Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-02-25
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 68249 Nombre total de vues : 68249
Description : 25 février 1903 25 février 1903
Description : 1903/02/25 (N12038). 1903/02/25 (N12038).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7572389z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
WîW© CËWfiMËS te> l~ Numcro:
PARiS & - DÉPARTEMENTS
Le Nurnérô; CIrQpNX1\!:E8
le Zu- 1 ï AI m a
——. —— E _J~~
ANNONCES
1
AUX BUREAUX DU JCJRNAL
1 i, rue «lu Mai! Pr>rs.
|& chez MM. LAGRANGE, CERF & Cl»
6, place de la Bourse, 6.
iAâresse Télégraphique : XIX* SJKCLE — PARIS
t8
Paris .«/. Trois mois 6 r. Sis mois 11 f. et ta 201.
Départements — 7f. — 12 f. — 24 L
UmonPostala — 9f. — 16 f. — 32&
Les Abonnements sont reçus sans frais
dans tous les Bureaux de post.
RÉDACTION II, rue du Mail
De 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soit- à 1 heure du malin
NI 12038. - — merceecli 25 Février 1903
7 VENTOSE AN 111
ADMINISTRATION ; 14, rue du Alull
Adresser lellres el mandais à l'administrateur
NOS LEADERS
Un a tasciice
Quand M. Roosevelt prononce un
discours : (f Voilà qui est parler ! »
s'écrient les réactionnaires de chez
nous. Et les socialistes d'admirer : « Le
président de la République des Etats-
Unis tient toujours le langage le plus
sensé! » Les sentiments do M. Roose-
velt sont-ils semblables aux nôtres, ou,
au contraire, analogues à ceux des
droitiers? Il semble difficile de répon-
dre à la question posée sous cette for-
me. L'étiage intellectuel du président le
met au-dessus des basses passions qui
entraînent, par exemple, nos nationa-
listes. M. Roosevelt a horreur des pré-
jugés de races : on se rappelle combien
il scandalisa les fils des « Sudistes » en
priant naguère un nègre do prendre
place à sa table, et, ensuite, en donnant
à une autre nègre une fonction admi-
nistrative importante. Il ne se signale
point par un goût excessif du panache,
du pompon ou des chamarrures. D'au-
tre part, il se distingue des conserva-
teurs européens, en se montrant parti-
san de la réglementation des trop gran-
des entreprises capitalistes,des «trusts ».
Quant à la démocratie européenne,
elle a le droit d'être reconnaissante au
président d'avoir amené l'Allemagne
et l'Angleterre à porter devant le tri-
bunal de La Haye le procès engagé par
elles contre le Venezuela.
Nous accordons volontiers que
M. Roosevelt n'appartient pas à la race
des démagogues chauvins qui pullulent
daos les nations catholiques, comme
les républiques sud-américaines, l'Es-
pagne et — hélas — la France. Mais
nous avons le droit de nous demander
si M. Roosevelt ne serait pas un natio-
naliste à la mode anglo-saxonne; au-
trement dit, un impérialiste.
Beaucoup de nos amis sesontfaitpeut-
être de dangereuses illusions en refu-
sant de voir ce qu'il y avait d'inquiétant
dans certains écrits du président Roose-
velt; écrits que l'on a beaucoup discutés
il y a quelque temps. La persistance
avec laquelle le plus haut magistrat des
Etats-Unis s'essayait à réhabiliter l'idée
de guerre; l'énergie avec laquelle il
combattait les soi-disant lâches, faibles,
« flasques », coupables de penser trop
tôt à la paix universelle, étaient des
symptômes qu'il eût été sage d'étudier
sérieusement.
Et je trouve que la presse européenne
a trop aisément passé sous silence le
discours prononcé par M. Roosevelt,
ces jours derniers, à l'occasion de la
pose de la première pierre du collège mi-
litaire à Washington. Je n'en ai pas le
texte complet sous les yeux; si les dé-
pêches ont suffisammentrespectélesens
général de ce discours, avouons qu'il
constitue une manifestation relative-
ment grave.
Rappelons que le président s'est ex-
primé en ces termes :
C'est avec raison qu'on affirme que le plus
sûr moyen de provoquer un désastre national
est, pour un peuple, d'être opulent, agressif et
désarmé,
Que nous le voulions ou non, nous sommes
arrrivés à une époque où nous devons jouer un
grand rôle dans le monde. Il no nous appar-
tient pas de décider si nous le jouerons ou
non, mais si nous lo jouerons bien ou mal.
Ce que nous avons à faire est dons de le bien
jouer. ,
Les événements ont fait des Etats Unis une
puissance mondiale. La République a mainte-
nant des responsabilités en Occident et en Orient.
Sa voix en faveur de la paix et de la justice
doit être puissante.
C'est autre chose qu'une déclaration
Je guerre à l'Europe; c'est une déclara-
tion de paix armée.
Les nationalistes, s'ils prêtent l'oreille
aux paroles que nous venons de citer,
en tireront cette conclusion qu'il faut
augmenter nos armements. Leur rai-
sonriement ne sera logique qu'en ap-
parence. Le président Roosevelt, dans
le même discours, fait la très intéres-
sante remarque suivante :
Noire armée est petite par rapport à notre
population, et il n'est pas désirable qu'il en
soit autrement ; toutefois, il faut souhaiter
qu'elle soit aussi efficace qu'aucune autre.
Ces deux lignes permettent de saisir
la pensée « de derrière la tête » des im-
périalistes transatlantiques. Les Améri-
cains, excités cependant par des appé-
tits belliqueux, évitent l'erreur des ar-
mements exagérés. Ils savent que les
dépenses militaires écrasent l'Europe ;
ils ne nous envient aucunement notre
supplice ; leur paix armée ne res-
semblera en rien à celle que nous con-
naissons.
Le Soleil, dont les idées se rappro-
chent rarement de nos conceptions, par-
tage pourtant notre opinion sur les
eauses de la prospérité des Etats-Unis.
M. A. de Bonviller écrit :
La Jeune Amérique, qui n'a pas eu à sup.
porter depuis trente ans les lourdes changes
militaires des puissances europeennes. qui pos-
sède sur son propre territoire tout le blé, le
bétail, le fer. le charbon nécessaires à sa po-
pulation et à son industrie, se trouve dans un
état de supériorité considérable vis à-vis des
puissances européennes, qui sont obligées de
fecourir à ses bons offices pour subvenir à
l'alimentation de leur population et se procu-
rer les matières premières nécessaires à leur
industrie.
Qui donc serait assez fou pour nous
proposer d'augmenter encore l'avantage
de la concurrence américaine, en nous
imposant de nouveaux sacrifices militai-
res ? Il n'y a qu'une force qui soit ca-
pable de contrebalancer celledosetats-
Unis d'Amérique : c'eslla puissance des
Etats-Unis d'Europe, ou, tout au moins,
de la Fédération européenne, du Zoll-
verein européen. Choisissez le terme qui
vous plaira Io mieux : les trois expres-
sions représentent des formes variées
d'une seule idée.
Le Soleil, n'en doutez pas, se rend
parfaitement compte do la réalité des
choses. Il comprend la nécessité de sou-
mettre les diflérents Etats du vieux
monde aux lois d'une conscience supé-
rieure et collective. M. A. de Bonviller
regrette qu'une fois déjà — lors de la
guerre hispano-américaine — l'Europe
ait oublié de manifester sa force et sa
solidarité.
Point plus intéressant encore : le
Soleil cherche à savoir ce dont l'avenir
nous menace. Et il n'est pas éloigné de
croire à la possibilité d'un conflit, peut-
être à brève échéance, entre ces deux
grandes commerçantes : l'Amérique et
l'Allemagne.
Ici, notre confrère monarchiste ar-
rête ses déductions. Il sied de regretter
cette réserve. En cas de lutte armée en-
tre l'Allemagne et l'Amérique, quelle
devrait être l'attitude de la France?
L'écrasement de l'Allemagne, à la suite
d'une telle guerre, aurait comme résul-
tat de faire des Etats-Unis les souve-
rains de l'Océan. Et quel serait notre
rôle si nous offrions notre épée au
kaiser ?
Le cas de conscience serait un des
plus graves qui aient jamais troublé
l'esprit d'un peuple.
Non, non, il ne convient pas de se li-
vrer au cours des événements. Le de-
voir français, aujourd'hui, est de trans-
porter dans le domaine de la politique
internationale le principe du « bloc ».
Poussons les peuples qui ont des inté-
rêts communs à se réunir, à se serrer.
Et dans le « bloc » nouveau dont nous
parlons, nous serons bien placés pour
assurer l'hégémonie d'une volonté pa-
cifique.Car l'Amérique nous gêne moins
directement dans notre expansion in-
dustrielle et commerciale, qu'elle ne
gêne l'Angleterre et l'Allemagne.
Hugues Destrem.
L'ELECTION DES BUSSES-ALPES
La défaite de MM. Andrieux
et Fruchier désole les nationa-
listes. Ils l'attribuent à l'action
du préfet, M. Bascou. « La
meilleure preuve, disent ils,
que nos amis ont eu à subir
une pression officielle des plus
épouvantables, c'est que M. Combes vient
tout aussitôt, pour le récompenser, de
nommer M. Bascou préfet à Angoulême. »
Les nationalistes n'ont oublié qu'une
chose, c'est que M. Bascou était déjà préfet
des Basses-Alpes, lorsque les élections sé-
natoriales du mois de janvier ont eu lieu.
Et à ce moment, MM. Andrieux et Fru-
chier ont été proclamés élus. Le préfet,
puisqu'ils lui attribuent des actes de pres-
sion, avait dû les commettre à la première
élection comme à la deuxième. Pourquoi
donc ces actes n'ont-ils rien produit en jan-
vier et donné un excellent résultat au con-
traire, au mois de février ?
La vérité est que le préfet n'a rien fait du
tout. Seulement, MM. Andrieux et Fru-
chier avaient dû leur premier succès à une
fraude qui a fait invalider leur élection.
Les électeurs se sont ressaisis. Et M. An-
drieux, chef de liste, a perdu en 6 semaines
21 voix. Le département des Basses-Alpes,
très républicain, a vu en lui et en son com-
père M. Fruchier deux nationalistes qui
n'osaient pas avouer leurs véritables opi-
nions, mais que le Sénat a démasqués.
Le Temps a une autre appréciation : Les
électeurs bas-alpins, mis en présence de
nationalistes et de radicaux-socialistes, ont
voté pour des radicaux, c'est-à-dire pour
l'opinion intermédiaire Le Temps, lui aussi,
n'oublie qu'une chose : c'est que, s'il est
vrai que M. Gassier n'est qu'un républicain
à tendances radicales, M. Defarge est un
radical-socialiste. Il est inscrit à la Cham-
bre au groupe radical socialiste.
N'insistons pas davantage. L'élection des
Basses-Alpes est un succès pour les répu-
blicains et pour la politique de gauche. Nos
félicitations à Hubbard et à Tiribillot, qui
ont su pratiquer la discipline républicaine
sans aucune arrière-pensée, et à leurs élec-
teurs, dont pas une voix n'a manqué à MM.
Gassier et Defarge. — Ch. B.
ob-
TOUS BOUILLEURS !
Jeudi dernier, nous apprend le nouvelliste
(journal de l'arrondissement d'Avranches) du
21 février, les employés de la régie ont saisi,
daus les greniers de l'école des frères d'Avran-
ches, trois fûts d'eau-de-vie et un alambic.
On assure que 200 litres environ du même
liquide auraient été bouillis, sinon frauduleu-
sement introduits dans l'établissement en ques-
tion.
Les commentaires vont leur train et l'on
nous promet de curieuses révélations sur cette
saisie sensationnelle.
-*- --
CE QUE COUTE L'INSTRUCTION
AUX OFFICIERS PRUSSIENS
(De notre correspondant particulier/
Berlin, 23 février.
La librairie Millier et fils a depuis dos années
le monopole des publications militaires. Un
officier, qui garde, naturellement, i'anonymat,
se plaint dans le Vonvaerts que cette librairie
abuse de son privilège et empêche les officiers
pou fortunés de compléter leur instruction théo-
*rique. Ainsi. l'histoire do la guerre de 1870,
~rique. Ainsil, 'état-major, coûte 1aO fr. On vend
un petit memento do 58 pages 5 fr. A remar-
quer encore que l'éditeur ne paie aucun droit
d'auteur. tout lui élant fourni graluilement
par le ministère de la guerre.
- Cette plainte d'un officier anonÿffiô, publiée
dans un journal socialiste, a vivement im-
prfissiçûué les hauts personnages militaires.
A PROPOS
D'HUMANISME
L'humanisme. — Pierre de Bouchaud.
— Les Heures de la Muse. — L'art
antique. — Les Chants de la
Nature. - Près de la souf-
france. - Un « huma-
niste ».
Si nous en croyons le poète Fernand Gregh
elle critique Gaston Deschamps, qui ont publié
manifeste sur manifeslo, une nouvelle école
poétique est née. Pour les besoins d'une
jeune cause, ils ont exhumé une chose
très vieille : l'humanisme, et ils en proclamè-
rent l'avènement triomphal. Il y eut aussitôt
d'unanimes stupéfactions. M. René Douiuic,
dans la Revue des Deux Mondes, s'étenna quo
les auteurs de la formule nouvelle se fussont
attribué l'honneur do la découverte de l'idée et
du mot, qui sont séculaires. Il n'eut pas do
peine à prouver que toute la Renaissance et los
grands classiques du XVIIe, du XVIIIe et du
XIXe siècle — je n'en excepte pas Lamartine et
Hugo — s'étaient nourris de cet humanisme ;
que môme !a plupart des parnassiens et des
symbolistes en étaient encore imprégnés. En
résumé, il les sommait d'apporter « une idée
juste et une idée neuve », un programme bien
défini.
C'était, simplement, entre M. Gaston Des-
champs et M. René Doumic un malentendu
sur le sens du mot humanisme. Par huma-
nisme, 1\1. Doumic entend le culte d l'anti-
quité classique et l'inspiration qui dicta les
odes à Ronsard et los èglogues à Chenier.
C'est, à vrai dire, le sens communément a'.-
tribué au mot depuis qu'il existe. L'humanisme
est. au contraire, pour MM. Deschamps et
Gregh, un vague synonyme d'humanitarisme.
Je ne nie pas quo le mot ainsi traduit exprime
à merveille les tendances des poètes nouveaux,
depuis M. Maurice Magre jusqu'à Mmo la
comtesse de Nouilles et M Saint-Georges de
Bouhélier; le chef do file des « naturistes», ne
m en voudra pas si je l'étiquette moi-même
humaniste.
Ecoutons d'ailleurs M. Fernand Gregb, dans
son manifeste : « Nous voulons, a-t-il déclaré,
une poésie qui dise l'homme et tout l'homme,
avec ses sentiments et ses idées et non-seule
ment ses sensations, ici plus plastiques, là plus
musicales. Tous les grands poètes, en mémo
temps que des artistes, étaient des hommes,
c'est-à-dire des pères, des fils, des amants, dos
citoyens, des philosophes ou des croyants.
C'est de leur vie môme qu'étaient faits leurs
rêves. Poèles, chantons la vie: c'est notre
vraie façon,à nous,d'y collaborer.».Sans doute,
mais cet humanisme, — cette sorte d'numa-
nisme — a de tout temps existé : j'en appelle à
Hugo, à Lamartine, à SuIIy-Prudhomme. Puis,
il n'existe pas aujourd'hui, à proprement par-
ler. une école. Il y a de toutes parts, il en éclot
sans cesse, des poètes sociaux ou humains, ou
humanistes, sans qu'ils aient jamais songé à
grouper leurs efforts individuels. Enfin, je ne
sais s'il est permis, à propos d'humanisme, de
détourner un mot de son sens consacré et de le
travestir à la mode du jour.
Le culte de la Beauté
Mais c'est entendu : il y a plusieurs « huma-
nismes ». Si je voulais concilier et associer
en une formule celui, très antique, de Ron-
sard, de Chénier, et celui très moderne, de
M. Fernand Gregh, je dirais qu'il est, idéale-
ment, le culte de la Beauté dans l'Art et dans
la Vie. La poésie subsultante, fiévreuse plus
que passionnée, rare plus que bolle, qu'ont
mise à la mode certains poètes et maintes
poétesses,ne rentrerait sans doute qu'imparfai-
ment dans ce cadre, mais il n'importe.
Le poète qui aurait été le chantre classique
et fidèle de l'Art et de l'antiquité classique,éter-
nelle nourrice du monde, do la Nature, immu-
able divinité, de la fraternité et de l'amour
social, idée immortelles, serait un humaniste
parfait, hors de la mode et des écoles litté-
raires.
Je viens de lire le dernier recueil poétique,
les Heures de la Muse, de Pierre de Bouchaud.
Cela vient de paraître chez Lemerre, qui fut
l'éditeur des parnassiens au temps du parnas-
sisme. M. de Bouchaud n'est pas seulement un
probe et impeccable ouvrier du vers, c'est un
modeste créateur de Beauté et de Vie qui, loin
de la réclame et de l'encens inlerconfralernel
des chapelles, a élevé patiemment une œuvro
sincère et durable.Or l'idée maîtresse de cette
œuvre et par quoi on peut la définir et l'expli-
quer, si je l'ai bien démêlée au travers des
quatre volumes qui la composent : Rythmes et
Nombres, les Mirages, le Recueil des souvenirs,
les Heures de la Muse, — c'est co culte de la
Beauté dans l'art et dans la Vie que je disais
être la signification du meilleur des humanis-
mes. L'œuvre de M. de Bouchaud est, toute
entière, un monument érigé à la gloire. de la
Déesse et, en son honneur ; on y trouve des
invocations, dea hymnes et des prières, la
somptueuse évocation de ses rites essentiels,
toute une éthique, une règle de vie — et peut-
être, une métaphysique fondée sur l'idée de
Beauté.
L'art des anciens
Pierre de Bouchaud n'a de l'école parnas-
sienne ni la forme ni la marquo « confession-
nelle ». Dans ses odes, ses hymnes, ses balla-
des, ses stances vibrantes de lyrisme et d'émo
lion sacrée, il y a do l'enthousiasme et de la
flamme. Il n'a pas l'envergure du poète épi-
que, ni le souffle mesuré du descriptif impas-
sible: c'est un moderne amoureux d'hellénisme
et d'anliquité. Ce n'est pas un plastique à la
façon de Leconte de Lisle ou de Hérédia, miis
un humaniste. Peu de parnassiens ont eu de
ces rétrospectives tendresses pour Cypris ou
Diane, Minerve ou Vesta, peu ont eu comme
lui le sens de l'unité de la race latine, à tra-
vers les siècles et les époques d'art. Pierre de
Bouchaud a imaginé et célébré avec ardeur la
Grèce des poètes, qui est un bien joli mythe ;
et il rêve souvent de se fixer dans le « site en*
chanteur do niellas, au milieu des champs
blonds oil vibrent les cigales » - Il y a beaucoup
de convention classique dans tout cela. Et cer-
tes s'il avait prolongé plus que de raison ses
heures attiques, sa muse, à force d'adorer
l'immuable beauté et la sagesse d'un idéal-
marmoréen aurait perdu de sa grâce et de son
originalité, mais refaisant à nouveau le voyage
qu'entreprirent dans la Rome victorieuse les
artistes hellènes, il a visité l'Italie (Italiam,
Italiant), Et en lui s'est produite, à son insu,
celle étonnante transformation des civilisa-
lions païennes. Un peu de mysticisme chrétien
a teinté son dilettantisme grec. Au lype de
beauté froide el sereine de la statuaire grecque,
M. Pierre de Bouchaud substitue la beauté
humaine el douloureuse des peintres primitifs.
L'âme du poète s'émeut. Son impassibilité se
fond au chaud soleil italien,
Une pitié pour l'homme, compagnon des
mêmes chaînes, inonde son ecour.11 a senti pe-
ser sur lui le poids de la vie et se poser à son
esprit troublé l'angoissant problème des desti-
nées. C'est Id porte ouverte aux mélancolies et
aux rêves, ce sont les premiers émoÜ,l'meerti..
lude, le poème d'Eros.
Poésie pauthéistique i
Son ûoil s'ouvrant à la vie, Il a célébré la na-
ture et la valeur de cette partie de son oeuvre
est en ceci qu'il a senti et dit la poésie des
choses mieux encore qu'il n'en a vu l'aspect et
la nuance. Il a laêlé sou 4wq à l'àuie 4e 4
Nature et,sans qu'il ail une seule fois exprimé
l'idée de cette communion filiale, on la devine
à chacune des pages colorées de ses livres. Il a
dit les juscries, les joies, feâ caresses virgina-
les, les tristesses des lilas, bleus, blancs, pour-
pres et pâles; et autour de leur beauté frisson-
nanto, la complicité des sources qui murmu-
rent dans les halliers; de la nuit qui éloquem-
ment so tait; des rossignols et du vent qui
modulent leur plainte en détresse; des aylphes
qui dansent des rondes chimériques au clair
do lune. Beaucoup ne connaîtront jamais
l'exquisité do ces sensations, il faut avoir une
âme païenne, vaguemeot imprégnée de pan-
théisme, pour prêter aussi naïvement un cœur
et une âme à la tige et à la feuille, à l'insecte
et à l'oiseau. Or, M. de Bouchaud est «anti-
que » de tempérament et da superstitions. Il a
même aimé le symbolisme mythologique de
Pan et des chèvres-pieds, des naïades et des
nymphes. Dans les vers du poète, il y a tou-
jours une corne do faune qui jaillit du creux
d'un buisson où le dieu se dissimule, ou une
apparition, vite évanouie, de la Diaae pudique
derrière un taillis do roseaux.
P. de Bouchaud atteint enfin à la gravité au-
guste d'un Virgile quand il décrit la belle ré-
gularité do la vie et des travaux rustiques, la
coupe du foin, le travail puissant do la herse
« nivelant los vagues do la glèbe o, et la lâche
solennelle du bûcheron, Il convient de lire les
Heures antiques, ainsi que des morceaux clas-
siques par la puissanco sobre du « rendu » et
l'inspiration large et saine.
Apôtre de l'amour et de la justice
En lisant los premiers poèmes philosophiques
de P. de Bouchaud, j'avais souvent pensé au
socialisme et à la sagesso do Sénèquo. Celle
inspiration s'est, dans les heures de la Muse,
élargie el affermie, J'ai admiré Près de la Souf-
france" où dans quelques poèmes nobles de
forme et do sentiment, M. do Bouchaud se fait
le généreux apôlre de l'amour et de la justice
et réclame pour le pauvre plus de respect ot de
bonté.
a Ayant l'Effort pour pierre et pour chaux la
Pensée », il bâtit cette maison idéale, le bon lo-
gis où il conviera :
Tous les déshérités de bonheur ot d'amour,
Ceux qu'abreuve le fiel des rancœurs chaque jour,
Et que courbe le faix douloureux des misères ;
Ceux qui, do l'aube au soir, errant par les chemins,
Ne sentent pas leur coeur se dilater do joie,
Tous ceux qui vont, muets, sous te ciel qui flamboie
Et dont personne encor n'osa presser les mains
C'est à cause de ces caractères divers parmi
la profonde unité de tous ses recueils publiés
que j'appelais M. de Bouchaud : un humanistQ.
Et il l'étaitdéjà, avant que l'écolo humaniste
n'eût été fondée. Il reste encore des néo-huma-
nistes,le plus parfait et celui dont le talent le
plus robuste et le plus souple durera. Lui qui
no songea jamais à s'intituler humaniste sera
peut-être considéré par les générations futures
comme le maître des humanistes : n'ai-je pas
dit quo son œuvre, au probe et lumineux des-
sin, était hors des écoles et de la mode? C'est,
parmi tant de poèmes hâtivement pensés et
écrits, en vers libres ou libérés, expressions
d'une vie superficielle et maladive, un beau
marbre qui s'humanise aux souffles d'une vie
généreuse et saine.
Ch. ARMERET.
————————— ———————————.
J.-B. CLÉMENT
J.-B.Clément est mort hier matin à l'hôpital
Dubois. Avec lui, disparaît la figure la plus
sympathique et la plus populaire du socialisme.
Il était né à Boulogne sur-Seine, le 10 mai
1837. Il exerçait la profession d'ouvrier garnis-
seur en cuivre. En 1869 il collabora avec De-
lescluse à la Réforme. Sa campagne de presse
contre l'Empire lui valut une condamnation à
plusieurs années de prison. Il en sortit le 4 sep-
tembre et écrivit avec Vallès au Cri du Peuple.
Pondant l'insurrection communaliste il repré-
sentait Montmartre après avoir fait son devoir
dans les bataillons de marche. Ses années
d'exil s'écoulèrent à Londres. A l'amnistie, il
rentra dans Paris et continua jusqu'à sa mort
une merveilleuse campagne de propagande en
faveur du socialisme possibHislO,
Il fut la doux poète du Temps des cerises et
sa Muse a chanté l'ouvrier et les espérances des
améliorations sociales : la chanson du Semeur
si populaire est un pur chef-d'œuvra.
Cet infatigable ouvrier du socialisme ne con-
nut jamais d'ennemis. Sa bonne et loyale fi-
gure, tout illuminée de franchise, le rendait
sympathique à tous. Dans les réunions publi-
ques, sa parole énergique et simple, colorée de
poésie sentimentale, remuait les cœurs et for-
çait les convictions. Il était d'amitié sûre et fi-
dèle et si tous ceux qu'il a obligés l'accompa-
gnent à sa dernière demeure, ses obsèques se-
ront grandioses dans la simplicité de la céré-
monie purement civile qui aura lieu mercredi
matin.
Il est assis désormais dans l'histoire à côté de
Blanqui et do Joffrin et c'est en suivant son
exemple que nous pleurerons sa mort.
Docteur A. MESLIER,
Député de Io Seine.
Les obsèques
Les obsèques auront lieu après-demain jeudi,
à 3 h., à l'hôpital Dubois, 27, rue de l'Aque-
duc. Une souscription a été ouverte sur l'ini-
tiative du docteur Meslier, parmi les députés
socialistes pour l'achat d'une couronne à dé-
poser sur le cercueil du défunt.
00.
UNE ÉGLISE QUI RAPPORTE
(De notre correspondant particulier)
Naples, 23 février.
Il y a quelques jours, M. Paoli Descorli, qui,
depuis des années, était loueur de chaises à
l'église de Sainte-Brigitte, est mort sans laisser
d'héritiers directs. Les parents du vieux céliba-
taire viennent d'être prévenus par les autorités
qu'ils allaient hériter d'une fortune do 500,000
francs.
LE COMBLE DE LA DIPLOMATIE
(De notre correspondant particulier)
Constantinople, 23 février.
On se raconte un véritable coup de génie de
Munir bey, ambassadeur do Turquie à Paris,
qui récemment est venu à Constantinople. Sa
position était sériousoment ébranlée, à cause
de l'échec que le gouvernement ottoman a es-
suyé dans l'affaire de l'inhumation de Mah-
moud Pacha. On voulait faire expier à Munir
bey une faute dont il n'était pas coupable,
ainsi que c'est l'habitude en Turquie. Mais le
rusé diplomate a sa prévenir le coup. Il a de-
mandé tout simplement une audience au sul-
tan et là, d'un air contrit, il s'est accusé d'avoir
agi dans l'afttire Mahmoud Pacha sans avoir
attendu les instructions de Constantinople.
Sans doute, ajouta-L-il,totis ces désagréments
auraient été évités, s'il s'était réglé sur les sa-
gos conseils venant du Palais.
Çorutae Jjéaûcûiip d'autres m ltlQrqtiÓ Ab-
dul-Hasnid pardonne plus fac^emcut.los fau-;
tes des autres que celles qu'il a commises- lui-
même.. Il fut enchanté de découvrir que M.
n'était pas lui qui avait commis la bévue, mais que
c'était Munir bey. Et l'ambassadeur ottoman à
Pria Çgl aujourd'hui plus en grâce que jamats.
UN MONUMENT
A FROMENTIN
CHEZ M. W. BOUGUEREAU
Le peintre écrivain. — La souscrip-
tion. — A La Rochelle. - Les œuvres
littéraires de Fromentin. -- Son
caractère. — Tâche difficile. — On
demande un milliardaire. — Ap-
pel au Tout-Paris littéraire.
— Le soleil, roi des peintres.
Un comité s'est formé, on se le rappelle, pour
élever par souscription un monument à Eu-
gène Fromentin, io peintre do la vie et des
paysages algériens, qui fut aussi un écrivain
do haute valeur.
< Au moment où le musée du Louvre vient de
s'enrichir, par la générosité de M. Thomy-
Thierry,ot entre autres chefs-d'œuvre, de deux
nouvelles toiles de Fromentin : Halle de cava-
liers et la Chasse au faucon, il nous a paru in-
téressant d'aller nous enquérir du pJiol où en
est actuellement la souscription pour le monu-
ment Fromentin, auprès du président du co-
mité, qui n'ost autre que M. W. Bougucreau,
le célèbre peintre, président de la Société des
Artistes français.
Nous nous sommes donc présenté rue Notro-
Dame-des-Champs, l'éminent artiste nous a re-
çu dans son alolier, avec la meilleure grâco du
monde. M. Bouguereau a bien voulu môme
interrompre un instant en notre faveur une
jolie élude de jeune fille drapée à l'antique, à
laquelle il travaillait.
Où en sont les choses
- Vous venez, nous dit-il, pour nio demander
où en est la souscription pour le monument Fro-
mentin. Ma foi ! les choses ne sont pas encore très
avancées,quoique,je me hâte de le dire les premiers
pas soient faits et que nous soyons pleins d'ospoir
et de confiance.
Nous n'avons encore pour ainsi dire qu'ébauché
les grandes lignes du projet ; nous no pourrons ar-
rêter le programme définitif de la fête qui aura
liou à la Rochelle que lorsque nous aurons réuni
une somme assez importante pour élever à Fro-
mentin un mouiuucnt digne de lui et digne de l'art
français.
Nous avons cependant déjà, en peu de temps,
recueilli des fonds respectables; la ville do la Ro-
chelle a voté une subvention, un sous-comité vient
do se former à Alger, mais, comme je vous le dis,"
nous voulons faire quelque chose de grand, et pour
cela il faut que Paris adopte notre projet. Fromen-
tin n'est pas le premier venu, que diable! Il y va
de l'intérêt de nos gloires nationales, et j'ajouterai
que le monde des lettreq y est aussi intéressé que
le monde des arts, puisque Fromentin est aussi
illustre comme écrivain que comme peintre.
Les uns prétendent même qu'il est plus grand
comme écrivain ; les autres lui trouvent plus de
talent comme peintre. Je serais plutôt de ces der-
niers ; il est vrai que je suis do la partie, ajoute
l'artiste en-souriant. Néanmoins, celui qui a écrit
les pages si colorées et si pittoresques (c'est lo
mol) d'Un été dans le Sahara et d'Une année dans
le Sahel, ces livres si attachants, extraits en
grande partie des lettres qu'écrivait Fromentin à
ses amis, et qui renferment des descriptions do
toute beauté ; le critique à qui nous devons cet
admirable livre les Maîtres d'autrefois, aussi re
marquable au point de vue littéraire qu'au point
de vue do la compétence spéciale de l'auteur ; lo
romancier qui nous a laissé Dominique (et M.
Bouguereau nous montre sur sa table de travail le
roman do Fromentin qu'il est en train de relire" ,
Dominique, qui est, d'après l'expression do M.
Gustave Lanson, « une des œuvres excellentes du
roman contemporain », celui là occupe dans no-
tre littératuro une place des plus honorables, et
c'est un devoir pour tous los littérateurs de lui
rendre un hommage éclatant.
L'homme
Fromentin n'était pas moins digne d'estime par
son caractère que par son talent. Je l'ai connu,
nous sommes compatriotes. On retrouvait en lui
les mêmes qualités, pour ainsi dire, qui rendent
son œuvre aimable. On avait pour lui beaucoup
d'affection dans la monde artistique, à cause de
sou affabilité et da sa bienveillance pour les dé-
butants.
A tous les points de vue, Fromentin est un artiste
de valeur, par son talent délicat et souple, par sa
passion pour la couleur, par sa sûreté de juge-
ment et sa sagacité. Mais ce qui reste le plus ex-
traordinaire c'est qu'il ait su se faire admirer
également dans des genres aussi différents (au
point de vue de l'exécution tout au moins] que la
peinture, la critique et le roman.
Un mauvais moment
Ce n'est pas une petite affaire que de présider
un comité. Cola m'est arrivé plusieurs fois déjà, et
je sais par expérience que c'est une tâche difficile
et pleine de respoasabililés. Ce qui nous a beau-
coup nui, voyez-vo'is, c'est cette misère des pê-
cheurs bretons, qui a concentré sur elle, cela n'est
que juste, d'ailleurs, toute l'attention do Paris et
de la France. Je trouve qu'on a parfaitement rai-
son de faire appel & toutes les bourses ot à toutes
les bonnes volontés pour soulager la détresse des
marins qui souffront do la faim, mais, comme ar-
tiste et comme président du comité Fromentin,
je dois reconnaître que cela nous a beaucoup nui.
Aussi attendrons nous un certain temps avant de
« lancer » définitivement la souscription. C'est
une question vitale. Cependant nous ne nous en-
dormirons pas sur nos espérances.
Parmi les nombreuses adhésions que nous avons
reçues, je vous citerai seulement celle do M. Rou-
jon, notre vice-président, qui, en sa qualité de di-
recteur des beaux-arts, sera sans aucun doute pour
nous un auxiliaire des plus précieux.
Si nous étions en Amérique 1
Ah ! si nous avions ici des milliardaires, comme
aux Etats Unis, des gens qui pussent nous donner
sans se g¡\uer un petit million ! Nous n'en deman-
dons pas tant, heureusement, et nous espérons un
peu que, parmi nos riches colloctionneurs, qui sont
aussi des amateurs éclairés et de chauds amis de
l'art français, il s'en trouvera pour verser dans
notre modeste tirelire une obole princière.
Mais, je vous le répète, nous comptons beau-
coup sur l'appui du Tout-Paris littéraire, qui se
fera un devoir agréable de fêter lo peintre écrivain.
Au lieu de discuter pour décider (si faire se peut)
dans quel art Fromentin est la plus remarquable,
ne vaut-il pas mieux que tous s'unissent pour ren-
dre hommage à l'artiste, qui fut avant tout lui.
même ?
Et comme nous prenons congé, en nous excu-
sant d'avoir interrompu notre hôte dans son
travail, M. Bouguereau nous répoud avec cor-
dialité :
— Vous m'excuserez, n'est-ce pas, de ne pas vous
retenir plus longtemps ? Il faut profiter du beau
temps qui ne nous a pas gâtés jusqu'à présent. Ah
nou! il ne nous a pas gâtés, ot profitons vite de ses
faveurs 1 nous autres, nous sommes à la merci du
soleil,si vous saviez quelle merveille c'est pour nous
que la lumière! Nous ne pouvons rien sans leur
concours et il n'est pas un chef-d'œuvre de nos
maîtres auquel n'ait collaboré ce père de toute vie
et de toute beauté, le soleil 1
HENRI ALLORGE.
LA QUESTION MACÉDONIENNE
Constantinople, 23 février.
Cet après-midi, Tewfick pacha, ministre
des affaires étrangères, a informé le baron de
Calice, ambassadeur d'Autriche-Hongrie et
M. Zinoview, ambassadeur do Russie, que le
sultan a accepté los mesures proposées par
leur melLoraodulD,
Sofia, 23 février.
Les rûôâtiféâ prisas par le gouvernement
bulgare à l'égard des comités macédoniens
gpnt beaucoup plus sévères qu'on ne l'avait
dit tout d'abord.
C'est los fonds des comités, dépo-
sés dans Ici banques, ont été mis sous séques-
tre et fftfè làbv1 les papiers et documents divers
de l'organisation macédonienne sont saisis et
~placés sous scellés^^ ^'altitude du cabinet DMoB
Athènes, 23 février..
Les comités panhellénisles s'agitent.
Des bandes grecques se forment ea Thessa-
lie pour pénétrer on Macédoine en cas de sou-
lèvement bulgare et défendre les populations
grecques si nombreuses sur los côtes,principa*
lemont en Chalcydique et à Seres.
Constantinople, 23 février.
Sur la proposition du ministèredela marine,
un iradé impérial prescrit la formation d'une
commission spéciale pour la surveillance des
travaux de réfection des 8 bâtiments qui seront
transformes.
LA POLICE VEILLE
Nous avons récemment signalé l'envahisse
ment incessant des rues parisiennes par les
publications pornographiques et spécialement
par les cartes postales illustrées.
Il est inconcevable quo l'on puisse tolérer
plus longtemps les scandales do ces jours der-
niers. Que fait donc la police, et quo fait le
président do la Ligue contre la licence des
rues? Nous avons constaté l'ouverture, sur los
grands boulevards de plusieurs boutiques où l'on
vend en ploin air, pour ainsi dire, des cartes
postales imagées de photographies d'une obscé
nité répugnante ou do sales dossins. Les bou-
tiques sont toujours ouvcrLe" et les cartea
postales s'enlèvent. Voici des commerçants qui
feront fortune en quelques jours.
La police veille, dit-on. Non. Car si elle
veillait, elle ne tolérerait pas l'offre eu public-
d'illustralions dont plusieurs déjà ont été sai-
sies et ont valu à leurs vendeurs des condam-
nations correctionnelles.
Mais voici où la culpabilité de ces traR-
quanls d'un nouveao genre s'aggrave. Dans
une des boutiques dont il s agit, on a ajouté à
l'étalage des cartes postales obscènes, une pe-
tite vitrine contenant dos préservatifs à l'usage
des deux sexes. Ils ne sont point enfouis dans
des boîtes, i:s sont étalés à tous tes regards, et
ajoutent encore à l'immoralité du lieu..
Tout cela ne peut pas durer. Dopuis quelques
années la pornographie sévit el se développa à
Paris dans des proportions considérables. C'est
comme uu chancro mauvais qui chaque jour
grossit et étend plus profondément ses ra-
cines.
M. Vallé paraît disposé à sévir. C'est très
bien d'avoir de bonnes dispositions, mais c'est
beaucoup mieux encore de les mettre à exécu-
tion.
«MB—MMB—B—^■BB———B|
Voir à la 30 page
les Dernières Dépêches
de la nuit et
la Revue des Journaux
du îxiatirx
M. COPPÉE ET LE FISC
Le manuscrit du « Luthier de Cré.
mone D. - Le comité adjudica-
taire — M. Coppée paiera.
La petite cérémonie, annoncée depuis quel-
quos jours par M. François Coppée, a eu lieu
hier.
Le grand poète nationaliste a mis en vente
chez lui la manuscrit du Luthier de Crémonet
accompagné dos différents papiers timbrés dont
l'administration des contributions l'a gralifiét
en réponse à son refus momontané de payer
l'impôt.
Quelques amis assistaient à la fête. L'an
d'eux a naturellement prononcé un petit speocb.
L'orateur a célébré avec chaleur les qualités de
celui qui, dit-il, s'est offert aux coups de la
réalité, brutale, pour Dieu et la Liberté.
Un comité de dames s'était formé, qui a réuni
la somme de 4,400 fr. C'est la somme en
échange de laquelle a été adjugé le manus-
crit au comité tout entier, un tirage au sort a
eu lieu, pour désigner l'heureuse propriétaire
déUnitive.
M. Drumont a ensuite prononcé quelques
paroles, pour remercier M. Coppée de la cordia-
lité de sa réception, et du caractère d'intimité
qu'elle revêtait, et il a porté un toast en son
honneur.
Les 4,400 fr. produit de l'enchère, augmen-
tés d'un don personnel do M. Coppée, seront
distribués par ses soins, entre des œuvres cléri-
cales.
Demain, M. François Coppée, de ses deniers
particuliers, paiera sos impôts, augmentés des
frais (193 fr. au total).
Tout est bien, qui Unit bien.
4>
Arrestation d'un magistrat russe
(De notre correspondant particulier)
Saint-Pétersbourg, 23 février.
On vient d'arrêter un magistrat nommé
Poussen, à Astrakhan. Il est accusé d'avoir as-
sassiné, en prison, Mlle Beocauou, la belle can-
tatrice roumaine, qu'il avait fait arrêter soua
la fausse accusation de vol.
1 ♦ i ■
MAIN MISE DE L'ALLEMAGNE
SUR LES CHEMINS DE FER LUXEMBOURGEOIS
(De notre correspondant particulieri
Berlin, 23 février.
Le Reichstag a été appelé à ratifier le traité
aux termes duquel l'administration impériale
des chemins do fer de l'Alsace-Lorraine a pria
en fermage les lignes de la Compagnie des
chemins de fer luxembourgeois Wilhelm, ainsi
que les lignes de raccordement des vallées do
Duedelingue et de Ruemelingue. Comme prix
de fermage, il sera payé 3.866.400 fr. par an.
Une clause spéciale exige une neutralité com-
plète. Il est interdit, même en temps de paix.
de transporter des troupes ou du matériel
de guerre sur les chemins de fer luxembour-
geois.
EN L'HONNEUR DU PRÉSIDENT MAGNAUD
Nous avons annoncé qu'en comité s'est forme
pour offrir au président Magnaud un buste ea
marbre.
Nous recevons à 09 propos la lettre suivante :
Monsieur le Directeur,
Sous le titre « Indiscrél ion », le Rappel da
22 février publiait un article signalant l'exis-
tence d'un comité formé en vue d'offrir au
président Magnaud son buste en marbre.
Votre collaborateur, (qui parait d'ailleurs
fort bien renseigné), a parfaitement raison. Ce
comité existe, en effet, depuis quelques mois
déjà, et si son action est restée ignorée, c'est
qu'il entrait dans ses intentions de conserves
à la souscription ouverte un caractère intime.
C'est pourquoi toute communication à la Pressa
avait été soigneusement évitée.
Cependant l'œuvre d'un artiste ne peut res-
ter longtemps ignorée, et comme il était à pré-
voir, notre secret a flni par être surpris.
Le Rappel annonce môme qu'une grande ma-
nifestation populaire se prépare pour le jour de
la remise du buste au président, et que toua
les souscripteurs y seront invités.
Eh bien oui, les membres du comité d'initi:L. -
tive ont l'intention de préparer cette manifes-
talion, et permettez moi de vous dire que l'iap
discrétion commise vient à son heure. Mainte-
nant que nos projets sont connus, il faut qUI
la maïUftttaliQo annoncée en ftureur de In j'l'"
ftPft
PARiS & - DÉPARTEMENTS
Le Nurnérô; CIrQpNX1\!:E8
le Zu- 1 ï AI m a
——. —— E _J~~
ANNONCES
1
AUX BUREAUX DU JCJRNAL
1 i, rue «lu Mai! Pr>rs.
|& chez MM. LAGRANGE, CERF & Cl»
6, place de la Bourse, 6.
iAâresse Télégraphique : XIX* SJKCLE — PARIS
t8
Paris .«/. Trois mois 6 r. Sis mois 11 f. et ta 201.
Départements — 7f. — 12 f. — 24 L
UmonPostala — 9f. — 16 f. — 32&
Les Abonnements sont reçus sans frais
dans tous les Bureaux de post.
RÉDACTION II, rue du Mail
De 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soit- à 1 heure du malin
NI 12038. - — merceecli 25 Février 1903
7 VENTOSE AN 111
ADMINISTRATION ; 14, rue du Alull
Adresser lellres el mandais à l'administrateur
NOS LEADERS
Un a tasciice
Quand M. Roosevelt prononce un
discours : (f Voilà qui est parler ! »
s'écrient les réactionnaires de chez
nous. Et les socialistes d'admirer : « Le
président de la République des Etats-
Unis tient toujours le langage le plus
sensé! » Les sentiments do M. Roose-
velt sont-ils semblables aux nôtres, ou,
au contraire, analogues à ceux des
droitiers? Il semble difficile de répon-
dre à la question posée sous cette for-
me. L'étiage intellectuel du président le
met au-dessus des basses passions qui
entraînent, par exemple, nos nationa-
listes. M. Roosevelt a horreur des pré-
jugés de races : on se rappelle combien
il scandalisa les fils des « Sudistes » en
priant naguère un nègre do prendre
place à sa table, et, ensuite, en donnant
à une autre nègre une fonction admi-
nistrative importante. Il ne se signale
point par un goût excessif du panache,
du pompon ou des chamarrures. D'au-
tre part, il se distingue des conserva-
teurs européens, en se montrant parti-
san de la réglementation des trop gran-
des entreprises capitalistes,des «trusts ».
Quant à la démocratie européenne,
elle a le droit d'être reconnaissante au
président d'avoir amené l'Allemagne
et l'Angleterre à porter devant le tri-
bunal de La Haye le procès engagé par
elles contre le Venezuela.
Nous accordons volontiers que
M. Roosevelt n'appartient pas à la race
des démagogues chauvins qui pullulent
daos les nations catholiques, comme
les républiques sud-américaines, l'Es-
pagne et — hélas — la France. Mais
nous avons le droit de nous demander
si M. Roosevelt ne serait pas un natio-
naliste à la mode anglo-saxonne; au-
trement dit, un impérialiste.
Beaucoup de nos amis sesontfaitpeut-
être de dangereuses illusions en refu-
sant de voir ce qu'il y avait d'inquiétant
dans certains écrits du président Roose-
velt; écrits que l'on a beaucoup discutés
il y a quelque temps. La persistance
avec laquelle le plus haut magistrat des
Etats-Unis s'essayait à réhabiliter l'idée
de guerre; l'énergie avec laquelle il
combattait les soi-disant lâches, faibles,
« flasques », coupables de penser trop
tôt à la paix universelle, étaient des
symptômes qu'il eût été sage d'étudier
sérieusement.
Et je trouve que la presse européenne
a trop aisément passé sous silence le
discours prononcé par M. Roosevelt,
ces jours derniers, à l'occasion de la
pose de la première pierre du collège mi-
litaire à Washington. Je n'en ai pas le
texte complet sous les yeux; si les dé-
pêches ont suffisammentrespectélesens
général de ce discours, avouons qu'il
constitue une manifestation relative-
ment grave.
Rappelons que le président s'est ex-
primé en ces termes :
C'est avec raison qu'on affirme que le plus
sûr moyen de provoquer un désastre national
est, pour un peuple, d'être opulent, agressif et
désarmé,
Que nous le voulions ou non, nous sommes
arrrivés à une époque où nous devons jouer un
grand rôle dans le monde. Il no nous appar-
tient pas de décider si nous le jouerons ou
non, mais si nous lo jouerons bien ou mal.
Ce que nous avons à faire est dons de le bien
jouer. ,
Les événements ont fait des Etats Unis une
puissance mondiale. La République a mainte-
nant des responsabilités en Occident et en Orient.
Sa voix en faveur de la paix et de la justice
doit être puissante.
C'est autre chose qu'une déclaration
Je guerre à l'Europe; c'est une déclara-
tion de paix armée.
Les nationalistes, s'ils prêtent l'oreille
aux paroles que nous venons de citer,
en tireront cette conclusion qu'il faut
augmenter nos armements. Leur rai-
sonriement ne sera logique qu'en ap-
parence. Le président Roosevelt, dans
le même discours, fait la très intéres-
sante remarque suivante :
Noire armée est petite par rapport à notre
population, et il n'est pas désirable qu'il en
soit autrement ; toutefois, il faut souhaiter
qu'elle soit aussi efficace qu'aucune autre.
Ces deux lignes permettent de saisir
la pensée « de derrière la tête » des im-
périalistes transatlantiques. Les Améri-
cains, excités cependant par des appé-
tits belliqueux, évitent l'erreur des ar-
mements exagérés. Ils savent que les
dépenses militaires écrasent l'Europe ;
ils ne nous envient aucunement notre
supplice ; leur paix armée ne res-
semblera en rien à celle que nous con-
naissons.
Le Soleil, dont les idées se rappro-
chent rarement de nos conceptions, par-
tage pourtant notre opinion sur les
eauses de la prospérité des Etats-Unis.
M. A. de Bonviller écrit :
La Jeune Amérique, qui n'a pas eu à sup.
porter depuis trente ans les lourdes changes
militaires des puissances europeennes. qui pos-
sède sur son propre territoire tout le blé, le
bétail, le fer. le charbon nécessaires à sa po-
pulation et à son industrie, se trouve dans un
état de supériorité considérable vis à-vis des
puissances européennes, qui sont obligées de
fecourir à ses bons offices pour subvenir à
l'alimentation de leur population et se procu-
rer les matières premières nécessaires à leur
industrie.
Qui donc serait assez fou pour nous
proposer d'augmenter encore l'avantage
de la concurrence américaine, en nous
imposant de nouveaux sacrifices militai-
res ? Il n'y a qu'une force qui soit ca-
pable de contrebalancer celledosetats-
Unis d'Amérique : c'eslla puissance des
Etats-Unis d'Europe, ou, tout au moins,
de la Fédération européenne, du Zoll-
verein européen. Choisissez le terme qui
vous plaira Io mieux : les trois expres-
sions représentent des formes variées
d'une seule idée.
Le Soleil, n'en doutez pas, se rend
parfaitement compte do la réalité des
choses. Il comprend la nécessité de sou-
mettre les diflérents Etats du vieux
monde aux lois d'une conscience supé-
rieure et collective. M. A. de Bonviller
regrette qu'une fois déjà — lors de la
guerre hispano-américaine — l'Europe
ait oublié de manifester sa force et sa
solidarité.
Point plus intéressant encore : le
Soleil cherche à savoir ce dont l'avenir
nous menace. Et il n'est pas éloigné de
croire à la possibilité d'un conflit, peut-
être à brève échéance, entre ces deux
grandes commerçantes : l'Amérique et
l'Allemagne.
Ici, notre confrère monarchiste ar-
rête ses déductions. Il sied de regretter
cette réserve. En cas de lutte armée en-
tre l'Allemagne et l'Amérique, quelle
devrait être l'attitude de la France?
L'écrasement de l'Allemagne, à la suite
d'une telle guerre, aurait comme résul-
tat de faire des Etats-Unis les souve-
rains de l'Océan. Et quel serait notre
rôle si nous offrions notre épée au
kaiser ?
Le cas de conscience serait un des
plus graves qui aient jamais troublé
l'esprit d'un peuple.
Non, non, il ne convient pas de se li-
vrer au cours des événements. Le de-
voir français, aujourd'hui, est de trans-
porter dans le domaine de la politique
internationale le principe du « bloc ».
Poussons les peuples qui ont des inté-
rêts communs à se réunir, à se serrer.
Et dans le « bloc » nouveau dont nous
parlons, nous serons bien placés pour
assurer l'hégémonie d'une volonté pa-
cifique.Car l'Amérique nous gêne moins
directement dans notre expansion in-
dustrielle et commerciale, qu'elle ne
gêne l'Angleterre et l'Allemagne.
Hugues Destrem.
L'ELECTION DES BUSSES-ALPES
La défaite de MM. Andrieux
et Fruchier désole les nationa-
listes. Ils l'attribuent à l'action
du préfet, M. Bascou. « La
meilleure preuve, disent ils,
que nos amis ont eu à subir
une pression officielle des plus
épouvantables, c'est que M. Combes vient
tout aussitôt, pour le récompenser, de
nommer M. Bascou préfet à Angoulême. »
Les nationalistes n'ont oublié qu'une
chose, c'est que M. Bascou était déjà préfet
des Basses-Alpes, lorsque les élections sé-
natoriales du mois de janvier ont eu lieu.
Et à ce moment, MM. Andrieux et Fru-
chier ont été proclamés élus. Le préfet,
puisqu'ils lui attribuent des actes de pres-
sion, avait dû les commettre à la première
élection comme à la deuxième. Pourquoi
donc ces actes n'ont-ils rien produit en jan-
vier et donné un excellent résultat au con-
traire, au mois de février ?
La vérité est que le préfet n'a rien fait du
tout. Seulement, MM. Andrieux et Fru-
chier avaient dû leur premier succès à une
fraude qui a fait invalider leur élection.
Les électeurs se sont ressaisis. Et M. An-
drieux, chef de liste, a perdu en 6 semaines
21 voix. Le département des Basses-Alpes,
très républicain, a vu en lui et en son com-
père M. Fruchier deux nationalistes qui
n'osaient pas avouer leurs véritables opi-
nions, mais que le Sénat a démasqués.
Le Temps a une autre appréciation : Les
électeurs bas-alpins, mis en présence de
nationalistes et de radicaux-socialistes, ont
voté pour des radicaux, c'est-à-dire pour
l'opinion intermédiaire Le Temps, lui aussi,
n'oublie qu'une chose : c'est que, s'il est
vrai que M. Gassier n'est qu'un républicain
à tendances radicales, M. Defarge est un
radical-socialiste. Il est inscrit à la Cham-
bre au groupe radical socialiste.
N'insistons pas davantage. L'élection des
Basses-Alpes est un succès pour les répu-
blicains et pour la politique de gauche. Nos
félicitations à Hubbard et à Tiribillot, qui
ont su pratiquer la discipline républicaine
sans aucune arrière-pensée, et à leurs élec-
teurs, dont pas une voix n'a manqué à MM.
Gassier et Defarge. — Ch. B.
ob-
TOUS BOUILLEURS !
Jeudi dernier, nous apprend le nouvelliste
(journal de l'arrondissement d'Avranches) du
21 février, les employés de la régie ont saisi,
daus les greniers de l'école des frères d'Avran-
ches, trois fûts d'eau-de-vie et un alambic.
On assure que 200 litres environ du même
liquide auraient été bouillis, sinon frauduleu-
sement introduits dans l'établissement en ques-
tion.
Les commentaires vont leur train et l'on
nous promet de curieuses révélations sur cette
saisie sensationnelle.
-*- --
CE QUE COUTE L'INSTRUCTION
AUX OFFICIERS PRUSSIENS
(De notre correspondant particulier/
Berlin, 23 février.
La librairie Millier et fils a depuis dos années
le monopole des publications militaires. Un
officier, qui garde, naturellement, i'anonymat,
se plaint dans le Vonvaerts que cette librairie
abuse de son privilège et empêche les officiers
pou fortunés de compléter leur instruction théo-
*rique. Ainsi. l'histoire do la guerre de 1870,
~rique. Ainsil, 'état-major, coûte 1aO fr. On vend
un petit memento do 58 pages 5 fr. A remar-
quer encore que l'éditeur ne paie aucun droit
d'auteur. tout lui élant fourni graluilement
par le ministère de la guerre.
- Cette plainte d'un officier anonÿffiô, publiée
dans un journal socialiste, a vivement im-
prfissiçûué les hauts personnages militaires.
A PROPOS
D'HUMANISME
L'humanisme. — Pierre de Bouchaud.
— Les Heures de la Muse. — L'art
antique. — Les Chants de la
Nature. - Près de la souf-
france. - Un « huma-
niste ».
Si nous en croyons le poète Fernand Gregh
elle critique Gaston Deschamps, qui ont publié
manifeste sur manifeslo, une nouvelle école
poétique est née. Pour les besoins d'une
jeune cause, ils ont exhumé une chose
très vieille : l'humanisme, et ils en proclamè-
rent l'avènement triomphal. Il y eut aussitôt
d'unanimes stupéfactions. M. René Douiuic,
dans la Revue des Deux Mondes, s'étenna quo
les auteurs de la formule nouvelle se fussont
attribué l'honneur do la découverte de l'idée et
du mot, qui sont séculaires. Il n'eut pas do
peine à prouver que toute la Renaissance et los
grands classiques du XVIIe, du XVIIIe et du
XIXe siècle — je n'en excepte pas Lamartine et
Hugo — s'étaient nourris de cet humanisme ;
que môme !a plupart des parnassiens et des
symbolistes en étaient encore imprégnés. En
résumé, il les sommait d'apporter « une idée
juste et une idée neuve », un programme bien
défini.
C'était, simplement, entre M. Gaston Des-
champs et M. René Doumic un malentendu
sur le sens du mot humanisme. Par huma-
nisme, 1\1. Doumic entend le culte d l'anti-
quité classique et l'inspiration qui dicta les
odes à Ronsard et los èglogues à Chenier.
C'est, à vrai dire, le sens communément a'.-
tribué au mot depuis qu'il existe. L'humanisme
est. au contraire, pour MM. Deschamps et
Gregh, un vague synonyme d'humanitarisme.
Je ne nie pas quo le mot ainsi traduit exprime
à merveille les tendances des poètes nouveaux,
depuis M. Maurice Magre jusqu'à Mmo la
comtesse de Nouilles et M Saint-Georges de
Bouhélier; le chef do file des « naturistes», ne
m en voudra pas si je l'étiquette moi-même
humaniste.
Ecoutons d'ailleurs M. Fernand Gregb, dans
son manifeste : « Nous voulons, a-t-il déclaré,
une poésie qui dise l'homme et tout l'homme,
avec ses sentiments et ses idées et non-seule
ment ses sensations, ici plus plastiques, là plus
musicales. Tous les grands poètes, en mémo
temps que des artistes, étaient des hommes,
c'est-à-dire des pères, des fils, des amants, dos
citoyens, des philosophes ou des croyants.
C'est de leur vie môme qu'étaient faits leurs
rêves. Poèles, chantons la vie: c'est notre
vraie façon,à nous,d'y collaborer.».Sans doute,
mais cet humanisme, — cette sorte d'numa-
nisme — a de tout temps existé : j'en appelle à
Hugo, à Lamartine, à SuIIy-Prudhomme. Puis,
il n'existe pas aujourd'hui, à proprement par-
ler. une école. Il y a de toutes parts, il en éclot
sans cesse, des poètes sociaux ou humains, ou
humanistes, sans qu'ils aient jamais songé à
grouper leurs efforts individuels. Enfin, je ne
sais s'il est permis, à propos d'humanisme, de
détourner un mot de son sens consacré et de le
travestir à la mode du jour.
Le culte de la Beauté
Mais c'est entendu : il y a plusieurs « huma-
nismes ». Si je voulais concilier et associer
en une formule celui, très antique, de Ron-
sard, de Chénier, et celui très moderne, de
M. Fernand Gregh, je dirais qu'il est, idéale-
ment, le culte de la Beauté dans l'Art et dans
la Vie. La poésie subsultante, fiévreuse plus
que passionnée, rare plus que bolle, qu'ont
mise à la mode certains poètes et maintes
poétesses,ne rentrerait sans doute qu'imparfai-
ment dans ce cadre, mais il n'importe.
Le poète qui aurait été le chantre classique
et fidèle de l'Art et de l'antiquité classique,éter-
nelle nourrice du monde, do la Nature, immu-
able divinité, de la fraternité et de l'amour
social, idée immortelles, serait un humaniste
parfait, hors de la mode et des écoles litté-
raires.
Je viens de lire le dernier recueil poétique,
les Heures de la Muse, de Pierre de Bouchaud.
Cela vient de paraître chez Lemerre, qui fut
l'éditeur des parnassiens au temps du parnas-
sisme. M. de Bouchaud n'est pas seulement un
probe et impeccable ouvrier du vers, c'est un
modeste créateur de Beauté et de Vie qui, loin
de la réclame et de l'encens inlerconfralernel
des chapelles, a élevé patiemment une œuvro
sincère et durable.Or l'idée maîtresse de cette
œuvre et par quoi on peut la définir et l'expli-
quer, si je l'ai bien démêlée au travers des
quatre volumes qui la composent : Rythmes et
Nombres, les Mirages, le Recueil des souvenirs,
les Heures de la Muse, — c'est co culte de la
Beauté dans l'art et dans la Vie que je disais
être la signification du meilleur des humanis-
mes. L'œuvre de M. de Bouchaud est, toute
entière, un monument érigé à la gloire. de la
Déesse et, en son honneur ; on y trouve des
invocations, dea hymnes et des prières, la
somptueuse évocation de ses rites essentiels,
toute une éthique, une règle de vie — et peut-
être, une métaphysique fondée sur l'idée de
Beauté.
L'art des anciens
Pierre de Bouchaud n'a de l'école parnas-
sienne ni la forme ni la marquo « confession-
nelle ». Dans ses odes, ses hymnes, ses balla-
des, ses stances vibrantes de lyrisme et d'émo
lion sacrée, il y a do l'enthousiasme et de la
flamme. Il n'a pas l'envergure du poète épi-
que, ni le souffle mesuré du descriptif impas-
sible: c'est un moderne amoureux d'hellénisme
et d'anliquité. Ce n'est pas un plastique à la
façon de Leconte de Lisle ou de Hérédia, miis
un humaniste. Peu de parnassiens ont eu de
ces rétrospectives tendresses pour Cypris ou
Diane, Minerve ou Vesta, peu ont eu comme
lui le sens de l'unité de la race latine, à tra-
vers les siècles et les époques d'art. Pierre de
Bouchaud a imaginé et célébré avec ardeur la
Grèce des poètes, qui est un bien joli mythe ;
et il rêve souvent de se fixer dans le « site en*
chanteur do niellas, au milieu des champs
blonds oil vibrent les cigales » - Il y a beaucoup
de convention classique dans tout cela. Et cer-
tes s'il avait prolongé plus que de raison ses
heures attiques, sa muse, à force d'adorer
l'immuable beauté et la sagesse d'un idéal-
marmoréen aurait perdu de sa grâce et de son
originalité, mais refaisant à nouveau le voyage
qu'entreprirent dans la Rome victorieuse les
artistes hellènes, il a visité l'Italie (Italiam,
Italiant), Et en lui s'est produite, à son insu,
celle étonnante transformation des civilisa-
lions païennes. Un peu de mysticisme chrétien
a teinté son dilettantisme grec. Au lype de
beauté froide el sereine de la statuaire grecque,
M. Pierre de Bouchaud substitue la beauté
humaine el douloureuse des peintres primitifs.
L'âme du poète s'émeut. Son impassibilité se
fond au chaud soleil italien,
Une pitié pour l'homme, compagnon des
mêmes chaînes, inonde son ecour.11 a senti pe-
ser sur lui le poids de la vie et se poser à son
esprit troublé l'angoissant problème des desti-
nées. C'est Id porte ouverte aux mélancolies et
aux rêves, ce sont les premiers émoÜ,l'meerti..
lude, le poème d'Eros.
Poésie pauthéistique i
Son ûoil s'ouvrant à la vie, Il a célébré la na-
ture et la valeur de cette partie de son oeuvre
est en ceci qu'il a senti et dit la poésie des
choses mieux encore qu'il n'en a vu l'aspect et
la nuance. Il a laêlé sou 4wq à l'àuie 4e 4
Nature et,sans qu'il ail une seule fois exprimé
l'idée de cette communion filiale, on la devine
à chacune des pages colorées de ses livres. Il a
dit les juscries, les joies, feâ caresses virgina-
les, les tristesses des lilas, bleus, blancs, pour-
pres et pâles; et autour de leur beauté frisson-
nanto, la complicité des sources qui murmu-
rent dans les halliers; de la nuit qui éloquem-
ment so tait; des rossignols et du vent qui
modulent leur plainte en détresse; des aylphes
qui dansent des rondes chimériques au clair
do lune. Beaucoup ne connaîtront jamais
l'exquisité do ces sensations, il faut avoir une
âme païenne, vaguemeot imprégnée de pan-
théisme, pour prêter aussi naïvement un cœur
et une âme à la tige et à la feuille, à l'insecte
et à l'oiseau. Or, M. de Bouchaud est «anti-
que » de tempérament et da superstitions. Il a
même aimé le symbolisme mythologique de
Pan et des chèvres-pieds, des naïades et des
nymphes. Dans les vers du poète, il y a tou-
jours une corne do faune qui jaillit du creux
d'un buisson où le dieu se dissimule, ou une
apparition, vite évanouie, de la Diaae pudique
derrière un taillis do roseaux.
P. de Bouchaud atteint enfin à la gravité au-
guste d'un Virgile quand il décrit la belle ré-
gularité do la vie et des travaux rustiques, la
coupe du foin, le travail puissant do la herse
« nivelant los vagues do la glèbe o, et la lâche
solennelle du bûcheron, Il convient de lire les
Heures antiques, ainsi que des morceaux clas-
siques par la puissanco sobre du « rendu » et
l'inspiration large et saine.
Apôtre de l'amour et de la justice
En lisant los premiers poèmes philosophiques
de P. de Bouchaud, j'avais souvent pensé au
socialisme et à la sagesso do Sénèquo. Celle
inspiration s'est, dans les heures de la Muse,
élargie el affermie, J'ai admiré Près de la Souf-
france" où dans quelques poèmes nobles de
forme et do sentiment, M. do Bouchaud se fait
le généreux apôlre de l'amour et de la justice
et réclame pour le pauvre plus de respect ot de
bonté.
a Ayant l'Effort pour pierre et pour chaux la
Pensée », il bâtit cette maison idéale, le bon lo-
gis où il conviera :
Tous les déshérités de bonheur ot d'amour,
Ceux qu'abreuve le fiel des rancœurs chaque jour,
Et que courbe le faix douloureux des misères ;
Ceux qui, do l'aube au soir, errant par les chemins,
Ne sentent pas leur coeur se dilater do joie,
Tous ceux qui vont, muets, sous te ciel qui flamboie
Et dont personne encor n'osa presser les mains
C'est à cause de ces caractères divers parmi
la profonde unité de tous ses recueils publiés
que j'appelais M. de Bouchaud : un humanistQ.
Et il l'étaitdéjà, avant que l'écolo humaniste
n'eût été fondée. Il reste encore des néo-huma-
nistes,le plus parfait et celui dont le talent le
plus robuste et le plus souple durera. Lui qui
no songea jamais à s'intituler humaniste sera
peut-être considéré par les générations futures
comme le maître des humanistes : n'ai-je pas
dit quo son œuvre, au probe et lumineux des-
sin, était hors des écoles et de la mode? C'est,
parmi tant de poèmes hâtivement pensés et
écrits, en vers libres ou libérés, expressions
d'une vie superficielle et maladive, un beau
marbre qui s'humanise aux souffles d'une vie
généreuse et saine.
Ch. ARMERET.
————————— ———————————.
J.-B. CLÉMENT
J.-B.Clément est mort hier matin à l'hôpital
Dubois. Avec lui, disparaît la figure la plus
sympathique et la plus populaire du socialisme.
Il était né à Boulogne sur-Seine, le 10 mai
1837. Il exerçait la profession d'ouvrier garnis-
seur en cuivre. En 1869 il collabora avec De-
lescluse à la Réforme. Sa campagne de presse
contre l'Empire lui valut une condamnation à
plusieurs années de prison. Il en sortit le 4 sep-
tembre et écrivit avec Vallès au Cri du Peuple.
Pondant l'insurrection communaliste il repré-
sentait Montmartre après avoir fait son devoir
dans les bataillons de marche. Ses années
d'exil s'écoulèrent à Londres. A l'amnistie, il
rentra dans Paris et continua jusqu'à sa mort
une merveilleuse campagne de propagande en
faveur du socialisme possibHislO,
Il fut la doux poète du Temps des cerises et
sa Muse a chanté l'ouvrier et les espérances des
améliorations sociales : la chanson du Semeur
si populaire est un pur chef-d'œuvra.
Cet infatigable ouvrier du socialisme ne con-
nut jamais d'ennemis. Sa bonne et loyale fi-
gure, tout illuminée de franchise, le rendait
sympathique à tous. Dans les réunions publi-
ques, sa parole énergique et simple, colorée de
poésie sentimentale, remuait les cœurs et for-
çait les convictions. Il était d'amitié sûre et fi-
dèle et si tous ceux qu'il a obligés l'accompa-
gnent à sa dernière demeure, ses obsèques se-
ront grandioses dans la simplicité de la céré-
monie purement civile qui aura lieu mercredi
matin.
Il est assis désormais dans l'histoire à côté de
Blanqui et do Joffrin et c'est en suivant son
exemple que nous pleurerons sa mort.
Docteur A. MESLIER,
Député de Io Seine.
Les obsèques
Les obsèques auront lieu après-demain jeudi,
à 3 h., à l'hôpital Dubois, 27, rue de l'Aque-
duc. Une souscription a été ouverte sur l'ini-
tiative du docteur Meslier, parmi les députés
socialistes pour l'achat d'une couronne à dé-
poser sur le cercueil du défunt.
00.
UNE ÉGLISE QUI RAPPORTE
(De notre correspondant particulier)
Naples, 23 février.
Il y a quelques jours, M. Paoli Descorli, qui,
depuis des années, était loueur de chaises à
l'église de Sainte-Brigitte, est mort sans laisser
d'héritiers directs. Les parents du vieux céliba-
taire viennent d'être prévenus par les autorités
qu'ils allaient hériter d'une fortune do 500,000
francs.
LE COMBLE DE LA DIPLOMATIE
(De notre correspondant particulier)
Constantinople, 23 février.
On se raconte un véritable coup de génie de
Munir bey, ambassadeur do Turquie à Paris,
qui récemment est venu à Constantinople. Sa
position était sériousoment ébranlée, à cause
de l'échec que le gouvernement ottoman a es-
suyé dans l'affaire de l'inhumation de Mah-
moud Pacha. On voulait faire expier à Munir
bey une faute dont il n'était pas coupable,
ainsi que c'est l'habitude en Turquie. Mais le
rusé diplomate a sa prévenir le coup. Il a de-
mandé tout simplement une audience au sul-
tan et là, d'un air contrit, il s'est accusé d'avoir
agi dans l'afttire Mahmoud Pacha sans avoir
attendu les instructions de Constantinople.
Sans doute, ajouta-L-il,totis ces désagréments
auraient été évités, s'il s'était réglé sur les sa-
gos conseils venant du Palais.
Çorutae Jjéaûcûiip d'autres m ltlQrqtiÓ Ab-
dul-Hasnid pardonne plus fac^emcut.los fau-;
tes des autres que celles qu'il a commises- lui-
même.. Il fut enchanté de découvrir que M.
n'était pas lui qui avait commis la bévue, mais que
c'était Munir bey. Et l'ambassadeur ottoman à
Pria Çgl aujourd'hui plus en grâce que jamats.
UN MONUMENT
A FROMENTIN
CHEZ M. W. BOUGUEREAU
Le peintre écrivain. — La souscrip-
tion. — A La Rochelle. - Les œuvres
littéraires de Fromentin. -- Son
caractère. — Tâche difficile. — On
demande un milliardaire. — Ap-
pel au Tout-Paris littéraire.
— Le soleil, roi des peintres.
Un comité s'est formé, on se le rappelle, pour
élever par souscription un monument à Eu-
gène Fromentin, io peintre do la vie et des
paysages algériens, qui fut aussi un écrivain
do haute valeur.
< Au moment où le musée du Louvre vient de
s'enrichir, par la générosité de M. Thomy-
Thierry,ot entre autres chefs-d'œuvre, de deux
nouvelles toiles de Fromentin : Halle de cava-
liers et la Chasse au faucon, il nous a paru in-
téressant d'aller nous enquérir du pJiol où en
est actuellement la souscription pour le monu-
ment Fromentin, auprès du président du co-
mité, qui n'ost autre que M. W. Bougucreau,
le célèbre peintre, président de la Société des
Artistes français.
Nous nous sommes donc présenté rue Notro-
Dame-des-Champs, l'éminent artiste nous a re-
çu dans son alolier, avec la meilleure grâco du
monde. M. Bouguereau a bien voulu môme
interrompre un instant en notre faveur une
jolie élude de jeune fille drapée à l'antique, à
laquelle il travaillait.
Où en sont les choses
- Vous venez, nous dit-il, pour nio demander
où en est la souscription pour le monument Fro-
mentin. Ma foi ! les choses ne sont pas encore très
avancées,quoique,je me hâte de le dire les premiers
pas soient faits et que nous soyons pleins d'ospoir
et de confiance.
Nous n'avons encore pour ainsi dire qu'ébauché
les grandes lignes du projet ; nous no pourrons ar-
rêter le programme définitif de la fête qui aura
liou à la Rochelle que lorsque nous aurons réuni
une somme assez importante pour élever à Fro-
mentin un mouiuucnt digne de lui et digne de l'art
français.
Nous avons cependant déjà, en peu de temps,
recueilli des fonds respectables; la ville do la Ro-
chelle a voté une subvention, un sous-comité vient
do se former à Alger, mais, comme je vous le dis,"
nous voulons faire quelque chose de grand, et pour
cela il faut que Paris adopte notre projet. Fromen-
tin n'est pas le premier venu, que diable! Il y va
de l'intérêt de nos gloires nationales, et j'ajouterai
que le monde des lettreq y est aussi intéressé que
le monde des arts, puisque Fromentin est aussi
illustre comme écrivain que comme peintre.
Les uns prétendent même qu'il est plus grand
comme écrivain ; les autres lui trouvent plus de
talent comme peintre. Je serais plutôt de ces der-
niers ; il est vrai que je suis do la partie, ajoute
l'artiste en-souriant. Néanmoins, celui qui a écrit
les pages si colorées et si pittoresques (c'est lo
mol) d'Un été dans le Sahara et d'Une année dans
le Sahel, ces livres si attachants, extraits en
grande partie des lettres qu'écrivait Fromentin à
ses amis, et qui renferment des descriptions do
toute beauté ; le critique à qui nous devons cet
admirable livre les Maîtres d'autrefois, aussi re
marquable au point de vue littéraire qu'au point
de vue do la compétence spéciale de l'auteur ; lo
romancier qui nous a laissé Dominique (et M.
Bouguereau nous montre sur sa table de travail le
roman do Fromentin qu'il est en train de relire" ,
Dominique, qui est, d'après l'expression do M.
Gustave Lanson, « une des œuvres excellentes du
roman contemporain », celui là occupe dans no-
tre littératuro une place des plus honorables, et
c'est un devoir pour tous los littérateurs de lui
rendre un hommage éclatant.
L'homme
Fromentin n'était pas moins digne d'estime par
son caractère que par son talent. Je l'ai connu,
nous sommes compatriotes. On retrouvait en lui
les mêmes qualités, pour ainsi dire, qui rendent
son œuvre aimable. On avait pour lui beaucoup
d'affection dans la monde artistique, à cause de
sou affabilité et da sa bienveillance pour les dé-
butants.
A tous les points de vue, Fromentin est un artiste
de valeur, par son talent délicat et souple, par sa
passion pour la couleur, par sa sûreté de juge-
ment et sa sagacité. Mais ce qui reste le plus ex-
traordinaire c'est qu'il ait su se faire admirer
également dans des genres aussi différents (au
point de vue de l'exécution tout au moins] que la
peinture, la critique et le roman.
Un mauvais moment
Ce n'est pas une petite affaire que de présider
un comité. Cola m'est arrivé plusieurs fois déjà, et
je sais par expérience que c'est une tâche difficile
et pleine de respoasabililés. Ce qui nous a beau-
coup nui, voyez-vo'is, c'est cette misère des pê-
cheurs bretons, qui a concentré sur elle, cela n'est
que juste, d'ailleurs, toute l'attention do Paris et
de la France. Je trouve qu'on a parfaitement rai-
son de faire appel & toutes les bourses ot à toutes
les bonnes volontés pour soulager la détresse des
marins qui souffront do la faim, mais, comme ar-
tiste et comme président du comité Fromentin,
je dois reconnaître que cela nous a beaucoup nui.
Aussi attendrons nous un certain temps avant de
« lancer » définitivement la souscription. C'est
une question vitale. Cependant nous ne nous en-
dormirons pas sur nos espérances.
Parmi les nombreuses adhésions que nous avons
reçues, je vous citerai seulement celle do M. Rou-
jon, notre vice-président, qui, en sa qualité de di-
recteur des beaux-arts, sera sans aucun doute pour
nous un auxiliaire des plus précieux.
Si nous étions en Amérique 1
Ah ! si nous avions ici des milliardaires, comme
aux Etats Unis, des gens qui pussent nous donner
sans se g¡\uer un petit million ! Nous n'en deman-
dons pas tant, heureusement, et nous espérons un
peu que, parmi nos riches colloctionneurs, qui sont
aussi des amateurs éclairés et de chauds amis de
l'art français, il s'en trouvera pour verser dans
notre modeste tirelire une obole princière.
Mais, je vous le répète, nous comptons beau-
coup sur l'appui du Tout-Paris littéraire, qui se
fera un devoir agréable de fêter lo peintre écrivain.
Au lieu de discuter pour décider (si faire se peut)
dans quel art Fromentin est la plus remarquable,
ne vaut-il pas mieux que tous s'unissent pour ren-
dre hommage à l'artiste, qui fut avant tout lui.
même ?
Et comme nous prenons congé, en nous excu-
sant d'avoir interrompu notre hôte dans son
travail, M. Bouguereau nous répoud avec cor-
dialité :
— Vous m'excuserez, n'est-ce pas, de ne pas vous
retenir plus longtemps ? Il faut profiter du beau
temps qui ne nous a pas gâtés jusqu'à présent. Ah
nou! il ne nous a pas gâtés, ot profitons vite de ses
faveurs 1 nous autres, nous sommes à la merci du
soleil,si vous saviez quelle merveille c'est pour nous
que la lumière! Nous ne pouvons rien sans leur
concours et il n'est pas un chef-d'œuvre de nos
maîtres auquel n'ait collaboré ce père de toute vie
et de toute beauté, le soleil 1
HENRI ALLORGE.
LA QUESTION MACÉDONIENNE
Constantinople, 23 février.
Cet après-midi, Tewfick pacha, ministre
des affaires étrangères, a informé le baron de
Calice, ambassadeur d'Autriche-Hongrie et
M. Zinoview, ambassadeur do Russie, que le
sultan a accepté los mesures proposées par
leur melLoraodulD,
Sofia, 23 février.
Les rûôâtiféâ prisas par le gouvernement
bulgare à l'égard des comités macédoniens
gpnt beaucoup plus sévères qu'on ne l'avait
dit tout d'abord.
C'est los fonds des comités, dépo-
sés dans Ici banques, ont été mis sous séques-
tre et fftfè làbv1 les papiers et documents divers
de l'organisation macédonienne sont saisis et
~placés sous scellés^^ ^'altitude du cabinet DMoB
Athènes, 23 février..
Les comités panhellénisles s'agitent.
Des bandes grecques se forment ea Thessa-
lie pour pénétrer on Macédoine en cas de sou-
lèvement bulgare et défendre les populations
grecques si nombreuses sur los côtes,principa*
lemont en Chalcydique et à Seres.
Constantinople, 23 février.
Sur la proposition du ministèredela marine,
un iradé impérial prescrit la formation d'une
commission spéciale pour la surveillance des
travaux de réfection des 8 bâtiments qui seront
transformes.
LA POLICE VEILLE
Nous avons récemment signalé l'envahisse
ment incessant des rues parisiennes par les
publications pornographiques et spécialement
par les cartes postales illustrées.
Il est inconcevable quo l'on puisse tolérer
plus longtemps les scandales do ces jours der-
niers. Que fait donc la police, et quo fait le
président do la Ligue contre la licence des
rues? Nous avons constaté l'ouverture, sur los
grands boulevards de plusieurs boutiques où l'on
vend en ploin air, pour ainsi dire, des cartes
postales imagées de photographies d'une obscé
nité répugnante ou do sales dossins. Les bou-
tiques sont toujours ouvcrLe" et les cartea
postales s'enlèvent. Voici des commerçants qui
feront fortune en quelques jours.
La police veille, dit-on. Non. Car si elle
veillait, elle ne tolérerait pas l'offre eu public-
d'illustralions dont plusieurs déjà ont été sai-
sies et ont valu à leurs vendeurs des condam-
nations correctionnelles.
Mais voici où la culpabilité de ces traR-
quanls d'un nouveao genre s'aggrave. Dans
une des boutiques dont il s agit, on a ajouté à
l'étalage des cartes postales obscènes, une pe-
tite vitrine contenant dos préservatifs à l'usage
des deux sexes. Ils ne sont point enfouis dans
des boîtes, i:s sont étalés à tous tes regards, et
ajoutent encore à l'immoralité du lieu..
Tout cela ne peut pas durer. Dopuis quelques
années la pornographie sévit el se développa à
Paris dans des proportions considérables. C'est
comme uu chancro mauvais qui chaque jour
grossit et étend plus profondément ses ra-
cines.
M. Vallé paraît disposé à sévir. C'est très
bien d'avoir de bonnes dispositions, mais c'est
beaucoup mieux encore de les mettre à exécu-
tion.
«MB—MMB—B—^■BB———B|
Voir à la 30 page
les Dernières Dépêches
de la nuit et
la Revue des Journaux
du îxiatirx
M. COPPÉE ET LE FISC
Le manuscrit du « Luthier de Cré.
mone D. - Le comité adjudica-
taire — M. Coppée paiera.
La petite cérémonie, annoncée depuis quel-
quos jours par M. François Coppée, a eu lieu
hier.
Le grand poète nationaliste a mis en vente
chez lui la manuscrit du Luthier de Crémonet
accompagné dos différents papiers timbrés dont
l'administration des contributions l'a gralifiét
en réponse à son refus momontané de payer
l'impôt.
Quelques amis assistaient à la fête. L'an
d'eux a naturellement prononcé un petit speocb.
L'orateur a célébré avec chaleur les qualités de
celui qui, dit-il, s'est offert aux coups de la
réalité, brutale, pour Dieu et la Liberté.
Un comité de dames s'était formé, qui a réuni
la somme de 4,400 fr. C'est la somme en
échange de laquelle a été adjugé le manus-
crit au comité tout entier, un tirage au sort a
eu lieu, pour désigner l'heureuse propriétaire
déUnitive.
M. Drumont a ensuite prononcé quelques
paroles, pour remercier M. Coppée de la cordia-
lité de sa réception, et du caractère d'intimité
qu'elle revêtait, et il a porté un toast en son
honneur.
Les 4,400 fr. produit de l'enchère, augmen-
tés d'un don personnel do M. Coppée, seront
distribués par ses soins, entre des œuvres cléri-
cales.
Demain, M. François Coppée, de ses deniers
particuliers, paiera sos impôts, augmentés des
frais (193 fr. au total).
Tout est bien, qui Unit bien.
4>
Arrestation d'un magistrat russe
(De notre correspondant particulier)
Saint-Pétersbourg, 23 février.
On vient d'arrêter un magistrat nommé
Poussen, à Astrakhan. Il est accusé d'avoir as-
sassiné, en prison, Mlle Beocauou, la belle can-
tatrice roumaine, qu'il avait fait arrêter soua
la fausse accusation de vol.
1 ♦ i ■
MAIN MISE DE L'ALLEMAGNE
SUR LES CHEMINS DE FER LUXEMBOURGEOIS
(De notre correspondant particulieri
Berlin, 23 février.
Le Reichstag a été appelé à ratifier le traité
aux termes duquel l'administration impériale
des chemins do fer de l'Alsace-Lorraine a pria
en fermage les lignes de la Compagnie des
chemins de fer luxembourgeois Wilhelm, ainsi
que les lignes de raccordement des vallées do
Duedelingue et de Ruemelingue. Comme prix
de fermage, il sera payé 3.866.400 fr. par an.
Une clause spéciale exige une neutralité com-
plète. Il est interdit, même en temps de paix.
de transporter des troupes ou du matériel
de guerre sur les chemins de fer luxembour-
geois.
EN L'HONNEUR DU PRÉSIDENT MAGNAUD
Nous avons annoncé qu'en comité s'est forme
pour offrir au président Magnaud un buste ea
marbre.
Nous recevons à 09 propos la lettre suivante :
Monsieur le Directeur,
Sous le titre « Indiscrél ion », le Rappel da
22 février publiait un article signalant l'exis-
tence d'un comité formé en vue d'offrir au
président Magnaud son buste en marbre.
Votre collaborateur, (qui parait d'ailleurs
fort bien renseigné), a parfaitement raison. Ce
comité existe, en effet, depuis quelques mois
déjà, et si son action est restée ignorée, c'est
qu'il entrait dans ses intentions de conserves
à la souscription ouverte un caractère intime.
C'est pourquoi toute communication à la Pressa
avait été soigneusement évitée.
Cependant l'œuvre d'un artiste ne peut res-
ter longtemps ignorée, et comme il était à pré-
voir, notre secret a flni par être surpris.
Le Rappel annonce môme qu'une grande ma-
nifestation populaire se prépare pour le jour de
la remise du buste au président, et que toua
les souscripteurs y seront invités.
Eh bien oui, les membres du comité d'initi:L. -
tive ont l'intention de préparer cette manifes-
talion, et permettez moi de vous dire que l'iap
discrétion commise vient à son heure. Mainte-
nant que nos projets sont connus, il faut qUI
la maïUftttaliQo annoncée en ftureur de In j'l'"
ftPft
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.16%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.16%.
- Auteurs similaires Chambre des Comptes Chambre des Comptes /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=dc.subject adj "Chambre des Comptes "Manuscrits de l'Université de Montpellier (Bibliothèque Universitaire Historique de médecine). Recueil des manuscrits de Samuel Guichenon. Volume 7 /ark:/12148/bpt6k15570354.highres Manuscrits de l'Université de Montpellier (Bibliothèque Universitaire Historique de médecine). Recueil des manuscrits de Samuel Guichenon. Volume 22 /ark:/12148/bpt6k15570517.highresCabinet des Titres Cabinet des Titres /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=dc.subject adj "Cabinet des Titres "
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7572389z/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7572389z/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7572389z/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7572389z/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7572389z
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7572389z
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7572389z/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest