Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-04-28
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 28 avril 1903 28 avril 1903
Description : 1903/04/28 (N12100). 1903/04/28 (N12100).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
ClfîQ CENTIMES le NuxtïSroT PARIS & DÉPARTEMENTS lie Wqm g ro, CINQ CENTIMES ,.
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No 12100. — Mardi 28 Avril 1903 „
9 FLORÉAL AN 111
ADMINISTRATION ; 14, rue du Mail
Adresser lettres et mandats a l'Administrateur
NOS LEADERS
te Eglises et l'tat
Que le gouvernement le veuille ou
non, la question de la séparation des
Eglises et de l'Etat est .posée. Volontiers
je reconnais qu'elle ne figure pas dans
le programme du ministère. Mais, M.
Combes ayant dit lui-même au Sénat
que ce divorce pourrait avoir lieu plus
tôt qu'on ne le croit, il sera mis dans
l'obligation de se prononcer. Car le
clergé séculier n'a pas été ému par une
pareille menace. Il s'est imaginé, sans
doute, que c'était une menace en l'air
et dont personne ne tenterait de provo-
quer la réalisation. Aussi, nous assis-
tons en ce moment à une véritable levée
de crosses contre la République et con-
tre la loi. Trop d'évêques et de prêtres
se solidarisent avec les congrégations
pour que l'opinion ne s'en montre pas
irritée.
C'est donc l'attitude d'une partie du
clergé concordataire qui va hâter l'heure
de cette réforme. Elle est désirée impa-
tiemment par les républicains sincères.
Il n'est pas possible que la République
continue à protéger des religions, une
religion surtout, dont tous les représen-
tants sont des ennemis violents, achar-
nés, irréconciliables, qui refusent systé-
matiquement de s'incliner devant Id. loi,
iqui ne reconnaissent aucun droit sur
eux au gouvernement, qui persistent à
obéir aux ordres venus de Rome et dont
chaque parole est comme une sorte de
cri de guerre contre les institutions de
ce pays, contre la science, contre la
raison. Non, la République n'a plus le
droit d'être tolérante à leur égard.
Toute tolérance de sa part serait doré-
navant une preuve de faiblesse inexcu-
sable.
La résistance des prêtres a eu les
effets qu'elle devait avoir. Elle a
échauffé beaucoup d'esprits et les a
habitués à envisager la possibilité im-
médiate d'une solution qu'ils avaient
toujours repoussée jusque-là. Tant de
gens se disent maintenant qu'il est
bien inutile de faire supporter par la
masse des contribuables les frais de
cultes dont la plupart ne reconnaissent
pas la nécessité et de servir des traite-
ments à des ecclésiastiques qui ne se
gênent pas pour injurier la Républi-
que. Que les croyants paient l'exercice
de la religion de leur choix et ses
curés ! Ces deux idées si simples ont
fait, depuis un an, un tel chemin que
l'on n'ose plus plaisanter les auteurs de
propositions de loi tendant à la sépara-
tion des Eglises et de l'Etat, qu'on prend
au contraire au sérieux ces proposi-
tions, qu'on les discute dans tous les
journaux, qu'il n'y a de divergences
d'opinions que sur l'heure où il faudra
voter et appliquer la réforme.
***
Tel est le sort, par exemple, de la
proposition de loi de M. de Pressensé.
Mon collègue du Rhône a profité très
habilement de l'occasion.Tout lemonde,
à cette heure, parle comme d'une chose
mûre de la séparation des Eglises et de
fl'Etat. Le projet de M. de Pressensé,
'communiqué hier à la presse, est donc
accueilli, non pas comme un de ces
papiers de vacances qui sont matières
à polémiques, mais bien comme un
acte dont il y a lieu de se préoccuper.
Et les organes les plus graves, comme
les Débats, y consacrent de longs ar-
ticles.
Il est certain qu'au cours de la pro-
chaine session un débat s'engagera
sur cette proposition de M. de Pressen-
sé un peu trop compliquée car son dis-
positif comporte près de cent articlesi
aussi bien que sur telles ou telles autres
qui avaient été déjà déposées ou qui le
seront. Ni M. Combes ni le clergé ne
tpeuvent s'en étonner. Le premier, par
son discours du Sénat auquel je viens de
ïaire allusion, a donné aux républicains
cette impression que s'il était néces-
saire de recourir à la séparation des
Eglises et de l'Etat pour faire respecter
le pouvoir civil, il n'hésiterait pas.
Quant au clergé, il a de son côté tout
fait pour obliger le gouvernement et les
Chambres a prendre une mesure aussi
importante.
Qu'il ne se plaigne pas, il n'en a pas
le droit. Il sera la victime de ses fanfa-
ronnades et de ses insolences. A force
de tendre la corde, elle se casse. Et, en
vérité, le clergé l'a trop tendue. Voici
trente-deux ans que la République est
fondée et pendant ces trente-deux
années, il n'a cessé de la combattre, de
prendre parti pour les conspirations
ourdies contre elle, de l'insulter après
que les complots ont été déjoués.
***
Quand on sent l'inévitable se produi-
re, on a l'air de s'en moquer parce
qu'on ne peut plus rien faire 'pour y
échapper. Le clergé, et c'est dans l'ordre,
comme on le voit, agit ainsi. A l'en
croire, il ne redoute pas la séparation,
il la désire même ; libre, il aurait plus
de puissance. Simple rodomontade. Le
clergé n'a pas d'intérêt à la séparation
de l'Eglise et de l'Etat. Il est facile de le
démontrer. Cette attitude nouvelle de
sa part n'est qu'un défi lancé à la tête
des républicains pour les faire reculer.
***
Tout d'abord, le clergé séculier reçoit
tous les ans de la République, confor-
mément aux dispositions du Concordat,
une somme de 45 millions, en chiffres
ronds. C'est avec ces 45 millions que
sont payés les traitements des archevê-
ques et des évêques, des curés et des
desservants. Premier avantage.
Ensuite, toujours en vertu du Concor-
dat, les églises métropolitaines ou pa-
roissiales sont mises à sa disposition.
Or, ces églises sont propriétés de l'Etat
ou des communes. Il n'y a d'exception
que pour le Sacré-Cœur de Montmartre,
édifié au moyen d'une souscription pu-
blique, dont la construction a été auto-
risée par une loi et qui appartient à la
mense archiépiscopale de Paris; pour
les chapelles élevées par des particu-
liers, pour les églises et chapelles des
congrégations, qui devront être un jour
liquidées, selon les prescriptions de la
loi de 1901. Second avantage.
De plus,archevêques et évêques, curés
et desservants sont logés les uns dans
des palais qui appartiennent à l'Etat,
les autres dans des presbytères qui sont
propriétés des départements et des com-
munes. Troisième avantage.
Enfin, à côté de chaque paroisse,
existe une fabrique, personne civile et
morale, qui peut recevoir des dons et
des legs, qui profite d'une partie des bé-
néfices du culte, qui a le monopole des
inhumations, qui peut entretenir et
payer des vicaires. Quatrième avantage.
Je pourrais encore, mais je n'insiste
pas, tenir compte de la grande liberté
qui est laissée aux prêtres, du costume
particulier qu'il leur est permis de por-
ter, dos lois qui assurent l'inviolabilité
de l'Eglise et qui protègent l'exercice
du culte, etc., etc. Tout cela constitue
des avantages indéniables.
Evaluons en chiffres tous ces avan-
tages que le clergé retire du Concordat.
Quarante-cinq millions de traitements
et d'indemnités en premier lieu. Si la
séparation est faite, il sera bien obigé
de se loger à ses frais,de se procurer des
locaux propres au culte ou de louer les
églises appartenant à l'Etat au cas où
celui-ci y consentirait. Coût: au moins
60 millions. Et les fabriques continue-
raient-elles d'exister comme en ce mo-
ment? Non. Il faudrait former de nou-
velles associations,conformément à la
loi de 1901. Et le monopole des inhu-
mations ? Ne leur serait-il pas xetiré en
même temps £ Que perdrait l'Eglise de
ce chef ? Bref, sans parler du costume
spécial qui serait très sûrement inter-
dit, on peut estimer à 120 ou 130 mil-
lions ce que le Concordat rapporte à
l'Eglise catholique.
.**
Ce n'est pas de gaîté de cœur qu'on
renonce à des ressources aussi formi-
dables, aussi sûres et aussi régulières.
Quelle serait, d'ailleurs, la situation
de l'Eglise au lendemain de la sépara-
tion ? Les évêques seraient-ils toujours
obéis ? le célibat toujours respecté ? les
dogmes maintenus immuables ? Il y
aurait des schismes, des créations de
sectes, toutes sortes de causes d'affai-
blissement. Ce sont là des choses trop
évidentes pour qu'on ose les contester.
Et puis, les prêtres devenus de simples
citoyens, pourraient-ils comme aujour-
d'hui se moquer du gouvernement, de
la loi, des tribunaux, du parti qui a la
direction des affaires ?
Quanta la chose importante, l'argent,
elle manquerait tout de suite. C'est 120
ou 130 millions, ainsi qu'on l'a vu plus
haut, qu'il faudrait au clergé. Comment
se les procurerait-il ? Il devrait faire
appel aux croyants, aux dévots, aux
conservateurs riches et influents et non
plus à la masse de la nation. Beaucoup
ne donneraient rien, d'autres peu de
chose, d'autres davantage. Mais ceux-là
se fatigueraient vite, car dans leur façon
de comprendre la religion, il entre plus
de caprice et d'hypocrisie que de sincé-
rité et de conviction.
Donc, lorsque le clergé rit de la sépa-
ration des Eglises et de l'Etat et déclare
qu'il la souhaite, il rit jaune et il n'est
rien qu'il ne redoute tant. Tant pis pour
lui. Il a acculé les républicains à cette
nécessité et les républicains ne deman-
dent pas mieux. L'argent que perdra
l'Eglise c'est la collectivité qui en pro-
fitera. Qu'on le veuille ou non, je ter-
mine par les premiers mots de cet arti-
cle, la question est posée. Il faut la
trancher. La lutte imprudente entre-
prise par l'Eglise contre l'Etat ne peut
se terminer que de cette façon.
Charles Bos.
TOUT SEUL!
M. Millevoye reste seul dans
sa lutte contre l'Angleterre.
Tout seul ! Est-ce assez ? Il est
permis d'en douter. Tout le
l'a abandonné. Drumont et
Rochefort ne marchent plus,
Déroulède veut qu'on crie :
« Vive le roi Edouard ! )>, MM. Judet et
Alphonse Humbert demandent que l'ac-
cueil des Parisiens soit cordial et enthou-
siaste, le Conseil municipal nationaliste
recevra le souverain britannique à l'Hôtel
de Ville. Il manquait encore quelqu'un
dans ce concert. Or, voici qu'il intervient
dans la Patrie même. C'est M. Marcel Ha-
bert. Il est du même avis que Déroulède.
On s'en doutait un peu.
Mais cela ne fait rien à M. Millevoye.
Imperturbablement, il continue sa campa-
gne. Il en est quitte poui faire traiter son
ami Deville, président du conseil munici-
pal, de président servile. Quant aux auties,
Déroulède, Habert, ludet, etc., il les voit,
à plat ventre devant l'infâme Albion. Il est
diantrement sévère, M. Millevoye. N'em-
pêche pas qu'on lit dans la Patrie « que la
démonstration est faite et que l'on peut dire
que le mouvement de protestation est gé-
néral ! »
Général, oui, contre la campagne de M.
Millevoye. Que signifient autrement la let-
tre de Déroulède, les articles d'Habert, de
Judet, d'Alphonse Humbert, la décision du
conseil municipal, les réunions de gens qui
veulent pavoiser leurs maisons, etc., etc. ?
M. Millevoye ne peut pas tenir compte de
cela. Habitué à planer au dessus des hum-
bles mortels, il vit avec -son seul idéal. Il
ne voit et il ne peut voir rien autre chose.
Sa crédulité naïve lui fait croire tout ce qui
n'existe pas. Croyez bien qu'il a la certitude
d'être suivi par tout un peuple. Quand on a
la crédulité enracinée à ce point, Norton
s'explique. -
Laissons M. Millevo-ye à ses illusions et
à sa campagne antipatriotique. Il est certain
que, le jour de l'arrivée du roi Edouard, le
chapeau de M. Millevoye restera cloué sur
sa tête. Il fera exception, bien entendu. Et
le même jour, dans la Patrie, il écrira,
avec la conviction absolue de dire la vérité,
que le peuple de Paris a fait, par son calme
glacial, comprendre au roi d'Angleterre
qu'il se souvient du Transvaal et de Fa-
choda. — Ch. B.
Voir en 2. page
Les Cochers de fiacre
et la Question des tarifs
SONNEZ DONC LE TOCSIN !
Les dépêches de l'Agence Havas racontent
que quatre cents malfaiteurs, hommes, fem-
mes, enfants, armés de haches et de bâtons, ont
assailli lundi matin le couvent de Corbara
(Corse); que ces malfaiteurs ont tout brisé ;
qu'il n'y a plus ni portes, ni fenêtres; que les
scènes de désordre ont duré 24 heures ; que,
mardi seulement, la police a pu, avec l'aide de
quatre brigades de gendarmerie, rétablir l'or-
dre; et que, protégés par la force armée, les
Pères — des dominicains, — ont pu évacuer le
couvent et quitter la Corse.
Il ne faut pas nous raconter des histoires. On
ne nous fera pas croire que dans une petite
commune comme Corbara,sur 1.080 habitants,
il y ait 400 malfaiteurs !
La vérité évidente, c'est que tout le monde
dans le pays était lassé du voisinage des do-
minicains ; et quand on a appris que la loi les
expulsait, hommes, femmes, enfants ont tenu
à faire un brin do conduite aux « bons pères o.
Accordons même que la population de Cor-
bara ait pu prendre sur elle de hâter le départ
des moines.
Quand la police arrive pour vider un cou-
vent, los moines se paient souvent le luxe de
sonner le tocsin. Ils penseut provoquer ainsi
l'intervention des dévots. Après l'incident de
Corbara les conréganistes deviendront plus
réservés. Car le tocsin, s'il ranime les zèles
cléricaux, échauffe aussi les oreilles républi-
caines.
Guillaume II ea prophète Daniel
(De notre correspondant particulierl
Metz, 26 avril.
Il n'y a pas que les constructeurs de Notre-
Dame de Paris qui se soient permis des facé-
ties décoratives parmi les figuros du portail.
Au nouveau portail de la cathédrale de Metz,
les architectes ont usé d'une grande licence
sculpturale. Parmi les quatre prophètes qui
ornent l'entrée de l'église, ils ont donné au
prophèteDaniel la tête de Guillaumell. Daniel a
les moustaches victorieusement retroussées,
comme s'il n'avait jamais passé par la fosse
aux lions.
1»
QUELQUES DÉTAILS
SUR LA DÉFAITE DES ANGLAIS
(De notre. correspondant fJarUculierJ
Milan, 26 avril.
D'après les dernières nouvelles qu'une mai-
son de commerce a reçues d'Aden, les An-
glais, dans le Somaliland, ont été victimes
d'une ruse de guerre de leurs adversaires. Les
Somalis ont laissé la colonne Plunkelt captu-
rer 8,000 chameaux et autant de moutons. Les
vainqueurs, grisés par ce succès, ont poussé en
avant, sans prendre les mesures de précaution
nécessaires. Une catastrophe s'en est suivie.
Des régiments indiens doivent prochaine-
ment débarquer à Aden. La situation des An-
glais se complique, par le fait que la saison
des pluies doit commencer sous peu.
MŒURS NATIONALISTES
Nous recevons l'intéressante lettre que voici :
Monsieur le Directeur,
Nous avons recours à votre estimable jour-
nal pour protester contre la conduite des mem-
bres des comités JulienCaron et Gabiel Syveton
à la réunion publique du samedi 25 avril à
l'école; de la rue Etienne-Marcel.
En qualité d'électeurs du quartier Bonne-
Nouvelle, nous assistions au compte rendu du
mandat du citoyen Caron, conseiller munici-
pal. Cet élu put parler dans le plus grand si-
lence. Il énuméra ses travaux à l'Hôtel de
Ville : obtention d'un bec do gaz et construc-
tion d'un urinoir ! Maigre bagage qui ne peut
satisfaire les électeurs républicains du quar-
tier Bonne-Nouvelle.
Le citoyen Bellanger ayant voulu question-
ner Caron sur ses votes, particulièrement sur
la question du gaz et sur le vote d'une indem-
nité aux conseillers généraux, fut l'objet de
violences de la part de jeunes gens imberbes
ayant pour la plupart des professions mal dé-
finies. Ces individus poussant des cris comme
une meute aux abois empêchèrent l'orateur
de parler et maltraitèrent les citoyens qui
osaient exprimer leur mécontentement. L'un
d'eux,se sentant saisi par cinq ou six de ces
énergumènes, s'était cramponné à une porte
afin d'éviter d'être foulé aux pieds. « Coupez-
afin d'éviter
lui les doigts ! » s'écria l'un des sbires de
M. Caron !
Voilà les mœurs électorales importées dans
un arrondissement paisible, par les national-
listes Il
Les électeurs se souviendront et remplace-
ront dans quelques semaines l'invalidé de
Dreyfus, autrement dit M. Syveton, par un
républicain digne do représenter l'arrondisse-
ment du commerce et de l'industrie.
Recevez, Monsieur le Directeur, avec nos re-
merciements l'assurance de notre dévouement
à la cause républicaine.
AGRÈZE, 14, rue Marie-Sluart ; TESSIER, 29,
rue Tiquetonne : BESSOUD, 12, rue
Marie-Stuart ; André PRÉGERMAIN, 5,
passage du Grand-Cerf ; Pierre PRÔ-
GERMAIN; 5, passage du Grand Cerf ;
Louis BESSOUD fils, 12, rue Marie-
Stuart; L. BONWS, ru$de CJéry.
CAUSERIE PEDAGOGIQUE
LES RAPPORTS SECRETS
Une plainte motivée. ""!" Les avanta-
ges de la franchise. — Docilité ap-
parente. — Suspicion mutuelle.
- Un régime à supprimer.
- Motifs de décourage-
ment. — L'avenir des
fonctionnaires.
Il y a quelques jours, nous avons reçu d'un
groupe d'instituteurs-adjoints de Paris une
longue plainte motivée contre les rapports se-
crets de leurs directeurs. Le mal qui nous a été
signalé n'existe pas seulement à Paris. Partout
il y a des directeurs qui jugent bon de ne pas
communiquer à leurs collaborateurs les appré
ciaiions ou les renseignements qu'ils sont
appelés à fournir sur eux.
Est-il besoin de dire que ce ne sont pas ces
directeurs qui sont les mieux inspirés ? Ceux
qui, en toute sincérité, osent mettre sous les
yeux de leurs adjoints les notes qu'ils donnent
à chacun d'eux servent d'une façon plus intel-
ligente et plus courageuse la cause de l'ensei-
gnement on général et de leur école en parti-
culier. En effet, grâce à leur franchise ils
entretiennent, entre eux et leur personnel, une
réciproque confiance qui assure l'accord des
bonnes volontés dans l'établissement. Chacun
travaille allègrement sans arrière-pensée.
La loyauté des relations dissipe à leur nais-
sance les malentendus et aplanit sans peine
les difficultés.
Il en va tout différemment dans les écoles
où adjoints et directeurs se défient les uns des
autres. Les adjoints agissent à leur guise, soit
ouvertement, soit hypocritement. La docilité
des plus obéissants n'est qu'apparente. a Par
derrière » ils so vengent en critiquant, on dé-
binant, en décriant, en déchirant à belles dents
« le patron ». A leur tour ils sont tenus on
suspicion par lui. Il y a entre eux une gran-
de froideur ou une brouille véritable. Et ainsi
ceux qui devraient travailler à la même œuvre
dans une même communion d'idées se trou-
vent divisés en deux camps hostiles. Ils se mé-
prisent, se haïssent, se querellent,. même
parfois devant les enfants !
C'est profondément regrettable.
Protestation justifiée
En vue de faire disparaître un pareil état de
choses,nous enregistrons et nous appuyons la
protestation des instituteurs-adjoints.
Nous souhaitons avec eux qu'ils cessent d'être
a appréciés, enquêtés, jugés, souvent condam-
nés administrativement sans même savoir qu'on
s'est occupé d'eux ». Le résumé des rapports
secrets auxquels ils sont soumis est découra-
geant. Il les met dans l'obligation do devenir
courtisans. Pour avoir, avec de bonnes notes,
avancement, augmentation de traitements, amé-
lioration matérielle de leur existence, ils cher-
chent à plaire à leur directeur. C'est à leur
avis un bon moyen pour réussir et il ne fau-
drait pas connaitre la nature humaine pour
dire qu'ils ont tort en général. A cette inten-
tion ils abdiquent en sa présence toute initia-
tive, toute personnalité. Ils abondent dans son
sens toujours et quand même.Chez les faiblo;,
le caractère se déprime, chez les autres, gronde
l'indignation ou la révolte.
El voilà l'un des motifs pour lesquels, en
conscience, un instituteur ne peut encourager
ses élèves à embrasser la carrière de l'ensei-
gnement,car il serait obligé de leur dire : (eNon
seulement cette carrière vous donnera à peine
le pain nécessaire, mais vous y sorez toute
votre vie à la merci des appréciations arbitrai-
res de vos chefs, sans jamais pouvoir ni los
contrôler ni les discuter ».
Ces paroles amères sont tirées do la plainte
qui nous a été remise. Evidemment, elles sont
quelque peu exagérées, même pour les institu-
teurs de Paris et dos grandes villes, destinés à
rester adjoints toute leur vie. Il y a des chan-
ces, en effet, pour que la plupart se trouvent
tout de même, un jour, sous la direction d'un
homme loyal qui leur montre ce qu'il écrit sur
leur compte.
Mais, et c'est le point à retenir, les adjoints,
aigris, ne songent pas à recruter les écoles
normales. Ils empècheraient plutôt los élèves
d'y entrer.
Une des causes du péril primaire
Et c'est pourquoi les rapports secrls nous
paraissent encore plus condamnables. Ils ont
contribué à créer le péril primaire. S'ils ne
sont pas supprimés ils auront pour résultat de
le faire subsister .môme après la prochaine élé-
vation des traitements.
N'essayons pas d'expliquer aux instituteurs-
adjoints qu'ils ne sont pas les seuls à en souf-
frir, en leur montrant qjie la plupart des autres
fonctionnaires ignorent comme eux les appré-
ciations de leurs supérieurs hiérarchiques, et
que c'est justement le cas, dans l'Université
elle-même, des professeurs do l'enseignement
secondaire et des inspecteurs de tout ordro.
Les instituteurs-adjoints ont leur riposte toute
prête et la voici résumée en sublance :
Il est fâcheux que l'avenir des fonctionnaires dé-
pende de l'opinion variable du chef placé au-dessus
d'eux. C'est la vassalité érigée en princip a d'admi-
nistration moderne. Nous voudrions qu'il en fût
autrement. Ce que nous désirons n'est pas un pro-
grés irréalisable, La preuve en est que pour nous
il a été réalisé. sur le papier. -
Le ministre de l'instruction publique a formelle-
ment recommandé aux inspecteurs primaires do
nous faire contresigner leurs bulletins d'inspection
où se trouve notée notre valeur professionnelle et
mor3le (1). Il a fait la même recommandation à
nos directeurs d'école (2). Les inspecteurs ont tenu
compte des instructions reçues ; quant aux direc-
teurs, les uns se sont conformés aux ordres du
ministre, tout comme les inspecteurs ; los autres
s'y sont refusés.
C'est contre la conduite de ces derniers que nous
nous élevons. Nous demandons qu'à leur tour ils
soient tenus de respecter les règlements.
pourquoi tolérer qu'ils en violent la lettre et
l'esprit ?
C'est un abus criant qui nous lèse et fait du
mal à l'enseignement. Nous avons des motifs sé-
rieux pour le dénoncer ; nous ne nous tairons que
quand il aura disparu. Nous ferons tant et si bien
qu'on finira forcément par nous entendro, soit en
haut lieu, soit au Parlement.
Que la réforme — ou plutôt que !e rappel do la
circulaire ministérielle — vienne d'ici ou de là,
peu nous importe. Mais il faut que iiotro voeti
s'accomplisse. Il est on ne peut plus légal.
Leur répliquer est impossible. Ils ont raison
Le Rappel ne peut donc que publier leurs
doléances, défondre leurs réclamations,et s'ef-
forcer de leur faire obtenir entière satisfaction.
C'est dire par conséquent qu'à l'occasion
nous reviendrons sar ce sujet.
ARMAND DEPPER.
SOCIÉTÉ PROTECTRICE DES ANIMAUX
Outre ses récompenses habituelles, la Société
protectrice des animaux va, cette année, ré-
pandre à profusion dans les écoles primaires
de France des bons points instructifs (série des
oiseaux utiles).
Elle espère ainsi encourager le zèle de ses
jeunes auxiliaires, membres des sociétés sco-
laires protectrices des oiseaux dont le nombre
s'accroît chaque jour grâce au zèle de ses lau-
(1) Cirôulalres ministérielles des t9 novembre
1892 et 12 juin 1894.
(2). Circulaire _Qli11itÓrieJlo au t3 jalnior 1300.
réats ot au concours gracieux des organes les
plus influents do la presse.
La S. P. A. rappelle aux agriculteurs qu'elle
dispose d'un prix destiné à favoriser l'élevage
du bœuf Sarlabot — race désarmée. — Ce prix
dû à la générosité de M. Dutrône, conseiller à
la Cour d'Amiens, se répartit en quatre primes
de 50 fr. et quatre médailles d'argent de 25 fr.
Désireuse d'encourager aussi les sentiments
protecteurs et do répandre ses doctrines parmi
les habitants des campagnes, la Société vient
d'adresser aux préfets ds 50 départements do
France et d'Algérie qui en ont fait la demande
avant le 1" avril, un nombre total do 350 ré-
compenses ainsi réparties :
50 médailles d'argent.
100 médailles de bronze.
250 mentions honorables.
Ces médailles mises à la disposition des pré-
fets seront réparties, au gré de ceux-ci, entre
les diverses sociétés agricoles de leurs départe-
ments.
fa—
LA REINE DU JOUR
L'ordure est la reino du jour. Elle s'étale,
elle revêt mille formes, elle s'offre à tous les
regards. Chanson de café-concert, nouvelle
égrillarde, carte postale obscène, revue de
music-hall, roman illustré d'images gaillardes
ou de photographies ignobles,autant de dégui-
sements divers sous lesquels se cache — ou
plutôt grâce auxquels s'affiche — la pornogra-
phie toute puissante.
Nous ne sommes pas des pudibonds, la gaieté,
la gauloiserie même sont les privilèges de
notre race, mais il y a loin de la gaieté à
l'obscénité, et de la gauloiserie au vice glorifié.
S'habituer aux lectures malsaines et aux
spectacles lubriques, c'est se faner volontaire-
ment le cœur, se pervertir l'imaginatfon et
s'aveulir le caractère.
Il y a dans le développement exagéré de la
littérature polissonne un péril contre lequel
doivent réagir tous ceux qui rêvent pour leurs
semb!ables non point l'abêtissement dans l'or-
dure et l'avachissement dans la débauche, mais
le perfectionnement progressif de l'intelligence
et des volontés viriles.
Car ce ne sont pas les êtres mous et effémi
nés, les décadents aux yeux troublés, ot les
esthètes aux gestes lascifs,ce ne sontpas les cu-
rieux do sensations écœurantes qui se complai-
sent dans la fange voluptueuse où les attirent, -
comme dans un guet-apens, de soi-disant ar- I
listes et poètes dénués de scrupules, qui sauront
un jour secouer le joug de leur dégradation
pour s'élever à des pensées généreuses ot con-
tribuerà la régénération morala et au progrès
social..
Aussi les cyniques professionnels do ta por-
nographie qui, sous le spécieux prétexte qu'ils
confondent l'art avec la luxure étalée — misé-
rable excuse 1 — salissent l'amour en le repré-
sentant comme une débauche ignoble, perver-
tissent l'adolescent, la jeune fille, et donnent
au vieillard inassouvi, njais impuissant, l'illu-
sion d'une excitation dernière, sont des mal-
faiteurs sociaux qui devraient être cloués au
même banc d'iufamie que les criminels de droit
commun.
Si coupable est celui qui s'attaque à la pro-
priété, à la personne d'un homme, combien
plus répréhensible et plus méprisable encore
est celui qui s'attaque à son âme, qui la cor-
rompt systématiquement, qui lui vole sa frai-
cheur d'impression et sa douce tranquillité,
qui la détourne des joies saines et naturelles,
qui l'emprisonne, la dégrade et l'avilit pour
toujours - L. Armbruster.
PAUVRE" PATRIE!
Lâchage général
On pouvait lire hier soir dans la Patrie :
La démonstration est faite, et l'on peut dire que
le mouvement de protestation est général.
Or, le matin même, en première page, sous
la signature de M. E.\Judet, le Petit Journal
publiait ces lignes :
Notre devoir de politesse consiste à bien actteil.
lir te souverain qui no demandera pas en vain
l'accueil do l'hospitalité française.
A la même heure, VEclair publiait un lea-
der-article de M. Alphonse Humbert, dout
voici quelques passages :
Du nouveau, de l'inconnu. Et cela, déjà, doit
être, pour la population parisienne, une raison
suffisante de ne pas suivre le conseil donné un
peu hâtivement par un de nos confrères d'accueil-
lir le souverain anglais par des huées :
Il y a bien des raisons qui nous dissuadent d'une
; pareille attitude, à commencer par le souci de
notre dignité et de notre bon renom. Elles ont été
données un peu partout. Notre éminent collabora-
teur Edouard Lockroy, qu'on ne peut pas, je sup-
pose, taxer d'dnglophilisme, puisqu'il est à peu
près le seul de nos ministres de la marine qui ait
fait un véritable effort pour nom mettre en état
de lutter contre l'Angleterre, a dit là-dessus ce
qu'il y avait à dire. Aux raisons qu'il a données,
j'en veux pourtant ajouter une :
Il n'est pas bon que la politique extérieure d'un
grand peuple comme nous le sommes soit dirigée
par les mouvements de la rue.
Et qu'on ne m'objecte pas que j'énonce là une
proposition antidémocratique. Pas plus dans les
démocraties que dans les Etats monarchiques, il
n'est prudent de se fier, pour fixer les destinées de
la nation, aux directions, le plus souvent irréflé-
chies, qui émanent de la foule.
.Trop souvent hélas! ceux qui s'érigeaient en
directeurs bénévoles do notre politique extérieure
se sont fourvoyés au grand dam de la patrie, pour
qn'en la présente occurence, et sur leur simple
caution, nous nous laissions entraîner à des mani-
festations violentes qui ne sont pas do notre carac-
tère ot dont il n'est nullement certain que nous
n'aurions pas à nous repentir.
Lâchée par Déroulède, par Léon XIII, par le
conseil municipal de Paris, par le Petit Journal,
par l'Eclair, etc., voici que la Pairie l'es^
également par. les patriotes, ainsi que l'at-
teste la lettre suivante que nous venons de re-
cevoir :
Monsieur,
Dans son numéro d'hier, la Patrie se plaignait
de ce que vous mettiez en doute l'authenticité des
lettres qu'elle publie.
Vous pourriez aussi lui demander de publier les
lettres de blâme qu'elle reçoit.
Pour mon compte, jo lui en ai écrit une, un peu
plus sérieusement motivée que les épîtrès qu'elle
nous présente chaque soir. Je l'ai cherchée inutile-
ment.
Evidemment, ces gens sont ridicules quand ils
se donnent comme représentant les patriotes. S'ils
se figurent que nous allons les suivre, en foulant
aux pieds les intérêts commerciaux et même poli-
tiques du pays, ils se trompent singulièrement.
Pour mon compte, je ne partage pas vos idées
sur la politique intérieure, mais à l'arrivée du re-
présentant de la nation qui est notre bonne cliente,
je ferai comme vous en manifestant ma sympathie
de la manière la plus vigoureuse. Et vous pouvez
être certain que beaucoup de patriotes sérieux sont
de mon avis. Dans huit jours, il sera prouvé que la
rédaction de la Patrie s'est agitée dans le vide.
Ceci m'attriste ; j'aurais cru MM. Massard et
Millevoye plus sérieux, car pour des gens qui se
disent patriotes, leur manière de faire est incom-
préhensible.
• De deux choses l'une : ou ils commettent sciem-
ment une action déplorable, ou ce sont de purs
loufoques.
Agréez, monsieur, l'assurance de ma parfaite
considération.
Alf. MOUTHON, délégué de la Ligue
des Patriotes, quartier Sainte-
Marguerite, t8, rue Paul-Bert,
Paris (XIe).
P.-S," - Ayant la franchise de môn opinion,que
je crois conforma aux intérêts du pays, je vous
autorise au Iwsoia à publier ma prestation.
LE VOYAGE
PRESIDENTIEL
VERS LA TUNISIE
La dernière journée en Algérie. -
Adieux et remerciements. - Un
voyage peu confortable. - La
pluie. - Les réceptions à
Guelma.—Arrivée à Bône.
— Remerciements à
l'armée d'Afrique.
(De noire envoyé spécial)
Constantine, 26 avril.
C'est aujourd'hui le dernier jour du voyage
en Algérie, car, ce soir, le Président de la Ré-
publique s'embarquera à bord de la Jeanne-
d'Arc, pour sa rendre à Tunis.
Il fera ses adieux aux autorités algériennes
qui, depuis douze jours, l'accompagnent. On
affirme que M. Loubet, désireux de reconnaî-
tre l'incroyable connaissance de choses algé-
rien ces dont M. Varnier, secrétaire général du
gouvernement de l'Algérie et gouverneur par
intérim, a donné pendant tout ce voyage la
prouve constante, lui remettra ce soir, au mo-
ment où il quittera la terre algérienne, la croix
de chevalier de la Légion d'honneur.
La partie du voyage qui s'accomplit actuel-
lement manque décidément de confortable.
Outre que lo train marche à une vitesse de
moins de 28 kilomètres à l'heure, il a été im-
possible do trouver des voitures en nombre
suffisant pour composer le train présidentiel.
Mais ce n'est pas tout. On n'a pas pu assurer
le transport simultané de tous les compagnons
de route du Président de ta République. M.
Loubet, en effet, allant s'embarquer à Bône sur
la Jeanne-d'Arc. qui le conduira à Tunis, devra
faire seul, ou à peu près, le parcours de Guel-
ma à Bône. Ne pourront partir avec lui que les
quelques personnes qui prendront place sur la
Jeanne-d'Arc. les autres devront se rendre di-
rectement de Guelma à Tunis, l'insuffisance
des moyens de communication ne permettant
pas d'arriver à Tunis en temps utile si on fai-
sait le crochet de Guolma à Bône.
Il a plu toute la nuit, il pleui encore ce ma-
tin, quand, à 7 heures 1[2, M. Loubet quitte
Constantine,
Le Rummel, grossi par les grandes, pluies
et les orages de ces jours derniers, roule
ses eaux grondantes au fond du ravin qui
entoure le rocher de Constantine.
Les troupes, zouaves et artilleurs, font la
haie entre la préfecture et la gare sur le passage
du landau fermé où le Président est assis avec
M. VarnieT, le maire M. Morinaud et M. Com-,
barieu. Les caïds, encapuchonnés sous leur
burnous, précèdent le cortège.
M. Loubet prend congé, à la gare, du maire
et des autorités de Constantine et spéciale-
ment des officiers, qu'il fait appeler sur le quai
de la gare.
A Guelma
Guelma, 26 avril.
Aucun incident ne s'est produit pendant le
trajet do Bône à Guelma.
Dans les stations, aucuno réception n'a eu
liou. M. Loubet sa repose dans son wagon, des
Arabes à cheval gardent la voie.
La région est accidentée, pittoresque, les
sources sulfureuses d'Hammam-Meskouline
tombent le long de la voie, en cascades fu-
meuses.
A 11 h. 1|4, on arrive à Guelma. La pluie a
cessé, mais le temps reste froid.
Le Président descend de son wagon ot, sous
un arc de triomphe colossal en feuillage dtl
lentisque, il procède à la réception des autori-
tés. Le maire remercie M. Loubet de la visite
qu'il fait à la ville de Guelma et à son con-
cours agricole.
M. Loubet répond qu'il a été heureux da
pouvoir consacrer quelques instants à Guelma.
Ce que j'ai vu le long de la route, dit-il, atteste
les progrès de la colonisation et les efforts déployés
depuis le jour où le premier colon est venu ici
avec sa charrue.
Vous avez parlé d'un malentendu que je ne dé-
plore pas moins que vous ; mais après la pluie d'o-
rage, parfois bienfaisante, la lumière se produit el
éclaire ceux qui, de bonne ou de mauvaise foi,
ont été les propagateurs ou les instigateurs des
conflits.
Je ne doute pas que tout le monde en France na
reconnaisse que les colons ot les indigènes sont,
par la force même des choses, obligés de marcher
d'accord: les colons étant les pionniers de li civi-
lisation, doivent donner l'exemple des méthodes da
culture aux indigènes.
Les colons, d'autre part, ont un besoin impérieux
de la main. d'œuvre indigène.
Le président du comice agricole expose les
progrès de l'agriculture on Algérie.
Le président répond qu'il reconnait la né-
cessité d'appliquer impartialement la justice
sans en exclure l'humanité avec toute la célé-
rité nécessaire, afin d'assurer aux colons comme
aux indigènes une vie de paix, de calme ot da
travail.
La présentation des fonctionnaires se fait *
assez rapidement, puis le Président de la Ré-
publique visite le concours agricole de Guelma.
Il part à mïdi 15 pour Bône.
M. Maruéjouls, qui avait été à Timgad pas-
ser la journée d'hier, est de retour et prend sa
place dans la cortège.
Les personnes qui n'embarqueront pas sur la
Jeanne-d'Arc continuent leur voyage sur Tunis.
Los membres de la presse, en raison du peu
d'attentions qu'ils ont rencontré de la part da
la Compagnie de chemins de fer,ant remis au
ministre des travaux publics la protestation
suivante :
Les membres de la presse métropolitaine et al-
gérienne accompagnant le Président de la Répu-
blique protestent contre la façon inconvenanta
dont les a traités la Compagnie de DOne-Guelma.
A Bône
Bône, 26 avril.
Le Président de la République a tenu, avant
son départ de l'Algérie, à adresser ses félicita-
tions à l'armée d'Afrique. II a fait remettre la
lettre suivante, au général Caze, commandant
le 20" corps d'armée;
Mon cher général,
Les troupes que vous m'avez présentées pendant
mou voyage à Alger, Orau, Constantinc, comme au
Kreider et à Sétif, montrent aux populations aa
milieu desquelles elles vivent l'exemple du dé-
vouement et de l'obéissance aux lois.
Leur entraînement, leur discipline et leur force
constituent une garantie sur laquelle la République
a le droit de compter. Leurs vertus militaires sont
un puissant moyen d'aider au développement de la
colonisation.
Je ne veux pas quitter l'Algérie sans vous adres-
ser au nom du gouvernement de la République mes
plus sincères félicitations, à vous qui commandez
si bien le 19e corps d'armée, aux officiers et aux
troupes de toutes armes sous vos ordres.
Recevez, mon cher général, l'assurance de mes
sentiments affectueux.
ÉMILE LOUBET.
Les réceptions
Les autorités ont été reçues dans une vasta
tente, dressée dans la gare do Bône.
Six petites Mauresques, revêtues de leur cos-
tume national, ont offert à M. Loubet un bOu"
quet.
Le maire a remercié M. Loubet d'être vonu
visiter « la ruche laboriouse que forme la villa
qu'il administre".
M. Loubet a remercié le maire et il a ajouté
qu'après la pluie bienfaisante (Phier et de cette
nuit, le rayon de soleil qui saluait sa visite
était d'un heureux gydftitOme pour les CQIQU
- e-INQ C£N'1'IM:-£S le Número w PÂRIS & ctPARTEM£NfS J:..;e NuxntSro CINO C:ENTI1\E..
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De 4 à 8 heures du soir et de i0 heures du soir à 1 heure du matin
No 12100. — Mardi 28 Avril 1903 „
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NOS LEADERS
te Eglises et l'tat
Que le gouvernement le veuille ou
non, la question de la séparation des
Eglises et de l'Etat est .posée. Volontiers
je reconnais qu'elle ne figure pas dans
le programme du ministère. Mais, M.
Combes ayant dit lui-même au Sénat
que ce divorce pourrait avoir lieu plus
tôt qu'on ne le croit, il sera mis dans
l'obligation de se prononcer. Car le
clergé séculier n'a pas été ému par une
pareille menace. Il s'est imaginé, sans
doute, que c'était une menace en l'air
et dont personne ne tenterait de provo-
quer la réalisation. Aussi, nous assis-
tons en ce moment à une véritable levée
de crosses contre la République et con-
tre la loi. Trop d'évêques et de prêtres
se solidarisent avec les congrégations
pour que l'opinion ne s'en montre pas
irritée.
C'est donc l'attitude d'une partie du
clergé concordataire qui va hâter l'heure
de cette réforme. Elle est désirée impa-
tiemment par les républicains sincères.
Il n'est pas possible que la République
continue à protéger des religions, une
religion surtout, dont tous les représen-
tants sont des ennemis violents, achar-
nés, irréconciliables, qui refusent systé-
matiquement de s'incliner devant Id. loi,
iqui ne reconnaissent aucun droit sur
eux au gouvernement, qui persistent à
obéir aux ordres venus de Rome et dont
chaque parole est comme une sorte de
cri de guerre contre les institutions de
ce pays, contre la science, contre la
raison. Non, la République n'a plus le
droit d'être tolérante à leur égard.
Toute tolérance de sa part serait doré-
navant une preuve de faiblesse inexcu-
sable.
La résistance des prêtres a eu les
effets qu'elle devait avoir. Elle a
échauffé beaucoup d'esprits et les a
habitués à envisager la possibilité im-
médiate d'une solution qu'ils avaient
toujours repoussée jusque-là. Tant de
gens se disent maintenant qu'il est
bien inutile de faire supporter par la
masse des contribuables les frais de
cultes dont la plupart ne reconnaissent
pas la nécessité et de servir des traite-
ments à des ecclésiastiques qui ne se
gênent pas pour injurier la Républi-
que. Que les croyants paient l'exercice
de la religion de leur choix et ses
curés ! Ces deux idées si simples ont
fait, depuis un an, un tel chemin que
l'on n'ose plus plaisanter les auteurs de
propositions de loi tendant à la sépara-
tion des Eglises et de l'Etat, qu'on prend
au contraire au sérieux ces proposi-
tions, qu'on les discute dans tous les
journaux, qu'il n'y a de divergences
d'opinions que sur l'heure où il faudra
voter et appliquer la réforme.
***
Tel est le sort, par exemple, de la
proposition de loi de M. de Pressensé.
Mon collègue du Rhône a profité très
habilement de l'occasion.Tout lemonde,
à cette heure, parle comme d'une chose
mûre de la séparation des Eglises et de
fl'Etat. Le projet de M. de Pressensé,
'communiqué hier à la presse, est donc
accueilli, non pas comme un de ces
papiers de vacances qui sont matières
à polémiques, mais bien comme un
acte dont il y a lieu de se préoccuper.
Et les organes les plus graves, comme
les Débats, y consacrent de longs ar-
ticles.
Il est certain qu'au cours de la pro-
chaine session un débat s'engagera
sur cette proposition de M. de Pressen-
sé un peu trop compliquée car son dis-
positif comporte près de cent articlesi
aussi bien que sur telles ou telles autres
qui avaient été déjà déposées ou qui le
seront. Ni M. Combes ni le clergé ne
tpeuvent s'en étonner. Le premier, par
son discours du Sénat auquel je viens de
ïaire allusion, a donné aux républicains
cette impression que s'il était néces-
saire de recourir à la séparation des
Eglises et de l'Etat pour faire respecter
le pouvoir civil, il n'hésiterait pas.
Quant au clergé, il a de son côté tout
fait pour obliger le gouvernement et les
Chambres a prendre une mesure aussi
importante.
Qu'il ne se plaigne pas, il n'en a pas
le droit. Il sera la victime de ses fanfa-
ronnades et de ses insolences. A force
de tendre la corde, elle se casse. Et, en
vérité, le clergé l'a trop tendue. Voici
trente-deux ans que la République est
fondée et pendant ces trente-deux
années, il n'a cessé de la combattre, de
prendre parti pour les conspirations
ourdies contre elle, de l'insulter après
que les complots ont été déjoués.
***
Quand on sent l'inévitable se produi-
re, on a l'air de s'en moquer parce
qu'on ne peut plus rien faire 'pour y
échapper. Le clergé, et c'est dans l'ordre,
comme on le voit, agit ainsi. A l'en
croire, il ne redoute pas la séparation,
il la désire même ; libre, il aurait plus
de puissance. Simple rodomontade. Le
clergé n'a pas d'intérêt à la séparation
de l'Eglise et de l'Etat. Il est facile de le
démontrer. Cette attitude nouvelle de
sa part n'est qu'un défi lancé à la tête
des républicains pour les faire reculer.
***
Tout d'abord, le clergé séculier reçoit
tous les ans de la République, confor-
mément aux dispositions du Concordat,
une somme de 45 millions, en chiffres
ronds. C'est avec ces 45 millions que
sont payés les traitements des archevê-
ques et des évêques, des curés et des
desservants. Premier avantage.
Ensuite, toujours en vertu du Concor-
dat, les églises métropolitaines ou pa-
roissiales sont mises à sa disposition.
Or, ces églises sont propriétés de l'Etat
ou des communes. Il n'y a d'exception
que pour le Sacré-Cœur de Montmartre,
édifié au moyen d'une souscription pu-
blique, dont la construction a été auto-
risée par une loi et qui appartient à la
mense archiépiscopale de Paris; pour
les chapelles élevées par des particu-
liers, pour les églises et chapelles des
congrégations, qui devront être un jour
liquidées, selon les prescriptions de la
loi de 1901. Second avantage.
De plus,archevêques et évêques, curés
et desservants sont logés les uns dans
des palais qui appartiennent à l'Etat,
les autres dans des presbytères qui sont
propriétés des départements et des com-
munes. Troisième avantage.
Enfin, à côté de chaque paroisse,
existe une fabrique, personne civile et
morale, qui peut recevoir des dons et
des legs, qui profite d'une partie des bé-
néfices du culte, qui a le monopole des
inhumations, qui peut entretenir et
payer des vicaires. Quatrième avantage.
Je pourrais encore, mais je n'insiste
pas, tenir compte de la grande liberté
qui est laissée aux prêtres, du costume
particulier qu'il leur est permis de por-
ter, dos lois qui assurent l'inviolabilité
de l'Eglise et qui protègent l'exercice
du culte, etc., etc. Tout cela constitue
des avantages indéniables.
Evaluons en chiffres tous ces avan-
tages que le clergé retire du Concordat.
Quarante-cinq millions de traitements
et d'indemnités en premier lieu. Si la
séparation est faite, il sera bien obigé
de se loger à ses frais,de se procurer des
locaux propres au culte ou de louer les
églises appartenant à l'Etat au cas où
celui-ci y consentirait. Coût: au moins
60 millions. Et les fabriques continue-
raient-elles d'exister comme en ce mo-
ment? Non. Il faudrait former de nou-
velles associations,conformément à la
loi de 1901. Et le monopole des inhu-
mations ? Ne leur serait-il pas xetiré en
même temps £ Que perdrait l'Eglise de
ce chef ? Bref, sans parler du costume
spécial qui serait très sûrement inter-
dit, on peut estimer à 120 ou 130 mil-
lions ce que le Concordat rapporte à
l'Eglise catholique.
.**
Ce n'est pas de gaîté de cœur qu'on
renonce à des ressources aussi formi-
dables, aussi sûres et aussi régulières.
Quelle serait, d'ailleurs, la situation
de l'Eglise au lendemain de la sépara-
tion ? Les évêques seraient-ils toujours
obéis ? le célibat toujours respecté ? les
dogmes maintenus immuables ? Il y
aurait des schismes, des créations de
sectes, toutes sortes de causes d'affai-
blissement. Ce sont là des choses trop
évidentes pour qu'on ose les contester.
Et puis, les prêtres devenus de simples
citoyens, pourraient-ils comme aujour-
d'hui se moquer du gouvernement, de
la loi, des tribunaux, du parti qui a la
direction des affaires ?
Quanta la chose importante, l'argent,
elle manquerait tout de suite. C'est 120
ou 130 millions, ainsi qu'on l'a vu plus
haut, qu'il faudrait au clergé. Comment
se les procurerait-il ? Il devrait faire
appel aux croyants, aux dévots, aux
conservateurs riches et influents et non
plus à la masse de la nation. Beaucoup
ne donneraient rien, d'autres peu de
chose, d'autres davantage. Mais ceux-là
se fatigueraient vite, car dans leur façon
de comprendre la religion, il entre plus
de caprice et d'hypocrisie que de sincé-
rité et de conviction.
Donc, lorsque le clergé rit de la sépa-
ration des Eglises et de l'Etat et déclare
qu'il la souhaite, il rit jaune et il n'est
rien qu'il ne redoute tant. Tant pis pour
lui. Il a acculé les républicains à cette
nécessité et les républicains ne deman-
dent pas mieux. L'argent que perdra
l'Eglise c'est la collectivité qui en pro-
fitera. Qu'on le veuille ou non, je ter-
mine par les premiers mots de cet arti-
cle, la question est posée. Il faut la
trancher. La lutte imprudente entre-
prise par l'Eglise contre l'Etat ne peut
se terminer que de cette façon.
Charles Bos.
TOUT SEUL!
M. Millevoye reste seul dans
sa lutte contre l'Angleterre.
Tout seul ! Est-ce assez ? Il est
permis d'en douter. Tout le
l'a abandonné. Drumont et
Rochefort ne marchent plus,
Déroulède veut qu'on crie :
« Vive le roi Edouard ! )>, MM. Judet et
Alphonse Humbert demandent que l'ac-
cueil des Parisiens soit cordial et enthou-
siaste, le Conseil municipal nationaliste
recevra le souverain britannique à l'Hôtel
de Ville. Il manquait encore quelqu'un
dans ce concert. Or, voici qu'il intervient
dans la Patrie même. C'est M. Marcel Ha-
bert. Il est du même avis que Déroulède.
On s'en doutait un peu.
Mais cela ne fait rien à M. Millevoye.
Imperturbablement, il continue sa campa-
gne. Il en est quitte poui faire traiter son
ami Deville, président du conseil munici-
pal, de président servile. Quant aux auties,
Déroulède, Habert, ludet, etc., il les voit,
à plat ventre devant l'infâme Albion. Il est
diantrement sévère, M. Millevoye. N'em-
pêche pas qu'on lit dans la Patrie « que la
démonstration est faite et que l'on peut dire
que le mouvement de protestation est gé-
néral ! »
Général, oui, contre la campagne de M.
Millevoye. Que signifient autrement la let-
tre de Déroulède, les articles d'Habert, de
Judet, d'Alphonse Humbert, la décision du
conseil municipal, les réunions de gens qui
veulent pavoiser leurs maisons, etc., etc. ?
M. Millevoye ne peut pas tenir compte de
cela. Habitué à planer au dessus des hum-
bles mortels, il vit avec -son seul idéal. Il
ne voit et il ne peut voir rien autre chose.
Sa crédulité naïve lui fait croire tout ce qui
n'existe pas. Croyez bien qu'il a la certitude
d'être suivi par tout un peuple. Quand on a
la crédulité enracinée à ce point, Norton
s'explique. -
Laissons M. Millevo-ye à ses illusions et
à sa campagne antipatriotique. Il est certain
que, le jour de l'arrivée du roi Edouard, le
chapeau de M. Millevoye restera cloué sur
sa tête. Il fera exception, bien entendu. Et
le même jour, dans la Patrie, il écrira,
avec la conviction absolue de dire la vérité,
que le peuple de Paris a fait, par son calme
glacial, comprendre au roi d'Angleterre
qu'il se souvient du Transvaal et de Fa-
choda. — Ch. B.
Voir en 2. page
Les Cochers de fiacre
et la Question des tarifs
SONNEZ DONC LE TOCSIN !
Les dépêches de l'Agence Havas racontent
que quatre cents malfaiteurs, hommes, fem-
mes, enfants, armés de haches et de bâtons, ont
assailli lundi matin le couvent de Corbara
(Corse); que ces malfaiteurs ont tout brisé ;
qu'il n'y a plus ni portes, ni fenêtres; que les
scènes de désordre ont duré 24 heures ; que,
mardi seulement, la police a pu, avec l'aide de
quatre brigades de gendarmerie, rétablir l'or-
dre; et que, protégés par la force armée, les
Pères — des dominicains, — ont pu évacuer le
couvent et quitter la Corse.
Il ne faut pas nous raconter des histoires. On
ne nous fera pas croire que dans une petite
commune comme Corbara,sur 1.080 habitants,
il y ait 400 malfaiteurs !
La vérité évidente, c'est que tout le monde
dans le pays était lassé du voisinage des do-
minicains ; et quand on a appris que la loi les
expulsait, hommes, femmes, enfants ont tenu
à faire un brin do conduite aux « bons pères o.
Accordons même que la population de Cor-
bara ait pu prendre sur elle de hâter le départ
des moines.
Quand la police arrive pour vider un cou-
vent, los moines se paient souvent le luxe de
sonner le tocsin. Ils penseut provoquer ainsi
l'intervention des dévots. Après l'incident de
Corbara les conréganistes deviendront plus
réservés. Car le tocsin, s'il ranime les zèles
cléricaux, échauffe aussi les oreilles républi-
caines.
Guillaume II ea prophète Daniel
(De notre correspondant particulierl
Metz, 26 avril.
Il n'y a pas que les constructeurs de Notre-
Dame de Paris qui se soient permis des facé-
ties décoratives parmi les figuros du portail.
Au nouveau portail de la cathédrale de Metz,
les architectes ont usé d'une grande licence
sculpturale. Parmi les quatre prophètes qui
ornent l'entrée de l'église, ils ont donné au
prophèteDaniel la tête de Guillaumell. Daniel a
les moustaches victorieusement retroussées,
comme s'il n'avait jamais passé par la fosse
aux lions.
1»
QUELQUES DÉTAILS
SUR LA DÉFAITE DES ANGLAIS
(De notre. correspondant fJarUculierJ
Milan, 26 avril.
D'après les dernières nouvelles qu'une mai-
son de commerce a reçues d'Aden, les An-
glais, dans le Somaliland, ont été victimes
d'une ruse de guerre de leurs adversaires. Les
Somalis ont laissé la colonne Plunkelt captu-
rer 8,000 chameaux et autant de moutons. Les
vainqueurs, grisés par ce succès, ont poussé en
avant, sans prendre les mesures de précaution
nécessaires. Une catastrophe s'en est suivie.
Des régiments indiens doivent prochaine-
ment débarquer à Aden. La situation des An-
glais se complique, par le fait que la saison
des pluies doit commencer sous peu.
MŒURS NATIONALISTES
Nous recevons l'intéressante lettre que voici :
Monsieur le Directeur,
Nous avons recours à votre estimable jour-
nal pour protester contre la conduite des mem-
bres des comités JulienCaron et Gabiel Syveton
à la réunion publique du samedi 25 avril à
l'école; de la rue Etienne-Marcel.
En qualité d'électeurs du quartier Bonne-
Nouvelle, nous assistions au compte rendu du
mandat du citoyen Caron, conseiller munici-
pal. Cet élu put parler dans le plus grand si-
lence. Il énuméra ses travaux à l'Hôtel de
Ville : obtention d'un bec do gaz et construc-
tion d'un urinoir ! Maigre bagage qui ne peut
satisfaire les électeurs républicains du quar-
tier Bonne-Nouvelle.
Le citoyen Bellanger ayant voulu question-
ner Caron sur ses votes, particulièrement sur
la question du gaz et sur le vote d'une indem-
nité aux conseillers généraux, fut l'objet de
violences de la part de jeunes gens imberbes
ayant pour la plupart des professions mal dé-
finies. Ces individus poussant des cris comme
une meute aux abois empêchèrent l'orateur
de parler et maltraitèrent les citoyens qui
osaient exprimer leur mécontentement. L'un
d'eux,se sentant saisi par cinq ou six de ces
énergumènes, s'était cramponné à une porte
afin d'éviter d'être foulé aux pieds. « Coupez-
afin d'éviter
lui les doigts ! » s'écria l'un des sbires de
M. Caron !
Voilà les mœurs électorales importées dans
un arrondissement paisible, par les national-
listes Il
Les électeurs se souviendront et remplace-
ront dans quelques semaines l'invalidé de
Dreyfus, autrement dit M. Syveton, par un
républicain digne do représenter l'arrondisse-
ment du commerce et de l'industrie.
Recevez, Monsieur le Directeur, avec nos re-
merciements l'assurance de notre dévouement
à la cause républicaine.
AGRÈZE, 14, rue Marie-Sluart ; TESSIER, 29,
rue Tiquetonne : BESSOUD, 12, rue
Marie-Stuart ; André PRÉGERMAIN, 5,
passage du Grand-Cerf ; Pierre PRÔ-
GERMAIN; 5, passage du Grand Cerf ;
Louis BESSOUD fils, 12, rue Marie-
Stuart; L. BONWS, ru$de CJéry.
CAUSERIE PEDAGOGIQUE
LES RAPPORTS SECRETS
Une plainte motivée. ""!" Les avanta-
ges de la franchise. — Docilité ap-
parente. — Suspicion mutuelle.
- Un régime à supprimer.
- Motifs de décourage-
ment. — L'avenir des
fonctionnaires.
Il y a quelques jours, nous avons reçu d'un
groupe d'instituteurs-adjoints de Paris une
longue plainte motivée contre les rapports se-
crets de leurs directeurs. Le mal qui nous a été
signalé n'existe pas seulement à Paris. Partout
il y a des directeurs qui jugent bon de ne pas
communiquer à leurs collaborateurs les appré
ciaiions ou les renseignements qu'ils sont
appelés à fournir sur eux.
Est-il besoin de dire que ce ne sont pas ces
directeurs qui sont les mieux inspirés ? Ceux
qui, en toute sincérité, osent mettre sous les
yeux de leurs adjoints les notes qu'ils donnent
à chacun d'eux servent d'une façon plus intel-
ligente et plus courageuse la cause de l'ensei-
gnement on général et de leur école en parti-
culier. En effet, grâce à leur franchise ils
entretiennent, entre eux et leur personnel, une
réciproque confiance qui assure l'accord des
bonnes volontés dans l'établissement. Chacun
travaille allègrement sans arrière-pensée.
La loyauté des relations dissipe à leur nais-
sance les malentendus et aplanit sans peine
les difficultés.
Il en va tout différemment dans les écoles
où adjoints et directeurs se défient les uns des
autres. Les adjoints agissent à leur guise, soit
ouvertement, soit hypocritement. La docilité
des plus obéissants n'est qu'apparente. a Par
derrière » ils so vengent en critiquant, on dé-
binant, en décriant, en déchirant à belles dents
« le patron ». A leur tour ils sont tenus on
suspicion par lui. Il y a entre eux une gran-
de froideur ou une brouille véritable. Et ainsi
ceux qui devraient travailler à la même œuvre
dans une même communion d'idées se trou-
vent divisés en deux camps hostiles. Ils se mé-
prisent, se haïssent, se querellent,. même
parfois devant les enfants !
C'est profondément regrettable.
Protestation justifiée
En vue de faire disparaître un pareil état de
choses,nous enregistrons et nous appuyons la
protestation des instituteurs-adjoints.
Nous souhaitons avec eux qu'ils cessent d'être
a appréciés, enquêtés, jugés, souvent condam-
nés administrativement sans même savoir qu'on
s'est occupé d'eux ». Le résumé des rapports
secrets auxquels ils sont soumis est découra-
geant. Il les met dans l'obligation do devenir
courtisans. Pour avoir, avec de bonnes notes,
avancement, augmentation de traitements, amé-
lioration matérielle de leur existence, ils cher-
chent à plaire à leur directeur. C'est à leur
avis un bon moyen pour réussir et il ne fau-
drait pas connaitre la nature humaine pour
dire qu'ils ont tort en général. A cette inten-
tion ils abdiquent en sa présence toute initia-
tive, toute personnalité. Ils abondent dans son
sens toujours et quand même.Chez les faiblo;,
le caractère se déprime, chez les autres, gronde
l'indignation ou la révolte.
El voilà l'un des motifs pour lesquels, en
conscience, un instituteur ne peut encourager
ses élèves à embrasser la carrière de l'ensei-
gnement,car il serait obligé de leur dire : (eNon
seulement cette carrière vous donnera à peine
le pain nécessaire, mais vous y sorez toute
votre vie à la merci des appréciations arbitrai-
res de vos chefs, sans jamais pouvoir ni los
contrôler ni les discuter ».
Ces paroles amères sont tirées do la plainte
qui nous a été remise. Evidemment, elles sont
quelque peu exagérées, même pour les institu-
teurs de Paris et dos grandes villes, destinés à
rester adjoints toute leur vie. Il y a des chan-
ces, en effet, pour que la plupart se trouvent
tout de même, un jour, sous la direction d'un
homme loyal qui leur montre ce qu'il écrit sur
leur compte.
Mais, et c'est le point à retenir, les adjoints,
aigris, ne songent pas à recruter les écoles
normales. Ils empècheraient plutôt los élèves
d'y entrer.
Une des causes du péril primaire
Et c'est pourquoi les rapports secrls nous
paraissent encore plus condamnables. Ils ont
contribué à créer le péril primaire. S'ils ne
sont pas supprimés ils auront pour résultat de
le faire subsister .môme après la prochaine élé-
vation des traitements.
N'essayons pas d'expliquer aux instituteurs-
adjoints qu'ils ne sont pas les seuls à en souf-
frir, en leur montrant qjie la plupart des autres
fonctionnaires ignorent comme eux les appré-
ciations de leurs supérieurs hiérarchiques, et
que c'est justement le cas, dans l'Université
elle-même, des professeurs do l'enseignement
secondaire et des inspecteurs de tout ordro.
Les instituteurs-adjoints ont leur riposte toute
prête et la voici résumée en sublance :
Il est fâcheux que l'avenir des fonctionnaires dé-
pende de l'opinion variable du chef placé au-dessus
d'eux. C'est la vassalité érigée en princip a d'admi-
nistration moderne. Nous voudrions qu'il en fût
autrement. Ce que nous désirons n'est pas un pro-
grés irréalisable, La preuve en est que pour nous
il a été réalisé. sur le papier. -
Le ministre de l'instruction publique a formelle-
ment recommandé aux inspecteurs primaires do
nous faire contresigner leurs bulletins d'inspection
où se trouve notée notre valeur professionnelle et
mor3le (1). Il a fait la même recommandation à
nos directeurs d'école (2). Les inspecteurs ont tenu
compte des instructions reçues ; quant aux direc-
teurs, les uns se sont conformés aux ordres du
ministre, tout comme les inspecteurs ; los autres
s'y sont refusés.
C'est contre la conduite de ces derniers que nous
nous élevons. Nous demandons qu'à leur tour ils
soient tenus de respecter les règlements.
pourquoi tolérer qu'ils en violent la lettre et
l'esprit ?
C'est un abus criant qui nous lèse et fait du
mal à l'enseignement. Nous avons des motifs sé-
rieux pour le dénoncer ; nous ne nous tairons que
quand il aura disparu. Nous ferons tant et si bien
qu'on finira forcément par nous entendro, soit en
haut lieu, soit au Parlement.
Que la réforme — ou plutôt que !e rappel do la
circulaire ministérielle — vienne d'ici ou de là,
peu nous importe. Mais il faut que iiotro voeti
s'accomplisse. Il est on ne peut plus légal.
Leur répliquer est impossible. Ils ont raison
Le Rappel ne peut donc que publier leurs
doléances, défondre leurs réclamations,et s'ef-
forcer de leur faire obtenir entière satisfaction.
C'est dire par conséquent qu'à l'occasion
nous reviendrons sar ce sujet.
ARMAND DEPPER.
SOCIÉTÉ PROTECTRICE DES ANIMAUX
Outre ses récompenses habituelles, la Société
protectrice des animaux va, cette année, ré-
pandre à profusion dans les écoles primaires
de France des bons points instructifs (série des
oiseaux utiles).
Elle espère ainsi encourager le zèle de ses
jeunes auxiliaires, membres des sociétés sco-
laires protectrices des oiseaux dont le nombre
s'accroît chaque jour grâce au zèle de ses lau-
(1) Cirôulalres ministérielles des t9 novembre
1892 et 12 juin 1894.
(2). Circulaire _Qli11itÓrieJlo au t3 jalnior 1300.
réats ot au concours gracieux des organes les
plus influents do la presse.
La S. P. A. rappelle aux agriculteurs qu'elle
dispose d'un prix destiné à favoriser l'élevage
du bœuf Sarlabot — race désarmée. — Ce prix
dû à la générosité de M. Dutrône, conseiller à
la Cour d'Amiens, se répartit en quatre primes
de 50 fr. et quatre médailles d'argent de 25 fr.
Désireuse d'encourager aussi les sentiments
protecteurs et do répandre ses doctrines parmi
les habitants des campagnes, la Société vient
d'adresser aux préfets ds 50 départements do
France et d'Algérie qui en ont fait la demande
avant le 1" avril, un nombre total do 350 ré-
compenses ainsi réparties :
50 médailles d'argent.
100 médailles de bronze.
250 mentions honorables.
Ces médailles mises à la disposition des pré-
fets seront réparties, au gré de ceux-ci, entre
les diverses sociétés agricoles de leurs départe-
ments.
fa—
LA REINE DU JOUR
L'ordure est la reino du jour. Elle s'étale,
elle revêt mille formes, elle s'offre à tous les
regards. Chanson de café-concert, nouvelle
égrillarde, carte postale obscène, revue de
music-hall, roman illustré d'images gaillardes
ou de photographies ignobles,autant de dégui-
sements divers sous lesquels se cache — ou
plutôt grâce auxquels s'affiche — la pornogra-
phie toute puissante.
Nous ne sommes pas des pudibonds, la gaieté,
la gauloiserie même sont les privilèges de
notre race, mais il y a loin de la gaieté à
l'obscénité, et de la gauloiserie au vice glorifié.
S'habituer aux lectures malsaines et aux
spectacles lubriques, c'est se faner volontaire-
ment le cœur, se pervertir l'imaginatfon et
s'aveulir le caractère.
Il y a dans le développement exagéré de la
littérature polissonne un péril contre lequel
doivent réagir tous ceux qui rêvent pour leurs
semb!ables non point l'abêtissement dans l'or-
dure et l'avachissement dans la débauche, mais
le perfectionnement progressif de l'intelligence
et des volontés viriles.
Car ce ne sont pas les êtres mous et effémi
nés, les décadents aux yeux troublés, ot les
esthètes aux gestes lascifs,ce ne sontpas les cu-
rieux do sensations écœurantes qui se complai-
sent dans la fange voluptueuse où les attirent, -
comme dans un guet-apens, de soi-disant ar- I
listes et poètes dénués de scrupules, qui sauront
un jour secouer le joug de leur dégradation
pour s'élever à des pensées généreuses ot con-
tribuerà la régénération morala et au progrès
social..
Aussi les cyniques professionnels do ta por-
nographie qui, sous le spécieux prétexte qu'ils
confondent l'art avec la luxure étalée — misé-
rable excuse 1 — salissent l'amour en le repré-
sentant comme une débauche ignoble, perver-
tissent l'adolescent, la jeune fille, et donnent
au vieillard inassouvi, njais impuissant, l'illu-
sion d'une excitation dernière, sont des mal-
faiteurs sociaux qui devraient être cloués au
même banc d'iufamie que les criminels de droit
commun.
Si coupable est celui qui s'attaque à la pro-
priété, à la personne d'un homme, combien
plus répréhensible et plus méprisable encore
est celui qui s'attaque à son âme, qui la cor-
rompt systématiquement, qui lui vole sa frai-
cheur d'impression et sa douce tranquillité,
qui la détourne des joies saines et naturelles,
qui l'emprisonne, la dégrade et l'avilit pour
toujours - L. Armbruster.
PAUVRE" PATRIE!
Lâchage général
On pouvait lire hier soir dans la Patrie :
La démonstration est faite, et l'on peut dire que
le mouvement de protestation est général.
Or, le matin même, en première page, sous
la signature de M. E.\Judet, le Petit Journal
publiait ces lignes :
Notre devoir de politesse consiste à bien actteil.
lir te souverain qui no demandera pas en vain
l'accueil do l'hospitalité française.
A la même heure, VEclair publiait un lea-
der-article de M. Alphonse Humbert, dout
voici quelques passages :
Du nouveau, de l'inconnu. Et cela, déjà, doit
être, pour la population parisienne, une raison
suffisante de ne pas suivre le conseil donné un
peu hâtivement par un de nos confrères d'accueil-
lir le souverain anglais par des huées :
Il y a bien des raisons qui nous dissuadent d'une
; pareille attitude, à commencer par le souci de
notre dignité et de notre bon renom. Elles ont été
données un peu partout. Notre éminent collabora-
teur Edouard Lockroy, qu'on ne peut pas, je sup-
pose, taxer d'dnglophilisme, puisqu'il est à peu
près le seul de nos ministres de la marine qui ait
fait un véritable effort pour nom mettre en état
de lutter contre l'Angleterre, a dit là-dessus ce
qu'il y avait à dire. Aux raisons qu'il a données,
j'en veux pourtant ajouter une :
Il n'est pas bon que la politique extérieure d'un
grand peuple comme nous le sommes soit dirigée
par les mouvements de la rue.
Et qu'on ne m'objecte pas que j'énonce là une
proposition antidémocratique. Pas plus dans les
démocraties que dans les Etats monarchiques, il
n'est prudent de se fier, pour fixer les destinées de
la nation, aux directions, le plus souvent irréflé-
chies, qui émanent de la foule.
.Trop souvent hélas! ceux qui s'érigeaient en
directeurs bénévoles do notre politique extérieure
se sont fourvoyés au grand dam de la patrie, pour
qn'en la présente occurence, et sur leur simple
caution, nous nous laissions entraîner à des mani-
festations violentes qui ne sont pas do notre carac-
tère ot dont il n'est nullement certain que nous
n'aurions pas à nous repentir.
Lâchée par Déroulède, par Léon XIII, par le
conseil municipal de Paris, par le Petit Journal,
par l'Eclair, etc., voici que la Pairie l'es^
également par. les patriotes, ainsi que l'at-
teste la lettre suivante que nous venons de re-
cevoir :
Monsieur,
Dans son numéro d'hier, la Patrie se plaignait
de ce que vous mettiez en doute l'authenticité des
lettres qu'elle publie.
Vous pourriez aussi lui demander de publier les
lettres de blâme qu'elle reçoit.
Pour mon compte, jo lui en ai écrit une, un peu
plus sérieusement motivée que les épîtrès qu'elle
nous présente chaque soir. Je l'ai cherchée inutile-
ment.
Evidemment, ces gens sont ridicules quand ils
se donnent comme représentant les patriotes. S'ils
se figurent que nous allons les suivre, en foulant
aux pieds les intérêts commerciaux et même poli-
tiques du pays, ils se trompent singulièrement.
Pour mon compte, je ne partage pas vos idées
sur la politique intérieure, mais à l'arrivée du re-
présentant de la nation qui est notre bonne cliente,
je ferai comme vous en manifestant ma sympathie
de la manière la plus vigoureuse. Et vous pouvez
être certain que beaucoup de patriotes sérieux sont
de mon avis. Dans huit jours, il sera prouvé que la
rédaction de la Patrie s'est agitée dans le vide.
Ceci m'attriste ; j'aurais cru MM. Massard et
Millevoye plus sérieux, car pour des gens qui se
disent patriotes, leur manière de faire est incom-
préhensible.
• De deux choses l'une : ou ils commettent sciem-
ment une action déplorable, ou ce sont de purs
loufoques.
Agréez, monsieur, l'assurance de ma parfaite
considération.
Alf. MOUTHON, délégué de la Ligue
des Patriotes, quartier Sainte-
Marguerite, t8, rue Paul-Bert,
Paris (XIe).
P.-S," - Ayant la franchise de môn opinion,que
je crois conforma aux intérêts du pays, je vous
autorise au Iwsoia à publier ma prestation.
LE VOYAGE
PRESIDENTIEL
VERS LA TUNISIE
La dernière journée en Algérie. -
Adieux et remerciements. - Un
voyage peu confortable. - La
pluie. - Les réceptions à
Guelma.—Arrivée à Bône.
— Remerciements à
l'armée d'Afrique.
(De noire envoyé spécial)
Constantine, 26 avril.
C'est aujourd'hui le dernier jour du voyage
en Algérie, car, ce soir, le Président de la Ré-
publique s'embarquera à bord de la Jeanne-
d'Arc, pour sa rendre à Tunis.
Il fera ses adieux aux autorités algériennes
qui, depuis douze jours, l'accompagnent. On
affirme que M. Loubet, désireux de reconnaî-
tre l'incroyable connaissance de choses algé-
rien ces dont M. Varnier, secrétaire général du
gouvernement de l'Algérie et gouverneur par
intérim, a donné pendant tout ce voyage la
prouve constante, lui remettra ce soir, au mo-
ment où il quittera la terre algérienne, la croix
de chevalier de la Légion d'honneur.
La partie du voyage qui s'accomplit actuel-
lement manque décidément de confortable.
Outre que lo train marche à une vitesse de
moins de 28 kilomètres à l'heure, il a été im-
possible do trouver des voitures en nombre
suffisant pour composer le train présidentiel.
Mais ce n'est pas tout. On n'a pas pu assurer
le transport simultané de tous les compagnons
de route du Président de ta République. M.
Loubet, en effet, allant s'embarquer à Bône sur
la Jeanne-d'Arc. qui le conduira à Tunis, devra
faire seul, ou à peu près, le parcours de Guel-
ma à Bône. Ne pourront partir avec lui que les
quelques personnes qui prendront place sur la
Jeanne-d'Arc. les autres devront se rendre di-
rectement de Guelma à Tunis, l'insuffisance
des moyens de communication ne permettant
pas d'arriver à Tunis en temps utile si on fai-
sait le crochet de Guolma à Bône.
Il a plu toute la nuit, il pleui encore ce ma-
tin, quand, à 7 heures 1[2, M. Loubet quitte
Constantine,
Le Rummel, grossi par les grandes, pluies
et les orages de ces jours derniers, roule
ses eaux grondantes au fond du ravin qui
entoure le rocher de Constantine.
Les troupes, zouaves et artilleurs, font la
haie entre la préfecture et la gare sur le passage
du landau fermé où le Président est assis avec
M. VarnieT, le maire M. Morinaud et M. Com-,
barieu. Les caïds, encapuchonnés sous leur
burnous, précèdent le cortège.
M. Loubet prend congé, à la gare, du maire
et des autorités de Constantine et spéciale-
ment des officiers, qu'il fait appeler sur le quai
de la gare.
A Guelma
Guelma, 26 avril.
Aucun incident ne s'est produit pendant le
trajet do Bône à Guelma.
Dans les stations, aucuno réception n'a eu
liou. M. Loubet sa repose dans son wagon, des
Arabes à cheval gardent la voie.
La région est accidentée, pittoresque, les
sources sulfureuses d'Hammam-Meskouline
tombent le long de la voie, en cascades fu-
meuses.
A 11 h. 1|4, on arrive à Guelma. La pluie a
cessé, mais le temps reste froid.
Le Président descend de son wagon ot, sous
un arc de triomphe colossal en feuillage dtl
lentisque, il procède à la réception des autori-
tés. Le maire remercie M. Loubet de la visite
qu'il fait à la ville de Guelma et à son con-
cours agricole.
M. Loubet répond qu'il a été heureux da
pouvoir consacrer quelques instants à Guelma.
Ce que j'ai vu le long de la route, dit-il, atteste
les progrès de la colonisation et les efforts déployés
depuis le jour où le premier colon est venu ici
avec sa charrue.
Vous avez parlé d'un malentendu que je ne dé-
plore pas moins que vous ; mais après la pluie d'o-
rage, parfois bienfaisante, la lumière se produit el
éclaire ceux qui, de bonne ou de mauvaise foi,
ont été les propagateurs ou les instigateurs des
conflits.
Je ne doute pas que tout le monde en France na
reconnaisse que les colons ot les indigènes sont,
par la force même des choses, obligés de marcher
d'accord: les colons étant les pionniers de li civi-
lisation, doivent donner l'exemple des méthodes da
culture aux indigènes.
Les colons, d'autre part, ont un besoin impérieux
de la main. d'œuvre indigène.
Le président du comice agricole expose les
progrès de l'agriculture on Algérie.
Le président répond qu'il reconnait la né-
cessité d'appliquer impartialement la justice
sans en exclure l'humanité avec toute la célé-
rité nécessaire, afin d'assurer aux colons comme
aux indigènes une vie de paix, de calme ot da
travail.
La présentation des fonctionnaires se fait *
assez rapidement, puis le Président de la Ré-
publique visite le concours agricole de Guelma.
Il part à mïdi 15 pour Bône.
M. Maruéjouls, qui avait été à Timgad pas-
ser la journée d'hier, est de retour et prend sa
place dans la cortège.
Les personnes qui n'embarqueront pas sur la
Jeanne-d'Arc continuent leur voyage sur Tunis.
Los membres de la presse, en raison du peu
d'attentions qu'ils ont rencontré de la part da
la Compagnie de chemins de fer,ant remis au
ministre des travaux publics la protestation
suivante :
Les membres de la presse métropolitaine et al-
gérienne accompagnant le Président de la Répu-
blique protestent contre la façon inconvenanta
dont les a traités la Compagnie de DOne-Guelma.
A Bône
Bône, 26 avril.
Le Président de la République a tenu, avant
son départ de l'Algérie, à adresser ses félicita-
tions à l'armée d'Afrique. II a fait remettre la
lettre suivante, au général Caze, commandant
le 20" corps d'armée;
Mon cher général,
Les troupes que vous m'avez présentées pendant
mou voyage à Alger, Orau, Constantinc, comme au
Kreider et à Sétif, montrent aux populations aa
milieu desquelles elles vivent l'exemple du dé-
vouement et de l'obéissance aux lois.
Leur entraînement, leur discipline et leur force
constituent une garantie sur laquelle la République
a le droit de compter. Leurs vertus militaires sont
un puissant moyen d'aider au développement de la
colonisation.
Je ne veux pas quitter l'Algérie sans vous adres-
ser au nom du gouvernement de la République mes
plus sincères félicitations, à vous qui commandez
si bien le 19e corps d'armée, aux officiers et aux
troupes de toutes armes sous vos ordres.
Recevez, mon cher général, l'assurance de mes
sentiments affectueux.
ÉMILE LOUBET.
Les réceptions
Les autorités ont été reçues dans une vasta
tente, dressée dans la gare do Bône.
Six petites Mauresques, revêtues de leur cos-
tume national, ont offert à M. Loubet un bOu"
quet.
Le maire a remercié M. Loubet d'être vonu
visiter « la ruche laboriouse que forme la villa
qu'il administre".
M. Loubet a remercié le maire et il a ajouté
qu'après la pluie bienfaisante (Phier et de cette
nuit, le rayon de soleil qui saluait sa visite
était d'un heureux gydftitOme pour les CQIQU
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