Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-02-21
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 février 1903 21 février 1903
Description : 1903/02/21 (N12034). 1903/02/21 (N12034).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75723859
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
CINQ CENTIMES la NumêroT
PARIS & DÉPARTEMENTS
ï-e> Numéro; CINO CENTIME»
-
;;r ANNONCES. ;
AUX BUREAUX DU JCJRNAL ;
rue chez MM. LAGRANGE, CERF & CIl
6, place de la Bourse, 6.
ess. Télégraphique : XIXe SIÈCLE — PARIS
tj -r— ~NTS
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N* 12034. - Samedi 21 Février 1903
3 VENTOSE AN 111
ADMINISTRATION ; 14, rue du Mail
Adresser lettres et mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
InlnlniBS-Dnll
Un confrère républicain et socialiste
me disait hier :
— Il y a un évêque que je voudrais
voir à la Chambre.
- Lequel ?
- Monseigneur Korum. Sa présence
serait fort utile les jours de scrutin par
appel nominal. -
Le calembour était détestable. Il avait,
d'ailleurs, quelque chose d'obscur à
l'heure où on me le communiquait, car
j'ignorais totalement l'existence d'un
évêque porteur du nom parlementaire
de Korum.
Ce prélat n'a pourtant rien de my-
thique. Il gouverne les catholiques de
la ville de Trêves. On pourrait même
dire qu'il les tyrannise. Comme on le
verra par une dépêche que nous publions
plus loin, il vient d'interdireaux jeunes
filles soumises à sa direction de fréquen-
ter l'école de filles non confession-
nelle.
L'archevêque de Paris, qui se mêle
pourtant trop souvent de ce qui de-
vrait lui rester étranger, n'a pas encore
osé mettre à l'index, officiellement du
moins, les écoles laïques.
La décision prise par l'évêque Korum
a paru si excessive que le parti national
libéral de la Chambre prussienne s'est
ému et que le ministre des cultes va
être interpellé. Or, pour que les na-
tionaux-libéraux — assez réactionnaires
de tempérament — consentent à s'of-
fusquer d'un scandale clérical, il faut
qu'ils soient vigoureusement poussés
par l'opinion publique.
Depuis le jour où le gouvernement
allemand capitula devant la puissance
catholique; alla, suivant l'expression
fameuse, « à Canossa », et abandonna
le Kulturkampf, la force et l'audace du
parti catholique se sont développées
dans des proportions effroyables. Les
socialistes allemands , qui , dans leur
dernier congrès, ont refusé de s'occu-
per de propagande anticlélicale, met-
tant la religion au-dessus de toute dis-
cussion et la déclarant Privat-sache —
affaire personnelle, privée — peuvent
s'accuser aussi des proportions que
prend dans leur pays le péril romain.
Avec ou sans le gouvernement, avec
ou sans les socialistes, nos voisins d'ou-
tre-Rhin finiront bien par se débarras-
ser du joug que les papistes prétendent
leur imposer.
La dépêche qui nous rend compte de
la « pastorale » de l'évêque Korum, si-
gnale un vote de la Diète de Brunswick.
Cette diète a résolu à l'unanimité de
prier le gouvernement de voter, au con-
seil fédéral, contre la rentrée des jésui-
tes en Allemagne.
La Diète de Brunswick pourrait se
convaincre, par l'exemple de l'évêque
de Trêves, qu'il est relativement peu
important pour un peuple d'ouvrir ou
de fermer ses portes aux jésuites seuls.
Une tradition du dix-huitième siècle
fait des jésuites un épouvantail que l'E-
glise manie à son avantage.
Quand une nation, lasse d'être oppri-
mée par le cléricalisme, manifeste une
trop ardente indignation, on la calme
en la laissant chasser les jésuites.
Ceux-ci partis, la congrégation- que
la perte d'une association religieuse
unique n'a guère appauvrie — continue
son œuvre. Il faut expulser toutes les
congrégations, il faut réglementer sé-
vèrement le régime des cultes, si l'on
tient à échapper au danger clérical.
A une époque où- la force de l'argent
pèse sur la société d'un poids terrible,
il sied de considérer comme extrême-
ment redoutable un ennemi très riche.
Or, les richesses de l'Eglise sont incal-
culables.
Que dites-vous de l'aisance avec la-
quelle le pape fait annoncer qu'à l'oc-
casion de son jubilé pontifical, il don-
nera un demi-million à des instituts re-
ligieux et de bienfaisance. On publie le
détail des largesses pontificales: 200.000
francs à la Propagande, qui a déjà reçu
du pane un million ; 100.000 francs aux
pauvres de Rome ; 100.000 aux œuvres
catholiques de bienfaisance et 100.000
à l'Observatoire du Vatican.
A l'exception de la somme attribuée
aux pauvres de Rome, il est permis de
dire que « ce qui vient de la flûte re-
tourne au tambour ». Nul n'ignore que,
depuis l'appauvrissement du denier de
Saint-Pierre, la générosité des congré-
gations est à peu près seule à alimenter
le budget du Vatican. De sorte qu'on
tic- peut considérer sans ironie le Saint-
Père distribuant des aumônes à la con-
grégation, laquelle, justement, tient les
cordons de la bourse. Disons, si vous
voulez, que c'est un prêté pour un
rendu. Ou bien, tirons la morale de l'a-
necdote, en observant que les pètits
cadeaux entretiennent l'amitié.
— Mais, dira-t-on, vous avez tort de
plaisanter : il s'agit d'argent destiné à
l'exercice de la charité et au soulage-
ment des pauvres.
Ah ! les charités religieuses coûtent
cher à la naïveté des peuples. Si les
flots d'or engloutis par les congréga-
tions servaient à l'extinction du paupé-
risme, il y a longtemps que la misère
aurait disparu de la surface de la terre.
Que les cléricaux -- h reconnaissent ou
non, les nations feraient une sérieuse
économie en socialisant; en laïcisant, si
vous le préférez, tous les services d'as-
sistance publique.
Avant de témoigner de la reconnais-
sance aux moines, que les pauvres son-
gent à toutes les réformes sociales que
la République n'a pu encore réaliser,
grâce notamment à la résistance des
cléricaux.
Chaque défaite essuyée par le cléri-
calisme est une victoire pour le parti
des citoyens les plus nombreux et les
moins fortunés : pour la démocratie.
La charité de l'Eglise vaut sa tolé-
rance ; et jugez de la qualité de sa tolé-
rance par le féroce interdit que jette
l'évêque de Trèves aux écoles non con-
fessionnelles.
Hugues Destrem.
INTERNATIONALISME CLÉRICAL
Les nationalistes et les mo-
dérés n'arrivent pas à com-
prendre comment on s'est per-
mis d'interdire la circulation
en France du journal clérical
belge le Pays Wallon. Nos dé-
partements du Nord étaient
envahis par les éditions successives de
cette feuille qui apportait, paraît-il, un
concours précieux à la propagande des
Croix, des Pèlerins, et des autres organes
ultramontains.
On a été vraiment cruel de priver nos
cléricaux d'une aide qu'ils n'hésitent pas
à proclamer efficace, presque indispensa-
ble à leur cause.
Il est vrai, nous accorde le Temps « que
dans ce même département du Nord qu'on
veut soustraire aujourd'hui à la lecture
pernicieuse d'un journal clérical belge, on
avait interdit un autre journal, belge aussi,
mais socialiste et révolutionnaire, celui-
là ».
Alors, de quoi se plaignent les modérés ?
Ils ne peuvent prétendre que la Républi-
que ait deux poids et deux mesures.
« On a voulu, sans doute, reprend le
Temps, par application du principe d'équi-
libre, frapper à droite après avoir frappé à
gauche. Et c'est de quoi nous doutons
fort qu'il faille se féliciter. »
Le Temps, réflexion faite, se rallie au
principe de la suppression des frontières
en matière d'opinion. Lui qui ne voit pas
dans l'anticléricalisme un article d'exporta-
tion, il admet très bien l'importation du
cléricalisme. Comme il accepte aussi — du
moins en principe : en pratique, il faudrait
voir—l'invasion des idées révolutionnaires,
il n'y a rien à lui reprocher, au point de
vue de la pure logique.
Mais pourquoi expose-t-il sa thèse si
libérale le jour où l'on frappe une feuille
ultramontaine, après s'être tu quand on
s'en prenait à une gazette socialiste ?
Quant aux purs nationalistes, je me de-
mande de quel droit ils osent crier? Ils
poussent des hurlements quand les jour-
naux étrangers, destinés à être lus seule-
ment à l'étranger, s'occupent de politique
française. Et ils souhaitent, contradictoire-
ment, que certaines feuilles belges endoc-
trinent nos populations flamandes ?
Qu'ils se mettent d'accord avec leur pro-
pre doctriae. Après, nous discuterons. —
Ch. B.
LES fflâBQUiS DE L'ALAMBIC
Que pensez-vous de ces députés qui, appar-
tenant à la majorité ministérielle et représen-
tant des régions où les bouilleurs de cru ont
la prépondérance, se sont réunis pour discu-
ter « sur le point de savoir si par représaille
contre les mesures proposées par le gouverne-
ment relativent aux bouilleurs décru, on com-
battrait le ministère au point de vue poli-
tique » ?
La réunion ayant, comme on dit on style de
conférence Molé, adopté la négative, ce que
je dis, bien entendu, ne s'applique point aux
trente qui, sur l'initiative de MM. Cornet et
Paul Meunier, ont conféré sous la présidence
de M. Cliapuis, mais seulement à ceux d'entre
eux qui ont soutenu l'affirmative. Que vous
semble do ceux-là ? Que pensez-vous des con-
victions républicaines de ces messieurs ?
Moniroz-leur la situation telle qu'elle est,
avec ses périls, avec ses responsabilités, avec
ses devoirs ; ils vous répondront : a Mais les
bouilleurs de cru, messieurs l » — Il im-
porto de no pas désagréger le bloc; plus que
jamais la cohésion des forces républicaines est
nécessaire,.. - Mais, les bouilleurs!. —N'est-
il pas indispensable que le gouvernement ac-
tuel reste au pouvoir pour régler l'affaire des
congrégations?.. — Mais, les bouilleurs!.
- Et l'œuvre de relèvement financier, si éner-
giquemenl entreprise par M. Rouvier, et qui a
déjà donné de si beaux résultats?. — Mais,
les bouilleurs!. - Et l'œuvre de démocrati-
sation militaire si courageusement poursuivie
par le général André?. — Mais, les bouil-
leurs 1.- El l'œuvre de laïcisation scolaire que
M. Chaumié est en train d'achever?. — Mais
les bouilleurs!.
C'est la « tarte à la crème » de ces marquis
do l'alambic. Volontiers, parodiant un mot
célèbre, ils s'écrieraient : — Périssent les ré-
formes démocratiques et le progrès; périsse
la République ; périsse la France, plutôt que
l'alambic ! --
L'alambic est tout pour eux. L'alambic est
le pivot do leur politique. Tout leur programme
tient dans l'alambic. Pour étendard, ils ont
l'alambic. Et vous comprenez bien que ce mot :
l'alambic, exprime le souci de leur réélection,
seule chose, en rÓatilé, qui leur importe, et à
laquelle ils sacrifieraient tout. Que voulez-vous?
c'est toujours la lutte misérable, honteuse, des
intérêts particuliers, des égoïsmes individuels,
contre les intérêts généraux. Ne sied-t-il pas
d honorer grandement ceux qui tiennent tête
à la meute furieuse de ces cyniques intérêts,
de ces égoïsmes exaspérés, au nom de la Ré-
publique et de la patrie ? Si le gouvernement
succombait grâce à de telles manœuvres, quel
honneur pour lui, quelle ignominie pour ses
vainqueurs! Mais il ne tombera pas. - L.
V,-M.
A LA CHAMBRE DE COMMERCE
La Chambre de commerce de Paris nous com-
mnniquo la note suivante :
Les allégations reproduites par certains jour-
naux et visant la gestion financière du directeur
de l'Ecole des hautes-études commerciales sont dé-
nuées de tout fondement.
Le directeur n'a, en aucune façon, le maniement
des fonds versés à l'école à un titre quelconque, la
gestion flaanoière étant sous le contrôla de la Tré.
saifidl&ta filttnfett. 49 wsÈwsh crJ.;
PROH 1 PUDOR 1
L'œuvre de Jean Macé. - Les bons
points laïques et les bons points con-
gréganistes. — Conception de la
chasteté dans les catéchismes. —
Le tentateur.
La Ligue de l'enseignement venait à peine
d'être fondée que do nombreux adhérents,
groupés autour des représentants les plus il-
lustres de notre démocratie, surgissaient de
tous côtés, prêts à porter la bonne parole dans
nos plus petites écoles de vil!age.
L'œuvre est trop connue pour y insister.
Jean Macé était l'apôtre du nouvel évangile
et nous eûmes, parmi tant d'autres, l'insigne
honneur d'être nn de ses plus humbles dis-
ciples.
Ces relations sont lointaines; mais elles
nous semblent dater d'hier, et nous ne saurions
oublier l'empressement avec lequel le maître
regretté nous aidait de ses conseiIs,quand nous
entreprîmes, avec le concours de quelques
amis, de doter l'un des cantons de la Basse-
Normandie d'une Société du Sou des Ecoles,
dont l'un des moindres bienfaits fut de propa-
ger ces excellents bons points qui, outre leur
valeur fiduciaire, popularisaient soit une in-
vention utile, soit les traits d'un grand hom-
me, soit un fait historique développé en une
courte notice, dont l'auteur ne se départissait
jamais de la morale la plus sévère.
Nous n'étions certes pas exclusifs et peu
nous importait alors d'où sortaient les petits
enfants qui venaient à nous. Grande fut donc
notre surprise quand nous sûmes que, par
ordre, tous les congréganistes repoussaient les
libéralités qui leur étaient offertes.
Nous ne tardâmes pas à apprendro que ce
n'était pas seulement le bon point qui était
suspect, mais le donateur, dont la mission ne
pouvait être que maçonnique, comme son
auguste personne, et viciée, par suite, ea ses
diverses manifestations.
Les élèves dos écoles laïques furent seuls dès
lors à bénéficier de nos largesses.
Un bon point. instructif
Il faut croire néanmoins que l'innovation de
Jean Macé porta ses fruits. Aux bons points,
sans légende, dont ils usaient généralement,
les congréganistes substituèrent pou à pou des
types nouveaux, mais agrémentés de maxi-
mes éminemment suggestives qui, de l'école,
sont passées à l'église sans que la censure épis-
copale s'en soit, le moins du monde, effarou-
chée 1 Nous ne connaissons pas tout le réper-
toire, mais un père de famille vient de nous en
communiquer un échantillon dont los lec-
leurs du Rappel n'ont assurément pas la pri-
meur. — Abuno disce omnes.
De l'austère pudeur les bornes sont passées !
a dit le poète. Le spécimon dont nous donnons
le texte a été récemment remis à un enfant du
catéchisme de la basilique de Saint-Gervais et
Saint-Protais d'Avranches par le vicaire char-
gé de sa préparation !
Il comporte une question et une réponse
auxquelles nous n'avons garde de rien chan-
ger :
« D. — Combien y a-t-il de chastetés ?
« R. — Il y en a trois sortes : celle des
« vierges, celle des veuves et celle des person-
« nes mariées. La plus parfaite est la chasteté
« des vierges ou la virginité. »
On ne nous dit rien de ,la chasteté des abbés,
qui a pourtant bien son mérite ; c'est, il faut
le reconnaître, une très regrettable lacune !
Et voilà ce haut enseignement moral dont
nous parlait M. Combes avec une complai-
sance nuelrme nou exasrérée 1
-- Nous nous demandons quel état d'âme révèlent
des distinguo qui germent ainsi dans l'imagi-
nation de ces professeurs ensoutanés,de morale,
hystérique auxquels tant de mères de famille
laissent si imprudemment le soin de former
l'esprit elle cœur da leurs fille31
Une institutrice laïque rougirait de lire, à
haute voix, un pareil billet ; le clérical n'a pa3
de ces scrupules et parfois même - sans t ecourir
à son « DE REBUS VENEREISJ il sait, en de trans-
parentes comparaisons, aborder les situations
les plus saugrenues.
Ah ! qu'en termes galants ces choses-là sont mises!
Un extrait édifiant
Celui qui se préoccupe si vivement de la
chasteté des vierges lira avec intérêt, nous en
sommes persuadé, l'extrait suivant d'un docu-
ment officiel qui lui apprendra, étant donné
qu'il l'ignore, comment cette susdite chasteté
peut êtro mise en péril.
L'auteur du passage ci-après s'y connais-
sait ; il a publié un livre de lecture intitulé :
MOYENS PRATIQUES, qui a été en faveur dans
beaucoup de communautés.
A quel signe reconnaît on le tentateur ?
« Il est semblable, répond-on, à un serpent
« qui, ayant mis une fois la tête m quelque lieu,
« glisse ensuite aisément tout le corps; ainsi,
« mon cher enfant, si une fois vous laissez pé-
« nétrer une mauvaise pensée dans votre cœur
« sans la rejeter à l'instant, elle produira un
« plaisir criminel; le consentement suivra le
« plaisir et vous portera à l'action; de l'action
« vous viendrez à l'habitude et enfin il se for-
« mera en ,ous une nécessité qui produira la
a mort. Remarquez que le péché impur est
« toujours mortel quand on y prend plaisir.
a il s'insinue par le plaisir et, comme une étin-
« celle allume un grand feu, de même il em-
« brase si fort le cœur de ses flammes crimi-
« nelles qu'il est comme impossible de l'éteindre
« dans la suite. »
La mythologie avait inventé le cygne de
Léda ; les prêtres ont préféré le serpent, qui
est plus insinuant ; c'est la tradition biblique 1
Est-ce assez?
lit l'on nous affirme que ces choses ne sont
que des exceptions. Il suffit de s'arrêter à la
basilique de Saint-Gervais et de Saint-Protais
pour être désabusé. Que l'ombra des grands
saints vous protège 1
« C'est laid, c'est sale, ça pue » écrivait l'au-
tre jour, ici même, notre distingué collabora-
tour M. Lucien Victor-Meunier : il avait rai-
son ; il n'est pas mauvais, de temps en temps,
de mettre le nez des gens dans leur ordure 1 —
H. L. B.
LES ACQUITTES DE MARGUERITTE
Acquittés errants. — Les désirs de
l'administration.
Les indigènes qui, ayant pris part à l'échauf-
fourée de Margueritte, en avril 1901, ont été
acquittés par la cour d'assises de Montpellier,
sont rentrés dans leurs tribus à Margueritte.
L'Administration s'est immédiatement préoc-
cupée de la situation nouvelle créée dans le
pays par la présence de ces anciens insurgés,en
face des colons jadis attaqués par eux et des
rapports assez tendus qui ne manqueraient pas
d'exister entre les deux populations européenne
et indigène. -
Voici la combinaison à laquelle on se serait
arrêté, afin d'éviter toute difficulté entre les
colons et les Arabes.
Il ne fallait plus songer, bien entendu, après
les révélations de Me Ladmiral et les énergiques
protestations de plusieurs membres du Parle-
ment auprès du président du conseil, au moyen
d'abord choisi et employé habituellement par
l'autorité en Algérie. Nous voulons parler de
l'intrnement, par simple mesure administra-
Mi Ju,gg¡!ttl_B!r¡ débats
cier de Tadmit, ou ailleurs, do tous les indigè-
nes gênants.
No pouvant déplacer les indigènes do Mar-
gueritte par force, à cause do l'indignation que
cette mesure, contraire à nos sentiments d'hu-
manité et do légalité, aurait soulevéeen France,
on décida d'obtonir ce déplacement par la dou-
ceur, par la persuasion et d'amener los indi-
gènes aux-mêmes à solliciter comme une fa-
veur leur départ de Margoerille et leur instal-
lation sur un autre point où ils n'auraient pas
à souffrir du voisinage des colons.
La chose paraissait d'abord difficile. On con-
naît l'attachement des Arabes pour la terre do
leurs ancêtres, L'amour du paysan français
pour le champ qui l'a vu naître n'est rien au-
près du sentimonl do l'Arabe pour la terre où
reposent les os de ses pères.
Co sentiment est si vif, si profond,que l'on
voit fréquemment des Arabes accepter de tra-
vailler comme fermiers, Kammès, ouvriers à
la journée, sur les terres dont on les a expro-
priés, qui avaient appartenu à leurs ancêtres
et sur lesquelles, malgré leurs misères, ils sont
encore heureux de vivre. .,
Nous avons vu, au procès de Montpellier,
plusieurs témoins reconnaître que nombre
d'accusés avaient été souvent employés par
eux comme ouvriers sur les terres ayant jadis
appartenu à leurs familles et que jamais celle
qualité d'ancien propriétaire ou de fils d'an-
cien propriétaire n'avait été la cause d'aucune
difficulté entre eux.
Néanmoins l'administrateur d'Hamman Rhira
qui a le village de Margueritte dans sa cir-
conscription, a proposé au gouverneur général
d'essayer de faird comprendre à la tribu en
question que son intérêt était de s'éloigner da
pays et de l'amener à demander son transfert
dans la plaine du Sersoo, au sud, entre Bo-
gharet Tiaret, où des terres lui seraient accor-
dées en échange de celles qu'elle laisserait à
Margueritte et qui seraient partagées entre les
colons.
Une autre difficulté s'élevait encore. Les ter-
res de cette tribu,situées autour de Margueritte,
se trouvent dans une région montagneuse, boi-
sée, voisine de la mer, et à une altitude de
plusieurs centaines de mètres.
Les terres qu'il s'agissait de leur faire de-
mandor sont dans une vaste plaine, où en fait
de bois on no voit guère que dos poteaux télé-
graphiques, où le sol est bas et à environ 150
kilomètres de la mer.
Sans jouLe, l'administration comptait sur les
moyens de persuasion que la loi et les règle-
ments mettent à sa disposition vis-à-vis des
indigènes.
On sait, en effet, que la loi sur les pouvoirs
disciplinaires donne à un administrateur de
commune mixte en Algérie des droits et une
puissance absolument incompatibles avec nos
idées de justice et de légalité. Pour un rien,
pour une légère infraction à un règlement spé-
cial, dit da l'indigénat, l'administrateur peut
condamner sans appel un Arabe à l'amende ou
à la prison. La liberté, la fortune, l'existence
même d'un indigène dépendent de la volonté
de l'administrateur.
Los Arabes connaissent ce pouvoir do l'admi-
nistrateur sur eux et sur leurs biens, et il est
probable qu'ils ont posé cet argument, avec
ceux quo J'adminislrateur d'Hammam Rhira a
dû faire valoir auprès d'eux on leur demandant
do solliciter ou d'accepter leur envoi dans la
plaine du Serson.
Cependant, malgré tous les arguments de
l'administration, la Djemaa, consultée, a de-
mande à réfléchir pendant quelques jours.
Elle n'a pas osé refuser netlcment,de crainte
sans doute de s'attirer les rigueurs du gouver-
nement.
Mais elle n'a pas accepté.
Rien que celle hésitation des Indigènes de-
vant les offres et les désirs de l'administration
montre l'état d'esprit de cette malheureuse po-
pulation.
Voir* à la 3® page
les Dernières Dépêches
cle la nuit et
la Revue des Journaux
du matin
L'ÉLECTION DE MOISSAC
Discipline indispensable
Le3 résultats du premier lour de scrutin,
pour l'élection législative de l'arrondissement
de Moissac, font prévoir une vicloiro républi-
cai ne.1 gsac, font prévoir une vic.,oira républi-
En tête arrive M. Arnal, qui s'intitule a ré-
publicain libéral ». M. Arnal est l'officier na-
tionaliste qui donna sa démission pour pou-
voir adresser au Président Loubet, au lende-
main do l'incident d'Auteail,uno lettre à inten-
tions injurieuses.
t.0 candidat nationaliste a renni voix.
Le premier des candidats républicains est no-
tre confrère Bergougnan, radical, sur le nom
duquel se sont comptées 3.630 voix.
Le docteur Dupuy, radical socialiste, rassem-
ble 3.354 suffrages.
Le docteur Dupuy n'a pas, à l'heure où nou3
écrivons, fait connaître son désistement. C'est
une grosse faute. Il parait que certains amis du
docteur Dupuy l'engagent à ne pas sa confor
mer à la discipline républicaine.
Nous sommes convaincus que le docteur
Dupuy n'écoutera pas do pareils conseils. Il ne
voudra encourir la responsabililé de faire pas-
ser le candidat nationaliste.
Les efforts des républicains doivont tendre à
assurer lesuccus ue m. uergougnan, canutoat
radical désigné par le suffrage universel. Tout
bulletin qui ne portora pas le nom de Bergou-
gnan sera un bulletin perJu et représentera un
avantage d'une voix pour le candidat réaction-
naire.
M. Dupuy doit êlre le premier & proclamer
cette vérité.
000
LA DEFENSE DES FflaNTIÈRES
AUX INDES ANGLAISES
(De notre correspondant particulier)
Bombay, 19 février.
Lord Kitchener fera prochainement une
tournée pour inspecter les ouvrages de défense
dos frontières à Gilgix et à Chilral. Il se pro-
pose aussi d'étudier la configuration du terraia
entre le défilé de Kyber et celui de Bolan.
On dit que lord Kitchener, qui est sorti du
corps du génie, a l'intention de remanier le
système de fortifications existant à la frontière
des Indes. Les travaux dans ce sens seront
poussés activement.
Il serait aussi nécessaire de réorganiser les
troupes. Les miliciens indigènes de la fron-
tière désertent en masse.
■»
UN CONFLIT GERMANO-COLOMBIEN
(De notre correspondant particulier)
Now-York, 19 février
L'Allemagne a rompu les relations diploma-
tiques avec H. Colombie. Ello enverra plusieurs
navires de guerre à p»i2rto-BelIo, pour faire
uno démooslralion navale. Le conflit ost né pae
suite du refus du gouveiement colombier
d'indemniser les Allemands rêsiJ^11 en 9.0D
lombio de dommages subis pendant nr ttd
r.t.;.;,;:.:, '," .>-<.
L'AFFAIRE Cffll-Hilit
AVANT LE JUGEMENT
A la neuvième chambre. — Un coup de théâtre. - La forme. — Le
public. — Toujours la lettre anonyme. - Les Humbert à l'an- -
dience. — Thérèse a la parole. — Qui a touché le chèque ?
- Plaidoirie de Mo Maurice Bernard. - Le rôle de -
Frédéric. — Des chiffres. — Le substitut. — Con-
tre Cattauï. — Le non-lieu. — On demande
l'acquittement. — Un mot de Berryer.
— Autour de l'audience.
L'événement d'hier, à la 9' chambre do la
police correctionnelle, nous pourrions dire la
coup do théâtre,ç'a été loréquisitoire de M.Lcs-
couvé, substitut, et dont la contre-counnous
ménage sans aucun doute, pour l'avenir, des
surprises extraordinaires.
Que M. Lescouvé ait conclu contre lo plai-
gnant, M. Cattauï. c'est ce qui n'a pas étonné
beaucoup, le procès juridiquement parlant ne
tenant pas debout; mais il y a la forme,comme
dit Bridhoison,et la forme ici a été absolument
inattendue.
M. Lescouvé a, en effet, chargé à fond le
banquier Cattauï, avec une aprêlé rigoureuse,
et le prêteur de Mme Humbert est resté sur lo
carreau,pantelant,sans souffle et sans voix,for-
midablement anéanti.
Je vous laisse à penser los commentaires qui
ont été formulés après l'audience, dans les cou-
loirs du Palais où des avocats on groupes nom-
breux cherchaient à deviner l'énigme — il pa-
raît qu'il y a une énigme — de ce réquisitoire
impitoyable pour M. Cattauï et qui, sans per-
mettre à la famille Humbert do triompher,n'en
constitue pas moins un joli atout pour le procès
en cour d'assises.
L'audience
Mais arrivons à l'audience elle-même.
Comme à la huilaiuo dernière, la salle est
comble dès onze heures. On remarque, dans le
public serré et compact, un grand nombre do
damos, des actrices, MM. Ludovic Halévy, de
l'Académie française, Gailhard, directaur de
l'Opéra, Gaston Deschaups, le docteur Milzer,
gendre de M, Alexandre Dumas fils ; Gaston
Dreyfus ; Hermann Paul, Ssm et d'autres des-
sinateurs en renom.
Les conversations très animées roulent sur
l'interview du président Toutain, qui s'est dé-
fondu d'avoir, l'autre jour, en so refusant de
donner lecture d'une le'.tre anonyme, voulu
être désagréable à M. Puget et qui a ajouté qu'il
partageait la manière de voir de son collègue à
la 9' chambre dans l'incident de la lettre ano-
nyme lors de la seconde audience du procès
Cattauï.
Cette altitude du présidant Toutain soulève
de vives controverses.
On annonce qu'en présence de la déclaration
inattendue do M.Toulain, M. Grosjean, député,
qui avait reuoncé à interpellor le garde des
sceaux à la Ctiambre, on raison même du blâme
indirect que M. Toutain semblait avoir infligé
à M. Puget, va reprendre son interpellation.
Les avocats de la famille Humbert sont en
grande conférence au banc do la défense.
Déclaration de Mme Humbert
L'audience est ouverte à midi précis.
Le président Puget. — Veuillez faire entrer les
prévenus. (Mouvement de curiosité.)
Mmo Humbert, qui porte le même costume
que jeudi dernier, et son mari F rédéric serrent
la main, en arrivant au banc des prévenus li-
bres, à M* Henri Hobart.
Ello semble complètement remise de son in-
disposition.
Maria Daurignac, dont le nez est toujours
rouge, s'asseoit avec son petit air de parenle
pauvre.
Le président (à Mme Humbert). — Vous avez
manifesté, madame, le désir do prendre la parole
avant la plaidoirie do M* Maurice Bernard. Veuillez
vous expliquer.
Mme Humbert. — Je n'ai rien à dire pour le mo-
ment, sauf ceci :
Si notre adversaire donne lecture d'une lettre de
la anglo-égyptiau Bank au sujet du paiement du
chèque de 454.000 fr., je demande quo l'auteur do
cette lettre soit cité à l'audience et qu'il dise, en
regardant mon mari, si c'est lui qui a touché lo
chèque?
M' Maurice Bernard. — Mme Humbert est-elle
aussi sûre que le chèquo n'a pas été touché par M.
Parayre?
Mme Humbert. - Oui, monsieur, je l'affirme
sous-la foi du serment. Le chèque de &5i,000 fr.
a été touché par M. Cattaui ou par un de ses
agents ; je possède des lettres qui le prouveront.
M. Loscouvé, substitut. — Je ferai observer crue
sur ce point le' caissier de la Bank Anglo-Egyptian
a été interrogé. Il a déclaré que sas souvenirs ne
lui permettaient pas de dire exactement qui a tou-
ché le chèque.
M' Maurice Bernard
Le président donne la parole au second avo-
cat de M. Cattauï, M" Maurice Bernard.
Me Maurice Bernard. — Je me demande, mes-
sieurs, si, avec les passions qui se sont formées au-
tour de ce procès, il est possible de faire sortir la
vérité des obscurités voulues qui l'euveloppent et
qui faussent, à mou avis, l'esprit général du pu-
blic.
Mme Humbert a dit, il y a huit jours, que sa
douleur était grande et elle a demandé pardon.
Pardon à qui? à M. Cattauï?. Elte n'en a
rien dit.
Cette minute d'émotion a bien vite passé, et
Mme lfumbort, reprenant son arrogance habituelle,
s'est tournée vers M. Cattaui et s'est écriée :
— « Cet homme ost un usurier, il est la cause
de mon malheur. »
On ne s'est pas demandé ce que Mme Humbert
appelait son malheur; mais, en face des menson-
ges de calte femmo, rappelés par mon confrère M*
Rousseau, il y a huit jours, la salle s'est émue en
trouvant qu'il n'était pas dciicat d'accuser une
femme de mentir.
Ce même public aurait bien dû se souvenir de
l'émotion formidable qui s'empara de tout Paris
le soir du jour où les Humbert prirent la fuite,
après que le procureur do la République eût cons-
taté le vide du ooflre-fort.
Nous sommes loin de ces faits, mais il est bon de
les rappelor, comme de rappeler aussi le suicide
du banquier d'Elbeuf au sortir du salon de l'ave-
nue de la Grande-Armée et. la mort inexpliquée en
chemin de fer d'un autre créaneierde Mme Hum-
bert. M. Schottmans, et do la folio de ce négociant
parisien, autre victime do Mme Humbert.
Et ce sont les auteurs de tant de catastrophes
qui, à la huitaine dernière, ont eu l'audace de
nous donner des leçons de moralité I
Avec son habileté bien connue, Mme Humbert
a su faire dévier le débat en chargeant M. Cllttaui
avec une telle adresse qu'elle a trouvé le moyen
do se rendre aujourd'hui, à l'égard du publio,
aussi sympathique qu'elle était honnio et cons-
puée par lui le soir de sa fuite ell- Espagne.
Aujourd'hui Mme Humbert a des partisans et
déjà on escompte son acquittement devant la cour
d'assises.
M. Frédéric Humbert, lui, s'est chargé du dé-
ballage politique. Nous savons qu'il ne déballera
rien du tout et que, lorsqu'il se proposera de cjn-
clnro, sa femme l'arrêtera par ù manche et lui
dira comme à huitaine : « Tais-toi, tu n'as rien &
dire en ce moment. » (Hilarité.)
Si je voulais suivre M* Chenu dans son image
du grand navire — ou, plutôt, le grand bateau —
je pourrais dire que. ce grand navire fait sa der-
nière traversée ef que iês flots populaires sont
changeants cosnne ceux de la mer.-Prenez garde l
Vous l'avez amusé, le public. mais il peut encore
brisw son Idole, d'un jour.
'r MMs 14 te tableau 4e demaja je dçfo
m occuper du tableau d'hior et j'arrive à mon
procès.
M' Maurice Bernard rappelle que Mme Hum-
bert,en déposant une plainte pour usure habi-
tuelle donlre M. Cattauï, avec uue grande et
véritable audace, a eu cette suprême habileté da
lafaiie rédiger par un conseiller d'Etat éminent,
qui inspirait confiance à tout le monde, au
juge d'instruction comme à l'expert, ce qui
explique comment lo magistrat et l'export con-
çurent des préjugés de culpabilité contre M.
Cattauï.
- Eti 1 bien, malgré ces présomptions de colpa
bilité. ajoute M' Bernard, malgré le conseiller d'Ela 7
et son autorité, on a cherché et ou n'a rien trouva
contre mon client.
Ah ! si ; on a trouvé l'équivoque des 63 0i0.
Eh bion, cotta «quirnrtuo, j,, vais Kssayer et
l'anéantir en dégageant la vérité exacte de ce pro-
cès au point de vue des avancos faites par M. Cat-
tauï à la famille Humbert.
Ceci dit, l'avocat du plaignant fait l'éloge de
M. Cattauï comme banquier, qui, dit-il, a lé-
gitimement et honorablement gagné sa croix de
chevalier de la Légion d'honneur.
M' Bernard conteste les allégations produites
jeudi dernier par M' Henri Robert sur les opé-
rations do M. Cattauï touchant des sociétés de
mines d'or.
En passant, le défenseur justifie M. Reitlen*
ger de sa croix de la Légion d'honneur, que lui
aurait value sa conduite pendant le siège, el il
relèvo les brocards de M' Henri Robert sur la
vogue do l'ancien avocat lorsqu'il plaidait.
— Mon Dieu ! s'écrie M' Bernard, M. Reitlenget
plaidait comme il a déposé. (Vive hilarité.)
Examen des comptes
M' Maurice Bernard aborde les comptes da
Mme Humbert chez le banquior Callauï ; et,
ici, il demande l'indulgence de la salle, parce
que, dit-il, « je vais être obligé do me lancer
dans des chiffres et une discussion aride ».
Nous ne pouvons suivre M' Bernard dans
cette longue discussion, au cours de laquelle
l'avocat de M. Catlauï soutient qu'au lieu d'être
le débiteur de Mme Humbert, comme il est dit
dans la plainte en usure, M, Catlauï était la
créancier de cette famille pour une somme da
1.117.016 fr. 25 centimes.
S'expliquant ensuite sur l'opération de la
Banque Anglo-Egyptian, opération pour la-
quelle M. Cattauï aurait demandé aux Hum-
bert une commission de 454.000 francs au taux
do 63 0(0, Me Bernard explique, dans une lon-
gue discussion, qu'il y a là une équivoque au-
dacieuse, dont M. l'expert Verecque a été lui-
même viclimo,
— Qui a touché ce chèque? demande Mt Bernard,
Le caissier de i'Egyptian Bank a été interrogé. Il
ne so souvient plus do la personne à laquelle il a
versé les fonds. Il ne sait si elle était grande ou
petite, grasse ou maigre. Mais il est sûr de l'avoir
versée. Et une lettre anonyme envoyéd à M. Ley-
dot, en juillet 1902, et dont le contenu ressemble
étrangement à celle que lisait, il y a huit jours,,
M. le président Puget, donnait cette indication :
celui qui a touché ne serait-il pas Armand Pa-
rayre ?
Parayre a été interrogé. Comme le caissier de
l'Egyptian-Bank, il n'a pas, sur ce point, de sou-
venirs. Le chèque, son chiffre élevé, la démarche
qu'il aurait pu faire à l'Egyptian-Bank, tout cela
ue lui dit rien, ne lui rappelle rien. Mais qu'im-
porte que ce chèque ait été touché par Parayre oa
un représentant quelconque des Humbert? Le cer-
tain, c'est qu'il l'a été.
Allons donc! tout, dans celte affaira, démontre
quo vous êtes de mauvaise foi, que vous étiez de
mauvaise foi quand vous avez déposé votre plainte
en usure contre M. Cattaui,car ce n'est pas à vous,
M.Frédéric Humbert,qu'on peut reprochor dene pas
bien connaître la loi de 1883 qui abolit le taux da
l'intérêt en matière commerciale. Votre père était
sénateur ôt vous député, quand elle fut discutée ;
votre père était garde des sceaux, et vous son chat
de cabinet, quand elle fut promulguée ! (Rires.)
Cetto plainte comportait, en effet, des assertions
mensongères de Mme Humbert, ajoute M* Bernard^
ues tors, ta dénonciation calomnieuse contre M.
Cattauï était entachée de nullité.
Mais, en l'envoyant au parquet, Mme Humbert
n'avait qu'un but : gagner du temps, pour éviter
une échéance redoutable.
Il y a, madame, dit M' Bernard en se tournant
vers Mme Humbert, il y a des choses que vous ne
réparerez jamais. Et vous serez condamnée.
Je vous reproche d'avoir alarmé la conscience
publique, je vous reproche d'avoir compromis tous
ceux qui ont cru témérairement en vous, et, tout
cela, pour éviter une éohéance, je le répète.
Madame, l'échéance suprême arrivera bientôt
pour vous, et c'est la justice qui vous la signifiera.
Oui, la justice vous dira qu'elle ne peut plus vous
accorder de renouvellement. (Rires et applaudisse-
ments.) ,
M. Lescouvé
La parole est donnée à M. le substitut Los-
couvé. (Mouvement d'attention.)
M. LascouvÓ. — Que le tribunal se rassure. Après
de longs débats, les brillantes luttes oratoires qui
sont venues soutenir la vieille réputation d'élo-
quence du barreau parisien, je n'ai presque plus
rien à dire. Je me bornerai à des explications très
brèves.
Par ma fonction, Je suis placé au dessus des hai-
nes et des passious, et je me dois d'écarter de
ce débat toutes les considérations qui n'ont.
rien à y faire - notamment les considérations po-
litiques.
Non seulement la politique n'a rien & faire au
débat, j'ajoute qu'elle ne pourrait y faire que dtfc
mal. (Très biani)
La famille Humbert s'est assurément méprisesup
ses droits en poursuivant d'une haine Implacable
l'honorable consoil que M. Cattaul avait choisi pour
sa défense.
Il faut qu'on sache que l'homme politique visé a
fait los plus grands efforts, depuis qu'il est au pou-
voir, pour seconder le parquet dans son labonr,eo
vue de l'arrestation de la famille Humbert. (Mou*
vement. )
Après un3 apostrophe à la famille Humbert
au sujet de sa comparution en cour d'assises.
comparution que M. Lescouvé attend a lui
aussi, avec confiance », l'organe du ministère
public aborde le procès et se demande ce que
M. Cattauï est venu faire à la barre des plai-
gnants, et pourquoi il a cité les prévenus ea
dénonciation calomnieuse.
- Vous avez été attaqué, ajoute, en substance,
M. Loscouvé, soit ; mais n'avez-vous pas été cou*
vert par le non-lieu ?
Avez vous voulu satisfaire votre haine contre
Mme Humbert ?
Etiez-vous impatient et trouviez-vous la JustUs
trop [ente?
Vous avez été traité d'usurier, et vous ave*
Epreuve le besoin d'obtenir un certificat de la hauts
autorité judiciaire devant laquelle j'ai l'honneur de
parler.
Eh bien, Je dois le dire, l'examen du dossier ne
me permet pas de donner à M. Cattauï l'espérance;
qu'il a fait traduire par sdsdeax éloquents défea*
sours. (Mouvement.) !
U substitut étudiale délit de 6Qoucia. -
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N* 12034. - Samedi 21 Février 1903
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NOS LEADERS
InlnlniBS-Dnll
Un confrère républicain et socialiste
me disait hier :
— Il y a un évêque que je voudrais
voir à la Chambre.
- Lequel ?
- Monseigneur Korum. Sa présence
serait fort utile les jours de scrutin par
appel nominal. -
Le calembour était détestable. Il avait,
d'ailleurs, quelque chose d'obscur à
l'heure où on me le communiquait, car
j'ignorais totalement l'existence d'un
évêque porteur du nom parlementaire
de Korum.
Ce prélat n'a pourtant rien de my-
thique. Il gouverne les catholiques de
la ville de Trêves. On pourrait même
dire qu'il les tyrannise. Comme on le
verra par une dépêche que nous publions
plus loin, il vient d'interdireaux jeunes
filles soumises à sa direction de fréquen-
ter l'école de filles non confession-
nelle.
L'archevêque de Paris, qui se mêle
pourtant trop souvent de ce qui de-
vrait lui rester étranger, n'a pas encore
osé mettre à l'index, officiellement du
moins, les écoles laïques.
La décision prise par l'évêque Korum
a paru si excessive que le parti national
libéral de la Chambre prussienne s'est
ému et que le ministre des cultes va
être interpellé. Or, pour que les na-
tionaux-libéraux — assez réactionnaires
de tempérament — consentent à s'of-
fusquer d'un scandale clérical, il faut
qu'ils soient vigoureusement poussés
par l'opinion publique.
Depuis le jour où le gouvernement
allemand capitula devant la puissance
catholique; alla, suivant l'expression
fameuse, « à Canossa », et abandonna
le Kulturkampf, la force et l'audace du
parti catholique se sont développées
dans des proportions effroyables. Les
socialistes allemands , qui , dans leur
dernier congrès, ont refusé de s'occu-
per de propagande anticlélicale, met-
tant la religion au-dessus de toute dis-
cussion et la déclarant Privat-sache —
affaire personnelle, privée — peuvent
s'accuser aussi des proportions que
prend dans leur pays le péril romain.
Avec ou sans le gouvernement, avec
ou sans les socialistes, nos voisins d'ou-
tre-Rhin finiront bien par se débarras-
ser du joug que les papistes prétendent
leur imposer.
La dépêche qui nous rend compte de
la « pastorale » de l'évêque Korum, si-
gnale un vote de la Diète de Brunswick.
Cette diète a résolu à l'unanimité de
prier le gouvernement de voter, au con-
seil fédéral, contre la rentrée des jésui-
tes en Allemagne.
La Diète de Brunswick pourrait se
convaincre, par l'exemple de l'évêque
de Trêves, qu'il est relativement peu
important pour un peuple d'ouvrir ou
de fermer ses portes aux jésuites seuls.
Une tradition du dix-huitième siècle
fait des jésuites un épouvantail que l'E-
glise manie à son avantage.
Quand une nation, lasse d'être oppri-
mée par le cléricalisme, manifeste une
trop ardente indignation, on la calme
en la laissant chasser les jésuites.
Ceux-ci partis, la congrégation- que
la perte d'une association religieuse
unique n'a guère appauvrie — continue
son œuvre. Il faut expulser toutes les
congrégations, il faut réglementer sé-
vèrement le régime des cultes, si l'on
tient à échapper au danger clérical.
A une époque où- la force de l'argent
pèse sur la société d'un poids terrible,
il sied de considérer comme extrême-
ment redoutable un ennemi très riche.
Or, les richesses de l'Eglise sont incal-
culables.
Que dites-vous de l'aisance avec la-
quelle le pape fait annoncer qu'à l'oc-
casion de son jubilé pontifical, il don-
nera un demi-million à des instituts re-
ligieux et de bienfaisance. On publie le
détail des largesses pontificales: 200.000
francs à la Propagande, qui a déjà reçu
du pane un million ; 100.000 francs aux
pauvres de Rome ; 100.000 aux œuvres
catholiques de bienfaisance et 100.000
à l'Observatoire du Vatican.
A l'exception de la somme attribuée
aux pauvres de Rome, il est permis de
dire que « ce qui vient de la flûte re-
tourne au tambour ». Nul n'ignore que,
depuis l'appauvrissement du denier de
Saint-Pierre, la générosité des congré-
gations est à peu près seule à alimenter
le budget du Vatican. De sorte qu'on
tic- peut considérer sans ironie le Saint-
Père distribuant des aumônes à la con-
grégation, laquelle, justement, tient les
cordons de la bourse. Disons, si vous
voulez, que c'est un prêté pour un
rendu. Ou bien, tirons la morale de l'a-
necdote, en observant que les pètits
cadeaux entretiennent l'amitié.
— Mais, dira-t-on, vous avez tort de
plaisanter : il s'agit d'argent destiné à
l'exercice de la charité et au soulage-
ment des pauvres.
Ah ! les charités religieuses coûtent
cher à la naïveté des peuples. Si les
flots d'or engloutis par les congréga-
tions servaient à l'extinction du paupé-
risme, il y a longtemps que la misère
aurait disparu de la surface de la terre.
Que les cléricaux -- h reconnaissent ou
non, les nations feraient une sérieuse
économie en socialisant; en laïcisant, si
vous le préférez, tous les services d'as-
sistance publique.
Avant de témoigner de la reconnais-
sance aux moines, que les pauvres son-
gent à toutes les réformes sociales que
la République n'a pu encore réaliser,
grâce notamment à la résistance des
cléricaux.
Chaque défaite essuyée par le cléri-
calisme est une victoire pour le parti
des citoyens les plus nombreux et les
moins fortunés : pour la démocratie.
La charité de l'Eglise vaut sa tolé-
rance ; et jugez de la qualité de sa tolé-
rance par le féroce interdit que jette
l'évêque de Trèves aux écoles non con-
fessionnelles.
Hugues Destrem.
INTERNATIONALISME CLÉRICAL
Les nationalistes et les mo-
dérés n'arrivent pas à com-
prendre comment on s'est per-
mis d'interdire la circulation
en France du journal clérical
belge le Pays Wallon. Nos dé-
partements du Nord étaient
envahis par les éditions successives de
cette feuille qui apportait, paraît-il, un
concours précieux à la propagande des
Croix, des Pèlerins, et des autres organes
ultramontains.
On a été vraiment cruel de priver nos
cléricaux d'une aide qu'ils n'hésitent pas
à proclamer efficace, presque indispensa-
ble à leur cause.
Il est vrai, nous accorde le Temps « que
dans ce même département du Nord qu'on
veut soustraire aujourd'hui à la lecture
pernicieuse d'un journal clérical belge, on
avait interdit un autre journal, belge aussi,
mais socialiste et révolutionnaire, celui-
là ».
Alors, de quoi se plaignent les modérés ?
Ils ne peuvent prétendre que la Républi-
que ait deux poids et deux mesures.
« On a voulu, sans doute, reprend le
Temps, par application du principe d'équi-
libre, frapper à droite après avoir frappé à
gauche. Et c'est de quoi nous doutons
fort qu'il faille se féliciter. »
Le Temps, réflexion faite, se rallie au
principe de la suppression des frontières
en matière d'opinion. Lui qui ne voit pas
dans l'anticléricalisme un article d'exporta-
tion, il admet très bien l'importation du
cléricalisme. Comme il accepte aussi — du
moins en principe : en pratique, il faudrait
voir—l'invasion des idées révolutionnaires,
il n'y a rien à lui reprocher, au point de
vue de la pure logique.
Mais pourquoi expose-t-il sa thèse si
libérale le jour où l'on frappe une feuille
ultramontaine, après s'être tu quand on
s'en prenait à une gazette socialiste ?
Quant aux purs nationalistes, je me de-
mande de quel droit ils osent crier? Ils
poussent des hurlements quand les jour-
naux étrangers, destinés à être lus seule-
ment à l'étranger, s'occupent de politique
française. Et ils souhaitent, contradictoire-
ment, que certaines feuilles belges endoc-
trinent nos populations flamandes ?
Qu'ils se mettent d'accord avec leur pro-
pre doctriae. Après, nous discuterons. —
Ch. B.
LES fflâBQUiS DE L'ALAMBIC
Que pensez-vous de ces députés qui, appar-
tenant à la majorité ministérielle et représen-
tant des régions où les bouilleurs de cru ont
la prépondérance, se sont réunis pour discu-
ter « sur le point de savoir si par représaille
contre les mesures proposées par le gouverne-
ment relativent aux bouilleurs décru, on com-
battrait le ministère au point de vue poli-
tique » ?
La réunion ayant, comme on dit on style de
conférence Molé, adopté la négative, ce que
je dis, bien entendu, ne s'applique point aux
trente qui, sur l'initiative de MM. Cornet et
Paul Meunier, ont conféré sous la présidence
de M. Cliapuis, mais seulement à ceux d'entre
eux qui ont soutenu l'affirmative. Que vous
semble do ceux-là ? Que pensez-vous des con-
victions républicaines de ces messieurs ?
Moniroz-leur la situation telle qu'elle est,
avec ses périls, avec ses responsabilités, avec
ses devoirs ; ils vous répondront : a Mais les
bouilleurs de cru, messieurs l » — Il im-
porto de no pas désagréger le bloc; plus que
jamais la cohésion des forces républicaines est
nécessaire,.. - Mais, les bouilleurs!. —N'est-
il pas indispensable que le gouvernement ac-
tuel reste au pouvoir pour régler l'affaire des
congrégations?.. — Mais, les bouilleurs!.
- Et l'œuvre de relèvement financier, si éner-
giquemenl entreprise par M. Rouvier, et qui a
déjà donné de si beaux résultats?. — Mais,
les bouilleurs!. - Et l'œuvre de démocrati-
sation militaire si courageusement poursuivie
par le général André?. — Mais, les bouil-
leurs 1.- El l'œuvre de laïcisation scolaire que
M. Chaumié est en train d'achever?. — Mais
les bouilleurs!.
C'est la « tarte à la crème » de ces marquis
do l'alambic. Volontiers, parodiant un mot
célèbre, ils s'écrieraient : — Périssent les ré-
formes démocratiques et le progrès; périsse
la République ; périsse la France, plutôt que
l'alambic ! --
L'alambic est tout pour eux. L'alambic est
le pivot do leur politique. Tout leur programme
tient dans l'alambic. Pour étendard, ils ont
l'alambic. Et vous comprenez bien que ce mot :
l'alambic, exprime le souci de leur réélection,
seule chose, en rÓatilé, qui leur importe, et à
laquelle ils sacrifieraient tout. Que voulez-vous?
c'est toujours la lutte misérable, honteuse, des
intérêts particuliers, des égoïsmes individuels,
contre les intérêts généraux. Ne sied-t-il pas
d honorer grandement ceux qui tiennent tête
à la meute furieuse de ces cyniques intérêts,
de ces égoïsmes exaspérés, au nom de la Ré-
publique et de la patrie ? Si le gouvernement
succombait grâce à de telles manœuvres, quel
honneur pour lui, quelle ignominie pour ses
vainqueurs! Mais il ne tombera pas. - L.
V,-M.
A LA CHAMBRE DE COMMERCE
La Chambre de commerce de Paris nous com-
mnniquo la note suivante :
Les allégations reproduites par certains jour-
naux et visant la gestion financière du directeur
de l'Ecole des hautes-études commerciales sont dé-
nuées de tout fondement.
Le directeur n'a, en aucune façon, le maniement
des fonds versés à l'école à un titre quelconque, la
gestion flaanoière étant sous le contrôla de la Tré.
saifidl&ta filttnfett. 49 wsÈwsh crJ.;
PROH 1 PUDOR 1
L'œuvre de Jean Macé. - Les bons
points laïques et les bons points con-
gréganistes. — Conception de la
chasteté dans les catéchismes. —
Le tentateur.
La Ligue de l'enseignement venait à peine
d'être fondée que do nombreux adhérents,
groupés autour des représentants les plus il-
lustres de notre démocratie, surgissaient de
tous côtés, prêts à porter la bonne parole dans
nos plus petites écoles de vil!age.
L'œuvre est trop connue pour y insister.
Jean Macé était l'apôtre du nouvel évangile
et nous eûmes, parmi tant d'autres, l'insigne
honneur d'être nn de ses plus humbles dis-
ciples.
Ces relations sont lointaines; mais elles
nous semblent dater d'hier, et nous ne saurions
oublier l'empressement avec lequel le maître
regretté nous aidait de ses conseiIs,quand nous
entreprîmes, avec le concours de quelques
amis, de doter l'un des cantons de la Basse-
Normandie d'une Société du Sou des Ecoles,
dont l'un des moindres bienfaits fut de propa-
ger ces excellents bons points qui, outre leur
valeur fiduciaire, popularisaient soit une in-
vention utile, soit les traits d'un grand hom-
me, soit un fait historique développé en une
courte notice, dont l'auteur ne se départissait
jamais de la morale la plus sévère.
Nous n'étions certes pas exclusifs et peu
nous importait alors d'où sortaient les petits
enfants qui venaient à nous. Grande fut donc
notre surprise quand nous sûmes que, par
ordre, tous les congréganistes repoussaient les
libéralités qui leur étaient offertes.
Nous ne tardâmes pas à apprendro que ce
n'était pas seulement le bon point qui était
suspect, mais le donateur, dont la mission ne
pouvait être que maçonnique, comme son
auguste personne, et viciée, par suite, ea ses
diverses manifestations.
Les élèves dos écoles laïques furent seuls dès
lors à bénéficier de nos largesses.
Un bon point. instructif
Il faut croire néanmoins que l'innovation de
Jean Macé porta ses fruits. Aux bons points,
sans légende, dont ils usaient généralement,
les congréganistes substituèrent pou à pou des
types nouveaux, mais agrémentés de maxi-
mes éminemment suggestives qui, de l'école,
sont passées à l'église sans que la censure épis-
copale s'en soit, le moins du monde, effarou-
chée 1 Nous ne connaissons pas tout le réper-
toire, mais un père de famille vient de nous en
communiquer un échantillon dont los lec-
leurs du Rappel n'ont assurément pas la pri-
meur. — Abuno disce omnes.
De l'austère pudeur les bornes sont passées !
a dit le poète. Le spécimon dont nous donnons
le texte a été récemment remis à un enfant du
catéchisme de la basilique de Saint-Gervais et
Saint-Protais d'Avranches par le vicaire char-
gé de sa préparation !
Il comporte une question et une réponse
auxquelles nous n'avons garde de rien chan-
ger :
« D. — Combien y a-t-il de chastetés ?
« R. — Il y en a trois sortes : celle des
« vierges, celle des veuves et celle des person-
« nes mariées. La plus parfaite est la chasteté
« des vierges ou la virginité. »
On ne nous dit rien de ,la chasteté des abbés,
qui a pourtant bien son mérite ; c'est, il faut
le reconnaître, une très regrettable lacune !
Et voilà ce haut enseignement moral dont
nous parlait M. Combes avec une complai-
sance nuelrme nou exasrérée 1
-- Nous nous demandons quel état d'âme révèlent
des distinguo qui germent ainsi dans l'imagi-
nation de ces professeurs ensoutanés,de morale,
hystérique auxquels tant de mères de famille
laissent si imprudemment le soin de former
l'esprit elle cœur da leurs fille31
Une institutrice laïque rougirait de lire, à
haute voix, un pareil billet ; le clérical n'a pa3
de ces scrupules et parfois même - sans t ecourir
à son « DE REBUS VENEREISJ il sait, en de trans-
parentes comparaisons, aborder les situations
les plus saugrenues.
Ah ! qu'en termes galants ces choses-là sont mises!
Un extrait édifiant
Celui qui se préoccupe si vivement de la
chasteté des vierges lira avec intérêt, nous en
sommes persuadé, l'extrait suivant d'un docu-
ment officiel qui lui apprendra, étant donné
qu'il l'ignore, comment cette susdite chasteté
peut êtro mise en péril.
L'auteur du passage ci-après s'y connais-
sait ; il a publié un livre de lecture intitulé :
MOYENS PRATIQUES, qui a été en faveur dans
beaucoup de communautés.
A quel signe reconnaît on le tentateur ?
« Il est semblable, répond-on, à un serpent
« qui, ayant mis une fois la tête m quelque lieu,
« glisse ensuite aisément tout le corps; ainsi,
« mon cher enfant, si une fois vous laissez pé-
« nétrer une mauvaise pensée dans votre cœur
« sans la rejeter à l'instant, elle produira un
« plaisir criminel; le consentement suivra le
« plaisir et vous portera à l'action; de l'action
« vous viendrez à l'habitude et enfin il se for-
« mera en ,ous une nécessité qui produira la
a mort. Remarquez que le péché impur est
« toujours mortel quand on y prend plaisir.
a il s'insinue par le plaisir et, comme une étin-
« celle allume un grand feu, de même il em-
« brase si fort le cœur de ses flammes crimi-
« nelles qu'il est comme impossible de l'éteindre
« dans la suite. »
La mythologie avait inventé le cygne de
Léda ; les prêtres ont préféré le serpent, qui
est plus insinuant ; c'est la tradition biblique 1
Est-ce assez?
lit l'on nous affirme que ces choses ne sont
que des exceptions. Il suffit de s'arrêter à la
basilique de Saint-Gervais et de Saint-Protais
pour être désabusé. Que l'ombra des grands
saints vous protège 1
« C'est laid, c'est sale, ça pue » écrivait l'au-
tre jour, ici même, notre distingué collabora-
tour M. Lucien Victor-Meunier : il avait rai-
son ; il n'est pas mauvais, de temps en temps,
de mettre le nez des gens dans leur ordure 1 —
H. L. B.
LES ACQUITTES DE MARGUERITTE
Acquittés errants. — Les désirs de
l'administration.
Les indigènes qui, ayant pris part à l'échauf-
fourée de Margueritte, en avril 1901, ont été
acquittés par la cour d'assises de Montpellier,
sont rentrés dans leurs tribus à Margueritte.
L'Administration s'est immédiatement préoc-
cupée de la situation nouvelle créée dans le
pays par la présence de ces anciens insurgés,en
face des colons jadis attaqués par eux et des
rapports assez tendus qui ne manqueraient pas
d'exister entre les deux populations européenne
et indigène. -
Voici la combinaison à laquelle on se serait
arrêté, afin d'éviter toute difficulté entre les
colons et les Arabes.
Il ne fallait plus songer, bien entendu, après
les révélations de Me Ladmiral et les énergiques
protestations de plusieurs membres du Parle-
ment auprès du président du conseil, au moyen
d'abord choisi et employé habituellement par
l'autorité en Algérie. Nous voulons parler de
l'intrnement, par simple mesure administra-
Mi Ju,gg¡!ttl_B!r¡ débats
cier de Tadmit, ou ailleurs, do tous les indigè-
nes gênants.
No pouvant déplacer les indigènes do Mar-
gueritte par force, à cause do l'indignation que
cette mesure, contraire à nos sentiments d'hu-
manité et do légalité, aurait soulevéeen France,
on décida d'obtonir ce déplacement par la dou-
ceur, par la persuasion et d'amener los indi-
gènes aux-mêmes à solliciter comme une fa-
veur leur départ de Margoerille et leur instal-
lation sur un autre point où ils n'auraient pas
à souffrir du voisinage des colons.
La chose paraissait d'abord difficile. On con-
naît l'attachement des Arabes pour la terre do
leurs ancêtres, L'amour du paysan français
pour le champ qui l'a vu naître n'est rien au-
près du sentimonl do l'Arabe pour la terre où
reposent les os de ses pères.
Co sentiment est si vif, si profond,que l'on
voit fréquemment des Arabes accepter de tra-
vailler comme fermiers, Kammès, ouvriers à
la journée, sur les terres dont on les a expro-
priés, qui avaient appartenu à leurs ancêtres
et sur lesquelles, malgré leurs misères, ils sont
encore heureux de vivre. .,
Nous avons vu, au procès de Montpellier,
plusieurs témoins reconnaître que nombre
d'accusés avaient été souvent employés par
eux comme ouvriers sur les terres ayant jadis
appartenu à leurs familles et que jamais celle
qualité d'ancien propriétaire ou de fils d'an-
cien propriétaire n'avait été la cause d'aucune
difficulté entre eux.
Néanmoins l'administrateur d'Hamman Rhira
qui a le village de Margueritte dans sa cir-
conscription, a proposé au gouverneur général
d'essayer de faird comprendre à la tribu en
question que son intérêt était de s'éloigner da
pays et de l'amener à demander son transfert
dans la plaine du Sersoo, au sud, entre Bo-
gharet Tiaret, où des terres lui seraient accor-
dées en échange de celles qu'elle laisserait à
Margueritte et qui seraient partagées entre les
colons.
Une autre difficulté s'élevait encore. Les ter-
res de cette tribu,situées autour de Margueritte,
se trouvent dans une région montagneuse, boi-
sée, voisine de la mer, et à une altitude de
plusieurs centaines de mètres.
Les terres qu'il s'agissait de leur faire de-
mandor sont dans une vaste plaine, où en fait
de bois on no voit guère que dos poteaux télé-
graphiques, où le sol est bas et à environ 150
kilomètres de la mer.
Sans jouLe, l'administration comptait sur les
moyens de persuasion que la loi et les règle-
ments mettent à sa disposition vis-à-vis des
indigènes.
On sait, en effet, que la loi sur les pouvoirs
disciplinaires donne à un administrateur de
commune mixte en Algérie des droits et une
puissance absolument incompatibles avec nos
idées de justice et de légalité. Pour un rien,
pour une légère infraction à un règlement spé-
cial, dit da l'indigénat, l'administrateur peut
condamner sans appel un Arabe à l'amende ou
à la prison. La liberté, la fortune, l'existence
même d'un indigène dépendent de la volonté
de l'administrateur.
Los Arabes connaissent ce pouvoir do l'admi-
nistrateur sur eux et sur leurs biens, et il est
probable qu'ils ont posé cet argument, avec
ceux quo J'adminislrateur d'Hammam Rhira a
dû faire valoir auprès d'eux on leur demandant
do solliciter ou d'accepter leur envoi dans la
plaine du Serson.
Cependant, malgré tous les arguments de
l'administration, la Djemaa, consultée, a de-
mande à réfléchir pendant quelques jours.
Elle n'a pas osé refuser netlcment,de crainte
sans doute de s'attirer les rigueurs du gouver-
nement.
Mais elle n'a pas accepté.
Rien que celle hésitation des Indigènes de-
vant les offres et les désirs de l'administration
montre l'état d'esprit de cette malheureuse po-
pulation.
Voir* à la 3® page
les Dernières Dépêches
cle la nuit et
la Revue des Journaux
du matin
L'ÉLECTION DE MOISSAC
Discipline indispensable
Le3 résultats du premier lour de scrutin,
pour l'élection législative de l'arrondissement
de Moissac, font prévoir une vicloiro républi-
cai ne.1 gsac, font prévoir une vic.,oira républi-
En tête arrive M. Arnal, qui s'intitule a ré-
publicain libéral ». M. Arnal est l'officier na-
tionaliste qui donna sa démission pour pou-
voir adresser au Président Loubet, au lende-
main do l'incident d'Auteail,uno lettre à inten-
tions injurieuses.
t.0 candidat nationaliste a renni voix.
Le premier des candidats républicains est no-
tre confrère Bergougnan, radical, sur le nom
duquel se sont comptées 3.630 voix.
Le docteur Dupuy, radical socialiste, rassem-
ble 3.354 suffrages.
Le docteur Dupuy n'a pas, à l'heure où nou3
écrivons, fait connaître son désistement. C'est
une grosse faute. Il parait que certains amis du
docteur Dupuy l'engagent à ne pas sa confor
mer à la discipline républicaine.
Nous sommes convaincus que le docteur
Dupuy n'écoutera pas do pareils conseils. Il ne
voudra encourir la responsabililé de faire pas-
ser le candidat nationaliste.
Les efforts des républicains doivont tendre à
assurer lesuccus ue m. uergougnan, canutoat
radical désigné par le suffrage universel. Tout
bulletin qui ne portora pas le nom de Bergou-
gnan sera un bulletin perJu et représentera un
avantage d'une voix pour le candidat réaction-
naire.
M. Dupuy doit êlre le premier & proclamer
cette vérité.
000
LA DEFENSE DES FflaNTIÈRES
AUX INDES ANGLAISES
(De notre correspondant particulier)
Bombay, 19 février.
Lord Kitchener fera prochainement une
tournée pour inspecter les ouvrages de défense
dos frontières à Gilgix et à Chilral. Il se pro-
pose aussi d'étudier la configuration du terraia
entre le défilé de Kyber et celui de Bolan.
On dit que lord Kitchener, qui est sorti du
corps du génie, a l'intention de remanier le
système de fortifications existant à la frontière
des Indes. Les travaux dans ce sens seront
poussés activement.
Il serait aussi nécessaire de réorganiser les
troupes. Les miliciens indigènes de la fron-
tière désertent en masse.
■»
UN CONFLIT GERMANO-COLOMBIEN
(De notre correspondant particulier)
Now-York, 19 février
L'Allemagne a rompu les relations diploma-
tiques avec H. Colombie. Ello enverra plusieurs
navires de guerre à p»i2rto-BelIo, pour faire
uno démooslralion navale. Le conflit ost né pae
suite du refus du gouveiement colombier
d'indemniser les Allemands rêsiJ^11 en 9.0D
lombio de dommages subis pendant nr ttd
r.t.;.;,;:.:, '," .>-<.
L'AFFAIRE Cffll-Hilit
AVANT LE JUGEMENT
A la neuvième chambre. — Un coup de théâtre. - La forme. — Le
public. — Toujours la lettre anonyme. - Les Humbert à l'an- -
dience. — Thérèse a la parole. — Qui a touché le chèque ?
- Plaidoirie de Mo Maurice Bernard. - Le rôle de -
Frédéric. — Des chiffres. — Le substitut. — Con-
tre Cattauï. — Le non-lieu. — On demande
l'acquittement. — Un mot de Berryer.
— Autour de l'audience.
L'événement d'hier, à la 9' chambre do la
police correctionnelle, nous pourrions dire la
coup do théâtre,ç'a été loréquisitoire de M.Lcs-
couvé, substitut, et dont la contre-counnous
ménage sans aucun doute, pour l'avenir, des
surprises extraordinaires.
Que M. Lescouvé ait conclu contre lo plai-
gnant, M. Cattauï. c'est ce qui n'a pas étonné
beaucoup, le procès juridiquement parlant ne
tenant pas debout; mais il y a la forme,comme
dit Bridhoison,et la forme ici a été absolument
inattendue.
M. Lescouvé a, en effet, chargé à fond le
banquier Cattauï, avec une aprêlé rigoureuse,
et le prêteur de Mme Humbert est resté sur lo
carreau,pantelant,sans souffle et sans voix,for-
midablement anéanti.
Je vous laisse à penser los commentaires qui
ont été formulés après l'audience, dans les cou-
loirs du Palais où des avocats on groupes nom-
breux cherchaient à deviner l'énigme — il pa-
raît qu'il y a une énigme — de ce réquisitoire
impitoyable pour M. Cattauï et qui, sans per-
mettre à la famille Humbert do triompher,n'en
constitue pas moins un joli atout pour le procès
en cour d'assises.
L'audience
Mais arrivons à l'audience elle-même.
Comme à la huilaiuo dernière, la salle est
comble dès onze heures. On remarque, dans le
public serré et compact, un grand nombre do
damos, des actrices, MM. Ludovic Halévy, de
l'Académie française, Gailhard, directaur de
l'Opéra, Gaston Deschaups, le docteur Milzer,
gendre de M, Alexandre Dumas fils ; Gaston
Dreyfus ; Hermann Paul, Ssm et d'autres des-
sinateurs en renom.
Les conversations très animées roulent sur
l'interview du président Toutain, qui s'est dé-
fondu d'avoir, l'autre jour, en so refusant de
donner lecture d'une le'.tre anonyme, voulu
être désagréable à M. Puget et qui a ajouté qu'il
partageait la manière de voir de son collègue à
la 9' chambre dans l'incident de la lettre ano-
nyme lors de la seconde audience du procès
Cattauï.
Cette altitude du présidant Toutain soulève
de vives controverses.
On annonce qu'en présence de la déclaration
inattendue do M.Toulain, M. Grosjean, député,
qui avait reuoncé à interpellor le garde des
sceaux à la Ctiambre, on raison même du blâme
indirect que M. Toutain semblait avoir infligé
à M. Puget, va reprendre son interpellation.
Les avocats de la famille Humbert sont en
grande conférence au banc do la défense.
Déclaration de Mme Humbert
L'audience est ouverte à midi précis.
Le président Puget. — Veuillez faire entrer les
prévenus. (Mouvement de curiosité.)
Mmo Humbert, qui porte le même costume
que jeudi dernier, et son mari F rédéric serrent
la main, en arrivant au banc des prévenus li-
bres, à M* Henri Hobart.
Ello semble complètement remise de son in-
disposition.
Maria Daurignac, dont le nez est toujours
rouge, s'asseoit avec son petit air de parenle
pauvre.
Le président (à Mme Humbert). — Vous avez
manifesté, madame, le désir do prendre la parole
avant la plaidoirie do M* Maurice Bernard. Veuillez
vous expliquer.
Mme Humbert. — Je n'ai rien à dire pour le mo-
ment, sauf ceci :
Si notre adversaire donne lecture d'une lettre de
la anglo-égyptiau Bank au sujet du paiement du
chèque de 454.000 fr., je demande quo l'auteur do
cette lettre soit cité à l'audience et qu'il dise, en
regardant mon mari, si c'est lui qui a touché lo
chèque?
M' Maurice Bernard. — Mme Humbert est-elle
aussi sûre que le chèquo n'a pas été touché par M.
Parayre?
Mme Humbert. - Oui, monsieur, je l'affirme
sous-la foi du serment. Le chèque de &5i,000 fr.
a été touché par M. Cattaui ou par un de ses
agents ; je possède des lettres qui le prouveront.
M. Loscouvé, substitut. — Je ferai observer crue
sur ce point le' caissier de la Bank Anglo-Egyptian
a été interrogé. Il a déclaré que sas souvenirs ne
lui permettaient pas de dire exactement qui a tou-
ché le chèque.
M' Maurice Bernard
Le président donne la parole au second avo-
cat de M. Cattauï, M" Maurice Bernard.
Me Maurice Bernard. — Je me demande, mes-
sieurs, si, avec les passions qui se sont formées au-
tour de ce procès, il est possible de faire sortir la
vérité des obscurités voulues qui l'euveloppent et
qui faussent, à mou avis, l'esprit général du pu-
blic.
Mme Humbert a dit, il y a huit jours, que sa
douleur était grande et elle a demandé pardon.
Pardon à qui? à M. Cattauï?. Elte n'en a
rien dit.
Cette minute d'émotion a bien vite passé, et
Mme lfumbort, reprenant son arrogance habituelle,
s'est tournée vers M. Cattaui et s'est écriée :
— « Cet homme ost un usurier, il est la cause
de mon malheur. »
On ne s'est pas demandé ce que Mme Humbert
appelait son malheur; mais, en face des menson-
ges de calte femmo, rappelés par mon confrère M*
Rousseau, il y a huit jours, la salle s'est émue en
trouvant qu'il n'était pas dciicat d'accuser une
femme de mentir.
Ce même public aurait bien dû se souvenir de
l'émotion formidable qui s'empara de tout Paris
le soir du jour où les Humbert prirent la fuite,
après que le procureur do la République eût cons-
taté le vide du ooflre-fort.
Nous sommes loin de ces faits, mais il est bon de
les rappelor, comme de rappeler aussi le suicide
du banquier d'Elbeuf au sortir du salon de l'ave-
nue de la Grande-Armée et. la mort inexpliquée en
chemin de fer d'un autre créaneierde Mme Hum-
bert. M. Schottmans, et do la folio de ce négociant
parisien, autre victime do Mme Humbert.
Et ce sont les auteurs de tant de catastrophes
qui, à la huitaine dernière, ont eu l'audace de
nous donner des leçons de moralité I
Avec son habileté bien connue, Mme Humbert
a su faire dévier le débat en chargeant M. Cllttaui
avec une telle adresse qu'elle a trouvé le moyen
do se rendre aujourd'hui, à l'égard du publio,
aussi sympathique qu'elle était honnio et cons-
puée par lui le soir de sa fuite ell- Espagne.
Aujourd'hui Mme Humbert a des partisans et
déjà on escompte son acquittement devant la cour
d'assises.
M. Frédéric Humbert, lui, s'est chargé du dé-
ballage politique. Nous savons qu'il ne déballera
rien du tout et que, lorsqu'il se proposera de cjn-
clnro, sa femme l'arrêtera par ù manche et lui
dira comme à huitaine : « Tais-toi, tu n'as rien &
dire en ce moment. » (Hilarité.)
Si je voulais suivre M* Chenu dans son image
du grand navire — ou, plutôt, le grand bateau —
je pourrais dire que. ce grand navire fait sa der-
nière traversée ef que iês flots populaires sont
changeants cosnne ceux de la mer.-Prenez garde l
Vous l'avez amusé, le public. mais il peut encore
brisw son Idole, d'un jour.
'r MMs 14 te tableau 4e demaja je dçfo
m occuper du tableau d'hior et j'arrive à mon
procès.
M' Maurice Bernard rappelle que Mme Hum-
bert,en déposant une plainte pour usure habi-
tuelle donlre M. Cattauï, avec uue grande et
véritable audace, a eu cette suprême habileté da
lafaiie rédiger par un conseiller d'Etat éminent,
qui inspirait confiance à tout le monde, au
juge d'instruction comme à l'expert, ce qui
explique comment lo magistrat et l'export con-
çurent des préjugés de culpabilité contre M.
Cattauï.
- Eti 1 bien, malgré ces présomptions de colpa
bilité. ajoute M' Bernard, malgré le conseiller d'Ela 7
et son autorité, on a cherché et ou n'a rien trouva
contre mon client.
Ah ! si ; on a trouvé l'équivoque des 63 0i0.
Eh bion, cotta «quirnrtuo, j,, vais Kssayer et
l'anéantir en dégageant la vérité exacte de ce pro-
cès au point de vue des avancos faites par M. Cat-
tauï à la famille Humbert.
Ceci dit, l'avocat du plaignant fait l'éloge de
M. Cattauï comme banquier, qui, dit-il, a lé-
gitimement et honorablement gagné sa croix de
chevalier de la Légion d'honneur.
M' Bernard conteste les allégations produites
jeudi dernier par M' Henri Robert sur les opé-
rations do M. Cattauï touchant des sociétés de
mines d'or.
En passant, le défenseur justifie M. Reitlen*
ger de sa croix de la Légion d'honneur, que lui
aurait value sa conduite pendant le siège, el il
relèvo les brocards de M' Henri Robert sur la
vogue do l'ancien avocat lorsqu'il plaidait.
— Mon Dieu ! s'écrie M' Bernard, M. Reitlenget
plaidait comme il a déposé. (Vive hilarité.)
Examen des comptes
M' Maurice Bernard aborde les comptes da
Mme Humbert chez le banquior Callauï ; et,
ici, il demande l'indulgence de la salle, parce
que, dit-il, « je vais être obligé do me lancer
dans des chiffres et une discussion aride ».
Nous ne pouvons suivre M' Bernard dans
cette longue discussion, au cours de laquelle
l'avocat de M. Catlauï soutient qu'au lieu d'être
le débiteur de Mme Humbert, comme il est dit
dans la plainte en usure, M, Catlauï était la
créancier de cette famille pour une somme da
1.117.016 fr. 25 centimes.
S'expliquant ensuite sur l'opération de la
Banque Anglo-Egyptian, opération pour la-
quelle M. Cattauï aurait demandé aux Hum-
bert une commission de 454.000 francs au taux
do 63 0(0, Me Bernard explique, dans une lon-
gue discussion, qu'il y a là une équivoque au-
dacieuse, dont M. l'expert Verecque a été lui-
même viclimo,
— Qui a touché ce chèque? demande Mt Bernard,
Le caissier de i'Egyptian Bank a été interrogé. Il
ne so souvient plus do la personne à laquelle il a
versé les fonds. Il ne sait si elle était grande ou
petite, grasse ou maigre. Mais il est sûr de l'avoir
versée. Et une lettre anonyme envoyéd à M. Ley-
dot, en juillet 1902, et dont le contenu ressemble
étrangement à celle que lisait, il y a huit jours,,
M. le président Puget, donnait cette indication :
celui qui a touché ne serait-il pas Armand Pa-
rayre ?
Parayre a été interrogé. Comme le caissier de
l'Egyptian-Bank, il n'a pas, sur ce point, de sou-
venirs. Le chèque, son chiffre élevé, la démarche
qu'il aurait pu faire à l'Egyptian-Bank, tout cela
ue lui dit rien, ne lui rappelle rien. Mais qu'im-
porte que ce chèque ait été touché par Parayre oa
un représentant quelconque des Humbert? Le cer-
tain, c'est qu'il l'a été.
Allons donc! tout, dans celte affaira, démontre
quo vous êtes de mauvaise foi, que vous étiez de
mauvaise foi quand vous avez déposé votre plainte
en usure contre M. Cattaui,car ce n'est pas à vous,
M.Frédéric Humbert,qu'on peut reprochor dene pas
bien connaître la loi de 1883 qui abolit le taux da
l'intérêt en matière commerciale. Votre père était
sénateur ôt vous député, quand elle fut discutée ;
votre père était garde des sceaux, et vous son chat
de cabinet, quand elle fut promulguée ! (Rires.)
Cetto plainte comportait, en effet, des assertions
mensongères de Mme Humbert, ajoute M* Bernard^
ues tors, ta dénonciation calomnieuse contre M.
Cattauï était entachée de nullité.
Mais, en l'envoyant au parquet, Mme Humbert
n'avait qu'un but : gagner du temps, pour éviter
une échéance redoutable.
Il y a, madame, dit M' Bernard en se tournant
vers Mme Humbert, il y a des choses que vous ne
réparerez jamais. Et vous serez condamnée.
Je vous reproche d'avoir alarmé la conscience
publique, je vous reproche d'avoir compromis tous
ceux qui ont cru témérairement en vous, et, tout
cela, pour éviter une éohéance, je le répète.
Madame, l'échéance suprême arrivera bientôt
pour vous, et c'est la justice qui vous la signifiera.
Oui, la justice vous dira qu'elle ne peut plus vous
accorder de renouvellement. (Rires et applaudisse-
ments.) ,
M. Lescouvé
La parole est donnée à M. le substitut Los-
couvé. (Mouvement d'attention.)
M. LascouvÓ. — Que le tribunal se rassure. Après
de longs débats, les brillantes luttes oratoires qui
sont venues soutenir la vieille réputation d'élo-
quence du barreau parisien, je n'ai presque plus
rien à dire. Je me bornerai à des explications très
brèves.
Par ma fonction, Je suis placé au dessus des hai-
nes et des passious, et je me dois d'écarter de
ce débat toutes les considérations qui n'ont.
rien à y faire - notamment les considérations po-
litiques.
Non seulement la politique n'a rien & faire au
débat, j'ajoute qu'elle ne pourrait y faire que dtfc
mal. (Très biani)
La famille Humbert s'est assurément méprisesup
ses droits en poursuivant d'une haine Implacable
l'honorable consoil que M. Cattaul avait choisi pour
sa défense.
Il faut qu'on sache que l'homme politique visé a
fait los plus grands efforts, depuis qu'il est au pou-
voir, pour seconder le parquet dans son labonr,eo
vue de l'arrestation de la famille Humbert. (Mou*
vement. )
Après un3 apostrophe à la famille Humbert
au sujet de sa comparution en cour d'assises.
comparution que M. Lescouvé attend a lui
aussi, avec confiance », l'organe du ministère
public aborde le procès et se demande ce que
M. Cattauï est venu faire à la barre des plai-
gnants, et pourquoi il a cité les prévenus ea
dénonciation calomnieuse.
- Vous avez été attaqué, ajoute, en substance,
M. Loscouvé, soit ; mais n'avez-vous pas été cou*
vert par le non-lieu ?
Avez vous voulu satisfaire votre haine contre
Mme Humbert ?
Etiez-vous impatient et trouviez-vous la JustUs
trop [ente?
Vous avez été traité d'usurier, et vous ave*
Epreuve le besoin d'obtenir un certificat de la hauts
autorité judiciaire devant laquelle j'ai l'honneur de
parler.
Eh bien, Je dois le dire, l'examen du dossier ne
me permet pas de donner à M. Cattauï l'espérance;
qu'il a fait traduire par sdsdeax éloquents défea*
sours. (Mouvement.) !
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