Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-05-31
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 31 mai 1903 31 mai 1903
Description : 1903/05/31 (N12133). 1903/05/31 (N12133).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75724847
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
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NOS LEADERS
On me communique une pétition
adressée au préfet du Puy-de-Dôme, et
dont M. Marron, président de la section
clermontoise de la Ligue des Droits de
l'homme, a pris l'initiative. Il s'agit de
la suppression des camps d'instruction.
La pétition demande au préfet d'inter-
venir auprès du général commandant le
13° corps d'armée « afin qu'il sup-
prime, pour cette année au moins, l'en-
voi des troupes de ta garnison de Cler-
mont-Ferrand dans les camps deBourg-
Lastic et de la FonUine-du-Berger ».
Au premier abord, cela paraît une
affaire d'intérêt purement local ; d'au-
tant plus que la pétition commence par
appeler l'attention du préfet sur le pré-
judice causé au petit commerce cler-
montois par cet envoi des troupes dans
les camps d'instruction, préjudice es-
timé à cent mille francs.
Je désirerais envisager la question à
un tout autre point do vue, au point de
vue militaire. Des lettres émanant d'of-
ficiers me fournissent les documents
nécessaires.
Je dirai,d'abord,que jene saurais être
adversaire du principe des camps d'ins-
truction. On peut assurément critiquer
leur organisation et trouver avec raison
peut-être, que les soldats n'y emploient
pas toujours le temps de la façon la
plus profitable à leur éducation mili-
taire. Soit. Je pense, néanmoins, qu'ils
sont encore mieux là qu'à la caserne.
Partisan résolu de la réduction aux
extrêmes limites du possible de la
durée du service -en temps de paix, je
le suis aussi, logiquement, de tout ce
qui rapproche le soldat de l'existence
qu'il serait appelé à vivre en campagne
l'unique but de l'instruction donnée
sous les drapeaux étant de mettre le
soldat en état de faire campagne.
A mon avis, plusieurs "mois passés
dans la cour de la caserno ne valent
pas une semaine de manœuvres. Et en
ce qui concerne les appels de l'armée
territoriale je puis hautement affirmer
que la manœuvre de garnison par la-
quelle se clôture en général la période,
est infiniment plus utile, plus profita-
ble, plus importante à tous égards, que
le reste tout entier de la période.
Je trouve excellent, en principe, que
les soldats soient le plus possible sous-
traits à la vie de caserne ; j'aime les
voir sur les grandes routes, jetés hors
de leurs habitudes, acquérant ainsi d'in-
dispensables qualités d'endurance, for-
cés de se « débrouiller » eux-mêmes,
amenés ainsi à pratiquer cette initiative,
cette solidarité et cette philosophie qui
font le bon soldat.
Je l'avouerai donc : les doléances du
commerce clermontois ne me touchent
pas énormément, parce qu'au dessus des
intérêts privés, si respectables soient-
Us, il convient, selon moi, do toujours
placer les intérêts du pays. Si le séjour
dans les camps d'instruction doit avoir
pour résultat de façonner plus vite et
mieux le soldat aux exigences de la vie
militaire, je demande que ces séjours,
loin d'être supprimés, soient mul-
tipliés.
.*.
Mais j'ai dit tout à l'heure que je
voulais regarder par un autre de ses
côtés le problème. Ce qui me préoc-
cupe, c'est de savoir si, comme on me
l'affirme, ces séjours dans les camps
d'instruction n'occasionnentpas pour les
officiers, et aussi pour les sous-officiers,
par exemple : pour les sous-officiers
mariés; des dépenses supplémentaires
qu'ils sont hors d'état de supporter.
La question vaut, certes, qu'on l'exa-
mine, et je demande, non au préfet du
Puy-de-Dôme, non au général com-
mandant le 13° corps, mais au ministre
de la guerre, de procéder à cet examen.
Los renseignements qui me sont four-
nis chiffrent à une somme de 200 à 250
francs par officier les frais supplémen-
taires auxquels entraîne, pour la gar-
nison de Clermont-Ferrand, le séjour au
camp de Bourg-Lastic. Pour faire face à
ces dépenses extraordinaires, l'officier
reçoit en tout et pour tout une indem-
nité de 30 fr. environ. Quant aux sous-
blficiers, ils no touchent aucune alloca-
tion, bien que les frais supplémentaires
que nécessite ledit séjour puissent être,
paraît-il, évalués, pour chacun d'eux, à
une. soixantaine de francs.
Evidemment, la situation présentée
ainsi est d'une certaine gravité. Je sais
bien que c'est l'insuffisance des crédits
qui oblige à recourir à de telles écono-
mies, et c'est pourquoi je me permets
de prier M. le ministre de la guerre de
vouloir bien étudier de près la question;
c'est à lui qu'il appartient de deman-
der au Parlement des ressources suffi-
santes.
Il y a toute une démocratie militaire,
composée des officiers qui n'ont pour
vivre que leur solde, et à qui la sollici-
tude du gouvernement de la Républi-
que estdue. Cette solde est peu élevée;
l'officier, en temps ordinaire, a de la
difficulté à joindre les deux bouts ; si
de fortes dépenses extraordinaires lui
incombent, il ne peut y faire face qu'en
s'infligeant à lui-même, en infligeant
aux siens, s'il est marié, père de fa-
mille, des privations correspondan-
tes.
Assurément, la patrie est en droit
d'attendre des officiers plus qu'elle ne
demande aux autres fonctionnaires;
c'est de l'abnégation qu'elle peut exiger
d'eux ; mais quand leurs réclamations
sont justifiées, elle doit les accueillir.
Je ne conteste nullement que des éco-
nomies soient nécessaires, mais je dis
que ce n'est pas sur la solde qu'elles
doivent être réalisées.
Je n'ignore pas que cette habitude de
supprimer peu à peu toutes les indem-
nités et allocations entre de plus en
plus, à présent, dans les habitudes mi-
litaires. Lors de ma dernière période de
treize jours, nous avons été prévenus
que la manœuvre aurait lieu « sans
frais », ce qui voulait dire que nous ne
toucherions pas l'indemnité d'usage. La
manœuvre ne durait qu'un jour et le
coucher était assuré au moyen de bil-
lets de logement, le supplément de dé-
penses était très faible ; et encore peut-
on sans inconvénient imposer aux offi-
ciers de l'armée territoriale des sacri-
fices que l'on ne saurait exiger des
officiers de l'armée active.
Je suis convaincu d'être l'interprète
d'un très grand nombre d'officiers qui,
peu fortunés, fidèles serviteurs do la
patrie, d'opinion républicaine pour la
plupart, se trouvent placés dans une
situation très difficile, par suite des cir-
constances auxquelles je viens de faire
allusion.
Le pays a le droit de réclamer d'eux
tout leur temps, tout leur travail, tout
leur dévouement ; mais encore faut-il
qu'ils puissent vivre. C'est là-dessus que
je me permets d'appeler l'attention du
général André.
Lucien Victor-Meunier.
LE BLOC
Les délégués des groupes de
gauche ont, comme on le verra
plus loin, résolu d'avoir une
conférence avec le président du
conseil, et, sur le désir de M.
Combes,, cette entrevue aura
lieu probablement aujourd'hui.
Deux objets sont à l'ordre du jour de
cette conférence : la question des congréga-
tions enseignantes de femmes ; la question
de l'impôt stir le revenu, cette dernière
question, en prenant pour base le projet
Rouvier.
Nous sommes convaincu que l'entente
avec le gouvernement s'établira a sèment
sur ces deux points.
De h conférence jaillira, en outre/un en-
seignement pour tout le monde : c'est que
le bloc est sans fissure, quoiqu'on ait pré-
tendu, plussolide que jamais.
Une fissure? Où serait-elle? Du côté
des radicaux-socialistes répètent avec in-
sistance les journaux modérés. Et je dois
reconnaître que certains républicains ne
montrent pastout le scepticisme nécessaire
a l'égard des papotages des gazettes libé-
râtres. Mais quand donc les radicaux-so-
cialistes ont-ils cessé de réclamer le main-
tien de la solidarité républicaine ?
Et encore une fois, qu'on se rapporte à
nos votes.
Du côté de l'Union démocratique ? Nous
avons eu parfois à reprocher à ce groupe
sa lenteur à accepter les mesures d'énergie
et les actes d'autorité que réclame l'opinion
publique. Mais ceux qui prononcent le
gros mot de « scission » me paraissent
manquer de perspicacité et peut-être du
véritable esprit de justice.
Le fait que M. Etienne, président de
l'Union démocratique, a réclamé l'entrevue
d'aujourd'hui, précisément pour en finir
avec l'absurde légende du « torchon qui
brûle » — ce fait, dis-je, est significatif.
Les républicains ne sont pas à la veille
de se diviser, puisqu'ils sont unanimes à
vouloir maintenir la cohésion de la majo-
rité.
D'ailleurs, au moment où nos adversai-
res, à défaut d'arguments politiques, ré-
pandent partout la diffamation, l'union des
honnêtes gens se fait toute seule contre
Basile. — Ch. B.
LE PRINCE FERDINAND MENACE
(De netre correspondant particulier)
Sofia, 29 mai.
Le prince Ferdinand a reçu des lettres de
menaces de plusieurs réfugiés macédoniens.
Des mesures spéciales ont été prises pour la
protection du palais princier.
LA FRANCE ET LES TATS-UNIS
L'ambassade des Etats-Unis à Paris, a reçu
une dépêche du secrétaire d'Etat du gouverne-
ment américain, l'honorable John Hay, qui la
charge de faire savoir au général Brugèro que
le président des Etats Unis l'a prié de le remer-
cier pour le télégramme qu'il a eu l'allenlion
de lui adresser le soir du banquet Rocham.
béau et de lui faire savoir qu'il a été très tou-
ché par l'expression des bons sentiments qu'a
laissé aux membres de la mission française
leur visite aux Etats-Unis.
« Cette visite, dit le secrétaire d'Etat, forme
un des anneaux d'or do la chaîne paa laquelle
les deux Républiques sœurs sont unies dans
une amitié sans fin. Elle restera toujours pour
le Président au nombre de ses souvenirs les
plus agréables. ».
LES AMIS
DU LUXEMBOURG
Un dîner d'artistes. — Comment on
fonde une Société artistique. — Les
amis du Luxembourg. -- L'édu-
cation progressive du peuple
par les musées. — La
vraie décentralisation.
— Peintres et sculp-
teurs.
Un soir du mois dernier, quelques person-
nalités d'entre les plus marquantes du monde
politique et littéraire dînaient ensemble chez
un ami commun, M. Eugène BIol. Il y avait là
M. Edouard Delpeuch, ancien sous-secrétaire
d'Etat des postes et télégraphes, M. Olivier
Sainsère, le conseiller d'Etat, que passionnent
les véritables œuvres d'art, el M. Georges Le-
comte, vice-président de la Société des gens
do lettres, l'auteur d'Espagne, de Mirages et
des Cartons certs, à qui ses remarquables élu-
des sur l'Art impressionniste ont valu la répu-
talion justifiée d'un critique d'art émérite.
A l'animation toute spirituelle et cordiale
des causeries du repas, l'heure du cigare avait
apporté sa nuance agréable et féconde en rê-
veries parfois interrompues d'aphorismes dis-
cutés ou d'opinions sur les artistes modernes
et leur consécralion posthume.
Quelqu'un hasarda :
— C'est fort joli d'enrichir le Louvre avec l'oeu-
vro des morts. Mais nt forait-on bien mieux en vé-
rité, de s'occuper de l'œuvre des vivants, et des vi-
vants eux-mêmes ?
Une bouche féminine, celle de la maîtresse de
maison, avait généreusoment risqué cette inter-
rogation. Ce no fut pas en vain.
- Fondons la Société des Amis du Luxembourg,
proposa l'un des convives.
— Messieurs, déclara Georges Lecomte, elle est
fondée. Et tirant de sa poche un carnet, il nota :
Première réunion des Amis du Luxembourg; lundi
prochain, à cinq heures.
Et en effet, le lundi suivant, à l'heure dite,
une assemblée préparatoire tenue dans la gale-
rie Georges Petit consacrait l'existence de cette
association nouvalle par l'adoption de statuts
précisant le but entrevu et l'établissement d'un
comité de trente membres fondateurs.
M. Dolpeuch fut élu président, MM. Sainsère
et Simyan, le dépulé rapporteur du budget des
beaux-arts à la Chambre, devinrent vice-pré-
sidents, et notre sympathique confrère M.
Gustave Babin, le dislingué critique d'art de
l'Echo de Paris, fut choisi comme secrétaire
général.
Parmi les premiers adhérents,outre les fon-
dateurs précités, on remarquait, l'éminent cri-
tique Théodore Durel, qui fut l'ami de Manet,
le, dramaturge Auguste Arnault, la D" Viau,
amateur passionné et détenteur do nombreux
chefs-d'œuvre impressionnistes, etc., etc.
Bref, à la fin de cette séance, la nouvelle so-
ciété possédait déjà plus de trois mille franesen
caisse, c'est-à-dire do quoi taira l'acquisition
d'un ou doux tableaux destinés, conformément
aux statuts, à prendre place soit au Luxem-
bourg, soit dans certains grands ou petits mu-
sées de province, afin de favoriser peu à peu le
développement du geût public, si mal orienté
en Franco jusqu'à ce jour.
- L'art et le goût du public
Il est, malheureusement, de toute évidence
que les œuvres d'art ne suscitent à la grande
majorité du public que des jugements conven-
tionnels, clichjs sur les opinions colportées
par la mode ou la fâcheuse réclame. On ne sait
pas admirer spontanément un beau tableau,
une bollo statue, ou, si on l'admire, on ne sait
pas pourquoi. Le goût, de même que les sens,
a besoin d'être dirigé. Il n'est pas autre chose,
en effet, qu'une manifestation d'un sens supé-
rieur, le sens esthétique. Si ce dernier n'est
échu en partage qu'à un petit nombre de pri-
vilégiés, que ceux-là du moins puissent faire
pénétrer leur enseignement à travers le monde,
en imposant la présence des véritables œuvres
d'art parmi les foyers intellectuels de province.
C'est là de la vraie, do la fructueuse et bonne
décentralisation.
Jusqu'alors, on n'admirait que sur comman-
de. Cette toile historique, qui par sa banalité
écœurante reproduit pour la centième fois
peut-être les exploits d'Alexandre, le malin
ou la splendeur de Vénus sortant
de l'onde, le spectateur profane que
de l'onde, sp~eta-Leur prota ne que
par le souvenir d'une légende ou d'une date
mémorable, souvenir auquel le fini, le mo-
delé, la perspective des lignes et des couleurs,
enfin la valeur intrinsèque du tableau, demeu-
rent étrangers.
Tout auprès, ce portrait étudié el fouillé d'un
pinceau consciencieux, cotte marine ou cette
nature morte perdue dans un coin obscur,
laisseront indifférent le promeneur qui ne voit
pas dans un angle, près du cadre, la signature
d'un lauréat de l'Ecole des Beaux-Arts, ou
d'un médaillé du Salon. Ainsi, tout l'effort de
l'art contemporain, tout ce mysticisme inspiré
dos De Groux, des Filiger, des Schuffenecker,
l'impressionisme ardent instauré par Manot, à
qui il a fallu le plaidoyer d'un Zola pour triom-
pher de l'oubli et do l'ignorance nationale, cet
impressionnisme qui, brillamment représenté
par Renoir, Degas, Cézanne, Pissaro, Sisley,
Monet, et plus près de nous par Signac, Luce,
Cross, Van Rissclbcrghe, Borlhe Morizot, Lu-
cie Costurier, Aman Joan, et tant d'autres,
n'a pénétré au Luxembourg qu'à la faveur des
libéralités posthumes d'un bienfaiteur do l'art,
j'ai nommé Caillebotte, peintre lui-même, tout
ce grand mouvement coloriste risquerait do
demeurer longtemps indiffèrent à nos frères de
province, alors que l'Anglolerro, l'Allemagne
et l'Amérique en ont déjà glané les cbefs-d'œu-
vre.
C'est ce que les amis du Luxembourg n'ont
pas voulu. Et nous pourrons hardiment par la
suite leur vouer noire reconnaissance.
La propriété artistique
Quand, en 1897, la Société des amis du Lou-
vre se constitua, c'était afin d'enrichir les col-
lections de notre Musée cational, de provo-
quer les libéralités des amateurs d'art, d'orga-
niser des expositions, des conférences, toutes
choses do nature à développer le sens esthéti-
que des Français.
La Société des amis du Luxembourg, pour
s'adresser aux œuvros des vivants,ne sera pas
moins utile. Réagissant-contre l'admiration
conventionnelle dont bénéficie la peinture offi-
cielle aux yeux des foules, contre ses propres
engouements et enfin contre certaines résis-
tances administratives, elle s'efforcera de son-
ger à ceux que l'Etat paraît oublier, et qui
prolongent, parce qu'indépendants et fiers, cet
oubli.
Il est utile d'ajouter qu'en plus de cet effort
déjà si noble, la nouvelle phalange s'est ré-
servé h mission de venir en aide aux œuvres
d'artistes, qui dans le dénuement,voient, avec
quelque tristesse la notoriété de ceux dont ils
ont partagé les années de gêne et dé misère,
grandir au produit exclusif des marchands
toujours experts à l'exploitation du talent, et
d'autant plus rapaces que nulle loi n'inlervienl
encore aujourd'hui pour sauvegarder la pro-
priété artistique. Sujet de haute importance
cependant, à une époque où le parasitisme
d'un prolétariat d, contrebande arrête dans
leur essor les applications les plus généreuses
du socialisme renaissant. Il faut que la bonne
volonté des uns el des autres so solidarise
pour éveiller l'attention du législateur sur ces
questions de si haute importance.
Aussi bien que l'écrivain, s'il n'appartient
pas à une société protectrice do ses droits, doit
pouvoir trouver des juges et des textes de lois
précis pour lo défendre, lorsqu'il est seul, con-
tre les déprédations des malandrins do lettres
et les abus des éditeurs malveillants, aussi
bien l'artiste doit être protégé contre ces véri-
tables dois sur lesquels il est actuellement dé-
pourvu de louto action, ot pouvoir prélever
une juste quotité rétrospective sur la valeur
grandissante do ses œuvres, devenues à son
insu un objet de spéculation subordonné aux
caprices de la mode et dont les marchands de
tableaux restent seuls à bénéficier.
Il est grand temps do remédier à cette lacune
si grosse de conséquences.C'est pourquoi nous
saluons d'une approbation enthousiaste la
création toute récente de la Société des Amis
du Luxembourg.
ALCANTER DE BRAHM.
Voir* à la 30 page
les Dernières Dépêches
DANS LES COULOIRS DU SÉNAT
Nous trouvons dans la Presse le récit que
voici :
Sortant de la salle des séances, le président
du conseil a rencontré M. Antonia Dubost, sé-
nateur do l'Isère, et lui a reproché ayant été
mis en cause par M. Besson, dans l'affaire du
million des chartreux, d'avoir gardé le si-
lenco.
- Je déclare, a dit M. Combes, que ceux
qui sa prétendent mes amis et qui ont gardé
volontairement le silence dans cette affaire
ont âgi lâchement et se sont fait, par leur
mutisme, les complices, conscients ou non,
des misérables qui colportent la calomnie.
D'abord un pou surpris par ces paroles, M.
Antonin Dubost a répondu qu'il ignorait le
premier mot de tout ce que venait de lui dire
le président du conseil ; qu'en tout cas, il n'y
était pour rien.
— J'ignore, a répliqué M. Combes, s'il y a
eu acquiescement de votre part ou non. Quoi-
qu'il en soit, vous avez gardé le silence et ce
n'est pas là lo rôle d'un ami.
— Oh ! si vous lo prenez comme cela, à vo-
tre aise, dit alors M. Antonin Dubost. Et puis,
je n'ai pas d'observation à recevoir de vous.
Le Petit Temps donne sur le même incident la
version suivante :
M. Combes, président du conseil, apercevant
M. Antonin Dubost lui a reproché, en termes
violents, d'avoir semblé prêter l'oreille aux
calomnies répandues contre lui.
M. Antonin Dubost a répondu qu'il ne sa-
vait ce que cela voulait dire.
M. Combes a alors expliqué que M. Dubost
avait été mis en cause par M. Pichat, député
de l'Isère, et qu'il semblait avoir, par son si-
lence, acquiescé au langage de M. Pichat.
M. Dubost a riposté qu'il ignorait avoir été
mis en cause par M. Pichat, et il a ajouté :
« Je n'admets pas, du reste, la conversation
sur ce ton et je vous prie de cesser. »
Sur quoi M. Combes ayant commencé do
répliquer à son tour, les sénateurs présents
ont séparé les deux interlocuteurs.
L'émotion qui a suivi cet incident a été très
vive pendant tout le reste de la séance.
Des sénateurs raconlaient qu'au milieu de
toutes ces paroles M. Combes aurait dit ceci :
« Et puis, vous savez, je vous le dis à tous, si
vous ne me boulenez pas mieux que cela, je
m'en vais, car j'en ai assez.»
COMÉDIES
Tous les trois mois un député nationaliste
monte à la, tribune de la Chambre, et larmoyant
ou menaçant, ironique ou solennel, récla-
me l'amnistie en faveur de Paul Dérou-
lède et de son inséparable ami, Marcel Ha-
bert.
Cet orateur plein de zèle doit être surpris de
l'inutilité de ses efforts. Ne s'aperçoit-il pas
qu'il n'est point secondé avec un zèle égal par
tous ses amis ?
La Chambre t'écoute d'une oreille distraite en
même temps que fatiguée, et repousse imman-
quablemont le projet soumis à son vote. L'ora-
teur, remonté à son banc, n'en reçoit pas moins
do chaloureuscs félicitations et d'énergiques
poignées do mains.
Le lendemain, la presse réactionnaire tonne
contre l'ignoble intolérance et la basse rancune
du parti républicain. Puis le silence se fait, la
farce est jouée, le rideau est tombé, il ne
se relevé qu'après un interminable entr'acte.
Croyez-vous que tous les nationalistes sont
sincères lorsqu'ils poussent tel ou tel de leurs
hérauts à réclamer le retour des o proscrls» ?
11 doit y avoir quelques petits roitelets qui
sont trop heureux de l'importance que leur
donne l'absence du' maître pour vouloir qu'il
revienne, autant d'étoiles de seconde grandeur
qui ne brillent que grâce à l'éclipsé do l'astre
dans l'orbite duquel elles se mouvent.
C'est uno véritable comédie qui se joue au
Parlement lorsqu'une proposition d'amnistie
est apportée à la tribune. On peut le dire, sans
crainte d'être démenti, l'avant-dernière fois que
la Chambre fut saisie d'un projet de ce genre,
était-ce lassitude ou faiblesse de la part des ré-
publicains 1 Il semblait bien qu'elle dût l'ac-
cueillir avec quelque faveur. Si tout échoua,
ce fut à cause d'un article paru dans un des
plus violents journaux nationalistes.
Donc beaucoup do nationalistes ne trom -
pont plus personne, lorsqu'à grands cris ils
réclament leur général. Eu réalité, si ou le
leur rendait, ils en seraient marris. Par un
prodige sans exemple, lorsqu'ils sont en mino-
rité dovant la Chambre, ce n'est pas une dé-
faite qu'ils essuient, c'est une victoire qu'ils
remportent. — L. Armbrustcr.
- PARTI RADICAL-SOCIALISTE ,-
La Jeunesse républicaine radicale et radiGale-
socialiste, donnera dimanche à 2 h. précises,
salle des Agriculteurs de France, 8, rue d'Athè-
nes, sa grande féte annuelle, sous la présidence
de M. Vallé, garde des sceaux. M. le président
du conseil, les ministres do la guerre, de l'ins-
truction publique, de l'agriculture, du com-
merce et le sous secrétaire d'Etat aux postes so
feront représenter.
- On trouve des invitations au siège social, 25,
rue de Richelieu, où les secrétaires de semaine
reçoivent tous les jours de 4 h. à 6 h.
A LA MEMOIRE D'UNE VICTIME DU CLÉRICALISME
(De nolte correspondant particulier)
Prague, 29 mai.
La Bohême s'apprête à fêter le souvenir d'un
de ses hommes les plus illustres, Jean Huss,
le célèbre martyr de la liberté de conscience,
en posant le o juillet, anniversaire de, sa mort
sur le bûcher de Constance, ta première pierre
de son monument; qui doit être érigé sur ta
place de l'Hôtel-de Ville de Prague.
Lo journal Narodni Li-sty vient de publier
un manifeste signé par les députés, les maires
de Prague et des autres villes de Bohême el
d'autres notabilités, qui convie la nation lchè,
que el les autres peuples slaves à participer
aux fêles de Prague, et il faut espérer que
cette solennité nationale sera couronnée d'un
plein succès.
L'espoir de la Correspondance Tchèque, à la
quelle j'emprunte cette nouvelle,pourrait bien
être déçu. Comment des gens qui, de tout
temps, ont soutenu le cléricalisme dé tous les
pays, iront-ils célébrer la mémoire de Jean
Huss, le vaillant adversaire de l'obscurantisme
romain ? Autant vaudrait inviter le comte
Albert de Mun et M. Georges Berry à cou-
ronner la statue d'Elienne Dolet.
MANŒUVRES MILITAIRES SECRÈTES
EN ALLEMAGNE
'-
(De notre correspondant particulier)
,. Berlin, 29 mai.
L'empereur Guillaume a donné l'ordre à tous
les généraux en chef da Prusse d'assister aux
manœuvres qui auront lieu à Doeberilz, el que
le public ne sera pas admis à voir. Il s'agit de
montrer quelques nouvelles évolutions militai-
res sur lesquelles le secret le pius absolu est
prescrit. On concentrera environ 50.000 hom-
mes à cet effet. On dit que la nouvelle tactique
qu'on veut essayer est une invention de l'em-
pereur, mais ne serait autre chose qu'une
adaptation moderne de l' « ordre de bataille
oblique » (Schiefe Gefechts ordnuny) employé,
tant de fois, par Frédéric le Grand.
LE NOUVEAU CANON ITALIEN
fDd notre correspondant Varticulierl
Rome, 29 mai.
A Bracciano, une brigade du 12' régiment
d'artillerie a procédé l des expériences avec le
nouveau canon 75: Le canon répond à toutes
les exigences du tir rapide, mais le recul est
trop fort et fatigue les hommes, quand on n'use
pas de frein. L'affût demande à être perfec-
tionné.
LE ROI DES BELGES ET SES FILLES
{De noire correspondant particulierl
Bruxelles, 29 mai.
Le procès de succession que la comtesse Lo-
nyay (princesse Stéphanie) et la princesse
Louise ont intenté au roi des Belges ne sera
pas plaidé, un accord ayant été conclu entre le
père et ses deux filles. Le roi s'engage à payer
les dettes de la princesse Louise de Cobourg et
à verser une certaine somme à la comtesse Lo-
nyay.
♦ ———————————.
OU IL EST QUESTION DE PAUL-EMILE
A 4 h. du matin, deux jeunes gens et une
femme, surpris par des agents place du Tertre,
porteurs de volumineux paquets, étaient arrê-
tés place Jules-Joffrin, après une chasse achar-
née, et conduits au poste de la mairie.
Au commissariat de police de Clignancourt,
les paquets furont explorés. On y trouva outre
de la lingerie fine et de riches toilettes, plu-
sieurs paquets de lettres, signées Paul-Emile
ou à lui adressées, deux carnets de chèques de
la Société générale à son nom, un coffret en
acier renfermant son extrait de mariage, une
collection de bijoux et de monnaies anciennes.
Les coupables, Pierre Michel, 18 ans, demeu-
rant rue Laghouat, Armand Garreau, 20 ans,
et sa maîtresse Eugénie Galliée, 19 ans, tous
deux demeurant rue Chappe, avouèrent avoir
dévalisé une hcur9 auparavant l'appartement
de la sœur de cette dernière, au troisième étage
de la maison u" 6, rue Germain-Pilon.
La volée, fort connue dans dans lo monde
où l'on s'amuse sous le pseudonyme de Mme
de Tréville, avait été la maîtresse do Paul-
Emile, tout récemment condamné à 10 ans de
réclusion au sujet de monstrueuses violences
commises sur ses filles.
Le trio a été envoyé au Dépôt. La police croit
tenir deux redoutables chefs de bandes qui opè-
rent depuis un certain temps à Montmartre.
00
SUR LE TCHAD
Londres, 29 mai.
La note suivante a été communiquéo aux
journaux
On apprend que le colonel Elliot, commis-
saire anglais, et le capitaine Moll, commissaire
français à la commission de délimitation do
la frontière du Sokolo, ont quitté Sokoto le
21 mars afin de rejoindre la commission qui
opère sur un rayon de 100 milles en dehors de
la ville.
Le commissaire français avait envoyé un
détachement accompagné d'une forte escorte,
dans la direction du lac Tchad pour précéder
la commission et se rendre compte de l'attitude
des Touareg.
; » •
UN NAUFRAGE
Le paquebot « Ville-de-Cherbourg ».
— Découverte d'un cadavre.
Cherbourg, 29 mai.
Il n'y a malheureusement plus de doute: le
paquebot Ville-de-Cherbourg, dont nous avons,
hier, signalé le retard, a disparu pendant la
traversée du Havre à Cherbourg.
Un télégramme parvenu à l'adresse de l'ar-
mateur annonce en effet la découverte d'un ca-
davre à dix milles environ du cap La Hève.
C'est dans un chalut que ce cadavre a été re-
pêché; son identité a pu être établie. Dans une
des poches, on a retrouvé un maniat de 20 fr.,
émis à Launion, au profit de Kergoat. Or, Ker-
goat était embarqué dans l'équipage de la Ville-
de-Cherbourg.
Les torpilleurs des défenses mobilee de Cher-
bourg et de Dunkerque, envoyés, par ordre
du préfet maritime, en reconnaissance sur le
trajet qu'aurait dû accomplir le vapeur n'ont
rien retrouvé.
L'équipage
Le Havre, 29 mai.
La Ville-de-Cherbourg, à son départ du Ha-
vre, avait a bord. outre le capitaine Le Brazet
et les huit hommes d'équipage, le placeur do
marins Lauran, demeurant quai Videcoq et
l'équipage formé par lui pour le Neuilly de
Cherbourg..
Voici les noms des dix hommes de cet équi-
page ;
Joseph Guichet, inscrit à Saint-Brieuc, demeu-
rant quai Videcoq; Proxède Hilariot, inscrit à
Saint-Pierre, demeurant quai Notre-Dame; Emile-
Pierro Bohu, inscrit à Paimpol, demeurant rue du
Grand-Croissant ; Alexandre Corman, inscrit à
Paimpol, demeurant rue du Grand-Croissant; Ju-
les Chauvin, iuscrit à Granville, demeurant quai
Videcoq ; Jean pouverot, inscrit à Marseille, de-
meurant quai Videcoq , tous six matelots.
Plus les novices : Albert Appamon, inscrit à Ca-
marot, demeurant quai Notre-Dame, et Marie-Guil-
laume Mesmeur, inscrit au Havre, demeurant rue
Dauphine ; le mousse Pierre Saget, inscrit au
Ilavre, demeurant rue du' Grand-Croissant, et le
cuisinier Joseph-Marie Ccssou, né à Landerneau,
demeurant quai Videcoq. c
Le. canlre-lorpilleur Durandal, qui vient
d'entrer au port, rapporte des épaves trouvées
en mer et ayant appartenu à la Ville-de-Cher-
bourg. Il ne reste donc plus d'ospoir sur lo sort
do ce vapeur qu'on suppose avoir été coulé à
la suite, d'une collision. On n'a toujours, au-
cune nouvelle des passagers et do l'équipage.
■ Voir la siiiie dans notre DEUXIEME EDITION;
LA JOURNEE
- PARLEMENTAIRE
-
A LA CHAMBRE
L'ASSISTANCE AUX VIEILLARDS -
Séance calme et laborieuse, pour n as
changer de l'inutile agitation de la veille.,
M. Léon Bourgeois préside.
On passe toul de suite à la discussion
des propositions sur l'assistance aux vieil-
lards, aux infirmes et aux incurables. Nos
lecteurs savent que la discussion générale
est close, et qu'il s'agit d'entamer l'examen
des divers articles.
D'après le texte de l'art. 1er de la commis-
sion, tout Français indigent, âgé de 70 ans
ou atteint d'une maladie reconnue incura-
ble, qui le rend incapable de pourvoir à sa
subsistance par le travail, a droit à l'assis-
tance.
Un contre-projet de M. Vaillant tend à
substituer l'assurance à l'assistance.
M. Vaillant vient critiquer le projet de la
commission.
M. Vaillant. — La commission a écarté
le principe d'assurance pour ne conserver que
le principe d'assistance. Elle a ainsi repoussé
les projets qui, comme celui de l'orateur, ont
pour base l'assurance.
L'assistance, c'est l'obligation sociale recon-
nue de secourir les vieillards, les indigents, les
incurables. Mais est-ce donc le droit admis
pour ceux-ci de se présenter devant la société,
deréclumer son aide, d'avoir le plein exercice
de ce droit? Non.
Dans la théorie de l'assistance, l'indigent re-
çoit encore un secours, fôt-il obligatoirement
délivré de la société. Dans l'assurance, il -y a
un droit acquis à une indemnité légalement due
par la société.
C'est donc le principe d'assurance et non
l'insuffisant principe d'assistance qu'il faut po-
ser au seuil de ces grands problèmes de solida-
rité sociale.
Ce principe admis, les dépenses de secours
pécuniaires ou de pensions représentatives
'd'hospice, d'hospitalisation, déplacement fami-
lial, de construction d'hôpitaux .d'hospices,etc.
doivent être à la charge de l'Etat pour moitié,
du déparlement pour un quart, de la commune
ou du syndical de communes pour le dernier
quart. (Applaudissements.)
M. Chauvière, au nom de la dignité des
vieux ouvriers, appuie le contre-projet de
M. Vaillant.
M. Bienvenu-Martin, rapporteur, est
d'un avis diamétralement opposé. ,
M. Bienvenu-Martin, rapporteur. -
Nous pourrions être d'accord avec M. Vail-
lant s'il ne s'agissait que de reconnaître la su-
périorité du principe d'assurance. Mais il s'a-
git aujourd'hui de faire une. œuvre pratique
et de sauver de la misère ceux qui ne peuvent
pas être assurés, ceux qui n'ont pas pu faire
œuvre de prévoyance.
Nous légiférons aujourd'hui sur l'assistance ;
demain nous légiférerons sur l'assurance.
C'est donc un difficulté de méthode que
M. Bienvenu-Martin oppose à M. Vaillant.
L'article 1er du contre-projet est repoussé
par 449 voix contre 70.
M. Mirman préférerait qu"on réservàt le
mot « indigent » qui figure dans le texte de
la commission.
Cette satisfaction lui est donnée, malgré
une observation de M. Jacques Drake.
M. Mirman propose de compléter ainsi le
paragraphe 1 de l'article LET Î
Tout enf&nt, légitime ou non, ayant vécu
plus de trois ans, donne droit à une réduclioo
de six mois sur l'âge normal de la pension de
vieillesse, au bénéfice de la mère justifiant
qu'elle a supporté dans la mesure de ses s-
sources les charges de l'entretien dudil enfant
jusqu'à l'âge où celui-ci a pu subvenir.lui-
même à ses besoins. -
M. Mirman. — Nous considérons que
la maternité vaut d'être encouragée et d'être
honorée. Les maternilés sont aussi dignes d'in-
térêt que les campagnes de guerre qui per-
mettent d'abaisser la limite d'âge donnant
droit à la retraite.
Nous voulons que la loi accorde un avantage
matériel et rende un hommage moral aux ma-
ternités vaillantes, plus admirables à nos
yeux que les stérilités monacales les plus
saintes. (Applaudissements à l'extrême-gau-
che.)
M. de la Ferronnays veut exclure de l'as-
sistance les vieillards qui ont des parents en
état de leur venir en aide.
M. Millerand proteste contre cet amende-
ment.
M. Millerand, - Il est contraire au
droit civil qui n'impose pas l'obligation ali-
mentaire au frère ou à - la sœur. lra-l-on la
créer par une toi spéciale ? Ce serait dangereux;
mais surtout l'amendement s'inspire, comme
beaucoup d'autres, de principes diamétralement
opposés à ceux de la commission..
Le principe essentiel qui a guidé la commis-
sion est celui d'accorder une créance aux vieil-
lards. Qui dit créance, dit débiteur certain. La
commission fixe comme débiteurs certains, se-
lon les cas, la commune, le département ou
l'Etal; ce n'est qu'ensuite que les œuvres do
l'assistance privée, les concours de la famille
peuvent intervenir.
Mais le vieillard a d'abord une créance sur
l'Etat, la commune ou Je département. Est ce
à dire que l'on doive dédaigner les œuvres
d'assistance privée ? nullement, il faut au con-
traire les encourager et, selon l'expression très
juste d'un des plus distingués do nos secrétai-,
res rédacteurs, M. Paulian, il faut en opérer la
cenlralisation. (Applaudissements.)
M. Auffray veut désavantager «les mères
d'enfants illégitimes ». M. Mirman s'indi-
gne, non sans raison.
L'amendement Mirman est adopté ; l'a-
mendement Auffray repoussé.
Le 20 paragraphe de l'art. 1er est adopté.
L'article 2 met l'assistance à la charge,
de la commune, du département ou de l'E-
tat, suivant le « domicile de secours » de
l'indigent.
M. Sibille apporte un amendement qui
donnerait la place la plus considérable aux
établissements cléricaux charitables,
M. Bienvena-Martin, rapporteur. —
L'adoption de l'amendement de M. Sibille
serait la négation du principe même de la loi,
car il serait en contradiction formelle àvefc
l article 1".
Nous considérons que l'assistance aux vieil-
lards constiluo l'accomplissement d'un devoir
social pour lequel le principe do l'obligation
s'impose. J1 y a uno grande différence en-;
Ira l'assistance privée et l'assistance officielle
qui, seitle, garantit la dignité de l'individu.
M. Féron insiste en faveur du principe
de l'obligation. PFInC]Pe l,
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NOS LEADERS
On me communique une pétition
adressée au préfet du Puy-de-Dôme, et
dont M. Marron, président de la section
clermontoise de la Ligue des Droits de
l'homme, a pris l'initiative. Il s'agit de
la suppression des camps d'instruction.
La pétition demande au préfet d'inter-
venir auprès du général commandant le
13° corps d'armée « afin qu'il sup-
prime, pour cette année au moins, l'en-
voi des troupes de ta garnison de Cler-
mont-Ferrand dans les camps deBourg-
Lastic et de la FonUine-du-Berger ».
Au premier abord, cela paraît une
affaire d'intérêt purement local ; d'au-
tant plus que la pétition commence par
appeler l'attention du préfet sur le pré-
judice causé au petit commerce cler-
montois par cet envoi des troupes dans
les camps d'instruction, préjudice es-
timé à cent mille francs.
Je désirerais envisager la question à
un tout autre point do vue, au point de
vue militaire. Des lettres émanant d'of-
ficiers me fournissent les documents
nécessaires.
Je dirai,d'abord,que jene saurais être
adversaire du principe des camps d'ins-
truction. On peut assurément critiquer
leur organisation et trouver avec raison
peut-être, que les soldats n'y emploient
pas toujours le temps de la façon la
plus profitable à leur éducation mili-
taire. Soit. Je pense, néanmoins, qu'ils
sont encore mieux là qu'à la caserne.
Partisan résolu de la réduction aux
extrêmes limites du possible de la
durée du service -en temps de paix, je
le suis aussi, logiquement, de tout ce
qui rapproche le soldat de l'existence
qu'il serait appelé à vivre en campagne
l'unique but de l'instruction donnée
sous les drapeaux étant de mettre le
soldat en état de faire campagne.
A mon avis, plusieurs "mois passés
dans la cour de la caserno ne valent
pas une semaine de manœuvres. Et en
ce qui concerne les appels de l'armée
territoriale je puis hautement affirmer
que la manœuvre de garnison par la-
quelle se clôture en général la période,
est infiniment plus utile, plus profita-
ble, plus importante à tous égards, que
le reste tout entier de la période.
Je trouve excellent, en principe, que
les soldats soient le plus possible sous-
traits à la vie de caserne ; j'aime les
voir sur les grandes routes, jetés hors
de leurs habitudes, acquérant ainsi d'in-
dispensables qualités d'endurance, for-
cés de se « débrouiller » eux-mêmes,
amenés ainsi à pratiquer cette initiative,
cette solidarité et cette philosophie qui
font le bon soldat.
Je l'avouerai donc : les doléances du
commerce clermontois ne me touchent
pas énormément, parce qu'au dessus des
intérêts privés, si respectables soient-
Us, il convient, selon moi, do toujours
placer les intérêts du pays. Si le séjour
dans les camps d'instruction doit avoir
pour résultat de façonner plus vite et
mieux le soldat aux exigences de la vie
militaire, je demande que ces séjours,
loin d'être supprimés, soient mul-
tipliés.
.*.
Mais j'ai dit tout à l'heure que je
voulais regarder par un autre de ses
côtés le problème. Ce qui me préoc-
cupe, c'est de savoir si, comme on me
l'affirme, ces séjours dans les camps
d'instruction n'occasionnentpas pour les
officiers, et aussi pour les sous-officiers,
par exemple : pour les sous-officiers
mariés; des dépenses supplémentaires
qu'ils sont hors d'état de supporter.
La question vaut, certes, qu'on l'exa-
mine, et je demande, non au préfet du
Puy-de-Dôme, non au général com-
mandant le 13° corps, mais au ministre
de la guerre, de procéder à cet examen.
Los renseignements qui me sont four-
nis chiffrent à une somme de 200 à 250
francs par officier les frais supplémen-
taires auxquels entraîne, pour la gar-
nison de Clermont-Ferrand, le séjour au
camp de Bourg-Lastic. Pour faire face à
ces dépenses extraordinaires, l'officier
reçoit en tout et pour tout une indem-
nité de 30 fr. environ. Quant aux sous-
blficiers, ils no touchent aucune alloca-
tion, bien que les frais supplémentaires
que nécessite ledit séjour puissent être,
paraît-il, évalués, pour chacun d'eux, à
une. soixantaine de francs.
Evidemment, la situation présentée
ainsi est d'une certaine gravité. Je sais
bien que c'est l'insuffisance des crédits
qui oblige à recourir à de telles écono-
mies, et c'est pourquoi je me permets
de prier M. le ministre de la guerre de
vouloir bien étudier de près la question;
c'est à lui qu'il appartient de deman-
der au Parlement des ressources suffi-
santes.
Il y a toute une démocratie militaire,
composée des officiers qui n'ont pour
vivre que leur solde, et à qui la sollici-
tude du gouvernement de la Républi-
que estdue. Cette solde est peu élevée;
l'officier, en temps ordinaire, a de la
difficulté à joindre les deux bouts ; si
de fortes dépenses extraordinaires lui
incombent, il ne peut y faire face qu'en
s'infligeant à lui-même, en infligeant
aux siens, s'il est marié, père de fa-
mille, des privations correspondan-
tes.
Assurément, la patrie est en droit
d'attendre des officiers plus qu'elle ne
demande aux autres fonctionnaires;
c'est de l'abnégation qu'elle peut exiger
d'eux ; mais quand leurs réclamations
sont justifiées, elle doit les accueillir.
Je ne conteste nullement que des éco-
nomies soient nécessaires, mais je dis
que ce n'est pas sur la solde qu'elles
doivent être réalisées.
Je n'ignore pas que cette habitude de
supprimer peu à peu toutes les indem-
nités et allocations entre de plus en
plus, à présent, dans les habitudes mi-
litaires. Lors de ma dernière période de
treize jours, nous avons été prévenus
que la manœuvre aurait lieu « sans
frais », ce qui voulait dire que nous ne
toucherions pas l'indemnité d'usage. La
manœuvre ne durait qu'un jour et le
coucher était assuré au moyen de bil-
lets de logement, le supplément de dé-
penses était très faible ; et encore peut-
on sans inconvénient imposer aux offi-
ciers de l'armée territoriale des sacri-
fices que l'on ne saurait exiger des
officiers de l'armée active.
Je suis convaincu d'être l'interprète
d'un très grand nombre d'officiers qui,
peu fortunés, fidèles serviteurs do la
patrie, d'opinion républicaine pour la
plupart, se trouvent placés dans une
situation très difficile, par suite des cir-
constances auxquelles je viens de faire
allusion.
Le pays a le droit de réclamer d'eux
tout leur temps, tout leur travail, tout
leur dévouement ; mais encore faut-il
qu'ils puissent vivre. C'est là-dessus que
je me permets d'appeler l'attention du
général André.
Lucien Victor-Meunier.
LE BLOC
Les délégués des groupes de
gauche ont, comme on le verra
plus loin, résolu d'avoir une
conférence avec le président du
conseil, et, sur le désir de M.
Combes,, cette entrevue aura
lieu probablement aujourd'hui.
Deux objets sont à l'ordre du jour de
cette conférence : la question des congréga-
tions enseignantes de femmes ; la question
de l'impôt stir le revenu, cette dernière
question, en prenant pour base le projet
Rouvier.
Nous sommes convaincu que l'entente
avec le gouvernement s'établira a sèment
sur ces deux points.
De h conférence jaillira, en outre/un en-
seignement pour tout le monde : c'est que
le bloc est sans fissure, quoiqu'on ait pré-
tendu, plussolide que jamais.
Une fissure? Où serait-elle? Du côté
des radicaux-socialistes répètent avec in-
sistance les journaux modérés. Et je dois
reconnaître que certains républicains ne
montrent pastout le scepticisme nécessaire
a l'égard des papotages des gazettes libé-
râtres. Mais quand donc les radicaux-so-
cialistes ont-ils cessé de réclamer le main-
tien de la solidarité républicaine ?
Et encore une fois, qu'on se rapporte à
nos votes.
Du côté de l'Union démocratique ? Nous
avons eu parfois à reprocher à ce groupe
sa lenteur à accepter les mesures d'énergie
et les actes d'autorité que réclame l'opinion
publique. Mais ceux qui prononcent le
gros mot de « scission » me paraissent
manquer de perspicacité et peut-être du
véritable esprit de justice.
Le fait que M. Etienne, président de
l'Union démocratique, a réclamé l'entrevue
d'aujourd'hui, précisément pour en finir
avec l'absurde légende du « torchon qui
brûle » — ce fait, dis-je, est significatif.
Les républicains ne sont pas à la veille
de se diviser, puisqu'ils sont unanimes à
vouloir maintenir la cohésion de la majo-
rité.
D'ailleurs, au moment où nos adversai-
res, à défaut d'arguments politiques, ré-
pandent partout la diffamation, l'union des
honnêtes gens se fait toute seule contre
Basile. — Ch. B.
LE PRINCE FERDINAND MENACE
(De netre correspondant particulier)
Sofia, 29 mai.
Le prince Ferdinand a reçu des lettres de
menaces de plusieurs réfugiés macédoniens.
Des mesures spéciales ont été prises pour la
protection du palais princier.
LA FRANCE ET LES TATS-UNIS
L'ambassade des Etats-Unis à Paris, a reçu
une dépêche du secrétaire d'Etat du gouverne-
ment américain, l'honorable John Hay, qui la
charge de faire savoir au général Brugèro que
le président des Etats Unis l'a prié de le remer-
cier pour le télégramme qu'il a eu l'allenlion
de lui adresser le soir du banquet Rocham.
béau et de lui faire savoir qu'il a été très tou-
ché par l'expression des bons sentiments qu'a
laissé aux membres de la mission française
leur visite aux Etats-Unis.
« Cette visite, dit le secrétaire d'Etat, forme
un des anneaux d'or do la chaîne paa laquelle
les deux Républiques sœurs sont unies dans
une amitié sans fin. Elle restera toujours pour
le Président au nombre de ses souvenirs les
plus agréables. ».
LES AMIS
DU LUXEMBOURG
Un dîner d'artistes. — Comment on
fonde une Société artistique. — Les
amis du Luxembourg. -- L'édu-
cation progressive du peuple
par les musées. — La
vraie décentralisation.
— Peintres et sculp-
teurs.
Un soir du mois dernier, quelques person-
nalités d'entre les plus marquantes du monde
politique et littéraire dînaient ensemble chez
un ami commun, M. Eugène BIol. Il y avait là
M. Edouard Delpeuch, ancien sous-secrétaire
d'Etat des postes et télégraphes, M. Olivier
Sainsère, le conseiller d'Etat, que passionnent
les véritables œuvres d'art, el M. Georges Le-
comte, vice-président de la Société des gens
do lettres, l'auteur d'Espagne, de Mirages et
des Cartons certs, à qui ses remarquables élu-
des sur l'Art impressionniste ont valu la répu-
talion justifiée d'un critique d'art émérite.
A l'animation toute spirituelle et cordiale
des causeries du repas, l'heure du cigare avait
apporté sa nuance agréable et féconde en rê-
veries parfois interrompues d'aphorismes dis-
cutés ou d'opinions sur les artistes modernes
et leur consécralion posthume.
Quelqu'un hasarda :
— C'est fort joli d'enrichir le Louvre avec l'oeu-
vro des morts. Mais nt forait-on bien mieux en vé-
rité, de s'occuper de l'œuvre des vivants, et des vi-
vants eux-mêmes ?
Une bouche féminine, celle de la maîtresse de
maison, avait généreusoment risqué cette inter-
rogation. Ce no fut pas en vain.
- Fondons la Société des Amis du Luxembourg,
proposa l'un des convives.
— Messieurs, déclara Georges Lecomte, elle est
fondée. Et tirant de sa poche un carnet, il nota :
Première réunion des Amis du Luxembourg; lundi
prochain, à cinq heures.
Et en effet, le lundi suivant, à l'heure dite,
une assemblée préparatoire tenue dans la gale-
rie Georges Petit consacrait l'existence de cette
association nouvalle par l'adoption de statuts
précisant le but entrevu et l'établissement d'un
comité de trente membres fondateurs.
M. Dolpeuch fut élu président, MM. Sainsère
et Simyan, le dépulé rapporteur du budget des
beaux-arts à la Chambre, devinrent vice-pré-
sidents, et notre sympathique confrère M.
Gustave Babin, le dislingué critique d'art de
l'Echo de Paris, fut choisi comme secrétaire
général.
Parmi les premiers adhérents,outre les fon-
dateurs précités, on remarquait, l'éminent cri-
tique Théodore Durel, qui fut l'ami de Manet,
le, dramaturge Auguste Arnault, la D" Viau,
amateur passionné et détenteur do nombreux
chefs-d'œuvre impressionnistes, etc., etc.
Bref, à la fin de cette séance, la nouvelle so-
ciété possédait déjà plus de trois mille franesen
caisse, c'est-à-dire do quoi taira l'acquisition
d'un ou doux tableaux destinés, conformément
aux statuts, à prendre place soit au Luxem-
bourg, soit dans certains grands ou petits mu-
sées de province, afin de favoriser peu à peu le
développement du geût public, si mal orienté
en Franco jusqu'à ce jour.
- L'art et le goût du public
Il est, malheureusement, de toute évidence
que les œuvres d'art ne suscitent à la grande
majorité du public que des jugements conven-
tionnels, clichjs sur les opinions colportées
par la mode ou la fâcheuse réclame. On ne sait
pas admirer spontanément un beau tableau,
une bollo statue, ou, si on l'admire, on ne sait
pas pourquoi. Le goût, de même que les sens,
a besoin d'être dirigé. Il n'est pas autre chose,
en effet, qu'une manifestation d'un sens supé-
rieur, le sens esthétique. Si ce dernier n'est
échu en partage qu'à un petit nombre de pri-
vilégiés, que ceux-là du moins puissent faire
pénétrer leur enseignement à travers le monde,
en imposant la présence des véritables œuvres
d'art parmi les foyers intellectuels de province.
C'est là de la vraie, do la fructueuse et bonne
décentralisation.
Jusqu'alors, on n'admirait que sur comman-
de. Cette toile historique, qui par sa banalité
écœurante reproduit pour la centième fois
peut-être les exploits d'Alexandre, le malin
ou la splendeur de Vénus sortant
de l'onde, le spectateur profane que
de l'onde, sp~eta-Leur prota ne que
par le souvenir d'une légende ou d'une date
mémorable, souvenir auquel le fini, le mo-
delé, la perspective des lignes et des couleurs,
enfin la valeur intrinsèque du tableau, demeu-
rent étrangers.
Tout auprès, ce portrait étudié el fouillé d'un
pinceau consciencieux, cotte marine ou cette
nature morte perdue dans un coin obscur,
laisseront indifférent le promeneur qui ne voit
pas dans un angle, près du cadre, la signature
d'un lauréat de l'Ecole des Beaux-Arts, ou
d'un médaillé du Salon. Ainsi, tout l'effort de
l'art contemporain, tout ce mysticisme inspiré
dos De Groux, des Filiger, des Schuffenecker,
l'impressionisme ardent instauré par Manot, à
qui il a fallu le plaidoyer d'un Zola pour triom-
pher de l'oubli et do l'ignorance nationale, cet
impressionnisme qui, brillamment représenté
par Renoir, Degas, Cézanne, Pissaro, Sisley,
Monet, et plus près de nous par Signac, Luce,
Cross, Van Rissclbcrghe, Borlhe Morizot, Lu-
cie Costurier, Aman Joan, et tant d'autres,
n'a pénétré au Luxembourg qu'à la faveur des
libéralités posthumes d'un bienfaiteur do l'art,
j'ai nommé Caillebotte, peintre lui-même, tout
ce grand mouvement coloriste risquerait do
demeurer longtemps indiffèrent à nos frères de
province, alors que l'Anglolerro, l'Allemagne
et l'Amérique en ont déjà glané les cbefs-d'œu-
vre.
C'est ce que les amis du Luxembourg n'ont
pas voulu. Et nous pourrons hardiment par la
suite leur vouer noire reconnaissance.
La propriété artistique
Quand, en 1897, la Société des amis du Lou-
vre se constitua, c'était afin d'enrichir les col-
lections de notre Musée cational, de provo-
quer les libéralités des amateurs d'art, d'orga-
niser des expositions, des conférences, toutes
choses do nature à développer le sens esthéti-
que des Français.
La Société des amis du Luxembourg, pour
s'adresser aux œuvros des vivants,ne sera pas
moins utile. Réagissant-contre l'admiration
conventionnelle dont bénéficie la peinture offi-
cielle aux yeux des foules, contre ses propres
engouements et enfin contre certaines résis-
tances administratives, elle s'efforcera de son-
ger à ceux que l'Etat paraît oublier, et qui
prolongent, parce qu'indépendants et fiers, cet
oubli.
Il est utile d'ajouter qu'en plus de cet effort
déjà si noble, la nouvelle phalange s'est ré-
servé h mission de venir en aide aux œuvres
d'artistes, qui dans le dénuement,voient, avec
quelque tristesse la notoriété de ceux dont ils
ont partagé les années de gêne et dé misère,
grandir au produit exclusif des marchands
toujours experts à l'exploitation du talent, et
d'autant plus rapaces que nulle loi n'inlervienl
encore aujourd'hui pour sauvegarder la pro-
priété artistique. Sujet de haute importance
cependant, à une époque où le parasitisme
d'un prolétariat d, contrebande arrête dans
leur essor les applications les plus généreuses
du socialisme renaissant. Il faut que la bonne
volonté des uns el des autres so solidarise
pour éveiller l'attention du législateur sur ces
questions de si haute importance.
Aussi bien que l'écrivain, s'il n'appartient
pas à une société protectrice do ses droits, doit
pouvoir trouver des juges et des textes de lois
précis pour lo défendre, lorsqu'il est seul, con-
tre les déprédations des malandrins do lettres
et les abus des éditeurs malveillants, aussi
bien l'artiste doit être protégé contre ces véri-
tables dois sur lesquels il est actuellement dé-
pourvu de louto action, ot pouvoir prélever
une juste quotité rétrospective sur la valeur
grandissante do ses œuvres, devenues à son
insu un objet de spéculation subordonné aux
caprices de la mode et dont les marchands de
tableaux restent seuls à bénéficier.
Il est grand temps do remédier à cette lacune
si grosse de conséquences.C'est pourquoi nous
saluons d'une approbation enthousiaste la
création toute récente de la Société des Amis
du Luxembourg.
ALCANTER DE BRAHM.
Voir* à la 30 page
les Dernières Dépêches
DANS LES COULOIRS DU SÉNAT
Nous trouvons dans la Presse le récit que
voici :
Sortant de la salle des séances, le président
du conseil a rencontré M. Antonia Dubost, sé-
nateur do l'Isère, et lui a reproché ayant été
mis en cause par M. Besson, dans l'affaire du
million des chartreux, d'avoir gardé le si-
lenco.
- Je déclare, a dit M. Combes, que ceux
qui sa prétendent mes amis et qui ont gardé
volontairement le silence dans cette affaire
ont âgi lâchement et se sont fait, par leur
mutisme, les complices, conscients ou non,
des misérables qui colportent la calomnie.
D'abord un pou surpris par ces paroles, M.
Antonin Dubost a répondu qu'il ignorait le
premier mot de tout ce que venait de lui dire
le président du conseil ; qu'en tout cas, il n'y
était pour rien.
— J'ignore, a répliqué M. Combes, s'il y a
eu acquiescement de votre part ou non. Quoi-
qu'il en soit, vous avez gardé le silence et ce
n'est pas là lo rôle d'un ami.
— Oh ! si vous lo prenez comme cela, à vo-
tre aise, dit alors M. Antonin Dubost. Et puis,
je n'ai pas d'observation à recevoir de vous.
Le Petit Temps donne sur le même incident la
version suivante :
M. Combes, président du conseil, apercevant
M. Antonin Dubost lui a reproché, en termes
violents, d'avoir semblé prêter l'oreille aux
calomnies répandues contre lui.
M. Antonin Dubost a répondu qu'il ne sa-
vait ce que cela voulait dire.
M. Combes a alors expliqué que M. Dubost
avait été mis en cause par M. Pichat, député
de l'Isère, et qu'il semblait avoir, par son si-
lence, acquiescé au langage de M. Pichat.
M. Dubost a riposté qu'il ignorait avoir été
mis en cause par M. Pichat, et il a ajouté :
« Je n'admets pas, du reste, la conversation
sur ce ton et je vous prie de cesser. »
Sur quoi M. Combes ayant commencé do
répliquer à son tour, les sénateurs présents
ont séparé les deux interlocuteurs.
L'émotion qui a suivi cet incident a été très
vive pendant tout le reste de la séance.
Des sénateurs raconlaient qu'au milieu de
toutes ces paroles M. Combes aurait dit ceci :
« Et puis, vous savez, je vous le dis à tous, si
vous ne me boulenez pas mieux que cela, je
m'en vais, car j'en ai assez.»
COMÉDIES
Tous les trois mois un député nationaliste
monte à la, tribune de la Chambre, et larmoyant
ou menaçant, ironique ou solennel, récla-
me l'amnistie en faveur de Paul Dérou-
lède et de son inséparable ami, Marcel Ha-
bert.
Cet orateur plein de zèle doit être surpris de
l'inutilité de ses efforts. Ne s'aperçoit-il pas
qu'il n'est point secondé avec un zèle égal par
tous ses amis ?
La Chambre t'écoute d'une oreille distraite en
même temps que fatiguée, et repousse imman-
quablemont le projet soumis à son vote. L'ora-
teur, remonté à son banc, n'en reçoit pas moins
do chaloureuscs félicitations et d'énergiques
poignées do mains.
Le lendemain, la presse réactionnaire tonne
contre l'ignoble intolérance et la basse rancune
du parti républicain. Puis le silence se fait, la
farce est jouée, le rideau est tombé, il ne
se relevé qu'après un interminable entr'acte.
Croyez-vous que tous les nationalistes sont
sincères lorsqu'ils poussent tel ou tel de leurs
hérauts à réclamer le retour des o proscrls» ?
11 doit y avoir quelques petits roitelets qui
sont trop heureux de l'importance que leur
donne l'absence du' maître pour vouloir qu'il
revienne, autant d'étoiles de seconde grandeur
qui ne brillent que grâce à l'éclipsé do l'astre
dans l'orbite duquel elles se mouvent.
C'est uno véritable comédie qui se joue au
Parlement lorsqu'une proposition d'amnistie
est apportée à la tribune. On peut le dire, sans
crainte d'être démenti, l'avant-dernière fois que
la Chambre fut saisie d'un projet de ce genre,
était-ce lassitude ou faiblesse de la part des ré-
publicains 1 Il semblait bien qu'elle dût l'ac-
cueillir avec quelque faveur. Si tout échoua,
ce fut à cause d'un article paru dans un des
plus violents journaux nationalistes.
Donc beaucoup do nationalistes ne trom -
pont plus personne, lorsqu'à grands cris ils
réclament leur général. Eu réalité, si ou le
leur rendait, ils en seraient marris. Par un
prodige sans exemple, lorsqu'ils sont en mino-
rité dovant la Chambre, ce n'est pas une dé-
faite qu'ils essuient, c'est une victoire qu'ils
remportent. — L. Armbrustcr.
- PARTI RADICAL-SOCIALISTE ,-
La Jeunesse républicaine radicale et radiGale-
socialiste, donnera dimanche à 2 h. précises,
salle des Agriculteurs de France, 8, rue d'Athè-
nes, sa grande féte annuelle, sous la présidence
de M. Vallé, garde des sceaux. M. le président
du conseil, les ministres do la guerre, de l'ins-
truction publique, de l'agriculture, du com-
merce et le sous secrétaire d'Etat aux postes so
feront représenter.
- On trouve des invitations au siège social, 25,
rue de Richelieu, où les secrétaires de semaine
reçoivent tous les jours de 4 h. à 6 h.
A LA MEMOIRE D'UNE VICTIME DU CLÉRICALISME
(De nolte correspondant particulier)
Prague, 29 mai.
La Bohême s'apprête à fêter le souvenir d'un
de ses hommes les plus illustres, Jean Huss,
le célèbre martyr de la liberté de conscience,
en posant le o juillet, anniversaire de, sa mort
sur le bûcher de Constance, ta première pierre
de son monument; qui doit être érigé sur ta
place de l'Hôtel-de Ville de Prague.
Lo journal Narodni Li-sty vient de publier
un manifeste signé par les députés, les maires
de Prague et des autres villes de Bohême el
d'autres notabilités, qui convie la nation lchè,
que el les autres peuples slaves à participer
aux fêles de Prague, et il faut espérer que
cette solennité nationale sera couronnée d'un
plein succès.
L'espoir de la Correspondance Tchèque, à la
quelle j'emprunte cette nouvelle,pourrait bien
être déçu. Comment des gens qui, de tout
temps, ont soutenu le cléricalisme dé tous les
pays, iront-ils célébrer la mémoire de Jean
Huss, le vaillant adversaire de l'obscurantisme
romain ? Autant vaudrait inviter le comte
Albert de Mun et M. Georges Berry à cou-
ronner la statue d'Elienne Dolet.
MANŒUVRES MILITAIRES SECRÈTES
EN ALLEMAGNE
'-
(De notre correspondant particulier)
,. Berlin, 29 mai.
L'empereur Guillaume a donné l'ordre à tous
les généraux en chef da Prusse d'assister aux
manœuvres qui auront lieu à Doeberilz, el que
le public ne sera pas admis à voir. Il s'agit de
montrer quelques nouvelles évolutions militai-
res sur lesquelles le secret le pius absolu est
prescrit. On concentrera environ 50.000 hom-
mes à cet effet. On dit que la nouvelle tactique
qu'on veut essayer est une invention de l'em-
pereur, mais ne serait autre chose qu'une
adaptation moderne de l' « ordre de bataille
oblique » (Schiefe Gefechts ordnuny) employé,
tant de fois, par Frédéric le Grand.
LE NOUVEAU CANON ITALIEN
fDd notre correspondant Varticulierl
Rome, 29 mai.
A Bracciano, une brigade du 12' régiment
d'artillerie a procédé l des expériences avec le
nouveau canon 75: Le canon répond à toutes
les exigences du tir rapide, mais le recul est
trop fort et fatigue les hommes, quand on n'use
pas de frein. L'affût demande à être perfec-
tionné.
LE ROI DES BELGES ET SES FILLES
{De noire correspondant particulierl
Bruxelles, 29 mai.
Le procès de succession que la comtesse Lo-
nyay (princesse Stéphanie) et la princesse
Louise ont intenté au roi des Belges ne sera
pas plaidé, un accord ayant été conclu entre le
père et ses deux filles. Le roi s'engage à payer
les dettes de la princesse Louise de Cobourg et
à verser une certaine somme à la comtesse Lo-
nyay.
♦ ———————————.
OU IL EST QUESTION DE PAUL-EMILE
A 4 h. du matin, deux jeunes gens et une
femme, surpris par des agents place du Tertre,
porteurs de volumineux paquets, étaient arrê-
tés place Jules-Joffrin, après une chasse achar-
née, et conduits au poste de la mairie.
Au commissariat de police de Clignancourt,
les paquets furont explorés. On y trouva outre
de la lingerie fine et de riches toilettes, plu-
sieurs paquets de lettres, signées Paul-Emile
ou à lui adressées, deux carnets de chèques de
la Société générale à son nom, un coffret en
acier renfermant son extrait de mariage, une
collection de bijoux et de monnaies anciennes.
Les coupables, Pierre Michel, 18 ans, demeu-
rant rue Laghouat, Armand Garreau, 20 ans,
et sa maîtresse Eugénie Galliée, 19 ans, tous
deux demeurant rue Chappe, avouèrent avoir
dévalisé une hcur9 auparavant l'appartement
de la sœur de cette dernière, au troisième étage
de la maison u" 6, rue Germain-Pilon.
La volée, fort connue dans dans lo monde
où l'on s'amuse sous le pseudonyme de Mme
de Tréville, avait été la maîtresse do Paul-
Emile, tout récemment condamné à 10 ans de
réclusion au sujet de monstrueuses violences
commises sur ses filles.
Le trio a été envoyé au Dépôt. La police croit
tenir deux redoutables chefs de bandes qui opè-
rent depuis un certain temps à Montmartre.
00
SUR LE TCHAD
Londres, 29 mai.
La note suivante a été communiquéo aux
journaux
On apprend que le colonel Elliot, commis-
saire anglais, et le capitaine Moll, commissaire
français à la commission de délimitation do
la frontière du Sokolo, ont quitté Sokoto le
21 mars afin de rejoindre la commission qui
opère sur un rayon de 100 milles en dehors de
la ville.
Le commissaire français avait envoyé un
détachement accompagné d'une forte escorte,
dans la direction du lac Tchad pour précéder
la commission et se rendre compte de l'attitude
des Touareg.
; » •
UN NAUFRAGE
Le paquebot « Ville-de-Cherbourg ».
— Découverte d'un cadavre.
Cherbourg, 29 mai.
Il n'y a malheureusement plus de doute: le
paquebot Ville-de-Cherbourg, dont nous avons,
hier, signalé le retard, a disparu pendant la
traversée du Havre à Cherbourg.
Un télégramme parvenu à l'adresse de l'ar-
mateur annonce en effet la découverte d'un ca-
davre à dix milles environ du cap La Hève.
C'est dans un chalut que ce cadavre a été re-
pêché; son identité a pu être établie. Dans une
des poches, on a retrouvé un maniat de 20 fr.,
émis à Launion, au profit de Kergoat. Or, Ker-
goat était embarqué dans l'équipage de la Ville-
de-Cherbourg.
Les torpilleurs des défenses mobilee de Cher-
bourg et de Dunkerque, envoyés, par ordre
du préfet maritime, en reconnaissance sur le
trajet qu'aurait dû accomplir le vapeur n'ont
rien retrouvé.
L'équipage
Le Havre, 29 mai.
La Ville-de-Cherbourg, à son départ du Ha-
vre, avait a bord. outre le capitaine Le Brazet
et les huit hommes d'équipage, le placeur do
marins Lauran, demeurant quai Videcoq et
l'équipage formé par lui pour le Neuilly de
Cherbourg..
Voici les noms des dix hommes de cet équi-
page ;
Joseph Guichet, inscrit à Saint-Brieuc, demeu-
rant quai Videcoq; Proxède Hilariot, inscrit à
Saint-Pierre, demeurant quai Notre-Dame; Emile-
Pierro Bohu, inscrit à Paimpol, demeurant rue du
Grand-Croissant ; Alexandre Corman, inscrit à
Paimpol, demeurant rue du Grand-Croissant; Ju-
les Chauvin, iuscrit à Granville, demeurant quai
Videcoq ; Jean pouverot, inscrit à Marseille, de-
meurant quai Videcoq , tous six matelots.
Plus les novices : Albert Appamon, inscrit à Ca-
marot, demeurant quai Notre-Dame, et Marie-Guil-
laume Mesmeur, inscrit au Havre, demeurant rue
Dauphine ; le mousse Pierre Saget, inscrit au
Ilavre, demeurant rue du' Grand-Croissant, et le
cuisinier Joseph-Marie Ccssou, né à Landerneau,
demeurant quai Videcoq. c
Le. canlre-lorpilleur Durandal, qui vient
d'entrer au port, rapporte des épaves trouvées
en mer et ayant appartenu à la Ville-de-Cher-
bourg. Il ne reste donc plus d'ospoir sur lo sort
do ce vapeur qu'on suppose avoir été coulé à
la suite, d'une collision. On n'a toujours, au-
cune nouvelle des passagers et do l'équipage.
■ Voir la siiiie dans notre DEUXIEME EDITION;
LA JOURNEE
- PARLEMENTAIRE
-
A LA CHAMBRE
L'ASSISTANCE AUX VIEILLARDS -
Séance calme et laborieuse, pour n as
changer de l'inutile agitation de la veille.,
M. Léon Bourgeois préside.
On passe toul de suite à la discussion
des propositions sur l'assistance aux vieil-
lards, aux infirmes et aux incurables. Nos
lecteurs savent que la discussion générale
est close, et qu'il s'agit d'entamer l'examen
des divers articles.
D'après le texte de l'art. 1er de la commis-
sion, tout Français indigent, âgé de 70 ans
ou atteint d'une maladie reconnue incura-
ble, qui le rend incapable de pourvoir à sa
subsistance par le travail, a droit à l'assis-
tance.
Un contre-projet de M. Vaillant tend à
substituer l'assurance à l'assistance.
M. Vaillant vient critiquer le projet de la
commission.
M. Vaillant. — La commission a écarté
le principe d'assurance pour ne conserver que
le principe d'assistance. Elle a ainsi repoussé
les projets qui, comme celui de l'orateur, ont
pour base l'assurance.
L'assistance, c'est l'obligation sociale recon-
nue de secourir les vieillards, les indigents, les
incurables. Mais est-ce donc le droit admis
pour ceux-ci de se présenter devant la société,
deréclumer son aide, d'avoir le plein exercice
de ce droit? Non.
Dans la théorie de l'assistance, l'indigent re-
çoit encore un secours, fôt-il obligatoirement
délivré de la société. Dans l'assurance, il -y a
un droit acquis à une indemnité légalement due
par la société.
C'est donc le principe d'assurance et non
l'insuffisant principe d'assistance qu'il faut po-
ser au seuil de ces grands problèmes de solida-
rité sociale.
Ce principe admis, les dépenses de secours
pécuniaires ou de pensions représentatives
'd'hospice, d'hospitalisation, déplacement fami-
lial, de construction d'hôpitaux .d'hospices,etc.
doivent être à la charge de l'Etat pour moitié,
du déparlement pour un quart, de la commune
ou du syndical de communes pour le dernier
quart. (Applaudissements.)
M. Chauvière, au nom de la dignité des
vieux ouvriers, appuie le contre-projet de
M. Vaillant.
M. Bienvenu-Martin, rapporteur, est
d'un avis diamétralement opposé. ,
M. Bienvenu-Martin, rapporteur. -
Nous pourrions être d'accord avec M. Vail-
lant s'il ne s'agissait que de reconnaître la su-
périorité du principe d'assurance. Mais il s'a-
git aujourd'hui de faire une. œuvre pratique
et de sauver de la misère ceux qui ne peuvent
pas être assurés, ceux qui n'ont pas pu faire
œuvre de prévoyance.
Nous légiférons aujourd'hui sur l'assistance ;
demain nous légiférerons sur l'assurance.
C'est donc un difficulté de méthode que
M. Bienvenu-Martin oppose à M. Vaillant.
L'article 1er du contre-projet est repoussé
par 449 voix contre 70.
M. Mirman préférerait qu"on réservàt le
mot « indigent » qui figure dans le texte de
la commission.
Cette satisfaction lui est donnée, malgré
une observation de M. Jacques Drake.
M. Mirman propose de compléter ainsi le
paragraphe 1 de l'article LET Î
Tout enf&nt, légitime ou non, ayant vécu
plus de trois ans, donne droit à une réduclioo
de six mois sur l'âge normal de la pension de
vieillesse, au bénéfice de la mère justifiant
qu'elle a supporté dans la mesure de ses s-
sources les charges de l'entretien dudil enfant
jusqu'à l'âge où celui-ci a pu subvenir.lui-
même à ses besoins. -
M. Mirman. — Nous considérons que
la maternité vaut d'être encouragée et d'être
honorée. Les maternilés sont aussi dignes d'in-
térêt que les campagnes de guerre qui per-
mettent d'abaisser la limite d'âge donnant
droit à la retraite.
Nous voulons que la loi accorde un avantage
matériel et rende un hommage moral aux ma-
ternités vaillantes, plus admirables à nos
yeux que les stérilités monacales les plus
saintes. (Applaudissements à l'extrême-gau-
che.)
M. de la Ferronnays veut exclure de l'as-
sistance les vieillards qui ont des parents en
état de leur venir en aide.
M. Millerand proteste contre cet amende-
ment.
M. Millerand, - Il est contraire au
droit civil qui n'impose pas l'obligation ali-
mentaire au frère ou à - la sœur. lra-l-on la
créer par une toi spéciale ? Ce serait dangereux;
mais surtout l'amendement s'inspire, comme
beaucoup d'autres, de principes diamétralement
opposés à ceux de la commission..
Le principe essentiel qui a guidé la commis-
sion est celui d'accorder une créance aux vieil-
lards. Qui dit créance, dit débiteur certain. La
commission fixe comme débiteurs certains, se-
lon les cas, la commune, le département ou
l'Etal; ce n'est qu'ensuite que les œuvres do
l'assistance privée, les concours de la famille
peuvent intervenir.
Mais le vieillard a d'abord une créance sur
l'Etat, la commune ou Je département. Est ce
à dire que l'on doive dédaigner les œuvres
d'assistance privée ? nullement, il faut au con-
traire les encourager et, selon l'expression très
juste d'un des plus distingués do nos secrétai-,
res rédacteurs, M. Paulian, il faut en opérer la
cenlralisation. (Applaudissements.)
M. Auffray veut désavantager «les mères
d'enfants illégitimes ». M. Mirman s'indi-
gne, non sans raison.
L'amendement Mirman est adopté ; l'a-
mendement Auffray repoussé.
Le 20 paragraphe de l'art. 1er est adopté.
L'article 2 met l'assistance à la charge,
de la commune, du département ou de l'E-
tat, suivant le « domicile de secours » de
l'indigent.
M. Sibille apporte un amendement qui
donnerait la place la plus considérable aux
établissements cléricaux charitables,
M. Bienvena-Martin, rapporteur. —
L'adoption de l'amendement de M. Sibille
serait la négation du principe même de la loi,
car il serait en contradiction formelle àvefc
l article 1".
Nous considérons que l'assistance aux vieil-
lards constiluo l'accomplissement d'un devoir
social pour lequel le principe do l'obligation
s'impose. J1 y a uno grande différence en-;
Ira l'assistance privée et l'assistance officielle
qui, seitle, garantit la dignité de l'individu.
M. Féron insiste en faveur du principe
de l'obligation. PFInC]Pe l,
M. l\'liH'1':H1.-- L? gouvernement et
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