Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-03-15
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 68249 Nombre total de vues : 68249
Description : 15 mars 1903 15 mars 1903
Description : 1903/03/15 (N12056). 1903/03/15 (N12056).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7572407f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
CINQ CENTIMES le N xin.i.<èx*o.
PAP-IS & départements
Le ÏSi T.irwLéx*G, CINO CENTIMES
lm
UMER~M~ 'n" Imm:& 1 1 imur-
.l à j~ il,, , ~jL
AXXOXCEâ
AUX BUREAUX DU JCJRNAL
U. r; ! p ! ; î Paris.
It chez MM. LAGRANGE, CERF & Cu
6, place de la Bourse, 6.
presse Ti Lé graphique : XIXe SJÈCLE — PARIS
a
ABONNEMENTS
Paris Trois mois 6f. Six mois 11 f. Un an 20U
Départements — 7f. — 12 f. — 24 &
Union Postale — 9f. —- 16 f. — 32 XV
Les Abonnements sont reçus sans fr&ift
dans tous les Bureaux de Postft
ÏU-ÏÏACTION 1 fi, rue <ïu Shiil
De i à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à i - heure du malin
INT ° 12056 — 13-man.cli® 15 Mars 1903
25 VENTOSE AN 111
).'II.fSTIL\THPJ ; 14, rue du Mail
Adresser lettres et mandais à l'administrateur
NOS LEADERS
À irii oans l'armée
Quelle émotion aurait soulevé dans le
pays le débat qui vient de se terminer
devant le Sénat, si l'attention publique
n'avait été captivée par la bataille que
livre, à la Chambre, la République à la
congrégation !
Nous avons dit hier quel admirable
discours Clemenceau avait prononcé.Le
grand orateur radical n'a pas été moins
merveilleux dans la séance qui vient de
se terminer, s'efforçant, dans sa lutte
courtoise et passionnée contre le mi-
nistre de la guerre, de faire com-
prendre à la haute assemblée toute la
vérité sur les faits qu'il dénonçait, sans
vouloir dévoiler complètement cette vé-
rité, sans vouloir qu'elle apparût trop
nue et trop brutale.
Il faut louer Clemenceau pour ce
qu'il a dit et pour ce qu'il a tu. Nous es-
saierons d'imiter sa sagesse et nous
éviterons de parler longtemps de cette
affaire Hartmann. C'est une tragédie
concrète et violente qui tiendrait trop
bien la foule si une fois l'attention po-
pulaire s'y attachait.
Le jeune Hartmann, fils d'un liente-
nant-colonel, - a été contraint, malade
de la fièvre typhoïde, depuis cinq jours.
à faire une marche de 25 kilomètres. Il
en est mort.
Le général André a dit que les offi-
ciers auxquels était soumis le soldat
n'étaient pas coupables.
- Moi-même, a dit le ministre de la
guerre, je serais, à raisonner comme
vous le faites, le meurtrier d'un de mes
neveux. Celui-ci appartenait à un régi-
ment que je commandais. Malade, il fit
une marche de 30 kilomètres, et mou-
rut par suite de ce surmenage. C'était
un garçon héroïque : il n'avait pas
voulu s'avouer indisposé.
Clemenceau a fait justice de cet argu-
ment : d'abord, des lettres du malheu-
reux Hartmann prouvent que ce jeune
soldat avait fait connaître à ses chefs
qu'il était malade.
Clemenceau a ajouté :
— J'ai cité des faits. Je suis prêt à les
prouver et à paraître devant une com-
mission d'enquête chargée de les exa-
miner.
Faites attention maintenant à ce bout
de dialogue :
M. le ministre de la guerre. — Le
lieutenant d'Hartmann ne s'est pas aperçu qu'il
fût malade, pas plus que je ne me suis aperçu
de la maladie de mon neveu.
M. Clemenceau. - Mais le lioulenant
était derrière Hartmann, le touchait: il l'a vu
abandonner son sac et son fusil, et il no lui a
pas adressé la parole. Vous, au contraire,
comme colonel,vous marchiez eu tête de la co-
lonne.
Encore une fois, nous aurons le cou-
rage de ne pas insister sur les détails
de cette affaire.
Le conflit des idées générales est as-
sez intéressant pour que nous ne cher-
chions pas une autre source d'émo-
tion.
Clemenceau avait fait observer au
général André que les circulaires- mi-
nistérielles n'étaient point observées.
Le général André, pour couvrir ses su-
bordonnés, a été forcé d'émettre une
théorie destructive de toute discipline :
— Par la force des choses, nous som-
mes obligés de nous en remettre, dès
qu'il s'agit de l'exécution, à l'initiative
des chefs directs.
Du tac au tac, Clemenceau a riposté :
- L'initiative ? Jusqu'au coup d'Etat
inclusivement.
M. de Cuverville a répondu à la place
du ministre. Et il a échangé avec le
leader des radicaux-socialistes du Sénat
les observations suivantes :
M. de Cuverville. — L'armée ne songe
qu'à faire son devoir et à servir la nation.
M. Clemenceau. — C'est entendu, mais
vous faites une restriction mentale. Vous vou-
lez qu'au besoin, l'armée puisse faire un coup
d'Etat.
M. de Cuverville. — Jamais!
M. Clemenceau. — Nous nous souve-
nons du 2 Décembre.
N'oublions pas que M. de Cuverville
avait déclaré, au cours de la précédente
séance, que la France devait sa gran-
deur à la monarchie et à la religion ca-
tholique!
Voilà la situation : des chefs, sou-
vent dévoués au Pape et au Roy, et dont
« l'initiative » n'est même pas réglée
parles ordres du ministre!
Mais ces réflexions n'ont trait qu'in-
directement au problème qui nous oc-
cupe aujourd'hui. Ne sortons pas de la
question de l'hygiène dans l'armée.
Il est ressorti de la discussion que la
morbidité dans les régiments pouvait
être diminuée seulement par la diminu-
tion du nombre des malingres appelés
sous les drapeaux. On est tombé d'ac-
cord que les conseils de revision accep-
taient trop de candidats à la phtisie et
aux autres maladies.
Pourquoi cette indulgence en faveur
de la tuberculose? La raison, c'est qu'on
demande à la nation de fournir plus de
soldats qu'elle ne produit de garçons
solides, dénués de tares physiques.
MM. Treille et Clemenceau avaient
déposé un ordre du jour qui présentait
la question sous son véritable jour. Ils
demandaient au Sénat de proclamer
que, « dans l'intérêt de la patrie et de
la force réelle de l'armée, le chiffre du
contingent annuel devait être propor-
tionné à la population J.
Est-ce une idée révolutionnaire? Non,
puisque, l'autre jour, M. Ribot la défen-
dait à la Chambre.
Eh bien, le général André a réclamé
le vote d'un ordre du jour, accepté par
les ennemis de la République, et qui ne
comprenait pas la disposition dont nous
venons de signaler l'importance. MM.
Treille et Clemenceau ont eu des paro-
les sévères pour apprécier cette attitude
du ministre de la guerre.
Il est de fait que le général André a
été quelquefois mieux inspiré. Car il
faut, ou se résigner à garder le mal qui
décime l'armée, ou détruire la cause de
ce mal. Et puisque cette cause est con-
nue, quel sophisme permettrait de ne
pas la supprimer ?
Hugues Destrem.
PERSONNES INTERPOSEES
On connaît le procédé fami-
lier à la Congrégation pour
dissimuler ses richesses. Elle-
même parait ne rien posséder.
C'est un ami sûr, ou une société
civile composée de cléricaux
militants, ou encore un seul
membre de la confrérie, qui est propriétaire
des immeubles, des établissements indus-
triels des maisons de commerce ou des
produits qui appartiennent réellement à la
congrégation. Le code appelle ce moyen de
dissimulation : la personne ou les person-
nes interposées.
Depuis que la loi sur les associations a
été annoncée, discutée et votée, la plupart
des congrégations ont pris leurs précau-
tions pour éviter la liquidation de leurs
biens. Et, naturellement, c'est au système
de l'interposition de personnes qu'elles ont
eu recours.
Tels, par exemple, les Bénédictins olivé-
tains de l'abbaye de Soulac, bien connus
par leur dentifrice. Le président Brisson
écrivait récemment que « chaque fois qu'il
traversait la place de l'Opéra , ses yeux
étaient éblouis par les lettres lumineuses
qui font de la réclame au dentifrice des
bénédictins de l'abbaye de Soulac ». Aussi-
tôt, la presse d'opposition a jugé que l'oc-
casion était bonne de plaisanter un des
chefs éminents du parti républicain. On lui
a parlé des bédédictins de Fécamp, des
jacobins de Paris, voire de l'abbaye de
Théléme et de l'abbaye de Monte-à-Regret.
L'opposition s'est trompée lourdement.
D'ailleurs, ence qui touche la congrégation,
Brisson est un des hommes les plus docu-
mentés de ce temps. A propos de l'abbaye
des bénédictins olivétains de Soulac, il a
pu démontrer à la Chambre, pièces en
mains, que c'est lui qui a raison.
Les immeubles de ces révérends ont été
achetés par une dame Heine, achat fictif
bien entendu. Et cela est tellement vrai
que, non seulement les bénédictins, quoi-
que prétendant avoir renoncé à leur droit
de propriété, ont continué de les habiter,
mais encore que la dame Heine, assignée
devant le tribunal de Lesparre, n'a pu
prouver qu'elle était devenue propriétaire,
si bien qu'en juillet dernier, le tribunal a
rendu un jugement aux termes duquel
Mme Heine est qualifiée de personne in-
terposée et le liquidateur a le droit de pren-
dre possession des biens.
Mieux encore. A propos du dentifrice,
un prospectus lu par le président Brisson
et qui lui a été remis avant-hier sur les bou-
levards, porte toujours la signature du
prieur Maglone, aujourd'hui mort, de la
congrégation des bénédictins. Et le liqui-
dateur a résolu d'assigner Mme veuve Se-
guin, prétendue propriétaire du denti-
frice, qui, d'après lui, est encore une per-
sonne interposée.
La démonstration deBrisson est des plus
convaincantes, mais elle indique assez les
difficultés nombreuses auxquelles se heur-
teront les liquidateurs des congrégations.
Aussi bien, nous faudra-t-il arriver un
jour à déclarer, comme les commenta-
teurs du Code civil, que les biens des con-
grégations, étant des biens sans maîtres
et des biens vacants, devront faire retour
à « l'Etat », ce qui nous évitera une foule
de procès. — Ch. B.
"PARFAIT MISÉRABLE"
Ils se sont mis à deux - M. Firmin Faure
et M. Ad. Papillaud — hier, dans la Libre Pa-
role, pour a éreinter» M. Barthou.
Franchement, le superbe discours qu'avait
prononcé la veille M. Barthou valait bien ça.
Même, la modération relative de M. Firmin
Faure a de quoi surprendre, C'est à peine si
M. Firmin Faure qualifie M. Barthou de « che-
vau-léger de l'arrivisme » ; s'il l'accuse d'avoir
commis « une nouvelle trahison » dans l'es-
pérance, d'ailleurs « vaine », assure-t-il, d'ob-
tenir sa « réhabilitation »; c'est bien pâle, tout
cela, c'est bien mou,mais on fait ce qu'on peut.
M. Firmin Faure, on se le rappelle peut-être,fit
partie. jadis, de cette députation antisémite que
l'Algérie a si bellement vomie; il est encore
tout meurtri de l'aventure; passons.
M. Papillaud se montre, à son ordinaire,
infiniment plus vigoureux. Sans barguigner, M.
Papillaud déclare que pour tout autre homme
politique le discours de M. Barthou — ce dis-
cours dont le rédacteur en chef du Rappel a pu
dire justement qu'il est un acte de courage —
eût été a déshonorant ».
Mais, ajoute M. Papillaud : a à ce point de
vue là, M. Barthou ne risquait rien. L'ancien
ministre de l'intérieur du cabinet Méline est
tombé dans un tel discrédit qu'il ne risque plus
de se déshonorer. Il y a longtemps que c'est
fait. » Et voilà. Que voulez-vous? C'est l'opi-
nion de M. Papillaud.
Et il parait que ce n'est pas seulement l'opi-
nion de M. Papillaud. En effet, M. Papillaud
reproduit le mot d'un « radical » qui avait
« bruyamment applaudi » le discours de M.
Barthou. — « C'est un parfait misérable ! di-
sait ce radical en sortant de la séance. »
Mais la perfection, même en cet ordre d'i-
dées, est-elle de ce monde? Le Colline de la
Vie- de Uohème faisait, paraît-il, d'un « Par-
fait bouvier » en chinois sa lecture favorite.
Existe-t-il, on français, un manuel du « par-
fait misérable »?
N'importe! M. Barthou doit être satisfait.
Les applaudissements de la majorité républi-
caine, c'était bien; la fureur de La presse cléri-
cale, c'est mieux. Décidément, le discours a
porté. Mon cher ami, permettez-moi de vous
féliciter do tout cœur. « Parfait misérable ! »
à la bonne heure ! L'adversaire a crié ; ÏOU-
chét - L. V. M.
EN CORSE
LES SERVICES MARITIMES POSTAUX
Un pays délaissé. — Les doléances des
Corses. — Le service des postes. —
Deux adjudications. — La Compa-
gnie Nantaise de navigation de la
Basse-Loire. — Sérieux avanta-
ges. — Question de vitesse. —
Le développement économi-
que de la Corse.
Bien que située à une très courte distance de
la côte française, la Corse est un pays à peu
près délaissé, du moins co sont les habitants
qui l'affirment. Et les habilanls ont raison, ou
du moins, ils avaient raisjn hier encore.
A maintes reprises, les représentants de ce
département ont fait entendre les doléances des
Corses, mais jusqu'ici leurs plaintes n'avaient
pas été écoutées. Aujourd'hui les réformes tant
de fois réclamées ont reçu un commencement
d'exécution et l'on peut dire sans exagération
que la journée d'hier a été excellente pour la
Corse.
De quoi se plaignaient les habitants de cette
île ?
Tout simplement d'être délaissés par la Mé-
tropole. Ce verdoyant pays, ce « paradis »
comme l'appelle si justement M. Emmanuel
Arène, se trouvait, faute de moyens rapides de
communications, aussi isolé du Continent
qu'une colonie lointaine. Le pays est riche,
fertile, et la production très abondante deve-
nait, par le fait de cet isolement, une cause
d'appauvrissement, au lieu d'être une source
de richesses.
Les services maritimes postaux
Il importail donc d'améliorer ces communi-
cations et tout d'abord de réorganiser les ser-
vices maritimes postaux de l'île, qui jusqu'ici
étaient faits d'une façon plus que défec-
tueuse.
Dans ce but, M. Bérard, sous-secrétaire
d'Etat, fit procéder, le 7 mars dernier, à
une adjudication de cet important service.
Quatre concurrents avaient fait des offres :
MM. Fraissinet et Cie, armateurs à Marseille,
proposaient une vitesse de 14 nœuds pour les
trois services réglementaires, et do 10 nœuds
pour les autres services ;
La compagnie nantaise de navigation de la
Basse-Loire 14 nœuds pour les trois services
obligatoires, 12 nœuds et 9 nœuds pour les
autres.
M. Crucien Luigi. banquier à Paris, 14
nœuds 5, pour les trois services et 12 nœuds
pour les autres.
M. Rueff, directeur des Messageries fluviales
de l'Indo-Chine, proposait 14 nœuds 112 pour
tous les services provisoires et 12 nœuds 112
pour les services moins importants.
M. Rueff ayant fait les propositions les plus
avantageuses fut déclaré adjudicataire pro-
visoire.
La seconde adjudication
Mais les concurrents avaient j usqu'au 13 mars
pour surenchérir et la seconde adjudication
prévue par la loi a eu lieu hier, à 11 heures
du matin, dans une salle spéciale du sous-se-
crétariat des postes, 103, rue de Grenelle.
M. Bérard était assisté des différents chefs
de service de l'administration. Une soixan-
taine de personnes comprenant les principales
notabilités du monde maritime et commercial,
ainsi que los représentants de la Corse, assis-
taient en outre à l'adj udication.
Les offres définitives les plus avantageuses
ont été faites par la Compagnie française de
navigation et de constructions navales et an-
ciens établissements Satre réunis plus connue
sous le nom de Compagnie Nantaise de naviga-
tion de la Basse-Loire, qui s'engage à fournir
une vitesse moyenne de 16 nœuds pour les ser-
vices partant de Nice pour Ajaccio, Bastia et
Calvi ou l'île Rousse ; une vitesse de 15 nœuds
et demi pour l'un des services de Marseille à
Ajaccio, ot de Marsoille à Bastia ; ce dernier
prolongé jusqu'à Livourne ; une vitesse de 14
nœuds et demi fait les deuxièmes services de
Marseille à Ajaccio et de Marseille à Bastia, et
deux prolongements de Bastia à Livourne; une
vitesse de 14 uœuds pour la ligne de Marseille-
Toulon-Calvi ou l'île Rousse, prolougée sur
Ajaccio, Propriano et Bonifacio , enfin, une vi-
tesse de 10 nœuds pour les lignes d'Ajaccio à
Propriano et d'Ajaccio à Porto-Torrès.
C'est par conséquent cette compagnie qui a
été déclarée adjudicataire.
M. Niclausse
Cet important service ne pouvait tomber en
de meilleures mains. Le directeur de la com-
pagnie adjudicataire est, en effet, une des figu-
res les plus connues et les plus sympathiques
du monde maritime.
On sait, en effet, que M. Niclausse est égale-
ment directeur de la Société des générateurs
inexplosibles et fournisseur des marines mili-
taires du monde entier. C'est, avec la maison
Delaunay-Belleville, le seul fabricant d9 chau-
dières tnbulaires en usage dans les marines
des différents pays.
Les conditions de l'adjudication
Nous venons d'enregistrer les vitesses pro-
posées par la Compagnie adjudicataire, ajou-
tons que les conditions de l'adjudication por-
taient uniquement sur la vitesse à réaliser. En
comparant le chiffre de seize nœuds à l'heure,
proposé par M. NiclausBe, avec celui do qua-
torze nœuds et demi fourni par M. Rueff, on
voit quo la différence est sensible, bien que les
vitess9s proposées par M. Rueff aient déjà été
appréciables et constituent un réel progrès sur
les vitesses antérieures.
Autrefois et aujourd'hui
La vitesse maxima des bateaux précédem-
ment chargés du service étaient de dix nœuds
à l'heure.
Prenons par exemple la ligne de Marseille à
Ajaccio, la distance entre ces deux ports étant
de 180 milles, il fallait, pour un navire navi-
guant à raison de 10 nœuds à l'heure, 18 heures
pour effectuer ce trajet, qui sera dorénavant
accompli en douze henres, soit un avance de
six heures sur l'ancien service.
De Nice à Ajaccio, distants de 128 milles,
l'avance sera d'environ quatre heures, le nou-
veau service faisant en huit heures le parcours
effectué autrefois en plus de douze heures.
Quatorze heures suffiront pour parcourir les
210 milles qui séparent Marseille de Bastia,
alors qu'il fallait autrefois vingt-et-une heures.
Enfin, le trajet do Nice à Bastia sera fait en
moins de huit heures, alors que près de treize
heures étaient nécessaires, pour franchir les
125 milles qui séparent ces deux ports.
L'avenir de la Corse
Grâce à l'heureuse initiative de M. Bérard,
grâce surtout aux avantages incontestables
fournis parla Compagnie Nantaise de naviga-
tion, on voit quels progrès vont être réalisés,
dans le sens du développement économique de
le Corse.
La prospérité de l'lie ne semble dépendre que
du développement des moyens de communica-
tion; rien n'empêchera donc ce pays de pren-
dre désormais son essor, puisqu il possède au-
jourd'hui ces débouchés qui lui manquaient.
Cependant il reste encore beaucoup à faire
pour améliorer la condition économique de
l'île. Il ne suffit pas d'avoir réorganisé les ser-
vices maritimes postaux, il faut mettre à l'u-
mm l'OTg&isiÛp.n ti tdimBtifO (tes li-j
gnes de chemin de fer avec les nouveaux ser-
vices maritimes.
Los chemins do fer, en effet, fonctionnent
d'une façon lamentable, de plus, tous les ser-
vices cessent à 8 heures du soir.
Pourquoi ?
Il serait malaisé de répondre à cette ques-
tion.
Est-ce la crainte des brigands ? On a fait
cette réponse, mais elle n'est vraiment pas
sérieuse.
Ce qu'il faut donc maintenant c'est organi-
ser les services do chemin de fer, édifier des
hôtels confortables, mettre en harmonie les
moyens d'existence avec les exigences et le
confortable de la vie moderne,
Alors, les étrangers qui, jusqu'ici, ont dé-
daigné la Corse, seront séduits par la beauté
des sites, et feront sans doute de la Corse un
pays à la mode que l'on visitera au cours des
villégiatures annuelles de la Côte d'Azur.
Le premier pas dans cette voie de prospérité
vient d'être fait, c'est aux pouvoirs publics à
continuer l'œuvre si bien commencée. — H. C.
»
L'action contre les congrégations
Le dernier délai
Le président du conseil vient d'envoyer aux
préfets l'ordre de rechercher si les religieuses
dont les congrégations ont été dissoutes par
décret se livrent encore, dans leurs couvents
aux divers exercices auxquels elles s'adon-
naient avant la fermeture de leurs établisse-
ments.
Dans l'affirmative, un dernier délai de dix
jours sera indiqué aux délinquantes pour se
disperser. Passé ce délai, des poursuites seront
exercées contre elles, contre les propriétaires
des maisons qu'elles habitaient, et contre tou-
tes personnes qui les auront recueillies.
C'est en vain que les communautés tente-
raient de tourner la loi, en laissant derrière,quel-
ques religieuses, soit sous prétexte do garder
l'immeuble couventuel comme concierges ou
gardiennes de scellés, soit sous celui de créer
des établissements d'enseignement libre, en
entourant de personnes qualifiées de laïques
telle religieuse laissée au couvent. La pré-
sence d'une seule nonne suffira pour cons-
tituer la congrégation. et la contravention.
Nous publions d'autre part — à notre deuxiè-
me page — une liste complète des diverses
communautés qui sont dès à présent l'objet de
poursuites. -
Nous entrons donc, décidément, dans l'ac-
tion, et d'une façon effective.
Nous ne pouvons quo féliciter le gouverne-
ment de l'énergie que dénotent ces mesures
excellentes. Dans la tâcha qu'il assume, le mi-
nistère est assuré d'avoir avec lui la totalité
des forces républicaines.
———————————— 0& ————————————
LE DOIGT DE DIEU
M. Aynard représente à la Chambre ce
qu'on appelle le parti libéral. Il est, assurément,
un des chefs les plus en vuo dos progressistes.
Dans ce milieu, il jouit d'une réputation mé-
ritée d'homme politique autorisé, considérable,
dont tous les avis sont autant d'articles de foi.
Son talent est réel, d'ailleurs. Ajoutons tout de
suite pour achever ce portrait que dans l'inli-
mité des couloirs, M Aynard est un excellent
homme, un bon vivant, un causeur agréable
avec qui les rapports sont faciles, mais qu'une
fois monté à la tribune, il devient agressif
et acerbe,pour être plus vivement applaudi par
ses amis.
Eh bien f cet économiste, cet homme autorisé,
ce chef du centre, a rendu hier le plus mauvais
service qui soit à son propre parti. Eu réalité,
la Chambre a assisté à l'effondrement du vieux
parti libéral. Si M. Aynard a vraiment parlé
en son nom, s'il a réellement développé ladoc-
trine de son parti au poiFlt de vue des rapports
de l'Etat avec le clergé et les congrégations, le
vieux parti libéral n'existe plus. Il s'est con-
fondu avec le parti clérical Môme, il s'est trans
formé en un parti ultramontain.
En effet, M. Aynard est allé bien plus loin
que l'abbé Lemire, que l'abbé Gayraud, dont
le cléricalisme outrancier n'est plus à démon-
trer, que M. Lerolle lui-même, qui parle tou-
jours comme un moine ligueur dans les réu-
nions publiques, mais qui, à la Chambre, con-
serve un ton acceptable. Du coup, M. Aynard
s'est mis aux côtés de ce père Coubé, dont les
harangues aux pèlerins do Lourdes sont les
plus violents défis jetés à la société laïque, de
ce père Ollivier, que M. Barthou flétrissait
avant-hier, do ce père Didon,qui faisait appel
à l'épée du général Jamont pour mettre les ré-
publicains à la raison.
Pour M. Aynard, l'intérêt de la République
est d'autoriser toutes les congrégations, co que
n'ont jamais voulu faire les rois de l'ancien
régime et du 19' siècle. La République do M.
Aynard ressemble donc terriblement à la Ré-
publique du Paraguay.
Et puis, la foi religieuse et la religion ca-
tholique doivent être l'idéal de la nation fran-
çaise. Il faut une religion pour le peuple. Sin-
gulière maximo dans la bouche d'un libéral
qui, ad nom de la liberté, veut asservir le
peuple aux prêtres et aux moines.
Enfin, le doigt de Dieu. Ou:, si la France a
subi les désastres de 1870-1871, c'est à cause
de son impiélé. Il faut voir, dans cette humi-
liante défaite, le doigt de Dieu.
M. Aynard a osé tenir ce langage, quo ni
Montalembert ni de Falloux n'auraient eu
l'idée d'apporter au Parlement. Et il l'a tenu
aux applaudissements de tout son parti et de
ceux de la droite. Donc, il parlait bien au nom
du vieux parti libéral.
Le parti libéral devenu la parti ultramon-
tain. Tout arrive. Aussi bien M. Aynard doit
comprendre que, des aujourd'hui, ce n'est pas
un fossé mais un abîme qui sépare les libéraux
des républicains.
QUI VEUT DES ANCÊTRES?
(De notre correspondant VarCiculierl
Berne, 13 mars.
Dernièrement, la police a démasqué un che-
valier d'industrie qui se faisait passer pour le
comte Salviac, et qui n'était autre qu'un gar-
çon boulanger nommé Steffon. Les autorités
procèdent actuellement à la vente dos biens
mobiliers du pseudo comte. Dans la collection
figurent 18 portraits, formant la galerie des an-
cêtres. Ce lot est mis on vente par une an-
nonce ainsi conçue : « Les personnes récem-
ment anoblies qui désirent se procurer uno ga-
lerie d'ancêtres toute faite et d'occasion peu-
vent s'adresser, etc.? (Suit l'indication de l'a-
dresse.)
♦
LA FILLE DE PIERRE LAWROFF
(De notre correspondant particulieil
Èydtkuhnen (frontière russe), 13 mars.
On n'apprend que maintenant, ot par une
voie indirecte, que Mme Maria-Petrowna Ne-
Brwkoui, Il gjje 40 pierre LOWQII. a été airô-.
téo à Saint-Pétersbourg et écrouée dans une
casemate de la forteresse de Pierre-çt-Paul. Sa
iille a été écrouée avec elle. Rien n'a encore
transpiré sur la cause de cotte arrestation.
— ♦
NAÏVETÉ SUD-AMÉRICAINE
Il paraît que la République Argentine —
c'est le Times qui l'affirme — a eu la naïveté
de demander aux Etats-Unis de déclarer que la
dette publique d'une nation américaine ne peut
donner lieu à une intervention européenne
armée.
Le gouvernement do Washington a eu la sa-
gesse de se refuser à uue telle déclaration qui
ne tendrait à rien moins qu'à proclamer pour
les républiques américaines le droit de faire
banqueroute.
La proposition était d'ailleurs aussi absurdo
que téméraire : qu'une semblable déclaration
soit faite par les Etats-Unis, et ce sera exacte-
ment comme si les Etats-Unis donnaient au
monde le conseil de ne point prêter d'argent
aux Américains. Ce conseil qu'on n'en doute
pas, seroit aussitôt suivi par l'univers.
Les républiques américaines seraient les pre-
mières à se mordre les doigts d'avoir obéi à
une aussi fâcheuse inspiration. Elles ne trou-
veraient plus de crédit d'aucune sorte, en
dehors de l'Amérique même, iraient donc de-
mander aux Etats-Unis l'argent dont elles au-
raient besoin, et n'auraient, bien entendu, au-
cune illusion à se faire en cas do non paie-
ment, puisque la doctrine de Monroë, si elle
tend à interdire à l'Europe les interventions
armées, ne s'occupe nullement des interven-
tions armées entre Américains.
POUR NOS TROUPIERS
L'épidémie de fièvre typhoïde, qui sévit sur
la garnison de Rouen et qui a fait tant de vic-
times, vient d'éveiller l'attention sur la
santé de nos troupes si souvent décimées
par des maladies qu'il serait possible d'é-
viter.
La fréquence de ces épidémies, le grand
nombre de décès par tuberculose constatés dans
l'armée, ne sont-ils paq dus à une négligence
coupable du haut commandement qui semble se
désintéresser un peu trop des soins dont de-
vraient être entourés nos soldats 1
Il est certes facile de concevoir que les ma-
ladies épidémiques se propagent avec une très
grande rapidité dans les grandes aggloméra-
tions d'hommes. Mais, d'autre part, la disci-
pline militaire n'est-elle pas un facteur puis-
sant pour empêcher la propagation de ces ma-
ladies? Sait-on, dans l'armée, se servir de ce
facteur? Fait-on, dans l'armée, tout ce qui
pourrait et qui devrait être fait pour éviter
ces maladies ?
La cause du grand nombre de décès par tu-
barculose de nos troupiers vient non seulement
du fait que cette affection est très répandue
dans notre pays, mais encore et surtout, parce
que — la chosa est connue do tout le monde
— les conscrits ne peuvent être sérieusement
examinés pendant les séances des conseils de
revision.
Je pose la question aux médecins : Est-il
possible d'ausculter comme il conviendrait 100
à 150 hommes dans un laps de temps de une
heure et demie à deux heures? C'est cependant
ce que l'on fait couramment aux conseils de
revision.
Il reste, il est vrai, la visite des hommes à
leur arrivée au régiment. Là encore — il serait
très facile de citer des exemples — l'examen
de nos soldats est souvent fait si rapidement
qu'il n'est pas possible d'évincer ou de mettre
en observation tous les malades, et encore
moins ceux qui sont seulement suspects.
Et voilà comment, alors qu'il ne devrait pas
y en avoir un seul, les tuberculeux sont si
nombreux dans notre armée.
En co qui concerne la fièvre typhoïde, cha-
cun sait quo l'assainissement, la désinfection
des locaux est un des moyens prophylactiques
les plus employés pour lutter contre cette affec-
tion.
La désinfection des locaux ne doit évidem-
ment pas empêcher de fournir à nos troupes
de bons aliments et de l'eau potable de bonne
qualité. Elle no s'oppose pas non plus à ce
qu'elles ne soient pas inutilement surmenées,
comme se plaisent à le faire certains chefs de
corps.
Une désinfection sérieuse des casernements
devrait être faite chaque année pondant les
grandes manœuvres, c'est-à-dire en l'absence
do la plupart des troupes de garnison. Celte
opération produirait des résultats positifs et
éviterait certainement la ou les récidives d'é
pidémies typhoïdiques.
Elle n'a jamais été pratiquée en France, si
ce n'est dans quelques cas tout à fait spé-
ciaux.
En résumé, si l'on veut voir diminuer les cas
do tuberculose dans l'armée, il n'y a qu'à exa-
miner avec plus d'attention les conscrits qui se
présentent aux conseils de revision et aux ma-
jors des régiments à leur arrivée au corps. Si
l'on veut éviter les épidémies de fièvre typhoï-
de dans nos troupes, il faut désinfecter les ca-
sernements une fois par an — même lorsqu'il
n'y a aucune maladie — et — la chose est bien
entendue - fournir do bons aliments et de la
bonne eau potable à nos soldats et De pas les
surmener inutilement.
Voir à la 33 page
les Dernières Dépêches
de la nuit et
la Revue des Journaux
--- - clu matin
MUTINERIE DANS UNE ECOLE
MILITAIRE ALLEMANDE
(De notre correspondant particulier)
Munich, 13 mars.
Des troubles très graves ont eu lieu à l'écold
militaire dos cadets (Kadctten-Schule) de Mu-
nich. A la suite de ces faits, le commandant a
demandé l'expulsion de quatre élèves, mais le
ministre de la guerre bavarois n'a pas cru de-
voir acquiescer à cette demande, les jeunes
gens qui avaient été frappés appartenant à des
familles très influentes. Le ministro a cepen-
dant insisté auprès du prince-régent pour que
toute l'école soit placée sous un régime plus
sévère. Le princo-régont a accepté la proposi-
tion du ministre. La promotion dans laquolle
les scènes de mutinerie ont eu lieu a été l'objet
d'une mesure spéciale. Dans le monde militaire
on est vivement préoccupé de ce symptôme
d'indiscipline.
Le dirigeable du War Office
(De notre correspondant particulierl
Londres, 13 mars.
Le War Office fait construire, par la Dr Bar-
ton, de Beckenham, une aéronef dirigeable
d'un nouveau système. Les travaux sont déjà
très avancés, à tel point que l'on espère effec-
tuer la première ascension d'essai au mois
d'août. Les oxpériencos se feront devant une
commission spéciale. Toutes les précautions
ont été ptiMS-pouc gardée le el'e' 4e 401te
IBYGQUOO*
LA JOURNEE
PARLEMENTAIRE
A LA CHAMBRE
LES DEMANDES DES CONGREGATIONS
Encore une séance qui n'améliore pas les
affaires des congrégations. M. Aynard n'a pas
trouvé, pour les défendre, l'éloquence à laquelle
nous avons souvent rendu hommage. L'orateur
modéré a prétendu que ses amis el lui n'avaient
pas changé d'opinion depuis 1879.
— Nous voulions, a-t-il dit, la laïcité de l'é-
cole, mais une laïcité tolérante, analogue à celle
qui est pratiquée en Belgique, où le prêtro a
l'accès de l'école.
L'aveu est bon à retenir. Les modérés veu-
lent bien de l'école laïque, à condition que
l'instituteur soit sous la surveillance et sous la
domination du curé.
De tels arguments servaient mal la cause que
M. Aynard voulait défendre, et quand celui-ci
a quitté la tribune le centre n'est pas parvenu
à organiser la petite ovation à laquelle le dé-
puté de Lyon est habitué.
M. Grousseau, profebsur de droit dans une
université catholique, a tenu le langage qui
convenait à son état. Il a exposé, non sans lon-
gueurs, l'interprétation cléricale de la loi du
1" juillet 1901.
Rien non plus dans ce discours n'était de
nature à troubler la majorité républicaine, qui
a son siège fait.
M. Brisson a pris la parole une minute pour
démontrer qu'il n'avait point parlé à la légère
du commerce des bénédictins de Soulac. Il a
été vivement applaudi — et à juste titre — par
les gauches.
Racontons la séance :
Dès le début, M. Rabier monte à la Iribunft
pour s'expliquer sur l'incident des bénédiclioQ
de Soulac.
M. Itahier. — Je viens rectifier une erreur
que, de très bonne foi, j'ai'commise hier au sujet
des bénédictins de Soulac. Le jugement, dont j'ai
parlé, ne concerne pas la propriété du dentifrice,
mais la propriété immobilière. Co jugement,que je
considère comme très important, constate quo les
bénédictins ont toujours continué à habiter l'ab-
baye de Soulac jusqu'à une date très voisine du
jugement.
Les scellés ont été apposés sur l'immeuble, au
commencement de ce mois. Quant au dentifrice,
Mme Séguin aura à justifier qu'elle en est proprié-
taire.
M. du Périer de Larsan, — Un mot de
réponse. En 1880, l'ordre des Bénédictins de Soulac
a été dispersé ; c'est le gouvernement qui en a
conservé le prieur, pour en faire le curé même do
Soulac. A moins qu'un seul moine, surtout trans-
formé en curé, ne fasse une congrégation de régu-
liers.
J'avait donc le droit de dire, hier, que les béné-
dictins de Soulac n'existaient plus et j'avais le droit
de dire dans ma lettre à M. Brisson qu'ils n'avaient
aucun rapport avec l'affiche lumineuse, qui éblouit
los passants, y compris M. Brisson, sur la place
de l'Opéra. (Rires et applaudissements au centre.)
Mais M. Brisson proteste avec raison contre
cette interprétation.
M. Brisson. — J'ai trouvé, mardi, dans mon
courrier, une lettre de M. du Périer de Lai-saii, que
j'avais lue quelques heures auparavant dans les
journaux. Ce sont mœurs parlementaires nou-
velles.
Au reçu de cette lettre j'ai vûritM. Le jugeaient
du tribunal de Lesparre du 8 juillet 1902 constate
quo les bénédictins ont continué, en fait, à habiter
l'immeuble de Soulac, acheté par personne inter-
posée. C'est un des procédés chcrs aux congréga-
tions.
J'arrive à leur commerce du dentifrice.
Le dentifrice est si bien la propriété des béné-
dictins de Soulac, que, pas plus tard que ce matin.
j'en ai pris un prospectus. Ce prospectus commence
par ces mots : « Plus de maux de dents, grâce à
l'élixir dentifrice des bénédictins de Soulac. 9 (Hi-
larité.) Et le prospectus est signé, comme il con-
vient, du nom de dom Maglone. Dom Maglono est
mort.
M. Jacquey. — Et il a signé tout de même!
C'est prodigieux. (Rires.)
M. Brisson. — Mais on prie de s'adresser,
pour la vente, à Mme veuve Séguin.
Ce sera aux tribunaux de dire si, comme ils l'ont
déclaré pour l'immeuble, les bénédictins n'ont pas
pris, pour leur dentifrice, une personne interposée.
(Vifs applaudissements à gauche.)
Discours de M. Aynard
On passe alors à la discussion des projets de
loi.
M. Aynard. — Ma réponse à M. Lerolle sera
très courte. Elle s'adressera au représentant du
parti de la droite.
On pourrait se demander si la politique des jaco-
bins d'église n'a pas quelque peu provoqué ce que
veulent faire aujourd'hui les jacobins d'Etat. Je no
défends pas, comme M. Lerolle, une liberté parti-
culière. Je suis le défenseur d'une liberté générale
dans laquelle est incluse la liberté des catholiques.
(Applaudissements au centre.)
Ma réponse à M. Barthou sera un peu plus lon-
gue. Je ne rechercherai pas la cause de son inter-
vention.
Vif dialogue
Une incideut de M. Aynard provoque une
vive intervention de M. de Pressensé.
M. Aynard — M. do Pressensé, dans un ad-
mirable article, disait, en 1897, que la République
ne serait définitivement la République que quand
elle serait gouvernée par les ralliés. (Rires et 8p
plaudissements au centre et à droite.)
M. de Pressensé. — On me dit qu'autre-
fois modéré je suis devenu brusquement socialiste
Je vais vous en donner, monsieur, les raisons.
Oui, j'ai pu écrire, j'ai écrit le livre souvent cité
sur le cardinal Manning. Et un jour est venu où
une affaire angoissante m'a jeté en une criso intel-
lectuelle affreuse. J'ai cherché à établir la justice
et j'ai vu qu'elle n'était plus dans les alliés dou-
teux du parti auquel j'avais appartenu: j'ai vu
qu'elle étoit ailleurs et c'est vers le parti qui en
avait ramassé le drapeau que je suis allé.
Ah ! ce n'a pas été sans de profonds déchirements
que je l'ai fait, do cc jour, j'ai été calomnié, vili-
pendé, peu m'importe. Je me suis jeté dans la
mêlée sans arrière pensée, mais non pas sans dan-
gers, et les injures qui m'ont été prodiguées par tes
défenseurs de l'Eglise n'ont fait que m'écarter à
jamais du parti auquel j'avais appartenu. (Vifs ap-
plaudissements à gaucho, bruits prolongés à
droite )
M. Aynard. — Permettez, je vous prie, à
ceux qui ont eu comme vous l'âmo bouleversée
des mêmes scrupules de no pas s'enorgueillir
d'avoir changé de parti. Ma conscience a pu
être troublée comme la vôtre ; cola ne m'a pas fait
changer de parti, monsieur. (Applaudissements au
centre.)
M. de Pressensé, — Il se peut que vous
ayez eu l'âme bouleversée; la trace ne s'en est pas
fait apercevoir en dehors. Quant à moi, je n'ai pas
obéi aux intérêts qui ont pu vous retenir dans votre
parti.(Exclamations au centre t
M Aynard. — Les intérêts des vaincus, voilà
ceux qui m'y retiennent. (Applaudissements pro-
longés au centre.)
M. de Pressensé. — Quand, non pas au
terme de ma vie, comme le disait tout à l'heure
un homme que je respecte, comme infiniment plus
âg6 que moi (sourires), mais en pleine maturitî
do mon intelligence, j'ai dénoué les liens qui m'é-
taient chers, quand je n'ai pas laissé ma conscience
lacérée silencieusement, quand je me suis jeté en
pleine bataille, je l'ai fait pour aller à la justice
sans m'arrêter aux préjugés héréditaires ou aux
liens de classe.
Je reste irrévocablement parmi ceux-ci. Je suis
venu dans le prolétariat. (Applaudissements à l'ei-
trôme gauche.)
M. Aynard. — Je n'ai rien à ajouter. M. de
Pressensé, obéissant à sa conscience, a cru df-
voir changer de parti. Il faut que ceux qui n'ont
jamais changé de parti puissent être aussi respec-
tés dans cette Cbambro. (Applaudissements au cen.
tre.)
M. Aynard poursuit son discours, non sans
prêter au reproche do trop vive sympathie OQur
les cléricau*.
PAP-IS & départements
Le ÏSi T.irwLéx*G, CINO CENTIMES
lm
UMER~M~ 'n" Imm:& 1 1 imur-
.l à j~ il,, , ~jL
AXXOXCEâ
AUX BUREAUX DU JCJRNAL
U. r; ! p ! ; î Paris.
It chez MM. LAGRANGE, CERF & Cu
6, place de la Bourse, 6.
presse Ti Lé graphique : XIXe SJÈCLE — PARIS
a
ABONNEMENTS
Paris Trois mois 6f. Six mois 11 f. Un an 20U
Départements — 7f. — 12 f. — 24 &
Union Postale — 9f. —- 16 f. — 32 XV
Les Abonnements sont reçus sans fr&ift
dans tous les Bureaux de Postft
ÏU-ÏÏACTION 1 fi, rue <ïu Shiil
De i à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à i - heure du malin
INT ° 12056 — 13-man.cli® 15 Mars 1903
25 VENTOSE AN 111
).'II.fSTIL\THPJ ; 14, rue du Mail
Adresser lettres et mandais à l'administrateur
NOS LEADERS
À irii oans l'armée
Quelle émotion aurait soulevé dans le
pays le débat qui vient de se terminer
devant le Sénat, si l'attention publique
n'avait été captivée par la bataille que
livre, à la Chambre, la République à la
congrégation !
Nous avons dit hier quel admirable
discours Clemenceau avait prononcé.Le
grand orateur radical n'a pas été moins
merveilleux dans la séance qui vient de
se terminer, s'efforçant, dans sa lutte
courtoise et passionnée contre le mi-
nistre de la guerre, de faire com-
prendre à la haute assemblée toute la
vérité sur les faits qu'il dénonçait, sans
vouloir dévoiler complètement cette vé-
rité, sans vouloir qu'elle apparût trop
nue et trop brutale.
Il faut louer Clemenceau pour ce
qu'il a dit et pour ce qu'il a tu. Nous es-
saierons d'imiter sa sagesse et nous
éviterons de parler longtemps de cette
affaire Hartmann. C'est une tragédie
concrète et violente qui tiendrait trop
bien la foule si une fois l'attention po-
pulaire s'y attachait.
Le jeune Hartmann, fils d'un liente-
nant-colonel, - a été contraint, malade
de la fièvre typhoïde, depuis cinq jours.
à faire une marche de 25 kilomètres. Il
en est mort.
Le général André a dit que les offi-
ciers auxquels était soumis le soldat
n'étaient pas coupables.
- Moi-même, a dit le ministre de la
guerre, je serais, à raisonner comme
vous le faites, le meurtrier d'un de mes
neveux. Celui-ci appartenait à un régi-
ment que je commandais. Malade, il fit
une marche de 30 kilomètres, et mou-
rut par suite de ce surmenage. C'était
un garçon héroïque : il n'avait pas
voulu s'avouer indisposé.
Clemenceau a fait justice de cet argu-
ment : d'abord, des lettres du malheu-
reux Hartmann prouvent que ce jeune
soldat avait fait connaître à ses chefs
qu'il était malade.
Clemenceau a ajouté :
— J'ai cité des faits. Je suis prêt à les
prouver et à paraître devant une com-
mission d'enquête chargée de les exa-
miner.
Faites attention maintenant à ce bout
de dialogue :
M. le ministre de la guerre. — Le
lieutenant d'Hartmann ne s'est pas aperçu qu'il
fût malade, pas plus que je ne me suis aperçu
de la maladie de mon neveu.
M. Clemenceau. - Mais le lioulenant
était derrière Hartmann, le touchait: il l'a vu
abandonner son sac et son fusil, et il no lui a
pas adressé la parole. Vous, au contraire,
comme colonel,vous marchiez eu tête de la co-
lonne.
Encore une fois, nous aurons le cou-
rage de ne pas insister sur les détails
de cette affaire.
Le conflit des idées générales est as-
sez intéressant pour que nous ne cher-
chions pas une autre source d'émo-
tion.
Clemenceau avait fait observer au
général André que les circulaires- mi-
nistérielles n'étaient point observées.
Le général André, pour couvrir ses su-
bordonnés, a été forcé d'émettre une
théorie destructive de toute discipline :
— Par la force des choses, nous som-
mes obligés de nous en remettre, dès
qu'il s'agit de l'exécution, à l'initiative
des chefs directs.
Du tac au tac, Clemenceau a riposté :
- L'initiative ? Jusqu'au coup d'Etat
inclusivement.
M. de Cuverville a répondu à la place
du ministre. Et il a échangé avec le
leader des radicaux-socialistes du Sénat
les observations suivantes :
M. de Cuverville. — L'armée ne songe
qu'à faire son devoir et à servir la nation.
M. Clemenceau. — C'est entendu, mais
vous faites une restriction mentale. Vous vou-
lez qu'au besoin, l'armée puisse faire un coup
d'Etat.
M. de Cuverville. — Jamais!
M. Clemenceau. — Nous nous souve-
nons du 2 Décembre.
N'oublions pas que M. de Cuverville
avait déclaré, au cours de la précédente
séance, que la France devait sa gran-
deur à la monarchie et à la religion ca-
tholique!
Voilà la situation : des chefs, sou-
vent dévoués au Pape et au Roy, et dont
« l'initiative » n'est même pas réglée
parles ordres du ministre!
Mais ces réflexions n'ont trait qu'in-
directement au problème qui nous oc-
cupe aujourd'hui. Ne sortons pas de la
question de l'hygiène dans l'armée.
Il est ressorti de la discussion que la
morbidité dans les régiments pouvait
être diminuée seulement par la diminu-
tion du nombre des malingres appelés
sous les drapeaux. On est tombé d'ac-
cord que les conseils de revision accep-
taient trop de candidats à la phtisie et
aux autres maladies.
Pourquoi cette indulgence en faveur
de la tuberculose? La raison, c'est qu'on
demande à la nation de fournir plus de
soldats qu'elle ne produit de garçons
solides, dénués de tares physiques.
MM. Treille et Clemenceau avaient
déposé un ordre du jour qui présentait
la question sous son véritable jour. Ils
demandaient au Sénat de proclamer
que, « dans l'intérêt de la patrie et de
la force réelle de l'armée, le chiffre du
contingent annuel devait être propor-
tionné à la population J.
Est-ce une idée révolutionnaire? Non,
puisque, l'autre jour, M. Ribot la défen-
dait à la Chambre.
Eh bien, le général André a réclamé
le vote d'un ordre du jour, accepté par
les ennemis de la République, et qui ne
comprenait pas la disposition dont nous
venons de signaler l'importance. MM.
Treille et Clemenceau ont eu des paro-
les sévères pour apprécier cette attitude
du ministre de la guerre.
Il est de fait que le général André a
été quelquefois mieux inspiré. Car il
faut, ou se résigner à garder le mal qui
décime l'armée, ou détruire la cause de
ce mal. Et puisque cette cause est con-
nue, quel sophisme permettrait de ne
pas la supprimer ?
Hugues Destrem.
PERSONNES INTERPOSEES
On connaît le procédé fami-
lier à la Congrégation pour
dissimuler ses richesses. Elle-
même parait ne rien posséder.
C'est un ami sûr, ou une société
civile composée de cléricaux
militants, ou encore un seul
membre de la confrérie, qui est propriétaire
des immeubles, des établissements indus-
triels des maisons de commerce ou des
produits qui appartiennent réellement à la
congrégation. Le code appelle ce moyen de
dissimulation : la personne ou les person-
nes interposées.
Depuis que la loi sur les associations a
été annoncée, discutée et votée, la plupart
des congrégations ont pris leurs précau-
tions pour éviter la liquidation de leurs
biens. Et, naturellement, c'est au système
de l'interposition de personnes qu'elles ont
eu recours.
Tels, par exemple, les Bénédictins olivé-
tains de l'abbaye de Soulac, bien connus
par leur dentifrice. Le président Brisson
écrivait récemment que « chaque fois qu'il
traversait la place de l'Opéra , ses yeux
étaient éblouis par les lettres lumineuses
qui font de la réclame au dentifrice des
bénédictins de l'abbaye de Soulac ». Aussi-
tôt, la presse d'opposition a jugé que l'oc-
casion était bonne de plaisanter un des
chefs éminents du parti républicain. On lui
a parlé des bédédictins de Fécamp, des
jacobins de Paris, voire de l'abbaye de
Théléme et de l'abbaye de Monte-à-Regret.
L'opposition s'est trompée lourdement.
D'ailleurs, ence qui touche la congrégation,
Brisson est un des hommes les plus docu-
mentés de ce temps. A propos de l'abbaye
des bénédictins olivétains de Soulac, il a
pu démontrer à la Chambre, pièces en
mains, que c'est lui qui a raison.
Les immeubles de ces révérends ont été
achetés par une dame Heine, achat fictif
bien entendu. Et cela est tellement vrai
que, non seulement les bénédictins, quoi-
que prétendant avoir renoncé à leur droit
de propriété, ont continué de les habiter,
mais encore que la dame Heine, assignée
devant le tribunal de Lesparre, n'a pu
prouver qu'elle était devenue propriétaire,
si bien qu'en juillet dernier, le tribunal a
rendu un jugement aux termes duquel
Mme Heine est qualifiée de personne in-
terposée et le liquidateur a le droit de pren-
dre possession des biens.
Mieux encore. A propos du dentifrice,
un prospectus lu par le président Brisson
et qui lui a été remis avant-hier sur les bou-
levards, porte toujours la signature du
prieur Maglone, aujourd'hui mort, de la
congrégation des bénédictins. Et le liqui-
dateur a résolu d'assigner Mme veuve Se-
guin, prétendue propriétaire du denti-
frice, qui, d'après lui, est encore une per-
sonne interposée.
La démonstration deBrisson est des plus
convaincantes, mais elle indique assez les
difficultés nombreuses auxquelles se heur-
teront les liquidateurs des congrégations.
Aussi bien, nous faudra-t-il arriver un
jour à déclarer, comme les commenta-
teurs du Code civil, que les biens des con-
grégations, étant des biens sans maîtres
et des biens vacants, devront faire retour
à « l'Etat », ce qui nous évitera une foule
de procès. — Ch. B.
"PARFAIT MISÉRABLE"
Ils se sont mis à deux - M. Firmin Faure
et M. Ad. Papillaud — hier, dans la Libre Pa-
role, pour a éreinter» M. Barthou.
Franchement, le superbe discours qu'avait
prononcé la veille M. Barthou valait bien ça.
Même, la modération relative de M. Firmin
Faure a de quoi surprendre, C'est à peine si
M. Firmin Faure qualifie M. Barthou de « che-
vau-léger de l'arrivisme » ; s'il l'accuse d'avoir
commis « une nouvelle trahison » dans l'es-
pérance, d'ailleurs « vaine », assure-t-il, d'ob-
tenir sa « réhabilitation »; c'est bien pâle, tout
cela, c'est bien mou,mais on fait ce qu'on peut.
M. Firmin Faure, on se le rappelle peut-être,fit
partie. jadis, de cette députation antisémite que
l'Algérie a si bellement vomie; il est encore
tout meurtri de l'aventure; passons.
M. Papillaud se montre, à son ordinaire,
infiniment plus vigoureux. Sans barguigner, M.
Papillaud déclare que pour tout autre homme
politique le discours de M. Barthou — ce dis-
cours dont le rédacteur en chef du Rappel a pu
dire justement qu'il est un acte de courage —
eût été a déshonorant ».
Mais, ajoute M. Papillaud : a à ce point de
vue là, M. Barthou ne risquait rien. L'ancien
ministre de l'intérieur du cabinet Méline est
tombé dans un tel discrédit qu'il ne risque plus
de se déshonorer. Il y a longtemps que c'est
fait. » Et voilà. Que voulez-vous? C'est l'opi-
nion de M. Papillaud.
Et il parait que ce n'est pas seulement l'opi-
nion de M. Papillaud. En effet, M. Papillaud
reproduit le mot d'un « radical » qui avait
« bruyamment applaudi » le discours de M.
Barthou. — « C'est un parfait misérable ! di-
sait ce radical en sortant de la séance. »
Mais la perfection, même en cet ordre d'i-
dées, est-elle de ce monde? Le Colline de la
Vie- de Uohème faisait, paraît-il, d'un « Par-
fait bouvier » en chinois sa lecture favorite.
Existe-t-il, on français, un manuel du « par-
fait misérable »?
N'importe! M. Barthou doit être satisfait.
Les applaudissements de la majorité républi-
caine, c'était bien; la fureur de La presse cléri-
cale, c'est mieux. Décidément, le discours a
porté. Mon cher ami, permettez-moi de vous
féliciter do tout cœur. « Parfait misérable ! »
à la bonne heure ! L'adversaire a crié ; ÏOU-
chét - L. V. M.
EN CORSE
LES SERVICES MARITIMES POSTAUX
Un pays délaissé. — Les doléances des
Corses. — Le service des postes. —
Deux adjudications. — La Compa-
gnie Nantaise de navigation de la
Basse-Loire. — Sérieux avanta-
ges. — Question de vitesse. —
Le développement économi-
que de la Corse.
Bien que située à une très courte distance de
la côte française, la Corse est un pays à peu
près délaissé, du moins co sont les habitants
qui l'affirment. Et les habilanls ont raison, ou
du moins, ils avaient raisjn hier encore.
A maintes reprises, les représentants de ce
département ont fait entendre les doléances des
Corses, mais jusqu'ici leurs plaintes n'avaient
pas été écoutées. Aujourd'hui les réformes tant
de fois réclamées ont reçu un commencement
d'exécution et l'on peut dire sans exagération
que la journée d'hier a été excellente pour la
Corse.
De quoi se plaignaient les habitants de cette
île ?
Tout simplement d'être délaissés par la Mé-
tropole. Ce verdoyant pays, ce « paradis »
comme l'appelle si justement M. Emmanuel
Arène, se trouvait, faute de moyens rapides de
communications, aussi isolé du Continent
qu'une colonie lointaine. Le pays est riche,
fertile, et la production très abondante deve-
nait, par le fait de cet isolement, une cause
d'appauvrissement, au lieu d'être une source
de richesses.
Les services maritimes postaux
Il importail donc d'améliorer ces communi-
cations et tout d'abord de réorganiser les ser-
vices maritimes postaux de l'île, qui jusqu'ici
étaient faits d'une façon plus que défec-
tueuse.
Dans ce but, M. Bérard, sous-secrétaire
d'Etat, fit procéder, le 7 mars dernier, à
une adjudication de cet important service.
Quatre concurrents avaient fait des offres :
MM. Fraissinet et Cie, armateurs à Marseille,
proposaient une vitesse de 14 nœuds pour les
trois services réglementaires, et do 10 nœuds
pour les autres services ;
La compagnie nantaise de navigation de la
Basse-Loire 14 nœuds pour les trois services
obligatoires, 12 nœuds et 9 nœuds pour les
autres.
M. Crucien Luigi. banquier à Paris, 14
nœuds 5, pour les trois services et 12 nœuds
pour les autres.
M. Rueff, directeur des Messageries fluviales
de l'Indo-Chine, proposait 14 nœuds 112 pour
tous les services provisoires et 12 nœuds 112
pour les services moins importants.
M. Rueff ayant fait les propositions les plus
avantageuses fut déclaré adjudicataire pro-
visoire.
La seconde adjudication
Mais les concurrents avaient j usqu'au 13 mars
pour surenchérir et la seconde adjudication
prévue par la loi a eu lieu hier, à 11 heures
du matin, dans une salle spéciale du sous-se-
crétariat des postes, 103, rue de Grenelle.
M. Bérard était assisté des différents chefs
de service de l'administration. Une soixan-
taine de personnes comprenant les principales
notabilités du monde maritime et commercial,
ainsi que los représentants de la Corse, assis-
taient en outre à l'adj udication.
Les offres définitives les plus avantageuses
ont été faites par la Compagnie française de
navigation et de constructions navales et an-
ciens établissements Satre réunis plus connue
sous le nom de Compagnie Nantaise de naviga-
tion de la Basse-Loire, qui s'engage à fournir
une vitesse moyenne de 16 nœuds pour les ser-
vices partant de Nice pour Ajaccio, Bastia et
Calvi ou l'île Rousse ; une vitesse de 15 nœuds
et demi pour l'un des services de Marseille à
Ajaccio, ot de Marsoille à Bastia ; ce dernier
prolongé jusqu'à Livourne ; une vitesse de 14
nœuds et demi fait les deuxièmes services de
Marseille à Ajaccio et de Marseille à Bastia, et
deux prolongements de Bastia à Livourne; une
vitesse de 14 uœuds pour la ligne de Marseille-
Toulon-Calvi ou l'île Rousse, prolougée sur
Ajaccio, Propriano et Bonifacio , enfin, une vi-
tesse de 10 nœuds pour les lignes d'Ajaccio à
Propriano et d'Ajaccio à Porto-Torrès.
C'est par conséquent cette compagnie qui a
été déclarée adjudicataire.
M. Niclausse
Cet important service ne pouvait tomber en
de meilleures mains. Le directeur de la com-
pagnie adjudicataire est, en effet, une des figu-
res les plus connues et les plus sympathiques
du monde maritime.
On sait, en effet, que M. Niclausse est égale-
ment directeur de la Société des générateurs
inexplosibles et fournisseur des marines mili-
taires du monde entier. C'est, avec la maison
Delaunay-Belleville, le seul fabricant d9 chau-
dières tnbulaires en usage dans les marines
des différents pays.
Les conditions de l'adjudication
Nous venons d'enregistrer les vitesses pro-
posées par la Compagnie adjudicataire, ajou-
tons que les conditions de l'adjudication por-
taient uniquement sur la vitesse à réaliser. En
comparant le chiffre de seize nœuds à l'heure,
proposé par M. NiclausBe, avec celui do qua-
torze nœuds et demi fourni par M. Rueff, on
voit quo la différence est sensible, bien que les
vitess9s proposées par M. Rueff aient déjà été
appréciables et constituent un réel progrès sur
les vitesses antérieures.
Autrefois et aujourd'hui
La vitesse maxima des bateaux précédem-
ment chargés du service étaient de dix nœuds
à l'heure.
Prenons par exemple la ligne de Marseille à
Ajaccio, la distance entre ces deux ports étant
de 180 milles, il fallait, pour un navire navi-
guant à raison de 10 nœuds à l'heure, 18 heures
pour effectuer ce trajet, qui sera dorénavant
accompli en douze henres, soit un avance de
six heures sur l'ancien service.
De Nice à Ajaccio, distants de 128 milles,
l'avance sera d'environ quatre heures, le nou-
veau service faisant en huit heures le parcours
effectué autrefois en plus de douze heures.
Quatorze heures suffiront pour parcourir les
210 milles qui séparent Marseille de Bastia,
alors qu'il fallait autrefois vingt-et-une heures.
Enfin, le trajet do Nice à Bastia sera fait en
moins de huit heures, alors que près de treize
heures étaient nécessaires, pour franchir les
125 milles qui séparent ces deux ports.
L'avenir de la Corse
Grâce à l'heureuse initiative de M. Bérard,
grâce surtout aux avantages incontestables
fournis parla Compagnie Nantaise de naviga-
tion, on voit quels progrès vont être réalisés,
dans le sens du développement économique de
le Corse.
La prospérité de l'lie ne semble dépendre que
du développement des moyens de communica-
tion; rien n'empêchera donc ce pays de pren-
dre désormais son essor, puisqu il possède au-
jourd'hui ces débouchés qui lui manquaient.
Cependant il reste encore beaucoup à faire
pour améliorer la condition économique de
l'île. Il ne suffit pas d'avoir réorganisé les ser-
vices maritimes postaux, il faut mettre à l'u-
mm l'OTg&isiÛp.n ti tdimBtifO (tes li-j
gnes de chemin de fer avec les nouveaux ser-
vices maritimes.
Los chemins do fer, en effet, fonctionnent
d'une façon lamentable, de plus, tous les ser-
vices cessent à 8 heures du soir.
Pourquoi ?
Il serait malaisé de répondre à cette ques-
tion.
Est-ce la crainte des brigands ? On a fait
cette réponse, mais elle n'est vraiment pas
sérieuse.
Ce qu'il faut donc maintenant c'est organi-
ser les services do chemin de fer, édifier des
hôtels confortables, mettre en harmonie les
moyens d'existence avec les exigences et le
confortable de la vie moderne,
Alors, les étrangers qui, jusqu'ici, ont dé-
daigné la Corse, seront séduits par la beauté
des sites, et feront sans doute de la Corse un
pays à la mode que l'on visitera au cours des
villégiatures annuelles de la Côte d'Azur.
Le premier pas dans cette voie de prospérité
vient d'être fait, c'est aux pouvoirs publics à
continuer l'œuvre si bien commencée. — H. C.
»
L'action contre les congrégations
Le dernier délai
Le président du conseil vient d'envoyer aux
préfets l'ordre de rechercher si les religieuses
dont les congrégations ont été dissoutes par
décret se livrent encore, dans leurs couvents
aux divers exercices auxquels elles s'adon-
naient avant la fermeture de leurs établisse-
ments.
Dans l'affirmative, un dernier délai de dix
jours sera indiqué aux délinquantes pour se
disperser. Passé ce délai, des poursuites seront
exercées contre elles, contre les propriétaires
des maisons qu'elles habitaient, et contre tou-
tes personnes qui les auront recueillies.
C'est en vain que les communautés tente-
raient de tourner la loi, en laissant derrière,quel-
ques religieuses, soit sous prétexte do garder
l'immeuble couventuel comme concierges ou
gardiennes de scellés, soit sous celui de créer
des établissements d'enseignement libre, en
entourant de personnes qualifiées de laïques
telle religieuse laissée au couvent. La pré-
sence d'une seule nonne suffira pour cons-
tituer la congrégation. et la contravention.
Nous publions d'autre part — à notre deuxiè-
me page — une liste complète des diverses
communautés qui sont dès à présent l'objet de
poursuites. -
Nous entrons donc, décidément, dans l'ac-
tion, et d'une façon effective.
Nous ne pouvons quo féliciter le gouverne-
ment de l'énergie que dénotent ces mesures
excellentes. Dans la tâcha qu'il assume, le mi-
nistère est assuré d'avoir avec lui la totalité
des forces républicaines.
———————————— 0& ————————————
LE DOIGT DE DIEU
M. Aynard représente à la Chambre ce
qu'on appelle le parti libéral. Il est, assurément,
un des chefs les plus en vuo dos progressistes.
Dans ce milieu, il jouit d'une réputation mé-
ritée d'homme politique autorisé, considérable,
dont tous les avis sont autant d'articles de foi.
Son talent est réel, d'ailleurs. Ajoutons tout de
suite pour achever ce portrait que dans l'inli-
mité des couloirs, M Aynard est un excellent
homme, un bon vivant, un causeur agréable
avec qui les rapports sont faciles, mais qu'une
fois monté à la tribune, il devient agressif
et acerbe,pour être plus vivement applaudi par
ses amis.
Eh bien f cet économiste, cet homme autorisé,
ce chef du centre, a rendu hier le plus mauvais
service qui soit à son propre parti. Eu réalité,
la Chambre a assisté à l'effondrement du vieux
parti libéral. Si M. Aynard a vraiment parlé
en son nom, s'il a réellement développé ladoc-
trine de son parti au poiFlt de vue des rapports
de l'Etat avec le clergé et les congrégations, le
vieux parti libéral n'existe plus. Il s'est con-
fondu avec le parti clérical Môme, il s'est trans
formé en un parti ultramontain.
En effet, M. Aynard est allé bien plus loin
que l'abbé Lemire, que l'abbé Gayraud, dont
le cléricalisme outrancier n'est plus à démon-
trer, que M. Lerolle lui-même, qui parle tou-
jours comme un moine ligueur dans les réu-
nions publiques, mais qui, à la Chambre, con-
serve un ton acceptable. Du coup, M. Aynard
s'est mis aux côtés de ce père Coubé, dont les
harangues aux pèlerins do Lourdes sont les
plus violents défis jetés à la société laïque, de
ce père Ollivier, que M. Barthou flétrissait
avant-hier, do ce père Didon,qui faisait appel
à l'épée du général Jamont pour mettre les ré-
publicains à la raison.
Pour M. Aynard, l'intérêt de la République
est d'autoriser toutes les congrégations, co que
n'ont jamais voulu faire les rois de l'ancien
régime et du 19' siècle. La République do M.
Aynard ressemble donc terriblement à la Ré-
publique du Paraguay.
Et puis, la foi religieuse et la religion ca-
tholique doivent être l'idéal de la nation fran-
çaise. Il faut une religion pour le peuple. Sin-
gulière maximo dans la bouche d'un libéral
qui, ad nom de la liberté, veut asservir le
peuple aux prêtres et aux moines.
Enfin, le doigt de Dieu. Ou:, si la France a
subi les désastres de 1870-1871, c'est à cause
de son impiélé. Il faut voir, dans cette humi-
liante défaite, le doigt de Dieu.
M. Aynard a osé tenir ce langage, quo ni
Montalembert ni de Falloux n'auraient eu
l'idée d'apporter au Parlement. Et il l'a tenu
aux applaudissements de tout son parti et de
ceux de la droite. Donc, il parlait bien au nom
du vieux parti libéral.
Le parti libéral devenu la parti ultramon-
tain. Tout arrive. Aussi bien M. Aynard doit
comprendre que, des aujourd'hui, ce n'est pas
un fossé mais un abîme qui sépare les libéraux
des républicains.
QUI VEUT DES ANCÊTRES?
(De notre correspondant VarCiculierl
Berne, 13 mars.
Dernièrement, la police a démasqué un che-
valier d'industrie qui se faisait passer pour le
comte Salviac, et qui n'était autre qu'un gar-
çon boulanger nommé Steffon. Les autorités
procèdent actuellement à la vente dos biens
mobiliers du pseudo comte. Dans la collection
figurent 18 portraits, formant la galerie des an-
cêtres. Ce lot est mis on vente par une an-
nonce ainsi conçue : « Les personnes récem-
ment anoblies qui désirent se procurer uno ga-
lerie d'ancêtres toute faite et d'occasion peu-
vent s'adresser, etc.? (Suit l'indication de l'a-
dresse.)
♦
LA FILLE DE PIERRE LAWROFF
(De notre correspondant particulieil
Èydtkuhnen (frontière russe), 13 mars.
On n'apprend que maintenant, ot par une
voie indirecte, que Mme Maria-Petrowna Ne-
Brwkoui, Il gjje 40 pierre LOWQII. a été airô-.
téo à Saint-Pétersbourg et écrouée dans une
casemate de la forteresse de Pierre-çt-Paul. Sa
iille a été écrouée avec elle. Rien n'a encore
transpiré sur la cause de cotte arrestation.
— ♦
NAÏVETÉ SUD-AMÉRICAINE
Il paraît que la République Argentine —
c'est le Times qui l'affirme — a eu la naïveté
de demander aux Etats-Unis de déclarer que la
dette publique d'une nation américaine ne peut
donner lieu à une intervention européenne
armée.
Le gouvernement do Washington a eu la sa-
gesse de se refuser à uue telle déclaration qui
ne tendrait à rien moins qu'à proclamer pour
les républiques américaines le droit de faire
banqueroute.
La proposition était d'ailleurs aussi absurdo
que téméraire : qu'une semblable déclaration
soit faite par les Etats-Unis, et ce sera exacte-
ment comme si les Etats-Unis donnaient au
monde le conseil de ne point prêter d'argent
aux Américains. Ce conseil qu'on n'en doute
pas, seroit aussitôt suivi par l'univers.
Les républiques américaines seraient les pre-
mières à se mordre les doigts d'avoir obéi à
une aussi fâcheuse inspiration. Elles ne trou-
veraient plus de crédit d'aucune sorte, en
dehors de l'Amérique même, iraient donc de-
mander aux Etats-Unis l'argent dont elles au-
raient besoin, et n'auraient, bien entendu, au-
cune illusion à se faire en cas do non paie-
ment, puisque la doctrine de Monroë, si elle
tend à interdire à l'Europe les interventions
armées, ne s'occupe nullement des interven-
tions armées entre Américains.
POUR NOS TROUPIERS
L'épidémie de fièvre typhoïde, qui sévit sur
la garnison de Rouen et qui a fait tant de vic-
times, vient d'éveiller l'attention sur la
santé de nos troupes si souvent décimées
par des maladies qu'il serait possible d'é-
viter.
La fréquence de ces épidémies, le grand
nombre de décès par tuberculose constatés dans
l'armée, ne sont-ils paq dus à une négligence
coupable du haut commandement qui semble se
désintéresser un peu trop des soins dont de-
vraient être entourés nos soldats 1
Il est certes facile de concevoir que les ma-
ladies épidémiques se propagent avec une très
grande rapidité dans les grandes aggloméra-
tions d'hommes. Mais, d'autre part, la disci-
pline militaire n'est-elle pas un facteur puis-
sant pour empêcher la propagation de ces ma-
ladies? Sait-on, dans l'armée, se servir de ce
facteur? Fait-on, dans l'armée, tout ce qui
pourrait et qui devrait être fait pour éviter
ces maladies ?
La cause du grand nombre de décès par tu-
barculose de nos troupiers vient non seulement
du fait que cette affection est très répandue
dans notre pays, mais encore et surtout, parce
que — la chosa est connue do tout le monde
— les conscrits ne peuvent être sérieusement
examinés pendant les séances des conseils de
revision.
Je pose la question aux médecins : Est-il
possible d'ausculter comme il conviendrait 100
à 150 hommes dans un laps de temps de une
heure et demie à deux heures? C'est cependant
ce que l'on fait couramment aux conseils de
revision.
Il reste, il est vrai, la visite des hommes à
leur arrivée au régiment. Là encore — il serait
très facile de citer des exemples — l'examen
de nos soldats est souvent fait si rapidement
qu'il n'est pas possible d'évincer ou de mettre
en observation tous les malades, et encore
moins ceux qui sont seulement suspects.
Et voilà comment, alors qu'il ne devrait pas
y en avoir un seul, les tuberculeux sont si
nombreux dans notre armée.
En co qui concerne la fièvre typhoïde, cha-
cun sait quo l'assainissement, la désinfection
des locaux est un des moyens prophylactiques
les plus employés pour lutter contre cette affec-
tion.
La désinfection des locaux ne doit évidem-
ment pas empêcher de fournir à nos troupes
de bons aliments et de l'eau potable de bonne
qualité. Elle no s'oppose pas non plus à ce
qu'elles ne soient pas inutilement surmenées,
comme se plaisent à le faire certains chefs de
corps.
Une désinfection sérieuse des casernements
devrait être faite chaque année pondant les
grandes manœuvres, c'est-à-dire en l'absence
do la plupart des troupes de garnison. Celte
opération produirait des résultats positifs et
éviterait certainement la ou les récidives d'é
pidémies typhoïdiques.
Elle n'a jamais été pratiquée en France, si
ce n'est dans quelques cas tout à fait spé-
ciaux.
En résumé, si l'on veut voir diminuer les cas
do tuberculose dans l'armée, il n'y a qu'à exa-
miner avec plus d'attention les conscrits qui se
présentent aux conseils de revision et aux ma-
jors des régiments à leur arrivée au corps. Si
l'on veut éviter les épidémies de fièvre typhoï-
de dans nos troupes, il faut désinfecter les ca-
sernements une fois par an — même lorsqu'il
n'y a aucune maladie — et — la chose est bien
entendue - fournir do bons aliments et de la
bonne eau potable à nos soldats et De pas les
surmener inutilement.
Voir à la 33 page
les Dernières Dépêches
de la nuit et
la Revue des Journaux
--- - clu matin
MUTINERIE DANS UNE ECOLE
MILITAIRE ALLEMANDE
(De notre correspondant particulier)
Munich, 13 mars.
Des troubles très graves ont eu lieu à l'écold
militaire dos cadets (Kadctten-Schule) de Mu-
nich. A la suite de ces faits, le commandant a
demandé l'expulsion de quatre élèves, mais le
ministre de la guerre bavarois n'a pas cru de-
voir acquiescer à cette demande, les jeunes
gens qui avaient été frappés appartenant à des
familles très influentes. Le ministro a cepen-
dant insisté auprès du prince-régent pour que
toute l'école soit placée sous un régime plus
sévère. Le princo-régont a accepté la proposi-
tion du ministre. La promotion dans laquolle
les scènes de mutinerie ont eu lieu a été l'objet
d'une mesure spéciale. Dans le monde militaire
on est vivement préoccupé de ce symptôme
d'indiscipline.
Le dirigeable du War Office
(De notre correspondant particulierl
Londres, 13 mars.
Le War Office fait construire, par la Dr Bar-
ton, de Beckenham, une aéronef dirigeable
d'un nouveau système. Les travaux sont déjà
très avancés, à tel point que l'on espère effec-
tuer la première ascension d'essai au mois
d'août. Les oxpériencos se feront devant une
commission spéciale. Toutes les précautions
ont été ptiMS-pouc gardée le el'e' 4e 401te
IBYGQUOO*
LA JOURNEE
PARLEMENTAIRE
A LA CHAMBRE
LES DEMANDES DES CONGREGATIONS
Encore une séance qui n'améliore pas les
affaires des congrégations. M. Aynard n'a pas
trouvé, pour les défendre, l'éloquence à laquelle
nous avons souvent rendu hommage. L'orateur
modéré a prétendu que ses amis el lui n'avaient
pas changé d'opinion depuis 1879.
— Nous voulions, a-t-il dit, la laïcité de l'é-
cole, mais une laïcité tolérante, analogue à celle
qui est pratiquée en Belgique, où le prêtro a
l'accès de l'école.
L'aveu est bon à retenir. Les modérés veu-
lent bien de l'école laïque, à condition que
l'instituteur soit sous la surveillance et sous la
domination du curé.
De tels arguments servaient mal la cause que
M. Aynard voulait défendre, et quand celui-ci
a quitté la tribune le centre n'est pas parvenu
à organiser la petite ovation à laquelle le dé-
puté de Lyon est habitué.
M. Grousseau, profebsur de droit dans une
université catholique, a tenu le langage qui
convenait à son état. Il a exposé, non sans lon-
gueurs, l'interprétation cléricale de la loi du
1" juillet 1901.
Rien non plus dans ce discours n'était de
nature à troubler la majorité républicaine, qui
a son siège fait.
M. Brisson a pris la parole une minute pour
démontrer qu'il n'avait point parlé à la légère
du commerce des bénédictins de Soulac. Il a
été vivement applaudi — et à juste titre — par
les gauches.
Racontons la séance :
Dès le début, M. Rabier monte à la Iribunft
pour s'expliquer sur l'incident des bénédiclioQ
de Soulac.
M. Itahier. — Je viens rectifier une erreur
que, de très bonne foi, j'ai'commise hier au sujet
des bénédictins de Soulac. Le jugement, dont j'ai
parlé, ne concerne pas la propriété du dentifrice,
mais la propriété immobilière. Co jugement,que je
considère comme très important, constate quo les
bénédictins ont toujours continué à habiter l'ab-
baye de Soulac jusqu'à une date très voisine du
jugement.
Les scellés ont été apposés sur l'immeuble, au
commencement de ce mois. Quant au dentifrice,
Mme Séguin aura à justifier qu'elle en est proprié-
taire.
M. du Périer de Larsan, — Un mot de
réponse. En 1880, l'ordre des Bénédictins de Soulac
a été dispersé ; c'est le gouvernement qui en a
conservé le prieur, pour en faire le curé même do
Soulac. A moins qu'un seul moine, surtout trans-
formé en curé, ne fasse une congrégation de régu-
liers.
J'avait donc le droit de dire, hier, que les béné-
dictins de Soulac n'existaient plus et j'avais le droit
de dire dans ma lettre à M. Brisson qu'ils n'avaient
aucun rapport avec l'affiche lumineuse, qui éblouit
los passants, y compris M. Brisson, sur la place
de l'Opéra. (Rires et applaudissements au centre.)
Mais M. Brisson proteste avec raison contre
cette interprétation.
M. Brisson. — J'ai trouvé, mardi, dans mon
courrier, une lettre de M. du Périer de Lai-saii, que
j'avais lue quelques heures auparavant dans les
journaux. Ce sont mœurs parlementaires nou-
velles.
Au reçu de cette lettre j'ai vûritM. Le jugeaient
du tribunal de Lesparre du 8 juillet 1902 constate
quo les bénédictins ont continué, en fait, à habiter
l'immeuble de Soulac, acheté par personne inter-
posée. C'est un des procédés chcrs aux congréga-
tions.
J'arrive à leur commerce du dentifrice.
Le dentifrice est si bien la propriété des béné-
dictins de Soulac, que, pas plus tard que ce matin.
j'en ai pris un prospectus. Ce prospectus commence
par ces mots : « Plus de maux de dents, grâce à
l'élixir dentifrice des bénédictins de Soulac. 9 (Hi-
larité.) Et le prospectus est signé, comme il con-
vient, du nom de dom Maglone. Dom Maglono est
mort.
M. Jacquey. — Et il a signé tout de même!
C'est prodigieux. (Rires.)
M. Brisson. — Mais on prie de s'adresser,
pour la vente, à Mme veuve Séguin.
Ce sera aux tribunaux de dire si, comme ils l'ont
déclaré pour l'immeuble, les bénédictins n'ont pas
pris, pour leur dentifrice, une personne interposée.
(Vifs applaudissements à gauche.)
Discours de M. Aynard
On passe alors à la discussion des projets de
loi.
M. Aynard. — Ma réponse à M. Lerolle sera
très courte. Elle s'adressera au représentant du
parti de la droite.
On pourrait se demander si la politique des jaco-
bins d'église n'a pas quelque peu provoqué ce que
veulent faire aujourd'hui les jacobins d'Etat. Je no
défends pas, comme M. Lerolle, une liberté parti-
culière. Je suis le défenseur d'une liberté générale
dans laquelle est incluse la liberté des catholiques.
(Applaudissements au centre.)
Ma réponse à M. Barthou sera un peu plus lon-
gue. Je ne rechercherai pas la cause de son inter-
vention.
Vif dialogue
Une incideut de M. Aynard provoque une
vive intervention de M. de Pressensé.
M. Aynard — M. do Pressensé, dans un ad-
mirable article, disait, en 1897, que la République
ne serait définitivement la République que quand
elle serait gouvernée par les ralliés. (Rires et 8p
plaudissements au centre et à droite.)
M. de Pressensé. — On me dit qu'autre-
fois modéré je suis devenu brusquement socialiste
Je vais vous en donner, monsieur, les raisons.
Oui, j'ai pu écrire, j'ai écrit le livre souvent cité
sur le cardinal Manning. Et un jour est venu où
une affaire angoissante m'a jeté en une criso intel-
lectuelle affreuse. J'ai cherché à établir la justice
et j'ai vu qu'elle n'était plus dans les alliés dou-
teux du parti auquel j'avais appartenu: j'ai vu
qu'elle étoit ailleurs et c'est vers le parti qui en
avait ramassé le drapeau que je suis allé.
Ah ! ce n'a pas été sans de profonds déchirements
que je l'ai fait, do cc jour, j'ai été calomnié, vili-
pendé, peu m'importe. Je me suis jeté dans la
mêlée sans arrière pensée, mais non pas sans dan-
gers, et les injures qui m'ont été prodiguées par tes
défenseurs de l'Eglise n'ont fait que m'écarter à
jamais du parti auquel j'avais appartenu. (Vifs ap-
plaudissements à gaucho, bruits prolongés à
droite )
M. Aynard. — Permettez, je vous prie, à
ceux qui ont eu comme vous l'âmo bouleversée
des mêmes scrupules de no pas s'enorgueillir
d'avoir changé de parti. Ma conscience a pu
être troublée comme la vôtre ; cola ne m'a pas fait
changer de parti, monsieur. (Applaudissements au
centre.)
M. de Pressensé, — Il se peut que vous
ayez eu l'âme bouleversée; la trace ne s'en est pas
fait apercevoir en dehors. Quant à moi, je n'ai pas
obéi aux intérêts qui ont pu vous retenir dans votre
parti.(Exclamations au centre t
M Aynard. — Les intérêts des vaincus, voilà
ceux qui m'y retiennent. (Applaudissements pro-
longés au centre.)
M. de Pressensé. — Quand, non pas au
terme de ma vie, comme le disait tout à l'heure
un homme que je respecte, comme infiniment plus
âg6 que moi (sourires), mais en pleine maturitî
do mon intelligence, j'ai dénoué les liens qui m'é-
taient chers, quand je n'ai pas laissé ma conscience
lacérée silencieusement, quand je me suis jeté en
pleine bataille, je l'ai fait pour aller à la justice
sans m'arrêter aux préjugés héréditaires ou aux
liens de classe.
Je reste irrévocablement parmi ceux-ci. Je suis
venu dans le prolétariat. (Applaudissements à l'ei-
trôme gauche.)
M. Aynard. — Je n'ai rien à ajouter. M. de
Pressensé, obéissant à sa conscience, a cru df-
voir changer de parti. Il faut que ceux qui n'ont
jamais changé de parti puissent être aussi respec-
tés dans cette Cbambro. (Applaudissements au cen.
tre.)
M. Aynard poursuit son discours, non sans
prêter au reproche do trop vive sympathie OQur
les cléricau*.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.49%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.49%.
- Auteurs similaires Chadeuil Gustave Chadeuil Gustave /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Chadeuil Gustave" or dc.contributor adj "Chadeuil Gustave")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7572407f/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7572407f/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7572407f/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7572407f/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7572407f
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7572407f
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7572407f/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest