été satisfaite
des explications de l'éminent député de
Saône-et-Loire, et qu'elle adopte ses vues.
Il est à souhaiter que la session ne soit
pas close sans que la proposition vienne à
l'ordre du jour de la Chambre. Il est temps,
il est grand temps, que la loi de 1838 soit
remplacée par un texte plus humain, plus
conforme aux droits de l'individu. L'aliéné
est un malade, ce n'est pas un criminel ; il
devrait être inutile d'exprimer une vérité
aussi élémentaire. Mais comme nous vi-
vons encore sous un régime où, sous pré-
texte de protéger le malade contre son pro-
pre mal, le malade est traité, dans sa sé-
questration, à peu près comme un con-
damné, nous sommes bien obligé de rap-
peler les principes.
Tels qu'ils sont compris actuellement, les
asiles d'aliénés sont des bastilles qu'il faut
faire tomber. Il ne sera pas besoin d'une
révolution pour cela, mais il faudra une loi.
Cette Joi personne n'est mieux qualifié
pour la rédiger que le docteur Fernand
Dubief, qui a longtemps soigné les aliénés
et qui sait de quel esclavage ces malheu-
reux ont besoin d'être délivrés. Pinel est
immortel pour avoir fait tomber les fers
dont un préjugé absurde chargeait autre-
fois les mains des folles de la Salpêtrière;
Dubief aura droit, lui aussi, à la reconnais-
sance publique pour avoir fait bénéficier
les malades de nos asiles d'un régime
mieux approprié à l'équité naturelle et au
bon sens. — Ch. B.
LES CHEFS ALLEMANDS
DES CONGRÉGATIONS FRANÇAISES
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 8 juin.
La Germania, organe officiel du parti catho-
lique allemand, annonce avec une satisfaction
visible qu'à l'heure qu'il est les généraux de
six ordres religieux sont des sujets allemands.
Le P. Andreas Fruchiwirth est général des do-
minicains; le P. Dionysius Schuetter, général
des franciscains ; le P. Bernhard von Ander-
matt, général des capucins ; le P. Pie Mayer,
prieur général des carmes chaussés; le P. Cas-
sieti Gasss, prieur général des frères de la
uri^riconl^; ot le P. Jordan, supérieur géné-
Ul de le f;¡cci.;lQ du diyiiï sauveur.
LES OPERATIONS.
DANS LE FIGUIG
L'action commencée.- Bombardement
du Figuig.
Nos troupes ont commencé, hier, l'opération an-
noncée contre le Figuig. Voici, dans l'ordr( où
elles nous parviennent, les dépêches relatives à
cette première journée de la campagne :
La veille de l'action. — Deux prison-
niers.
- Aïn-Sefra, 8 juh.
Le blocus est levé. Les journalistes viement
d'être avisés qu'ils pouvaient partir denain
pour le sud.
Le général O'Connor leur laissera prendre
place dans le train spécial partant à 7 heures
du matin pour Beni-Ounif.
Taghit, 8 jdn.
Le maréchal des logis Raho, du 2" spahis,
attaché au bureau arabe de Taghit, a erpturé
aux environs de Taht Ania, deux chefs de djick
ayant participé aux attentats commis ce der-
nières années contre nos postes de l'extême-
sud ; ils ont été amenés sous escorte à laghit.
Le Figuig sous les obus
Beni-Ounif, 8 juh.
L'action de l'artillerie a commencé ce matin
à 5 heures 30 minutes.
Beni-Ounif, 8 juin.
Le bombardement des ksours de Figuig a eu
lieuse matin, de 7 h. 1/2 à 9 h. 1/2. Nos trou-
pes ont occupé par surprise les cols de Joudyà*,
et de Moudjadin. t
On ne peut se rendre compte pour le moment
des effets produits par le bombardement ; mais
il y a lieu de croire que les pertes des ksou-
riens sont considérables. On les connaîtra lors-
qu'on pourra pénétrer dans Figuig où nos
troupes ne sont pas encore entrées.
De notre côté les pertes sont nulles.Unmagh-
zani, cavalier indigène des bureaux arabes, a
été tué ce matin au moment où il allait porter
l'ordre de faire évacuer Zénaga par les femmes
et les enfants.
L'effet du tir
Beni-Ounif, 8 juin.
Voici des détails sur le bombardement de
Zenaga, un des sept ksours de Figuig :
Au lever du jour, le général O'Connor sor-
tait de Beni-Ounif où avaient été concentrées
toutes les troupes qui devaient prendre part à
l'action, c'est-à-dire trois bataillons de la lé-
gion étrangère, trois escadrons de cavalerie,
dont deux de chasseurs d'Afrique et un de spa-
his, plus une batterie d'artillerie, comprenant
4 pièces de 75, nouveau modèle, 2 pièces de 80
d'artillerie de montagne, et une batterie de
pièces de 95 sur affût de campagne. En tout
3.500 hommes environ.
Le général O'Connor avait l'intention d'effec-
tuer une reconnaissance et de garder et de
prendre au besoin les trois cols de la Juive, de
Zenaga et de Tarlat, qui, sur la frontière fran-
co-marocaine, donnent accès aux oasis de Fi-
guig. Voyant la situation propice, le général
décida de commencer l'attaque. ,
L'artillerie passa par le col de la Juive, se
portant à 1.200 mètres environ des premiers
remparts de Zenaga. Ces remparts sont enpisé,
c'est-à-dire formés de terre et de boue compri-
mées ; au centre de l'enceinte, à 1.000 mètres
de ces fortifications rudimentAires, s'élèvent les
habitations des Figuiguiens, également cons-
truites en pisé.
L'artillerie, comme si elle défilait en parade,
arriva sur un petit plateau et exécuta avec une
correction parfaite le 'mouvement de feu en
avant en batterie. Les disciplinaires, sans ar-
mes, remplissaient l'offiçfe de servants.
A 5 heures 10, le général O'Connor donna
l'ordre d'ouvrir le feu en Tançant des obus à la
mélinite dans les remparts extérieurs de Ze-
naga, de façon à faire .une brèche pour décou-
vrir l'horizon II déMasquet les habitations.
Lorsque la muraille fut tombée, le feu fut dirigé
sur l'intérieur dit ksar, à 2,200 mètres environ.
L'effet fut foudroyant, les obus éclataient à
l'intérieur des habitations qui formaient caisse
à air et faisaient tout sauter. Quelques obus
furent ensuite lancés sur différents oasis, no-
tamment sur l'oasis d'Oudaghir, à une grande
distance, de façon à laisser voir aux Marocains
la puissance et la portée de nos canons. Pour
terminer, le feu fut dirigé sur le minaret de la
mosquée située à l'intérieur de Zenaga.
Cette mosquée étant très vénérée, sa destruc-
tion fera une grande impression sur les Figui-
giens.
Grâce à la précision de notre ti r, le minaret
a été coupé en deux et les ailes de droite et de
gauche éventrées.
Ce sont principalement les pièces de 95 qui
ont coopéré à la destruction, pendant que les
pièces de 75 à tir rapide surveillaient les mou-
vements des Figuiguiens ; ces derniers avaient
fait des retranchements devant les remparts et
se tenaient derrière leurs murs. Au moment où
le bombardement commença, ils s'enfuirent
tous devant les obus. Les Marocains, embus-
qués dans la palmeraie, entre le col de la Juive
et le col de Zenaga, tirèrent les premiers sur
les artilleurs. Ni les hommes ni les chevaux ne
furent atteints.
A 11 heures, le général O'Connor donna
l'ordre de cesser le feu et fit rentrer toutes les
troupes d'infanterie a Beni-Ounif, et les trou-
pes d'artillerie à Djennan-Eddar.
A part un goumier indigène, qui a été tué
au col de Zenaga, nous n'avons subi aucune
perte; nous n'avons pas de blessés. On ignore
le nombre des tués et des blessés marocains;
on ne connaît, pour le moment, ni l'impression
que cet acte de police a produite chez les Fi-
guiguiens, ni quelles sont leurs intentions.
Lq général O'Connor attend que les Figui-
guiens viennent à composition. Toutes les fem
mes et tous les enfants de Zenaga avaient fui
depuis plusieurs jours.
Le bombardement a été parfaitemententendu
de Moghrar Foùkani, qui se trouve à environ
65 kilomètres de Zenaga.
(Voir la suite dans notre DEUXIEME EDITION,
UNE INTERVIEW
L'opinion de M. Camille Sabatier, an-
cien député d'Oran. — Les auteurs
de l'agression. — Une contrée
pittoresque. — La prise de
Figuig. — Solution paci-
fique.
iDf notre correspondant particulier)
Toulouse, 8 juin.
L'agression dont M. Jonnart et sa suite ont
été l'objet, aux environs de Figuig, montre
bien la nécessité d'une répression vigoureuse :
il faut disperser ou du moins réduire à l'im-
puissance les bandes de pillards qui « infes-
tent » cette partie de la frontière marocaine ;
comme le disait très justement notre rédacteur
en chef, dans son éditorial de samedi dernier,
nous devons « exercer, selon notre droit garanti
par les traités, une action de police».
Au moment où nos troupes algériennes se
disposent à rétablir l'ordre dans cette région,
il m'a paru intéressant de recueillir, pour les
lecteurs du Rappel, l'avis d'un homme qui con-
naît fort bien l'Algérie, qui y a exercé de hau-
tesfonctions, et qui a été de 1885 àl889 député
d'Oran, c'est-à-dire de la province où se sont
passés les événements dont nous nous occu-
ïxmsî je veux parler de M. Camille Sabatier
qui, bien que retiré à Toulouse, s'occupe en-
core beaucoup des questions de politique in-
térieure et extérieure, et tout particulièrement
de l'arbitrage international.
Les responsabilités. — L'oasis de
Figuig.
M. Sabatier a très complaisamment accepté
de me donner les renseignements que je lui
demandais, et je vais reproduire ses paroles
aussi fidèlement que possible :
'Il convient d'abord; m-t-il dit, d'établir les res-
ponsabilités, car tous les Figuiguiens ne sont pas
des pillards, toujours prêts à faire le coup de feu :
les vrais auteurs de l'agression, ce sont les noma-
des, qui n'ont pas de travail déterminé et qui ne
vivent que de rapines et.de pillages; ils sont assez
nombreux, mais ils ne constituent pourtant qu'une
partie des habitants de l'oasis de Figuig ; il existe
à côté d'eux une population de vrais travailleurs,
de commerçants qui réprouvènt leurs vols et qui
voudraient bien voir enfin la tranquillité et la sé-
curité régner dans leur pays ; ils seront reconnais-
sants au gouvernement français s'il accomplit cette
besogne nécessaire, surtout lorsqu'ils verront qu'il
respecte leurs palmiers, leurs dattiers et leurs ca-
naux d'irrigation; ces canaux, très artistement
construits, ne sont pas une des moindres curiosi-
tés de la région ; ils sont alimentés par des sources
provenant des monts qui surplombent Figuig et
où les neiges d'hiver séjournent chaque année plu-
sieurs jours.
L'aspect général du paysage est celui d'un cirque
encadré de hauteurs, et au fond duquel se trouvent
sept villages entourés de véritables forêts de pal-
miers et de dattiers, et protégés par des murailles
en pisé percées de meurtrières. Zenaga, qui est le
plus important de ces villages, compte près de 4.000
habitants, et ceux-ci possédaient plus de la moitié
des maisons et des palmiers de Beni-Ounif, village
situé a trois kilomètres du bord ni-Ouuif, village
principale, vers le Sud, dont nous nous sommes
tmparés il y a un an et demi.
Faut-il occuper Figuig ?
C'est depuis notre établissement à Beni-Ou-
nif que les difficultés ont surgi, et M. Sabatier
estime que seule l'occupation de Figuig peut les
résoudre ; sur ce point, il ne partage pas l'avis
exprimé par M. Combes et par notre rédacteur
en chef Charles Bos dans notre numéro de sa-
medi, et voici comment il motive son opinion :
La répression de l'agression actuelle,, explique-t-
n,.va produire un effet salutaire. pendant quel-
ques mbis, jusqu'à ce que les troupes envoyées
retournent dans leurs garnisons respectives ; mais
après, les pillages et les attaques recommenceront
si nous ne nous emparons pas de Figuig ; car;
dans ce cas, les Français (à Beni-Ounif) et les Fi-
guiguiens vont rester, comme auparavant, à 3 ki-
lomètres les uns des autres, le sabre à la main et
les fusils prêts à partir; cette situation est pleine
de périls j au contraire, l'occupation de Figuig par
nos soldats fera cesser définitivement le malaise,
l'inquiétude qui règnent dans cette région, ainsi
que les exploits des nomades.
But pacifique
M. Sabatier n'entend pas cependant que
nous nous lançions dans une politique d'aven-
tures : -
Il ne faut pas, dit-il, que la prise de Figuig ou-
vre la voie à de nouvelles expansions du côté du
Tafilalet; nous devrons poursuivre quand il y aura
lieu les bandes pillardes, mais rentrer rapidement
quand elles auront reçu la leçon méritée. Les puis-
sances n'ont donc pas à s'inquiéter d'un acte qui
vise seulement à rétablir l'ordre dans une contrée
troublée ; on ne peut pas dire que l'occupation de
Figuig constitue véritablement une atteinte à l'in-
tégralité du Maroc, et la longanimité du gouverne-
ment dans cette affaire est la meilleure preuve de
son ardent désir de maintenir la paix.
Solution préférable
D'ailleurs, à la prise de possession manu mi-
litari, je préférerais bien une convention diplo-
matique par laquelle le Maroc accepterait de
modifier le traité de 1845, et de nous céder l'oasis
de Figuig où il est absolument impuissant à main-
tenir l'ordre.
C'est sur ces paroles que je quitte mon dis-
tingué interlocuteur, en le remerciant au nom
du Rappel de son excellent accueil. - F. Viel.
LES ÉLECTIONS DE DIMANCHE
Les quatre élections législatives de dimanche
ne changent pas grand'chose à la situation des
partis.
A Aurillac, c'est un radical. M. Justin Ri-
gal, qui remplace le radical M. Adrien Bastid ;
à Saint-Etienne, M. Claudinon, républicain
d'une nuance un peu bien rose à notre goût,
qui avait été justement invalidé, est réélu;
nous ne cachons pas que le succès de M. Sou-
het, radical-socialiste, nous aurait été plus
agréable.
Le ballottage de Montbrison doit amener le
succès de M. Jean Lépine, radical-socialiste,
si les électeurs de MM. Philippe Raymond et
Robert savent faire leur devoir.
En ce cas, M. Daniel Dorian, simple répu-
blicain - - républicain sincère, c'est vrai, —
serait remplacé par un démocrate d'une nuance
plus avancée.
Les modérés essaient de se consoler de l'é-
chec de leur candidat, M. Sicard, à Forcal-
quier (Basses Alpes), en plaisantant les radi-
caux-socialistes qui, possédant la majorité re-
lative dans la circonscription, laissent le siège
tomber aux mains des collectivistes.
En raisonnant ainsi, nos « progressistes ))-
montrent qu'ils savent faire convenablement
une addition.
Au premier tour, le modéré, M. Sicard, avait
obtenu 2,778 voix ; M. Isoard, socialiste, arri
vait avec 1,202 voix; le premier des candi-
dats radicaux, M. Esmieu, avait 1,169 voix.
Les radicaux — au nombre de cinq — réunis-
saient 3,361 suffrages. ,
En bonne logique, le candidat des collecti
vistes aurait donc dû se retirer devant le re
présentant des radicaux désigné par le suffrage
universel.
Les candidats radicaux-socialistes ont préféré
ne soulever aucune difficulté ; du moment que
M. Isoard arrivait en tête de la liste républi-
caine, ils se sont désistés pour lui. -
Il n'échappera pas à M. Isoard que la vic-
toire qu'il remporte est une victoire radicale-
socialiste. Et nous comptons que, désormais,
toutes les fois qu'un radical-socialiste tiendra
la tête dans un scrutin de ballottage, les collec-
tivistes se désisteront pour lui.
Car il ne doit pas exister deux règles en pa-
reille matière : l'une réservant aux radicaux-so-
cialistes toutes les sévérités de la discipline,
l'autre accordant aux -collectivistes la latitude
d'une aimable licence,
Quant aux modérés, ils ont tort de prendre
la parole dans un débat qui ne les concerne en
rien. L'exemple de Forcalquier leur prouve une
fois de plus que les radicaux-socialistes sont
résolus à ne faire aucune concession aux méli-
nistes. — If. D.
LA BRETAGNE AUX PRUSSIENS
Il est dit* que les cléricaux ne reculeront de-
vant aucune calomnie, n'omettront aucun
mensonge. Il n'est point de basses grossièretés
et de stupides inventions qu'ils ne laissent de
côté, dans la guerre qu'ils ont déclarée aux
institutions républicaines. Toutes les armes
leur sont bonnes.
La Croix de Morlaix, jonrnall'édigé en lan-
gue bretonne, publie dans son numéro du 30
mai 1903 la note suivante :
Il n'est pas dit que vous ayez appris cette nou-
velle, le bruit court que M. Combes veut vendre la
Bretagne aux Prussien?. Si cla est vrai, on voit
clairement qu'on veut détruire la France bien vite.
— Car, que sera la France lorsqu'on aura détaché
la Bretagne.
La marine ne sera plus rien puisqu'elle n'aura
plus de matelots, car vous savez que ce sont les
marins bretons qui font la plus grande partie de
sa force. Je ne suis pas fier en songeant que je de-
viendrai prussien, cependant je ne vois pas que
notre situation ne fut pire qu'elle est à présent, il
n'est pas possible de montrer plus de haine contre
nous que le fait Combes et les français du Midi.
Il n'est pas possible de mentir avec plus d'a-
plomb et d'être plus sciemment perfide. On voit
aujourd'hui tout le mal causé par la négligence
commise par les ministres des cultes qui tolé-
raient que les sérmons des curés bretons soient
faits en langue bretonne, et que le catéchisme
soit enseigné en breton.
Ce qui est plus grave encore que ces insinua-
tions jésuitiques, ce sont les appels à la ré-
volte et à la guerre civile qùi accompagnent
l'information de la Croix de Morlaix.
Les menaces faites aux Bretons par les Français
font bouillir le sang de nos cœurs. Plusieurs comme
Pontalle il y a 180 ans sont prêts à donner leur vie
pour la liberté de la Bretagne. Soyons donc dé-
fiants à l'égard des traîtres qui tous les jours lè-
chent l'assiette au beurre de Combes et à ses con-
seillers et unissons nos cœurs et nos esprits avec
les vrais Bretons qui n'ont jamais été les esclaves
des Français.
Il n'est point besoin de flétrir de pareils pro-
cédés, il suffit de les signaler, tous les bons
Français seront juges. — L. Armbruster.
Voir à la 3,J page
les Dernières Dépêches
PARTI RADICAL-SOCIALISTE
Le congrès de Marseille
On sait que le congrès du parti se tiendra à
Marseille du 8 au M octobre prochain. Nous ferons
connaître demain le règlement de ce congrès.
Voici l'appel que lance le comité exécutif aux co-
mités, ligues, fédérations, groupes et citoyens ad-
dérents au parti
Paris, le ln juin 1903.
Citoyens,
La tradition des assemblées générales du
parti républicain radical et radical-socialiste
est désormais établie. Le congrès annuel est
devenu statutaire et il a été décidé, l'an der-
nier, à Lyon, que le 3e congrès radical et radi-
cal-socialiste serait tenu à Marseille en 1903.
D'accord avec la Fédération marseillaise, la
commission d'organisation a proposé la date
du 8 octobre pour l'ouverture de ce congrès.
Le comité exécutif, dans sa séance du 18 mars
dernier, a approuvé cette date à l'unanimité.
Le 3e congrès du parti se tiendra donc à
Marseille, salle Juvénal, dite des « Cinq cents
couverts aux chartreux», les jeudi 8, vendredi
9, samedi 10 et dimanche 11 octobre.
En vous invitant à lui adresser votre adhé-
sion personnelle ou celle des groupements aux-
quels vous appartenez, le comité exécutif a
l'honneur de vous transmettre sous ce pli :
1° Le règlement du congrès ;
2° Des mandats de délégués des comités ou
groupements ;
3° Des bulletins d'adhésion individuelle.
Vous remarquerez que, conformément à
l'article premier des statuts du parti, le co-
mité exécutif invite tous les groupements ad-
hérents : comités, ligues, fédérations, sociétés
de propagande, groupes de libre-pensée, loges,
etc., à se faire représenter au congrès par un
nombre de délégués en rapport avec leur im-
portance numérique. Il adresse aussi un pres-
sant appel aux membres du Parlement, aux
élus cantonaux, aux anciens élus se réclamant
du parti ; aux municipalités républicaines qui
peuvent envoyer des délégués ; aux journaux
radicaux et radicaux-socialistes.
Un grand parti comme le nôtre doit certai-
nement sa force à ses aspirations généreuses,
à sa ferme volonté de réaliser son idéal démo-
cratique. Mais quelles que soient l'énergie et
la vigilance de toutes les individualités et des
collectivités qui le composent, le parti n'est
vraimenffort que s'il y a entente durable entre
ses élénients, divers peut-être en apparence,
unis et nécessaires les uns aux autres en réa-
lité. C'est pourquoi nous ne saurions trop in-
sister ton seulement auprès de nos comités qui
sont les cellules de notre organisation fédérale,
mais encore auprès des autres associations, au-
près des membres du Parlement, auprès de
tous ceux que la confiance populaire a inves-
tis d'un mandat important, pour que nos con-
grès soient la représentation exacte du parti
et maintiennent le faisceau uni de toutes ses
forces.
: Citoyens, le congrès de 1901 a été une révé-
lation pour le parti, qui se cherchait en quel-
que sorte. Celui de 1902 a été une assemblée
constituante. Le congrès de 1903 doit ouvrir la
période de l'action méthodique et continue.
Le congrès de 1901 a préparé le succès des
élections législatives. Celui de 1902 a été suivi
d'une victoire républicaine importante égale-
ment dans le renouvellement partiel du Sénat.
Le congrès de 1903, s'ouvrant six mois avant
les élections municipales, doit avoir son re-
tentissement dans toutes les communes de
France. -
Mais, si courtes que soient les heures des
réunions plénières du parti, le congrès ne s'en-
fermera pas dans les limites étroites de la pré-
paration des luttes électorales prochaines;
abordant ou poursuivant l'étude des questions
politiques, économiques et sociales, dont la
solution s'impose à brève échéance, il fera œu-
vre politique profonde et féconde pour le dé-
veloppement de la Hépublique.
'Citoyens, le comité exécutif vous prie donc
instamment de prendre part aux travaux, du
congrès, soit personnellement, soit par les dé-
légués de vos groupes. JI faut que le 8 octobre
prochain, se trouvent réunis à Marseille, dans
une imposante assemblée, les représentants les
plus autorisés de la démocratie militante qui
s'abrite sous le drapeau radical et radical-so-
cialiste.
Veuillez agréer, citoyens, l'assurance de mes
sentiments les plus dévoués.
Le président du comité exécutif, MAUJAN, dé-
puté de la Seine.
N. B. — Adresser les adhésions dans les plus
courts délais possibles et avant le 20 septembre
au plus tard, au siège social, 9, rue de Valois,
Paris (1 el).
Tous les fonds doivent être adressés à M. Gus-
tave Lefèvre, trésorier du parti, 9, rue de
Valois, Paris (1 el).
Des démarches seront faites pour obtenir,
comme les années précédentes, la faveur du
demi-tarif sur les chemins de fer à tous les
congressistes. Mais nous croyons devoir appe-
ler l'attention sur ce fait, que les adhésions de
la dernière heure créent des difficultés pour les
formalités à remplir auprès des Compagnies.
——————-————— -————————————
L'AUGMENTATION DE LA CAVALERIÉ
ALLEMANDE ET LA TACTIQUE
Ive notre correspondant particulier)
Berlin, 8 juin.
L'augmentation des troupes de cavalerie est
demandée par l'état-major pour des « raisons
de tactique ». Il s'agit de familiariser les régi-
ments d'infanterie de la frontière avec la tac-
tique à employer contre les attaques de la ca-
valerie ennemie. Les nouveaux régiments de
cavalerie serviront tout d'abord a renforcer
les garnisons à la frontière russe.
Il LA CATASTROPHE
DU LIBAN *
Un récit autorisé. — Marie Nicolini. -
Ce que disent des témoins. — Scènes
épouvantables. — La reconnais-
sance des corps.— A la compagnie
Fraissinet. -- Dévouement des
sauveteurs. — L'histoire du
navire. — Le théâtre de la
catastrophe.
A mesure que l'on connaît de nouveaux
détails sur l'épouvantable collision de l'insu-
laire et du Liban, la catastrophe apparaît plus
terrible. Nous avons donné hier les dépêches
qui nous sont parvenues la nuit dernière ; celles
qui les ont suivies montrent de plus en pluj*
nettement toute l'horreur de es sinistre.
Le récit du commandant du « Balkan »
Marseille, 8 juin,
Voici en quels termes le commandant Car-
riès, du Balkan, de la Compagnie Fraissinet,
un des premiers navires arrivés au secours du
Liban, a fait le récit de la catastrophe :
La collision s'est produite à midi dix minutes*
d après un officier du Lilfan que j'avais recueilli à
mon "bord.
Mon navire, le Balkan, était parti de la Joliette
à onze heures trente-cinq, faisant route pour Gê-
nes, Naples et la Thessalie, et ayant à bord des
passagers parmi lesquels une troupe d'artistes di-
rigée par M. Bonnet et composée de MM. Max
René, Georges Martel et de Mmes Lili ey, Li-
liane, Zoza Bousoir, Elise de Noriac, Menazzi et
Clary Belvère. Le temps était superbe et le Balkan
ne tardait pas à arriver près du rocher de l'île
Maire sans incident. -
A ce moment j'aperçus YInsulaire qui débouchait
venant du Sud. Ce navire sifflait pour attirer
1 attention et faisait des signaux de détresse. Aus-
sitôt M. Florent Merlin, mon capitaine en second,
M. Albert Seuve, mon lieutenant, et moi, nous re-
gardâmes avec des jumelles et nous vîmes que
l'avant de l'Insulaire avait une large déchirure et
« gîtait a d'une façon inquiétante. On fit des signaux
à bras, et j'aperçus le commandant de l'Insulaire.
Il m'avertit de ne pas prendre garde à lui, mais
d'aller plus loin, vers le Liban, qui se trouvait en
perdition par le travers de l'île des Deux-Frères,
rochers qui sont situés à peu de distance de l'île
Maire.
Ainsi .T'enseigné, Je fis accélérer notre marche et,
arrivant peu après sur les lieux, je pus me rendre
compte de l'accident qui s'était produit : le Liban
était devant nous, son avant plangé dans l'eau ; il
coulait à vue d'œil.
J'ordonnai d'abord de mettre les embarcations à
la mer. Puis j'eus la pensée de mouiller une an-
cre et d'établir un va-et-vient avec le Liban. MaiSj,
à considérer la rapidité avec laquelle l'eau pénétrait
dans ce paquebot, je compris que cette manœuvra
était inutile. Alors, je m'approchai le plus possible
du navire en détresse.
La première embarcation qui se dirigea du Bal-'
kan vers le Liban était commandée par le lieute-
nant Seuve qui, au prix de mille efforts, put effec-
tuer deux voyages et prendre dix-sept personnes
naufragées, vivantes ou mortes. Le lieutenant Seuve
et les marins qui montaient son embarcation fail-
lirent être entraînés dans le remous que détermi-
na le Liban en coulant à pic, et c'est miracle que
le mât avant du navire ne les ait pas 0 chavirésa.
La deuxième embarcation du Balkan était com-j
mandée par le capitaine en second Merlin, qui
réussit à prendre vingt naufragés, dont plusieurs. ;
malheureusement,étaient morts. t
M. Georges Touar,mécanicien à bord du Balkan,
prit le commandement de la troisième embarcation 1
et c'est lui qui transporta à notre bord- les persoA- >
nés sauvées par les deux embarcations de MM.Mer- *
lin et Seuve. Ce sauvetage présenta naturellement
des difficultés considérables, car, dans la panique
épouvantable qui régnait, au milieu du tumulte,^
des cris d'angoisse et d'effroi, les sauveteurs n&
pouvaient tendre les mains à tous. Vingt fois ils
risquèrent eux-mêmes d'être engloutis. Le matelot,
Semeriva, qui était sur lé canot de M. Merlin, se
distingua particulièrement en plongeant à diffé-
rentes reprises pour sauver des enfants et des
femmes.
Bientôt tous les passagers recueillis par les em-
barcations du Balkan furent à bord de ce vire.
où le docteur Secomi donna ses soins aux infortu-
nés que venaient d'échapper miraculeusement à la
mort. Tout lé personnel et les passagers firent
preuve d'un dévouement admirable : les dames ar-
tistes se conduisirent comme de véritables soeurs
de charité. D'ailleurs, un de leurs camarades, M.
Max René, s'était déjà courageusement distingué
en prenant place avec mes matelots dans une des
embarcations et en concourant aux opérations de
sauvetage.
Nous fîmes enfin lo compte récapitulatif des per-
sonnes sauvées par les matelots au Balkan, et nous
constatâmes alors que ces bravés gens avaient ar-
raché à la. mort quarante passagers. En outre, il?
avaient ramoné vingt et un cadavres, dont huit de
petits enfants ot treize de personnes âgées. Tout
cela sans compter dix-sept hommes de l'équipage
du Liban.
Voici, d'ailleurs, la liste des survivants du Libtm
recueillis sur le Balkan:
Paul Basteiica, matelot; Pierre T&omas, gurtte
général des eaux et forêts; Maria André ; Gabriel
Kamel, second maître d'hôtol ; Louis Dovassa, ma-
telot ; , Doux, deuxième mécanicien ; Hedel, chef
mécanicien ; François Paoli et son fils;
Méria, chauffeur ; Giuseppe Vani, ouvrier italien,
passager ; Albert Ribot, garçon d'offlee ; Joseph
Pietri, cordonnier ; Léon Fazzi, cordonnier ; Ma-
thieu Colombani, matelot ; Paul Caitucoli ;
Gaston du Gardin, sous-inspecteur dos douanes à
Bastia ; Désiré Mattei et Mathieu l\Iattci,chaufTllrsr
mais qui étaient simples passagers à bord du Libant
et leur sœur, que le premier d'entre eux a sauvée ;
Louis Sillon, chef de cuisine à bord du L'lbanj
Franceschetti, magistrat; Dominique Valéry, Jean
Fascioni, Dappilge Oddo, ouvriers italiens ;
Félix Sanguinetti, étudiant à l'école navale ; An-
toine Zerbiai, matelot; Pierre Lorenzl, coiffeur;,
Paul-André Vincentelli, cultivateur ; Antoine Gonel,
adjoint au 145e d'infanterie ;
Jules Vidal, soutier; Pietruzzi, adjudant, qui sa
rendait en permission à Bastia ; Mme Scolti ; LoUIs.,
Maury ; Jean et Joseph Lacotte, les deux fils du
commandant du Liban ; Pages, maître d'hôtel et
Mme Pagès, feir^e de chambre ; Auge-Pierre Ga-
letti, caporal au ille d'infanterie, et une petite fil-
lette dont on ne sait pis le nom, dont les parents
ont péri et qui a été recueillie sur le Balkan par
les dames artistes*
Un détail : les frères Mattei et leur sœur se ren-
daient en Corse, à Pietracorbara, mandés par une
dépêche qui leur -annonçait la mort do leur père.
Bien entendu* les artistes de la tournée Bonnet,
qui ont prodigué leur dévouement pt leurs soin-
aux naufragés, sont revenus ài mou bord
Marseille. -
Mais le Balkan n'est pas le sqnl navire qr
ait pris part aux opérations de sauvetage ; le n
peur autrichien Rakocsy, venant de Fiume, t
recueilli 14 personnes ; le Planier, de la Com-
pagnie Fraissinet, a recueilli une partie de ré.
quipage du Liban. Quant au vapeur de pilotage
Dtéchamp, il a ramené les pegeonnes dont nousi
avons donné les noms hier. I
LA PETITE MARIE NICOLINI
Marie Nicolini est une enfant de 10 ans dont
le père, sous-brigadier de police du 14e arron-
dissement de Paris, demeure 104, rue du Châ-
teau. Elle a été recueillie par M. Mourut, chef
du pilotage.
- Nous nous sommes présentés hier matin chez
le sous-brigadier Nicolini, 104,rue du Château,
Mais celui-ci venait de sortir pour aller deman-
der l'autorisation de partir immédiatement
pour Marseille. Une voisine nous a donné les
renseignements suivants :
En apprenant la disparition de sa femme, 16
malheureux a été pris d'un affreux désespoir. H
voulait se brûler la cervelle. Mme Nicolini et sa
fillette étaient parties de Paris samedi soir. E Uea
n'étaient pas allées en Corse depuis qu elles avaien
quitté cette île pour venir à Paris, il y a neuf an.
environ, C'était pour faife connaître à la flllettf
* 1: -11 +
PARIS & DÉPARTEMENTS
tife SWtimêï-e» CI3VO i-GENTlilEa
ABONNEMENTS
Paris Trois mois 6 f. Mx mois 11 f. Un aD 20 f.
Déparlements 7 f. «- 12 f. — 24 f.
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Et chez MM. LAGRANGE. CERF & CR
6, place de la Bourse, 6
AdMMt Télégraphique : XIX* SIÈCLI - PARIS
RÉDACTION : 14, rue du Mail, Paris
De 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 4 heure du matin
No 12143. — Mercredi 10 Juin 1903
22 PRAIRIAL AN 111
ADMINISTRATION; 14, rue du Itail
Adresser lettres et. mandats à l'Administrateur
Nous publierons prochainement en feuil-
leton de la 4e page :
LA DAME DE CANNY
GRAND ROMAN HISTORIQUE INÉDIT
par BERNARD DE LINCUEIL
Nos lecteurs connaissent déjà de Ber-
nard de Lincueil une œuvre à la fois émott-
vante et instructive, à la fois médiévale et
moderne ; ils savent que cet écrivain excelle
à prendre dans le moyen âge les événements
qui peuvent servir de leçon à notre temps.
C'est aujourd'hui une grande action his-
torique, empruntée au règne de Charles VI,
le roi fou. que Bernard de Lincueil a écrite
spécialement pour nous.
LA DAME DE fJANNY
donne l'impression forte et dramatique de
scènes du X Va siècle prises,semble-t-il, par un
contemporain, tant elles sont exactes et vi-
vantes.
C'est une lecture attachante et passion-
nante.
NOS LEADERS
Sine lis mu
Les élections se succèdent et se res-
semblent. La marche en avant du
suffrage universel est constante. C'est
bien aux idées de sécularisation, aux
revendications de justice sociale qu'il
va résolument. Plus de doute. Il veut
la soumission absolue du clergé aux
justes exigences de la société civile. Il
veut une plus équitable répartition des
charges publiques. Or pour y arriver,
c'est bien sur les hommes qui repré-
sentent le bloc républicain qu'il compte.
Les radicaux et les radicaux-socialistes
ne sont-ils pas, d'ailleurs, les seuls qui
lui ont de tout temps représenté ces
réformes comme possibles? Ne sont ils
pasles seuls aujourd'hui qui se décla-
rent prêts à les réaliser ?
Parmi les élections d'hier une sur-
tout est significative. Celle du Cantal.
Il y avait là un candidat dont le nom
est justement aimé de tout le parti
républicain. C'était le frère du député
décédé M. Bastid. Dès que la candida-
ture de M. Bastid a été connue, pas un
de ceux qui connaissent l'arrondisse.
ment d'Aurillac n'a douté de son
succès. L'échec ne pouvait même pas
être prévu par un homme raisonnable.
M. Bastid a pourtant échoué.
Pourquoi ?
M. Bastid tablant sur sa situation de
conseiller général sur les fonctions
importantes qu'il occupe à Paris,
sur le prestige de sa famille et de son
nom, a cru pouvoir tenir la dra-
gée haute au parti radical. Il a eu
des réticences et des allusions qui lais-
saient planer un doute sérieux sur la
réalité de sés sentiments républicains.
Qu'il eût blâmé, dans la politique du
jour, quelques mesures de détail, quel-
ques procédés d'exécution, on le lui eût
peut-être pardonné. Mais il ne s'est pas
contenté de légères critiques. C'est la
direction générale, c'est l'ensemble de
la politique du gouvernement dont il a
fait le procès. Il a été plus loin. Il est
devenu l'homme et le candidat de l'op-
position. C'a été là le vice irrémédiable.
Le suffrage universel s'est immédiate-
ment retourné. C'est à une forte majo-
rité qu'il a été battu.
Ce pays ne veut plus entendre parler
de cette opposition incohérente, sans
programme, sans sincérité, qui ne vit
que d'exagérations et de calomnies.
Et comment pourrait-il en être au-
trement? Est-ce que des hommes rai-
sonnables, réfléchis peuvent s'arrêter
un instant aux reproches extravagants
que l'opposition adresse à la majorité?
La majorité comprend plus de trois
cents membres dont la plupart sont
connus dn pays pour la modération de
leur caractère. Or, cette majorité est
traitée tous les jours de sectaire, d'in-
tolérante, de persécutrice. On l'accuse
de violer les droits. et les libertés les
plus sacrés. On affirme qu'elle orga-
nise et conduit contre la religion catho-
lique une guerre méthodique, qu'elle
vise à la destruction de. toutes les
croyances.. On ne se contente pas de
s'en prendre aux votes et aux discours.
On s'en prend aux hommes eux-mê-
mes, à leur honorabilité, à leur pro-
bité. Si on s'en rapportait aux journaux
de l'opposition, il n'y aurait plus au
Parlement que des tarés, des concus-'
sionnaires et des vendus.
En vérité je ne crois pas qu'en de-
hors des périodes de trouble qui ont
précédé les coups d'Etat du 18 bru-
maire et du deux décembre et où
l'opposition s'attachait à déshonorer
les élus du suffrage universel pour
duvrir plus facilement le chemin à la
dictature, on se soit jamais porté à de
pareils excès.
De tels procédés déshonorent un
parti et le compromettent d'une ma-
nière définitive.
Est-ce qu'il est un seul acte du gou-
vernement actuel qui porte atteinte au
droit sacré de penser et de croire ?
Pourquoi le g ou ver lie iiv; ut actuel .-\
il soulevé cette tempête de haines et de
colères ? Simplement parce qu'il a
assuré, envers et contre tous, l'applica-
tion d'une loi régulièrementvotée par
les deux Chambres. En agissant ainsi
a-t-il fait autre chose que son devoir
Et quand on prétend que la loi sur
les associations est elle-même tyran-
nique et exhorbitante du droit commun
n'est-ce pas encore une pure extrava-
gance ? La loi sur les associations, on
ne saurait trop le répéter, consacre, au
contraire, pour tous les citoyens fran-
çais vivant de la vie ordinaire, de la vie
normale, le droit absolu de s'associer.
Elle accorde ce droit à tous sans distinc-
tion de cultes ou de croyances. Elle ne
s'occupe pas de savoir quel est le but
de l'association, s'il est religieux ou
profane. Il lui importe peu que les
associés soient des prêtres ou des
laïques. Elle ne fait aucune distinction.
Sans doute elle exige des congréga-
tions,c'est-à-dire des groupements dont
les membres vivent en commun, sous
le même toit, avec des règlements
particuliers, formant en quelque sorte
une petite république à part dans la
grande République, un'eautorfsation
préalable.Mais étaitilpossible de ne pas
soumettre les congrégations à des condi-
tions spéciales ? Est-ce qu'aucun gou-
vernement leur a jamais permis de se
former et de vivre à leur guise ? Est-
ce que les monarchies elles-mêmes,
depuis Saint-Louis,n'ont pas pris contre
elles des mesures, notamment celle de
l'autorisation préalable ? Que vient-on
nous parler de persécution ? Faut-il
donc laisser se développer et s'étendre,
comme les mailles d'un immense filet,
le réseau sans cesse accru des congré-
gations ? Faut il donc leur laisser
grossir de plus en plus cet immense
patrimoine qui dévorerait vite,comnie
il a failli le faire, à d'autres époques,
la substance même de la fortune
publique, et dont elles se servent
d'ailleurs comme d'un trésor de guerre
contre la République et contre l'esprit
moderne ?
C'est pour avoir méconnu ces vérités
élémentaires que M. Bastid, malgré les
chances exceptionnelles que présentait
d'abord sa candidature, s'est vu distan,
cer par notre ami Rigal.
Le pays républicain en a assez de ces
exagérations et de ces mensonges.
Désormais les hommes modérés et sages
dans le genre de M. Bastid feront bien
de veiller sur eux. Que ce soit à la
Chambre, que ce soit devant le suffrage
universel, qu'ils prennent bien garde!
Il leur suffira désormais de se solidariser
même d'une façon purement apparente
avec les partis du passé pour être irré-
médiablement perdus.
C'est en avant que va la France. C'est
une oeuvre de progrès et de justice
sociale qu'elle veut et qu'elle poursuit.
Elle écartera sans pitié de sa route tous
ceux qui de près ou de loin seront
suspects de complaisance pour les en-
nemis de la République.
Louis Puech.
LA PROPOSITION DUBIEF
On a distribué hier, à la
Chambre, l'excellent rapport que
notre amI Fernand Dubief a
rédigé sur le régime des alié-
nés. La proposition de loi elle-
même est de M. Dubief ; et la
commission nommée pour l'étude de ce
projet a voulu que son auteur fût chargé
du rapport ; ce qui indique assez, pour le
dire en passant, qu'elle avait été satisfaite
des explications de l'éminent député de
Saône-et-Loire, et qu'elle adopte ses vues.
Il est à souhaiter que la session ne soit
pas close sans que la proposition vienne à
l'ordre du jour de la Chambre. Il est temps,
il est grand temps, que la loi de 1838 soit
remplacée par un texte plus humain, plus
conforme aux droits de l'individu. L'aliéné
est un malade, ce n'est pas un criminel ; il
devrait être inutile d'exprimer une vérité
aussi élémentaire. Mais comme nous vi-
vons encore sous un régime où, sous pré-
texte de protéger le malade contre son pro-
pre mal, le malade est traité, dans sa sé-
questration, à peu près comme un con-
damné, nous sommes bien obligé de rap-
peler les principes.
Tels qu'ils sont compris actuellement, les
asiles d'aliénés sont des bastilles qu'il faut
faire tomber. Il ne sera pas besoin d'une
révolution pour cela, mais il faudra une loi.
Cette Joi personne n'est mieux qualifié
pour la rédiger que le docteur Fernand
Dubief, qui a longtemps soigné les aliénés
et qui sait de quel esclavage ces malheu-
reux ont besoin d'être délivrés. Pinel est
immortel pour avoir fait tomber les fers
dont un préjugé absurde chargeait autre-
fois les mains des folles de la Salpêtrière;
Dubief aura droit, lui aussi, à la reconnais-
sance publique pour avoir fait bénéficier
les malades de nos asiles d'un régime
mieux approprié à l'équité naturelle et au
bon sens. — Ch. B.
LES CHEFS ALLEMANDS
DES CONGRÉGATIONS FRANÇAISES
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 8 juin.
La Germania, organe officiel du parti catho-
lique allemand, annonce avec une satisfaction
visible qu'à l'heure qu'il est les généraux de
six ordres religieux sont des sujets allemands.
Le P. Andreas Fruchiwirth est général des do-
minicains; le P. Dionysius Schuetter, général
des franciscains ; le P. Bernhard von Ander-
matt, général des capucins ; le P. Pie Mayer,
prieur général des carmes chaussés; le P. Cas-
sieti Gasss, prieur général des frères de la
uri^riconl^; ot le P. Jordan, supérieur géné-
Ul de le f;¡cci.;lQ du diyiiï sauveur.
LES OPERATIONS.
DANS LE FIGUIG
L'action commencée.- Bombardement
du Figuig.
Nos troupes ont commencé, hier, l'opération an-
noncée contre le Figuig. Voici, dans l'ordr( où
elles nous parviennent, les dépêches relatives à
cette première journée de la campagne :
La veille de l'action. — Deux prison-
niers.
- Aïn-Sefra, 8 juh.
Le blocus est levé. Les journalistes viement
d'être avisés qu'ils pouvaient partir denain
pour le sud.
Le général O'Connor leur laissera prendre
place dans le train spécial partant à 7 heures
du matin pour Beni-Ounif.
Taghit, 8 jdn.
Le maréchal des logis Raho, du 2" spahis,
attaché au bureau arabe de Taghit, a erpturé
aux environs de Taht Ania, deux chefs de djick
ayant participé aux attentats commis ce der-
nières années contre nos postes de l'extême-
sud ; ils ont été amenés sous escorte à laghit.
Le Figuig sous les obus
Beni-Ounif, 8 juh.
L'action de l'artillerie a commencé ce matin
à 5 heures 30 minutes.
Beni-Ounif, 8 juin.
Le bombardement des ksours de Figuig a eu
lieuse matin, de 7 h. 1/2 à 9 h. 1/2. Nos trou-
pes ont occupé par surprise les cols de Joudyà*,
et de Moudjadin. t
On ne peut se rendre compte pour le moment
des effets produits par le bombardement ; mais
il y a lieu de croire que les pertes des ksou-
riens sont considérables. On les connaîtra lors-
qu'on pourra pénétrer dans Figuig où nos
troupes ne sont pas encore entrées.
De notre côté les pertes sont nulles.Unmagh-
zani, cavalier indigène des bureaux arabes, a
été tué ce matin au moment où il allait porter
l'ordre de faire évacuer Zénaga par les femmes
et les enfants.
L'effet du tir
Beni-Ounif, 8 juin.
Voici des détails sur le bombardement de
Zenaga, un des sept ksours de Figuig :
Au lever du jour, le général O'Connor sor-
tait de Beni-Ounif où avaient été concentrées
toutes les troupes qui devaient prendre part à
l'action, c'est-à-dire trois bataillons de la lé-
gion étrangère, trois escadrons de cavalerie,
dont deux de chasseurs d'Afrique et un de spa-
his, plus une batterie d'artillerie, comprenant
4 pièces de 75, nouveau modèle, 2 pièces de 80
d'artillerie de montagne, et une batterie de
pièces de 95 sur affût de campagne. En tout
3.500 hommes environ.
Le général O'Connor avait l'intention d'effec-
tuer une reconnaissance et de garder et de
prendre au besoin les trois cols de la Juive, de
Zenaga et de Tarlat, qui, sur la frontière fran-
co-marocaine, donnent accès aux oasis de Fi-
guig. Voyant la situation propice, le général
décida de commencer l'attaque. ,
L'artillerie passa par le col de la Juive, se
portant à 1.200 mètres environ des premiers
remparts de Zenaga. Ces remparts sont enpisé,
c'est-à-dire formés de terre et de boue compri-
mées ; au centre de l'enceinte, à 1.000 mètres
de ces fortifications rudimentAires, s'élèvent les
habitations des Figuiguiens, également cons-
truites en pisé.
L'artillerie, comme si elle défilait en parade,
arriva sur un petit plateau et exécuta avec une
correction parfaite le 'mouvement de feu en
avant en batterie. Les disciplinaires, sans ar-
mes, remplissaient l'offiçfe de servants.
A 5 heures 10, le général O'Connor donna
l'ordre d'ouvrir le feu en Tançant des obus à la
mélinite dans les remparts extérieurs de Ze-
naga, de façon à faire .une brèche pour décou-
vrir l'horizon II déMasquet les habitations.
Lorsque la muraille fut tombée, le feu fut dirigé
sur l'intérieur dit ksar, à 2,200 mètres environ.
L'effet fut foudroyant, les obus éclataient à
l'intérieur des habitations qui formaient caisse
à air et faisaient tout sauter. Quelques obus
furent ensuite lancés sur différents oasis, no-
tamment sur l'oasis d'Oudaghir, à une grande
distance, de façon à laisser voir aux Marocains
la puissance et la portée de nos canons. Pour
terminer, le feu fut dirigé sur le minaret de la
mosquée située à l'intérieur de Zenaga.
Cette mosquée étant très vénérée, sa destruc-
tion fera une grande impression sur les Figui-
giens.
Grâce à la précision de notre ti r, le minaret
a été coupé en deux et les ailes de droite et de
gauche éventrées.
Ce sont principalement les pièces de 95 qui
ont coopéré à la destruction, pendant que les
pièces de 75 à tir rapide surveillaient les mou-
vements des Figuiguiens ; ces derniers avaient
fait des retranchements devant les remparts et
se tenaient derrière leurs murs. Au moment où
le bombardement commença, ils s'enfuirent
tous devant les obus. Les Marocains, embus-
qués dans la palmeraie, entre le col de la Juive
et le col de Zenaga, tirèrent les premiers sur
les artilleurs. Ni les hommes ni les chevaux ne
furent atteints.
A 11 heures, le général O'Connor donna
l'ordre de cesser le feu et fit rentrer toutes les
troupes d'infanterie a Beni-Ounif, et les trou-
pes d'artillerie à Djennan-Eddar.
A part un goumier indigène, qui a été tué
au col de Zenaga, nous n'avons subi aucune
perte; nous n'avons pas de blessés. On ignore
le nombre des tués et des blessés marocains;
on ne connaît, pour le moment, ni l'impression
que cet acte de police a produite chez les Fi-
guiguiens, ni quelles sont leurs intentions.
Lq général O'Connor attend que les Figui-
guiens viennent à composition. Toutes les fem
mes et tous les enfants de Zenaga avaient fui
depuis plusieurs jours.
Le bombardement a été parfaitemententendu
de Moghrar Foùkani, qui se trouve à environ
65 kilomètres de Zenaga.
(Voir la suite dans notre DEUXIEME EDITION,
UNE INTERVIEW
L'opinion de M. Camille Sabatier, an-
cien député d'Oran. — Les auteurs
de l'agression. — Une contrée
pittoresque. — La prise de
Figuig. — Solution paci-
fique.
iDf notre correspondant particulier)
Toulouse, 8 juin.
L'agression dont M. Jonnart et sa suite ont
été l'objet, aux environs de Figuig, montre
bien la nécessité d'une répression vigoureuse :
il faut disperser ou du moins réduire à l'im-
puissance les bandes de pillards qui « infes-
tent » cette partie de la frontière marocaine ;
comme le disait très justement notre rédacteur
en chef, dans son éditorial de samedi dernier,
nous devons « exercer, selon notre droit garanti
par les traités, une action de police».
Au moment où nos troupes algériennes se
disposent à rétablir l'ordre dans cette région,
il m'a paru intéressant de recueillir, pour les
lecteurs du Rappel, l'avis d'un homme qui con-
naît fort bien l'Algérie, qui y a exercé de hau-
tesfonctions, et qui a été de 1885 àl889 député
d'Oran, c'est-à-dire de la province où se sont
passés les événements dont nous nous occu-
ïxmsî je veux parler de M. Camille Sabatier
qui, bien que retiré à Toulouse, s'occupe en-
core beaucoup des questions de politique in-
térieure et extérieure, et tout particulièrement
de l'arbitrage international.
Les responsabilités. — L'oasis de
Figuig.
M. Sabatier a très complaisamment accepté
de me donner les renseignements que je lui
demandais, et je vais reproduire ses paroles
aussi fidèlement que possible :
'Il convient d'abord; m-t-il dit, d'établir les res-
ponsabilités, car tous les Figuiguiens ne sont pas
des pillards, toujours prêts à faire le coup de feu :
les vrais auteurs de l'agression, ce sont les noma-
des, qui n'ont pas de travail déterminé et qui ne
vivent que de rapines et.de pillages; ils sont assez
nombreux, mais ils ne constituent pourtant qu'une
partie des habitants de l'oasis de Figuig ; il existe
à côté d'eux une population de vrais travailleurs,
de commerçants qui réprouvènt leurs vols et qui
voudraient bien voir enfin la tranquillité et la sé-
curité régner dans leur pays ; ils seront reconnais-
sants au gouvernement français s'il accomplit cette
besogne nécessaire, surtout lorsqu'ils verront qu'il
respecte leurs palmiers, leurs dattiers et leurs ca-
naux d'irrigation; ces canaux, très artistement
construits, ne sont pas une des moindres curiosi-
tés de la région ; ils sont alimentés par des sources
provenant des monts qui surplombent Figuig et
où les neiges d'hiver séjournent chaque année plu-
sieurs jours.
L'aspect général du paysage est celui d'un cirque
encadré de hauteurs, et au fond duquel se trouvent
sept villages entourés de véritables forêts de pal-
miers et de dattiers, et protégés par des murailles
en pisé percées de meurtrières. Zenaga, qui est le
plus important de ces villages, compte près de 4.000
habitants, et ceux-ci possédaient plus de la moitié
des maisons et des palmiers de Beni-Ounif, village
situé a trois kilomètres du bord ni-Ouuif, village
principale, vers le Sud, dont nous nous sommes
tmparés il y a un an et demi.
Faut-il occuper Figuig ?
C'est depuis notre établissement à Beni-Ou-
nif que les difficultés ont surgi, et M. Sabatier
estime que seule l'occupation de Figuig peut les
résoudre ; sur ce point, il ne partage pas l'avis
exprimé par M. Combes et par notre rédacteur
en chef Charles Bos dans notre numéro de sa-
medi, et voici comment il motive son opinion :
La répression de l'agression actuelle,, explique-t-
n,.va produire un effet salutaire. pendant quel-
ques mbis, jusqu'à ce que les troupes envoyées
retournent dans leurs garnisons respectives ; mais
après, les pillages et les attaques recommenceront
si nous ne nous emparons pas de Figuig ; car;
dans ce cas, les Français (à Beni-Ounif) et les Fi-
guiguiens vont rester, comme auparavant, à 3 ki-
lomètres les uns des autres, le sabre à la main et
les fusils prêts à partir; cette situation est pleine
de périls j au contraire, l'occupation de Figuig par
nos soldats fera cesser définitivement le malaise,
l'inquiétude qui règnent dans cette région, ainsi
que les exploits des nomades.
But pacifique
M. Sabatier n'entend pas cependant que
nous nous lançions dans une politique d'aven-
tures : -
Il ne faut pas, dit-il, que la prise de Figuig ou-
vre la voie à de nouvelles expansions du côté du
Tafilalet; nous devrons poursuivre quand il y aura
lieu les bandes pillardes, mais rentrer rapidement
quand elles auront reçu la leçon méritée. Les puis-
sances n'ont donc pas à s'inquiéter d'un acte qui
vise seulement à rétablir l'ordre dans une contrée
troublée ; on ne peut pas dire que l'occupation de
Figuig constitue véritablement une atteinte à l'in-
tégralité du Maroc, et la longanimité du gouverne-
ment dans cette affaire est la meilleure preuve de
son ardent désir de maintenir la paix.
Solution préférable
D'ailleurs, à la prise de possession manu mi-
litari, je préférerais bien une convention diplo-
matique par laquelle le Maroc accepterait de
modifier le traité de 1845, et de nous céder l'oasis
de Figuig où il est absolument impuissant à main-
tenir l'ordre.
C'est sur ces paroles que je quitte mon dis-
tingué interlocuteur, en le remerciant au nom
du Rappel de son excellent accueil. - F. Viel.
LES ÉLECTIONS DE DIMANCHE
Les quatre élections législatives de dimanche
ne changent pas grand'chose à la situation des
partis.
A Aurillac, c'est un radical. M. Justin Ri-
gal, qui remplace le radical M. Adrien Bastid ;
à Saint-Etienne, M. Claudinon, républicain
d'une nuance un peu bien rose à notre goût,
qui avait été justement invalidé, est réélu;
nous ne cachons pas que le succès de M. Sou-
het, radical-socialiste, nous aurait été plus
agréable.
Le ballottage de Montbrison doit amener le
succès de M. Jean Lépine, radical-socialiste,
si les électeurs de MM. Philippe Raymond et
Robert savent faire leur devoir.
En ce cas, M. Daniel Dorian, simple répu-
blicain - - républicain sincère, c'est vrai, —
serait remplacé par un démocrate d'une nuance
plus avancée.
Les modérés essaient de se consoler de l'é-
chec de leur candidat, M. Sicard, à Forcal-
quier (Basses Alpes), en plaisantant les radi-
caux-socialistes qui, possédant la majorité re-
lative dans la circonscription, laissent le siège
tomber aux mains des collectivistes.
En raisonnant ainsi, nos « progressistes ))-
montrent qu'ils savent faire convenablement
une addition.
Au premier tour, le modéré, M. Sicard, avait
obtenu 2,778 voix ; M. Isoard, socialiste, arri
vait avec 1,202 voix; le premier des candi-
dats radicaux, M. Esmieu, avait 1,169 voix.
Les radicaux — au nombre de cinq — réunis-
saient 3,361 suffrages. ,
En bonne logique, le candidat des collecti
vistes aurait donc dû se retirer devant le re
présentant des radicaux désigné par le suffrage
universel.
Les candidats radicaux-socialistes ont préféré
ne soulever aucune difficulté ; du moment que
M. Isoard arrivait en tête de la liste républi-
caine, ils se sont désistés pour lui. -
Il n'échappera pas à M. Isoard que la vic-
toire qu'il remporte est une victoire radicale-
socialiste. Et nous comptons que, désormais,
toutes les fois qu'un radical-socialiste tiendra
la tête dans un scrutin de ballottage, les collec-
tivistes se désisteront pour lui.
Car il ne doit pas exister deux règles en pa-
reille matière : l'une réservant aux radicaux-so-
cialistes toutes les sévérités de la discipline,
l'autre accordant aux -collectivistes la latitude
d'une aimable licence,
Quant aux modérés, ils ont tort de prendre
la parole dans un débat qui ne les concerne en
rien. L'exemple de Forcalquier leur prouve une
fois de plus que les radicaux-socialistes sont
résolus à ne faire aucune concession aux méli-
nistes. — If. D.
LA BRETAGNE AUX PRUSSIENS
Il est dit* que les cléricaux ne reculeront de-
vant aucune calomnie, n'omettront aucun
mensonge. Il n'est point de basses grossièretés
et de stupides inventions qu'ils ne laissent de
côté, dans la guerre qu'ils ont déclarée aux
institutions républicaines. Toutes les armes
leur sont bonnes.
La Croix de Morlaix, jonrnall'édigé en lan-
gue bretonne, publie dans son numéro du 30
mai 1903 la note suivante :
Il n'est pas dit que vous ayez appris cette nou-
velle, le bruit court que M. Combes veut vendre la
Bretagne aux Prussien?. Si cla est vrai, on voit
clairement qu'on veut détruire la France bien vite.
— Car, que sera la France lorsqu'on aura détaché
la Bretagne.
La marine ne sera plus rien puisqu'elle n'aura
plus de matelots, car vous savez que ce sont les
marins bretons qui font la plus grande partie de
sa force. Je ne suis pas fier en songeant que je de-
viendrai prussien, cependant je ne vois pas que
notre situation ne fut pire qu'elle est à présent, il
n'est pas possible de montrer plus de haine contre
nous que le fait Combes et les français du Midi.
Il n'est pas possible de mentir avec plus d'a-
plomb et d'être plus sciemment perfide. On voit
aujourd'hui tout le mal causé par la négligence
commise par les ministres des cultes qui tolé-
raient que les sérmons des curés bretons soient
faits en langue bretonne, et que le catéchisme
soit enseigné en breton.
Ce qui est plus grave encore que ces insinua-
tions jésuitiques, ce sont les appels à la ré-
volte et à la guerre civile qùi accompagnent
l'information de la Croix de Morlaix.
Les menaces faites aux Bretons par les Français
font bouillir le sang de nos cœurs. Plusieurs comme
Pontalle il y a 180 ans sont prêts à donner leur vie
pour la liberté de la Bretagne. Soyons donc dé-
fiants à l'égard des traîtres qui tous les jours lè-
chent l'assiette au beurre de Combes et à ses con-
seillers et unissons nos cœurs et nos esprits avec
les vrais Bretons qui n'ont jamais été les esclaves
des Français.
Il n'est point besoin de flétrir de pareils pro-
cédés, il suffit de les signaler, tous les bons
Français seront juges. — L. Armbruster.
Voir à la 3,J page
les Dernières Dépêches
PARTI RADICAL-SOCIALISTE
Le congrès de Marseille
On sait que le congrès du parti se tiendra à
Marseille du 8 au M octobre prochain. Nous ferons
connaître demain le règlement de ce congrès.
Voici l'appel que lance le comité exécutif aux co-
mités, ligues, fédérations, groupes et citoyens ad-
dérents au parti
Paris, le ln juin 1903.
Citoyens,
La tradition des assemblées générales du
parti républicain radical et radical-socialiste
est désormais établie. Le congrès annuel est
devenu statutaire et il a été décidé, l'an der-
nier, à Lyon, que le 3e congrès radical et radi-
cal-socialiste serait tenu à Marseille en 1903.
D'accord avec la Fédération marseillaise, la
commission d'organisation a proposé la date
du 8 octobre pour l'ouverture de ce congrès.
Le comité exécutif, dans sa séance du 18 mars
dernier, a approuvé cette date à l'unanimité.
Le 3e congrès du parti se tiendra donc à
Marseille, salle Juvénal, dite des « Cinq cents
couverts aux chartreux», les jeudi 8, vendredi
9, samedi 10 et dimanche 11 octobre.
En vous invitant à lui adresser votre adhé-
sion personnelle ou celle des groupements aux-
quels vous appartenez, le comité exécutif a
l'honneur de vous transmettre sous ce pli :
1° Le règlement du congrès ;
2° Des mandats de délégués des comités ou
groupements ;
3° Des bulletins d'adhésion individuelle.
Vous remarquerez que, conformément à
l'article premier des statuts du parti, le co-
mité exécutif invite tous les groupements ad-
hérents : comités, ligues, fédérations, sociétés
de propagande, groupes de libre-pensée, loges,
etc., à se faire représenter au congrès par un
nombre de délégués en rapport avec leur im-
portance numérique. Il adresse aussi un pres-
sant appel aux membres du Parlement, aux
élus cantonaux, aux anciens élus se réclamant
du parti ; aux municipalités républicaines qui
peuvent envoyer des délégués ; aux journaux
radicaux et radicaux-socialistes.
Un grand parti comme le nôtre doit certai-
nement sa force à ses aspirations généreuses,
à sa ferme volonté de réaliser son idéal démo-
cratique. Mais quelles que soient l'énergie et
la vigilance de toutes les individualités et des
collectivités qui le composent, le parti n'est
vraimenffort que s'il y a entente durable entre
ses élénients, divers peut-être en apparence,
unis et nécessaires les uns aux autres en réa-
lité. C'est pourquoi nous ne saurions trop in-
sister ton seulement auprès de nos comités qui
sont les cellules de notre organisation fédérale,
mais encore auprès des autres associations, au-
près des membres du Parlement, auprès de
tous ceux que la confiance populaire a inves-
tis d'un mandat important, pour que nos con-
grès soient la représentation exacte du parti
et maintiennent le faisceau uni de toutes ses
forces.
: Citoyens, le congrès de 1901 a été une révé-
lation pour le parti, qui se cherchait en quel-
que sorte. Celui de 1902 a été une assemblée
constituante. Le congrès de 1903 doit ouvrir la
période de l'action méthodique et continue.
Le congrès de 1901 a préparé le succès des
élections législatives. Celui de 1902 a été suivi
d'une victoire républicaine importante égale-
ment dans le renouvellement partiel du Sénat.
Le congrès de 1903, s'ouvrant six mois avant
les élections municipales, doit avoir son re-
tentissement dans toutes les communes de
France. -
Mais, si courtes que soient les heures des
réunions plénières du parti, le congrès ne s'en-
fermera pas dans les limites étroites de la pré-
paration des luttes électorales prochaines;
abordant ou poursuivant l'étude des questions
politiques, économiques et sociales, dont la
solution s'impose à brève échéance, il fera œu-
vre politique profonde et féconde pour le dé-
veloppement de la Hépublique.
'Citoyens, le comité exécutif vous prie donc
instamment de prendre part aux travaux, du
congrès, soit personnellement, soit par les dé-
légués de vos groupes. JI faut que le 8 octobre
prochain, se trouvent réunis à Marseille, dans
une imposante assemblée, les représentants les
plus autorisés de la démocratie militante qui
s'abrite sous le drapeau radical et radical-so-
cialiste.
Veuillez agréer, citoyens, l'assurance de mes
sentiments les plus dévoués.
Le président du comité exécutif, MAUJAN, dé-
puté de la Seine.
N. B. — Adresser les adhésions dans les plus
courts délais possibles et avant le 20 septembre
au plus tard, au siège social, 9, rue de Valois,
Paris (1 el).
Tous les fonds doivent être adressés à M. Gus-
tave Lefèvre, trésorier du parti, 9, rue de
Valois, Paris (1 el).
Des démarches seront faites pour obtenir,
comme les années précédentes, la faveur du
demi-tarif sur les chemins de fer à tous les
congressistes. Mais nous croyons devoir appe-
ler l'attention sur ce fait, que les adhésions de
la dernière heure créent des difficultés pour les
formalités à remplir auprès des Compagnies.
——————-————— -————————————
L'AUGMENTATION DE LA CAVALERIÉ
ALLEMANDE ET LA TACTIQUE
Ive notre correspondant particulier)
Berlin, 8 juin.
L'augmentation des troupes de cavalerie est
demandée par l'état-major pour des « raisons
de tactique ». Il s'agit de familiariser les régi-
ments d'infanterie de la frontière avec la tac-
tique à employer contre les attaques de la ca-
valerie ennemie. Les nouveaux régiments de
cavalerie serviront tout d'abord a renforcer
les garnisons à la frontière russe.
Il LA CATASTROPHE
DU LIBAN *
Un récit autorisé. — Marie Nicolini. -
Ce que disent des témoins. — Scènes
épouvantables. — La reconnais-
sance des corps.— A la compagnie
Fraissinet. -- Dévouement des
sauveteurs. — L'histoire du
navire. — Le théâtre de la
catastrophe.
A mesure que l'on connaît de nouveaux
détails sur l'épouvantable collision de l'insu-
laire et du Liban, la catastrophe apparaît plus
terrible. Nous avons donné hier les dépêches
qui nous sont parvenues la nuit dernière ; celles
qui les ont suivies montrent de plus en pluj*
nettement toute l'horreur de es sinistre.
Le récit du commandant du « Balkan »
Marseille, 8 juin,
Voici en quels termes le commandant Car-
riès, du Balkan, de la Compagnie Fraissinet,
un des premiers navires arrivés au secours du
Liban, a fait le récit de la catastrophe :
La collision s'est produite à midi dix minutes*
d après un officier du Lilfan que j'avais recueilli à
mon "bord.
Mon navire, le Balkan, était parti de la Joliette
à onze heures trente-cinq, faisant route pour Gê-
nes, Naples et la Thessalie, et ayant à bord des
passagers parmi lesquels une troupe d'artistes di-
rigée par M. Bonnet et composée de MM. Max
René, Georges Martel et de Mmes Lili ey, Li-
liane, Zoza Bousoir, Elise de Noriac, Menazzi et
Clary Belvère. Le temps était superbe et le Balkan
ne tardait pas à arriver près du rocher de l'île
Maire sans incident. -
A ce moment j'aperçus YInsulaire qui débouchait
venant du Sud. Ce navire sifflait pour attirer
1 attention et faisait des signaux de détresse. Aus-
sitôt M. Florent Merlin, mon capitaine en second,
M. Albert Seuve, mon lieutenant, et moi, nous re-
gardâmes avec des jumelles et nous vîmes que
l'avant de l'Insulaire avait une large déchirure et
« gîtait a d'une façon inquiétante. On fit des signaux
à bras, et j'aperçus le commandant de l'Insulaire.
Il m'avertit de ne pas prendre garde à lui, mais
d'aller plus loin, vers le Liban, qui se trouvait en
perdition par le travers de l'île des Deux-Frères,
rochers qui sont situés à peu de distance de l'île
Maire.
Ainsi .T'enseigné, Je fis accélérer notre marche et,
arrivant peu après sur les lieux, je pus me rendre
compte de l'accident qui s'était produit : le Liban
était devant nous, son avant plangé dans l'eau ; il
coulait à vue d'œil.
J'ordonnai d'abord de mettre les embarcations à
la mer. Puis j'eus la pensée de mouiller une an-
cre et d'établir un va-et-vient avec le Liban. MaiSj,
à considérer la rapidité avec laquelle l'eau pénétrait
dans ce paquebot, je compris que cette manœuvra
était inutile. Alors, je m'approchai le plus possible
du navire en détresse.
La première embarcation qui se dirigea du Bal-'
kan vers le Liban était commandée par le lieute-
nant Seuve qui, au prix de mille efforts, put effec-
tuer deux voyages et prendre dix-sept personnes
naufragées, vivantes ou mortes. Le lieutenant Seuve
et les marins qui montaient son embarcation fail-
lirent être entraînés dans le remous que détermi-
na le Liban en coulant à pic, et c'est miracle que
le mât avant du navire ne les ait pas 0 chavirésa.
La deuxième embarcation du Balkan était com-j
mandée par le capitaine en second Merlin, qui
réussit à prendre vingt naufragés, dont plusieurs. ;
malheureusement,étaient morts. t
M. Georges Touar,mécanicien à bord du Balkan,
prit le commandement de la troisième embarcation 1
et c'est lui qui transporta à notre bord- les persoA- >
nés sauvées par les deux embarcations de MM.Mer- *
lin et Seuve. Ce sauvetage présenta naturellement
des difficultés considérables, car, dans la panique
épouvantable qui régnait, au milieu du tumulte,^
des cris d'angoisse et d'effroi, les sauveteurs n&
pouvaient tendre les mains à tous. Vingt fois ils
risquèrent eux-mêmes d'être engloutis. Le matelot,
Semeriva, qui était sur lé canot de M. Merlin, se
distingua particulièrement en plongeant à diffé-
rentes reprises pour sauver des enfants et des
femmes.
Bientôt tous les passagers recueillis par les em-
barcations du Balkan furent à bord de ce vire.
où le docteur Secomi donna ses soins aux infortu-
nés que venaient d'échapper miraculeusement à la
mort. Tout lé personnel et les passagers firent
preuve d'un dévouement admirable : les dames ar-
tistes se conduisirent comme de véritables soeurs
de charité. D'ailleurs, un de leurs camarades, M.
Max René, s'était déjà courageusement distingué
en prenant place avec mes matelots dans une des
embarcations et en concourant aux opérations de
sauvetage.
Nous fîmes enfin lo compte récapitulatif des per-
sonnes sauvées par les matelots au Balkan, et nous
constatâmes alors que ces bravés gens avaient ar-
raché à la. mort quarante passagers. En outre, il?
avaient ramoné vingt et un cadavres, dont huit de
petits enfants ot treize de personnes âgées. Tout
cela sans compter dix-sept hommes de l'équipage
du Liban.
Voici, d'ailleurs, la liste des survivants du Libtm
recueillis sur le Balkan:
Paul Basteiica, matelot; Pierre T&omas, gurtte
général des eaux et forêts; Maria André ; Gabriel
Kamel, second maître d'hôtol ; Louis Dovassa, ma-
telot ; , Doux, deuxième mécanicien ; Hedel, chef
mécanicien ; François Paoli et son fils;
Méria, chauffeur ; Giuseppe Vani, ouvrier italien,
passager ; Albert Ribot, garçon d'offlee ; Joseph
Pietri, cordonnier ; Léon Fazzi, cordonnier ; Ma-
thieu Colombani, matelot ; Paul Caitucoli ;
Gaston du Gardin, sous-inspecteur dos douanes à
Bastia ; Désiré Mattei et Mathieu l\Iattci,chaufTllrsr
mais qui étaient simples passagers à bord du Libant
et leur sœur, que le premier d'entre eux a sauvée ;
Louis Sillon, chef de cuisine à bord du L'lbanj
Franceschetti, magistrat; Dominique Valéry, Jean
Fascioni, Dappilge Oddo, ouvriers italiens ;
Félix Sanguinetti, étudiant à l'école navale ; An-
toine Zerbiai, matelot; Pierre Lorenzl, coiffeur;,
Paul-André Vincentelli, cultivateur ; Antoine Gonel,
adjoint au 145e d'infanterie ;
Jules Vidal, soutier; Pietruzzi, adjudant, qui sa
rendait en permission à Bastia ; Mme Scolti ; LoUIs.,
Maury ; Jean et Joseph Lacotte, les deux fils du
commandant du Liban ; Pages, maître d'hôtel et
Mme Pagès, feir^e de chambre ; Auge-Pierre Ga-
letti, caporal au ille d'infanterie, et une petite fil-
lette dont on ne sait pis le nom, dont les parents
ont péri et qui a été recueillie sur le Balkan par
les dames artistes*
Un détail : les frères Mattei et leur sœur se ren-
daient en Corse, à Pietracorbara, mandés par une
dépêche qui leur -annonçait la mort do leur père.
Bien entendu* les artistes de la tournée Bonnet,
qui ont prodigué leur dévouement pt leurs soin-
aux naufragés, sont revenus ài mou bord
Marseille. -
Mais le Balkan n'est pas le sqnl navire qr
ait pris part aux opérations de sauvetage ; le n
peur autrichien Rakocsy, venant de Fiume, t
recueilli 14 personnes ; le Planier, de la Com-
pagnie Fraissinet, a recueilli une partie de ré.
quipage du Liban. Quant au vapeur de pilotage
Dtéchamp, il a ramené les pegeonnes dont nousi
avons donné les noms hier. I
LA PETITE MARIE NICOLINI
Marie Nicolini est une enfant de 10 ans dont
le père, sous-brigadier de police du 14e arron-
dissement de Paris, demeure 104, rue du Châ-
teau. Elle a été recueillie par M. Mourut, chef
du pilotage.
- Nous nous sommes présentés hier matin chez
le sous-brigadier Nicolini, 104,rue du Château,
Mais celui-ci venait de sortir pour aller deman-
der l'autorisation de partir immédiatement
pour Marseille. Une voisine nous a donné les
renseignements suivants :
En apprenant la disparition de sa femme, 16
malheureux a été pris d'un affreux désespoir. H
voulait se brûler la cervelle. Mme Nicolini et sa
fillette étaient parties de Paris samedi soir. E Uea
n'étaient pas allées en Corse depuis qu elles avaien
quitté cette île pour venir à Paris, il y a neuf an.
environ, C'était pour faife connaître à la flllettf
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