Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-02-17
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 17 février 1903 17 février 1903
Description : 1903/02/17 (N12030). 1903/02/17 (N12030).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
et-I N Q G 3E N TIME B le N'xixâ £ i'é>x*'or PARIS & DÉPARTPWiËNTS
J:.:;e NomêroT NTIME9
LE XIX' SIECLE
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JCJRNAL
14. r sie chez MM. LAGRANGE, CERF & C1»
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Téiégraphi que: XIX' SIÈCLE — PARIS
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No 12030. — Mardi 17 Février 1903
29 PLUVIOSE AN 111
ADMINISTRATION ; 14, rue du Alail
Adresser Icllres el mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
les erreurs des
« Jn Eglise »
La censure dont le livre de l'abbé
Loisy a été l'objet de la part de l'ar-
chevêque de Paris et devant laquelle il
s'est incline docilement fut, ce matin, le
point de départ d'une conversation où
'les « jeune Eglise » pourraient, s'ils
se donnent la peine de la lire, trouver
l'Objet de quelques utiles méditations.
Le député blâmait vivement la sou-
mission de l'abbé Loisy ; l'évêque Tolé-
rant lui donnait son entière approba-
tion, à cause du scandale qui serait
sorti de la résistance du prêtre, et du
fmal que ce scandale aurait pu faire à
l'Eglise.
LE PHILOSOPHE. — J'apprécie vos rai-
sons, mon cher Tolérant, mais je ne
saurais m incliner devant elles, même
ien me plaçant, comme vous, au point
de vue de l'intérêt de votre Eglise. Que
désirent vos amis? Qu'a voulu l'abbé
Loisy, en écrivant son livre? Montrer
aux profanes, à ceux qui trouvent le
catholicisme trop rétrograde et trop en-
fantin pour notre époque de science,
Tju'il y avait parmi ses représentants
des hommes éclairés et clairvoyants, des
savants a là hauteur de ceux qui illus-
trent le protestantisme, des esprits ou-
verts à tous les progrès et, enfin, des
catholiques résolus à rompre avec de
prétendues révélations qui font hausser
lesépaules à tous les gens raisonnables ?
.N'est-ce-point cela que veulent les
« jeune Eglise » ?
L'ÉVÈQUE TOXÉRANT. — Sans doute,
mais ils se révoltent à la seule idée qu'on
les croit capables de souhaiter la pro-
duction d'un schisme entre eux et les
représentants des doctrines tradition-
nelles du catholicisme. Ils voudraient
imiter les pasteurs protestants d'Alle-
magne qui, pour gagner les sympathies
des sceptiques ou des incroyants, évi-
tent de leur parler des dogmes et se
contentent de leur faire du bien, de leur
donner de bons conseils pour la con-
duite de la vie, de les aider dans leurs
souffrances morales ou leurs misères
matérielles. Nos amis ont constaté les
bons effets de cette méthode et ils vou-
draient en faire l'application chez
nous.
LE MAITRE DE LA maisori. - Les résultats
qu'elle a donnés sont tels, en effet, que
d'après l'aveu de la Revue catholique,
rappelé au congrès de Bourges par l'ab-
bé Lorain, plus d'un million de catho-
liques allemands seraient passés au
protestantisme pendant le cours du dix-
neuvième siècle,
L'abbé Lorain citait encore ce mot
d'un autre journal religieux : « Nous
allons lentement et sûrement au pro-
testantisme, si nous ne montrons au-
tant de zèle que les protestants dans
leur mission intérieure » Et il ajoutait:
« Ceux-ci attribuent ces succès à leur
méthode. Ils disent que ce fut celle de
Vincent de Paul et que l'Eglise catholi-
que en a perdu le secret. C'est qu'en
effet le meilleur prosélytisme consiste à
rendre service à ceux qu'on veut rame-
ner à Dieu. »
LE PHILOSOPHE. - D faudrait ajouter:
« A la condition que ceux à qui vous
faites du bien ne puissent pas soupçon-
ner qu'on le leur fait dans un but de
prosélytisme. » C'est cette condition que
vos amis les meilleurs et les plus in-
telligents paraissent ignorer, mon cher
Tolérant.
LE MAITRE DE LA MAISON. — Cette igno-
rance perce, en effet, dans tout ce qu'ils
disent et dans tout ce qu'ils font. Ils
comparent volontiers l'action exercée
par le clergé dans les premiers siècles
du christianisme avec celle, si réduite,
qu'il exerce aujourd'hui, et ils pensent
qu'il suffirait à l'Eglise de revenir à ses
procédés primitifs de propagande pour
retrouver ses antiques succès. Cette er-
reur les perdra.
LE PHILOSOPHE.— Les apôtres avaient
beau jeu quand ils prêchaient l'égalité
sociale parmi des gens qu'opprimait
l'esclavage ; ils étaient écoutés bien
volontiers quand ils promettaient des
joies infinies après la mort, à des hom-
mes qui avaient Tabsolue certitude
d'être toujours et quoiqu'ils fassent,
malheureux pendant leur vie. Quel effet
peuvent produire aujourd'hui cette même
prédication el ces mêmes promesses
sur des populations qui ont elles-mê-
mes conquis, .- avec leur sang, l'égalité
sociale vainement attendue de l'Eglise
pendant dix-huit siècles et qui savent
qu'avec l'instruction, le travail et la
bonne conduite, chacun peut espérer
améliorer sa situation et être heu-
reux sur cette terre, sans avoir à se
soucier de ce qu'il lui pourra survenir
dans l'autre?
, Quelsrésultatsune Eglise quelconque,
jeune ou vieille, peut-elle attendre de son
prosélytisme, chez un peuple dont les
lois elles- mêmes ont séparé pour tou-
jours la morale de la religion et dont
les gouvernements compromettent leur
existence lorsqu'ils donnent prétexte à
supposer qu'ils ne sont pas entièrement
dégagés, dans leurs actes publics, au
moins, do toute préoccupation reli-
gieuse?
Lj~m~E DE Â MAïS~C~t.Da~o
qu'ils ne se rendent pas compte de cet
état d'esprit que les « jeu-ne Eglise » me
paraissent condamnées à échouer dans
l'oeuvre, très bonne d'ailleurs, qu'ils ont
entreprise. Quand ils parlent de dogmes,
on détourne la tête; quand ils exposent
leurs sentiments sociaux, on ne croit
pas à leur sincérité. Quand ils renient
leurs livres, on les renvoie dans la- so-
ciété des « vieille Eglise » dont ils se
montrent incapables de se séparer,
même par l'indépendance de la pensée.
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — VOUS êtes trop
dur pour eux, cher ami. Ils valent beau-
coup mieux que vous ne le pensez et
surtout que vous ne le dites. Ils sont, il
est vrai, contraints de compter avec la
discipline ecclésiastique; ils ne veulent
pas se séparer de la communauté catho-
lique; ils restent soumis au souverain
pontife ; mais ils veulent, vous le savez
bien, être de leur temps; ils savent que
les vieux dogmes sont peu en honneur,
et ils cherchent à les adapter aux intel-
ligences des hommes do nos jours , ils
savent aussi que jamais la lutte pour la
vie ne fut aussi âpre que dans notre
siècle, et ils aspirent à aider, dans cette
lutte, les plus faibles d'entre nos conci-
toyens, ceux qui, en dépit du progrès
des mœurs et des lois, sont le plus ex-
posés à supporter les frais de la concur-
rence sociale. Ne devez-vous pas ap-
plaudir à ces pensées et à ces actes, vous
qui placez au-dessus de tout autre souci
celui du bonheur des hommes?
LE PHILOSOPHE. — AUSSI, m'avez-vous
vu, en toutes circonstances, manifester
mon estime pour les prêtres dont l'ef-
fort tend à rompre les liens qui les atta-
chent au vieux catholicisme et faire des
vœux pour qu'ils réussissent dans leurs
entreprises. En cela, je ne saurais être
soupçonné de me laisser guider par
l'intérêt de mes idées personnelles, qui
sont très différentes des leurs ; mais je
songe à la tranquillité que le pays
trouverait dans une adaptation de l'E-
glise aux besoins des sociétés moder-
nes. Malheureusement, je vois vos amis
employer des moyens qui me paraissent
peu susceptibles de les conduire au but
que je souhaiterais de leur voir at-
teindre.
LE MAÎTRE DE LA MAISON. — Leur er-
reur est de croire que pour relever le
prestige de l'Eglise parmi nos popula-
tions, il leur suffirait de pénétrer dans
la vie sociale de nos concitoyens. Les
uns proposent de transformer les pres-
bytères en écoles catholiques qui fe-
raient concurrence à celles où l'Etat
prescrit la neutralité religieuse.
LE DÉPUTÉ. - Ceux-là ne savent pas,
sans doute, que le jour où les Chambres
auraient connaissance de leurs entrepri-
ses, aucun gouvernement ne saurait se
soustraire à l'obligation de les faire
cesser. Curés contre instituteurs ! Il ne
manquerait plus que cela pour faire
déborder le vase qui contient encore le
budget des cuHes, sous l'ombre tuté-
laire du Concordat.
LE MAITRE DE LA MAISON. — D'autres re-
commandent à tous les « jeune Eglise »
de se mêler aux sociétés de gymnas-
tique, de musique, de pompiers, de tou-
ristes, d'antialcoohsme, de tout ce qu'il
vous plaira.
L'ÉVÈQUE TOLÉRANT. — En agissant de
la sorte, ils ne font que se conformer
aux prescriptions de la célèbre Ency-
clique de Léon XIII sur la condition des
ouvriers et à celles de l'Encyclique du
S septembre 1899.
LE PHILOSOPHE. — Encycliques, mon
cher Tolérant, inspirées à Léon XIII
par une excellente pensée, mais qui
est venue au monde, du moins en ce
qui concerne la France, un siècle trop
tard. Ce n'est pas quand les ouvriers et,
en général, tous les déshérités de la for-
tune sont parvenus à rendre, d'eux-
mêmes, leur situation sociale meilleure,
qu'ils peuvent être reconnaissants à
l'Eglise d'un concours dont ils ne
voient plus la nécessité.
LE MAITRE DE LA MAISON. — Aussi les
tentatives faites par les curés et leurs
vicaires pour pénétrer dans les sociétés
diverses dont les communes sont le
siège, n'ont-elles que fort peu réussi.
Beaucoup de sociétés de gymnastique,
par exemple, font célébrer une messe le
jour de leur fête annuelle, par respect
des vieilles traditions corporatives,
mais celles-là même n'accordent au-
cune influence au curé sur leur con-
duite.
Beaucoup d'excès de zèle sont, d'ail-
leurs, commis par des curés et des vi-
caires animés des meilleures intentions,
mais qui n'ont pas la prudence néces-
saire, et ces excès mettent obstacle à la
pénétration de leur autorité dans les
sociétés avec lesquelles ils sont en con-
tact.
LE PHILOSOPHE. — Au congrès de
Bourgers, un « jeune Eglise » audacieux
raconta qu'il avait, dans sa commune,
provoque la formation d'une coopéra-
tive de boulangerie. Il avait obtenu un
abaissement du prix du pain et se con-
sidérait, non sans quelque justesse,
comme le bienfaiteur de ses paroissiens,
mais il ne dissimulait pas qu'il était
entouré de haines et d'ennemis et lais-
sait entendre qu'il serait obligé de re-
insisté sur la nécessité de lutter, par le
moyen de la presse, contre les ennemis
de la religion et de faire par elle une
propagande active parmi les indifférents.
Les plus sages voudraient que les Bul-
letins paroissiaux et les journaux orga-
nisés par le clergé se tinssent en dehors
de la politique ou même se montras-
sent sympathiques aux institutions ré-
publicaines, et qu'on y trouvât surtout
des conseils pratiques pour les travaux
et la conduite de la vie ; mais ceux-là
seraient vite débordés par les passions
des violents.
LE PHILOSOPHE. — On ne sait que trop
à quelles extrémités se laissent entrainer
tous les journaux religieux. Comment
pourraient-ils être modérés, quand les
sentiments qui animent leurs rédacteurs
sont les plus ardents qu'un homme
puisse éprouver ? Croyez-moi, mon
cher Tolérant, tout cela, si ça pouvait
réussir, ferait à votre Eglise plus de
mal que de bien.
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — S'il en est ainsi,
que doivent, à votre avis, faire nos
amis pour atteindre le but qu'ils se sont
assigné et qui est, vous le savez, la
pacification des esprits par une reli-
gion dont l'amour serait le principe
essentiel, ainsi que Jésus l'enseignait
à ses disciples.
LE PHILOSOPHE. — Dire leur messe
sans bruit, lire leur bréviaire sans
fracas, ne point demander à Rome
des conseils pour leur conduite, ai-
mer leurs paroissiens au point de res-
pecter leurs idées, voire même leur
incroyance, et cultiver en paix leur
jardin. Peut-être regagneront-ils ainsi
quelque peu de la confiance qu'un zèle
excessif leur a fait perdre, qu'une per-
sistance dans ce zèle transformerait
bientôt en une générale et irréductible
hostilité.
L'ÉVÈQUE TOLÉRANT. - Si vous voyez
juste et dites vrai, c'est , que l'avenir
de notre sainte religion serait bien
compromis.
LE PHILOSOPHE. - Peut-être,
J.-L. de Lanessan.
ELECTIONS LÉGISLATIVES DU 15 FÉVRIER
Charente-Inférieure
Arrondissement de ilarenncs
Inscrits : 17.337. — Votants : 12.561
Suffrages exmimés : 12.432 vcix
MM. Torchut, rép.-rad. 6.295 voix ELU
Bisseuil, nal. 3.899
Soucbard, mod.,. 2.105
Chauvet, clérical. 152
Tarn-at-Garonne
Arrondissement de Moissac
Inscrits : 16.728. - Votants: 11.209
MM. Aroa), nat. 4.309 voix
Borgougnan , min. 3.513
Dupuy, rad..--. 3.390
( Ballotlago)
————————————
ÉLECTION SÉNATORIALE DU 15 FÉVRIER
Corse
Inscrits : 784. — Votants : 717
MM. Ranc, ancien sénateur, rad. 501 ELU
Carbuccia, cons. général, rép. 216
Il s'agissait de remplacer M. Combes, président
du conseil, qui élu simultanément au renouvelle-
ment du 4 janvier dernier sénateur de la Corse et
de la Charente-inférieure, a opté pour ce dernier
département. M. Combes avait obtenu 610 voix sur
713 volants.
LETTRES ANONYMES
Ou a beaucoup parlé, ces jours-ci, de lettres
anonymes. La lecture à hauto voix, en pleine
audience do la neuvième chambre correction-
nelle, d'une épître sans signature que le prési-
dent venait do recevoir, a fourni matière à des
polémiques spirituelles el mordantes.
Il faut reconnaître que M. Puget a plutôt
une mauvaise presse. On aurait tort pourtant
d'exagérer les critiques et de les réserver sys-
tématiquement à un magistrat, alors que c'est
à un organisme tout entier que l'on devrait les
adresser.
Il est malheureusement trop vrai que la
lettre anonyme jouo au palais un rôle excessif,
non seulement dans les affaires correctionnel-
les, mais encore dans les affaires civiles. Les
dossiers des juges d'instruction en sont sou-
vent émaillé, et l'on ne saurait guère incri-
miner à co sujet le magistrat enquêteur qui
est obligé de verser au dossier tous les docu-
ments qu'il reçoit relativement au procès.
Mais le danger commence, lorsqu'au lieu de
considérer ces papiers comme des notes sans im-
portance, sur lesquelles on ne peut s'appuyer
sans les avoir au préalable vérifiées, on en fait
état aux débats comme s'il s'agissait do docu-
ments de valeur.
Sans doute les lettres anonymes ont parfois
des résultats utiles. Que de personnes, pour se
mettre à l'abri d'une vengeance possible, ont
fait arrêter des criminels, en envoyant au Par-
quet dans des dénonciatons sans signature des
renseignements relatifs au lieu de leur retraite!
Si l'on adopte la version qui paraît jusqu'à pré-
sent la plus vraisemblable, c'est grâce à une
lettre anonyme aussi que les Humbert ont été
arrêtés à Madrid.
Mais il na faudrait pas prendre l'habitude
de considérer des lettres que disqualifie l'absence
do signatures comme des pièces de quelque
valeur intrinsèque. S'agissant d'un inculpé, je
comprendrais à la rigueur qu'une lettre * ano-
nyme le concernant, reçue au cours des dé-
bats, soit lue à haute voix à l'audience, puis-
qu'il est dit quo le prévenu ne peut être con-
damné que sur des pièces dont il a eu connais-
sance. Et encore vaudrait-il mieux que le
président se bornât à donner au défenseur le
temps nécessaire pour la lire et la communi-
quer à son client.
Mais, lorsqu'un témoin est à la barre, il pa-
raît tout au moins imprudent de jeter par
avance la suspicion sur ses déclarations en fai-
sant une lecture publique d'un document sans
nom d'auteur. Le président peut suspendre
l'audience, appeler les avocats on chambre du
conseil et les mettre au courant. Dans leurs
plaidoiries, ces derniers pourront alors, s'il y a
lieu, se servir da la lettre anonyme, à laquelle
les magistrats n'accorderont que l'importance
que les circonstances mêmes de la cause leur
permettront de lui attribuer.
Toute autre manière de faire est évidemment1
regrettable. Il peut arriver à tous les citoyens
d'être appelés en témoignage dans une enceinte
de justice, il serait intolérable que l'accomplis-
sement de ce devoir civique donnât à des ca-
lomniateurs anonymes l'occasion de les désho-
norer jMbliaiifimetm ,
-", ¡
CAUSERIE PEDAGOGIQUE
LA FRANCHISE POSTALE
La correspondance administrative. -
Ordonnances anciennes et récentes.
— Une heureuse initiative. — Pour
les universitaires. — Un con-
trôle ridicule. — Les plis con-
fidentiels. - Ce qu'il faut
faire
Personne n'ignore en quoi consiste la fran-
chise postale accordéeaux fonctionnaires pour
leur correspondance administrative. C'est la
faculté pour eux de remplacer les timbres par
leur signature sur les plis qu'ils expédient.
Grâce à ce privilège, leurs frais de correspon-
dance sont réduits à la simple dépense du pa-
pier, c'est-à-dire au strict minimum.
Naturellement ce privilègo est plus ou moins
étendu, suivant le rôle et le-f attributions de
chacun d'eux. Il est réglementé par une multi-
tude d'ordonnances anciennes et récentes, qui
forment un volume aussi lourd que le Boltin
de Paris. Les unes complètent, rectifient, con-
firment ou annulonl les autres. Depuis long-
temps, le besoin de les refondre en un recueil
clair et méthodique se faisait sentir. M. Bérard
a donné enfin l'ordre d'exécuter le travail. Celte
initiative lui fait honneur.
Juste réclamation
Nous voudrions profiter de la circonstance
pour formuler une réclamation on faveur des
universitaires.
Instituteurs, professeurs, directeurs, princi-
paux et proviseurs n'ont le droit de correspondre
en franchise avec leurs supérieurs que sous
plis à bandes mobiles. Les doubles bandes sont
permises, mais superposées, non entrelacées;
leur largeur est même parcimonieusement me-
surée. Il faut que les employés des postes puis-
sent les faire glisser l'une sur l'autre pour
ouvrir les plis et s'assurer que leur contenu a
bien un caractère administratif.
Ce contrôle est ridicule, parce qu'il est illu-
soire, impossible. Un facteur et même un ins-
pecteur des postes ne sont pas qualifiés, on le
reconnaîtra, pour s'immiscer dans une corres-
pondance universitaire et en contester l'utilité
au point de vue du service. Ce contrôle est des
plus odieux,puisqu'il repose sur la suspicion de
ceux à qui l'Etat confie une fonction.
Si les employés des Postes avaient le loisir
de l'exercer, ils deviendraient d'insupportables
inquisiteurs. Chaque bureau serait un cabinet
noir. -
Il est bon, sans doute, d'observer que lors-
que la correspondance est confidentielle, et
qu'il importe de prévenir toute indiscrétion,
elle peut être mise sous enveloppe fermée avec
cette mention : « Clos par nécessité de ser-
vice ». En sorte, semble-t-il, que seuls les plis
d'un intérêt tout à fait secondaire peuvent tom-
ber sous les yeux des employés dos postes.
Mais il ne faut pas se laisser abuser par cette
remarque.
Tous les fonctionnaires ne sont pas autori-
sés à « clore » leurs lettres ou leurs rapports.
C'est précisément le cas des inspecteurs pri-
maires, des inspecteurs d'Académie, écrivant
aux membres de l'enseignement ! Un grand
nombre d'entre eux passent outra et cachet-
tant leurs plis.
Les inspecteurs et les receveurs dos postes
qui accomplissent leur tâche comme il con-
vient, avec bienveillance et avec beaucoup do
bon sons, leur accordent facilement cette tolé-
rance. Mais ce n'est, comme le dit ce dernier
mot, qu'une permission toujours révocable. On
ferme les yeux aujourd'hui, demain on peut
les ouvrir. Il suffira d'un soupçon, d'un res-
sentiment, d'un caprice, d'un rien.
Or les communications que les inspecteurs
dé l'instruction publique adressent aux insti-
tuteurs ont souvent un caractère tout à fait
personnel ol confidentiel.
Les bulletins d'inspection
Je pense en ce moment aux bulletins d'ins-
pection.
Depuis 1892, les inspecteurs primaires sont
tenus, après une visite dans une classc, d'a-
dresser à l'instituteur qu'ils ont vu à l'oeuvre
un rapport dans lequel ils résument leurs obser-
vations, leurs impressions, leurs conseils.
C'est unecopie fidèle du rapport qui va re-
joindre le dossier de l'instituteur. Ainsi se
trouvent supprimées pour ce dernier les notes
secrètes d'inspection.
Ce bulletin rend les meilleurs services. Il
introduit une entière loyauté dans les relations
entre les chefs et le porsonnel. Il n'est une
gène que pour ceux auxquels manque la force
de dire ou d'entendre la vérité, d'engager et de
supporter la discussion.
Sa valeur pédagogique est réelle.
Grâce à lui, l'instituteur est rensoigné d'une
façon précise, en quoi et pourquoi les leçons et
los exercices suivis par l'inspecteur ont paru
bons, passables, médiocres ou mauvais. Il a
par devers lui le jugemont, non d'un homme
infaillible sans doute, mais d'un homme com-
pétent. Ce bulletin renferme des avis, des di-
rections pédagogiques,en vue de provoquer une
amélioration dans l'enseignement, la discipli-
ne, la préparation de la classe. L'inspecteur
n'est pas seulement un juge, c'est un guide
qui stimule. Il parle, cola va de soi, en toute
sincérité. Il loue, approuve, encourago, criti
que ou blâme suivant les cas.
H importe donc que le texte de son bulletin
soit dérobé avec soin à tous los yeux.
Or, avec les instituteurs, l'inspecteur pri-
maire ne peut correspondre que sous bandes,
en usant de la franchise postale. Les plis sous
bandes, on le sait, sont presque des plis ou-
verts. A Paris, ils font la joie des concierges,
et, en province, celle de quelques facteurs ru-
raux, curieux,bavards et médisants.
Les instituteurs en ont le sentiment très
vif, et cortains faits justifient leurs appréhen-
sions.
Le remède
Pour mettre leur correspondance administra-
tive à l'abri dos indiscrétions, il y a un moyen
très simple : c'est de les autoriser à la mettre
sous enveloppe fermée. Le mal sera coupé dans
sa racine. Le remède ost à la portée de M.
Bérard. Le sous-secrétaire d'Etat aux postes et
télégraphes, qui est un ami de l'enseigne-
ment, n'hésitera pas à l'appliquer, si on lui en
signale la nécessité.
Sans doute, M. Chaumié a dû déjà le faire.
S'il ne l'a pas encore fait, car on ne saurait ja-
mais songer à tout, nous la prions de réparer
l'oubli. Mais nous serions bien étonnés que M.
Gasquet ait laissé échapper une occasion de
manifester sa vigilante sollicitude à l'égard du
personnel qu'il dirige.
Sous peu, nous sorons ronseignés,
ARMAND DEPPER
Les effectifs de l'armée russe
(De- noIre correspondant particulier)
Saint-Pétersbourg, 15 février.
Dans les cercles militaires, on se plaint beau.
coup des faibles effectifs des troupes d'infante-
rie., Il y a trop d'hommes soustraits au vérita-
ble service militaire. Un régiment russe compte
16 compagnies, avec 1.939 hommes. Or, sur ce
nombre, on en emploie 25 aux bureaux, 130 à
l'atelier des tailleurs, 80 à l'atelier de cordon-
nerie, 13 au service d'ordonnances montées, 60
mmim g", la imagerie,
*
aux divers attelages, 45 à différents métiers, 55
à l'orchestre, 16 au peloton des chanteurs, 74
comme clairons, 20 comme brosseurs, etc., etc.
En somme, le chiffre des hommes qui ne font
pas de service réel et restent sans instruction
militaire se monte à 909 dans chaque régi-
ment.
LES FORTIFICATIONS EN GALICIE
(De noire correspondant particulierl
Vienne, 15 février.
Le ministère de la guerre austro-hongrois a
décidé de transformer Lemberg en un vaste
camp retranché, qui sera desliué à servir d'ap-
pui à une armée opérant contre ie sud de la
Russie.
♦ - —
LES IMPOTS EN PLUS-VALUE
Les nationalistes ne parlent plus guère de
déficit. Ils ont raison de se taire, car le3 chif-
fres démontrent nnanitÓ des déductions fan-
taisistes qu'ils avaient tirées do statistiques in-
complètes.
Voyez ce document :
Le chiffre total du rendement des impôts indi-
rects et monopoles de l'Etat pour le mois de jan-
vier 1903 s'élève à la somme de 243 582.100 fr., ac-
cusant ainsi une plus-value do 4.848.800 fr. par
rapport aux évaluations budgétaires et une aug-
mentation de 6.237.800 fr. par rapport à la période
correspondante de l'année précédente.
Par rapport aux évaluations budgétaires il y a
plus-value sur l'enregistrement 6.03S.500 ; le tim-
bre 318.500 ; l'impôt sur les opérations de bourse,
119.500; les contributions indirectes, 2.394.000;
les contributions indirectes (monopoles) 490.000;
les postes, 2.465.800 ; et moins-value sur l'impôt
de 4 0[0 sur les valeurs mobilières, 201.500; les
douanes, 3.671.000; les sels 194.000 ; les sucres,
2.715.000 ; les télégraphes, 16.200; les téléphones,
196.800.
Par rapport au mois de janvier 1902, il y a plus-
value sur : l'enregistrement, 7,430,500 fr. ; le tim-
bre, 5,500 ; l'impôt sur les opérations de bourse
96,500; les contributions indirectes (monopoles);
596,000 ; les postes, 491,900 ; les téléphoues,64,300 ;
et moins-value sur l'impôt de 4 0[0 sur les valeurs
mobilières 62,500; les douanes, 60,000; les sels,
191,000, les sucres, 2,642,000, et les télégraphes,
224.400 ; les contributions indirectes,733.000.
Ces renseignements si rassurants portent le
dernier coup aux espérances des nationalistes :
puisque ceux-ci n'aspirent, de leur propre aveu,
qu'à la ruine du pays.
A la Chambre, quand parle M. Rouvier, il
faut voir les réactionnaires guetter un mot qui
ressemblerait à l'aveu d'une déchéance écono-
mique et financière de l'Etat.
Pendant la discussion sur lo privilège des
bouilleurs de cru, M. Rouvier dit l'autre
jour:
— En arrivant au ministère, j'ai trouvé le
Trésor dans une situation un peu gênée.
Des hurlements do joie se tirent entendre à
droite.
— Mais, reprit M. Ronvier, vous ne me com-
prenez pas: Je parle de la Trésorerie.
Lee réactionnaires n'arriveront pas à don-
ner le change sur la situation financière vérita-
ble de la France.
Une augmentation da plus do six millions
rolalivement au mois de janvier de l'année der-
nière dépasse les vues les plus optimistes.
Quant aux moias-values particulières, qui
ne retirent rien au résultat d'ensemble qu'on
connaît, elles n'engagent nullement l'avenir.
Si les douanes n'ont pas donné ce qu'on en
attendait, la cause en est aujourd'hui connue :
le ministre des finances citait récemment les
adoucissements accordés à notre régime de
protection en faveur de certains produits. La
diminution des importations, qui est un bien,
contribue à expliquer la diminution. Quant à
l'autre grosse moins-valuo sur les sucres, on
n'en peut tirer aucune leçon, puisque, par
suite de la signature do la convention de
Bruxelles, la vente et la consommation du
sucre vont être soumises à dos lois entièrement
nouvelles. — H. D.
Voir à la 3° page
les IDernièr-es Dépêches
de la nuit et
la Revue des Journaux
cl vi xxi a tin
LE COMMERCE DES IDOLES
(De notre correspondant particulierI
New-York, 15 février.
Un notable Coréen, nommé Kroscbnkyne, est
arrivé à Tacoma. Il a la mission de conclure
avec plusieurs maisons do New-York et de Phi
ladolpbie des traités pour la fourniture des
idoles destinées aux fidèles de Confucius dans
toute la Corée et toute la Chine.
LES JESUITES EN ALLEMAGNE
(Da notre correspondant particulierI
Berlin, 15 février.
Le bruit court dans les couloirs du Reichslag
que le conseil fédéral a voté la proposition du
chancelier M. do Bülow de rapporter la loi
contre les jésuites. En guise do compensation,
le pape nommera prochainement cardinaux
trois Allemands: l'évêquo Korum. de Trêves,
l'archevêque Slabiewski et M. Keppler.
EN TURQUIE
La question macédonienne
Constanlinople, 15 février.
(SOUfCe anglaise).
Lo projet de réformos austro-russe sera pro-
bablement présenté aujourd'hui à la Porte
Voici quello est la situation exacte : En ce
qui concerne les préparatifs militaires en Tur-
quie, à l'exception des quatorze bataillons de
rédifs appartenant au 3e corps d'armée, qui ré-
pondent en ce moment à l'ordre d'appel qui
les a touchés, aucun ordre d'appel n'a été
lancé à l'égard des 2* et 3e corps d'armée, bien
que le plan de mobilisation de ces deux corps
d'armée soit complètement élaboré, et qu'on-
ait déjà pris certaines meÕllres préliminaires
relatives à l'emploi des moyens de transport
que pourrait nécessiter leur convocation.
Il est bon d'ajouter, cependant, que les au-
torités de Smyrne s'occupent de la convocation
des rédifs, mais il est.possible qu'il s'agisse de
l'envoi de troupes dans l'Yémen-
On affirme dans les cercles officiels que la
Porto a reçu des puissances l'assurance des in-
tentions pacifiques de la Bulgarie, ce qui l'a
beaucoup tranquilisée.
Constantinople, vid Sofia, 15 février
Des nouvelles de Smyrne annoncent la con-
vocation des rédifs du deuxième et du troi-
sième corps. Le conseil supérieur militaire a
élaboré un plan de mobilisation, et probable-
ment le maréchal Edhem pacha, vice-prési-
dent de ce conseil, ancien généralissime dans
la guerre turco grecque, aura lo commande-
ment en chef de T'afmôô de Macédoine.
La Porte a donné l'ordre formel d'évacuer
les deux points encore occupés dans le biIÑer-.
land d'Aden.
On a découvert au bureau de télégraphe de
Péra des fraudes sur le nombre de mots; ces
fraudes accumulées atteindraient treize mille
livres. On aurait découvert aussi la livraison
de dépêches chiffrées du gouvernement & une
JIiU..-_-
CONTRE
LE SULTAN ROUGE
Pour les Arméniens et les Macédoniens
Au Chàteau-d'Eau. - Imposante ma'
nifestation. — Les orateurs. — Ova-
tions enthousiastes. — Les dis-
cours. — Nécessité d'un contrôle
permanent sur le gouverne-
ment turc. — L'ordre du jour
acclamé.
Le théâtre du Château-d'Eau a frémi, hici
après-midi, deséchos d'une des plus grandioses
et des plus belles manifestations auxquelles il
nous ait été donné d'assister depuis longtemps.
Une foule énorme so pressait dans la vaste
salle, trop petite pour accueillir los retarda-
taires. Le service d'ordre était sévère, les mem-
bres de la presse et les porteurs de cartes roses
entraient par les coulisses, quai do Valmy.
Il s'agissait de faire, avec le plus d'éclat pos-
sible, uno protestation solennelle contre les
barbaries qui depuis si longtemps désolent
l'Arménie ot actuellement la Macédoine, et
contre l'alrocité do plus en plus éhonléedu
sultan rouge. M. d'Estournolles de Constant,
député, le diplomate bien connu et si souvent
député, à la Chambre, présidait. Parmi les
applaudi à la Chambre, présidait. Parmi les
notabilités qui se tenaient sur l'estrade, citons
un peu au hasard, car tous ceux qui cherchent
la liberté et l'indépendance et veulent la sauve-
garde des droits de l'homme étaient là, citons :
MM. Denys Cochin, do Presscnsé, Jaurès, Paul
Lcroy-Bcaulieu,Lerolle,ornteurs inscrits; Vaughan,
Guioyssc; Pierre Quillard. lo poète et le généreux
défenseur des Arméniens; Lhermitle,Messiwy.l'abbd
Gayraud, MM. Guérin, sénateur, Perrot, Aristide
Briant, Victor nérard, Dclafosse, Etienne, Gaston
Deschamps, Lamy, Lockroy, Clllmageran. Lemire,
Lavisse, Rouanot, Sembat, Sénart, Vandal, Paris.
Vazeille, Deloncle, Ferdinand Buissou, Simyan,
Anatole France, Bréal, Georges Picot, Villette,
Tarde, Violet, Séaitles, Seignobos, Deschanel,
Hérold, d'Aunay, Croiset, Aynard, Flandin, Poin-
caré, Georges Leygues, Henri Michel, La Batut,
Grosjean, Piot, Menier, d'AIsaee liénin, Clémen-
ceau, le représentant de l'Association des étudiauts
de Paris et Mme Séverine.
Le public très vibrant d'une impatience bien
naturelle, a acclamé vigoureusement Jaurès et
de Pressansé, en particulier. Des chants de l'ln..
ternationale se faisaient entendre, ainsi qui
des airs enthousiastes et des apostrophes à
Abdul-Hamid.
Discours de M. d'Estournelles
de Constant
M. d'Estournelles de Constant ouvre la
séance au milieu d'applaudissements fréné-
tiques. Voici en substance ce que dit l'honora-
ble député,avec une chaleur et une émotion
très prenautes:
Le sultan ne peut plus espérer pour longtemps
l'impunité. Il ne peut acheter les consciences da
tous, ni nous donner plus longtemps co spectacle :
la civilisation alliée à la barbarie. Nous ne sommes
plus au moyen-âge; nous ne pouvons plus long-
temps livrer les opprimés à l'oppresseur ; ou na
peut dire qu'il y ait deux morales, l'une sévère,
pour les individus; l'autre lâche, pour les gouver-
nements. La révolte contre les assassins est né-
cessaire. Selon le mot de Gladstone « servir l'Ar-
ménie, c'est servir l'Europe 1). Défendre les oppri-
més est-il passé de mode? Les Livres ja.unes, les
documents publiés par MM. Paul Cambon et Del-
cassé montrent l'urgence do provoquer une manie,
festation qui ait un retentissement énorme. M.
d'Estournelles de Constant est fier do présider une
manifestation essentiellement humaine et fran*
caise.
Il faut défendre les opprimés, tous les opprimés
quels qu'ils soient, chrétiens, musulmans, juifs.
Aujourd'hui il ne s'agit pas d'une réunion politi-
que : tous les hommes présents, d'opinions diffé-
rentes ou même contraires, se réunissent pour
dire, au nom de tous les partis sans distinction :
il faut défendre tous les opprimés ! (Applaudissa.
ments enthousiastes).
On a fait diverses objections au mouvement en
faveur des Arméniens : t' On dit que c'est une
utopie, que les défenseurs des victimes des Turcs
ne sont que des rêveurs, des agitateurs, des phi-
lanthropes. Non, nous sommes des hommes très
positifs et c'est aussi bien au nom de l'intérêt gé-
néral que nous parlons, qu'au nom de là justice
idéale. Il s'agit de la paix du monde et des inté-
rêts des gouvernements ; 2* on dit que ces efforts
mêmes, favorisant les révoltes des Arméniens, les
exposent aux représailles les plus atroces et leur
nuisent par là plus qu'elles ne tour profitent. C'est
ce que dit M. Balfour. Non, nous no voulons
qu'une chose : la révolte des consciences européen.
nos devant la plus monstrueuse des barbaries.
M. d'Estournelles do Constant énumère en-
suite les noms des orateurs qui vont prendre
la parole et se rassied, dans un concert d'ac-
clamations vibrantes.
M. Denys Cochin
C'est au tour de M. Denys Cochin :
Après avoir vu, dit il, l'Europe coalisée contre
les Arméniens, il faut la voir coalisée contre l'égor.
gour d'Yildiz-Kiosk. C'est le rôle de la France de •
défendre les opprimés. Quand nous lisons le récit
d'atrocités commises par les Tamerlan, Gengis-
Khan et autres massacreurs ; quand nous voyons
des villes entières passées au fil de l'épée, des as-
sassins marchant par troupes, ne sommes-nous pas
révoltés d'horreur ? Combien pourtant n'est-il pas
plus épouvantable de voir ces horreurs se renou.
veler de nos jours, dans une ville moderne, dans
une ville semblable aux nôtres ? à côté des mer-
veilles de l'industrie qui contrastent violemment
avec la sauvagerie des hommes?
M. Cochin rapporte une foule de faits atro-
ces, plus ou moins connus, parle de Mme Car-
lieretdu refuge unique quo trouvaient les
Arméniens au consulat de France. II rappelle
le magnifique mouvement suscité par Victor
II ugo, lord Byron, etc., lors de la guerre de
l'indépendance grecque. Il parle également des
malheurs de la Crèle, de la conspiration du
silence, de l'Europe envoyant sesflottes pour
faire le « blocus pacifique » de l'île, tandis que
les Turcs massacrent. « J'ai l'ordre, disait un
colonel turc à un Européen, on tirant sa mon-
tre, de laisser massacrer encore pendant deux
heures. »
Il faut que ce scandale ne puisse se renouveler.
La question d'Orient n'est peut-être plus si aiguê ,
l'expansion coloniale a diminué les convoitises
concentrées sur Constautinople ; d'autre part les
expériences faites sont instructives. Il faut qu'en-
fin soit sauvegardée la personne humaine.
M. de Presseneô
C'est M. Francis do Pressensé qui se lève en-
suite pour prèndre la parole. Il fait une vraie
conférence bourrée de faits.si documentée et si
serrée qu'elle est souvent difficile à suivre.
Ce qui est le plus affreux, dit-il, c'est que nous
ne sommes pas en présence d'émeutes ou de désor-
dres, mais de l'anarchie organisée et du massacre
officiel, réglementé.
L'orateur fait alors un historique très com-
plet et très impressionnant de la question. Il
rappelle lo traité do San-Slefano el le congrès
do Berlin, cite des monceaux de lettres, qu'il
pourrait lire, et qui sont un dossier terrible.
Toute une peuplade arménienne de laboureurs
s'enfuit en un exode éperdu ; elle est renvoyée
de partout, de Russie, notammont, ei doit re-
venir sous les mains de ses bourreaux.
M.de Pressonsé étudie au point de vue etbQQ.
grap::aules- poupes opprimés, montrant is*
cruauté et ÎS d89 Albanais des monta-
gnes, qui pressurent les agriculteurs, leur enle-
vant leurs femmes et leurs filles. L'insurrection
est lOute naturelle. *
Si l'on ne fait rien, dit-Il, nous verrons au prtéf
temps une épouvantable révolte en Macédoine.
tfous verrons 30 ceaQUYClor le uMiijro de h ÿrp
J:.:;e NomêroT NTIME9
LE XIX' SIECLE
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JCJRNAL
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Téiégraphi que: XIX' SIÈCLE — PARIS
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29 PLUVIOSE AN 111
ADMINISTRATION ; 14, rue du Alail
Adresser Icllres el mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
les erreurs des
« Jn Eglise »
La censure dont le livre de l'abbé
Loisy a été l'objet de la part de l'ar-
chevêque de Paris et devant laquelle il
s'est incline docilement fut, ce matin, le
point de départ d'une conversation où
'les « jeune Eglise » pourraient, s'ils
se donnent la peine de la lire, trouver
l'Objet de quelques utiles méditations.
Le député blâmait vivement la sou-
mission de l'abbé Loisy ; l'évêque Tolé-
rant lui donnait son entière approba-
tion, à cause du scandale qui serait
sorti de la résistance du prêtre, et du
fmal que ce scandale aurait pu faire à
l'Eglise.
LE PHILOSOPHE. — J'apprécie vos rai-
sons, mon cher Tolérant, mais je ne
saurais m incliner devant elles, même
ien me plaçant, comme vous, au point
de vue de l'intérêt de votre Eglise. Que
désirent vos amis? Qu'a voulu l'abbé
Loisy, en écrivant son livre? Montrer
aux profanes, à ceux qui trouvent le
catholicisme trop rétrograde et trop en-
fantin pour notre époque de science,
Tju'il y avait parmi ses représentants
des hommes éclairés et clairvoyants, des
savants a là hauteur de ceux qui illus-
trent le protestantisme, des esprits ou-
verts à tous les progrès et, enfin, des
catholiques résolus à rompre avec de
prétendues révélations qui font hausser
lesépaules à tous les gens raisonnables ?
.N'est-ce-point cela que veulent les
« jeune Eglise » ?
L'ÉVÈQUE TOXÉRANT. — Sans doute,
mais ils se révoltent à la seule idée qu'on
les croit capables de souhaiter la pro-
duction d'un schisme entre eux et les
représentants des doctrines tradition-
nelles du catholicisme. Ils voudraient
imiter les pasteurs protestants d'Alle-
magne qui, pour gagner les sympathies
des sceptiques ou des incroyants, évi-
tent de leur parler des dogmes et se
contentent de leur faire du bien, de leur
donner de bons conseils pour la con-
duite de la vie, de les aider dans leurs
souffrances morales ou leurs misères
matérielles. Nos amis ont constaté les
bons effets de cette méthode et ils vou-
draient en faire l'application chez
nous.
LE MAITRE DE LA maisori. - Les résultats
qu'elle a donnés sont tels, en effet, que
d'après l'aveu de la Revue catholique,
rappelé au congrès de Bourges par l'ab-
bé Lorain, plus d'un million de catho-
liques allemands seraient passés au
protestantisme pendant le cours du dix-
neuvième siècle,
L'abbé Lorain citait encore ce mot
d'un autre journal religieux : « Nous
allons lentement et sûrement au pro-
testantisme, si nous ne montrons au-
tant de zèle que les protestants dans
leur mission intérieure » Et il ajoutait:
« Ceux-ci attribuent ces succès à leur
méthode. Ils disent que ce fut celle de
Vincent de Paul et que l'Eglise catholi-
que en a perdu le secret. C'est qu'en
effet le meilleur prosélytisme consiste à
rendre service à ceux qu'on veut rame-
ner à Dieu. »
LE PHILOSOPHE. - D faudrait ajouter:
« A la condition que ceux à qui vous
faites du bien ne puissent pas soupçon-
ner qu'on le leur fait dans un but de
prosélytisme. » C'est cette condition que
vos amis les meilleurs et les plus in-
telligents paraissent ignorer, mon cher
Tolérant.
LE MAITRE DE LA MAISON. — Cette igno-
rance perce, en effet, dans tout ce qu'ils
disent et dans tout ce qu'ils font. Ils
comparent volontiers l'action exercée
par le clergé dans les premiers siècles
du christianisme avec celle, si réduite,
qu'il exerce aujourd'hui, et ils pensent
qu'il suffirait à l'Eglise de revenir à ses
procédés primitifs de propagande pour
retrouver ses antiques succès. Cette er-
reur les perdra.
LE PHILOSOPHE.— Les apôtres avaient
beau jeu quand ils prêchaient l'égalité
sociale parmi des gens qu'opprimait
l'esclavage ; ils étaient écoutés bien
volontiers quand ils promettaient des
joies infinies après la mort, à des hom-
mes qui avaient Tabsolue certitude
d'être toujours et quoiqu'ils fassent,
malheureux pendant leur vie. Quel effet
peuvent produire aujourd'hui cette même
prédication el ces mêmes promesses
sur des populations qui ont elles-mê-
mes conquis, .- avec leur sang, l'égalité
sociale vainement attendue de l'Eglise
pendant dix-huit siècles et qui savent
qu'avec l'instruction, le travail et la
bonne conduite, chacun peut espérer
améliorer sa situation et être heu-
reux sur cette terre, sans avoir à se
soucier de ce qu'il lui pourra survenir
dans l'autre?
, Quelsrésultatsune Eglise quelconque,
jeune ou vieille, peut-elle attendre de son
prosélytisme, chez un peuple dont les
lois elles- mêmes ont séparé pour tou-
jours la morale de la religion et dont
les gouvernements compromettent leur
existence lorsqu'ils donnent prétexte à
supposer qu'ils ne sont pas entièrement
dégagés, dans leurs actes publics, au
moins, do toute préoccupation reli-
gieuse?
Lj~m~E DE Â MAïS~C~t.Da~o
qu'ils ne se rendent pas compte de cet
état d'esprit que les « jeu-ne Eglise » me
paraissent condamnées à échouer dans
l'oeuvre, très bonne d'ailleurs, qu'ils ont
entreprise. Quand ils parlent de dogmes,
on détourne la tête; quand ils exposent
leurs sentiments sociaux, on ne croit
pas à leur sincérité. Quand ils renient
leurs livres, on les renvoie dans la- so-
ciété des « vieille Eglise » dont ils se
montrent incapables de se séparer,
même par l'indépendance de la pensée.
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — VOUS êtes trop
dur pour eux, cher ami. Ils valent beau-
coup mieux que vous ne le pensez et
surtout que vous ne le dites. Ils sont, il
est vrai, contraints de compter avec la
discipline ecclésiastique; ils ne veulent
pas se séparer de la communauté catho-
lique; ils restent soumis au souverain
pontife ; mais ils veulent, vous le savez
bien, être de leur temps; ils savent que
les vieux dogmes sont peu en honneur,
et ils cherchent à les adapter aux intel-
ligences des hommes do nos jours , ils
savent aussi que jamais la lutte pour la
vie ne fut aussi âpre que dans notre
siècle, et ils aspirent à aider, dans cette
lutte, les plus faibles d'entre nos conci-
toyens, ceux qui, en dépit du progrès
des mœurs et des lois, sont le plus ex-
posés à supporter les frais de la concur-
rence sociale. Ne devez-vous pas ap-
plaudir à ces pensées et à ces actes, vous
qui placez au-dessus de tout autre souci
celui du bonheur des hommes?
LE PHILOSOPHE. — AUSSI, m'avez-vous
vu, en toutes circonstances, manifester
mon estime pour les prêtres dont l'ef-
fort tend à rompre les liens qui les atta-
chent au vieux catholicisme et faire des
vœux pour qu'ils réussissent dans leurs
entreprises. En cela, je ne saurais être
soupçonné de me laisser guider par
l'intérêt de mes idées personnelles, qui
sont très différentes des leurs ; mais je
songe à la tranquillité que le pays
trouverait dans une adaptation de l'E-
glise aux besoins des sociétés moder-
nes. Malheureusement, je vois vos amis
employer des moyens qui me paraissent
peu susceptibles de les conduire au but
que je souhaiterais de leur voir at-
teindre.
LE MAÎTRE DE LA MAISON. — Leur er-
reur est de croire que pour relever le
prestige de l'Eglise parmi nos popula-
tions, il leur suffirait de pénétrer dans
la vie sociale de nos concitoyens. Les
uns proposent de transformer les pres-
bytères en écoles catholiques qui fe-
raient concurrence à celles où l'Etat
prescrit la neutralité religieuse.
LE DÉPUTÉ. - Ceux-là ne savent pas,
sans doute, que le jour où les Chambres
auraient connaissance de leurs entrepri-
ses, aucun gouvernement ne saurait se
soustraire à l'obligation de les faire
cesser. Curés contre instituteurs ! Il ne
manquerait plus que cela pour faire
déborder le vase qui contient encore le
budget des cuHes, sous l'ombre tuté-
laire du Concordat.
LE MAITRE DE LA MAISON. — D'autres re-
commandent à tous les « jeune Eglise »
de se mêler aux sociétés de gymnas-
tique, de musique, de pompiers, de tou-
ristes, d'antialcoohsme, de tout ce qu'il
vous plaira.
L'ÉVÈQUE TOLÉRANT. — En agissant de
la sorte, ils ne font que se conformer
aux prescriptions de la célèbre Ency-
clique de Léon XIII sur la condition des
ouvriers et à celles de l'Encyclique du
S septembre 1899.
LE PHILOSOPHE. — Encycliques, mon
cher Tolérant, inspirées à Léon XIII
par une excellente pensée, mais qui
est venue au monde, du moins en ce
qui concerne la France, un siècle trop
tard. Ce n'est pas quand les ouvriers et,
en général, tous les déshérités de la for-
tune sont parvenus à rendre, d'eux-
mêmes, leur situation sociale meilleure,
qu'ils peuvent être reconnaissants à
l'Eglise d'un concours dont ils ne
voient plus la nécessité.
LE MAITRE DE LA MAISON. — Aussi les
tentatives faites par les curés et leurs
vicaires pour pénétrer dans les sociétés
diverses dont les communes sont le
siège, n'ont-elles que fort peu réussi.
Beaucoup de sociétés de gymnastique,
par exemple, font célébrer une messe le
jour de leur fête annuelle, par respect
des vieilles traditions corporatives,
mais celles-là même n'accordent au-
cune influence au curé sur leur con-
duite.
Beaucoup d'excès de zèle sont, d'ail-
leurs, commis par des curés et des vi-
caires animés des meilleures intentions,
mais qui n'ont pas la prudence néces-
saire, et ces excès mettent obstacle à la
pénétration de leur autorité dans les
sociétés avec lesquelles ils sont en con-
tact.
LE PHILOSOPHE. — Au congrès de
Bourgers, un « jeune Eglise » audacieux
raconta qu'il avait, dans sa commune,
provoque la formation d'une coopéra-
tive de boulangerie. Il avait obtenu un
abaissement du prix du pain et se con-
sidérait, non sans quelque justesse,
comme le bienfaiteur de ses paroissiens,
mais il ne dissimulait pas qu'il était
entouré de haines et d'ennemis et lais-
sait entendre qu'il serait obligé de re-
insisté sur la nécessité de lutter, par le
moyen de la presse, contre les ennemis
de la religion et de faire par elle une
propagande active parmi les indifférents.
Les plus sages voudraient que les Bul-
letins paroissiaux et les journaux orga-
nisés par le clergé se tinssent en dehors
de la politique ou même se montras-
sent sympathiques aux institutions ré-
publicaines, et qu'on y trouvât surtout
des conseils pratiques pour les travaux
et la conduite de la vie ; mais ceux-là
seraient vite débordés par les passions
des violents.
LE PHILOSOPHE. — On ne sait que trop
à quelles extrémités se laissent entrainer
tous les journaux religieux. Comment
pourraient-ils être modérés, quand les
sentiments qui animent leurs rédacteurs
sont les plus ardents qu'un homme
puisse éprouver ? Croyez-moi, mon
cher Tolérant, tout cela, si ça pouvait
réussir, ferait à votre Eglise plus de
mal que de bien.
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — S'il en est ainsi,
que doivent, à votre avis, faire nos
amis pour atteindre le but qu'ils se sont
assigné et qui est, vous le savez, la
pacification des esprits par une reli-
gion dont l'amour serait le principe
essentiel, ainsi que Jésus l'enseignait
à ses disciples.
LE PHILOSOPHE. — Dire leur messe
sans bruit, lire leur bréviaire sans
fracas, ne point demander à Rome
des conseils pour leur conduite, ai-
mer leurs paroissiens au point de res-
pecter leurs idées, voire même leur
incroyance, et cultiver en paix leur
jardin. Peut-être regagneront-ils ainsi
quelque peu de la confiance qu'un zèle
excessif leur a fait perdre, qu'une per-
sistance dans ce zèle transformerait
bientôt en une générale et irréductible
hostilité.
L'ÉVÈQUE TOLÉRANT. - Si vous voyez
juste et dites vrai, c'est , que l'avenir
de notre sainte religion serait bien
compromis.
LE PHILOSOPHE. - Peut-être,
J.-L. de Lanessan.
ELECTIONS LÉGISLATIVES DU 15 FÉVRIER
Charente-Inférieure
Arrondissement de ilarenncs
Inscrits : 17.337. — Votants : 12.561
Suffrages exmimés : 12.432 vcix
MM. Torchut, rép.-rad. 6.295 voix ELU
Bisseuil, nal. 3.899
Soucbard, mod.,. 2.105
Chauvet, clérical. 152
Tarn-at-Garonne
Arrondissement de Moissac
Inscrits : 16.728. - Votants: 11.209
MM. Aroa), nat. 4.309 voix
Borgougnan , min. 3.513
Dupuy, rad..--. 3.390
( Ballotlago)
————————————
ÉLECTION SÉNATORIALE DU 15 FÉVRIER
Corse
Inscrits : 784. — Votants : 717
MM. Ranc, ancien sénateur, rad. 501 ELU
Carbuccia, cons. général, rép. 216
Il s'agissait de remplacer M. Combes, président
du conseil, qui élu simultanément au renouvelle-
ment du 4 janvier dernier sénateur de la Corse et
de la Charente-inférieure, a opté pour ce dernier
département. M. Combes avait obtenu 610 voix sur
713 volants.
LETTRES ANONYMES
Ou a beaucoup parlé, ces jours-ci, de lettres
anonymes. La lecture à hauto voix, en pleine
audience do la neuvième chambre correction-
nelle, d'une épître sans signature que le prési-
dent venait do recevoir, a fourni matière à des
polémiques spirituelles el mordantes.
Il faut reconnaître que M. Puget a plutôt
une mauvaise presse. On aurait tort pourtant
d'exagérer les critiques et de les réserver sys-
tématiquement à un magistrat, alors que c'est
à un organisme tout entier que l'on devrait les
adresser.
Il est malheureusement trop vrai que la
lettre anonyme jouo au palais un rôle excessif,
non seulement dans les affaires correctionnel-
les, mais encore dans les affaires civiles. Les
dossiers des juges d'instruction en sont sou-
vent émaillé, et l'on ne saurait guère incri-
miner à co sujet le magistrat enquêteur qui
est obligé de verser au dossier tous les docu-
ments qu'il reçoit relativement au procès.
Mais le danger commence, lorsqu'au lieu de
considérer ces papiers comme des notes sans im-
portance, sur lesquelles on ne peut s'appuyer
sans les avoir au préalable vérifiées, on en fait
état aux débats comme s'il s'agissait do docu-
ments de valeur.
Sans doute les lettres anonymes ont parfois
des résultats utiles. Que de personnes, pour se
mettre à l'abri d'une vengeance possible, ont
fait arrêter des criminels, en envoyant au Par-
quet dans des dénonciatons sans signature des
renseignements relatifs au lieu de leur retraite!
Si l'on adopte la version qui paraît jusqu'à pré-
sent la plus vraisemblable, c'est grâce à une
lettre anonyme aussi que les Humbert ont été
arrêtés à Madrid.
Mais il na faudrait pas prendre l'habitude
de considérer des lettres que disqualifie l'absence
do signatures comme des pièces de quelque
valeur intrinsèque. S'agissant d'un inculpé, je
comprendrais à la rigueur qu'une lettre * ano-
nyme le concernant, reçue au cours des dé-
bats, soit lue à haute voix à l'audience, puis-
qu'il est dit quo le prévenu ne peut être con-
damné que sur des pièces dont il a eu connais-
sance. Et encore vaudrait-il mieux que le
président se bornât à donner au défenseur le
temps nécessaire pour la lire et la communi-
quer à son client.
Mais, lorsqu'un témoin est à la barre, il pa-
raît tout au moins imprudent de jeter par
avance la suspicion sur ses déclarations en fai-
sant une lecture publique d'un document sans
nom d'auteur. Le président peut suspendre
l'audience, appeler les avocats on chambre du
conseil et les mettre au courant. Dans leurs
plaidoiries, ces derniers pourront alors, s'il y a
lieu, se servir da la lettre anonyme, à laquelle
les magistrats n'accorderont que l'importance
que les circonstances mêmes de la cause leur
permettront de lui attribuer.
Toute autre manière de faire est évidemment1
regrettable. Il peut arriver à tous les citoyens
d'être appelés en témoignage dans une enceinte
de justice, il serait intolérable que l'accomplis-
sement de ce devoir civique donnât à des ca-
lomniateurs anonymes l'occasion de les désho-
norer jMbliaiifimetm ,
-", ¡
CAUSERIE PEDAGOGIQUE
LA FRANCHISE POSTALE
La correspondance administrative. -
Ordonnances anciennes et récentes.
— Une heureuse initiative. — Pour
les universitaires. — Un con-
trôle ridicule. — Les plis con-
fidentiels. - Ce qu'il faut
faire
Personne n'ignore en quoi consiste la fran-
chise postale accordéeaux fonctionnaires pour
leur correspondance administrative. C'est la
faculté pour eux de remplacer les timbres par
leur signature sur les plis qu'ils expédient.
Grâce à ce privilège, leurs frais de correspon-
dance sont réduits à la simple dépense du pa-
pier, c'est-à-dire au strict minimum.
Naturellement ce privilègo est plus ou moins
étendu, suivant le rôle et le-f attributions de
chacun d'eux. Il est réglementé par une multi-
tude d'ordonnances anciennes et récentes, qui
forment un volume aussi lourd que le Boltin
de Paris. Les unes complètent, rectifient, con-
firment ou annulonl les autres. Depuis long-
temps, le besoin de les refondre en un recueil
clair et méthodique se faisait sentir. M. Bérard
a donné enfin l'ordre d'exécuter le travail. Celte
initiative lui fait honneur.
Juste réclamation
Nous voudrions profiter de la circonstance
pour formuler une réclamation on faveur des
universitaires.
Instituteurs, professeurs, directeurs, princi-
paux et proviseurs n'ont le droit de correspondre
en franchise avec leurs supérieurs que sous
plis à bandes mobiles. Les doubles bandes sont
permises, mais superposées, non entrelacées;
leur largeur est même parcimonieusement me-
surée. Il faut que les employés des postes puis-
sent les faire glisser l'une sur l'autre pour
ouvrir les plis et s'assurer que leur contenu a
bien un caractère administratif.
Ce contrôle est ridicule, parce qu'il est illu-
soire, impossible. Un facteur et même un ins-
pecteur des postes ne sont pas qualifiés, on le
reconnaîtra, pour s'immiscer dans une corres-
pondance universitaire et en contester l'utilité
au point de vue du service. Ce contrôle est des
plus odieux,puisqu'il repose sur la suspicion de
ceux à qui l'Etat confie une fonction.
Si les employés des Postes avaient le loisir
de l'exercer, ils deviendraient d'insupportables
inquisiteurs. Chaque bureau serait un cabinet
noir. -
Il est bon, sans doute, d'observer que lors-
que la correspondance est confidentielle, et
qu'il importe de prévenir toute indiscrétion,
elle peut être mise sous enveloppe fermée avec
cette mention : « Clos par nécessité de ser-
vice ». En sorte, semble-t-il, que seuls les plis
d'un intérêt tout à fait secondaire peuvent tom-
ber sous les yeux des employés dos postes.
Mais il ne faut pas se laisser abuser par cette
remarque.
Tous les fonctionnaires ne sont pas autori-
sés à « clore » leurs lettres ou leurs rapports.
C'est précisément le cas des inspecteurs pri-
maires, des inspecteurs d'Académie, écrivant
aux membres de l'enseignement ! Un grand
nombre d'entre eux passent outra et cachet-
tant leurs plis.
Les inspecteurs et les receveurs dos postes
qui accomplissent leur tâche comme il con-
vient, avec bienveillance et avec beaucoup do
bon sons, leur accordent facilement cette tolé-
rance. Mais ce n'est, comme le dit ce dernier
mot, qu'une permission toujours révocable. On
ferme les yeux aujourd'hui, demain on peut
les ouvrir. Il suffira d'un soupçon, d'un res-
sentiment, d'un caprice, d'un rien.
Or les communications que les inspecteurs
dé l'instruction publique adressent aux insti-
tuteurs ont souvent un caractère tout à fait
personnel ol confidentiel.
Les bulletins d'inspection
Je pense en ce moment aux bulletins d'ins-
pection.
Depuis 1892, les inspecteurs primaires sont
tenus, après une visite dans une classc, d'a-
dresser à l'instituteur qu'ils ont vu à l'oeuvre
un rapport dans lequel ils résument leurs obser-
vations, leurs impressions, leurs conseils.
C'est unecopie fidèle du rapport qui va re-
joindre le dossier de l'instituteur. Ainsi se
trouvent supprimées pour ce dernier les notes
secrètes d'inspection.
Ce bulletin rend les meilleurs services. Il
introduit une entière loyauté dans les relations
entre les chefs et le porsonnel. Il n'est une
gène que pour ceux auxquels manque la force
de dire ou d'entendre la vérité, d'engager et de
supporter la discussion.
Sa valeur pédagogique est réelle.
Grâce à lui, l'instituteur est rensoigné d'une
façon précise, en quoi et pourquoi les leçons et
los exercices suivis par l'inspecteur ont paru
bons, passables, médiocres ou mauvais. Il a
par devers lui le jugemont, non d'un homme
infaillible sans doute, mais d'un homme com-
pétent. Ce bulletin renferme des avis, des di-
rections pédagogiques,en vue de provoquer une
amélioration dans l'enseignement, la discipli-
ne, la préparation de la classe. L'inspecteur
n'est pas seulement un juge, c'est un guide
qui stimule. Il parle, cola va de soi, en toute
sincérité. Il loue, approuve, encourago, criti
que ou blâme suivant les cas.
H importe donc que le texte de son bulletin
soit dérobé avec soin à tous los yeux.
Or, avec les instituteurs, l'inspecteur pri-
maire ne peut correspondre que sous bandes,
en usant de la franchise postale. Les plis sous
bandes, on le sait, sont presque des plis ou-
verts. A Paris, ils font la joie des concierges,
et, en province, celle de quelques facteurs ru-
raux, curieux,bavards et médisants.
Les instituteurs en ont le sentiment très
vif, et cortains faits justifient leurs appréhen-
sions.
Le remède
Pour mettre leur correspondance administra-
tive à l'abri dos indiscrétions, il y a un moyen
très simple : c'est de les autoriser à la mettre
sous enveloppe fermée. Le mal sera coupé dans
sa racine. Le remède ost à la portée de M.
Bérard. Le sous-secrétaire d'Etat aux postes et
télégraphes, qui est un ami de l'enseigne-
ment, n'hésitera pas à l'appliquer, si on lui en
signale la nécessité.
Sans doute, M. Chaumié a dû déjà le faire.
S'il ne l'a pas encore fait, car on ne saurait ja-
mais songer à tout, nous la prions de réparer
l'oubli. Mais nous serions bien étonnés que M.
Gasquet ait laissé échapper une occasion de
manifester sa vigilante sollicitude à l'égard du
personnel qu'il dirige.
Sous peu, nous sorons ronseignés,
ARMAND DEPPER
Les effectifs de l'armée russe
(De- noIre correspondant particulier)
Saint-Pétersbourg, 15 février.
Dans les cercles militaires, on se plaint beau.
coup des faibles effectifs des troupes d'infante-
rie., Il y a trop d'hommes soustraits au vérita-
ble service militaire. Un régiment russe compte
16 compagnies, avec 1.939 hommes. Or, sur ce
nombre, on en emploie 25 aux bureaux, 130 à
l'atelier des tailleurs, 80 à l'atelier de cordon-
nerie, 13 au service d'ordonnances montées, 60
mmim g", la imagerie,
*
aux divers attelages, 45 à différents métiers, 55
à l'orchestre, 16 au peloton des chanteurs, 74
comme clairons, 20 comme brosseurs, etc., etc.
En somme, le chiffre des hommes qui ne font
pas de service réel et restent sans instruction
militaire se monte à 909 dans chaque régi-
ment.
LES FORTIFICATIONS EN GALICIE
(De noire correspondant particulierl
Vienne, 15 février.
Le ministère de la guerre austro-hongrois a
décidé de transformer Lemberg en un vaste
camp retranché, qui sera desliué à servir d'ap-
pui à une armée opérant contre ie sud de la
Russie.
♦ - —
LES IMPOTS EN PLUS-VALUE
Les nationalistes ne parlent plus guère de
déficit. Ils ont raison de se taire, car le3 chif-
fres démontrent nnanitÓ des déductions fan-
taisistes qu'ils avaient tirées do statistiques in-
complètes.
Voyez ce document :
Le chiffre total du rendement des impôts indi-
rects et monopoles de l'Etat pour le mois de jan-
vier 1903 s'élève à la somme de 243 582.100 fr., ac-
cusant ainsi une plus-value do 4.848.800 fr. par
rapport aux évaluations budgétaires et une aug-
mentation de 6.237.800 fr. par rapport à la période
correspondante de l'année précédente.
Par rapport aux évaluations budgétaires il y a
plus-value sur l'enregistrement 6.03S.500 ; le tim-
bre 318.500 ; l'impôt sur les opérations de bourse,
119.500; les contributions indirectes, 2.394.000;
les contributions indirectes (monopoles) 490.000;
les postes, 2.465.800 ; et moins-value sur l'impôt
de 4 0[0 sur les valeurs mobilières, 201.500; les
douanes, 3.671.000; les sels 194.000 ; les sucres,
2.715.000 ; les télégraphes, 16.200; les téléphones,
196.800.
Par rapport au mois de janvier 1902, il y a plus-
value sur : l'enregistrement, 7,430,500 fr. ; le tim-
bre, 5,500 ; l'impôt sur les opérations de bourse
96,500; les contributions indirectes (monopoles);
596,000 ; les postes, 491,900 ; les téléphoues,64,300 ;
et moins-value sur l'impôt de 4 0[0 sur les valeurs
mobilières 62,500; les douanes, 60,000; les sels,
191,000, les sucres, 2,642,000, et les télégraphes,
224.400 ; les contributions indirectes,733.000.
Ces renseignements si rassurants portent le
dernier coup aux espérances des nationalistes :
puisque ceux-ci n'aspirent, de leur propre aveu,
qu'à la ruine du pays.
A la Chambre, quand parle M. Rouvier, il
faut voir les réactionnaires guetter un mot qui
ressemblerait à l'aveu d'une déchéance écono-
mique et financière de l'Etat.
Pendant la discussion sur lo privilège des
bouilleurs de cru, M. Rouvier dit l'autre
jour:
— En arrivant au ministère, j'ai trouvé le
Trésor dans une situation un peu gênée.
Des hurlements do joie se tirent entendre à
droite.
— Mais, reprit M. Ronvier, vous ne me com-
prenez pas: Je parle de la Trésorerie.
Lee réactionnaires n'arriveront pas à don-
ner le change sur la situation financière vérita-
ble de la France.
Une augmentation da plus do six millions
rolalivement au mois de janvier de l'année der-
nière dépasse les vues les plus optimistes.
Quant aux moias-values particulières, qui
ne retirent rien au résultat d'ensemble qu'on
connaît, elles n'engagent nullement l'avenir.
Si les douanes n'ont pas donné ce qu'on en
attendait, la cause en est aujourd'hui connue :
le ministre des finances citait récemment les
adoucissements accordés à notre régime de
protection en faveur de certains produits. La
diminution des importations, qui est un bien,
contribue à expliquer la diminution. Quant à
l'autre grosse moins-valuo sur les sucres, on
n'en peut tirer aucune leçon, puisque, par
suite de la signature do la convention de
Bruxelles, la vente et la consommation du
sucre vont être soumises à dos lois entièrement
nouvelles. — H. D.
Voir à la 3° page
les IDernièr-es Dépêches
de la nuit et
la Revue des Journaux
cl vi xxi a tin
LE COMMERCE DES IDOLES
(De notre correspondant particulierI
New-York, 15 février.
Un notable Coréen, nommé Kroscbnkyne, est
arrivé à Tacoma. Il a la mission de conclure
avec plusieurs maisons do New-York et de Phi
ladolpbie des traités pour la fourniture des
idoles destinées aux fidèles de Confucius dans
toute la Corée et toute la Chine.
LES JESUITES EN ALLEMAGNE
(Da notre correspondant particulierI
Berlin, 15 février.
Le bruit court dans les couloirs du Reichslag
que le conseil fédéral a voté la proposition du
chancelier M. do Bülow de rapporter la loi
contre les jésuites. En guise do compensation,
le pape nommera prochainement cardinaux
trois Allemands: l'évêquo Korum. de Trêves,
l'archevêque Slabiewski et M. Keppler.
EN TURQUIE
La question macédonienne
Constanlinople, 15 février.
(SOUfCe anglaise).
Lo projet de réformos austro-russe sera pro-
bablement présenté aujourd'hui à la Porte
Voici quello est la situation exacte : En ce
qui concerne les préparatifs militaires en Tur-
quie, à l'exception des quatorze bataillons de
rédifs appartenant au 3e corps d'armée, qui ré-
pondent en ce moment à l'ordre d'appel qui
les a touchés, aucun ordre d'appel n'a été
lancé à l'égard des 2* et 3e corps d'armée, bien
que le plan de mobilisation de ces deux corps
d'armée soit complètement élaboré, et qu'on-
ait déjà pris certaines meÕllres préliminaires
relatives à l'emploi des moyens de transport
que pourrait nécessiter leur convocation.
Il est bon d'ajouter, cependant, que les au-
torités de Smyrne s'occupent de la convocation
des rédifs, mais il est.possible qu'il s'agisse de
l'envoi de troupes dans l'Yémen-
On affirme dans les cercles officiels que la
Porto a reçu des puissances l'assurance des in-
tentions pacifiques de la Bulgarie, ce qui l'a
beaucoup tranquilisée.
Constantinople, vid Sofia, 15 février
Des nouvelles de Smyrne annoncent la con-
vocation des rédifs du deuxième et du troi-
sième corps. Le conseil supérieur militaire a
élaboré un plan de mobilisation, et probable-
ment le maréchal Edhem pacha, vice-prési-
dent de ce conseil, ancien généralissime dans
la guerre turco grecque, aura lo commande-
ment en chef de T'afmôô de Macédoine.
La Porte a donné l'ordre formel d'évacuer
les deux points encore occupés dans le biIÑer-.
land d'Aden.
On a découvert au bureau de télégraphe de
Péra des fraudes sur le nombre de mots; ces
fraudes accumulées atteindraient treize mille
livres. On aurait découvert aussi la livraison
de dépêches chiffrées du gouvernement & une
JIiU..-_-
CONTRE
LE SULTAN ROUGE
Pour les Arméniens et les Macédoniens
Au Chàteau-d'Eau. - Imposante ma'
nifestation. — Les orateurs. — Ova-
tions enthousiastes. — Les dis-
cours. — Nécessité d'un contrôle
permanent sur le gouverne-
ment turc. — L'ordre du jour
acclamé.
Le théâtre du Château-d'Eau a frémi, hici
après-midi, deséchos d'une des plus grandioses
et des plus belles manifestations auxquelles il
nous ait été donné d'assister depuis longtemps.
Une foule énorme so pressait dans la vaste
salle, trop petite pour accueillir los retarda-
taires. Le service d'ordre était sévère, les mem-
bres de la presse et les porteurs de cartes roses
entraient par les coulisses, quai do Valmy.
Il s'agissait de faire, avec le plus d'éclat pos-
sible, uno protestation solennelle contre les
barbaries qui depuis si longtemps désolent
l'Arménie ot actuellement la Macédoine, et
contre l'alrocité do plus en plus éhonléedu
sultan rouge. M. d'Estournolles de Constant,
député, le diplomate bien connu et si souvent
député, à la Chambre, présidait. Parmi les
applaudi à la Chambre, présidait. Parmi les
notabilités qui se tenaient sur l'estrade, citons
un peu au hasard, car tous ceux qui cherchent
la liberté et l'indépendance et veulent la sauve-
garde des droits de l'homme étaient là, citons :
MM. Denys Cochin, do Presscnsé, Jaurès, Paul
Lcroy-Bcaulieu,Lerolle,ornteurs inscrits; Vaughan,
Guioyssc; Pierre Quillard. lo poète et le généreux
défenseur des Arméniens; Lhermitle,Messiwy.l'abbd
Gayraud, MM. Guérin, sénateur, Perrot, Aristide
Briant, Victor nérard, Dclafosse, Etienne, Gaston
Deschamps, Lamy, Lockroy, Clllmageran. Lemire,
Lavisse, Rouanot, Sembat, Sénart, Vandal, Paris.
Vazeille, Deloncle, Ferdinand Buissou, Simyan,
Anatole France, Bréal, Georges Picot, Villette,
Tarde, Violet, Séaitles, Seignobos, Deschanel,
Hérold, d'Aunay, Croiset, Aynard, Flandin, Poin-
caré, Georges Leygues, Henri Michel, La Batut,
Grosjean, Piot, Menier, d'AIsaee liénin, Clémen-
ceau, le représentant de l'Association des étudiauts
de Paris et Mme Séverine.
Le public très vibrant d'une impatience bien
naturelle, a acclamé vigoureusement Jaurès et
de Pressansé, en particulier. Des chants de l'ln..
ternationale se faisaient entendre, ainsi qui
des airs enthousiastes et des apostrophes à
Abdul-Hamid.
Discours de M. d'Estournelles
de Constant
M. d'Estournelles de Constant ouvre la
séance au milieu d'applaudissements fréné-
tiques. Voici en substance ce que dit l'honora-
ble député,avec une chaleur et une émotion
très prenautes:
Le sultan ne peut plus espérer pour longtemps
l'impunité. Il ne peut acheter les consciences da
tous, ni nous donner plus longtemps co spectacle :
la civilisation alliée à la barbarie. Nous ne sommes
plus au moyen-âge; nous ne pouvons plus long-
temps livrer les opprimés à l'oppresseur ; ou na
peut dire qu'il y ait deux morales, l'une sévère,
pour les individus; l'autre lâche, pour les gouver-
nements. La révolte contre les assassins est né-
cessaire. Selon le mot de Gladstone « servir l'Ar-
ménie, c'est servir l'Europe 1). Défendre les oppri-
més est-il passé de mode? Les Livres ja.unes, les
documents publiés par MM. Paul Cambon et Del-
cassé montrent l'urgence do provoquer une manie,
festation qui ait un retentissement énorme. M.
d'Estournelles de Constant est fier do présider une
manifestation essentiellement humaine et fran*
caise.
Il faut défendre les opprimés, tous les opprimés
quels qu'ils soient, chrétiens, musulmans, juifs.
Aujourd'hui il ne s'agit pas d'une réunion politi-
que : tous les hommes présents, d'opinions diffé-
rentes ou même contraires, se réunissent pour
dire, au nom de tous les partis sans distinction :
il faut défendre tous les opprimés ! (Applaudissa.
ments enthousiastes).
On a fait diverses objections au mouvement en
faveur des Arméniens : t' On dit que c'est une
utopie, que les défenseurs des victimes des Turcs
ne sont que des rêveurs, des agitateurs, des phi-
lanthropes. Non, nous sommes des hommes très
positifs et c'est aussi bien au nom de l'intérêt gé-
néral que nous parlons, qu'au nom de là justice
idéale. Il s'agit de la paix du monde et des inté-
rêts des gouvernements ; 2* on dit que ces efforts
mêmes, favorisant les révoltes des Arméniens, les
exposent aux représailles les plus atroces et leur
nuisent par là plus qu'elles ne tour profitent. C'est
ce que dit M. Balfour. Non, nous no voulons
qu'une chose : la révolte des consciences européen.
nos devant la plus monstrueuse des barbaries.
M. d'Estournelles do Constant énumère en-
suite les noms des orateurs qui vont prendre
la parole et se rassied, dans un concert d'ac-
clamations vibrantes.
M. Denys Cochin
C'est au tour de M. Denys Cochin :
Après avoir vu, dit il, l'Europe coalisée contre
les Arméniens, il faut la voir coalisée contre l'égor.
gour d'Yildiz-Kiosk. C'est le rôle de la France de •
défendre les opprimés. Quand nous lisons le récit
d'atrocités commises par les Tamerlan, Gengis-
Khan et autres massacreurs ; quand nous voyons
des villes entières passées au fil de l'épée, des as-
sassins marchant par troupes, ne sommes-nous pas
révoltés d'horreur ? Combien pourtant n'est-il pas
plus épouvantable de voir ces horreurs se renou.
veler de nos jours, dans une ville moderne, dans
une ville semblable aux nôtres ? à côté des mer-
veilles de l'industrie qui contrastent violemment
avec la sauvagerie des hommes?
M. Cochin rapporte une foule de faits atro-
ces, plus ou moins connus, parle de Mme Car-
lieretdu refuge unique quo trouvaient les
Arméniens au consulat de France. II rappelle
le magnifique mouvement suscité par Victor
II ugo, lord Byron, etc., lors de la guerre de
l'indépendance grecque. Il parle également des
malheurs de la Crèle, de la conspiration du
silence, de l'Europe envoyant sesflottes pour
faire le « blocus pacifique » de l'île, tandis que
les Turcs massacrent. « J'ai l'ordre, disait un
colonel turc à un Européen, on tirant sa mon-
tre, de laisser massacrer encore pendant deux
heures. »
Il faut que ce scandale ne puisse se renouveler.
La question d'Orient n'est peut-être plus si aiguê ,
l'expansion coloniale a diminué les convoitises
concentrées sur Constautinople ; d'autre part les
expériences faites sont instructives. Il faut qu'en-
fin soit sauvegardée la personne humaine.
M. de Presseneô
C'est M. Francis do Pressensé qui se lève en-
suite pour prèndre la parole. Il fait une vraie
conférence bourrée de faits.si documentée et si
serrée qu'elle est souvent difficile à suivre.
Ce qui est le plus affreux, dit-il, c'est que nous
ne sommes pas en présence d'émeutes ou de désor-
dres, mais de l'anarchie organisée et du massacre
officiel, réglementé.
L'orateur fait alors un historique très com-
plet et très impressionnant de la question. Il
rappelle lo traité do San-Slefano el le congrès
do Berlin, cite des monceaux de lettres, qu'il
pourrait lire, et qui sont un dossier terrible.
Toute une peuplade arménienne de laboureurs
s'enfuit en un exode éperdu ; elle est renvoyée
de partout, de Russie, notammont, ei doit re-
venir sous les mains de ses bourreaux.
M.de Pressonsé étudie au point de vue etbQQ.
grap::aules- poupes opprimés, montrant is*
cruauté et ÎS d89 Albanais des monta-
gnes, qui pressurent les agriculteurs, leur enle-
vant leurs femmes et leurs filles. L'insurrection
est lOute naturelle. *
Si l'on ne fait rien, dit-Il, nous verrons au prtéf
temps une épouvantable révolte en Macédoine.
tfous verrons 30 ceaQUYClor le uMiijro de h ÿrp
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