Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-03-27
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 27 mars 1903 27 mars 1903
Description : 1903/03/27 (N12068). 1903/03/27 (N12068).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
OîcSrQ CENTIMES le N-uœ^yo. - PARIS & DÉPARTEMENTS Numéro, CINQ-CENTIMES
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JCJRNAL
14 • ; • M-i.l. J-»nri>
Et ehez MM. LAGRANGE, CERF & Cu
6, place de la Bourse, 6.
éâresse Télégraphique: XIX' SIÈCLE — PARIS
ABONNEMENTS
fojps rrrrvfATrois mois 6f. Six raoit 11 f. Un an 201«
~paEi â ~tAg~— 7f. - 12 f. - 24 E
[mon Pcetale j — 9f. — 18 f. — 32 f.
Q o 9 f. - f. - 32 f,
o numts sont reçus sans frais
dans te us les Bureaux de Posta
Itl.DACTIOX : 14, me du Mail
De 1 à 8 heures du soir el de 40 heures du soir a 1 heure du malin
No 12068 — Vendredi 27 Mars 1903 -
7 GERMINAL AN - 111
Af>illttlSTftATIOi\ : 14, rue dn Mail
Adresser Lettres el mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
Mœurs brutales
La foule de Paris a repris, depuis
quelquesannées, l'habitude, qui semblait
périmée, de jouer dans la rue. Ses dé-
lassements sont un peu rudes; cette
rudesse même a quelque chose de tra-
ditionnel, la descente de la Courtille
ne passa jamais pour un spectacle de
délicatesse et de grâce. Mais il faudrait
que la foule honnête ne fût pas aban-
donnée aux sévices d'une certaine caté-
gorie de gens.
Vous me direz qu'il est un peu tard
pour parler de la Mi-Carême ; mais les
confetti sont maintenant de toutes les
fêtes, de sorte qu'on ne saurait trop
s'inquiéter de leur permanente et me-
naçante actualité.
Comme, jeudi soir, je revenais du
très cordial banquet du Syndicat de la
Presse scientifique, je remontais, lente-
ment, à pied, la rue de Richelieu, goû-
tant la douceur sereine de la belle nuit
étoilée, pensant au travail qui m'atten-
dait sur ma table, et que j'allais repren-
dre, sitôt rentré. Soudain, une femme
s'est ruée sur moi et m'a frappé au
visage d'une poignée de petites choses
malpropres.
Tiré de mon aimable rêverie par cette
agression brutale, je me suis rappelé
que, pour quelques heures encore, Pa-
ris appartenait aux fous. Et j'avais le
boulevard à traverser pour rentrer chez
moi ! Il fallait aviser. Heureusement,
un omnibus s'est présenté. Je suis
monté sur l'impériale et, étant ainsi à
l'abri, j'ai pu, sans être sali davantage,
franchir le passage dangereux.
Mais quel spectacle du haut de cet
omnibus ! Il était près de onze heures,
la foule demeurait assez compacte, se
mouvant avec des hurlements de sau-
vages, avec des gambades frénétiques
au milieu d'une telle poussière, si dense,
que c'était à peine si l'on parvenait à
distinguer les contours des visages
suants. De la place relativement élevée
que j'occupais, je me suis senti presque
suffoqué tant l'atmosphère épaissie,
chargée de miasmes, était irrespirable.
Vous savez, du reste, ce qu'à été la
journée. Bien que le service d'ordre ait
été décuplé — à la suite des scandales
de la journée du mardi-gras — il est
resté forcément au-dessous de l'impos-
sible mission qu'il avait à remplir. Ce
n'est certes pas la faute des agents ; pou-
vaient-ils arrêter tout le monde? Tout
ce que Paris renferme d'individus sans
aveu , de malandrins, d escarpes,
d' « apaches », pour leur donner le nom
à la mode, de souteneurs, de voleurs de
profession, s'était emparé des boule-
vards ; là, pendant toute cette journée,
la population a été tyrannisée par les
malfaiteurs. -
Le nombre a été considérable des
femmes qui, bousculées, pressées par la
foule, se sont trouvées mal, ont été plus
ou moins foulées aux pieds par la co-
hue. Il y a eu des accidents plus graves.
Un petit garçon a eu la jambe cassée
par un coup de pied de cheval ; un au-
tre cheval a fortement endommagé un
de nos confrères. Celui-là, je le plains,
car il est vraisemblable qu'il n'était
point là pour son plaisir.
Quant aux filous, pendant ce temps-
là, ils s'en donnaient à cœur joie. On
annonce que le nombre des porte-mon-
naie volés est « incalculable ». C'est
charmant, en vérité. Environ quinze
cents arrestations ont été opérées sur
lesquelles près de cinq cents, dit-on, ont
été maintenues. Tel est le bilan de la
journée.
***
A la fin, comme, sans doute, l'alcool
avait fait son œuvre, allumait dans les
cerveaux chavirés les rages rouges, les
lames des couteaux ont lui. Non loin de
l'Opéra, en plein boulevard, une femme
a été frappée par un de ces couteaux ;
on l'a transportée à Lariboisière. Cela
achève le tableau, n'est-il pas vrai ? Si
le sang n'avait pas coulé, la petite fête
n'eût pas été complète. Qu'en pensez-
vous? Je me sens plein de dégoût et de
honte.
Il y avait,ainsi,dans l'ancienne Rome,
des fêtes - les Saturnales — où la ville
était livrée au rebut de la population.
L'aotion de toutes les lois était suspen-
due, aucune garantie n'était plus assu-
rée aux honnêtes gens, et ceux-ci n'a-
vaient que laressourco de se barricader
chez eux tandis que, dans les rues, se
ruait, en délire, -, le flot fangeux de la
populace. C'était la journée des es-
claves. Nousavons, maintenant,la jour-
née des voyous. Voilà de nouvelles
mœurs, dont il n'y a pas lieu, ce me
semble.d'êtrebien fier.
Ainsi c'est convenu, réglé : il y a dé-
sormais deux jours par an : le Mardi-
Gras et la Mi-Carême, où Paris ne s'ap-
partient plus. Défense aux citoyens
paisibles de sortir de chez eux, sous
peine d'être insultés, salis, frappés par
les drôles qui opèrent sous la protec-
tion de l'autorité. Et s'ils ont des af-
faires, des courses urgentes, impossi-
bles à remettre au lendemain ? tant pis
pour aux. -
Je me souviens d'une mi-carême qui
fut pour moi particulièrement doulou-
reuse, eelie de 1898 ; une dépêche" m'ap-
porta Ia uouvçlle de la mort subite d'un,
ami cher ; je veux courir ; il demeurait
boulevard des Italiens ; vous me voyez,
luttant contre la foule inepte, aveuglé
par les confetti qui se collaient à mes
joues mouillées de larmes, arrivant à la
chambre mortuaire tout couvert do ces
abominables petites rondelles de papier
peint. Mais cela, c'était une circonstance
exceptionnelle. Le confetti est déjà bien
assez odieux en temps ordinaire.
Voyons, est-ce qu'il n'y aurait pas
moyen d'aviser, de protéger contre ces
confetti ceux qui, n'ayant nulle envie
d'en jeter, ne sont point disposés du
tout à en recevoir ? Je concède, si l'on
veut, que la liberté de ceux qui aiment
les confetti soit respectable ; ne peut-on
demander aussi un peu d'égards pour
la liberté de ceux qui n'aiment pas les
confetti ?
Je demande simplement s'il est ad-
missible que la vie de la grande ville
soit suspendue pendant toute une jour-
née, sous prétexte de confetti ?
Lucien Victor-Meunier.
COLÈRE MÉLINISTE
Il faut bien admettre que le
Rappel touchait juste, l'autre
jour, lorsqu'il faisait remarquer
que le Sénat, en validant l'élec-
tion de M.Borne,dans le Doubs,
embarrasseraitfdrt les mélinis-
tes qui avaient compté donner à
l'un des leurs le siège de M. de Moustier.
Cette simple remarque met dans une
grande agitation la Dépêche républicaine de
Franche-Comté ; notre confrère méliniste de
Besançon nous pose cette question qu'il
croit embarrassante : « Le Sénat, lorsqu'il
a à statuer sur une élection, fait office de
juge. Or, que dirait-on d'un juge qui, sur
le point de rendre son arrêt, se dirait : Je
vais faire acte d'équité, mais en outre je
vais faire plaisir à l'une des deux parties ? »
La Dépêche républicaine a une façon de
poser les questions qui est un peu trop
commode : de ce qu'un jugement nous est
favorable et que nous en énumérons, avec
un plaisir compréhensible, les avantages,
il ne s'ensuit pas logiquement que le juge
a décidé en notre sens pour nous faire
plaisir. C'est donc à notre confrère que
nous retournons l'argument qu'il fait « au
Sénat une sanglante injure). Nous lui en
laissons la responsabilité et le remords.
La Dépêche républicaine ajoute que nous
ferions sagement de ne pas évoquer le
mélinisme; cela ne sert, dit-il, qu'à rappe-
ler aux populations « qu'au temps du mi-
nistère Méline, en ne voyait pas. attenter
a la liberté et a la propriété de quinze ou
vingt mille Français »; en d'autres termes,
que loin de supprimer les moines, en ce
temps-là, on les protégeait. Eh bien, c'est
précisément l'un des reproches que nous
faisons à M. Méline, et il n'apparaît pas,
jusqu'à présent, que sur ce point, « les po-
pulations » soient avec M. Méline. —
Ch. B.
Voir à la 3a page
les Dernières Dépêches
de la nuit et
la Revue des Journaux
du matin
L'ÉPURATION
Se cacher plus longtemps le péril qui croit
chaque jour serait une faute très lourde. Il faut
que la presse républicaine entreprenne une
campagne sérieuse et ne cesse de demander
l'épuration des administrations publiques que
quand elle l'aura obtenue.
Le gouvernement est journellement trahi
par ses agents, et n'allez pas croire que ce soit
seulement en province que les fonctionnaires
payés par lui ne cessent de manifester ouver-
tement ou d'une manière indiscrète leurs opi-
nions antirépublicaines. A Paris même, les ad-
ministrations centrales, les ministères sont en-
combrés d'ennemis de nos institutions.
Il ne faut pas craindre de le dire: l'immense
majorité des employés des ministèreq est natio-
naliste et cléricate, depuis les simples huissiers
jusqu'aux chefs de bureau.
Cette idée, je me la suis faite par des obser-
vations personnelles et par des enquêtes scru-
puleuses. J'ai bâte de le dire, elle est partagée
par tous ceux qui ont bien voulu, comme moi,
étudier le danger sur place et l'approfondir.
Il y a, dans chaque grande administration,
des bureaux où pullulent d'inutiles rédacteurs
et des expéditionnaires surnuméraires. Ils vien-
nent à la « boîte » à midi, ils la quitent à qua-
tre heures. On leur donne du travail, soi-disant
pour un mois, ils l'expédient en quelques jours
et le reste du temps ils fument des cigarettes
ou s'endorment sur leurs ronds de cuir.
Ils lisent aussi des journaux, la Libre Paro-
le, l'Intransigeant, l'Echo de Paris et pour ce
faire, ils touchent un traitement, et se prépa-
rent une retraite. Ce sont les budgétivores.
ils sont la plaie de nos finances, ils vivent de
la République. et Ils ne sont même pas répu-
blicains.
Je n'exagère pas en disant que dans un mi-
nistère important de fa rive droite, c'est tout
juste si l'on peut trouver, par bureau, un seul
véritable républicain
Comment expliquer tout cela? Oh, c'est bien
simple. Les chefs, les directeurs du personnel,
sont réactionnaires, ils favorisent autant que
possible les réactionnaires. Et ainsi les admi-
nist" rations de toute sorte se peuplent des enne-
mis da régime.
Quel est le remède? Il n'en est qu'un seul,
l'épuration. Qu'on fasse des. enquêtes sérieuses
sur tous les fonctionnaires! Qu'on n'hésite pas,
quand il y a lieu, à frapper à la tête! Pas de
faiblesse, pas de temporisation!
-11 suffirait à chaque ministre de montrer dans
son département on peu de fermeté et de faire
quelques exemples, pour enrayer le mal. Je
sais bien qu'il se heurtera immédiatement
aux résistances intéressées des grands chefs
qui multiplieront les obstacles. Mais ce n'est
pas une raison pour hésiter devant la tâche qui
s'impose. — L. - Armbruster.
————-———— ♦ ———————.
DANS LES CHANTIERS MARITIMES ALLEMANDS
(De notre correspondant particuliers
Kiel, 25 mars.
Une activité extraordinaire règne actuelle-
ment dans les chantiers maritimes allemands.
Huit Vaisseaux d'escadre sont en voie de cons-
truclion. Tous, sçuf le Schivaben; ont été com-
mandés à l'industrie privée. Le chantier impé-
rial, £ Wilhelrnshaven, ne fait que des répara-
tions et cela pour cause : i'amiraulén'a guère
eu à sa louer des instructeurs officiels..
QUESTIONS ACTUELLES
LA COLONISATION
Quelques chiffres. - Trop et trop pou.
— Vases communiquants. — Ce qui
arrête le courant. — Volonté ré-
fléchie, décision éclairée. —
Les renseignements. -
Poésie et prose. -
Essaimons, ne bu-
tinons pas.
Les chiffres ont une éloquence particulière.
Ils parlent peu, mais bien. Un nombre jeté à
propos en travers du raisonnement le plUi
spécieux, y produit l'effet d'un coup de trique.
Et cette intervention, encore que violente, a
quelquefois du bon.
J'aime les chiffres, non pour eux-mêmes
comme un collectionneur aime ses coléoptères
ou ses cailloux, mais pour ce qu'ils disent
quand on prend la peine de les interroger.
C'est très intéressant, et pour vous en con-
vaincre, vous n'avez qu'à feuilleter l'Annuaire
du bureau des longitudes. Vous y verrez, entre
autres choses, ceci :
Le quartier Bonne-Nouvelle, à Paris, ren-
ferme 1.041 habitants par hectare, ou 104.100
par kilomètre carré.
La moyenne générale de la population par
kilomètre carré est pour Paris de 32.461 habi-
tants; pour Lille de 888; pour Marseille, de
725; pour la France, de 72; pour l'Algérie,
de 7; pour Madagascar, de 5; pour le Congo
français, de 3 ; pour la côte du Somalis, de
0,4.
En poursuivant ailleurs cette petite enquête,
il est facile de compléter le tableau précédent.
On trouve, comme moyenne kilométrique :
Etats-Unis, 7 habitants ; Mexique, 6; Equateur, 4;
Chili, 3; Bolivie, 2 ; Brésil, 1,7; République Ar-
gentine, 1,4 ; Paraguay, 1,3.
L'Etat do Wyoming (Amérique du Nord)
considéré à part, ne renferme que 0,2 habitant
par kilomètre carré.
Voilà qui est rassurant.
Si le terrain en façade boulevard de Cour-
celles se vend couramment cinq ou six cents
francs le métre. on doit en trouver à meilleur
compte dans l'Etat de Wyoming. Les gens qui
aiment leurs aises auront également de quoi
s'étendre sur la côte des Somalis, au Congo ou
à Madagascar; c'est un débouché tout trouvé
pour le trop-plein de nos grandes villes.
Les courants humains
Comment donc se fait-il que les races hu-
maines soient réparties sûr la terre avec une
pareille inégalité ?
Mon Dieu, c'est bien simple.
boient deux vases, l'un plein, l'autre vide,
réunis par an tube très fin. Le contenu du
premier s'écoulera dans le second, mais lente-
ment, très lentement ; le moindre grain de
poussière, le plus petit fétu de paille placés en
travers du conduit intermédiaire arrêteront le
mouvement.
Ainsi va la colonisation. Les moyens de
transport, encore dispendieux et rares, sont
comparables au tube de petit diamètre qui réu-
nirait nos vases communiquants. Il faudrait
les multiplier,en réduire le coût pour lés reo-
dre plus accessibles au grand nombre.
Quant au grain de poussière, il revêt les for-
mes les plus variées : obstacles résultant de la
législation, des mœurs, du manqued'initiative,
du manque de renseignements.
Actuellement, on part sans aucune préoccu-
pation des difficultés futures, et l'on échoue ;
ou bien l'on s'exagère ces difficultés et l'on
reste chez soi.
Il y aurait bien un troisième procédé : s'em-
barquer après mûre réflexion et faire au préa-
lable une étude attentive du plan de campagne
que l'on s'est établi. Mais ceux qui agissent de
la sorte sont rares.
Dans le hall de la gare Saint-Lazare, il y a
une salle d'attente spéciale dont la porte est
surmontée d'un écriteau ainsi libellé :
Emigrants
Ausiùanderer
Emigranti
Combien, parmi ces « auswanderer o quit-
tenllLEurope avec l'outillage matériel et mo-
ral indispensable à leur réussite? Bien peu as-
surément.
Conditions de réussite
Et cependant, pour l'homme vigoureux de
corps et d'esprit, il y a mieux à faire que de
battre le pavé à la recherche d'un emploi ou
de végéter péniblement faute d'un travail uivi
et bien rémunéré. N'est-il pas cent fois préfé-
rable d'aller planter sa tente autre part? Oui,
à la condition de le faire avec sang-froid et
décision, comme on s'adonne à une industrie
quelconque. >
D'abord, il faut posséder un tempérament
solide pour résister aux épreuves de toute
sorte qu'on devra forcément subir. La gymnas-
tique raisonnée, la culture physique pratiquées
de quinze à vingt ans vaudront au futur colon
ce bienfait inappréciable, sans lequel on ne
peut rien entreprendre : la santé.
Puis, s'astreindre à observer les règles fon-
damentales de l'hygiène et apprendre le mieux
possible une ou plusieurs langues étrangères.
Enfin, et par-dessus tout, se renseigner aussi
exactement que possible, de manière à savoir,
au moment de se mettre on route, où l'on va
et ce que l'on pourra faire.
Enquête préalable
Le manque de renseignements abondants et
précis est peut-être l'obstacle auquel se heur-
tent le plus souvent les bonnes volontés.
Il existe une énorme quantité de récits exoti-
ques très intéressants, très littéraires, mais
dont pas un ne vaut une demi page de notes
et de chiffres dus à l'expérience personnelle de
quelqu'un.
1 Les romans de Jules Verne ont éveillé nos
jeunes imaginations ; le Mariage de Loti nous
a valu des sensations artistiques charmantes,
mais ce n'est pas là qu'on peut apprendre les
moyens réels de gagner sa vie en pays in-
connu.
Plusieurs personnes ont compris cela. On
commence à trouver des publications qui ren-
ferment les renseignements pratiques de pre-
mière nécessité.
Je possède une brochure de M. L.-G. Binger, 1
intitulée Comment on devient explorateur. Ré-
digée dans un esprit éminemment pratique.elle
n'a qu'un défaut : c'est d'êlre, si je ne me
trompe. à peu près seule de son espèce.
Dans le même ordre d'idées, il convient de
citer les notes publiéos par M. J. MarchaI, de
Lyon, dans sa revue technique Banque et Com-
merce.
En voici un échantillon :
Nom du pays : Sénégal (côte d'Afrique jusqu'à
Conakry).
Vêtements à emporter : Pour la côte, même tenue
qu'en France en été. Les Vêtements blancs se trou-
vent ici à meilleur marché.
Voyage : Huit à dix jours. Prix par Bordeaux,
500 fr.
Habitation, nourriture: Saint-Louis, Dakar et
Rufisque, comme en France. Dans la brousse,
comme on peut.
Budget mensuel : Logement 50 fr., nourriture
120 fr., blanchissage 15 fr.
Langage : le français. On apprend les dialectes
du pays sur place;
Climat : moins meurtrier qu'on no le croit d'or-
dinaire. à condition d'observer los ôréceptes de
l'ae. Pas d'alem. -
Se lever et se coucher tôt. Température de 15 à
45 degrés. Hivernage de mai à novembre.
Régime à suivre, maladies : Porter de la laine,
ne pas boire hors des repas, bien manger ; porter
un casque contre les insolations. Prendre de la
quinine contre les fièvres.
Salaire nécessaire à la vie normale : 250 fr. par
mois.
Voilà. C'est terre-à-terre, totalement dépourvu
de poésie, mais bien utile à savoir pour les jeu-
nes Français avides d'expatriation.
Un recueil où l'on publierait régulièrement
des notes analogues, même plus détaillées, soi-
gneusement contrôlées et tenues à jé&r à l'aide
de correspondants établis un peu partout, se-
rait pour la colonisation d'un très grand se-
cours.
Il épargnerait aux uns des déconvenues, sti-
mulerait l'activité des autres.
Le résumé ci-dessus a été préparé pour de
jeunes employés. On pourrait en concevoir
d'analogues à l'usage des cultivateurs, des ar-
tisans, etc.
Le vrai colon
L'expatriation doit être, pour ceux qui s'y
décident, un acte de volonté réfléchie. Elle doit
aussi leur apparaître comme une chose défini-
tive ou, tout au moins, durable.
Pour réussir dans les colonies ou à l'étranger
il ne faut donc pas s'y rendre en voyageur
dans l'espoir de remplir promptement ses po-
ches pour revenir ensuite. Le futur colon sera
accompagné de sa femme et de ses enfants; il
essaimera au lieu de butiner et deviendra réel-
lement citoyen de sa nouvelle patrie, sans
oublier les liens qui le rattachent à l'an-
cienne.
Et, sur la fin de sa carrière, il aura le légi-
time orgueil d'avoir, par son énergie et son
initiative, pourvu à l'avenir des siens, au lieu
de les laisser plongés dans cette torpeur léthar-
gique dont le vieux monde pourrait bien périr
s'il n'y prend garde.
FABRICE DURAND.
DÉSISTEMENTS
Le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire
— parti allemaniste — vient de prendre des
décisions relativement aux candidatures qu'il
avait posées dans les diverses circonscriptions
de Paris.
Le P. O. S. R. retire la candidature du ci-
toyen Besombes, dans le 17e arrondissement,
et celle du citoyen Dherbécourt, dans le 18*
arrondissement. Sans vouloir donner d'ins-
tructions aux électeurs, il les engage claire-
ment à reporter leuis voix sur les noms des
citoyens Sohier et Turot, pour assurer la dé-
faite des nationalistes Goussot et Delsol.
Voilà qui est parfait.
La seule décision qui prête à discussion est
celle qui concerne le citoyen Fribourg, candi-
dat révolutionnaire dans le 12* arrondissement.
Le citoyen Fribourg est autorisé à rester en
ligne, en présence du candidat républicain so-
cialiste, le docteur Salmon. Or, le suffrage
universel a désigné celui-ci pour être le porte-
drapeau de la démocratie au deuxième tour de
scrutin. Le citoyen Fribourg devrait, en bonne
logique, se retirer devant le docteur Salmon.
Je sais bien quel raisonnement doit tenir le
candidat allemaniste : Le nationalisme est litté-
ralement écrasé à Picpus, et il n'y a pas la
moindre chance pour que l'idée républicaine
soit mise en échec dans 19 12' arrondissement.
Eh bien, j'estime qu'il est au moins impru-
dent de subordonner un grand principe comme
celui de la discipline républicaine à des consi-
dérations tirées d'une situation purement lo-
cale. Le docteur Salmon est arrivé en tête de
liste : il devrait bénéficier, dimanche, de toutes
les voix républicaines et socialistes, y compris
celles recueillies d'abord par M. Fribourg.
Celui-ci, en se maintenant, affirme tout au
moins qu'il se tientà l'écart du bloc républicain,
qu'il accepte seulement une solidarité limitée
avec l'ensemble des forces républicaines et so-
cialistes. Effectivement, M. Fribourg reste avec
obstination sur le terrain révolutionnaire; il
représente la théorie du « tout ou rien » et les
tendances de surenchère politique et sociale.
Tout autre était le programme arboré par
MM. Hippolyte Lencou et Kosciusko. Les élec-
teurs de ces derniers ne peuvent moins faire
que de voter dimanche pour le citoyen Salmon.
Le sentiment général à Picpus est, du reste,
que l'élection du docteur Salmon est assurée.
Tel est aussi notre avis. — H. D.
UN ÉNERGUMÈNE
Un de ces bons moines blancs dont les réac-
tionnaires et les faux républicains viennent de
prendre la défense avec tant d'acharnement,
donnait une représentation avant-hier soir à
l'église Notre-Dame de Lorette.
Il existe bien une circulaire ministérielle
adressée l'an dernier aux évêques pour leur
interdire délaisser prêcher les moines dans les
églises, mais M. Richard, archevêque et cardi-
nal, s'en moque comme de sa première leçon de
catéchisme.
Or, le bon moine blanc a, pendant Jeux heu-
res, injurié à bouche que veux-lu le gouver-
nement et le Parlement.
Il n'a même pas reculé devant les menaces.
a Nous ne céderons pas à la loi, s'est-il écrié!
Nous nous moquons de l'Etat. Nous garje-
rons notre argent pour défendre notre cause ;
nous resterons en France malgré le gouverne-
ment ; nous continuerons nos sermons ; nous
soulèverons tout le pays contre les misérables
qui nous persécutent. On a fermé déjà une fois
les églises. Cela a duré trois ans ; qu'on les
ferme encore! Il n'y en aura pas pour si long-
temps, je vous le promets. Nous balayerons
tout! Nous ne sommes cependant pas exi-
geants ! (Je le crois 1) Les Bourbons baisaient
les pieds du pape. Nous ne demandons pas
qu'on nous baise les piejs I » Heureusement,
car — entre autres raisons — ce doux moine
était pieds-nus et les dits pieds étaient passa-
blement poussiéreux.
— ♦
LE PARTI RÉPUBLICAIN ESPAGNOL
Madrid, 25 mars.
L'assemblée républicaine s'est tenue au
Grand-Théâtre lyrique. Plus'de 5,000 person-
nes y assistaient.
Une salve d'applaudissements a salué l'entrée
de-M. Saimeron.
M. Morayla, président. annonce que le lolal
des adhésions dépasse 20,000.
Le secrétaire donne lecture d'une dépêche
adressée par M. Clemencau, à M. Salmeron.
Elle est ainsi conçue :
« Veuillez, je vous prie, cher et illustre de-
vancier, offrir mes félicitations les plus cordia-
les et mes encouragoments le plus chaleureux
aux citoyens espagnols, assemblés pour défen-
dre la noble cause de la liberté et de la jus-
tice. »
Des applaudissements frénétiques accueillent
cotte lecture et les 5.000 assistants crient de
toutes leurs forces pendant plus d'un quart
d'heure : « Vive la France! Vive la République
française! »
Au milieu d'une salve d'applaudissemeuts,
la réunion proclame comme chef unique des
républicains M. 8alrncron.qui, très ému, après
avoir remercié l'assemblée, fait ressortir la
grande importance de la réunion. Nous devons.
dit il, faire de suite la République et nous dé-
livrer des jésuites et du Vatican. (Applaudis-
sements.)
M. Salmeron ajoute i « Nous -,devons serrer.
la main do ceux qui sont derrière les Pyrénées
et dire aux Français : Nous communions avec
vos idées. C'est dans ce sens que je répondrai
à M. Clemenceau, qui représente la gloire de
la France. »
Il déclare que le pays est vraiment républi-
cain et triomphera bientôt.
La réunion s'est terminée au milieu des ap-
plaudissements et des cris de : « Vive la Répu-
blique ! Vive Salmeron ! Vive la France ! »
LE TRA V AIL DES CHIENS
Il faudrait tout lire. Mais on n'a pas le
temps. C'est à peine si, de loin en loin, on
peut parcourir d'un regard rapide quelque
journal de province. Et cependant, ils contien-
nent souvent, ces journaux locaux, des choses
intéressantes. Où n'y a-t-il point à apprendre,
d'ailleurs ?
Ainsi, l'autre jour, une petite feuille rurale
m'étant passée entre les mains,j'ai vu qu'en un
endroit dénommé Formigny — c'est dans
'e Calvados - les gendarmes venaient d'arrê-
ter une dame Augustine G. âgée de qua-
rante-huit ans, marchande de poissons. Cette
dame avait été, peu auparavant, condamnée
par un tribunal de simple police à purger une
amende de 38 fr. 18 centtfriès. C'était parce
qu'elle n'avait pas payé cette amende, et en
vertu d'une contrainte par corps qu'elle avait
été appréhendée ; cinq jours de prison devaient
s'ensuivre. Il convient maintenant de dire le
pourquoi de la condamnation.
Voici : — Mme G. avait, à la petite voi-
ture où elle étale son poisson à vendre, attelé
son chien. D'où contravention, procès-verbal,
toute la gendarmerie, toute la magistrature,
toute l'administration pénitentiaire mises sur
pied. La loi, en effet, défend d'atteler les
chiens, Et rien n'est plus sot.
Le chien aime travailler. S'il pouvait par-
ler, certes! il réclamerait sa part de travail.
Mais ne parle-t-il pas? Voyez les chiens sa-
vants dans les cirques; comme ils jappent
joyeusement, comme ils frétillent d'allégresse,
avec quelle éloquence ils remuent la queue !
De même ceux qu'on attelle. Car on en at-
telle beaucoup, en dépit de la loi.
N'avez-vous jamais rencontré, aux heures
matinales, de petites voitures de chiffonniers?
Le chien, attelé à côté de son maître, lire de
toutes ses forces et de tout son cœur. Seule-
ment, comme il lui est défendu d'employer ain-
si sa force, il est mal attelé; au lieu de har-
nais, une simple corde qui lui scie la peau. Il
souffre — symboliquement — de la protection
qu'on a voulu lui accorder.
Je pense à cette pauvre marchande de pois-
sons de Formigny : elle a sans doute bien de
la peine, n'étant plus jeune, à tirer sa petite
charrette par les chemins ; elle avait pensé à
utiliser la vigueur de son toutou ; et le toutou
ne demandait pas mieux. Mais les gendarmes
sont intervenus. En prison, la marchande.
Permis à vous, madame, de vous éreinter au
travail, de peiner, de suer sous la bricole ; vo-
tre chien, lui, ne doit rien faire. M'est avis
que ce chien, s'il comprend, doit avoir une fâ-
cheuse idée des hommes.
J'entends bien que si la loi interdit le travail
aux chiens, c'est de peur qu'on ne les surmène
et les balte. Avec cela qu'on se gêne pour les
battre quand ils ne font rien. Un jour, quand
on aura du loisir il faudra reviser cela. Le
chien 9dt un animal domestique, il n'y a pas à
sortir de là. Je réclame pour lui le droit au
travail. — L. V.-M.
—■ ——
AUX INSTITUTEURS
En décembre 1901, une énorme majorité
d'électeurs m'envoya siéger au conseil départe-
mental de la Seine.
A ce moment, je pris l'engagement de ren-
dre compte de mon mandat.
C'était simplement honnête.
Or, il m'est aujourd'hui impossible de tenir
ma promesse. La Direction de l'enseignement,
s'appuyant sur une circulaire du 18 août 1890,
me refuse la libre disposition d'un préau d'é-
cole.
Je n'incrimine personne. Je ne proteste pas.
Et si j'emprunte la voie de la presse, c'est qu'il
importe à ma dignité et à mon honneur de
montrer à mes électeurs mon entière bonne
foi.
Je pense néanmoins qu'une circulaire nou-
velle peut détruire l'effet d'une circulaire an-
cienne. Et le gouvernement de la République,
soucieux des véritables intérêts du corps en-
seignant, ne peut manquer de lui donner
pleine et entière satisfaction.
Le conseil départemental s'occupe des cho-
ses de l'écolo. L'école est à nous. C'est à l'é-
cole qu'il con7ient do discuter les grands inté-
rêts de notre collectivité.
Georges MOITET,
Conseiller départemental de la Seine.
L'EXEMPLE DU BON JUGE
(De notre correspondant particulier)
Rome, 25 mars.
A Massa Marittima un riche châtelain, M. le
comte Hugo Nardelli, a fait poursuivre une
pauvre miséreuse, la femme Soz i, qui avait
volé un pain dans une ferme de « M. le
comte ». Le plaignant est venu personnelle-
ment et s'est fait assister par un excellent
avocat.M s'est acharné avec une férocité parti-
culière contre la pauvre accusée. La femme
Sozzi a été acquittée, aux vifs applaudisse-
ments de toute la salle.
Les prétendus complices de BalmascheS
(De notre correspondant particulierl
Eydtkuhnen (frontière russe), 25 mars.
Le monde révolutionnaire rlfSSO, et même la
bourgeoisie libérale ont accueilli avec un sou-
rire sceptique la nouvelle de l'arrestation de
deux prétendus complices de Balmascheff à
Naples. Le5 deux touristes ne peuvent pas être
accusés de complicité, pour la simple raison
que Balmaschefl. en tuant le ministre Sipya-
guine. a agi de sa propre initiative et sans con-
fier à personne son projet. Précisément, l'or-
gane officiel des révolutionnaires, l'Iskra, vient
de publier le résultat de son enquête sur l'at-
tentat. Il résulta des preuves documentaires et
des témoignages que fo Boyewaya Organiialzia
(Organisation de Combat) a, par pure vantar-
dise, fait répandre le bruit que c'était elle qui
avait chargé Balmascheff de l'exécution du mi-
nistre de l'intérieur. Le groupe Boyewaya Or-
ganizatzia avait condamné le ministre dès 1901
et chargé de l'exécution du décret un nommé
S. qui a fait plus de bruit que de besogne.
Mais il y a encore un autre fait bien curieux
à relever. Vers la fin de l'on 1901, Balmascheff
demanda à faire partie du comité révolution-
nairo de Kief; cette demande fut repoussée. On
le trouva trop jeune, trop inexpérimenté et pas
tout à fait en conformité avec les idées socia-
listes.
Les voyageurs de Naples peuvent avoir en-
voyé des écrits révolutionnaires en Russie, ce
qui n'est pas un cas pendable en Europe. Si les
agents de la police russe à l'étranger les accu-
sent d'assassinat, c'est pour obtenir une extra-
dition. Quant à la police de Naples, les gens
éclairés, en Russie, sont unanimes àdire qu'elle j
fêtait mieux de s'occiioer de la Carnorrfl.
LA JOURNÉE
PARLEMENTAIRE
A LA CHAMBRE
M.Etienne, qui préside, écoute avec éton-
nement M. Binder se plaindre que ses in-
terruptions ne figurent pas toujours à
l'Officiel. M. Etienne a grand'peine à faire
comprendre à M. Binder que les sténogra-
phes ne sont pas forcés d'enregistrer les
« a parlé » et les bougonnements des mé-
contents.
Sur la proposition de M. Lucien Hubert,
on décide de.conférer aux membres des
missions africaines depuis l'année 1883 la
médaille coloniale créée par la loi du 28
mai 1902.
Adopté aussi un projet relatif aux ré-
compenses à décerner à l'occasion de quel-
ques fêtes artistiques et scientifiques.
Les crédits supplémentaires
M. Gauthier (de Clagny) parlé dans la
discussion des crédits supplémentaires. Il
se montre inutilement violent. M. Gauthier
(de Clagny) avait commencé à se faire une
réputation d'adresse dans lé parti clérico-
nationaliste. Il est en train de la perdre.
M. Gauthier (de CIRlfoy). — De plus
en plus vous seroz obligés de jeter en pâture
aux électeurs les débris de la fortune publique.
(Applaudissements à droite. Vives réclamations
à l'extrême gauche.)
M. Bon veri. — C'est là une insolence.
M. Bagool. — C'est un langage indigne
d'un député.
M. Gauthier (de Clagny). — Sous le
prétexte de défendre la République, vous n'avez
défendu, passez-moi cette expression vulgaire,
quo l'assiette au beurre. (Applaudissements à
droite. — Vives protestations à l'extrême gau-
che.)
Le président. — De telles paroles sont
indignes do vous. (Applaudissements.)
M. Gauthier (de Clagny). — Il faudrait
mettre un terme à ces dépensas croissantes.
M. Jaurès. — il y a 100 millions d'aug-
mentation pour la guerre et la marine.
M. Gauthier (de Clagny). — Il y aurait
un moven de remédier à ce mal. Ce serait que
les députés fusaent privés du droit d'initiative
en matière de dépenses.
- Il y en aurait ua autre qui consisterait à
supprimer la responsabilité des ministres de-
vant le Parlement.
L'article 1er du projet est adopté.
L'affaire Humbert
Le chapitre 14 du ministère de la justice
permet à M. Georges Berry de parler de
l'affaire Humbert.
On a dépensé une centaine de mille
francs à propos de cette affaire. Or ces dé-
penses étaient inutiles, puisque le gouver-
nement savait où se cachaient les Hum-
bert. Vous voyez la suite du développe-
ment. La plaisanterie est bien vieille.
M. Vallé se croit obligé de répondre ; il
est seul à penser ainsi.
M. Lefas, incidemment, s'inquiète des
dépenses nécessitées par la liquidation des
congrégations.
Quelques coups de boutoir encore, et M.
Gauthier (de Clagny) retourne à son banc.
Il peut se vanter d'avoir fait un joli
four.
four. Discours de M. Berleaux
M. Berteaux répond avec verve à l'ora-
teur nationaliste.
M. Berteaux rapporteur général. — Je
ne sais pas si l'on doit prendre au tragique ou
simplement au sérieux les paroles de M. Gau-
thier (de Clagny). J'aime mieux croire qu'il a
voulu se livrer à une aimable plaisanterie.
Je ne pouvais pas m'empêcher de sourire
quand je l'entendais tout à l'heure demander
la suppression du droit d'initiative des députés
en matière de dépenses. Qui donc plus que lui
et ses amis a contribué à augmenter les dépen-
ses ? N'est-ce pas lui et ses amis qui ont voté
le maintien du budget des cultes, tandis que
nous en votions la suppression ? (Applaudisse-
ments à gauche.)
M. Gauthier (de Clagny). - Ajoutez que
c'est à la demande du président du conseil que
mon bulletin s'est rencontré avec celui de M.
Millerand. (Rires au centre et à droite.)
M. Berteaux. — M. Gauthier (de Cla-
gny) a aussi voté les primes qu'il critiquait
tout à l'heure et, entraîné par l'esprit de parti,
quand il se plaint des achats de chevaux pour
l'armée, il s'est, passez-moi le mot, payé la
tête de sos collègues. (Applatidissementà et ri-
res à gauche. - Bruit à droite et au centre.)
Vous avez,dit monsieur Gautbier(de Clagny),
que vous allier reprendre notre programme.
Mais quand donc avez-vous attaqué les puis-
sances financières dont vous parliez tout à
l'heure ? Quand donc avez-vous pris la défense
des petits commerçants ? Est-ce quand vous
avez voté comme M. Jaluzot dans la question
des patentes?
M, Gauthier (de Clagny). — J'ai si peu
voté avec M. Jaluzot que notre collègue, au-
quel j'avais recommandé quelqu'un, me ré-
pondit que les mosures votées par la Chambre
— et dont j'avais ma part de responsabilité —
ne lui permettaient pas d'augmenter son per-
sonnel.
M. Jaluzot. — Je ne me préoccupe ja-
mais des mesquines questions de politique
quand un quelconque do mes collègues me re-
commande quelqu'un.
M. Berteaux. - Ce n'est pas moi qui ai
placé la question sur le terrain politique,c'ost M.
Gauthier (do Clagoy). J'avais le devoir de lui
répondre et de lui montrer que sos amis el lui
avaient la plus large part dans le déficit.
Ceci dit, je rappelle que je n'ai pas aL/endu
les critiques do M. Gauthier (de Clagny), pour
blâmer, dans mon rapport, l'abus des crédit*
supplémentaires et pour montrer qu'ils élaienl
le résultat d'un état d'esprit des administra-
tions que nous devons dire unanimes à faire
disparaître. (Très bien !)
M. Gauthier (de Clagny) reste coi. Il s'est
engagé dans un mauvais pas.
1 Discoùrs de M. Câillaux
M. Caillaux, dont la. gestion financière
a été discutée, se défend, non sans âpreté.
M. Caillaux. — Je m'étais systématique-
ment abstenu, par un sentiment de réserve que
la Chambre comprendra, de prendra part à la
discussion du budget et de rectifier les erreurs
apportées soit ici, soit dans l'autre Assemblée,
Mitiq, vraiment, il y a une limite à la patience.
(Très bien ! à gauche.)
M. Gauthier (deClagny) nous uil f Vous nous
demandoz des impôts nouveaux pour î .wy * :
nous vous demanderons de faire desécouomiea.
Je lui demande : Lesquelles? (Applaudisse-
ments à gaucho.)
Il est facile de venir à fa tribune prêcberlel
économies, mais encore DEdsndrait-ii pas voter
continuellement des augtnènialions de dépenses
comme 18 font M. Gauthier (de Clugoy) et 63f
amis. (Très bien 1 à gauche.)
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JCJRNAL
14 • ; • M-i.l. J-»nri>
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De 1 à 8 heures du soir el de 40 heures du soir a 1 heure du malin
No 12068 — Vendredi 27 Mars 1903 -
7 GERMINAL AN - 111
Af>illttlSTftATIOi\ : 14, rue dn Mail
Adresser Lettres el mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
Mœurs brutales
La foule de Paris a repris, depuis
quelquesannées, l'habitude, qui semblait
périmée, de jouer dans la rue. Ses dé-
lassements sont un peu rudes; cette
rudesse même a quelque chose de tra-
ditionnel, la descente de la Courtille
ne passa jamais pour un spectacle de
délicatesse et de grâce. Mais il faudrait
que la foule honnête ne fût pas aban-
donnée aux sévices d'une certaine caté-
gorie de gens.
Vous me direz qu'il est un peu tard
pour parler de la Mi-Carême ; mais les
confetti sont maintenant de toutes les
fêtes, de sorte qu'on ne saurait trop
s'inquiéter de leur permanente et me-
naçante actualité.
Comme, jeudi soir, je revenais du
très cordial banquet du Syndicat de la
Presse scientifique, je remontais, lente-
ment, à pied, la rue de Richelieu, goû-
tant la douceur sereine de la belle nuit
étoilée, pensant au travail qui m'atten-
dait sur ma table, et que j'allais repren-
dre, sitôt rentré. Soudain, une femme
s'est ruée sur moi et m'a frappé au
visage d'une poignée de petites choses
malpropres.
Tiré de mon aimable rêverie par cette
agression brutale, je me suis rappelé
que, pour quelques heures encore, Pa-
ris appartenait aux fous. Et j'avais le
boulevard à traverser pour rentrer chez
moi ! Il fallait aviser. Heureusement,
un omnibus s'est présenté. Je suis
monté sur l'impériale et, étant ainsi à
l'abri, j'ai pu, sans être sali davantage,
franchir le passage dangereux.
Mais quel spectacle du haut de cet
omnibus ! Il était près de onze heures,
la foule demeurait assez compacte, se
mouvant avec des hurlements de sau-
vages, avec des gambades frénétiques
au milieu d'une telle poussière, si dense,
que c'était à peine si l'on parvenait à
distinguer les contours des visages
suants. De la place relativement élevée
que j'occupais, je me suis senti presque
suffoqué tant l'atmosphère épaissie,
chargée de miasmes, était irrespirable.
Vous savez, du reste, ce qu'à été la
journée. Bien que le service d'ordre ait
été décuplé — à la suite des scandales
de la journée du mardi-gras — il est
resté forcément au-dessous de l'impos-
sible mission qu'il avait à remplir. Ce
n'est certes pas la faute des agents ; pou-
vaient-ils arrêter tout le monde? Tout
ce que Paris renferme d'individus sans
aveu , de malandrins, d escarpes,
d' « apaches », pour leur donner le nom
à la mode, de souteneurs, de voleurs de
profession, s'était emparé des boule-
vards ; là, pendant toute cette journée,
la population a été tyrannisée par les
malfaiteurs. -
Le nombre a été considérable des
femmes qui, bousculées, pressées par la
foule, se sont trouvées mal, ont été plus
ou moins foulées aux pieds par la co-
hue. Il y a eu des accidents plus graves.
Un petit garçon a eu la jambe cassée
par un coup de pied de cheval ; un au-
tre cheval a fortement endommagé un
de nos confrères. Celui-là, je le plains,
car il est vraisemblable qu'il n'était
point là pour son plaisir.
Quant aux filous, pendant ce temps-
là, ils s'en donnaient à cœur joie. On
annonce que le nombre des porte-mon-
naie volés est « incalculable ». C'est
charmant, en vérité. Environ quinze
cents arrestations ont été opérées sur
lesquelles près de cinq cents, dit-on, ont
été maintenues. Tel est le bilan de la
journée.
***
A la fin, comme, sans doute, l'alcool
avait fait son œuvre, allumait dans les
cerveaux chavirés les rages rouges, les
lames des couteaux ont lui. Non loin de
l'Opéra, en plein boulevard, une femme
a été frappée par un de ces couteaux ;
on l'a transportée à Lariboisière. Cela
achève le tableau, n'est-il pas vrai ? Si
le sang n'avait pas coulé, la petite fête
n'eût pas été complète. Qu'en pensez-
vous? Je me sens plein de dégoût et de
honte.
Il y avait,ainsi,dans l'ancienne Rome,
des fêtes - les Saturnales — où la ville
était livrée au rebut de la population.
L'aotion de toutes les lois était suspen-
due, aucune garantie n'était plus assu-
rée aux honnêtes gens, et ceux-ci n'a-
vaient que laressourco de se barricader
chez eux tandis que, dans les rues, se
ruait, en délire, -, le flot fangeux de la
populace. C'était la journée des es-
claves. Nousavons, maintenant,la jour-
née des voyous. Voilà de nouvelles
mœurs, dont il n'y a pas lieu, ce me
semble.d'êtrebien fier.
Ainsi c'est convenu, réglé : il y a dé-
sormais deux jours par an : le Mardi-
Gras et la Mi-Carême, où Paris ne s'ap-
partient plus. Défense aux citoyens
paisibles de sortir de chez eux, sous
peine d'être insultés, salis, frappés par
les drôles qui opèrent sous la protec-
tion de l'autorité. Et s'ils ont des af-
faires, des courses urgentes, impossi-
bles à remettre au lendemain ? tant pis
pour aux. -
Je me souviens d'une mi-carême qui
fut pour moi particulièrement doulou-
reuse, eelie de 1898 ; une dépêche" m'ap-
porta Ia uouvçlle de la mort subite d'un,
ami cher ; je veux courir ; il demeurait
boulevard des Italiens ; vous me voyez,
luttant contre la foule inepte, aveuglé
par les confetti qui se collaient à mes
joues mouillées de larmes, arrivant à la
chambre mortuaire tout couvert do ces
abominables petites rondelles de papier
peint. Mais cela, c'était une circonstance
exceptionnelle. Le confetti est déjà bien
assez odieux en temps ordinaire.
Voyons, est-ce qu'il n'y aurait pas
moyen d'aviser, de protéger contre ces
confetti ceux qui, n'ayant nulle envie
d'en jeter, ne sont point disposés du
tout à en recevoir ? Je concède, si l'on
veut, que la liberté de ceux qui aiment
les confetti soit respectable ; ne peut-on
demander aussi un peu d'égards pour
la liberté de ceux qui n'aiment pas les
confetti ?
Je demande simplement s'il est ad-
missible que la vie de la grande ville
soit suspendue pendant toute une jour-
née, sous prétexte de confetti ?
Lucien Victor-Meunier.
COLÈRE MÉLINISTE
Il faut bien admettre que le
Rappel touchait juste, l'autre
jour, lorsqu'il faisait remarquer
que le Sénat, en validant l'élec-
tion de M.Borne,dans le Doubs,
embarrasseraitfdrt les mélinis-
tes qui avaient compté donner à
l'un des leurs le siège de M. de Moustier.
Cette simple remarque met dans une
grande agitation la Dépêche républicaine de
Franche-Comté ; notre confrère méliniste de
Besançon nous pose cette question qu'il
croit embarrassante : « Le Sénat, lorsqu'il
a à statuer sur une élection, fait office de
juge. Or, que dirait-on d'un juge qui, sur
le point de rendre son arrêt, se dirait : Je
vais faire acte d'équité, mais en outre je
vais faire plaisir à l'une des deux parties ? »
La Dépêche républicaine a une façon de
poser les questions qui est un peu trop
commode : de ce qu'un jugement nous est
favorable et que nous en énumérons, avec
un plaisir compréhensible, les avantages,
il ne s'ensuit pas logiquement que le juge
a décidé en notre sens pour nous faire
plaisir. C'est donc à notre confrère que
nous retournons l'argument qu'il fait « au
Sénat une sanglante injure). Nous lui en
laissons la responsabilité et le remords.
La Dépêche républicaine ajoute que nous
ferions sagement de ne pas évoquer le
mélinisme; cela ne sert, dit-il, qu'à rappe-
ler aux populations « qu'au temps du mi-
nistère Méline, en ne voyait pas. attenter
a la liberté et a la propriété de quinze ou
vingt mille Français »; en d'autres termes,
que loin de supprimer les moines, en ce
temps-là, on les protégeait. Eh bien, c'est
précisément l'un des reproches que nous
faisons à M. Méline, et il n'apparaît pas,
jusqu'à présent, que sur ce point, « les po-
pulations » soient avec M. Méline. —
Ch. B.
Voir à la 3a page
les Dernières Dépêches
de la nuit et
la Revue des Journaux
du matin
L'ÉPURATION
Se cacher plus longtemps le péril qui croit
chaque jour serait une faute très lourde. Il faut
que la presse républicaine entreprenne une
campagne sérieuse et ne cesse de demander
l'épuration des administrations publiques que
quand elle l'aura obtenue.
Le gouvernement est journellement trahi
par ses agents, et n'allez pas croire que ce soit
seulement en province que les fonctionnaires
payés par lui ne cessent de manifester ouver-
tement ou d'une manière indiscrète leurs opi-
nions antirépublicaines. A Paris même, les ad-
ministrations centrales, les ministères sont en-
combrés d'ennemis de nos institutions.
Il ne faut pas craindre de le dire: l'immense
majorité des employés des ministèreq est natio-
naliste et cléricate, depuis les simples huissiers
jusqu'aux chefs de bureau.
Cette idée, je me la suis faite par des obser-
vations personnelles et par des enquêtes scru-
puleuses. J'ai bâte de le dire, elle est partagée
par tous ceux qui ont bien voulu, comme moi,
étudier le danger sur place et l'approfondir.
Il y a, dans chaque grande administration,
des bureaux où pullulent d'inutiles rédacteurs
et des expéditionnaires surnuméraires. Ils vien-
nent à la « boîte » à midi, ils la quitent à qua-
tre heures. On leur donne du travail, soi-disant
pour un mois, ils l'expédient en quelques jours
et le reste du temps ils fument des cigarettes
ou s'endorment sur leurs ronds de cuir.
Ils lisent aussi des journaux, la Libre Paro-
le, l'Intransigeant, l'Echo de Paris et pour ce
faire, ils touchent un traitement, et se prépa-
rent une retraite. Ce sont les budgétivores.
ils sont la plaie de nos finances, ils vivent de
la République. et Ils ne sont même pas répu-
blicains.
Je n'exagère pas en disant que dans un mi-
nistère important de fa rive droite, c'est tout
juste si l'on peut trouver, par bureau, un seul
véritable républicain
Comment expliquer tout cela? Oh, c'est bien
simple. Les chefs, les directeurs du personnel,
sont réactionnaires, ils favorisent autant que
possible les réactionnaires. Et ainsi les admi-
nist" rations de toute sorte se peuplent des enne-
mis da régime.
Quel est le remède? Il n'en est qu'un seul,
l'épuration. Qu'on fasse des. enquêtes sérieuses
sur tous les fonctionnaires! Qu'on n'hésite pas,
quand il y a lieu, à frapper à la tête! Pas de
faiblesse, pas de temporisation!
-11 suffirait à chaque ministre de montrer dans
son département on peu de fermeté et de faire
quelques exemples, pour enrayer le mal. Je
sais bien qu'il se heurtera immédiatement
aux résistances intéressées des grands chefs
qui multiplieront les obstacles. Mais ce n'est
pas une raison pour hésiter devant la tâche qui
s'impose. — L. - Armbruster.
————-———— ♦ ———————.
DANS LES CHANTIERS MARITIMES ALLEMANDS
(De notre correspondant particuliers
Kiel, 25 mars.
Une activité extraordinaire règne actuelle-
ment dans les chantiers maritimes allemands.
Huit Vaisseaux d'escadre sont en voie de cons-
truclion. Tous, sçuf le Schivaben; ont été com-
mandés à l'industrie privée. Le chantier impé-
rial, £ Wilhelrnshaven, ne fait que des répara-
tions et cela pour cause : i'amiraulén'a guère
eu à sa louer des instructeurs officiels..
QUESTIONS ACTUELLES
LA COLONISATION
Quelques chiffres. - Trop et trop pou.
— Vases communiquants. — Ce qui
arrête le courant. — Volonté ré-
fléchie, décision éclairée. —
Les renseignements. -
Poésie et prose. -
Essaimons, ne bu-
tinons pas.
Les chiffres ont une éloquence particulière.
Ils parlent peu, mais bien. Un nombre jeté à
propos en travers du raisonnement le plUi
spécieux, y produit l'effet d'un coup de trique.
Et cette intervention, encore que violente, a
quelquefois du bon.
J'aime les chiffres, non pour eux-mêmes
comme un collectionneur aime ses coléoptères
ou ses cailloux, mais pour ce qu'ils disent
quand on prend la peine de les interroger.
C'est très intéressant, et pour vous en con-
vaincre, vous n'avez qu'à feuilleter l'Annuaire
du bureau des longitudes. Vous y verrez, entre
autres choses, ceci :
Le quartier Bonne-Nouvelle, à Paris, ren-
ferme 1.041 habitants par hectare, ou 104.100
par kilomètre carré.
La moyenne générale de la population par
kilomètre carré est pour Paris de 32.461 habi-
tants; pour Lille de 888; pour Marseille, de
725; pour la France, de 72; pour l'Algérie,
de 7; pour Madagascar, de 5; pour le Congo
français, de 3 ; pour la côte du Somalis, de
0,4.
En poursuivant ailleurs cette petite enquête,
il est facile de compléter le tableau précédent.
On trouve, comme moyenne kilométrique :
Etats-Unis, 7 habitants ; Mexique, 6; Equateur, 4;
Chili, 3; Bolivie, 2 ; Brésil, 1,7; République Ar-
gentine, 1,4 ; Paraguay, 1,3.
L'Etat do Wyoming (Amérique du Nord)
considéré à part, ne renferme que 0,2 habitant
par kilomètre carré.
Voilà qui est rassurant.
Si le terrain en façade boulevard de Cour-
celles se vend couramment cinq ou six cents
francs le métre. on doit en trouver à meilleur
compte dans l'Etat de Wyoming. Les gens qui
aiment leurs aises auront également de quoi
s'étendre sur la côte des Somalis, au Congo ou
à Madagascar; c'est un débouché tout trouvé
pour le trop-plein de nos grandes villes.
Les courants humains
Comment donc se fait-il que les races hu-
maines soient réparties sûr la terre avec une
pareille inégalité ?
Mon Dieu, c'est bien simple.
boient deux vases, l'un plein, l'autre vide,
réunis par an tube très fin. Le contenu du
premier s'écoulera dans le second, mais lente-
ment, très lentement ; le moindre grain de
poussière, le plus petit fétu de paille placés en
travers du conduit intermédiaire arrêteront le
mouvement.
Ainsi va la colonisation. Les moyens de
transport, encore dispendieux et rares, sont
comparables au tube de petit diamètre qui réu-
nirait nos vases communiquants. Il faudrait
les multiplier,en réduire le coût pour lés reo-
dre plus accessibles au grand nombre.
Quant au grain de poussière, il revêt les for-
mes les plus variées : obstacles résultant de la
législation, des mœurs, du manqued'initiative,
du manque de renseignements.
Actuellement, on part sans aucune préoccu-
pation des difficultés futures, et l'on échoue ;
ou bien l'on s'exagère ces difficultés et l'on
reste chez soi.
Il y aurait bien un troisième procédé : s'em-
barquer après mûre réflexion et faire au préa-
lable une étude attentive du plan de campagne
que l'on s'est établi. Mais ceux qui agissent de
la sorte sont rares.
Dans le hall de la gare Saint-Lazare, il y a
une salle d'attente spéciale dont la porte est
surmontée d'un écriteau ainsi libellé :
Emigrants
Ausiùanderer
Emigranti
Combien, parmi ces « auswanderer o quit-
tenllLEurope avec l'outillage matériel et mo-
ral indispensable à leur réussite? Bien peu as-
surément.
Conditions de réussite
Et cependant, pour l'homme vigoureux de
corps et d'esprit, il y a mieux à faire que de
battre le pavé à la recherche d'un emploi ou
de végéter péniblement faute d'un travail uivi
et bien rémunéré. N'est-il pas cent fois préfé-
rable d'aller planter sa tente autre part? Oui,
à la condition de le faire avec sang-froid et
décision, comme on s'adonne à une industrie
quelconque. >
D'abord, il faut posséder un tempérament
solide pour résister aux épreuves de toute
sorte qu'on devra forcément subir. La gymnas-
tique raisonnée, la culture physique pratiquées
de quinze à vingt ans vaudront au futur colon
ce bienfait inappréciable, sans lequel on ne
peut rien entreprendre : la santé.
Puis, s'astreindre à observer les règles fon-
damentales de l'hygiène et apprendre le mieux
possible une ou plusieurs langues étrangères.
Enfin, et par-dessus tout, se renseigner aussi
exactement que possible, de manière à savoir,
au moment de se mettre on route, où l'on va
et ce que l'on pourra faire.
Enquête préalable
Le manque de renseignements abondants et
précis est peut-être l'obstacle auquel se heur-
tent le plus souvent les bonnes volontés.
Il existe une énorme quantité de récits exoti-
ques très intéressants, très littéraires, mais
dont pas un ne vaut une demi page de notes
et de chiffres dus à l'expérience personnelle de
quelqu'un.
1 Les romans de Jules Verne ont éveillé nos
jeunes imaginations ; le Mariage de Loti nous
a valu des sensations artistiques charmantes,
mais ce n'est pas là qu'on peut apprendre les
moyens réels de gagner sa vie en pays in-
connu.
Plusieurs personnes ont compris cela. On
commence à trouver des publications qui ren-
ferment les renseignements pratiques de pre-
mière nécessité.
Je possède une brochure de M. L.-G. Binger, 1
intitulée Comment on devient explorateur. Ré-
digée dans un esprit éminemment pratique.elle
n'a qu'un défaut : c'est d'êlre, si je ne me
trompe. à peu près seule de son espèce.
Dans le même ordre d'idées, il convient de
citer les notes publiéos par M. J. MarchaI, de
Lyon, dans sa revue technique Banque et Com-
merce.
En voici un échantillon :
Nom du pays : Sénégal (côte d'Afrique jusqu'à
Conakry).
Vêtements à emporter : Pour la côte, même tenue
qu'en France en été. Les Vêtements blancs se trou-
vent ici à meilleur marché.
Voyage : Huit à dix jours. Prix par Bordeaux,
500 fr.
Habitation, nourriture: Saint-Louis, Dakar et
Rufisque, comme en France. Dans la brousse,
comme on peut.
Budget mensuel : Logement 50 fr., nourriture
120 fr., blanchissage 15 fr.
Langage : le français. On apprend les dialectes
du pays sur place;
Climat : moins meurtrier qu'on no le croit d'or-
dinaire. à condition d'observer los ôréceptes de
l'ae. Pas d'alem. -
Se lever et se coucher tôt. Température de 15 à
45 degrés. Hivernage de mai à novembre.
Régime à suivre, maladies : Porter de la laine,
ne pas boire hors des repas, bien manger ; porter
un casque contre les insolations. Prendre de la
quinine contre les fièvres.
Salaire nécessaire à la vie normale : 250 fr. par
mois.
Voilà. C'est terre-à-terre, totalement dépourvu
de poésie, mais bien utile à savoir pour les jeu-
nes Français avides d'expatriation.
Un recueil où l'on publierait régulièrement
des notes analogues, même plus détaillées, soi-
gneusement contrôlées et tenues à jé&r à l'aide
de correspondants établis un peu partout, se-
rait pour la colonisation d'un très grand se-
cours.
Il épargnerait aux uns des déconvenues, sti-
mulerait l'activité des autres.
Le résumé ci-dessus a été préparé pour de
jeunes employés. On pourrait en concevoir
d'analogues à l'usage des cultivateurs, des ar-
tisans, etc.
Le vrai colon
L'expatriation doit être, pour ceux qui s'y
décident, un acte de volonté réfléchie. Elle doit
aussi leur apparaître comme une chose défini-
tive ou, tout au moins, durable.
Pour réussir dans les colonies ou à l'étranger
il ne faut donc pas s'y rendre en voyageur
dans l'espoir de remplir promptement ses po-
ches pour revenir ensuite. Le futur colon sera
accompagné de sa femme et de ses enfants; il
essaimera au lieu de butiner et deviendra réel-
lement citoyen de sa nouvelle patrie, sans
oublier les liens qui le rattachent à l'an-
cienne.
Et, sur la fin de sa carrière, il aura le légi-
time orgueil d'avoir, par son énergie et son
initiative, pourvu à l'avenir des siens, au lieu
de les laisser plongés dans cette torpeur léthar-
gique dont le vieux monde pourrait bien périr
s'il n'y prend garde.
FABRICE DURAND.
DÉSISTEMENTS
Le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire
— parti allemaniste — vient de prendre des
décisions relativement aux candidatures qu'il
avait posées dans les diverses circonscriptions
de Paris.
Le P. O. S. R. retire la candidature du ci-
toyen Besombes, dans le 17e arrondissement,
et celle du citoyen Dherbécourt, dans le 18*
arrondissement. Sans vouloir donner d'ins-
tructions aux électeurs, il les engage claire-
ment à reporter leuis voix sur les noms des
citoyens Sohier et Turot, pour assurer la dé-
faite des nationalistes Goussot et Delsol.
Voilà qui est parfait.
La seule décision qui prête à discussion est
celle qui concerne le citoyen Fribourg, candi-
dat révolutionnaire dans le 12* arrondissement.
Le citoyen Fribourg est autorisé à rester en
ligne, en présence du candidat républicain so-
cialiste, le docteur Salmon. Or, le suffrage
universel a désigné celui-ci pour être le porte-
drapeau de la démocratie au deuxième tour de
scrutin. Le citoyen Fribourg devrait, en bonne
logique, se retirer devant le docteur Salmon.
Je sais bien quel raisonnement doit tenir le
candidat allemaniste : Le nationalisme est litté-
ralement écrasé à Picpus, et il n'y a pas la
moindre chance pour que l'idée républicaine
soit mise en échec dans 19 12' arrondissement.
Eh bien, j'estime qu'il est au moins impru-
dent de subordonner un grand principe comme
celui de la discipline républicaine à des consi-
dérations tirées d'une situation purement lo-
cale. Le docteur Salmon est arrivé en tête de
liste : il devrait bénéficier, dimanche, de toutes
les voix républicaines et socialistes, y compris
celles recueillies d'abord par M. Fribourg.
Celui-ci, en se maintenant, affirme tout au
moins qu'il se tientà l'écart du bloc républicain,
qu'il accepte seulement une solidarité limitée
avec l'ensemble des forces républicaines et so-
cialistes. Effectivement, M. Fribourg reste avec
obstination sur le terrain révolutionnaire; il
représente la théorie du « tout ou rien » et les
tendances de surenchère politique et sociale.
Tout autre était le programme arboré par
MM. Hippolyte Lencou et Kosciusko. Les élec-
teurs de ces derniers ne peuvent moins faire
que de voter dimanche pour le citoyen Salmon.
Le sentiment général à Picpus est, du reste,
que l'élection du docteur Salmon est assurée.
Tel est aussi notre avis. — H. D.
UN ÉNERGUMÈNE
Un de ces bons moines blancs dont les réac-
tionnaires et les faux républicains viennent de
prendre la défense avec tant d'acharnement,
donnait une représentation avant-hier soir à
l'église Notre-Dame de Lorette.
Il existe bien une circulaire ministérielle
adressée l'an dernier aux évêques pour leur
interdire délaisser prêcher les moines dans les
églises, mais M. Richard, archevêque et cardi-
nal, s'en moque comme de sa première leçon de
catéchisme.
Or, le bon moine blanc a, pendant Jeux heu-
res, injurié à bouche que veux-lu le gouver-
nement et le Parlement.
Il n'a même pas reculé devant les menaces.
a Nous ne céderons pas à la loi, s'est-il écrié!
Nous nous moquons de l'Etat. Nous garje-
rons notre argent pour défendre notre cause ;
nous resterons en France malgré le gouverne-
ment ; nous continuerons nos sermons ; nous
soulèverons tout le pays contre les misérables
qui nous persécutent. On a fermé déjà une fois
les églises. Cela a duré trois ans ; qu'on les
ferme encore! Il n'y en aura pas pour si long-
temps, je vous le promets. Nous balayerons
tout! Nous ne sommes cependant pas exi-
geants ! (Je le crois 1) Les Bourbons baisaient
les pieds du pape. Nous ne demandons pas
qu'on nous baise les piejs I » Heureusement,
car — entre autres raisons — ce doux moine
était pieds-nus et les dits pieds étaient passa-
blement poussiéreux.
— ♦
LE PARTI RÉPUBLICAIN ESPAGNOL
Madrid, 25 mars.
L'assemblée républicaine s'est tenue au
Grand-Théâtre lyrique. Plus'de 5,000 person-
nes y assistaient.
Une salve d'applaudissements a salué l'entrée
de-M. Saimeron.
M. Morayla, président. annonce que le lolal
des adhésions dépasse 20,000.
Le secrétaire donne lecture d'une dépêche
adressée par M. Clemencau, à M. Salmeron.
Elle est ainsi conçue :
« Veuillez, je vous prie, cher et illustre de-
vancier, offrir mes félicitations les plus cordia-
les et mes encouragoments le plus chaleureux
aux citoyens espagnols, assemblés pour défen-
dre la noble cause de la liberté et de la jus-
tice. »
Des applaudissements frénétiques accueillent
cotte lecture et les 5.000 assistants crient de
toutes leurs forces pendant plus d'un quart
d'heure : « Vive la France! Vive la République
française! »
Au milieu d'une salve d'applaudissemeuts,
la réunion proclame comme chef unique des
républicains M. 8alrncron.qui, très ému, après
avoir remercié l'assemblée, fait ressortir la
grande importance de la réunion. Nous devons.
dit il, faire de suite la République et nous dé-
livrer des jésuites et du Vatican. (Applaudis-
sements.)
M. Salmeron ajoute i « Nous -,devons serrer.
la main do ceux qui sont derrière les Pyrénées
et dire aux Français : Nous communions avec
vos idées. C'est dans ce sens que je répondrai
à M. Clemenceau, qui représente la gloire de
la France. »
Il déclare que le pays est vraiment républi-
cain et triomphera bientôt.
La réunion s'est terminée au milieu des ap-
plaudissements et des cris de : « Vive la Répu-
blique ! Vive Salmeron ! Vive la France ! »
LE TRA V AIL DES CHIENS
Il faudrait tout lire. Mais on n'a pas le
temps. C'est à peine si, de loin en loin, on
peut parcourir d'un regard rapide quelque
journal de province. Et cependant, ils contien-
nent souvent, ces journaux locaux, des choses
intéressantes. Où n'y a-t-il point à apprendre,
d'ailleurs ?
Ainsi, l'autre jour, une petite feuille rurale
m'étant passée entre les mains,j'ai vu qu'en un
endroit dénommé Formigny — c'est dans
'e Calvados - les gendarmes venaient d'arrê-
ter une dame Augustine G. âgée de qua-
rante-huit ans, marchande de poissons. Cette
dame avait été, peu auparavant, condamnée
par un tribunal de simple police à purger une
amende de 38 fr. 18 centtfriès. C'était parce
qu'elle n'avait pas payé cette amende, et en
vertu d'une contrainte par corps qu'elle avait
été appréhendée ; cinq jours de prison devaient
s'ensuivre. Il convient maintenant de dire le
pourquoi de la condamnation.
Voici : — Mme G. avait, à la petite voi-
ture où elle étale son poisson à vendre, attelé
son chien. D'où contravention, procès-verbal,
toute la gendarmerie, toute la magistrature,
toute l'administration pénitentiaire mises sur
pied. La loi, en effet, défend d'atteler les
chiens, Et rien n'est plus sot.
Le chien aime travailler. S'il pouvait par-
ler, certes! il réclamerait sa part de travail.
Mais ne parle-t-il pas? Voyez les chiens sa-
vants dans les cirques; comme ils jappent
joyeusement, comme ils frétillent d'allégresse,
avec quelle éloquence ils remuent la queue !
De même ceux qu'on attelle. Car on en at-
telle beaucoup, en dépit de la loi.
N'avez-vous jamais rencontré, aux heures
matinales, de petites voitures de chiffonniers?
Le chien, attelé à côté de son maître, lire de
toutes ses forces et de tout son cœur. Seule-
ment, comme il lui est défendu d'employer ain-
si sa force, il est mal attelé; au lieu de har-
nais, une simple corde qui lui scie la peau. Il
souffre — symboliquement — de la protection
qu'on a voulu lui accorder.
Je pense à cette pauvre marchande de pois-
sons de Formigny : elle a sans doute bien de
la peine, n'étant plus jeune, à tirer sa petite
charrette par les chemins ; elle avait pensé à
utiliser la vigueur de son toutou ; et le toutou
ne demandait pas mieux. Mais les gendarmes
sont intervenus. En prison, la marchande.
Permis à vous, madame, de vous éreinter au
travail, de peiner, de suer sous la bricole ; vo-
tre chien, lui, ne doit rien faire. M'est avis
que ce chien, s'il comprend, doit avoir une fâ-
cheuse idée des hommes.
J'entends bien que si la loi interdit le travail
aux chiens, c'est de peur qu'on ne les surmène
et les balte. Avec cela qu'on se gêne pour les
battre quand ils ne font rien. Un jour, quand
on aura du loisir il faudra reviser cela. Le
chien 9dt un animal domestique, il n'y a pas à
sortir de là. Je réclame pour lui le droit au
travail. — L. V.-M.
—■ ——
AUX INSTITUTEURS
En décembre 1901, une énorme majorité
d'électeurs m'envoya siéger au conseil départe-
mental de la Seine.
A ce moment, je pris l'engagement de ren-
dre compte de mon mandat.
C'était simplement honnête.
Or, il m'est aujourd'hui impossible de tenir
ma promesse. La Direction de l'enseignement,
s'appuyant sur une circulaire du 18 août 1890,
me refuse la libre disposition d'un préau d'é-
cole.
Je n'incrimine personne. Je ne proteste pas.
Et si j'emprunte la voie de la presse, c'est qu'il
importe à ma dignité et à mon honneur de
montrer à mes électeurs mon entière bonne
foi.
Je pense néanmoins qu'une circulaire nou-
velle peut détruire l'effet d'une circulaire an-
cienne. Et le gouvernement de la République,
soucieux des véritables intérêts du corps en-
seignant, ne peut manquer de lui donner
pleine et entière satisfaction.
Le conseil départemental s'occupe des cho-
ses de l'écolo. L'école est à nous. C'est à l'é-
cole qu'il con7ient do discuter les grands inté-
rêts de notre collectivité.
Georges MOITET,
Conseiller départemental de la Seine.
L'EXEMPLE DU BON JUGE
(De notre correspondant particulier)
Rome, 25 mars.
A Massa Marittima un riche châtelain, M. le
comte Hugo Nardelli, a fait poursuivre une
pauvre miséreuse, la femme Soz i, qui avait
volé un pain dans une ferme de « M. le
comte ». Le plaignant est venu personnelle-
ment et s'est fait assister par un excellent
avocat.M s'est acharné avec une férocité parti-
culière contre la pauvre accusée. La femme
Sozzi a été acquittée, aux vifs applaudisse-
ments de toute la salle.
Les prétendus complices de BalmascheS
(De notre correspondant particulierl
Eydtkuhnen (frontière russe), 25 mars.
Le monde révolutionnaire rlfSSO, et même la
bourgeoisie libérale ont accueilli avec un sou-
rire sceptique la nouvelle de l'arrestation de
deux prétendus complices de Balmascheff à
Naples. Le5 deux touristes ne peuvent pas être
accusés de complicité, pour la simple raison
que Balmaschefl. en tuant le ministre Sipya-
guine. a agi de sa propre initiative et sans con-
fier à personne son projet. Précisément, l'or-
gane officiel des révolutionnaires, l'Iskra, vient
de publier le résultat de son enquête sur l'at-
tentat. Il résulta des preuves documentaires et
des témoignages que fo Boyewaya Organiialzia
(Organisation de Combat) a, par pure vantar-
dise, fait répandre le bruit que c'était elle qui
avait chargé Balmascheff de l'exécution du mi-
nistre de l'intérieur. Le groupe Boyewaya Or-
ganizatzia avait condamné le ministre dès 1901
et chargé de l'exécution du décret un nommé
S. qui a fait plus de bruit que de besogne.
Mais il y a encore un autre fait bien curieux
à relever. Vers la fin de l'on 1901, Balmascheff
demanda à faire partie du comité révolution-
nairo de Kief; cette demande fut repoussée. On
le trouva trop jeune, trop inexpérimenté et pas
tout à fait en conformité avec les idées socia-
listes.
Les voyageurs de Naples peuvent avoir en-
voyé des écrits révolutionnaires en Russie, ce
qui n'est pas un cas pendable en Europe. Si les
agents de la police russe à l'étranger les accu-
sent d'assassinat, c'est pour obtenir une extra-
dition. Quant à la police de Naples, les gens
éclairés, en Russie, sont unanimes àdire qu'elle j
fêtait mieux de s'occiioer de la Carnorrfl.
LA JOURNÉE
PARLEMENTAIRE
A LA CHAMBRE
M.Etienne, qui préside, écoute avec éton-
nement M. Binder se plaindre que ses in-
terruptions ne figurent pas toujours à
l'Officiel. M. Etienne a grand'peine à faire
comprendre à M. Binder que les sténogra-
phes ne sont pas forcés d'enregistrer les
« a parlé » et les bougonnements des mé-
contents.
Sur la proposition de M. Lucien Hubert,
on décide de.conférer aux membres des
missions africaines depuis l'année 1883 la
médaille coloniale créée par la loi du 28
mai 1902.
Adopté aussi un projet relatif aux ré-
compenses à décerner à l'occasion de quel-
ques fêtes artistiques et scientifiques.
Les crédits supplémentaires
M. Gauthier (de Clagny) parlé dans la
discussion des crédits supplémentaires. Il
se montre inutilement violent. M. Gauthier
(de Clagny) avait commencé à se faire une
réputation d'adresse dans lé parti clérico-
nationaliste. Il est en train de la perdre.
M. Gauthier (de CIRlfoy). — De plus
en plus vous seroz obligés de jeter en pâture
aux électeurs les débris de la fortune publique.
(Applaudissements à droite. Vives réclamations
à l'extrême gauche.)
M. Bon veri. — C'est là une insolence.
M. Bagool. — C'est un langage indigne
d'un député.
M. Gauthier (de Clagny). — Sous le
prétexte de défendre la République, vous n'avez
défendu, passez-moi cette expression vulgaire,
quo l'assiette au beurre. (Applaudissements à
droite. — Vives protestations à l'extrême gau-
che.)
Le président. — De telles paroles sont
indignes do vous. (Applaudissements.)
M. Gauthier (de Clagny). — Il faudrait
mettre un terme à ces dépensas croissantes.
M. Jaurès. — il y a 100 millions d'aug-
mentation pour la guerre et la marine.
M. Gauthier (de Clagny). — Il y aurait
un moven de remédier à ce mal. Ce serait que
les députés fusaent privés du droit d'initiative
en matière de dépenses.
- Il y en aurait ua autre qui consisterait à
supprimer la responsabilité des ministres de-
vant le Parlement.
L'article 1er du projet est adopté.
L'affaire Humbert
Le chapitre 14 du ministère de la justice
permet à M. Georges Berry de parler de
l'affaire Humbert.
On a dépensé une centaine de mille
francs à propos de cette affaire. Or ces dé-
penses étaient inutiles, puisque le gouver-
nement savait où se cachaient les Hum-
bert. Vous voyez la suite du développe-
ment. La plaisanterie est bien vieille.
M. Vallé se croit obligé de répondre ; il
est seul à penser ainsi.
M. Lefas, incidemment, s'inquiète des
dépenses nécessitées par la liquidation des
congrégations.
Quelques coups de boutoir encore, et M.
Gauthier (de Clagny) retourne à son banc.
Il peut se vanter d'avoir fait un joli
four.
four. Discours de M. Berleaux
M. Berteaux répond avec verve à l'ora-
teur nationaliste.
M. Berteaux rapporteur général. — Je
ne sais pas si l'on doit prendre au tragique ou
simplement au sérieux les paroles de M. Gau-
thier (de Clagny). J'aime mieux croire qu'il a
voulu se livrer à une aimable plaisanterie.
Je ne pouvais pas m'empêcher de sourire
quand je l'entendais tout à l'heure demander
la suppression du droit d'initiative des députés
en matière de dépenses. Qui donc plus que lui
et ses amis a contribué à augmenter les dépen-
ses ? N'est-ce pas lui et ses amis qui ont voté
le maintien du budget des cultes, tandis que
nous en votions la suppression ? (Applaudisse-
ments à gauche.)
M. Gauthier (de Clagny). - Ajoutez que
c'est à la demande du président du conseil que
mon bulletin s'est rencontré avec celui de M.
Millerand. (Rires au centre et à droite.)
M. Berteaux. — M. Gauthier (de Cla-
gny) a aussi voté les primes qu'il critiquait
tout à l'heure et, entraîné par l'esprit de parti,
quand il se plaint des achats de chevaux pour
l'armée, il s'est, passez-moi le mot, payé la
tête de sos collègues. (Applatidissementà et ri-
res à gauche. - Bruit à droite et au centre.)
Vous avez,dit monsieur Gautbier(de Clagny),
que vous allier reprendre notre programme.
Mais quand donc avez-vous attaqué les puis-
sances financières dont vous parliez tout à
l'heure ? Quand donc avez-vous pris la défense
des petits commerçants ? Est-ce quand vous
avez voté comme M. Jaluzot dans la question
des patentes?
M, Gauthier (de Clagny). — J'ai si peu
voté avec M. Jaluzot que notre collègue, au-
quel j'avais recommandé quelqu'un, me ré-
pondit que les mosures votées par la Chambre
— et dont j'avais ma part de responsabilité —
ne lui permettaient pas d'augmenter son per-
sonnel.
M. Jaluzot. — Je ne me préoccupe ja-
mais des mesquines questions de politique
quand un quelconque do mes collègues me re-
commande quelqu'un.
M. Berteaux. - Ce n'est pas moi qui ai
placé la question sur le terrain politique,c'ost M.
Gauthier (do Clagoy). J'avais le devoir de lui
répondre et de lui montrer que sos amis el lui
avaient la plus large part dans le déficit.
Ceci dit, je rappelle que je n'ai pas aL/endu
les critiques do M. Gauthier (de Clagny), pour
blâmer, dans mon rapport, l'abus des crédit*
supplémentaires et pour montrer qu'ils élaienl
le résultat d'un état d'esprit des administra-
tions que nous devons dire unanimes à faire
disparaître. (Très bien !)
M. Gauthier (de Clagny) reste coi. Il s'est
engagé dans un mauvais pas.
1 Discoùrs de M. Câillaux
M. Caillaux, dont la. gestion financière
a été discutée, se défend, non sans âpreté.
M. Caillaux. — Je m'étais systématique-
ment abstenu, par un sentiment de réserve que
la Chambre comprendra, de prendra part à la
discussion du budget et de rectifier les erreurs
apportées soit ici, soit dans l'autre Assemblée,
Mitiq, vraiment, il y a une limite à la patience.
(Très bien ! à gauche.)
M. Gauthier (deClagny) nous uil f Vous nous
demandoz des impôts nouveaux pour î .wy * :
nous vous demanderons de faire desécouomiea.
Je lui demande : Lesquelles? (Applaudisse-
ments à gaucho.)
Il est facile de venir à fa tribune prêcberlel
économies, mais encore DEdsndrait-ii pas voter
continuellement des augtnènialions de dépenses
comme 18 font M. Gauthier (de Clugoy) et 63f
amis. (Très bien 1 à gauche.)
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