Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-06-04
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 04 juin 1903 04 juin 1903
Description : 1903/06/04 (N12137). 1903/06/04 (N12137).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
CINQ CENTIMES le ISTunaéfo. EARIS & DÉPARTEMENTS
Le Numéro CINQ CENflMEw
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De 4 à 8 heures du soir et de 40 heures du soir à 1 heure du matin
No 12137. — Jencli 4 Juin 1903
16 PRAIRIAL AN 111
ADMINISTRATION ; 14, rue du Mail
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
NOS LEADERS
t fRAI DE JTIE
La Chambre entend avec raison pous-
ser jusqu'au bout la besogne politique
à laquelle elle s'est attachée. Elle ré-
duira les congrégations et amorcera,
si elle ne peut la réaliser elle-même,
la séparation des Eglises et de l'Etat.
Sur ce terrain, le parti républicain de-
meurera ferme. Il y est à l'aise. Ne ces-
sons pas de le redire : c'est la liberté
de conscience qu'il défend.
Certes, c'est une rude guerre que
cette lutte contre les congrégations et
l'intolérance, et cependant elle ne sau-
rait constituer toute notre politique aux
yeux du pays. Le pâté de moines lui pa-
raîtrait à la longue aussi fatigant que le
légendaire pâté d'anguilles, si d'autres
réformes n'étaient en même temps
entreprises. Il faut libérer le pays de
l'action cléricale, mais il faut le libérer
auss j du joug de la misère et de toutes
les institutions rétrogrades qui depuis
trop longtemps l'asservissent.
La loi d'humanité,d'assistance et de
solidarité sociale, qui figure à notre
ordre du jour et dont Puech faisait hier
si clairement ressortir l'esprit et les
avantages sera bien reçue de toutes
parts. Ellle réalise un progrès sérieux
et marque une étape décisive.
Cette autre réforme que les électeurs
réclament également avec une légitime
insistance, c'est la réduction des frais
de justice.
Je n'ai pas à dire ce que sont ces frais
aujourd'hui.
Peu ou prou tous les citoyens en ont
éprouvé le tarif. La gratuité de la jus-
tice figure au frontispice de nos insti-
tutions comme un des principes les
plus sacrés de notre droit, comme une
des règles les mieux assises de notre
Code. Et de fait, les épices sont depuis
longtemps abrogées, et les plaideurs
n'ont plus à payer directement leurs
juges. Mais à quoi leur sert cet avan-
tage s'ils ne peuvent, en revanche, ac-
complir presque aucun acte juridique
un peu important sans passer néces':::-.
sairement par le ministère de certains
intermédiaires aussi coûteux qu'obli-
gatoires, s'ils ne peuvent prendre ju-
gement sans juger, lever l'expédition
d'un acte sans payer, signifier aucune
de leurs prétentions sans payer, suc-
comber sans payer bien au delà de
leur dette ? A quoi leur sert-il enfin
.s'ils ne peuvent même triompher dans
leurs prétentions les plus justes sans
paver encore ? -- -
Tous les citoyens sont théoriquement
égaux devant la loi. D'accord. Mais ils
ne le paraissent guère devant la procé-
dure. Le plus fortuné pouvant plus
aisément saisir un plus grand nombre
de juridictions a toujours plus de
chances en sa faveur. Et pourtant, si
l'égalité pouvait être un instant rom-
pue devant la justice, c'est au profit du
pauvre, de l'infortuné qu'elle devrait
l'être.
Ce n'est pas que la République ait
été indifférente à cette situation. M.
Henri Brisson a fait, il y a quelques
années, voter une diminution notable
des frais de justice. M. Clemenceau
vient de saisir le Sénat d'une impor-
tante proposition, très étudiée, qui fai-
sant de l'Etat le maître de tous les offi-
ces ministériels, allégerait dans de for-
tes proportions le fardeau si lourd qui
écrase les justiciables. De son côté, M.
Cruppi a fait insérer à l'ordre du jour
d'une des prochaines séances la propo-
sition depuis si longtemps en suspens
qui étend la juridiction des juges de
paix. Cette proposition, qui attend son
tour depuis tant d'années, aurait entre
autres conséquences celle-ci, qu'englo-
bant dans la compétence des juges de
paix une foule de petits procès jugés
aujourd'hui par les tribunaux d'arron-
dissement, elle les ferait bénéficier de
la procédure moins onéreuse des tri-
bunaux eantonaux.
Nous savons bien que l'Etat a besoin
d'argent. Mais nous savons aussi que la
justice est une dette sacrée de la So-
ciété envers ses membres.
« Les impôts sur l'usage, de la justice
sont mauvais, dit un économiste fort
3stimé> parce qu'ils ne la rendent ac-
cessible qu'aux riches et en interdisent
lacées aux pauvres. Ainsi, les frais de
limbre, de greffiers, d'huissiers, d'en-
registrement, etc., font reculer le pau-
vre qui voudrait soutenir ses droits
contre un riche. En vain on a institué
une assistance judiciaire : on peut n'ê-
tre pas mendiant et cependant n'avoir
pas le moyen de plaider. Il faut donc
supprimer toute espèce d'impôts sur
cette matière, pour les remplacer par
des dommages-intérêts au profit du
gagnant, avec une amende au profit de
l'Etat. Alors la justice sera véritable-
ment gratuite : car les juges accorde-
ront les dommages-intérêts de façon
que les avocats mêmes soient suffi-
samment rémunérés. (VILLlÃUMÉ, Eco-
nomie politique.)
Les frais sont actuellement suppor-
tés par la partie succombante. Mais un
grand nombre de frais n'entrent pas
en taxe et ne sont pas remboursés,
quelques-uns même ne pourraient
l'être. D'autre part, quand la partie
qui succombe est insolvable, son ad-
versaire ne peut être remboursé. Et
puis, est-il bien juste d'accabler sous
les frais un débiteur qui ne nie pas sa
dette, qui la reconnaît, mais qui en
élude le payement uniquement parce
que les ressources lui manquent ? Tel
autre a cru faussement à son bon droit,
il s'est trompé sur la partie d'un texte
de loi que le tribunal, et que la cour
d'appel ont interprété dans son sens,
mais que la cour de cassation explique
d'une autre manière. Il s'est trompé,
lui profane, là ofr se sont trompés avec
lui ceux qui font profession et qui ont
reçu mission d'étudier la loi, de la con-
naître et de l'appliquer. Il paye pour
son erreur et pour l'erreur des autres.
Heureux encore si les nouveaux juges
que lui désignent la Cour suprême
jugeât contre lui ; car s'ils lui étaient
iavorables, leur arrêt serait frappé
d'un nouveau pourvoi ; nouveau débat
en cassation; nouveau renvoi devant
une autre cour, et c'est le plaideur
qui acquitterait tous ces frais, et qui
en serait d'autant plus complètement
ruiné qu'un plus grand nombre de tri-
bunaux et de cours auraient jugé en sa
faveur.
La réforme des frais de justice a fi-
guré longtemps dans nos programmes.
Les électeurs se sont lassés de là de-
mander, ils la recevront avec joie le
jour où le Parlement voudra bien leur
faire l'heureuse surprise de la leur ac-
corder.
Louis Martin.
0
TROP DE PRÉTENTION
Mieux vaut en rire, mais en rire
largement que s'en fâcher comme
le font les journaux nationalistes.
Un croiseur allemand, Y Amazone,
vient de s'échouer en pleine rade
de Brest. Ce croiseur appartient à
l'escadre que commande le prince Henri de
Prusse, frère de l'empereur Guillaume et
qui manœuvre, en ce moment, au large
d'Ouessant. Il avait été chargé par le prince
de porter à Brest le courrier de l'escadre.
Son commandant, très sûr de lui-même
évidemment, a refusé le concouis des pilo-
tes. Il croyait faire une entrée triomphale.
Patatras ! Le croiseur donne de l'éperon
contre des travaux recouverts par la haute
mer et indiqués par une bouée et le voici
immobilisé un certain temps, obligé de dé-
barquer ses canons, de mettre à terre tou-
tes ses munitions.
Il a fallu deux ou trois puissants remor-
queurs et l'aide de nombreux marins du
port pour le tirer d'affaire. Quoiqu'ayant
fait de sérieuses avaries, le croiseur a pu
être renfloué et repartir seul. Son comman-
dant a dû être bien reçu par le chef de
l'escadre.
Là-dessus, les nationalistes fulminent.
« Si nous avions un gouvernement, jamais
croiseur allemand n'entrerait à Brest. » Et
pourquoi, je vous le demande ? Est-ce que
les cuirasses français n'entrent pas dans les
ports de guerre étrangers ? Qu'y a-tril de
secret à leur cacher dans une rade ? Est-ce
la rade elle-même ? Est-ce son système de
défense ? Quelle façon sotte et ridicule de
comprendre ies rapports internationaux en
temps de paix ! - ----
Vous pensez bien qu il n existe, pas une
marine au monde qui ne connaisse tous les
atterrissages de la rade de Brest, ses pas-
ses, ses fonds et ses endroits dangereux.
Le ministère français de la marine a fait
éditer des cartes des côtes de notre pays.
N'importe qui peut en acheter. Les profon-
deurs, les récifs, les bouées, les batteries,
les forts y sont indiqués. Dans toutes les
écoles navales du monde, on apprend aux
futurs officiers l'hydrographie des ports de
guerre français, de même que dans la nôtre
on y enseigne celle des ports de guerre
étrangers.
Il est bien certain que le commandant de
l'Amazone a appris jadis sa rade de Brest,
tout coiryïie celle de Portsmouth ou de
Kiel. Mais, vQilà. Il s'est cru plus fort qu'il
ne l'est en réalité et, au lieu de piquer droit
sur l'eau profonde, il a heurté un des mu-
soirs en construction. S'il avait cru qu'il
ferait une mauvaise manœuvre, il aurait
sans doute utilisé la science d'un pilote.
Mais il croyait passer d'emblée.
La prétention allemande, toujours ridi-
cule parce que très, souvent elle ne s'appuie
pas sur des connaissances incontestables-,
reçoit là une bonne leçon. Nous n'en tire-
rons pas cette conclusion que tous les offi-
ciers allemands sont de nïauvais manoeu-
vriers.Ce serait trop bête. Mais, il nous sera
bien permis de dire qu'il y en a au moins
un. Ce qui ne nous consôlera pas pour-
tant des fautes commises dans des circons-
tances analogues, — et sur les côtes fran-
çaises, hélas ! - par quelques- uns des
nôtres.
La vraie morale de cet événement nous
paraît être celle-ci: que l'on plaisante le
commandant de Y Amazone, soit.. Mais aussi
que l'on se dise bien que c'est avec de pa-
reilles instructions données à des officiers,
instructions leur recommandant expres-
sément de manœuvrer seuls, sans l'aide
de pilotes, que l'on fait des manœuvriers
-excellents et audacieux. Or, en temps de
guerre, l'audace est souvent préférable à la
prudence. — Ch. B.
-——————————
LE SULTAN ET LA DETTE OTTOMANE
- Francfort, 2 juin.
On télégraphie de Constantinople à la Ga-
zette de Fraficfort :
M. Auboyneau avait été avisé samedi Soir,
au palais, de là publication de l'iradé d'unifi-
cation de la Dette, et la censure aurait laissé
passer jusqu'à midi les dépêches relatives à cette
affaire. Cette administration a reçu ensuite
l'ordre de tout intercepter. Le sultan avait pu-
rement et simplement retiré l'iradé.
A la suite de cette décision, M. Auboyneau a
déclaré aujourd'hui au sultan qu'il renonçait à
remplir les fonctions d'intermédiaire et qu'il
quittait Constantinople. En même temps, M.
Auboyneau a remis au grand-vizir une lettre
de la Banque ottomane, dans laquelle cet éta-
blissement déclare rompre les négociations.
LE RAPPEL
ARTISTIQUE ET LITTÉRAIRE
Promenades dans Paris. — Les anciens
quartiers. —. Le Temple et la « bro-
cante ». - Notre-Dame et ses
ruelles. — Monsieur et Ma-
dame Bille.
Dès nos premiers entretiens, il fut question
de l'art dans la rue, de cette beauté mouvante
qui se renouvelle, des œuvres qu'une édilité
bien intentionnée sème aux carrefours, quel-
ques-unes pitoyables 1
Avez-vous remarqué combien le temps, à
défaut des truqueurs, aime à soigner, à « pa-
tiner » les grâces d'antan ? Les jolies choses
des siècles révolus ont revêtu cette teinte rose,
amoindrie, éteinte, que laissent les couchants
et la poudre des ans, et ce n'est pas sans émoi
que le rêveur découvre des vestiges de ce qui
charma les contemplations de nos pères. Là
ils vécurent, là se retrouve l'effort d'artistes
oubliés, la sublime collaboration du ciel et des
hommes. Rien n'évoque d'aussi vives lueurs
sur jadis, tout ce qu'on sait d'Histoire s'élance
au-devant de ces rencontres.
Les anciens quartiers
je suis heureux d'avoir un guide, plusieurs
mêmes. M. E. Le Deley m'a transmis les cahiers
qu'il publie avec les textes de MM. Edmond
Beaurepaire, Funek Brentano, Charles Sellier
sur les anciens quartiers de Paris, hélioty-
pies d'un fini parfait, rares visions d'autrefois.
Les plus, récentes photographies uniques dè"
collectionneurs avisés s'approchent jusqu'à
trente ans. D'autres ressuscitent le crayon des
petits maîtres et les illustrateurs célèbres de
ces époques lointaines.
La reconstitution de ce qui a complètement
disparu passionne plus encore. Les transforma-
tions du décor qui nous environne échelonnent
l'Histoire, plantant de poétiques jalons dans nos
annales. M. Edmond Beaurepaire explique l'ab-
baye romane deSt-Germainl'Auxerroissedres-
sant, après les terreurs de l'An Mil, au lieu où
Geneviève attendit les secours que l'évêque
d'Auxerre avait été chercher en Armorique
contre les hordes d'Attila. Son remplacement
au XV' siècle par l'église actuelle, que Pierre
Lescot, conseiller au Parlement de Paris (1541)
devait enrichir d'un jubé merveilleux, le soli-
taire château du Louvre, suzerain féodal des
grands vassaux, les poteries et les tuileries s'é-
tendant jusqu'aux marais, de ce qui est aujour-
d'hui la place de la Concorde, complètent la
physionomie de ces régions au Moyen-Age.
Une miniature extraite des Grandes Heures
du duc de Berry (coll. du Musée Condé), re-
produit la forteresse royale, enceinte formida-
ble de créneaux et de tours, spécimen luxueux
et violent de l'architecture militaire.
Les Tuileries
François I" habitait alors les Tournelles, au
bord de la Seine, empuantie par l'égout Sainte-
Catherine. Il achète au trésorier de France,
Nicolas de Neufville, sa maison des Tuileries,
et y commence, après la visite de Charles-
Quint, la série do palais que devaient conti-
nuer ses successeurs.
Suivez cette élévation patiente, Jean Goujon
enrichissant le vieux Louvre, le Lyonnais Phi-
libert de l'Orme traçant pour Catherine de Mé-
dicis les plans de ce qui deviendra « les Tuile-
ries », les jardins prenant forme, Louis XIII y
faisant construire la Volière dont Israël Sil-
vestre devait laisser une vue précise, Jacques
Lemercier travaillant à l'aile du Nord du Lou-
vre, Jean Bullant, Levan et François d'Orbay,
son gendre, continuant l'oeuvre des Valois et
des Médicis, et enfin Claude Perrault, médecin
des Médicis, dé Vitruve, architecte amateur,
des Médicis, de Vitruve, arebitecte amateur,
traducteur de Vitruve, arohitecte amàteur,
présentant à Colbert les dessins de la colonnade
qui devait l'immortaliser.
Cette demeure de nos rois offrit donc, pen-
dant des siècles, un bizarre assemblage de
constructions auxquelles chacun ajoutait. On
ne sait même encore de nos jours si sa, forme
est définitive.
Ce n'est guère d'ailleurs que le dix-hui-
tième siècle qui le dégagea des sordides bâtisses
qui l'enserraient de toutes parts, escaladant
jusqu'à ses toits 1
Le Temple
Les gravures d'Israël Silvestre montrent ces
continuelles transformations, au 17e siècle,
puis au 18e celles de Gabriel Saint-Aubin et
les tableaux de Demachy. Mais il faudrait des
volumes pour les suivre pas à pas, M. Frantz
Funck-Brentano décrit les souvenirs du Tem-
ple, de Saint-Paul, la place Royale, le Marais,
l'Arsenal, la Bastille. « Cette région, dit-il,
formait au début du XVIIe siècle, le cœur même
de la ville : séjour de la noblesse et de la haute
bourgeoisie, et que déjà la bourgeoisie beso-
gnante, créatrice de, progrès. et de richesses
commençait à envahir ». Il évoque ces châ-
teaux fortifiés, encombrés d'artisans et de
marchands, serfs libérés, se soudant peu à
peu, laissant éclater loprg murailles sous l'ex-
tension de tous ceux-ci, pour former la bour-
gade, la cité, où devenus des géants isolés, ils
seront noyés à leur tour.
Sous, Louis XIV, SauvaI, compte encore
dans Paris vingt-quatre territoires seigneu-
riaux indépendants de la justice du roi. Le
Temple, jusqu'à fa Révolution, fut une ville
dans la ville, militaire et fortifiée, aux portes
de laquelle tombaient les droits, les privilèges,
les patentes, lin rçfnge parfait, dont la seule
cour intérieure, la place publique, occupait
tout un quartier d'aujourd'hui. On sait quelles
pages se rattachent à la tour du Temple, dé-
molie par ordre de Napoléon en 1808.
La place Royale
A côté s étendaient les cultures mavaîcheres,
dans le « marais j), devenu pour partie une in-
dustrieuse agglomération. Les jardins plus pro-
ches de la Seine, avoisinant le manoir Saint-
Paul, se.bâtirent d'hôtels particuliers, séjour
de l'aristocratie française, et de maisons dé
plaisance. Henri IV, sur l'emplacement de la
résidence des Tournelles, fit construire la placé
Royale. ,
Lps familles de VjHedeuii, Chaulnes, Hohan-
Chabot, Dàngeali, Lavafdîn l'occupèrent, Mme
de SéyignÕ y naquit, Marion Deiprme y mou-
rut, Richelieu y vécut quelque temps, Victor
Hugo et Théophile Gautier y tinrent de reten-
tissantes assises littéraires. L'Hôtel de Soubise
est devenu Palais des Archives nationales, ce-
lui de Rôhan Imprimerie Nationale, celui de
Kernevenoy (Carnavalet) Musée Municipal,
celui de Sully (143, rue Saint-Antoine), cons-
truit par Ducerceau, celui de Fieubet (2, quai
des Célestins), restauré par Mansart, et l'Hôtel
de Sens, se sont démocratisés. L'ancien cou-
vent des Célestins, célèbre par son cloître et
ses sculptures, est remplacé par une caserne.
Sur la Bastille tout a été dit. Mais ce qui est
moins connu peut être, c'est que la vieille for-
teresse était hors d'usage quand_éclat4 le mou-
vement révolutionnaire et que sa démolitioh
était décidée depuis quatre ans quand le peu-
ple se chargea de la besogne.
La Cité
M. Charles Sellier parcourt des quartiers
non moins curieux, la Cité, bercéaii de Paris,
lès alentours de Notre-Dame, impératrice ca-
tholique, le cloltro et toutes ces ruelles où sont
venus rêver les plus célèbres écrivains, l'im-
passe Saint-Martial, la rue aux Fèves, le Caba-
ret du Lapin Blanc, les rues des Trois-Canettes
et des Marmousets, peuplées de truands redou-
tables, les arcades souterraines du quai de
Gèvres, où se réfugiaient les malandrins.
Eugène Sue, de nos jours y fait dérouler ses
Mystères de Paris,le prince Rôdolphey rencon-
tre Fleur de Marie et le Chourineur.
Toute l'histoire de Paris jusqu'au 13e siècle,
est enclose dans les murs de la cité, ville for-
tifiée. Les vestiges gracieux de ces époques
sont rares, quoiqu'il y ait ce bijou de Pierre
de Montereau, la Sainte-Chapelle. Mais les mo-
numents remarquables, reconstruits, remaniés
ou restaurés de siècle en siècle, y sont légion.
oh y distribue la Justice, on y répartit la cha-
rité. Et la transformation des quais, des ponts,
le dégagement progressif de la cathédaale sont
dans toutes les mémoires. Je les ai suivis dans
les planches de Le Deley.
M. et Mme Bille
M. et Mme Bille, c'est vous, c'est nous, le
modeste ménage bourgeois qui trépigne au
jour le jour avec ses menus actes, ses moin-
dres faits, ses réflexions où la niaiserie pom-
peuse bouscule le fin bon sens des petites gens.
Cette création de M. Pierre Villetard, un tout
jeune, je crois, un nouveau — c'est à vingt
ans aujourd'hui qu'on pense le mieux — m'a
ravi. J'y ai trouvé du Bouvard et Pécuchet, du
monsieur Bergeret, un peu de caricature à
l'Henri Monnier, une teinte originale particu-
lière.
Chez eux se déroulent, tout doucement, les
comédies du vice et les drames de la vertu.
Monsieur Bille rougit de la présence de Mlle
Josse, la, couturière, une gourgandine! et se
désole qu'une absence projetée de sa femme
soit empêchée par l'orage. Monsieur Bille, in-
congrûment désireux de Madame Bille,s'autorise
de la froideur de celle-ci pour s'offrir une bal-
lerine ambulante. Et les discussions d'intérêt,
— on n'est jamais dépouillé que par les siens !
— les fausses caresses, les hypocrisies coutu-
mières, les bobos quotidiens, tout ce rocaillis
de l'existence fait cascader la petite vie de ces
petites gens. Emma a une angine, grand Dieu !
Que d'émotions. Voyez ses amours idylliques
avec son cousin Etienne, mais elle adore bien-
tôt monsieur Jean Rainette qu'elle ignorait
deux heures auparavant, et qu'elle épouse avec
joie. Et les deux époux Bille, désormais seuls,
vieilliront un peu plus niais, un peu plus gro-
gnons, mais bien humains.
M. Pierre Villetard se révèle excellent pein-
tre de caractères. Ses types ont la chance d'al-
ler leur bonhomme de chemin. Nous les recon-
naîtrons, caricatures discrètes du parfait bon
sens, et goûterons à leurs discours naïfs, échos
des nôtres.
Léon RIOTOR.
MEMENTO. — Aujourd'hui, mercredi 3 juin, aux
Etangs de Ville-d'Avray, déjeuner et fête champê-
tre de Corot, sous la présidence du paysagiste H ar-
pignies. — Un amant de cœur, de M. Paul Acker,
est un livre d'observation vécue. Les aventures
sont celles de bien des liaisons où l'amour sombre
dans les larmes, où les beaux jours s'enfuient trop
rapides. Il y a là un souci de cruelle vérité des
plus méritoires et l'étude du tempérament féminin
y est fort attrayante. — A lire : Un curé constitu-
tionnel, Enseignement vivant des langues vivan-
tes, par J. Lecoq, professeur agrégé de l'Uni-
versité.
OPINION DE M. DE CASSAGNAC
Le guet-apens de Figuig inspire à M. Paul
de Cassagnac, dans l'Autorité,.Jes amères ré-
flexions suivantes :
Voyez-vous le gouverneur général de l'Algérie,
le général O'Connor et M. Aynard, le vice-prési-
dent de la Chambre des députes, qui, paraît-il,
accompagnait son gendre Jonnart, — les voyez-
vous emmenés prisonniers à Figuig, l'échiné - ca-
ressée à coups de matraque ?
M. Paul de Cassagnac ne parait pas saisir
toute l'importance de l'information qu'il nous
apporte. On ignorait généralement que le
vice-président de la Chambre se fût trouvé de-
vant Figuig. On savait seulement que « M.
Aynard » accompagnait M. Jonnart. Mais on
supposait à bon droit qu'il s'agissait du-ehef de
cabinet de M. Jonnart, qui est très proche pa-
rent du député de Lyon — mais qui n'est pour-
tant pas ce député lui même.
Malgré la précision des termes employés par
le directeur de Y Autorité, nous attendrons des
renseignements complémentaires avant d'affir-
mer à nos lecteurs que M. Aynard — le dé-
pulé et non le chef de cabinet — se trouve ac-
tuellement dans le Sud-Algérien.
L'idée que le vice-président de la Chambre
aurait pu avoir « l'échiné caressée à coups de
matraque » ne nous révolte pas moins qu'elle
ne paraît choquer M. de Cassagnac. Il serait,
toutefois, plus sage de raisonner sur les faits
qui se sont passés plutôt que sur ceux qui « au-
raient pu » arriver.
M. de Cassagnac reconnaitra certainement
qu'il faut s'appuyer sur des faits incontesta-
bles pour avancer que « chez nous le sens de
l'honneur est atrophié depuis longtemps » et
que « la Gueuse n'en est pas à un coup de pied
dans le derrière de plus ou de moins ».
- ——————————-
EN BLOC
La comédie ne va pas recommencer, je sup-
pose. Et nous ne verrons pas, à propos des
congrégations de femmes, les mêmes tergiver-
sations que pour les congrégations d'hommes.
Le Temps souhaite que la Chambre examine
chaque demande en elle-même, d'après l'avis
de l'autorité locale et le vœu des populations.
On n'y pense point. Il y aurait là du tra-
vail pour toute une législature.
Il faut donc repousser en bloc les demandes
d'autorisations présentées parles congrégations
de femmes. C'est le seul moyen d'en finir. La
majorité républicaine a condamné en principe
les associations religieuses. Elle serait en con-
tradiction avec elle-même si elle faisait des
exceptions de détail,
Pour arriver au résultat que nous souhai-
tons, M. Combes n'a qu'à marcher droit au
bu], sans dire ou laisser dire qu'il hésite. Com-
ment xionc rallier les timides qui forment l'aile
droite du parti républicain, si l'on ne se mon-
tre pas soi-même résolu et tenace ?
, Une première fois, le président du conseil a
bouclé la boucle, il ne dépend que de lui de
recommencer. La dispersion des congrégations
de femmes est la suite logique et "récessaire de
l'œuvre à laquelle il s'est consacré.
Et s'il est disposé à continuer de faire preuve
de fermeté dans ses décisions et dans ses actes,
aucun des républicains qui. lui ont donné leur
voté lors des refus d'autorisation des - associa-
tions enseignantes, commerçantes ou charita-
bles, d'hommes, ne manquera à l'appèl. -" L.
Armbruster.
-—_J ♦
Berlin fournisseur des candidats
(De noire: correspondant parlicufier)
Berlin, 2 juin.
Il n'y a pas moins de 147 Berlinois" candidats
à la députatjôn au Reichstag : 46 socialistes, M
prdgressistes, lB nationaux-libéraux, 13 con-
servateurs, lî -ln, 14 an:tilÎli, 6 par-
tisans dit cefttré (p.arh catholique) et 5 SQçla-
listes-nationalistès.
M. JONNART DANS
1. LE SUD-ALGERIEN
Le gouverneur général et les chefs in-
digènes. — L'opération de police. —
,' Le banquet de Saïda.
Saïda, 1" juin.
Le gouverneur général est arrivé à Méchéria
à 11 heures.
M, Jonnart qui, à Aïn-Sefra, avait été salué
par un certain nombre d'indigènes à la tête des-
quels se trouvait i'agha de Touat, a reçu à Mé-
chéria de très nombreux caïds des. tribus des
Hamyans, qui lui ont été présentés par l'agha
El-Habis. Ces chefs venaient l'assurer de leur
entier dévouement à la France et au gouver-
nement de la République.
Répondant aux indigènes, M. Jonnart s'est
exprimé ainsi :
Je vous remercie d'être venus me saluer en si
grand nombre. Vous êtes de braves et loyaux ser-
viteurs de la France. Vous pouvez compter sur
.toute ma sympathie. Je ferai appel à votre con-
cours, si la sécurité de nos frontières l'exige. Je
sais qu'en toute circonstance, vous ferez vaillam-
ment votre devoir. Ma pensée vous suivra toujours
et je serai d'autant plus attaché à vos intérêts que
vous vous serez montrés plus soumis à mes ordres
et dévoués à la République.
La France est forte: elle dispose d'une admira-
ble armée et de ressources infinies, et ce n'est pas
l'hostilité de quelques bandes de pirates marocains
qui l'empêchera de poursuivre dans cette région
}'œnvrc de pro". 4lA civilisation qu'elle a en-
treprise.
Le gouverneur a assisté ensuite au déjeuner
offert par les chefs indigènes. Il est remonté
dans le train à 1 heure pour le Kreider où il
est arrivé à 2 h. 112. Il a visité les jardinscréés
par les troupes d'occupation depuis 20 ans sous
la direction du epilaine commandant Pré-
zeau.
On lui a présenté les chefs indigènes qui ont
appris par lui l'événement de Zénagan. Ils ont
demandé à aller là-bas au plus vite.
M. Jonnart leur a répondu : « S'il est né-
cessaire que vous marhiez,le général O'Connor
vous le dira. »
Le gouverneur a donné deux fusils-revolvers
à deux goumiers blessés en 1881 et qui ont de-
mandé à partir pour Beni-Ounif.
Le capitaine Prézeau, commandant le batail-
lon d'Afrique, a dit que le bataillon serait heu-
réux de partir pour la frontière ouest.
M. Jonnart a répondu que la République
sait tout ce qu'elle peut attendre des soldats
d'Afrique. L'heure viendra peut-être où elle
fera appel à leur courage.
Le gouverneur est arrivé à Saïda à 6 h. 112.
Saïda, 1" juin.
Au banquet de Saïda, offert au gouverneur
général, aux autorités et aux officiers de la gar-
nison, M. Jonnart a porté le toast suivant :
Je lève mon verre au maire et aux officiers de
la garnison de Saïda qui entretiennent les meil-
léures relations et sont également attachés à la
grandeur de la France et au rayonnement de son
génie.
Je prie Monsieur le maire de remercier la popu-
lation de la magnifique réception qu'elle a faite
au représentant de la République.
Les officiers savent que toute ma sympathie leur
est acquise. Je viens de faire une rapide excursion
pour me rendre compte de l'état d'esprit des gens
du Figuig. Ce qui s'est passé hier ne laisse aucun
doute sur leurs intentions.
Je veux encore féliciter les officiers et les soldats
qui se sont admirablement conduits (applaudisse-
ments), et je suis heureux de vous lire la dépêche
que je viens de recevoir ; on espère sauver tous les
blessés. (Applaudissements.)
Quant à l'état d'esprit de nos postes, c'est le dé-
vouement, le courage absolus. Je sais qu'avec le
général O'Connor, officiers et soldats iraient au
bout du monde. Vous n'irez pas si loin, mais vous
irez partout où il faut aller.
- Je lève mon verre aux officiers, aux soldats d'A-
frique, au maire et à la population de Saïda, à tous
ceux qui m'ont accompagné dans le pénible voyage
de Bèni Ounif. -
Guebbas, chef de la mission marocainej est
à Saïda depuis hier. Il n'a pas vu jusqu'à pré-
sent le gouverneur général.
Avant la répression
Perrégaux, 2 juin.
Deux bataillons de la légion étrangère par-
tent l'un de Saïda, l'autre de Mascara, pour
Beni-Ounif.
Le général O'Connor rentre aujourd'hui à
Oran pour régler les dernières dispositions con-
cernant le transport du matériel. Il repartira
dans quatre ou cinq jours pour Beni-Ounif et
l'action commencera le 8 ou le 9 juin.
Mort d'un blessé
Une dépêche privée de Beni-Ounif annonce
que le sergent-major blessé dimanche a suc-
combé la nuit passée.
Lorsque le gouverneur général arrivé à Tizi,
le général Bertrand, commandant la subdivi-
sion de Mascara, lui présente les officiers de la
subdivision, et manifeste l'indignation qu'a
causé, l'attentat de Zenaga.
M. Jonnart arrive à Perrégaux à 11 h. 30.
Il y a reçu du sud de nombreuses dépêches.
L'attentat prémédité
On sait maintenant par les gens du ksour
que l'attentat était prémédité.
Le mot d'ordre était donné et 500 bandits
étaient déjà postés sur les deux versants du
col de Zanaga, lorsque le gouverneur, le gèné-
ral O'Connor, l'amel de Figuig et leur suite
le traversèrent à l'aller. Après le passage, les
bandits se rapprochèrent pour perpétrer l'at-
tentat au retour. On sait par quelle cause qu'ils
n'avaient pas prévue leur plan a échoué.
Le gouvernement a distribué de nombreux
secouts aux blessés et donné une somme im-
portante à la compagnie qui a opéré.
Il y a actuellement 300 hommes environ
concentrés à Beni-Ounif et à DfénanEddar.
Déclarations de M. Etienne
M. Etienne, vice président de la Chambre et
président du goupe colonial, dont la compé-
tence dans les affaires algériennes est indiscu-
table et indiscutée, a fait au Temps les décla-
rations suivantes :
Les événements de Figuig prouvent avec la der-
mèré.évjdence qu'une erreur a été commise depuis
plus d'un an à l'égard des bandes do pillards ma-
rocains. Malgré les avertissements prodigués par
le gouverneur général et par tous les hommes,
tant civils que militaires, compétents dans les af-
faires agénennes, malgré les conseils qu'ils don-
naient avec insistance d'effectuer des opérations
de police dws les régions où notre domination est
établie, malgré les avis et les prévisions, on a per-
établie, à laisser impunies les attaques dirigées
contre nos poçtes et contre nos convois de ravi-
taillement. Cette impunité n'a fait qu'enhardir
1 audàce des agresseurs, qui ont trouvé, pour les
seconder' toutes les tribus échelonnées sur notre
frontière- --
L'attaqùe dont a été l'objet le gouverneur géné-
ral eh peïsonqie démontre que nos adversaires ont
le sentiment qu'ils sont en état de nous faire recu-
ler et de nous ramener jusque sur les hauts pla-
teaux.
Nous sommes convaincu qu'après les cruelles ex-
périences faites depuis un an, après la dernière
Siirïolït, le gouvefriement, mieux informé et com-
gletcnàênt edpfô, est résolu it prendre les mesures
les plus énergiques pour châtier comme il convient
l'agression brutale à laquelle M. Jonnart a mira-
culeusement échappé.
Il ne s'aet pas, In l'espèce, de faire œuvre a oc-
cupation territoriale, mêjme momentanée. Plus que
jamais nous affirmons que nous voulons le main-
tien de l'intégrite territoriale de Maroc, Mais il
faut également montrer que nous entendons exer-
cep une prépondérance absolue „sur l'empire chéri-
fien, et affirmer notre force et nos droits quand
ils paraissent devoir AtXr fruatastés par des atta-
ques que l'impunité - il convient de le répéter -
rend de plus; en plus audacieuses.
L'AlIgE ITATIENNE
Rien ne manque plus à la gloire de M. Ed-
mond Rostand, Srcette gloire à laquelle va être-
donnée la solennelle consécration de la récep-
tion académique : M. Edmond Rostand a fait
fermer un théâtre.
Une dépêche de Rome nous apprend que des
manifestations anliautrichiennes s'étant pro-,
duites au théâtre National où l'on donne en ce
moment YAiglottfi*- gouvernement a interdit la
pièce et clos le théâtre.
- M. Edmond Kosland a dû, en apprenant cela.
être prodigieusement étonné. On sait qu'il s'est:
toujours défendu de toute intention politique
et sociale; en 1 cte de sou Aiglon, il a calligra-
phié quatre petite vers, tout semblables à ceux-
dont s'enrubannent les mirlitons, et dans les-
quels il prenait à témoin Dieu lui-même que
ce n'était pas une cause qu'il attaquait ou dé-
fendait. Il y a des poètes qui considèrent que,
leur talent rua de raison d'être que s'il est mis
au service d'une idée<; M. Rostand n'est pas de
de ceux-là. -
Et je constate qu'il a fallu que les Italiens'
aient vraiment bien chaude au cœur l'envie de .,.
manifester, pour qu'ils troùvassent occasion de
manifester dans l'.figltm..
Dansai'Aiglon, M. Rostand a eu, en effet, a,
mettre cri scène l'empereur: d'Autriche, Fran-
çois 1". Nul tyran, nul bourreau, on le sait,
n'est dans l'histoire plus sinistre que cet empe-
reur-là. Il fut aussi lâche devant Napoléon que
cruel pour l'Ilalio. Il a eu, autour de son trône
détesté, les malédictions de tout un peuple Il
a été l'impitoyable geôlier du Spielberg. Sa
mémoire pue le sang et la'honte.
Voyez l'Aiçjlon. Vous y trouverez un bon
vieillard, doux, compatissant, miséricordieux,
humain 1. La farce est bonne. Mais il a suffi
que le souvenir fût évoqué, même caricatura-
lementdel'effroyàbledespotequi tortura laLom-
bardie et la Vénitie, pour que le cœur de l'l-' -.
talie se mit à rugir. A tfavers les blagues de
M. Rostand, les spectateurs du théâtre natio-
nal de Rome, ont vu la vérité.
Je ne saurais blâmer le gouvernement italien
d'avoir pris les mesures de police d'usage en
pareil cas ; il y était obligé f la triplice existe
encore. Mais tout ce qui se passe prouve bien
qu'elle n'a plus le consentement de l'âme ita-
lienne. — L. Victor-Meunier,
Voir à la 36 page
les Dernières Dépêches
de la nuit et
la Revue des Journaux
d il matin
CONSEIL D'UN NATIONALISTE
Cabourg est en fête depuis dimanche. Le
concours d'orphéons, musiques d'harmonies et
fanfares, annoncé dans plusieurs numéros du
Rappel, a parfaitement réussi, si j'en juge par
les dires de personnes compétentes. Les arts,
le commerce et le public se déclarent satis-
faits.
Au diner offert dimanche soir, par le maire
de Cabourg, aux membres du jury, aux con-
seillers municipaux, aux fonctionnaires et au-
tres notabilités, plusieurs toasts ont été portés.
Je ne parlerai pas des riens débités par le dé-
puté de la circonscription, M. Delarbre ; comme
toujours ce sont des mots plus ou moins bien.
alignés à la; suite- les uns des autres et qui
n'ont nulle porter sérieuse ; passons. Je ne
veux retenir qu'une phrase, la dernière, du
toast d'un ancien - vice président du Cdnseil
municipal de ., Paris, M. Levé ; c'est un conseil
qu'il .donne aux électeurs: -
Laissons de côté, dit-il, bannissons d'au milieu
nous la vilaine politique.
- L'aimable M. car M. Levé est un hom-
me privé fort aimable, l'aimable M. Levé, dis-
je, comme tous ses amis en réaction, s'aperçoit
que le trompe-l'œil intitulé nationaîisme agp-
nise, qu'il se meurt, qu'il est mort ; dès lors,
il nous invite à remiser la politique au grenir
des débarras, des vieilles loques.
A son point do') vue, M. Levé a parfaitement
raison ; en effet, à quoi bon s'occuper dé poli-
tique puisque nous refusons catégoriquement;
d'accepter n'importe quel homme providentiel
que messieurs les nationalistes et les réaction- !
maires cléricaux pourraient nous offrir ou
même nous imposer au besoin pour noire propre
salut. ,-.
Trêve à la politique, nous disent-ils, et ce
pendant qu'ils chercheront quelque autre ours
à nous présenter. Nous n'avons voulu et ne
voulons ni de Philippe, ni de Victor, et eficore:
moins de Tartufe. Qui ou quoi vont-ils nous
proposer, et sous quel masque ? ■
Ouais ! mon bon M. Levé,vous voudriez nous,
endormir pendant que vous travaillerez ; héi
bien ! non, nous ne suivrons pas votre conseil
intéressé ; comme vous, nous veillerons j nous
surveillerons vos menées publiques ou Souter-
raines, et nous continuerons à faire de la polk
tique ; nous en ferons sans trêve, malgré vous
et contre vous.
UNE SCENE AU VATICAN
(De notre correspondant particulier)
Rome, 2 juin.
Une scène plus que vive a eu lieu dans les
couloirs du Vatican. M. Pericoli, un des can.
didats au chapeau de cardinal mais qui avait
échoué, a interpellé le cardinal Rampolla, se-
crétaire d'Etat, qu'il rend responsable de son
échec. L xplicatiùn entre les deux hauts di-
gnitaires de l'Eglise fte fait pas précisément
d'une douceur évangéljqUe,
Le cardinal Rampolla a finalement dit au
malheureux candidat : « ih bien ! oui, j'ai
empêché votre nomination, car je sais que
dans un prochain conclave je n'aurais pas pu
compter sur votre voix. a
VELLÉITÉS DE PRONUNCIAMENTO
DANS L'ARMÉE AUSTRO-HONGROIS
(De notre correspondant paHicuXicrj
Vienne, 2 juin,
Un personnage très bien renseigné sur les in-
trigues de la Cour croit savoir que grâce à l'in-
fluence de la coterie connue sous le nom df
CamariUa, il pourrait y avoir un pronuncia-
mento militaire en cas de décès de l'empereur
François-Joseph. Ce mouvement serait dirigé
contre l'archiduc François-Ferdinand, héritier
présomptif de la couronne, qui n'est pas aimé
dans l'armée. Si jamais les militaires très haut
placés qui nourrissent un projet semblable, ar-
rivant à le mettre à exécution, il en résulterait
un iIJlbroglio terrible, peut-être même une vér
ritable guerre entre l'Autriche et la Hongrie.
On sait qu'en Hongrie la transmission du poq<
voir ne peut avoir lieu sii le Parlement de*
vaDt lequellè futur roi doit prêter serment r
Le Numéro CINQ CENflMEw
ABONNEMENTS
Paris «. Trois mois 6 f. six mois 11 f. Un as 20f.
Départements - 7 f. — 12 f. — 24 f.
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16 PRAIRIAL AN 111
ADMINISTRATION ; 14, rue du Mail
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
NOS LEADERS
t fRAI DE JTIE
La Chambre entend avec raison pous-
ser jusqu'au bout la besogne politique
à laquelle elle s'est attachée. Elle ré-
duira les congrégations et amorcera,
si elle ne peut la réaliser elle-même,
la séparation des Eglises et de l'Etat.
Sur ce terrain, le parti républicain de-
meurera ferme. Il y est à l'aise. Ne ces-
sons pas de le redire : c'est la liberté
de conscience qu'il défend.
Certes, c'est une rude guerre que
cette lutte contre les congrégations et
l'intolérance, et cependant elle ne sau-
rait constituer toute notre politique aux
yeux du pays. Le pâté de moines lui pa-
raîtrait à la longue aussi fatigant que le
légendaire pâté d'anguilles, si d'autres
réformes n'étaient en même temps
entreprises. Il faut libérer le pays de
l'action cléricale, mais il faut le libérer
auss j du joug de la misère et de toutes
les institutions rétrogrades qui depuis
trop longtemps l'asservissent.
La loi d'humanité,d'assistance et de
solidarité sociale, qui figure à notre
ordre du jour et dont Puech faisait hier
si clairement ressortir l'esprit et les
avantages sera bien reçue de toutes
parts. Ellle réalise un progrès sérieux
et marque une étape décisive.
Cette autre réforme que les électeurs
réclament également avec une légitime
insistance, c'est la réduction des frais
de justice.
Je n'ai pas à dire ce que sont ces frais
aujourd'hui.
Peu ou prou tous les citoyens en ont
éprouvé le tarif. La gratuité de la jus-
tice figure au frontispice de nos insti-
tutions comme un des principes les
plus sacrés de notre droit, comme une
des règles les mieux assises de notre
Code. Et de fait, les épices sont depuis
longtemps abrogées, et les plaideurs
n'ont plus à payer directement leurs
juges. Mais à quoi leur sert cet avan-
tage s'ils ne peuvent, en revanche, ac-
complir presque aucun acte juridique
un peu important sans passer néces':::-.
sairement par le ministère de certains
intermédiaires aussi coûteux qu'obli-
gatoires, s'ils ne peuvent prendre ju-
gement sans juger, lever l'expédition
d'un acte sans payer, signifier aucune
de leurs prétentions sans payer, suc-
comber sans payer bien au delà de
leur dette ? A quoi leur sert-il enfin
.s'ils ne peuvent même triompher dans
leurs prétentions les plus justes sans
paver encore ? -- -
Tous les citoyens sont théoriquement
égaux devant la loi. D'accord. Mais ils
ne le paraissent guère devant la procé-
dure. Le plus fortuné pouvant plus
aisément saisir un plus grand nombre
de juridictions a toujours plus de
chances en sa faveur. Et pourtant, si
l'égalité pouvait être un instant rom-
pue devant la justice, c'est au profit du
pauvre, de l'infortuné qu'elle devrait
l'être.
Ce n'est pas que la République ait
été indifférente à cette situation. M.
Henri Brisson a fait, il y a quelques
années, voter une diminution notable
des frais de justice. M. Clemenceau
vient de saisir le Sénat d'une impor-
tante proposition, très étudiée, qui fai-
sant de l'Etat le maître de tous les offi-
ces ministériels, allégerait dans de for-
tes proportions le fardeau si lourd qui
écrase les justiciables. De son côté, M.
Cruppi a fait insérer à l'ordre du jour
d'une des prochaines séances la propo-
sition depuis si longtemps en suspens
qui étend la juridiction des juges de
paix. Cette proposition, qui attend son
tour depuis tant d'années, aurait entre
autres conséquences celle-ci, qu'englo-
bant dans la compétence des juges de
paix une foule de petits procès jugés
aujourd'hui par les tribunaux d'arron-
dissement, elle les ferait bénéficier de
la procédure moins onéreuse des tri-
bunaux eantonaux.
Nous savons bien que l'Etat a besoin
d'argent. Mais nous savons aussi que la
justice est une dette sacrée de la So-
ciété envers ses membres.
« Les impôts sur l'usage, de la justice
sont mauvais, dit un économiste fort
3stimé> parce qu'ils ne la rendent ac-
cessible qu'aux riches et en interdisent
lacées aux pauvres. Ainsi, les frais de
limbre, de greffiers, d'huissiers, d'en-
registrement, etc., font reculer le pau-
vre qui voudrait soutenir ses droits
contre un riche. En vain on a institué
une assistance judiciaire : on peut n'ê-
tre pas mendiant et cependant n'avoir
pas le moyen de plaider. Il faut donc
supprimer toute espèce d'impôts sur
cette matière, pour les remplacer par
des dommages-intérêts au profit du
gagnant, avec une amende au profit de
l'Etat. Alors la justice sera véritable-
ment gratuite : car les juges accorde-
ront les dommages-intérêts de façon
que les avocats mêmes soient suffi-
samment rémunérés. (VILLlÃUMÉ, Eco-
nomie politique.)
Les frais sont actuellement suppor-
tés par la partie succombante. Mais un
grand nombre de frais n'entrent pas
en taxe et ne sont pas remboursés,
quelques-uns même ne pourraient
l'être. D'autre part, quand la partie
qui succombe est insolvable, son ad-
versaire ne peut être remboursé. Et
puis, est-il bien juste d'accabler sous
les frais un débiteur qui ne nie pas sa
dette, qui la reconnaît, mais qui en
élude le payement uniquement parce
que les ressources lui manquent ? Tel
autre a cru faussement à son bon droit,
il s'est trompé sur la partie d'un texte
de loi que le tribunal, et que la cour
d'appel ont interprété dans son sens,
mais que la cour de cassation explique
d'une autre manière. Il s'est trompé,
lui profane, là ofr se sont trompés avec
lui ceux qui font profession et qui ont
reçu mission d'étudier la loi, de la con-
naître et de l'appliquer. Il paye pour
son erreur et pour l'erreur des autres.
Heureux encore si les nouveaux juges
que lui désignent la Cour suprême
jugeât contre lui ; car s'ils lui étaient
iavorables, leur arrêt serait frappé
d'un nouveau pourvoi ; nouveau débat
en cassation; nouveau renvoi devant
une autre cour, et c'est le plaideur
qui acquitterait tous ces frais, et qui
en serait d'autant plus complètement
ruiné qu'un plus grand nombre de tri-
bunaux et de cours auraient jugé en sa
faveur.
La réforme des frais de justice a fi-
guré longtemps dans nos programmes.
Les électeurs se sont lassés de là de-
mander, ils la recevront avec joie le
jour où le Parlement voudra bien leur
faire l'heureuse surprise de la leur ac-
corder.
Louis Martin.
0
TROP DE PRÉTENTION
Mieux vaut en rire, mais en rire
largement que s'en fâcher comme
le font les journaux nationalistes.
Un croiseur allemand, Y Amazone,
vient de s'échouer en pleine rade
de Brest. Ce croiseur appartient à
l'escadre que commande le prince Henri de
Prusse, frère de l'empereur Guillaume et
qui manœuvre, en ce moment, au large
d'Ouessant. Il avait été chargé par le prince
de porter à Brest le courrier de l'escadre.
Son commandant, très sûr de lui-même
évidemment, a refusé le concouis des pilo-
tes. Il croyait faire une entrée triomphale.
Patatras ! Le croiseur donne de l'éperon
contre des travaux recouverts par la haute
mer et indiqués par une bouée et le voici
immobilisé un certain temps, obligé de dé-
barquer ses canons, de mettre à terre tou-
tes ses munitions.
Il a fallu deux ou trois puissants remor-
queurs et l'aide de nombreux marins du
port pour le tirer d'affaire. Quoiqu'ayant
fait de sérieuses avaries, le croiseur a pu
être renfloué et repartir seul. Son comman-
dant a dû être bien reçu par le chef de
l'escadre.
Là-dessus, les nationalistes fulminent.
« Si nous avions un gouvernement, jamais
croiseur allemand n'entrerait à Brest. » Et
pourquoi, je vous le demande ? Est-ce que
les cuirasses français n'entrent pas dans les
ports de guerre étrangers ? Qu'y a-tril de
secret à leur cacher dans une rade ? Est-ce
la rade elle-même ? Est-ce son système de
défense ? Quelle façon sotte et ridicule de
comprendre ies rapports internationaux en
temps de paix ! - ----
Vous pensez bien qu il n existe, pas une
marine au monde qui ne connaisse tous les
atterrissages de la rade de Brest, ses pas-
ses, ses fonds et ses endroits dangereux.
Le ministère français de la marine a fait
éditer des cartes des côtes de notre pays.
N'importe qui peut en acheter. Les profon-
deurs, les récifs, les bouées, les batteries,
les forts y sont indiqués. Dans toutes les
écoles navales du monde, on apprend aux
futurs officiers l'hydrographie des ports de
guerre français, de même que dans la nôtre
on y enseigne celle des ports de guerre
étrangers.
Il est bien certain que le commandant de
l'Amazone a appris jadis sa rade de Brest,
tout coiryïie celle de Portsmouth ou de
Kiel. Mais, vQilà. Il s'est cru plus fort qu'il
ne l'est en réalité et, au lieu de piquer droit
sur l'eau profonde, il a heurté un des mu-
soirs en construction. S'il avait cru qu'il
ferait une mauvaise manœuvre, il aurait
sans doute utilisé la science d'un pilote.
Mais il croyait passer d'emblée.
La prétention allemande, toujours ridi-
cule parce que très, souvent elle ne s'appuie
pas sur des connaissances incontestables-,
reçoit là une bonne leçon. Nous n'en tire-
rons pas cette conclusion que tous les offi-
ciers allemands sont de nïauvais manoeu-
vriers.Ce serait trop bête. Mais, il nous sera
bien permis de dire qu'il y en a au moins
un. Ce qui ne nous consôlera pas pour-
tant des fautes commises dans des circons-
tances analogues, — et sur les côtes fran-
çaises, hélas ! - par quelques- uns des
nôtres.
La vraie morale de cet événement nous
paraît être celle-ci: que l'on plaisante le
commandant de Y Amazone, soit.. Mais aussi
que l'on se dise bien que c'est avec de pa-
reilles instructions données à des officiers,
instructions leur recommandant expres-
sément de manœuvrer seuls, sans l'aide
de pilotes, que l'on fait des manœuvriers
-excellents et audacieux. Or, en temps de
guerre, l'audace est souvent préférable à la
prudence. — Ch. B.
-——————————
LE SULTAN ET LA DETTE OTTOMANE
- Francfort, 2 juin.
On télégraphie de Constantinople à la Ga-
zette de Fraficfort :
M. Auboyneau avait été avisé samedi Soir,
au palais, de là publication de l'iradé d'unifi-
cation de la Dette, et la censure aurait laissé
passer jusqu'à midi les dépêches relatives à cette
affaire. Cette administration a reçu ensuite
l'ordre de tout intercepter. Le sultan avait pu-
rement et simplement retiré l'iradé.
A la suite de cette décision, M. Auboyneau a
déclaré aujourd'hui au sultan qu'il renonçait à
remplir les fonctions d'intermédiaire et qu'il
quittait Constantinople. En même temps, M.
Auboyneau a remis au grand-vizir une lettre
de la Banque ottomane, dans laquelle cet éta-
blissement déclare rompre les négociations.
LE RAPPEL
ARTISTIQUE ET LITTÉRAIRE
Promenades dans Paris. — Les anciens
quartiers. —. Le Temple et la « bro-
cante ». - Notre-Dame et ses
ruelles. — Monsieur et Ma-
dame Bille.
Dès nos premiers entretiens, il fut question
de l'art dans la rue, de cette beauté mouvante
qui se renouvelle, des œuvres qu'une édilité
bien intentionnée sème aux carrefours, quel-
ques-unes pitoyables 1
Avez-vous remarqué combien le temps, à
défaut des truqueurs, aime à soigner, à « pa-
tiner » les grâces d'antan ? Les jolies choses
des siècles révolus ont revêtu cette teinte rose,
amoindrie, éteinte, que laissent les couchants
et la poudre des ans, et ce n'est pas sans émoi
que le rêveur découvre des vestiges de ce qui
charma les contemplations de nos pères. Là
ils vécurent, là se retrouve l'effort d'artistes
oubliés, la sublime collaboration du ciel et des
hommes. Rien n'évoque d'aussi vives lueurs
sur jadis, tout ce qu'on sait d'Histoire s'élance
au-devant de ces rencontres.
Les anciens quartiers
je suis heureux d'avoir un guide, plusieurs
mêmes. M. E. Le Deley m'a transmis les cahiers
qu'il publie avec les textes de MM. Edmond
Beaurepaire, Funek Brentano, Charles Sellier
sur les anciens quartiers de Paris, hélioty-
pies d'un fini parfait, rares visions d'autrefois.
Les plus, récentes photographies uniques dè"
collectionneurs avisés s'approchent jusqu'à
trente ans. D'autres ressuscitent le crayon des
petits maîtres et les illustrateurs célèbres de
ces époques lointaines.
La reconstitution de ce qui a complètement
disparu passionne plus encore. Les transforma-
tions du décor qui nous environne échelonnent
l'Histoire, plantant de poétiques jalons dans nos
annales. M. Edmond Beaurepaire explique l'ab-
baye romane deSt-Germainl'Auxerroissedres-
sant, après les terreurs de l'An Mil, au lieu où
Geneviève attendit les secours que l'évêque
d'Auxerre avait été chercher en Armorique
contre les hordes d'Attila. Son remplacement
au XV' siècle par l'église actuelle, que Pierre
Lescot, conseiller au Parlement de Paris (1541)
devait enrichir d'un jubé merveilleux, le soli-
taire château du Louvre, suzerain féodal des
grands vassaux, les poteries et les tuileries s'é-
tendant jusqu'aux marais, de ce qui est aujour-
d'hui la place de la Concorde, complètent la
physionomie de ces régions au Moyen-Age.
Une miniature extraite des Grandes Heures
du duc de Berry (coll. du Musée Condé), re-
produit la forteresse royale, enceinte formida-
ble de créneaux et de tours, spécimen luxueux
et violent de l'architecture militaire.
Les Tuileries
François I" habitait alors les Tournelles, au
bord de la Seine, empuantie par l'égout Sainte-
Catherine. Il achète au trésorier de France,
Nicolas de Neufville, sa maison des Tuileries,
et y commence, après la visite de Charles-
Quint, la série do palais que devaient conti-
nuer ses successeurs.
Suivez cette élévation patiente, Jean Goujon
enrichissant le vieux Louvre, le Lyonnais Phi-
libert de l'Orme traçant pour Catherine de Mé-
dicis les plans de ce qui deviendra « les Tuile-
ries », les jardins prenant forme, Louis XIII y
faisant construire la Volière dont Israël Sil-
vestre devait laisser une vue précise, Jacques
Lemercier travaillant à l'aile du Nord du Lou-
vre, Jean Bullant, Levan et François d'Orbay,
son gendre, continuant l'oeuvre des Valois et
des Médicis, et enfin Claude Perrault, médecin
des Médicis, dé Vitruve, architecte amateur,
des Médicis, de Vitruve, arebitecte amateur,
traducteur de Vitruve, arohitecte amàteur,
présentant à Colbert les dessins de la colonnade
qui devait l'immortaliser.
Cette demeure de nos rois offrit donc, pen-
dant des siècles, un bizarre assemblage de
constructions auxquelles chacun ajoutait. On
ne sait même encore de nos jours si sa, forme
est définitive.
Ce n'est guère d'ailleurs que le dix-hui-
tième siècle qui le dégagea des sordides bâtisses
qui l'enserraient de toutes parts, escaladant
jusqu'à ses toits 1
Le Temple
Les gravures d'Israël Silvestre montrent ces
continuelles transformations, au 17e siècle,
puis au 18e celles de Gabriel Saint-Aubin et
les tableaux de Demachy. Mais il faudrait des
volumes pour les suivre pas à pas, M. Frantz
Funck-Brentano décrit les souvenirs du Tem-
ple, de Saint-Paul, la place Royale, le Marais,
l'Arsenal, la Bastille. « Cette région, dit-il,
formait au début du XVIIe siècle, le cœur même
de la ville : séjour de la noblesse et de la haute
bourgeoisie, et que déjà la bourgeoisie beso-
gnante, créatrice de, progrès. et de richesses
commençait à envahir ». Il évoque ces châ-
teaux fortifiés, encombrés d'artisans et de
marchands, serfs libérés, se soudant peu à
peu, laissant éclater loprg murailles sous l'ex-
tension de tous ceux-ci, pour former la bour-
gade, la cité, où devenus des géants isolés, ils
seront noyés à leur tour.
Sous, Louis XIV, SauvaI, compte encore
dans Paris vingt-quatre territoires seigneu-
riaux indépendants de la justice du roi. Le
Temple, jusqu'à fa Révolution, fut une ville
dans la ville, militaire et fortifiée, aux portes
de laquelle tombaient les droits, les privilèges,
les patentes, lin rçfnge parfait, dont la seule
cour intérieure, la place publique, occupait
tout un quartier d'aujourd'hui. On sait quelles
pages se rattachent à la tour du Temple, dé-
molie par ordre de Napoléon en 1808.
La place Royale
A côté s étendaient les cultures mavaîcheres,
dans le « marais j), devenu pour partie une in-
dustrieuse agglomération. Les jardins plus pro-
ches de la Seine, avoisinant le manoir Saint-
Paul, se.bâtirent d'hôtels particuliers, séjour
de l'aristocratie française, et de maisons dé
plaisance. Henri IV, sur l'emplacement de la
résidence des Tournelles, fit construire la placé
Royale. ,
Lps familles de VjHedeuii, Chaulnes, Hohan-
Chabot, Dàngeali, Lavafdîn l'occupèrent, Mme
de SéyignÕ y naquit, Marion Deiprme y mou-
rut, Richelieu y vécut quelque temps, Victor
Hugo et Théophile Gautier y tinrent de reten-
tissantes assises littéraires. L'Hôtel de Soubise
est devenu Palais des Archives nationales, ce-
lui de Rôhan Imprimerie Nationale, celui de
Kernevenoy (Carnavalet) Musée Municipal,
celui de Sully (143, rue Saint-Antoine), cons-
truit par Ducerceau, celui de Fieubet (2, quai
des Célestins), restauré par Mansart, et l'Hôtel
de Sens, se sont démocratisés. L'ancien cou-
vent des Célestins, célèbre par son cloître et
ses sculptures, est remplacé par une caserne.
Sur la Bastille tout a été dit. Mais ce qui est
moins connu peut être, c'est que la vieille for-
teresse était hors d'usage quand_éclat4 le mou-
vement révolutionnaire et que sa démolitioh
était décidée depuis quatre ans quand le peu-
ple se chargea de la besogne.
La Cité
M. Charles Sellier parcourt des quartiers
non moins curieux, la Cité, bercéaii de Paris,
lès alentours de Notre-Dame, impératrice ca-
tholique, le cloltro et toutes ces ruelles où sont
venus rêver les plus célèbres écrivains, l'im-
passe Saint-Martial, la rue aux Fèves, le Caba-
ret du Lapin Blanc, les rues des Trois-Canettes
et des Marmousets, peuplées de truands redou-
tables, les arcades souterraines du quai de
Gèvres, où se réfugiaient les malandrins.
Eugène Sue, de nos jours y fait dérouler ses
Mystères de Paris,le prince Rôdolphey rencon-
tre Fleur de Marie et le Chourineur.
Toute l'histoire de Paris jusqu'au 13e siècle,
est enclose dans les murs de la cité, ville for-
tifiée. Les vestiges gracieux de ces époques
sont rares, quoiqu'il y ait ce bijou de Pierre
de Montereau, la Sainte-Chapelle. Mais les mo-
numents remarquables, reconstruits, remaniés
ou restaurés de siècle en siècle, y sont légion.
oh y distribue la Justice, on y répartit la cha-
rité. Et la transformation des quais, des ponts,
le dégagement progressif de la cathédaale sont
dans toutes les mémoires. Je les ai suivis dans
les planches de Le Deley.
M. et Mme Bille
M. et Mme Bille, c'est vous, c'est nous, le
modeste ménage bourgeois qui trépigne au
jour le jour avec ses menus actes, ses moin-
dres faits, ses réflexions où la niaiserie pom-
peuse bouscule le fin bon sens des petites gens.
Cette création de M. Pierre Villetard, un tout
jeune, je crois, un nouveau — c'est à vingt
ans aujourd'hui qu'on pense le mieux — m'a
ravi. J'y ai trouvé du Bouvard et Pécuchet, du
monsieur Bergeret, un peu de caricature à
l'Henri Monnier, une teinte originale particu-
lière.
Chez eux se déroulent, tout doucement, les
comédies du vice et les drames de la vertu.
Monsieur Bille rougit de la présence de Mlle
Josse, la, couturière, une gourgandine! et se
désole qu'une absence projetée de sa femme
soit empêchée par l'orage. Monsieur Bille, in-
congrûment désireux de Madame Bille,s'autorise
de la froideur de celle-ci pour s'offrir une bal-
lerine ambulante. Et les discussions d'intérêt,
— on n'est jamais dépouillé que par les siens !
— les fausses caresses, les hypocrisies coutu-
mières, les bobos quotidiens, tout ce rocaillis
de l'existence fait cascader la petite vie de ces
petites gens. Emma a une angine, grand Dieu !
Que d'émotions. Voyez ses amours idylliques
avec son cousin Etienne, mais elle adore bien-
tôt monsieur Jean Rainette qu'elle ignorait
deux heures auparavant, et qu'elle épouse avec
joie. Et les deux époux Bille, désormais seuls,
vieilliront un peu plus niais, un peu plus gro-
gnons, mais bien humains.
M. Pierre Villetard se révèle excellent pein-
tre de caractères. Ses types ont la chance d'al-
ler leur bonhomme de chemin. Nous les recon-
naîtrons, caricatures discrètes du parfait bon
sens, et goûterons à leurs discours naïfs, échos
des nôtres.
Léon RIOTOR.
MEMENTO. — Aujourd'hui, mercredi 3 juin, aux
Etangs de Ville-d'Avray, déjeuner et fête champê-
tre de Corot, sous la présidence du paysagiste H ar-
pignies. — Un amant de cœur, de M. Paul Acker,
est un livre d'observation vécue. Les aventures
sont celles de bien des liaisons où l'amour sombre
dans les larmes, où les beaux jours s'enfuient trop
rapides. Il y a là un souci de cruelle vérité des
plus méritoires et l'étude du tempérament féminin
y est fort attrayante. — A lire : Un curé constitu-
tionnel, Enseignement vivant des langues vivan-
tes, par J. Lecoq, professeur agrégé de l'Uni-
versité.
OPINION DE M. DE CASSAGNAC
Le guet-apens de Figuig inspire à M. Paul
de Cassagnac, dans l'Autorité,.Jes amères ré-
flexions suivantes :
Voyez-vous le gouverneur général de l'Algérie,
le général O'Connor et M. Aynard, le vice-prési-
dent de la Chambre des députes, qui, paraît-il,
accompagnait son gendre Jonnart, — les voyez-
vous emmenés prisonniers à Figuig, l'échiné - ca-
ressée à coups de matraque ?
M. Paul de Cassagnac ne parait pas saisir
toute l'importance de l'information qu'il nous
apporte. On ignorait généralement que le
vice-président de la Chambre se fût trouvé de-
vant Figuig. On savait seulement que « M.
Aynard » accompagnait M. Jonnart. Mais on
supposait à bon droit qu'il s'agissait du-ehef de
cabinet de M. Jonnart, qui est très proche pa-
rent du député de Lyon — mais qui n'est pour-
tant pas ce député lui même.
Malgré la précision des termes employés par
le directeur de Y Autorité, nous attendrons des
renseignements complémentaires avant d'affir-
mer à nos lecteurs que M. Aynard — le dé-
pulé et non le chef de cabinet — se trouve ac-
tuellement dans le Sud-Algérien.
L'idée que le vice-président de la Chambre
aurait pu avoir « l'échiné caressée à coups de
matraque » ne nous révolte pas moins qu'elle
ne paraît choquer M. de Cassagnac. Il serait,
toutefois, plus sage de raisonner sur les faits
qui se sont passés plutôt que sur ceux qui « au-
raient pu » arriver.
M. de Cassagnac reconnaitra certainement
qu'il faut s'appuyer sur des faits incontesta-
bles pour avancer que « chez nous le sens de
l'honneur est atrophié depuis longtemps » et
que « la Gueuse n'en est pas à un coup de pied
dans le derrière de plus ou de moins ».
- ——————————-
EN BLOC
La comédie ne va pas recommencer, je sup-
pose. Et nous ne verrons pas, à propos des
congrégations de femmes, les mêmes tergiver-
sations que pour les congrégations d'hommes.
Le Temps souhaite que la Chambre examine
chaque demande en elle-même, d'après l'avis
de l'autorité locale et le vœu des populations.
On n'y pense point. Il y aurait là du tra-
vail pour toute une législature.
Il faut donc repousser en bloc les demandes
d'autorisations présentées parles congrégations
de femmes. C'est le seul moyen d'en finir. La
majorité républicaine a condamné en principe
les associations religieuses. Elle serait en con-
tradiction avec elle-même si elle faisait des
exceptions de détail,
Pour arriver au résultat que nous souhai-
tons, M. Combes n'a qu'à marcher droit au
bu], sans dire ou laisser dire qu'il hésite. Com-
ment xionc rallier les timides qui forment l'aile
droite du parti républicain, si l'on ne se mon-
tre pas soi-même résolu et tenace ?
, Une première fois, le président du conseil a
bouclé la boucle, il ne dépend que de lui de
recommencer. La dispersion des congrégations
de femmes est la suite logique et "récessaire de
l'œuvre à laquelle il s'est consacré.
Et s'il est disposé à continuer de faire preuve
de fermeté dans ses décisions et dans ses actes,
aucun des républicains qui. lui ont donné leur
voté lors des refus d'autorisation des - associa-
tions enseignantes, commerçantes ou charita-
bles, d'hommes, ne manquera à l'appèl. -" L.
Armbruster.
-—_J ♦
Berlin fournisseur des candidats
(De noire: correspondant parlicufier)
Berlin, 2 juin.
Il n'y a pas moins de 147 Berlinois" candidats
à la députatjôn au Reichstag : 46 socialistes, M
prdgressistes, lB nationaux-libéraux, 13 con-
servateurs, lî -ln, 14 an:tilÎli, 6 par-
tisans dit cefttré (p.arh catholique) et 5 SQçla-
listes-nationalistès.
M. JONNART DANS
1. LE SUD-ALGERIEN
Le gouverneur général et les chefs in-
digènes. — L'opération de police. —
,' Le banquet de Saïda.
Saïda, 1" juin.
Le gouverneur général est arrivé à Méchéria
à 11 heures.
M, Jonnart qui, à Aïn-Sefra, avait été salué
par un certain nombre d'indigènes à la tête des-
quels se trouvait i'agha de Touat, a reçu à Mé-
chéria de très nombreux caïds des. tribus des
Hamyans, qui lui ont été présentés par l'agha
El-Habis. Ces chefs venaient l'assurer de leur
entier dévouement à la France et au gouver-
nement de la République.
Répondant aux indigènes, M. Jonnart s'est
exprimé ainsi :
Je vous remercie d'être venus me saluer en si
grand nombre. Vous êtes de braves et loyaux ser-
viteurs de la France. Vous pouvez compter sur
.toute ma sympathie. Je ferai appel à votre con-
cours, si la sécurité de nos frontières l'exige. Je
sais qu'en toute circonstance, vous ferez vaillam-
ment votre devoir. Ma pensée vous suivra toujours
et je serai d'autant plus attaché à vos intérêts que
vous vous serez montrés plus soumis à mes ordres
et dévoués à la République.
La France est forte: elle dispose d'une admira-
ble armée et de ressources infinies, et ce n'est pas
l'hostilité de quelques bandes de pirates marocains
qui l'empêchera de poursuivre dans cette région
}'œnvrc de pro". 4lA civilisation qu'elle a en-
treprise.
Le gouverneur a assisté ensuite au déjeuner
offert par les chefs indigènes. Il est remonté
dans le train à 1 heure pour le Kreider où il
est arrivé à 2 h. 112. Il a visité les jardinscréés
par les troupes d'occupation depuis 20 ans sous
la direction du epilaine commandant Pré-
zeau.
On lui a présenté les chefs indigènes qui ont
appris par lui l'événement de Zénagan. Ils ont
demandé à aller là-bas au plus vite.
M. Jonnart leur a répondu : « S'il est né-
cessaire que vous marhiez,le général O'Connor
vous le dira. »
Le gouverneur a donné deux fusils-revolvers
à deux goumiers blessés en 1881 et qui ont de-
mandé à partir pour Beni-Ounif.
Le capitaine Prézeau, commandant le batail-
lon d'Afrique, a dit que le bataillon serait heu-
réux de partir pour la frontière ouest.
M. Jonnart a répondu que la République
sait tout ce qu'elle peut attendre des soldats
d'Afrique. L'heure viendra peut-être où elle
fera appel à leur courage.
Le gouverneur est arrivé à Saïda à 6 h. 112.
Saïda, 1" juin.
Au banquet de Saïda, offert au gouverneur
général, aux autorités et aux officiers de la gar-
nison, M. Jonnart a porté le toast suivant :
Je lève mon verre au maire et aux officiers de
la garnison de Saïda qui entretiennent les meil-
léures relations et sont également attachés à la
grandeur de la France et au rayonnement de son
génie.
Je prie Monsieur le maire de remercier la popu-
lation de la magnifique réception qu'elle a faite
au représentant de la République.
Les officiers savent que toute ma sympathie leur
est acquise. Je viens de faire une rapide excursion
pour me rendre compte de l'état d'esprit des gens
du Figuig. Ce qui s'est passé hier ne laisse aucun
doute sur leurs intentions.
Je veux encore féliciter les officiers et les soldats
qui se sont admirablement conduits (applaudisse-
ments), et je suis heureux de vous lire la dépêche
que je viens de recevoir ; on espère sauver tous les
blessés. (Applaudissements.)
Quant à l'état d'esprit de nos postes, c'est le dé-
vouement, le courage absolus. Je sais qu'avec le
général O'Connor, officiers et soldats iraient au
bout du monde. Vous n'irez pas si loin, mais vous
irez partout où il faut aller.
- Je lève mon verre aux officiers, aux soldats d'A-
frique, au maire et à la population de Saïda, à tous
ceux qui m'ont accompagné dans le pénible voyage
de Bèni Ounif. -
Guebbas, chef de la mission marocainej est
à Saïda depuis hier. Il n'a pas vu jusqu'à pré-
sent le gouverneur général.
Avant la répression
Perrégaux, 2 juin.
Deux bataillons de la légion étrangère par-
tent l'un de Saïda, l'autre de Mascara, pour
Beni-Ounif.
Le général O'Connor rentre aujourd'hui à
Oran pour régler les dernières dispositions con-
cernant le transport du matériel. Il repartira
dans quatre ou cinq jours pour Beni-Ounif et
l'action commencera le 8 ou le 9 juin.
Mort d'un blessé
Une dépêche privée de Beni-Ounif annonce
que le sergent-major blessé dimanche a suc-
combé la nuit passée.
Lorsque le gouverneur général arrivé à Tizi,
le général Bertrand, commandant la subdivi-
sion de Mascara, lui présente les officiers de la
subdivision, et manifeste l'indignation qu'a
causé, l'attentat de Zenaga.
M. Jonnart arrive à Perrégaux à 11 h. 30.
Il y a reçu du sud de nombreuses dépêches.
L'attentat prémédité
On sait maintenant par les gens du ksour
que l'attentat était prémédité.
Le mot d'ordre était donné et 500 bandits
étaient déjà postés sur les deux versants du
col de Zanaga, lorsque le gouverneur, le gèné-
ral O'Connor, l'amel de Figuig et leur suite
le traversèrent à l'aller. Après le passage, les
bandits se rapprochèrent pour perpétrer l'at-
tentat au retour. On sait par quelle cause qu'ils
n'avaient pas prévue leur plan a échoué.
Le gouvernement a distribué de nombreux
secouts aux blessés et donné une somme im-
portante à la compagnie qui a opéré.
Il y a actuellement 300 hommes environ
concentrés à Beni-Ounif et à DfénanEddar.
Déclarations de M. Etienne
M. Etienne, vice président de la Chambre et
président du goupe colonial, dont la compé-
tence dans les affaires algériennes est indiscu-
table et indiscutée, a fait au Temps les décla-
rations suivantes :
Les événements de Figuig prouvent avec la der-
mèré.évjdence qu'une erreur a été commise depuis
plus d'un an à l'égard des bandes do pillards ma-
rocains. Malgré les avertissements prodigués par
le gouverneur général et par tous les hommes,
tant civils que militaires, compétents dans les af-
faires agénennes, malgré les conseils qu'ils don-
naient avec insistance d'effectuer des opérations
de police dws les régions où notre domination est
établie, malgré les avis et les prévisions, on a per-
établie, à laisser impunies les attaques dirigées
contre nos poçtes et contre nos convois de ravi-
taillement. Cette impunité n'a fait qu'enhardir
1 audàce des agresseurs, qui ont trouvé, pour les
seconder' toutes les tribus échelonnées sur notre
frontière- --
L'attaqùe dont a été l'objet le gouverneur géné-
ral eh peïsonqie démontre que nos adversaires ont
le sentiment qu'ils sont en état de nous faire recu-
ler et de nous ramener jusque sur les hauts pla-
teaux.
Nous sommes convaincu qu'après les cruelles ex-
périences faites depuis un an, après la dernière
Siirïolït, le gouvefriement, mieux informé et com-
gletcnàênt edpfô, est résolu it prendre les mesures
les plus énergiques pour châtier comme il convient
l'agression brutale à laquelle M. Jonnart a mira-
culeusement échappé.
Il ne s'aet pas, In l'espèce, de faire œuvre a oc-
cupation territoriale, mêjme momentanée. Plus que
jamais nous affirmons que nous voulons le main-
tien de l'intégrite territoriale de Maroc, Mais il
faut également montrer que nous entendons exer-
cep une prépondérance absolue „sur l'empire chéri-
fien, et affirmer notre force et nos droits quand
ils paraissent devoir AtXr fruatastés par des atta-
ques que l'impunité - il convient de le répéter -
rend de plus; en plus audacieuses.
L'AlIgE ITATIENNE
Rien ne manque plus à la gloire de M. Ed-
mond Rostand, Srcette gloire à laquelle va être-
donnée la solennelle consécration de la récep-
tion académique : M. Edmond Rostand a fait
fermer un théâtre.
Une dépêche de Rome nous apprend que des
manifestations anliautrichiennes s'étant pro-,
duites au théâtre National où l'on donne en ce
moment YAiglottfi*- gouvernement a interdit la
pièce et clos le théâtre.
- M. Edmond Kosland a dû, en apprenant cela.
être prodigieusement étonné. On sait qu'il s'est:
toujours défendu de toute intention politique
et sociale; en 1 cte de sou Aiglon, il a calligra-
phié quatre petite vers, tout semblables à ceux-
dont s'enrubannent les mirlitons, et dans les-
quels il prenait à témoin Dieu lui-même que
ce n'était pas une cause qu'il attaquait ou dé-
fendait. Il y a des poètes qui considèrent que,
leur talent rua de raison d'être que s'il est mis
au service d'une idée<; M. Rostand n'est pas de
de ceux-là. -
Et je constate qu'il a fallu que les Italiens'
aient vraiment bien chaude au cœur l'envie de .,.
manifester, pour qu'ils troùvassent occasion de
manifester dans l'.figltm..
Dansai'Aiglon, M. Rostand a eu, en effet, a,
mettre cri scène l'empereur: d'Autriche, Fran-
çois 1". Nul tyran, nul bourreau, on le sait,
n'est dans l'histoire plus sinistre que cet empe-
reur-là. Il fut aussi lâche devant Napoléon que
cruel pour l'Ilalio. Il a eu, autour de son trône
détesté, les malédictions de tout un peuple Il
a été l'impitoyable geôlier du Spielberg. Sa
mémoire pue le sang et la'honte.
Voyez l'Aiçjlon. Vous y trouverez un bon
vieillard, doux, compatissant, miséricordieux,
humain 1. La farce est bonne. Mais il a suffi
que le souvenir fût évoqué, même caricatura-
lementdel'effroyàbledespotequi tortura laLom-
bardie et la Vénitie, pour que le cœur de l'l-' -.
talie se mit à rugir. A tfavers les blagues de
M. Rostand, les spectateurs du théâtre natio-
nal de Rome, ont vu la vérité.
Je ne saurais blâmer le gouvernement italien
d'avoir pris les mesures de police d'usage en
pareil cas ; il y était obligé f la triplice existe
encore. Mais tout ce qui se passe prouve bien
qu'elle n'a plus le consentement de l'âme ita-
lienne. — L. Victor-Meunier,
Voir à la 36 page
les Dernières Dépêches
de la nuit et
la Revue des Journaux
d il matin
CONSEIL D'UN NATIONALISTE
Cabourg est en fête depuis dimanche. Le
concours d'orphéons, musiques d'harmonies et
fanfares, annoncé dans plusieurs numéros du
Rappel, a parfaitement réussi, si j'en juge par
les dires de personnes compétentes. Les arts,
le commerce et le public se déclarent satis-
faits.
Au diner offert dimanche soir, par le maire
de Cabourg, aux membres du jury, aux con-
seillers municipaux, aux fonctionnaires et au-
tres notabilités, plusieurs toasts ont été portés.
Je ne parlerai pas des riens débités par le dé-
puté de la circonscription, M. Delarbre ; comme
toujours ce sont des mots plus ou moins bien.
alignés à la; suite- les uns des autres et qui
n'ont nulle porter sérieuse ; passons. Je ne
veux retenir qu'une phrase, la dernière, du
toast d'un ancien - vice président du Cdnseil
municipal de ., Paris, M. Levé ; c'est un conseil
qu'il .donne aux électeurs: -
Laissons de côté, dit-il, bannissons d'au milieu
nous la vilaine politique.
- L'aimable M. car M. Levé est un hom-
me privé fort aimable, l'aimable M. Levé, dis-
je, comme tous ses amis en réaction, s'aperçoit
que le trompe-l'œil intitulé nationaîisme agp-
nise, qu'il se meurt, qu'il est mort ; dès lors,
il nous invite à remiser la politique au grenir
des débarras, des vieilles loques.
A son point do') vue, M. Levé a parfaitement
raison ; en effet, à quoi bon s'occuper dé poli-
tique puisque nous refusons catégoriquement;
d'accepter n'importe quel homme providentiel
que messieurs les nationalistes et les réaction- !
maires cléricaux pourraient nous offrir ou
même nous imposer au besoin pour noire propre
salut. ,-.
Trêve à la politique, nous disent-ils, et ce
pendant qu'ils chercheront quelque autre ours
à nous présenter. Nous n'avons voulu et ne
voulons ni de Philippe, ni de Victor, et eficore:
moins de Tartufe. Qui ou quoi vont-ils nous
proposer, et sous quel masque ? ■
Ouais ! mon bon M. Levé,vous voudriez nous,
endormir pendant que vous travaillerez ; héi
bien ! non, nous ne suivrons pas votre conseil
intéressé ; comme vous, nous veillerons j nous
surveillerons vos menées publiques ou Souter-
raines, et nous continuerons à faire de la polk
tique ; nous en ferons sans trêve, malgré vous
et contre vous.
UNE SCENE AU VATICAN
(De notre correspondant particulier)
Rome, 2 juin.
Une scène plus que vive a eu lieu dans les
couloirs du Vatican. M. Pericoli, un des can.
didats au chapeau de cardinal mais qui avait
échoué, a interpellé le cardinal Rampolla, se-
crétaire d'Etat, qu'il rend responsable de son
échec. L xplicatiùn entre les deux hauts di-
gnitaires de l'Eglise fte fait pas précisément
d'une douceur évangéljqUe,
Le cardinal Rampolla a finalement dit au
malheureux candidat : « ih bien ! oui, j'ai
empêché votre nomination, car je sais que
dans un prochain conclave je n'aurais pas pu
compter sur votre voix. a
VELLÉITÉS DE PRONUNCIAMENTO
DANS L'ARMÉE AUSTRO-HONGROIS
(De notre correspondant paHicuXicrj
Vienne, 2 juin,
Un personnage très bien renseigné sur les in-
trigues de la Cour croit savoir que grâce à l'in-
fluence de la coterie connue sous le nom df
CamariUa, il pourrait y avoir un pronuncia-
mento militaire en cas de décès de l'empereur
François-Joseph. Ce mouvement serait dirigé
contre l'archiduc François-Ferdinand, héritier
présomptif de la couronne, qui n'est pas aimé
dans l'armée. Si jamais les militaires très haut
placés qui nourrissent un projet semblable, ar-
rivant à le mettre à exécution, il en résulterait
un iIJlbroglio terrible, peut-être même une vér
ritable guerre entre l'Autriche et la Hongrie.
On sait qu'en Hongrie la transmission du poq<
voir ne peut avoir lieu sii le Parlement de*
vaDt lequellè futur roi doit prêter serment r
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